renvoyer [ rɑ̃vwaje ] v. tr. <conjug. : 8>
1 ♦ Faire retourner (qqn) là où il était précédemment. « je le menaçai de le renvoyer à ses parents » (Baudelaire ). Renvoyer les soldats dans leurs foyers. ⇒ démobiliser. Renvoyer qqn à ses chères études. — Fig. (sujet chose) « Ainsi la maladie [...] renvoyait les individus à leur solitude » (Camus).
♢ Faire repartir (qqn) dont on ne souhaite plus la présence. « Quand elle fut remise et bien établie dans sa chambre, elle renvoya tout le monde » (Stendhal). Renvoyer ses créanciers, un importun. ⇒ éconduire.
2 ♦ Faire partir, en faisant cesser une fonction, une situation. Renvoyer un domestique. ⇒ chasser, congédier (cf. Mettre dehors, à la porte). Renvoyer des employés. ⇒ débaucher, licencier, remercier; fam. débarquer, éjecter, jeter, lourder, sacquer, vider, virer. Souverain qui renvoie ses ministres. ⇒ destituer, disgracier, limoger, révoquer. Renvoyer un accusé.
♢ Renvoyé de. « Je fus renvoyé de l'École » (A. Gide). ⇒ exclure, expulser. — Dr. Renvoyer d'accusation : décharger d'une accusation.
3 ♦ Faire reporter (qqch.) à qqn. Renvoyer un cadeau. ⇒ refuser, rendre. Renvoyer une lettre à l'expéditeur.
4 ♦ Relancer (un objet qu'on a reçu). Renvoyer un ballon, une balle. Renvoyer la balle à qqn. Renvoyer l'ascenseur. — Par ext. (Cartes) Renvoyer trèfle : rejouer trèfle.
♢ (En parlant de surfaces qui réfléchissent les objets ou les ondes) Miroir qui renvoie une image déformée. ⇒ réfléchir. — Renvoyer la chaleur. Renvoyer le son. ⇒ répercuter; écho.
5 ♦ Adresser à (quelque autre destination plus appropriée, quelque personne plus compétente). Renvoyer le prévenu à la cour d'assises. Visiteur qu'on se renvoie de service en service. Renvoyer un projet à la commission.
♢ Par ext. Faire se reporter, obliger à se reporter. « Oui, oui, je te renvoie à l'auteur des Satires » (Molière). — (Sujet chose) Chiffres, notes qui renvoient le lecteur à certains passages (⇒ renvoi) .
6 ♦ Remettre à une date ultérieure. ⇒ ajourner, 2. différer, remettre . Renvoyer l'affaire à huitaine. « L'on convint de renvoyer au dimanche suivant le tirage des lots » (Zola). Renvoyer le débat sine die. Renvoyer aux calendes grecques. — (Compl. personne) « Il m'a renvoyé à Noël pour le paiement » ( ACADÉMIE ).
⊗ CONTR. Appeler, introduire; employer, engager, garder, prendre, recruter; accepter.
● renvoyer verbe transitif Envoyer quelqu'un, quelque chose quelque part, une nouvelle fois, le faire retourner quelque part (faire quelque chose) : Il faudrait renvoyer une lettre, la première a dû s'égarer. Retourner ce qu'on a reçu à celui qui l'a envoyé : Renvoyer une lettre à l'expéditeur. Lancer quelque chose que l'on a reçu en sens contraire : Il t'envoie la balle et tu me la renvoies. En parlant d'une surface, réfléchir ce qu'elle reçoit : La vitre renvoie les rayons du soleil. Faire retourner quelqu'un au lieu d'où il vient : Renvoyer un militaire dans ses foyers. Demander, ordonner ou conseiller à quelqu'un de retourner à son occupation : Renvoyer quelqu'un à ses études. Demander à quelqu'un de sortir, de partir : Renvoyer un importun. Ne plus admettre quelqu'un temporairement ou définitivement : Renvoyer un élève du lycée. Licencier quelqu'un, le congédier. Inviter quelqu'un à s'adresser à quelqu'un d'autre, à se rendre à un autre endroit, à consulter tel texte, etc. : Son médecin traitant l'a renvoyé à un spécialiste. Transmettre, faire suivre à quelqu'un ou à un organisme ce qui les concerne : Renvoyer le projet devant une commission. Reporter quelque chose, le remettre à une date ultérieure : Renvoyer un débat à la prochaine session. Signifier à quelqu'un de se reporter à tel endroit d'un texte : L'astérisque renvoie aux remarques en bas de page. Faire que quelqu'un se reporte, en particulier par la pensée, à tel événement, tel moment : Ce film nous renvoie à toute une époque de notre vie. Attribuer à une juridiction une affaire à instruire ou à juger ou ordonner son renvoi devant une autre juridiction. Fournir une carte d'une couleur déjà jouée après avoir fait une levée. ● renvoyer (expressions) verbe transitif Familier. Renvoyer quelqu'un dans les cordes, dans ses buts, le remettre à sa place. ● renvoyer (synonymes) verbe transitif Envoyer quelqu'un, quelque chose quelque part, une nouvelle fois, le faire retourner...
Synonymes :
- réexpédier
Retourner ce qu'on a reçu à celui qui l'a envoyé
Synonymes :
- rendre
Lancer quelque chose que l'on a reçu en sens contraire
Synonymes :
- relancer
En parlant d'une surface, réfléchir ce qu'elle reçoit
Synonymes :
- refléter
- réverbérer
Faire retourner quelqu'un au lieu d'où il vient
Contraires :
- garder
Ne plus admettre quelqu'un temporairement ou définitivement
Synonymes :
- exclure
- expulser
Licencier quelqu'un, le congédier.
Synonymes :
- limoger
- révoquer
Contraires :
- employer
- engager
- enrôler
- prendre
- recruter
Reporter quelque chose, le remettre à une date ultérieure
Synonymes :
- ajourner
- reculer
- reporter
renvoyer
v. tr.
d1./d Faire retourner (qqn) au lieu d'où il est parti. Renvoyer un malade à l'hôpital.
d2./d Mettre (qqn) dans l'obligation de quitter un lieu, une situation. Renvoyer un employé. Syn. (Haïti) déchouquer.
|| DR Renvoyer un accusé, le décharger de l'accusation portée contre lui.
d3./d Faire reporter à qqn (ce qu'il avait envoyé, prêté, perdu). Renvoyer un objet oublié.
d4./d Lancer (qqch) en retour. Renvoyer une balle.
d5./d Réfléchir (des ondes lumineuses, sonores). L'écho renvoie les sons.
d6./d Adresser (qqn, qqch) à la personne, à l'endroit qui convient. être renvoyé au service compétent.
d7./d Remettre à plus tard.
d8./d (Québec) Fam. Vomir.
— Absol. Elle a renvoyé dans l'autobus. Syn. restituer.
⇒RENVOYER, verbe
I. — Empl. trans.
A. — Qqn renvoie qqn
1. a) Faire retourner au point de départ. Un article du traité disait que les soldats campés à Paris seraient désarmés et renvoyés chez eux (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 580). Il a déjà subi trois condamnations pour vol; il n'avait que quatorze ans la première fois; il est rendu à ses parents; il recommence; de nouveau on le renvoie à sa famille (GIDE, Souv. Cour d'ass., 1913, p. 659).
— Arg., vx. Renvoyer qqn chez son grand-père. Congédier brusquement. (Ds HAUTEL 1808).
b) Envoyer de nouveau. La consigne pour ces gardiens était de faire durement le service pour n'être pas renvoyés au front (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 239).
2. a) Faire repartir une personne dont la présence n'est plus nécessaire ou n'est plus désirée. Synon. congédier. Nous causions (...) avec Duteil et Planet, qui aimaient à babiller et qu'il nous fallait renvoyer pour les empêcher de me prendre ma veillée (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 386).
— Renvoyer qqn à + poss. + subst. Emma, lui prouvant d'un mot qu'il se trompait, le renvoyait à ses malades (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 48). Toute tremblante, il la fit comparaître, la tança vertement, et la renvoya à ses dossiers (ARLAND, Ordre, 1929, p. 266).
— Vieilli, fam. Renvoyer qqn bien loin. Refuser sèchement. Elle m'a demandé ta place (...) pour (...) le neveu de son cordonnier (...). Comme je te suis attaché, je l'ai renvoyée bien loin (MÉRIMÉE, Théâtre Cl. Gazul, 1825, p. 384).
b) Donner son congé à quelqu'un, en faisant cesser une fonction; mettre à la porte. Synon. chasser, destituer, expulser (fam.), vider (fam.), virer (fam). C'était écrit du 1er décembre 1788: Brienne avait été renvoyé avec une pension de huit cent mille livres; les États généraux étaient convoqués pour le 1er mai 1789 (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 114). Une élève avait été renvoyée du cours pour avoir tenu de « vilaines conversations » (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 85).
— En partic.
♦ Synon. de congédier, licencier, mettre à la porte. Renvoyer un domestique. Marie: (...) travailler. Hélas! ne le peut pas qui veut! La vendeuse: Ah! Mademoiselle a malheureusement raison. Nous avons encore renvoyé cinquante ouvrières cette année chez M. Lapérouse! (ANOUILH, Sauv., 1938, III, p. 223).
♦ Synon. de répudier. L'Empire ne parut jamais si grand, l'avenir si sûr qu'en 1810, lorsque Napoléon eut divorcé, renvoyé Joséphine qui ne lui avait pas donné d'enfant (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 128).
3. Qqn renvoie qqn ou [p. méton.] qqc.
a) Adresser à un organisme plus approprié, à une personne plus compétente. Un député à l'Assemblée nationale (...) proposa de décréter l'égalité des poids et mesures pour tout le royaume. La proposition fut accueillie et renvoyée à l'Académie des sciences, pour déterminer les moyens d'exécution (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p. 295):
• 1. Il confondit l'avant-scène avec les galeries, le parquet avec les loges, demanda des explications, ne les comprit pas, fut renvoyé du contôleur au directeur...
FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 63.
♦ Empl. pronom. réciproque. On fait un véritable travail, pour se mettre hors de l'influence de la personne dont on redoute la puissance. On se la renvoie mutuellement pour lui échapper (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 78).
b) DR. [Le compl. d'obj. désigne un prévenu, une affaire, un procès] Adresser à la juridiction compétente. Notre demande était renvoyée au ministère de la justice avec une recommandation spéciale (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 488).
♦ Renvoyer les plaideurs dos à dos. V. dos I B 1 c.
♦ Renvoyer à mieux se pourvoir. ,,Pour un tribunal, se déclarer incompétent et inviter les plaideurs à rechercher la juridiction qualifiée`` (ROLAND-BOYER 1983).
♦ Renvoyer des fins de la poursuite. ,,Décharger de l'inculpation, déclarer non coupable et en conséquence non sujet à la peine, objet de la poursuite`` (ROLAND-BOYER 1983). V. poursuite I A 3 ex. de Courteline.
♦ Renvoyer en jugement. ,,Faire passer en jugement devant le tribunal de police ou le tribunal correctionnel`` (ROLAND-BOYER 1983).
♦ Renvoyer en l'état. ,,Transmettre à la juridiction qualifiée le dossier d'une prétention sans l'examiner davantage`` (ROLAND-BOYER 1983).
♦ Renvoyer qqn de sa demande. Rejeter la demande de quelqu'un. (Dict. XXe s.). L'acquéreur peut exiger que tous les covendeurs ou tous les cohéritiers soient mis en cause, afin de se concilier entre eux pour la reprise de l'héritage entier; et, s'ils ne se concilient pas, il sera renvoyé de la demande (Code civil, 1804, art. 1670, p. 306).
♦ Renvoyer d'accusation. Décharger quelqu'un d'une accusation. (Dict. XXe s.).
♦ Renvoyer (un accusé, un prévenu). Faire bénéficier d'un non-lieu. Le président lut, d'une voix émue, le verdict qui renvoyait le prévenu; la salle éclata en applaudissements (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 153).
— Loc. fig., vieilli. Renvoyer de Caïphe à Pilate. [S'emploie ,,lorsque les personnes de qui dépend une affaire, une grâce, se renvoient l'une à l'autre celui qui la sollicite`` (Ac.)].
c) [Dans un écrit, un ouvrage] Inviter à se reporter à. Synon. conférer. Suivent plusieurs considérations qui développent tout au long la différence qui sépare les corps et l'espace, considérations qui remplissent plus de dix paragraphes auxquels je renvoie pour ne pas trop multiplier les citations (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., 1, 1829, p. 148). Il y a la même différence entre la prose et l'éloquence qu'entre le raisonnement et le jugement (...). Si le lecteur veut s'éclairer spécialement là-dessus, je le renvoie à Descartes et à Montaigne (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 312).
B. — Qqn renvoie qqc.
1. a) Faire retourner au point de départ. Un coupé bas, traîné par un cheval bai brun, s'arrêta à la grille. Mme de Saint-Alphonse en descendit. Baccarat courut à sa rencontre et lui dit: — Renvoie donc ta voiture! (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 470).
b) Envoyer de nouveau. Du Camp m'a répondu une lettre bonhomme et affligée. Je lui en ai renvoyé une autre du même tonneau (de vinaigre) (FLAUB., Corresp., 1852, p. 455). Melle Favel, suppliée de venir en aide à Vivier, a tout d'abord dit non, puis de nouvelles instances lui ont arraché un oui bien faible, et quelques heures après elle a renvoyé un énorme non bien formel (BERLIOZ, Grotesques, 1859, p. 161).
2. Faire retourner à son propriétaire ou à l'expéditeur un objet envoyé, égaré, perdu, oublié ou non accepté. L'on m'apprend que mes papiers saisis dans la Tamise m'ont été renvoyés sur-le-champ (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 619):
• 2. ... M. Herriot, Président de la Chambre (...) ayant renvoyé sa croix de la Légion d'honneur, pour marquer sa réprobation de voir décorer des « volontaires » combattant les Russes, était arrêté peu après...
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 37.
3. Envoyer, lancer en sens contraire. Renvoyer la balle, le ballon, le volant. V. chistéra ex.
♦ Empl. pronom. réciproque indir. Se renvoyer la réplique. C'est une manière de tennis. On se renvoie un cœur de raquette en raquette (ACHARD, Voulez-vous jouer, 1924, II, 3, p. 149).
— Loc. fig., fam. Renvoyer la balle à qqn. V. balle1 I A 1. Renvoyer l'ascenseur. V. ascenseur II. Impossible de ne pas dire du bien de ce guide de 392 pages (...) l'ascenseur doit donc être renvoyé à l'équipe de Pascal Bordes et Michel Burton, qui ont réalisé un travail de haute précision et rédigé un texte très simple (Le Monde loisirs, 4 févr. 1984, p. V).
4. JEUX DE CARTES. Après avoir fait une levée, jouer une couleur déjà jouée. Renvoyer cœur. Tu prendras de ton manillon, et tu renverras petit pique (COURTELINE, Boubouroche, 1893, I, 1, p. 19).
5. Réfléchir, répercuter. Lumière renvoyée par une glace, par un miroir; son renvoyé par l'écho. La moustache, mordorée aux lumières, encadre joliment le demi-sourire peiné de la bouche; la glace lui renvoie l'éclat du regard, où l'émoi semble avoir enchâssé des gouttes d'eau (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 153). P. métaph. Danglars observa Fernand, dont la nature impressionnable absorbait et renvoyait chaque émotion (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 49).
6. Remettre à une date ultérieure. Synon. ajourner, différer2, remettre, reporter1, repousser1. Renvoyer à huitaine, au lendemain, sine die. En renvoyant ce qu'on a à faire, on court le danger de ne jamais pouvoir le faire (BAUDEL., Cœur nu, 1867, p. 669). Après quelques conciliabules, le président a déclaré que l'audience était levée et renvoyée à l'après-midi pour l'audition des témoins (CAMUS, Étranger, 1942, p. 1186).
♦ Proverbe. Il ne faut pas renvoyer au lendemain ce qu'on peut faire le jour même.
♦ Expr. Renvoyer aux calendes (grecques).
— Vieilli. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Je lui demandai un rendez-vous, sous prétexte d'obtenir un passeport: il tint conseil et me renvoya au lendemain matin (MARAT, Pamphlets, À Me Pétion, 1792, p. 343). On lui demande jour [au chancelier] pour l'examen [la licence], et l'on va devant un jury qui interroge et avec lequel on discute. Après quoi on est admis ou renvoyé à un an (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 106).
— DR. Renvoyer l'affaire. ,,Reporter à une date ultérieure, ajourner l'examen du procès ou sa solution`` (ROLAND-BOYER 1983).
II. — Empl. intrans., MAR. Renvoyer de bord. Virer de bord vent devant (d'apr. BONN.-PARIS 1859). [Le suj. désigne un navire échoué] Rouler sur sa quille (d'apr. MERRIEN 1958). ,,Se coucher à l'échouage`` (MERRIEN 1958). Au lieu d'échouer debout contre ce quai, ce bateau a renvoyé au large (MERRIEN 1958).
REM. Renvoyeur, -euse, subst. a) Rare. Personne qui renvoie quelque chose à quelqu'un (v. renvoyer I A 3 b). Le nommé Pointel, directeur chrétien d'un journal illustré, le renvoyeur de Sainte-Beuve au Temps (GONCOURT, Journal, 1869, p. 484). b) Tennis. Renvoyeur, renvoyeuse (de balle). ,,Personne qui renvoie la balle sans attaquer, sans chercher à faire le point`` (PETIOT 1982). La masse des renvoyeurs de balle que nous voyons évoluer sur les courts (COCHET, Le Tennis, 1964 , PETIOT 1982).
Prononc. et Orth.:[], (il) renvoie [-vwa]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. v. aboyer. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1160 « faire retourner (quelqu'un) là où il était précédemment » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 6250: mort li renveoit Eneas); b) ca 1200 « démobiliser, licencier, congédier » (JEAN BODEL, Saxons, éd. F. Menzel et E. Stengel, 284: il departi ses oz, s'en ranvoia sa gent); 1480 (Lettre de Marguerite de Bourgogne, 14 sept. ds Mém. de Ph. de Comines, Preuves, éd. Lenglet du Fresnoy, t. 3, 1747, pp. 606-607: avez fait casser et renvoyer par-deça trois ou quatre cens Archers); c) 1569 « faire repartir, éconduire (quelqu'un) » (RONSARD, Œuvres compl., éd. P. Laumonier, t. 15, p. 171, 85: le debteur r'envoye); d) 1665 dr. « déclarer non coupable, acquitter » (LA FONTAINE, Imitation des Arrêts d'Amours ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 424: la cour [...] la renvoya); 2. ca 1175 « faire reporter (quelque chose à quelqu'un) » (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 12957: les li renveia arriere); 3. a) 1356 « adresser à une destination plus appropriée » (Lettre, 29 août ds G. ESPINAS, La Vie urbaine de Douai au Moy. Âge, t. 4, p. 369: que renvoiiet ne devoient estre [les prisonniers] et que à nous en devoit demourer la cognoissance); 1396 (Mandement de Charles VI, 16 déc. ds G. SAIGE, H. LACAILLE, Trésor des Chartes du Comté de Rethel, t. 2, p. 432: renvoyer en nostredit Parlement les causes qui sont pendans par devant vous); 1402 fig. (J. GERSON, Sermons et discours, 370 ds Œuvres compl., éd. P. Glorieux, t. 7, p. 830: je renvoye chascune personne a sa conscience); 1640 renvoyer de Caïphe à Pilate (OUDIN Curiositez); b) 1548 « faire se reporter, obliger à se reporter » (Th. SÉBILLET, Art poét. fr., éd. F. Gaiffe, p. 203); 4. a) 1396 « remettre à une date ultérieure » (Mandement de Charles VI, ibid., p. 433: renvoyez [les causes] [...] à certain et competent jour ordinaire ou extraordinaire de nostre present Parlement); 1588 (MONTAIGNE, Essais, III, 13, éd. Villey-Saulnier, p. 1085); b) 1668 renvoyer aux calendes (LA FONTAINE, Fables, VI, 10, 15: il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes); 1690 renvoyer aux Calendes Grecques (FUR.); 5. a) 1593 renvoyer l'estœuf [la balle] fig. « riposter » (CHARRON, Trois veritez, l. III, préf. ds HUG.); 1798 renvoyer la balle (Ac., s.v. balle); b) 1611 fig. se renvoyer le esteuf l'un à l'autre « se décharger d'une responsabilité l'un sur l'autre » (COTGR.); c) 1893 jeu (COURTELINE, loc. cit.); d) 1909 fig. renvoyer l'ascenseur (RENARD, Journal, p. 1259); 6. 1637 « réfléchir, répercuter (lumière, son, chaleur, etc.) » (DESCARTES, Dioptrique, Disc. premier ds Œuvres philos., éd. F. Alquié, t. 1, p. 655: les diverses façons dont ces corps la reçoivent [la lumière] et la renvoient contre nos yeux). Dér. de envoyer; préf. r- (re-). Fréq. abs. littér:3 682. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 6 572, b) 6 206; XXe s.: a) 4 656, b) 3 921.
renvoyer [ʀɑ̃vwaje] v. tr. [CONJUG. envoyer.]
ÉTYM. 1130; de re-, et envoyer.
❖
1 a Faire retourner (qqn) là où il était ou avait été précédemment. || Je le renverrais bien d'où il est venu. || Renvoyer les soldats dans leurs foyers (cit. 17). ⇒ Démobiliser. || Titus renvoya Bérénice de Rome malgré (cit. 2) lui et malgré elle. ☑ Renvoyer qqn à l'école, à ses (chères) études. || Chaque fois que l'art languit (cit. 5), on le renvoie à la nature.
1 (…) un jour où je constatai que, malgré mes nombreux avertissements, il avait encore commis un nouveau larcin de ce genre, je le menaçai de le renvoyer à ses parents.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXX.
2 Ainsi la maladie (…) brisait en même temps les associations traditionnelles et renvoyait les individus à leur solitude.
Camus, la Peste, p. 189.
♦ Faire repartir (qqn), se débarrasser de (qqn dont on n'a plus besoin, dont on ne souhaite plus la présence). || Renvoyer un hôte. || Renvoyer qqn avec une pièce d'or (→ Humilier, cit. 37). || Renvoyer ses créanciers (→ Payer, cit. 6), un importun. ⇒ Défaire (se), éconduire, envoyer (promener, etc.); → Passez votre chemin.
3 Quand elle fut remise et bien établie dans sa chambre, elle renvoya tout le monde.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, VIII.
4 Mais on fut surpris qu'elle ne renvoyât pas le valet qui l'avait amenée, après qu'on l'eut aidé à remiser la voiture.
Zola, la Terre, II, VII.
5 Je n'étais pas avec ma tante depuis cinq minutes, qu'elle me renvoyait par peur que je la fatigue.
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 52.
b (1480). Spécialt. Faire partir qqn, en faisant cesser une fonction, une situation. ⇒ Chasser, congédier, écarter; dehors (mettre dehors), porte (1. Porte, cit. 11 : mettre à la). || Renvoyer un domestique (→ Dû, cit. 1). || Renvoyer un élève d'un établissement. ⇒ Exclure, expulser. || Souverain qui renvoie ses ministres. ⇒ Destituer, disgracier (→ Majorité, cit. 3). || Renvoyer des employés. ⇒ Licencier; pied (mettre à); et fam. balayer, bourlinguer, vider (→ Industrieux, cit. 2). || Renvoyer une épouse. ⇒ Répudier (→ Parti, cit. 9). — Dr. || Renvoyer un accusé absous, le renvoyer d'accusation. ⇒ Décharger. || Renvoyer deux plaideurs dos à dos.
6 (…) elle était un de ces serviteurs qui, dans une maison, sont à la fois ceux qui déplaisent le plus au premier abord à un étranger, peut-être parce qu'ils ne prennent pas la peine de faire sa conquête et n'ont pas pour lui de prévenance, sachant très bien qu'ils n'ont aucun besoin de lui, qu'on cesserait de le recevoir plutôt que de les renvoyer (…)
Proust, Du côté de chez Swann, Pl., t. I, p. 54.
7 C'est peu de temps ensuite que je fus renvoyé de l'École, pour des motifs tout différents que je vais tâcher d'oser dire (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, II, p. 66.
7.1 Ce qui est injuste, Monsieur Borne, c'est de renvoyer dos à dos les auteurs des catastrophes nationales et ceux qui s'efforcent de les réparer.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 156.
2 Faire reporter (qqch.) à qqn. || Je vous renvoie votre lettre (→ Gageure, cit. 5; et aussi laisser, cit. 53). || Marius renvoya les trente louis à sa tante (→ 2. Moyen, cit. 21). || Renvoyer ses décorations. || Renvoyer un cadeau. ⇒ Refuser, rendre.
8 Si un croquant vient un matin acheter trois mètres de drap bleu, il les renvoie le soir, sous prétexte qu'il les avait cru jaunes (…)
A. Maurois, B. Quesnay, XXI.
9 (…) il (Pasteur) renvoyait, au doyen de la Faculté allemande de Bonn, le diplôme qu'elle avait jadis conféré. « La vue de ce parchemin m'est odieuse », s'écriait-il.
Henri Mondor, Pasteur, VI.
3 Relancer (un objet qu'on a reçu). || Renvoyer le ballon dans l'autre camp. || Renvoyer une balle, un volant (→ Bombe, cit. 2; peloter, cit. 1; pointe, cit. 21). ☑ Loc. fig. Renvoyer la balle. — Spécialt (jeu de cartes). || Renvoyer une couleur : rejouer dans la couleur (→ 1. Pique, cit. 5). — (En parlant de surfaces qui réfléchissent les objets ou les ondes). ⇒ Réfléchir, répercuter. || L'image qu'une glace nous renvoie (→ par métaphore Home, cit. 2; personnage, cit. 5). Pron. || Se renvoyer des grimaces (cit. 5) dans la glace. — Renvoyer la chaleur, un parfum (→ Excitant, cit. 1). || Renvoyer le son. ⇒ Écho.
10 Les cris que les rochers renvoyaient plus affreux (…)
Racine, Mithridate, II, 3.
11 Au milieu du chantier se dressaient trois tas de charbon (…) tous trois renvoyaient avec force la lumière qui les inondait (…) les facettes diamantées du minerai brillaient comme une eau qui s'agite et chatoie.
J. Green, Léviathan, I, XII.
♦ ☑ Loc. fig. Renvoyer l'ascenseur.
4 (XVe, en dr.). Compl. n. de personne. Adresser (qqn) à une autre destination plus appropriée, à une personne plus compétente. Dr. || Renvoyer le prévenu à la cour d'assises (cit. 7; et → Accusation, cit. 2). || Renvoyer qqn devant la Haute (cit. 39) Cour de justice. — ☑ Loc. (Vx). Renvoyer qqn de Caïphe à Pilate, par allus. à Jésus renvoyé d'un juge à l'autre. — Visiteur qu'on se renvoie de service en service (→ Ministère, cit. 11). || Malherbe renvoyait ordinairement aux crocheteurs du Port-au-Foin, en matière de langage (cit. 20). — (Compl. n. de chose). || Renvoyer un projet à la commission.
♦ Par ext. Faire se reporter, obliger à se reporter. || Les extraits ne peuvent servir qu'à nous renvoyer à l'œuvre (→ Note, cit. 19). || Chiffres, notes qui renvoient le lecteur à certains passages (cit. 19; → aussi Note, cit. 3). ⇒ Renvoi. || Renvoyer par un astérisque, par la lettre V. (Voir), l'abréviation Cf. (⇒ Conférer), par une flèche…
12 — Ma gloire est établie; en vain tu la déchires.
— Oui, oui, je te renvoie à l'auteur des Satires.
Molière, les Femmes savantes, III, 3.
5 (1690). Remettre à une date ultérieure. ⇒ Ajourner, délai, différer. || Renvoyer l'affaire à huitaine. || Renvoyer le débat. || Renvoyer à plus tard un plaisir (→ 1. Lire, cit. 10). ☑ Renvoyer qqch. aux calendes. || Renvoyer sine die. — (Compl. n. de personne). || « Il m'a renvoyé à Noël pour le paiement » (Académie).
13 (…) au lieu d'expédier sur-le-champ des marchands ou des ouvriers, il ne feint point de les renvoyer au lendemain matin (…)
La Bruyère, les Caractères de Théophraste XXIV.
14 (…) l'on convint de renvoyer au dimanche suivant le tirage des lots, qui aurait lieu chez le père, à dix heures.
Zola, la Terre, I, III.
♦ Absolument :
15 Les invitations étaient faites bien avant, et on avait déjà renvoyé deux fois, à cause de la maladie de cœur de mon cousin.
P.-J. Toulet, la Jeune Fille verte, V.
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renvoyé, ée p. p. adj.
♦ Lueur renvoyée par des miroirs (→ Crépusculaire, cit. 1). || Lumière renvoyée par un plafond (cit. 3).
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CONTR. Asseoir (faire), entrer (faire), introduire; convoquer, embaucher, employer, engager, garder, prendre, recruter; admettre, adopter.
DÉR. Renvoi.
Encyclopédie Universelle. 2012.