PRÉBENDE
PRÉBENDE
Ensemble de biens et de revenus destinés à l’entretien d’un chanoine séculier. Lorsque les clercs vivant autour de l’évêque abandonnent, à l’époque carolingienne, la vie communautaire, il faut procéder à un partage des biens de l’Église, dont les uns et les autres ont jusque-là vécu. On constitue pour l’évêque une «mense» (mensa , la table) épiscopale, et pour le chapitre, c’est-à-dire pour les clercs de la cathédrale, une mense capitulaire. La division de celle-ci entre les chanoines crée la prébende individuelle. Tout clerc de la cathédrale a sa prébende. La générosité des fidèles comblant les ordres nouvellement fondés plutôt que les vieilles églises diocésaines, les prébendes sont, en certains cas, sévèrement touchées par la dévaluation des revenus monétaires. À partir du XIIe siècle, on doit les compléter en unissant, en faveur des chanoines, des bénéfices paroissiaux et des chapellenies aux prébendes canoniales; une partie des revenus de ces bénéfices est prélevée pour former, à l’intention du desservant réel, une portion congrue, c’est-à-dire une part suffisante. À partir du XIVe siècle, la prébende est surtout un moyen de rémunération des services et des fidélités, à la disposition de tous ceux qui, canoniquement ou par abus, peuvent en disposer. Les clercs de l’entourage des princes, comme ceux de la curie romaine, cumulent, parmi des bénéfices de tout rang, des prébendes de plusieurs églises cathédrales. On attribue des prébendes à des clercs qui ne sont pas chanoines; à l’époque moderne, des laïcs en obtiennent. Il y a, en revanche, des chanoines surnuméraires, qui n’ont que le titre.
prébende [ prebɑ̃d ] n. f. ♦ Revenu fixe accordé à un ecclésiastique (dignitaire d'une cathédrale, chanoine). « Un de ces hommes dorés, armoriés, rentés, qui ont de grosses prébendes » (Hugo).
♢ Le titre qui donne droit à la prébende. Recevoir une prébende.
♢ Fig. Profit tiré d'une charge, et par ext. cette charge. Accepter une prébende. ⇒ sinécure.
● prébende nom féminin (bas latin praebenda, du latin classique praebere, offrir) Part de biens prélevée sur les revenus d'une église et attribuée à un clerc pour sa subsistance et en compensation du ministère accompli ; titre auquel est attachée une prébende. (Les prébendes disparurent en France à la Révolution.) Littéraire. Poste honorifique, sinécure lucrative, obtenus par faveur.
prébende
n. f.
d2./d Fig., litt. (Souvent péjor.) Revenu tiré d'une charge lucrative. De grasses prébendes.
⇒PRÉBENDE, subst. fém.
A. —RELIG. CATH. Revenu ecclésiastique provenant à l'origine du partage de la mense capitulaire et destiné à l'entretien d'un chanoine séculier, mais qui peut être attribué à un autre clerc ou même transféré à un laïc. Prébende canoniale ou canonicale; recevoir, toucher une prébende. Le petit chanoine était donc entré en possession d'une superbe prébende, à titre de chanoine majeur (SAND, Consuelo, t.3, 1842-43, p.45). Sais-tu que sa Majesté a par an sept cent mille livres sterling de liste civile, sans compter les châteaux (...) fiefs, tenances, alleux, prébendes, dîmes et redevances, confiscations et amendes (...)? (HUGO, Homme qui rit, t.2, 1869, p.104).
B. —P. anal. Revenu, profit attaché à une charge, à une fonction quelconque; avantage attribué par faveur. Prébende électorale; course aux prébendes; ramasser des miettes de prébendes. Puisque Charles va arriver à Bruxelles, il sera content d'y trouver sa prébende. Voici donc sous ce pli une traite à vue, que tu présenteras à la Banque nationale (HUGO, Corresp., 1869, p.176). J'ai remis le nez ces jours-ci dans quelques bouquins grecs, et j'ai réfléchi (...) à l'ignorance où l'on est en France de cette immense et merveilleuse littérature. Messieurs les professeurs à qui l'on paye de grosses prébendes n'ont littéralement rien fait (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1912, p.198).
— P. méton. La source du profit. Conrad de Hoetzendorf, qui avait accepté récemment la prébende grassement payée de commandant des gardes du corps, avait fui à l'heure du danger (THARAUD, Qd Israël est roi, 1921, p.135). L'anticléricalisme fut pour [Alexandre Millerand] (...) une grasse prébende, car il devint, au moment de l'affaire des congrégations, l'avocat des liquidateurs, et s'enrichit ainsi (...) des dépouilles des biens de mainmorte (L. DAUDET, Brév. journ., 1936, p.147):
• ♦ Sur les sommations violentes des césariens et des antisémites, Zurlinden, après une lettre de démission dont le seul but est de couvrir les hautes complicités de l'État-Major dans les affaires Henry, du Paty de Clam et autres, fut triomphalement réinstallé dans sa grasse prébende.
CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p.213.
REM. Semi-prébende, subst. fém. Il y avait aussi des semi-prébendes, attribuées à des chapelains, à des remplaçants, à des chanoines désignés sous le nom de vicaires (...). Certains chanoines pouvaient n'avoir qu'une demi-prébende, et ces chanoines semi-prébendés n'avaient aussi généralement qu'une demi-voix aux assemblées du chapitre (MARION Instit. 1923).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. 1385-96 prebende (EUSTACHE DESCHAMPS, Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, t.9, p.304, 9416). Empr. au b. lat. praebenda «traitement alloué par l'État» (VIes.), att. en lat. médiév. au sens de «biens affectés à l'entretien du prêtre qui dessert une église» 844-864 ds NIERM., et «bénéfice, canonicat» 2e moit. IXes., ibid., fém. pris subst. de l'adj. verbal praebendus «qui doit être fourni» du lat. class. praebere «présenter, offrir, fournir», comp. de prae «devant» et de habere «tenir»; cf. la forme d'a. fr. prevende de même sens 1299 (Dim. apr. Nat. N.-D., Chap. S. Nic. de Montluçon, A. Allier ds GDF. Compl.), et provende «id.» sous l'infl. des mots commençant par pro-, 1160-74 (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 174). Fréq. abs. littér.:32.
prébende [pʀebɑ̃d] n. f.
ÉTYM. 1398; prevende, XIIIe; lat. ecclés. præbenda « ce qui doit être fourni », plur. neutre de præbendus, adj. verbal de præbere « fournir ».
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1 Dr. canon. Revenu fixe accordé à un ecclésiastique et, en particulier, à tout dignitaire d'une cathédrale. — Spécialt. Bénéfice (d'un chanoine). || Jouir d'une prébende (⇒ Prébendé, prébendier). || Ecclésiastique à qui sa prébende permet de faire bonne chère (cit. 4). — Par ext. Le titre donnant droit à la prébende. || Recevoir une prébende.
1 Vous êtes un évêque, c'est-à-dire un prince de l'Église, un de ces hommes dorés, armoriés, rentés, qui ont de grosses prébendes, — l'évêque de Digne, — quinze mille francs de fixe, dix mille francs de casuel, total, vingt-cinq mille francs (…)
Hugo, les Misérables, I, I, X.
2 (XXe; in Académie 1935). Fig., littér. Profit tiré d'une charge, et, par ext., cette charge. || « Accepter une sinécure, une mince prébende » (→ Intransigeant, cit. 1, Duhamel). || Pourvoir qqn d'une prébende, d'un travail rémunérateur et exigeant peu de lui.
2 Écrite dans un style d'écrivain public, la lettre de l'ancien fondé de pouvoir était un tissu de lamentations, de reproches fraternels, de promesses, de menaces peu déguisées (…) Morales y trahissait surtout sa crainte de perdre une prébende aussi grasse que devait l'être la gérance des propriétés de la Serena.
Joseph Peyré, Sang et Lumières, 1935, p. 24.
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DÉR. Prébendé, prébendier.
Encyclopédie Universelle. 2012.