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LUXEMBOURG
LUXEMBOURG

Si l’histoire connaît le Luxembourg, sous des formes diverses, depuis plus de mille ans, le grand-duché proprement dit est de création récente. Son titre remonte à 1815, le territoire actuel à 1839; l’avènement de la maison des Nassau-Weilburg date de 1890; le sentiment national s’est formé et constamment renforcé après 1867.

Le Luxembourg compte, au début des années 1990, 390 000 habitants, son territoire 2 586 km2 – une population inférieure à celle de Toulouse, la surface d’un petit département français. Mais il est le partenaire des grandes puissances dans l’O.T.A.N., membre à part entière, voire privilégié de l’Europe des Douze; son niveau de vie matériel est l’un des plus élevés du Vieux Monde. Mieux que la géographie, l’histoire en expliquet-elle l’existence et la survie?

Des origines au congrès de Vienne

Région habitée à l’aube des temps historiques par des Gaulois et des Germains, ensuite romanisée à partir de Trèves et de Metz, christianisée sous l’influence romaine et plus durablement par des moines anglo-saxons tel saint Willibrord au VIIe siècle, régie par les Francs mérovingiens et leurs successeurs carolingiens, entraînée dans les partages de la Lotharingie, elle a subi le destin de la Belgica Prima et de l’Austrasie, avant de devenir, au bénéfice de la famille d’Ardenne ou des Wigéric, un «territoire» médiéval.

Comté, puis duché (1354), le Luxembourg connut tour à tour, durant le Moyen Âge, de graves éclipses et de brillants apogées. Patiemment, Sigefroi, le constructeur du château fort de Luxembourg, et ses successeurs avaient grignoté les terres et les revenus des abbayes voisines, réuni de nombreux vassaux, obtenu de hautes fonctions dans l’Empire, telle la direction du duché de Bavière, quand Henri IV de Namur et de Luxembourg perdit le tout au profit du Hainaut (1194). Mais sa fille Ermesinde, par deux mariages et une sage gestion, récupéra Luxembourg, Durbuy, Laroche et y ajouta le marquisat d’Arlon. Le pays dorénavant, et jusqu’à la révolution belge de 1830, s’étendait de part et d’autre de la frontière linguistique romano-germanique et, partant, sur deux entités culturelles. Il est resté marqué à jamais par cette double appartenance. Cruellement défaite à Worringen (1288), la maison de Luxembourg accéda vingt ans après à la plus haute dignité politique de l’époque, celle de l’empire. Ses chefs, dont quatre furent empereurs (Henri VII mort en Italie en voulant y rétablir le pouvoir impérial; Charles IV qui refit l’empire sur des bases allemandes et tchèques; Wenceslas et Sigismond), participaient alors avec des fortunes diverses (Jean l’Aveugle succomba à Crécy en secourant le roi de France) au règlement de toutes les grandes questions européennes du bas Moyen Âge.

Négligé par ses princes occupés ailleurs, le pays fut conquis par Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1443), et passa avec l’héritage bourguignon aux Habsbourg d’Espagne. Il fut alors compris dans le cercle de Bourgogne établi par Charles Quint; il dépendait toutefois plus de Bruxelles et de Madrid que de l’empire, tout en se trouvant séparé du reste des Pays-Bas espagnols par la barrière des Ardennes et du pays de Liège. Le duché de Luxembourg et comté de Chiny développait et gardait ainsi, sous des princes étrangers, ses traits particuliers. Disposant par son Conseil provincial d’une large autonomie administrative et judiciaire, resté uniformément catholique dans la tourmente de la Réforme grâce au gouverneur Pierre Ernest de Mansfeld et à la Compagnie de Jésus, le pays aurait pu connaître une existence paisible à l’abri des solides structures sociales de l’Ancien Régime. Il n’en fut rien: l’importance stratégique de la forteresse de Luxembourg l’entraîna dans les longues luttes des Bourbons et des Habsbourg, de la France révolutionnaire et du reste de l’Europe, puis dans celle de Napoléon III et de la Prusse bismarckienne. Au traité des Pyrénées (1659), le Luxembourg fut amputé des régions de Thionville, Montmédy, Marville, Carignan; il tira quelque profit de 1684 (prise de Luxembourg par Vauban) à 1698 du régime centralisateur et réparateur du Roi-Soleil, de 1715 à 1795 des réformes d’abord lentes et paisibles, puis (sous Joseph II) plus brusques des Habsbourg éclairés d’Autriche. La conquête par les troupes du Directoire en fit pour vingt ans, et contre son gré, le département des Forêts.

Le grand-duché depuis 1815

Au cours du XIXe siècle, le Luxembourg connut des statuts complexes. Le congrès de Vienne, affaire des princes et non des peuples, accorda le grand-duché, diminué au profit de la Prusse de ses cantons de l’Eifel (Bitburg), à Guillaume Ier d’Orange-Nassau, roi des Pays-Bas, allié de la Grande-Bretagne et de la Prusse. En même temps, le pays devint, avec sa partie wallonne, l’un des trente-neuf États de la Confédération germanique, afin de compenser des pertes de territoires subies par les Nassau en Allemagne. Dans la capitale et forteresse, la garnison se composait de troupes prussiennes.

Lassée de l’absolutisme vexatoire de Guillaume Ier, la population, en général, ne s’opposa pas à l’emprise belge après 1830. Il en résulta une situation confuse jusqu’au traité de Londres de 1839, qui ratifia le troisième démembrement du pays, laissant cinq districts sur huit (le Luxembourg belge actuel) à la Belgique. À la suite de ces avatars, les Luxembourgeois prirent de plus en plus conscience de leur particularisme, soutenus après 1840 par la confiance de Guillaume II. Ayant heureusement échappé aux dangers divers de l’annexion en 1867 (affaire du Luxembourg, nouveau traité de Londres proclamant la neutralité désarmée du grand-duché) et en 1870-1871, dissociés des Orange-Nassau par l’application du pacte de famille nassovien en 1890, forts de leur expansion démographique et économique, ils réussirent à tenir tête, sous la grande-duchesse Marie-Adélaïde, à l’occupation allemande durant la Première Guerre mondiale, à certaines avances françaises et belges en 1919 et à la germanisation brutale par le régime hitlérien entre 1940 et 1944; la grande-duchesse Charlotte et le gouvernement Dupong-Bech avaient alors rallié la cause des Alliés en choisissant l’exil à Londres et Washington. De la sorte, le grand-duché fut à même, après la Seconde Guerre mondiale, de participer en tant qu’État souverain à la formation de l’Europe économique et politique.

Le régime politique interne est passé de l’absolutisme mitigé du prince à la monarchie constitutionnelle et parlementaire: constitution libérale en 1848, réaction autoritaire en 1856, libéralisme accentué depuis 1868, souveraineté de la nation et suffrage universel masculin et féminin en 1919. Les partis politiques actuels, excepté le Parti communiste, se sont formés peu après 1900; libéraux bourgeois, socialistes anticléricaux, chrétienssociaux, ils portent encore partiellement la marque des luttes idéologiques de cette époque. Les gouvernements sont de coalition. À l’exception des années 1974-1979 (gouvernement libéral-socialiste dirigé par Gaston Thorn) et d’une brève éclipse en 1925, les chrétiens-sociaux (Émile Reuter, Joseph Bech, Pierre Dupong, Pierre Werner, Jacques Santer) président depuis 1918 des gouvernements formés tour à tour avec les socialistes ou les libéraux. Un essai d’union nationale a tourné court dans l’après-guerre.

Économie et vocation internationales

Le grand-duché de Luxembourg offre au visiteur des paysages variés. Le Nord, prolongement des Ardennes, composé de terrains dévoniens et schisteux, est très accidenté (altitude moyenne: 450 m); la partie méridionale, agréablement vallonnée, est formée surtout de sols triasiques sablonneux et calcareux; elle comprend au sud-ouest une frange ferrugineuse naguère propice à la sidérurgie. Le vignoble s’étend sur 1 200 ha le long de la Moselle. 55 p. 100 des terres de culture sont actuellement occupées par des pâturages offerts à l’élevage; la part réservée aux céréales, en régression, dépasse à peine le quart. Le nombre des exploitations agricoles a diminué des deux tiers depuis 1961 (3 668 en 1991); dans le même laps de temps, la superficie moyenne a plus que doublé (de 15 à 38 ha). Les forêts, jadis caractéristiques du pays, couvrent encore 88 000 ha environ.

L’Ancien Régime aux structures agraires et artisanales traditionnelles, périodiquement ébranlé par la sous-production, les séquelles des guerres et les épidémies, n’a pris fin au Luxembourg que dans la seconde moitié du XIXe siècle. La métallurgie moderne, bénéficiant de l’initiative de capitaines d’industrie actifs, tels les Metz et les Pescatore, et de l’application du procédé Thomas pour le traitement des minerais phosphoreux du pays, s’est largement développée à partir de 1880, renversant la vieille tendance à l’émigration. Depuis 1910 environ, on assiste au développement de l’exode rural et d’une immigration de main-d’œuvre étrangère (italienne surtout, et plus récemment portugaise), phénomène qui s’est accentué après la Seconde Guerre mondiale, aggravé par la défaillance de la natalité (12,9 p. 1 000 en 1991). La sidérurgie est passée par les stades classiques d’entreprises familiales transformées en sociétés anonymes (1911: constitution des Aciéries réunies de Burbach, Eich et Dudelange, ou A.R.B.E.D.), puis en trusts intégrés (fusion A.R.B.E.D.-H.A.D.I.R. en 1967, synergies européennes depuis 1983). La production totale des aciéries luxembourgeoises, qui avait atteint les 6,5 millions de tonnes en 1974, est tombée à 3,38 en 1991. Afin de rendre moins vulnérable l’industrie luxembourgeoise fondée essentiellement sur l’acier, et en dépit du manque de main-d’œuvre, les autorités ont facilité dès 1955 l’implantation d’industries nouvelles dans les domaines chimique et mécanique. L’absence de conflits sociaux graves au grand-duché, où la sécurité sociale a été introduite dès la fin du XIXe siècle, a été un atout de cette politique de diversification.

L’économie luxembourgeoise a bénéficié des efforts d’intégration faits en Europe depuis la formation du Zollverein prussien. Membre de cette union douanière de 1842 à 1919, le grand-duché participe depuis 1921 à l’Union économique belgo-luxembourgeoise, depuis 1944 au Benelux et, dès la promotion par Robert Schuman (qui passa sa jeunesse à Luxembourg) de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, à l’Europe des Six et de ses prolongements, dont certains organes importants ont leur siège dans la capitale. En même temps, la place de Luxembourg, grâce aux facilités offertes à la constitution de sociétés holding et grâce à des émissions internationales très nombreuses, est devenue un centre financier de premier ordre (190 établissements bancaires, en 1991, employant 17 000 personnes). Cependant, la montée rapide des prix de l’énergie et la concurrence internationale ont porté atteinte à la sidérurgie dès 1975. La dernière mine de fer luxembourgeoise a été fermée en 1981, et le nombre des emplois perdus dans le domaine sidérurgique est sévère (moins 59 p. 100 en quinze ans). C’est dans le secteur des services (banques, assurances, médias) que ces pertes ont pu être compensées. Dans l’ensemble, les emplois offerts sont plus nombreux que jamais (près de 200 000 en 1991 contre 140 000 en 1970) et le chômage reste modéré (2,3 p. 100 de la population active à la fin de 1991). En 1992, 30 000 frontaliers ont gagné leur vie au grand-duché; les fonctionnaires internationaux (institutions européennes et banques) étaient près de 9 000.

Depuis 1839, le Luxembourg est un pays monolingue: le luxembourgeois, apparenté à des parlers allemands mais fortement mêlé de vocables français, est la langue parlée par tout le monde. Cependant, la situation du pays et la présence de nombreux étrangers (29,4 p. 100 des résidents en 1992) imposent à tous la connaissance de l’allemand et du français, qui sont depuis toujours les langues utilisées par les autorités et dans l’enseignement. Si les avantages pratiques de cette situation sont indéniables (Radio-Télé-Luxembourg, par exemple, émet vers de larges parties de la France, de la Belgique et de l’Allemagne), la production littéraire reste assez faible. L’appartenance à plusieurs aires culturelles ne semble pas propice à l’éclosion de chefs-d’œuvre; elle favorise du moins le rapprochement des esprits.

Luxembourg
cap. du grand-duché de Luxembourg, sur l' Alzette; 79 000 hab. Centre polit. et comm. du pays, ville industrielle. Siège de la C.E.C.A. (1952), la ville abrite auj. la Cour de justice européenne, le secrétariat général du Parlement européen, la Banque européenne d'investissements.
En 963, Sigefroi, comte d'Ardenne, construisit un château fort, le Lucilinburhuc, mot franc (signifiant "petit château") qui donna son nom à la ville. Celle-ci se développa d'abord sur la hauteur qui domine l'Alzette et son affl., la Pétrusse: palais grand-ducal (XVIe-XIXe s.), cath. (XVIIe-XXe s.), musée d'état installé dans une vaste maison anc. (archéol., bx-arts, traditions populaires, armes, sc. nat.), Bibliothèque nationale.
De 1684 à 1697, la France occupa Luxembourg, et Vauban transforma et modernisa la citadelle. Sous la Révolution française et sous l'Empire, la ville devint le ch.-l. du dép. français des Forêts, qui englobait le duché. De 1815 à 1967, une garnison prussienne séjourna dans la ville.
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Luxembourg
prov. du S.-E. de la Belgique; 4 419 km²; 224 990 hab.; ch.-l. Arlon.
Détaché du grand-duché de Luxembourg en 1831, le Luxembourg belge s'étend sur l'Ardenne. C'est la province la plus étendue et la moins peuplée de Belgique, au climat rude.
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Luxembourg
(grand-duché de) état d'Europe occidentale. V. carte et dossier, p. 1464.
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Luxembourg
(palais du) palais construit à Paris, pour la reine de France Marie de Médicis, par S. de Brosse (1615-1626). Il abrite auj. le sénat, que borde le jardin du Luxembourg.

Encyclopédie Universelle. 2012.