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INDUSTRIE
INDUSTRIE

LE PHÉNOMÈNE industriel éclate à l’évidence. Les pays en voie de développement, pour s’arracher à la faim et à la dépendance économique vis-à-vis des nantis, inscrivent l’industrialisation au premier rang de leurs préoccupations et de leurs plans. Quant aux régions du monde qui déjà bénéficient de l’industrie, y compris la plus moderne, elles rivalisent pour se rejoindre et se dépasser tour à tour. Cependant, on constate ici encore à quel point le plus connu est le moins connu. En effet, le phénomène industriel évoque d’abord la technique, mais aussi les formes de sociétés, les instances économique, politique et sociale. Enfin, il est impossible de parler d’industrie sans que soient mis en cause la culture et les cultures, le langage et les communications sous tous leurs modes, l’univers aussi du sens et l’acte même de signifier.

Quatre approches complémentaires, chacune partielle et partiellement répétitive s’efforcent de cerner ce phénomène complexe. Y a-t-il harmonie entre les concepts et les réalités d’industrie et de civilisation? En suivant le phylum du progrès technique, à quel processus a obéi l’industrialisation, et quelles en furent les conséquences sociales? Ce qu’on nomme les «relations industrielles» implique-t-il essentiellement la reconnaissance et, en somme, l’institutionnalisation des conflits entre la tête et la base, la décision et l’exécution? Enfin, quels sont les fonctions et les rôles, les concentrations et les modes de coordination des «groupes industriels et financiers»?

Finalement, toutes ces approches convergent; ainsi naît en quelque sorte un noyau de sens capable d’enrichissements qu’on gagne à dégager et à expliciter.

L’avènement de l’industrie, notamment sous sa forme la plus évoluée, la troisième révolution industrielle, provoque des bouleversements dont la seule réplique antérieure déjà connue est certainement la révolution du néolithique. Pendant des centaines de milliers d’années, les premiers hommes ont été chasseurs-cueilleurs, étroitement dépendants des caprices de la nature; à part des peintures rupestres et des objets taillés, on n’a pas trace de leur culture, si ce mot convient. Voilà quelque sept mille ans, une étape décisive a été franchie lorsque les hommes ont commencé à cultiver le sol, d’abord de façon très fruste. Approximativement à la même époque remonte la création de l’écriture, c’est-à-dire un nouveau moyen de communiquer, de fixer la mémoire collective dans les textes, et par conséquent d’alléger la faculté mémorisante des individus, au bénéfice d’une pensée plus réflexive et plus créatrice. Néanmoins, le contact avec «la nature» était toujours très proche, et il en est allé ainsi jusqu’aux machines énergétiques contemporaines, c’est-à-dire celles qui accomplissent directement, sans médiations, les ordres qu’on leur donne; à cet égard, il n’y a pas de différence substantielle entre le soc de charrue le plus rudimentaire et le moteur à explosion. Mais lorsque intervient l’objet technique de type cybernétique, il y a distinction entre les canaux d’information et les canaux transmettant l’énergie. Une «distance» plus grande s’établit entre l’origine et la fin de l’action; cet espace est celui d’une nouvelle communication, d’un langage informationnel, d’une «mémoire» inédite et, par suite, de plus, d’une exigence supplémentaire, d’un surcroît de socialité. On se demande même si l’écriture d’aujourd’hui pourra subsister. Il serait alors symptomatique de constater qu’en ce moment même la linguistique, l’étude des grammaires sont l’objet de maintes préoccupations techniques et philosophiques. Serait-ce la nostalgie du déjà périmé, ou bien la préparation ardente, à travers un retournement décisif, de nouvelles formes de langage? En tout cas, le rapprochement des deux révolutions, néolithique et cybernétiqueinformationnelle, n’est pas dépourvu de sens.

La première et la deuxième révolution industrielle, symbolisées par la machine à vapeur et l’électricité, entraînaient moins de conséquences. Elles sont directement orientées vers une fin; leur action «effectrice» ne comporte pas la médiation informationnelle, l’effort est tendu vers un but à obtenir, les moyens sont soumis à ce but, il n’y a pas de rétroaction, d’effet de feed-back du résultat sur le déclenchement de l’action; la fin prévaut sur les moyens (sur les causes) ou, en d’autres termes, «il y a distorsion entre la causalité et la finalité», les techniques sacralisent la finalité vers lesquelles elles sont toutes orientées mais, paradoxalement, elles ne dominent pas le temps (Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques ). Il en va autrement avec les techniques les plus modernes. Avant leur avènement règne l’«énergie», dont la philosophie implicite est celle de la puissance. Le conflit du travail et du capital s’assignant chacun un but, s’y rattache; il s’évalue en termes d’aliénation avant tout économique; les travailleurs veulent réaliser une société harmonieuse. Marx a été le théoricien de cette époque et de ces affrontements, mais il est dépassé en ce sens précis que sa pensée a permis d’accélérer le processus, une nouvelle conscience politique et sociale provoquant un progrès technique qui réagit en posant de nouvelles questions. On est en effet obligé, aujourd’hui, de penser l’aliénation en termes nouveaux et plus profonds. Le marxisme se sera ainsi développé dialectiquement. Du reste, Marx avait pressenti les ateliers automatiques.

Quand naît l’objet technique de type cybernétique, une nouveauté radicale se fait jour, caractérisée en somme par une lacune, par un manque. Paradoxalement, l’instrument rudimentaire ou le moteur, une fois mis en action, pouvaient beaucoup mieux se passer de l’homme. Maintenant, il n’en va plus de même; la machine a besoin d’information que seul l’homme peut lui donner. Elle est capable des prouesses les plus extraordinaires, des calculs les plus rapides, d’une sélection impeccable et rigoureuse dans une masse énorme de documents, à une seule condition: avoir reçu un «programme» élaboré par l’homme. Les techniciens en sont bien conscients avec leur boutade: «Stupide comme un ordinateur!» La machine est «ouverte», elle comporte une marge d’indétermination où s’insère l’information de provenance humaine. Certes, elle produit aussi de l’information; d’une certaine manière, elle s’informe elle-même par le phénomène de feed-back, quand ce qu’elle a observé en avant d’elle-même ou après son déclenchement, pourrait-on dire, retentit en arrière ou antérieurement sur l’action à lancer pour la rectifier. Mais ce feed-back automatique n’existe encore qu’en raison du programme précédemment enregistré. Seul l’homme vivant peut créer de l’information, car il peut seul – en vue précisément d’établir un programme – anticiper le futur sur le présent, l’après sur l’avant. Une double conséquence en découle. D’abord, par la création d’un langage, l’homme est l’indispensable médiateur, d’une part entre les différentes machines et, d’autre part, entre les machines et lui-même. Puis, la machine aidant, on ne peut plus négliger les moyens ou les causes en ne prévoyant, comme naguère, que les buts ou les fins; ici, il y a vraiment intégration réciproque de la causalité et de la finalité, dans le fonctionnement du moment présent ; «dans le fonctionnement auto-régulé, toute causalité a un sens de finalité et toute finalité a un sens de causalité» (G. Simondon); l’homme est acculé à mieux comprendre ce qu’est le temps. Dès lors, la philosophie implicite à cette nouvelle technique diffère de l’ancienne. L’aliénation n’est plus réductible aux structures économiques; plus profondément, elle porte sur le langage, sur la communication interhumaine. Henri Lefebvre a pu parler d’aliénation au second degré quand celle-ci concerne directement la conscience et ce qui permet à l’homme d’être conscience de soi, à savoir le langage et la pensée. On pourra répéter avec Marx: «Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience.» Mais cet aphorisme prend de nouvelles dimensions, insoupçonnées de Marx. Le lien étroitement connexe est aujourd’hui beaucoup mieux perçu entre l’humanité de l’homme, sa conscience, sa possibilité de parler et d’échanger, sa sociabilité. Par la technique informationnelle, l’homme est provoqué à découvrir et créer plus radicalement son existence sociale. De plus, la valeur de l’espace et du temps ont changé quand la commande à distance annule l’éloignement et quand l’origine et l’ultime sont l’un dans l’autre. Cela ne va pas évidemment sans que l’homme soit modifié.

Il est impossible d’arriver à ces résultats, et même d’amorcer cette marche en avant, sans renouveler la culture et la pensée qui, certes, ne seront pas produites en un seul jour. Selon le mot de Heidegger, la technique moderne la plus poussée est «dévoilement» du réel, provocation au dévoilement; mais s’il y a danger pour l’homme à se tromper quand il dévoile la nature qui cependant n’est pas vraiment cachée, le péril est plus grand encore de se méprendre sur l’acte même du dévoilement et donc sur l’homme, car celui-ci est «arraisonné» par le destin pour cette «provocation» et «assigné à l’avènement de la vérité». L’homme revient en quelque sorte à l’aurore, sinon de lui-même, du moins de sa pensée en tant qu’elle s’exprime: «Les penseurs grecs avaient quelque connaissance de cet état de choses lorsqu’ils disaient: Plus tôt une chose s’ouvre et exerce sa puissance, et plus tard elle se manifeste à nous autres hommes. L’aube originelle ne se montre à l’homme qu’en dernier lieu.» Après vingt-cinq siècles de philosophie, la pensée occidentale revient aux présocratiques ou, plus précisément, prend à leur instar un nouveau départ.

Le phénomène industriel qui naît de la technique et engendre la technique étend sa signification à tous ces horizons. Il ne se réduit pas à l’étude des sciences exactes, ni à la réalisation automatique d’objets de plus en plus miniaturisés. La technique informationnelle qui implique communications, échanges et langage, manifeste encore plus clairement que tout autre technique combien ce phénomène est lié à l’existence sociale et à la pensée. Mais la pensée n’est «humaine» que si elle est créatrice et non pas asservie ou répétitive, que si elle est poétique. Ce n’est pas le moindre rêve de l’époque présente que de vouloir réconcilier la poésie et l’acte. L’homme ne vit pas seulement de pain, une société technocratique peut devenir étouffante, mais aussi libérer des énergies pour le poème, le chant et la danse. Déjà Héraclite invoquait l’arc et la lyre.

industrie [ ɛ̃dystri ] n. f.
• v. 1370; « moyen ingénieux » 1356; lat. industria « activité »
I
1Vx Habileté à exécuter qqch. art. « la puissance et l'industrie de Minerve » (Fénelon). Un animal plein d'industrie. industrieux.
2Vx ou littér. Habileté. ingéniosité, invention, savoir-faire. « Je résolus d'employer toute mon industrie pour la voir » (abbé Prévost). « Elle usait alors de beaucoup d'industrie pour sa toilette » (Balzac).
Péj. Habileté appliquée au mal. ruse. Vivre d'industrie, d'expédients. Cour. Chevalier d'industrie.
II( XVe) Vx Profession comportant généralement une activité manuelle. activité, art, métier, 1. travail. « l'industrie raffinée du négociant » (Voltaire). Mod. et plaisant Voleur qui exerce sa coupable industrie, son activité délictueuse. III(1735)
1Vieilli Ensemble des opérations qui concourent à la production et à la circulation des richesses. économie; agriculture, commerce. L'industrie des transports ( circulation, transport) . L'industrie huîtrière.
2(XVIIIe) Mod. Ensemble des activités économiques ayant pour objet l'exploitation de matières premières, de sources d'énergie et leur transformation, ainsi que celle de produits semi-finis en biens de production ou de consommation. L'industrie, secteur secondaire de l'économie. L'agriculture, le commerce et l'industrie. Organisation de l'industrie ( machine; automatisation, informatisation, machinisme, mécanisation, robotisation; rationalisation, spécialisation, standardisation) . Capitaine d'industrie. industriel. Il y a « des fabriques, une industrie, des ouvriers » (Hugo). Donner une industrie à un pays. industrialiser. Petite, moyenne, grande industrie, selon l'importance de la production, des moyens mis en œuvre. Industrie capitaliste, nationalisée. Les secteurs, les branches de l'industrie. Industrie lourde, industrie de base, fabricant les moyens de production. Industrie légère, produisant des biens de consommation. Industrie de biens de consommation, de biens d'équipement. Industries de première transformation. cokerie, distillerie, raffinerie. Industrie extractive, minière. Industries métallurgiques ( métallurgie, sidérurgie) . Industries électriques, électroniques. L'industrie automobile. Industrie pharmaceutique. Industries chimiques. Industries textiles. Industries agroalimentaires. Industrie du vêtement. confection, prêt-à-porter. Industrie de la chaussure. Industries du spectacle, du livre. Industries de la langue (lexicographie, traduction, édition, informatique, etc.).
3Une industrie : l'une quelconque des branches de l'industrie. Une industrie d'avenir, en déclin. Industrie intégrée ( filière) . Regroupement d'industries. combinat, complexe, trust. Rare Entreprise industrielle. entreprise , établissement, exploitation, fabrique, groupe, manufacture, usine.

industrie nom féminin (latin industria, activité) Ensemble des activités économiques qui produisent des biens matériels par la transformation et la mise en œuvre de matières premières : Développer l'industrie dans un pays. Chacune de ces activités économiques : L'industrie textile, de la chaussure. Toute activité économique assimilable à l'industrie : L'industrie du spectacle, des loisirs. Activité organisée de manière précise et sur une grande échelle (souvent péjoratif) : L'industrie du crime. Littéraire. Activité quelconque exercée par quelqu'un pour vivre (souvent péjoratif) : Exercer sa coupable industrie.industrie (citations) nom féminin (latin industria, activité) Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon Paris 1760-Paris 1825 La société tout entière repose sur l'industrie. L'Industrie Charles Maurice de Talleyrand-Périgord Paris 1754-Paris 1838 L'industrie ne fait qu'affaiblir la moralité nationale. Il faut que la France soit agricole. Propos rapporté par Jules Michelet dans son Journal, 9 août 1834 industrie (expressions) nom féminin (latin industria, activité) Bois d'industrie, rondins utilisés pour la papeterie, la trituration, les poteaux de lignes ou comme bois de mine. (Par opposition au bois d'œuvre.) Industries de la langue, ensemble des activités liées aux applications de la recherche en linguistique, en informatique et en linguistique informatique (synthèse et reconnaissance de la parole, systèmes de dialogue homme-machine, aides à la correction orthographique, etc.). [On dit aussi ingénierie linguistique.]

industrie
n. f. Ensemble des entreprises ayant pour objet la transformation des matières premières et l'exploitation des sources d'énergie. Industrie minière. Industries alimentaires. Industrie de production, de transformation, de répartition. Industrie lourde. Industrie du spectacle: ensemble des activités commerciales concourant à la production de spectacles (loc. off. recommandée pour remplacer show-business). Industries de la langue: ensemble des applications commercialisables de la recherche linguistique et informatique, spécial. du traitement automatisé de la langue (analyse automatique de textes, élaboration de lexiques, de dictionnaires électroniques et de bases de données, traduction automatique, génération automatique de textes, parole artificielle, etc.).

INDUSTRIE, subst. fém.
I. — [Désigne une faculté]
A. — Vx ou littér. Habileté à réaliser un travail, à exécuter, à faire quelque chose. Synon. adresse, art, dextérité. Industrie humaine/de l'homme; faire qqc. avec (beaucoup d') industrie. Les inventions des hommes n'ont point encore atteint à l'industrie des insectes. Les Romains bâtissaient dans l'eau avec la pouzzolane, mais les coquillages construisent leurs toits avec un ciment plus durable (BERN. DE ST-P., Harm. nat. 1814, p. 194). Il faut cheminer très-loin vers la baie d'Hudson pour trouver maintenant des castors; encore ne montrent-ils plus la même industrie, parce que le climat est trop froid (CHATEAUBR., Voy. Amér., t. 1, 1827, p. 128). [Aux XIe et XIIe s.] toute la chrétienté se couvrit d'édifices admirables dus à l'art et à l'industrie des moines (LENOIR, Archit. monast., 1852, p. 35) :
1. Avant de clore ce livre (...) je veux relever une objection que manquent rarement de faire ceux à qui l'on découvre la police et l'industrie surprenante des abeilles (...) tout cela est prodigieux mais immuable (...). Voilà des milliers d'années qu'elles construisent ces rayons étonnants auxquels on ne peut rien ajouter ni retrancher...
MAETERL., Vie abeilles, 1901, p. 257.
B. — Littéraire
1. Savoir-faire, ingéniosité, esprit d'invention; aptitude, compétence particulière dans une activité généralement artistique, intellectuelle. Faute de savoir faire, faute d'industrie (...) j'ai manqué cinq ou six occasions de la plus grande fortune politique, financière ou littéraire (STENDHAL, Souv. égotisme, 1832, p. 38). L'enfant avait eu l'industrie de conserver sèche et chaude sur sa poitrine sa vareuse de matelot (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 139). Le dernier roman de Conrad est remarquable (...) mais (...) c'est simplement une histoire qu'il raconte avec industrie, et avec de véritables trouvailles d'homme de lettres (CLAUDEL, Corresp. [avec Gide], 1912, p. 191) :
2. L'un de ces marauds (...) quelque caboche inventive et profonde, avait eu l'industrie d'attacher une éponge au bout d'un bâton, et il pompait ainsi le vin commodément, de trois ou quatre rangs en arrière...
BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 10.
2. Gén. en mauvaise part
a) Recours à des moyens, à des procédés habiles ou adroits d'une honnêteté douteuse pour arriver à ses fins. La manière dont ils [les prêtres] parvinrent à lui enlever [à Henri III] l'opinion populaire, est un chef d'œuvre d'industrie et de calomnie (CHATEAUBR., Ét. disc. hist., t. 4, 1831, p. 355). [La guerre] répugne à toute ruse, industrie et stratagème, comme à un sacrilège, comme à une sophistication du combat, à une corruption de la justice (PROUDHON, Guerre paix, 1861, p. 90). [Manu] partit décidant qu'il obtiendrait par industrie ce qu'il ne pouvait obtenir par la force et la persuasion (AYMÉ, Rue sans nom, 1930, p. 81) :
3. La Bruyère emploie le mot industrie, je crois, avec défaveur, une légère défaveur, une défaveur naissante qui a pris tout son mauvais sens dans l'expression chevalier d'industrie. On s'élève par son industrie, par tous les moyens, les bons et les mauvais...
RENARD, Corresp., 1905, p. 321.
Vivre d'industrie (vx). Vivre en ayant recours à des moyens indélicats, à des expédients. Bien qu'ayant hanté les escrocs et vécu d'industrie, j'éprouvais une répugnance invincible à entrer dans cette carrière de crimes (VIDOCQ, Mém., t. 1, 1828-29, p. 290).
Chevalier de l'industrie (vx), chevalier d'industrie (mod.). Individu à la moralité ou aux pratiques douteuses, ou vivant de ressources procurées par des activités malhonnêtes. Espèce, race des chevaliers d'industrie. Si par hasard vous regrettiez que le grand homme (...) le père du peuple, ait disparu, pour ne plus laisser voir qu'un administrateur inepte, un chevalier d'industrie, un ennemi public (...) ne vous en prenez pas à moi (MARAT, Pamphlets, Dénonc. Necker, 1790, p. 72). Son valet le trompe (...) il est de moitié avec tous les chevaliers et toutes les chevalières d'industrie qui l'assiègent (JOUY, Hermite, t. 2, 1812, p. 16). Ces gens de l'hôtellerie et de la limonade manquent de psychologie : ils prennent un chevalier d'industrie avec de faux bijoux à tous les doigts pour un prince authentique (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 77).
b) Dans le domaine artistique ou plus gén. de la créativité intellectuelle. Recours à des procédés adroits, à des artifices, par opposition à ce qui est naturel, ce qui est du ressort du génie. Les Mystères de Paris, clos sous forme de roman, vont reprendre au boulevard sous forme de mélodrame; l'auteur s'occupe déjà à les tailler dans ce nouveau pli : industrie, industrie sur toutes les coutures (SAINTE-BEUVE, Corresp., t. 5, 1843, p. 265). Les répétitions des motifs dans la musique, comme la concentration de l'effet dans la peinture, petites et mesquines industries dont le commun des artistes s'empare facilement (DELACROIX, Journal, 1854, p. 155) :
4. Quand je vois l'écrivain reprendre et empirer la véritable sensation de l'homme, y ajouter des forces recherchées, et vouloir toutefois que l'on prenne son industrie pour son émotion, je trouve que cela est impur et ambigu. Cette confusion du vrai et du faux (...) devient très choquante...
VALÉRY, Variété 1, 1924, p. 153.
II. — [Désigne l'application, les applications de cette faculté]
A. — Courant
1. Vieilli. Profession mercantile; travail généralement manuel; métier dont on tire ses moyens d'existence. On se souviendra d'avoir vu leurs pères, leurs parens [aux Grands] réduits à la plus déplorable situation, et plusieurs obligés de vivre de leur industrie (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1753). Le métier de poète est une moquerie; On ne vit pas ainsi d'oisive rêverie; Dans notre âge peu propre à cette passion Il faut une industrie, une profession (POMMIER, Crâneries, 1842, p. 18) :
5. Sur le boulevard des Italiens (...) il fait presque nuit noire (...) quelques promeneurs vaquent à petits pas, avec des regards ennuyés, qui s'arrêtent un moment sur les nouvelles industries en plein air du jour, les marchands de cannes à épée, les marchands de gourdes, les marchands de plastrons de cuir à l'épreuve de la baïonnette.
GONCOURT, Journal, 1870, p. 607.
2. Gén. en mauvaise part. Activité, pratique douteuse que la morale réprouve. Honteuse, sinistre, suspecte industrie; exercer une (coupable, honteuse) industrie. Il pouvait être braconnier, contrebandier, faux saunier, voleur et coupe-jarrets, honnêtes industries qu'il pratiquait les unes après les autres ou toutes à la fois (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 70). Beaucoup de femmes entretenues se font immuniser par la scène. Le théâtre est une taxe qu'elles payent. Mais il dérange leur industrie (COCTEAU, Gd écart, 1923, p. 27) :
6. Ils n'étaient pas du peuple, sans être des bourgeois (...) ils appartenaient à cette classe ambiguë, la plus vile de toutes, qui n'a ni état, ni fortune, ni même une industrie, sinon une industrie ignoble, qui n'est ni le pauvre, ni le riche, et qui a les vices de l'un et la misère de l'autre.
MUSSET, Confess. enf., 1836, p. 80.
B. — [Avant la révolution industrielle] Ensemble des activités, des opérations ayant pour objet la production et l'échange des marchandises ou la production de produits destinés à être utilisés ou consommés sans être vendus au préalable. Industrie domestique, patriarcale, rustique. Nous produisons tous et nous participons tous aux échanges, nous sommes tous livrés à une industrie, soit agricole, soit manufacturière, soit gouvernementale, soit commerciale, nous sommes pareillement tous marchands ou commerçants (BABEUF, Textes choisis, Paris, Éd. soc., 1965 [1795], p. 192). La petite industrie des campagnes, l'humble travail de la fileuse, est tué par la machine à lin. Le paysan, perdant ainsi, une à une, ses industries, aujourd'hui le lin, demain la soie peut-être, a grand'peine à garder la terre (MICHELET, Peuple, 1846, p. 70). Elles apparaissent [les corporations] dès (...) que l'industrie cesse d'être purement agricole (DURKHEIM, Divis. trav. soc., 1893, p. IX). Le silex n'a pas été seulement pour les hommes des anciens âges une arme taillée pour les besoins de la cause, mais une matière, dont l'industrie paléolithique (...) a su tirer des formes ciselées de haches et de poignards (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 154) :
7. Les objets que la nature ne livre pas tout préparés pour satisfaire nos besoins, peuvent y être rendus propres par notre industrie. Lorsqu'elle se borne à les recueillir des mains de la nature, on la nomme industrie [it. ds le texte] agricole, ou simplement agriculture (...). Lorsqu'elle met à notre portée les objets de nos besoins (...) on la nomme industrie [it. ds le texte] commerciale, ou simplement commerce.
SAY, Écon. pol., 1832, p. 59.
Rem. Jusqu'au XIXe s. industrie désignait l'ensemble des activités économiques et concernait donc : l'agriculture, le commerce, les transports et les services, ainsi que les activités économiques artisanales ou manufacturières productrices de valeurs d'usage non agricoles. Cependant Littré signale qu'industrie se dit quelquefois de tous les arts industriels, sauf l'agriculture, par opposition à l'agriculture; cette opposition a été faite par certains auteurs dès le XVIIIe s. Les rapports mutuels de l'agriculture, de l'industrie, du commerce, avec la constitution d'un état et sa législation (...) ne purent échapper aux regards d'un peuple ingénieux, actif, occupé des intérêts publics (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p. 58).
C. — 1. Ensemble des activités économiques (caractérisées par la mécanisation et l'automatisation des moyens de travail, la centralisation des moyens de production et la concentration de la propriété des moyens de production), ayant pour objet l'exploitation des sources d'énergie et des richesses minérales du sol ainsi que la production de produits fabriqués à partir de matières premières ou de matières ayant déjà subi une ou plusieurs transformations. En admettant (...) que la science (...) doit suffire (...) à mettre l'industrie au service de l'homme, ils ont abouti inévitablement à mettre (...) l'homme au service de l'industrie et de la technique (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 208). Ce pays [la France] (...) a tout ce qu'il faut pour se donner la très puissante industrie métallurgique, d'où sortent locomotives, wagons, rails, navires, avions, machines, outillages, armements, charpente des bâtiments, et dont procède l'activité des entreprises mécaniques et chimiques (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 453). Dans l'industrie, la machine-outil, puis l'introduction progressive de l'informatique ont décuplé l'efficacité du travail humain (G. MARCHAIS, L'Espoir au présent, Paris, Éd. soc., 1980, p. 14) :
8. Les industries peuvent se classer de différentes manières (...). Économiquement, deux classifications ont une grande importance. La première s'attache à la structure de l'industrie en fonction de la dimension des unités productives (...). La seconde (...) permet (...) de différencier les industries de biens de production et les industries de biens de consommation.
BOUV.-IBARR. 1975.
Rem. Il est quelquefois difficile de décider si industrie désigne le stade manufacturier du développement industriel que l'on peut rapidement caractériser comme étant fondé sur la division du travail à l'intérieur de l'atelier et sur l'utilisation de l'outil manuel comme moyen de travail, ou le stade faisant suite à la révolution industrielle où la production recourt à la machine. Cette ambiguïté est bien illustrée par l'ex. : Quel boucan l'industrie cause dans le monde! Comme la machine est une chose tapageuse! À propos de l'industrie, as-tu réfléchi quelquefois à la quantité de professions bêtes qu'elle engendre (...). Qu'attendre d'une population comme celle de Manchester, qui passe sa vie à faire des épingles? Et la confection d'une épingle exige cinq à six spécialités différentes! Le travail se subdivisant, il se fait donc, à côté des machines, quantité d'hommes-machines (FLAUB., Corresp., 1853, p. 293).
Industrie lourde. ,,Ensemble des industries qui produisent la matière première ou qui lui font subir une première transformation`` (BOUV.-IBARR. 1975). Synon. industrie de base. Le machinisme et l'industrie lourde (...) bouleversent le monde aujourd'hui et le font craquer (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 184).
Industrie de transformation. ,,Ensemble des industries qui fabriquent des valeurs d'usage directement utilisables`` (BOUV.-IBARR. 1975). Synon. industrie légère. Telle nation (...) choisira-t-elle de développer son industrie lourde ou son industrie de transformation (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 324).
Industrie-clef. Industrie dont dépendent de nombreuses activités économiques. Quand ces forces provoqueront une augmentation du débit d'une industrie-clef, elles provoqueront une expansion et une croissance puissantes d'un ensemble plus large (PERROUX, Écon. XXe s., 1964p. 150).
SYNT. Industrie agricole, automobile, de la chaussure, chimique, des colorants, dentellière, des détergents, forestière, graphique, lainière, du liège, linière, du livre, du luxe, mécanique, minière, nucléaire, spatiale; branche, procédé, produits de l'industrie; essor, évolution, extension, naissance de l'industrie; évolution, forme capitaliste de l'industrie; développer, encourager, favoriser, fonder, protéger l'industrie; cadre, ouvrier, personnel de l'industrie.
2. Établissement, entreprise industriel(le) (vieilli). Dans une rue, sur une porte d'industrie, un nom doré qui semble rayonner de la richesse d'une fortune faite (GONCOURT, Journal, 1870, p. 617).
Chef/capitaine d'industrie. ,,Personne dirigeant un établissement industriel`` (Lar. Lang. fr.). Les penseurs, les politiques, les professeurs d'économie (...) et ceux que les flatteurs nomment capitaines d'industrie s'assemblent et ils découvrent que tout ne va pas dans le monde (...) comme l'exige le profit (NIZAN, Chiens garde, 1932, p. 202).
3. Ensemble de personnes dirigeant ou possédant une industrie. La haute banque et le grand commerce, l'industrie en jaquette et en tube (...) font ici preuve de leur patriotisme et de leur énergie (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 491). Ce petit cul ne fréquente plus maintenant que (...) la haute industrie (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 52).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1370-72 « habileté à faire quelque chose » (ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 213, 57d); 2. 1407 « pratique d'une activité manuelle » (R. DE LESPINASSE, Métiers et corporations de la ville de Paris, 2, 401 ds B. von GEMMINGEN-OBSTFELDER, Semantische Studien zum Wortfeld Arbeit im Französischen, p. 35); 3. a) 1543 « toute activité productive » (Déclaration ds ISAMBERT, Rec. Gén. des anc. lois fr., t. 12, p. 810); b) 1767 (Encyclop. t. 8 : Industrie. Inventions de l'esprit en machines utiles, relativement aux arts et aux métiers); 1771 « ensemble des activités économiques fondées sur la transformation des matières premières » (Abbé BAUDEAU, Première Indroduction à la Philosophie Economique, D. II, p. 663 ds BRUNOT t. 6, p. 381, note 1). Empr. au lat. industria « activité, application », dér. de industrius « actif, zélé ». Fréq. abs. littér. : 3 278. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 7 305, b) 3 437; XXe s. : a) 2 558, b) 4 326. Bbg. BALL (R.V.). Nouv. dat. pour le vocab. de l'automob. Fr. mod. 1974, t. 42, p. 356. - DUB. Pol. 1962, p. 323. - MARCELLESI (J.-B.). Fr. mod. 1975, t. 43, pp. 176-178. - QUEM. DDL t. 18. - SCHRÖDER (W.). Zum Bedeutungs- und Funktionswandel des Wortes industrie. Lendemains. 1975/76, t. 1, n° 4.

industrie [ɛ̃dystʀi] n. f.
ÉTYM. V. 1370; « moyen ingénieux », 1356; lat. industria « activité, application », de industrius « actif, travailleur, zélé », littéralt « qui prépare en lui-même », de indu, forme renforcée archaïque de in « dans », et struere « disposer, arranger, préparer » (→ Construire).
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I
1 Vx. Habileté à exécuter qqch. Adresse (cit. 1), art (I., 1.), artifice (cit. 3), dextérité, habileté. || L'industrie du castor, de certains insectes (→ Fabriquer, cit. 1; frelon, cit. 5). || Un animal plein d'industrie. Industrieux. || L'industrie humaine, des hommes (→ Animal, cit. 17; archéologie, cit. 2; homme, cit. 53). || La nature ne fait rien « sans (…) une artificieuse (cit. 1) et admirable industrie » (Paré).
1 (…) quelque industrie qui paraisse dans ce que font les animaux (…)
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu…, V, II.
2 (…) la puissance et l'industrie de Minerve n'ont pas besoin d'un grand temps pour achever les plus grands ouvrages.
Fénelon, Télémaque, VI.
2 (Déb. XVe). Vx ou littér. Habileté inventive jointe à une activité suivie. Ingéniosité, intelligence, invention, savoir-faire; → Explicable, cit. 1. || « L'industrie peut s'imiter (cit. 12), mais le génie ne s'imite point » (Marmontel). || Apprêter (cit. 1), arranger qqch. avec industrie (→ Assemblage, cit. 20). Ingéniosité.L'industrie de qqn, son industrie. || S'élever (cit. 57) par sa propre industrie. || Employer toute son industrie à… (→ Génie, cit. 2). || Les fruits (cit. 37) de son industrie. || L'industrie d'un peintre, d'un décorateur ( Habileté, talent).
3 (…) les hommes devraient employer les premières années de leur vie à devenir tels (…) que la République (…) eût besoin de leur industrie et de leurs lumières (…)
La Bruyère, les Caractères, II, 10.
4 Je résolus d'employer toute mon industrie pour la voir.
Abbé Prévost, Manon Lescaut, p. 154.
5 Elle usait alors de beaucoup d'industrie pour sa toilette, elle inventait des garnitures, elle se les brodait (…)
Balzac, le Cabinet des antiques, Pl., t. IV, p. 442.
5.1 La balle frappa le carreau, si artistement maintenu en place par l'industrie du maître d'école, et le fit voler en éclats.
Louise Michel, la Misère, t. I, p. 174 (1881).
Vx. (Une, des industries). Procédé adroit.
6 (…) il a mille industries pour faire plaisir à tous ses voisins.
Fénelon, Télémaque, XI.
Péj. (mod. dans les locutions… d'industrie). Habileté appliquée au mal; adresse, finesse. || Vivre d'industrie, d'expédients. — ☑ (Fin XVIIe). Chevalier (cit. 7) d'industrie (d'abord chevalier de l'industrie [1633], d'après les romans picaresques espagnols). → Abonder, cit. 4.
7 Tu sais que dans ce monde il faut vivre d'adresse, et qu'aux personnes comme moi le Ciel n'a donné d'autres rentes que l'intrigue et que l'industrie.
Molière, l'Avare, II, 4.
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II
1 (XVe). Vx. Profession, comportant généralement une activité manuelle. Activité, art (I., 3.), métier, profession, travail. || Exercer une industrie pour vivre. || « Vile et mécanique industrie » (→ Compromettre, cit. 5, Montesquieu). || « Ils joignent à leur métier l'industrie de raccommoder les poêlons et les instruments de cuivre » (→ Gitan, cit. 1, Mérimée).
8 Il est (…) nécessaire et équitable que l'industrie raffinée du négociant paye plus que l'industrie grossière du laboureur.
Voltaire, l'Homme aux quarante écus, II.
9 Ce livre est donc consacré tout entier à ces industries de bon ton, qui, fort en usage parmi le beau monde, n'en sont pas moins maîtresses à la bourse. Ces jolies manières de vous prendre votre argent, toutes gracieuses toutes gentilles et loyales qu'elles peuvent être, n'en deviennent pas moins mille fois plus dangereuses (…)
Balzac, le Code des gens honnêtes, II, Œuvres diverses, t. I, p. 95.
2 Mod. et par plais. Coupable industrie : activité délictueuse. || Voleur, cambrioleur qui exerce sa coupable industrie.
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III (1735).
1 Vieilli (sens large). Ensemble des opérations qui concourent à la production et à la circulation des richesses. Économie; agriculture, commerce (et → ci-dessous, III., 2.). || L'agriculture constitue l'industrie fondamentale des nations (H. Sagnier, Omnium agricole). || L'industrie agricole ( Agro-, et comp.), l'industrie commerciale et l'industrie manufacturière (Littré). || L'industrie des transports ( Circulation, transport). || La batellerie, industrie du transport fluvial. || L'industrie huîtrière, ostréicole ( Élevage).
REM. Ce sens étendu était encore le plus courant au XIXe s. Littré, qui l'illustre de citations allant de Voltaire à Legoarant (1858), ajoute cependant : « Industrie se dit quelquefois de tous les arts industriels, sauf l'agriculture, par opposition à l'agriculture ». De nos jours, les économistes n'emploient plus le mot que dans son sens restreint. L'expression industrie agricole ne désigne plus l'agriculture, mais l'ensemble des industries de traitement ou de transformation des produits agricoles.
10 (…) l'opposition (…) des genres de vie, entre (…) l'agriculture et ce que le mot industrie évoque, est trop profonde pour que le mot « agriculture » ait été détrôné par l'expression « industrie agricole ». Au surplus, l'expression industrie agricole risquerait d'être équivoque : on la confondrait aisément avec celle d'industrie alimentaire (…)L'expression industrie des transports risquerait (…) d'être à l'origine de confusions dans la mesure où elle laisse entendre que l'on parle des moyens de transport et non de l'acte de transporter.
J. Romeuf, Dict. des sciences économiques, art. Industrie.
Industrie, beaux-arts et sciences (→ Exterminer, cit. 5, Taine). || Exposition (cit. 6) de l'industrie, de l'art et de l'industrie. || « Le règne (…) du bien-être et le triomphe (…) de l'industrie » (→ Fouriérisme, cit. 1, Sainte-Beuve). || Les rapports de l'art et de l'industrie. Technique.
11 (…) cela tombe sous le sens que l'industrie, faisant irruption dans l'art, en devient la plus mortelle ennemie (…) Quel homme, digne du nom d'artiste, et quel amateur véritable a jamais confondu l'art avec l'industrie ?
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1859, II.
2 (XVIIIe; 1765, Encyclopédie, « technique industrielle, machinisme »; 1771 au sens mod.). Mod. Ensemble des activités économiques ayant pour objet l'exploitation des richesses minérales et des diverses sources d'énergie, ainsi que la transformation des matières premières (animales, végétales ou minérales) en produits fabriqués, impliquant la centralisation des moyens de production, et l'utilisation du niveau technique le plus avancé (à chaque stade). || L'agriculture, le commerce (cit. 3) et l'industrie. Économie. || De l'industrie. Industriel; automatisation. || Organisation de l'industrie moderne ( Rationalisation, standardisation; spécialisation). || Rôle de la comptabilité, de la prévision (planning) dans l'industrie. || Productivité croissante de l'industrie. || Unité de production dans l'industrie. Entreprise, établissement, exploitation, fabrique (vieilli), manufacture (vieilli), usine. || Tendance de l'industrie à la concentration. Concentration, intégration; entente, cartel, holding, trust.Le capital, la finance et l'industrie (→ Financier, cit. 3).Personnel de l'industrie. || Cadres de l'industrie ( Ingénieur, technicien). || Ouvriers d'industrie et ouvriers agricoles. || Syndicat groupant les ouvriers de l'industrie ( Syndicat, syndicalisme). || Les cadres de l'industrie. Technicien.Naissance, expansion de l'industrie. || Localisation de l'industrie dans le monde; géographie de l'industrie. || L'industrie française, allemande. || Cette région possède une industrie. || Donner une industrie à un pays. Équiper, industrialiser, industrialisation. || Rôle de la technique dans l'industrie. Machinisme, mécanisation; automatisation, informatisation. || Industrie et informatique.
12 Cependant, (au XVIIIe siècle) voici l'industrie nettement mise à part de la culture : « les Mémoires [des intendants] sur les productions du sol et de l'“industrie” de leurs généralités ». Hauser a insisté avec raison (…) sur l'emploi que font du mot industrie les Économistes, et après eux Roland, qui l'applique à la seule création dans les ateliers et les manufactures des objets nécessaires à la vie.
F. Brunot, Hist. de la langue franç., t. VI, p. 380.
13 (…) ici, il y a un pays, une ville, des fabriques, une industrie, des ouvriers (…)
Hugo, les Misérables, I, VII, III.
14 L'industrie française, tout en étant plus jeune que l'industrie anglaise de plus d'un siècle, se classe parmi les industries vieilles. Elle est de structure plus complexe, beaucoup plus souple que la jeune industrie allemande (…) mais elle est aussi bien moins évoluée au point de vue technique.
Pierre George, Géographie industrielle du monde, p. 43.
15 J.-B. Say distinguait déjà parmi les activités économiques : l'agriculture, l'industrie et le commerce. À la lettre, cette grande distinction est encore admise. Son contenu est toutefois différent, car pour J.-B. Say, l'agriculture englobait les activités extractives, et le commerce celle des transports.
J. Romeuf, Dict. des sciences économiques, art. Industrie.
(D'industrie). || Fonds de commerce (cit. 3) ou d'industrie. || Chef, patron d'industrie. Industriel. Péj. || Capitaine (cit. 8) d'industrie.
(Qualifié). || Petite, moyenne, grande industrie (→ Équipement, cit. 6), selon l'importance de la production, des moyens mis en œuvre.Industrie capitaliste, industrie privée (→ Énorme, cit. 13). || Industrie d'État (cit. 136). || Industrie nationalisée. || Industrie collectivisée, socialisée (coopératives de production, etc.).Industrie concentrée. || Industrie dispersée; industrie à domicile ( Artisanat, cit. 3).Industrie lourde : la grande industrie de première transformation des matières premières pondéreuses (→ ci-dessous, infra cit. 16).Industries d'équipement.Industrie légère, transformant les produits de l'industrie lourde en produits semi-finis et fabriqués (industries de biens d'usage et de consommation).Industrie extractive, industrie minière ( Charbon, houille, pétrole); industrie charbonnière. || Industries manufacturières, de transformation.Industries de guerre (cit. 40). || Reconversion d'une industrie de guerre.
16 C'est sur l'industrie que se concentre l'activité du législateur (…) L'industrie à domicile ne se prête guère à la réglementation (…) L'industrie artisane, plus sujette à la réglementation que l'industrie à domicile, l'est moins que l'industrie en forme d'entreprise, et c'est la grande industrie surtout (…) qui est le terrain de choix des expériences législatives. Il y a des branches d'industrie qui sont l'objet d'une réglementation particulière (…) Telle(s)… les industries insalubres ou dangereuses (…)
Henri Truchy, Cours d'économie politique, VII, II, 1.
Industries métallurgiques : industrie sidérurgique ( Acier, fer, fonte), industrie des métaux non-ferreux (aluminium, cuivre, etc.), industrie de transformation des métaux (laminoirs, tôlerie…). Métallurgie, sidérurgie.Industries du bâtiment. Bâtiment, construction.Industries mécaniques (machines, moteurs, matériel d'équipement, etc.). || Industrie automobile, aéronautique. || Industries de précision (appareillage électrique, électronique, optique, radio, horlogerie…).Industries chimiques : industries de l'azote, du soufre, des phosphates, du bois, du charbon et de ses sous-produits (goudron, gaz), des colorants, des matières plastiques, des parfums, des poudres et explosifs, du pétrole ( Raffinerie), du caoutchouc. || Industrie électrochimique.Industries textiles ( Textile) : industrie chanvrière, lainière, linière, cotonnière, séricicole. || Industries du vêtement ( Confection, prêt-à-porter).Industries des cuirs et peaux. || Industrie de la chaussure.Industries utilisant le bois (caisserie, meuble…), le verre (miroiterie, verrerie, vitrerie), l'osier, le rotin (vannerie), le papier, le carton (papeterie, cartonnage).
Industries alimentaires, des conserves (conserverie), des matières amylacées (biscuiterie, féculerie, meunerie, panification, pâtes alimentaires), du sucre (sucrerie), du cacao (chocolaterie), de l'huile (huilerie), du lait et de ses dérivés (beurrerie, fromagerie), des boissons (brasserie, cidrerie, distillerie, vinification…). Alimentation (3.).Industries de luxe. || Industries du spectacle. || L'industrie cinématographique (→ Cinéma, cit. 5). || Industries du livre (imprimerie, reliure, etc.).L'industrie de l'informatique, des communications.
Fig. || La guerre est une industrie (→ Apparaître, cit. 19).
3 (Mil. XXe). || Une industrie : entreprise industrielle. Entreprise, établissement, exploitation. || Diriger une industrie prospère, florissante. || Il est à la tête de plusieurs industries.
4 Ensemble des industriels. || « L'industrie en jaquette et en tube » (Aragon, in T. L. F.).
DÉR. Industriel.
COMP. Agro-industrie, bio-industrie, éco-industrie.

Encyclopédie Universelle. 2012.