ordinaire [ ɔrdinɛr ] adj. et n. m.
• 1348; « juge » 1260; lat. ordinarius
I ♦ Adj.
1 ♦ Conforme à l'ordre normal, habituel des choses; sans condition particulière. ⇒ 1. courant, habituel, normal, usuel. Le cours ordinaire des choses. ⇒ coutumier. Le traitement ordinaire d'une affection. — Impers. « Il est encore assez ordinaire de mépriser qui nous méprise » (La Bruyère). — Fam. Ça alors, c'est pas ordinaire ! c'est étonnant, remarquable.
♢ Habituel, coutumier à qqn. Sa froideur, sa gaieté, sa maladresse ordinaire.
2 ♦ (Personnes) Qui remplit habituellement une fonction. Hist. Le médecin, le maître d'hôtel ordinaire du roi, qui remplissait sa fonction toute l'année. Évêques ordinaires, qui gouvernent un diocèse.
3 ♦ (XVIIe) Dont la qualité ne dépasse pas le niveau moyen le plus courant, qui n'a aucun caractère spécial. ⇒ banal, commun. Du vin ordinaire, de qualité ordinaire. Modèle ordinaire (⇒ 1. standard) et modèle de luxe. — J'étais un enfant très ordinaire, confesse le grand musicien. Les génies et les hommes ordinaires.
♢ Péj. Des gens très ordinaires, de condition sociale très modeste, ou peu distingués.
II ♦ N. m.
1 ♦ (XVIe) Ce qui n'a rien d'exceptionnel. À son ordinaire : d'après son comportement habituel, comme d'habitude. « Demain j'irai au collège en fumant [...] comme à mon ordinaire » (Flaubert). Sortir de l'ordinaire : changer. « une intelligence au-dessus de l'ordinaire » (Proudhon).
2 ♦ (déb. XVe) Surtout milit. Ce que l'on mange, ce que l'on sert habituellement aux repas. ⇒ alimentation. Un bon ordinaire. Améliorer l'ordinaire. Caporal d'ordinaire.
3 ♦ Liturg. Ordinaire de la messe : ensemble des prières de teneur invariable (opposé à propre).
III ♦ Loc. adv. D'ORDINAIRE; À L'ORDINAIRE : de façon habituelle, à l'accoutumée, et par ext. le plus souvent. ⇒ habituellement, ordinairement, souvent (le plus souvent) (cf. De coutume, d'habitude). « Un hiver plus rude que d'ordinaire » (Michelet). « Le vieux jardinier Clovis fagotant du bois mort comme à l'ordinaire » (Bernanos). Moins élégant qu'à l'ordinaire.
⊗ CONTR. Anormal, étrange, exceptionnel, extraordinaire, 2. original, rare, remarquable. Distingué, excentrique.
● Ordinaire ecclésiastique, habituellement un évêque, qui exerce la juridiction attachée par le droit canon à une charge ecclésiale sur un territoire ou un ensemble de personnes.
ordinaire
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d Qui ne sort pas de l'ordre commun, de l'usage habituel. Il lui est arrivé une chose peu ordinaire.
d2./d De qualité moyenne, courante. Du papier ordinaire.
— Péjor. Des gens très ordinaires, de condition modeste ou de manières vulgaires.
d3./d (Belgique) Professeur ordinaire: V. professeur.
rII./r Loc. adv. à l'ordinaire, d'ordinaire: d'habitude, en général. Agir comme à l'ordinaire. C'est ce qu'on fait d'ordinaire dans ces cas-là.
rIII/r n. m.
d1./d Ce qui est ordinaire, courant. Cela ne change pas de l'ordinaire.
d2./d Ce que l'on sert habituellement aux repas (en partic. dans l'armée). Dans cette caserne, l'ordinaire est mauvais.
d3./d LITURG L'ordinaire de la messe: les prières fixes qui sont dites dans toutes les messes.
⇒ORDINAIRE, adj. et subst.
I. —Adjectif
A. —1. a) Qui découle d'un ordre de choses ou appartient à un type présenté comme commun et normal (pour ce à quoi réfère le syntagme). Synon. courant, habituel, normal; anton. exceptionnel.
) En position d'épithète postposée. Bourgeois, médecin, ouvrier ordinaire; état ordinaire; la vie ordinaire; vivres ordinaires; respiration ordinaire; le public ordinaire. Du jardin, qui est à la hauteur d'un premier étage ordinaire, on découvre une vue magnifique (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p.177). Mme Vigneron n'est pas une cliente ordinaire pour moi, je la gâte (BECQUE, Corbeaux, 1882, 3, 5, p.175). Nous ne pouvons donc, comme dans l'addition ordinaire, intervertir l'ordre des termes (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p.122):
• 1. Il en résulte un produit de matières grasses, qui peut à la rigueur tenir lieu de viande, et qui la remplace en effet presque entièrement dans l'alimentation ordinaire du Berbère.
VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.135.
) En position d'épithète antéposée, littér. Ces quelques semaines d'héroïque vie commune (...) les avaient unis, plus étroitement que des années d'ordinaire amitié n'auraient pu le faire (ZOLA, Débâcle, 1892, p.488). Sa conversation mettait en poésie les plus ordinaires circonstances de la vie (FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p.1).
) Emploi impers. Il est ordinaire que/de + inf. Il était ordinaire que le costume fût fixé invariablement par les lois de chaque cité (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p.132).
b) Spécialement
— ART MILIT., vx. Pas ordinaire. Pas que les troupes sont censées prendre lorsqu'on ne leur en ordonne pas d'autre et qui est le plus lent de ceux qu'on leur a enseignés. La longueur du pas ordinaire est de deux pieds, et sa vitesse de soixante et seize par minute (Ac. 1835, 1878).
— DROIT
♦Tribunal ordinaire.
♦Question ordinaire (vx). Premier degré de la torture. Arrêt qui ordonne que préalablement l'accusé subira la question ordinaire et extraordinaire (Ac. 1835, 1878).
— ENSEIGN. Professeur ordinaire. Premier rang dans la hiérarchie des enseignants universitaires de certains pays germaniques. Un peu plus tard, il fut nommé professeur ordinaire et directeur de l'Académie de Berlin (QUINET, All. et Ital., 1836, p.122).
— PHILOS. Langage ordinaire. Langage qui s'exprime par les langues naturelles (par opposition aux langages logiques ou mathématiques) et qui permet la communication dans la vie quotidienne. Anton. langage formel. La philosophie du langage ordinaire. Toutes les lois sont donc tirées de l'expérience; mais pour les énoncer, il faut une langue spéciale; le langage ordinaire est trop pauvre (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p.141).
2. [Le subst. qualifié est rapporté à qqc. ou à qqn]
a) [Le subst. exprime une fonction sociale] Dont le référent accomplit de manière habituelle ou en fonction d'un ordre établi la fonction désignée par le substantif. Synon. habituel. Dieudonné Cavrois était leur victime ordinaire (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.183):
• 2. Charruel (...) demanda la permission d'allumer une cigarette, tout en dissertant de cette voix appliquée (...) qu'il «plaçait», (...) fût-ce pour commander deux oeufs sur le plat à son gargotier ordinaire.
DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.83.
— Spécialement
♦HIST. [En parlant des officiers de la maison du Roi] Qui remplit ses fonctions toute l'année ou de manière habituelle. Anton. extraordinaire. Maître d'hôtel ordinaire. Médecin ordinaire (Ac.). Musicien ordinaire de la musique du roi, de la chapelle du roi (Ac. 1835-1935). Sur ce brick, se trouvait également un gentilhomme ordinaire de la chambre de SM le Roi Charles X (BALZAC, E. Grandet, 1834, p.234). C'était pourtant ce que le peintre ordinaire de sa majesté voulait exiger de notre dévouement (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.246).
P. méton., emploi subst. Musicien ordinaire de la maison du roi. M. Francoeur le fils, l'un des vingt-quatre ordinaires de la Musique de la Chambre (LAURENCIE, Éc. fr. violon, 1922, p.197).
♦ADMIN., DR. Juge ordinaire, cour ordinaire. Juge, cour, qui siégeaient toute l'année et non seulement un semestre (d'apr. Ac. 1835, 1878). Il demanda son renvoi par-devant les juges ordinaires (Ac. 1835).
[Au Conseil d'État] Service ordinaire. Nul ne peut être nommé conseiller d'État en service ordinaire avant l'âge de quarante-cinq ans. Les conseillers en service extraordinaire sont nommés pour une période de quatre ans, non renouvelable avant l'expiration d'un délai de deux ans (Lar. encyclop. Suppl. 1968, s.v. conseil).
b) [Le subst. désigne une activité] Qui est exercé(e) de manière habituelle et/ou réglé(e) par quelqu'un. Synon. coutumier, normal, habituel; anton. exceptionnel, inhabituel, inaccoutumé. C'était le directeur du Casino (...) qui faisait sa partie ordinaire [de billard] avec le comique de sa troupe (MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p.22):
• 3. ... nous faisions, frappant des pieds, puis des mains, la ronde rituelle, en chantant l'hymne sonrhaï. «Telles étaient nos occupations ordinaires de petites filles libres (...)»
BENOIT, Atlant., 1919, p.241.
c) [Le subst. désigne un sentiment, un affect, ou une capacité] Qu'on éprouve ou qu'on manifeste habituellement. Synon. habituel, coutumier; anton. inaccoutumé, inhabituel.
— Emploi épithète. Je lui annonçai avec ma franchise ordinaire que cette incapacité de travail durerait peut-être aussi longtemps que lui (ABOUT, Roi mont., 1857, p.270). Eh bien, continuons, dit enfin Bordenave de sa voix ordinaire, parfaitement calme (ZOLA, Nana, 1880, p.1328). Je savais (...) que le grand chef mentait, qu'il n'y avait pas d'entente entre les puissances. C'était son bluff ordinaire (MILLE, Barnavaux, 1908, p.227).
— Emploi attribut [Avec un compl. à valeur de datif] Sa politique [de Crassus] devait être de se ménager des amis parmi eux [les conspirateurs] pour le cas d'une révolution, car cette prévoyance est ordinaire à tous les riches (MÉRIMÉE, Essai, Conjur. Catilina, 1844, p.261). Le fermier (...) éprouvait une gêne évidente qui ne lui était pas ordinaire (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Hist. fille de ferme, 1881, p.289). Nul (...) ne trouvait à redire à cette attente prolongée, comme si la prostration actuelle de ces gens ne différait que peu de l'état qui leur était ordinaire (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.899).
d) [Le subst. renvoie à un ordre de mesure] Qui a pour valeur, mesure, telle ou telle valeur, mesure habituelle. Le bail des meubles fournis pour garnir une maison entière (...) est censé fait pour la durée ordinaire des baux de maisons (Code civil, 1804, art.1757, p.319). Mais 1500 francs me semble un prix exorbitant. Je crois que 1000 francs est le prix ordinaire d'un in-8 (FLAUB., Corresp., 1861, p.413).
B. —Qui présente des caractéristiques, une valeur, une qualité qui ne dépassent pas le niveau moyen par opposition à quelque chose d'autre pour lequel celles-ci sont supérieures. Synon. banal, commun, quelconque; anton. remarquable, extraordinaire. Esprit ordinaire; manières ordinaires. Lisa (...) coupait des tranches de saucisson. Elle passa au jambon fumé et au jambon ordinaire (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.672). Chéri détourna la tête vers la dame en noir, une brune robuste, ordinaire et féline (COLETTE, Fin Chéri, 1926, p.120). Georgette a décidé de ne plus voir sur sa table de vin ordinaire à dix ou douze sous le litre (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.245):
• 4. ... je suis un homme si ordinaire, si affreusement semblable à tous les hommes !
DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.79.
— Emploi attribut. Dans le petit Saint Martin de Van Dyck, copié par Géricault, la composition est très ordinaire, cependant l'effet de ce cheval et de ce cavalier est immense (DELACROIX, Journal, 1947, p.175). Il avait beau chausser les bottes de sept lieues, frotter la lampe d'Aladin, elles avaient perdu leurs vertus magiques... Tout restait plat, ordinaire, et à la lumière crue du jour que rien ne colorait, il était obligé de voir les ruines (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.103).
— En partic. Gens très ordinaires. De condition sociale modeste. Réfléchissez que vous êtes d'un autre rang que nous; que nous sommes des gens de travail, des gens ordinaires, et que vous êtes d'une famille distinguée (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.220).
II. —Subst. masc.
A. —Ce qui se produit, ce qu'on fait en vertu d'un ordre des choses présenté comme commun et normal (pour une situation ou un type de choses donné). C'est un homme au-dessus de l'ordinaire (Ac. 1835-1935). Je me prononce contre l'idée d'une souscription. Une souscription, c'est l'ordinaire de ces sortes de manifestations (HUGO, Corresp., 1864, p.466).
— Locutions
♦Être (comme) à son ordinaire. Être dans sa forme, dans sa disposition habituelle. Alors, quelqu'un vous a fait quelque chose? Vous n'êtes pas comme à votre ordinaire... (BOURGET, Disciple, 1889, p.127).
♦À mon/ton/etc. ordinaire. À mon/ton/etc. habitude. Son Altesse le Prince de Monaco va venir, à son ordinaire, fumer un cigare sur cette terrasse (SARDOU, Rabagas, 1872, I, 1, p.1). Il était peut-être plus adroit (...) d'aller et venir dans le logement, comme à mon ordinaire (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.25).
♦Pour l'ordinaire. D'une manière conforme à l'usage. Synon. ordinairement. La conversation qui précède un grand dîner se borne, pour l'ordinaire, à des lieux communs de politesse, à des phrases banales sur le tems, la saison et les spectacles (JOUY, Hermite, t.4, 1813, p.317).
♦Contre l'ordinaire. D'une manière contraire à l'usage ou à l'habitude. Elle avait, contre l'ordinaire, un petit bonnet; elle n'avait pas quitté encore le vêtement flottant du matin (MICHELET, Journal, 1858, p.402).
♦Sortir de l'ordinaire. S'écarter de l'usage habituel, de la pratique courante:
• 5. Les curieux événements qui font le sujet de cette chronique se sont produits en 194., à Oran. De l'avis général, ils n'y étaient pas à leur place, sortant un peu de l'ordinaire.
CAMUS, Peste, 1947, p.1217.
♦D'ordinaire. De façon habituelle. Synon. à l'accoutumée, habituellement, ordinairement. Où prenais-je l'audace et l'habileté nécessaires à ce plaidoyer, moi si timide d'ordinaire et silencieux à l'excès? (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p.128). Remarquez que, d'ordinaire, elle ne nous battait jamais sans nous en donner les motifs (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.71).
♦À l'ordinaire. Suivant un usage normalement reconnu ou accepté, suivant la manière accoutumée. Synon. à l'accoutumée, ordinairement. Peu s'en fallait qu'il ne le nommât à l'ordinaire, «Buonaparte» (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p.267). Ses yeux gris-bleu, gais à l'ordinaire, avaient un reflet de tristesse au repos (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.37).
B. —En partic.
1. Ce qui constitue habituellement un repas (gén. au restaurant ou dans une communauté donnée). Servir, manger l'ordinaire. D'avoir à préparer l'ordinaire, depuis la mort de sa belle-mère (...), lui était tous les jours une nouvelle pénitence (GUÈVREMONT, Survenant, 1945p.45). Trois jours plus tard, l'ordinaire, qui nous avait ébloui aux premiers repas, se réduisant à quelques trognons de choux (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.305).
— En partic. Vin d'ordinaire. ,,Le vin de qualité ordinaire que l'on boit au cours du repas, à la différence des vins plus fins que l'on boit au rôti et au dessert, etc. Un bon vin d'ordinaire``(Ac. 1935).
— ART MILIT.
♦Nourriture servie à la troupe par opposition à celle du mess des sous-officiers ou du mess des officiers. Il avait oublié la boîte de sardines qu'il a achetée la veille, tellement les macaronis gris de l'ordinaire le dégoûtaient (BARBUSSE, Feu, 1916, p.156).
♦Subst. indiquant le grade ou la fonction + d'ordinaire. Personnel (ayant tel ou tel grade) chargé d'assurer et/ou de superviser la préparation des repas de la troupe. Le caporal d'ordinaire, sentant faiblir le cuistot désemparé, a un beau geste (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.72). Des délégations venaient souvent s'entretenir avec l'officier d'ordinaire pour lui apporter des pourboires (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p.246).
2. LITURG. CATH.
a) Ordinaire de la messe. Ensemble des prières dont le texte est invariant et qu'on retrouve dans les messes tout au long de l'année (à la différence du «propre du temps» ou du «propre des Saints»). Pendant la grand'messe, le choeur ne chante pas toutes les prières récitées par l'officiant, mais participe à l'«ordinaire» et au «propre» (DUPRÉ, Manuel accompagn. plain-chant grégor., s.d., p.28). En réalité, ce qu'apprend une petite fille élevée, comme Angélique, dans la piété (...) ce n'est point la légende dorée, ce sont les prières, l'ordinaire de la messe (A. FRANCE, Vie littér., 1890, p.290).
b) Tout supérieur qui a juridiction spirituelle sur des religieux (ordinaire simple) ou sur les catholiques d'un district ecclésiastique (ordinaire du lieu). Il a pris un visa de l'ordinaire (Ac.). Je ne me suis pas laissé abattre par la résistance de monsieur le curé (...) Et il m'a répondu: «Nous sommes respectueusement soumis à l'ordinaire. Allez à l'archevêché (...)» (A. FRANCE, Hist. comique, 1903, p.143).
3. Vx. Coursier de la poste partant à jours réguliers. L'ordinaire de Lyon (Ac. 1835, 1878). Il s'est passé trois ordinaires sans que j'aie de vos nouvelles (Ac. 1798-1878).
Prononc. et Orth.: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Subst. A. 1. 1260 ordenaire «autorité ecclésiastique diocésaine» (Liv. de Jost. et de plet, p.62 ds GDF. Compl.); 1335 ordinaire (Girart de Roussilon, éd. E. B. Ham, 318); 2. 1328 «Livre contenant l'ordinaire de la messe» (Inv. de Clémence de Hongrie; N. C. de l'Arg. 62 ds LA CURNE); 1718 ordinaire de la Messe (Ac.); 3. XVe-XVIe s. «ce qu'on fait habituellement» (L'Am. ressusc., p.299 ds LA CURNE); 1643 c'est l'ordinaire de (CORNEILLE, Le Menteur, I, 6); 4. 1559 «ce qui est normal» (AMYOT, Publ., 9). B. 1. 1489 «ensemble des mets constituant l'alimentation quotidienne» ici «viatique» (Rep. fr. [faussement attribué à Villon], p.20 ds LA CURNE); 2. 1690 «portion de grains donnée quotidiennement aux chevaux» (FUR.); 3. 1766 «prestation nécessaire à la subsistance d'un effectif» (Ordonnance d'apr. Lar. 19e). C. 1. a) 1636 «courrier partant et arrivant à date fixe» (MONET]; b) 1671 «jour où parvenait ce courrier» (SÉVIGNÉ, Lettres, éd. M. Monmerqué, II, p.245); 2. 1690 «prélat exercant la juridiction ordinaire» (FUR.). II. Adj. 1. 1348 «conforme à l'ordre normal» (Affranch. de Gy, A. de Gy ds GDF. Compl.: Exactions ordenaires et extraordenaires); 2. 1355 «se dit d'une personne qui remplit régulièrement une fonction» juges ordinaires (Ordonnance du 8 déc. ds Rec. gén. des anc. lois fr., éd. Decrusy, Isambert et Jourdan, IV, p.752); 3. a) 1553 «dont on use habituellement» portion ordinaire «qui constitue l'alimentation quotidienne» (La Bible, s. l., impr. J. Gérard, Jérémie, 52, 33); b) 1580 «conforme à l'usage habituel» (MONTAIGNE, Essais, éd. Villey-Saulnier, I, V, p.26); 4. av. 1615 «commun à un grand nombre de personnes» droit commun et ordinaire (PASQ., Rech., III, 242 ds LA CURNE); 5.a)1675 «qui ne dépasse pas le niveau commun, moyen» hommes ordinaires (FLÉCH[IER], Turenne ds LITTRÉ); b) 1864 «de condition sociale modeste» des gens ordinaires (ERCKM.-CHATR., loc. cit.); 6. 1804 les coupes ordinaires des bois (Code civil, art.521, p.96). III. Loc. 1. a) XVe s. [ms.] à l'ordinaire «habituellement» (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 79, 35 var.); b) 1607 à l'ordinaire de (HULSIUS); c) 1792 comme à son ordinaire (COLLIN D'HARL., Vieux célib., IV, 9, p.108); 1795 comme à l'ordinaire (GENLIS, Chev. cygne, t.2, p.203); 2. 1601 d'ordinaire (Rec. des coutumes de l'évéché de Metz, titre II, §X ds Nouv. coutumier gén., éd. Bourdot de Richebourg, II, 415); 3. 1678 contre l'ordinaire (LA FONTAINE, Fables, XI, IV, 7 ds OEuvres, éd. H. Régnier, III, 118); 4. 1678 selon l'ordinaire (ID., ibid., XI, VI, 27, ibid., III, 134). Empr. au lat. d'époque impériale ordinarius «rangé par ordre; conforme à la règle, à l'usage» lui-même dér. de ordo, -inis, v. ordre; au sens II 2, cf. dès ca 1140 a. prov. jutge ordinaris (Trad. du Code de Justinien, fol. 10 ds RAYN.). Fréq. abs. littér.: 7155. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 11895, b) 10320; XXe s.: a) 9563, b) 8997.
DÉR. Ordinariat, subst. masc. Fonction, pouvoir judiciaire de l'évêque diocésain. (Ds LITTRÉ, ROB.). — []. — 1re attest. 1874 (Journal des Débats, 4 août, 2e page, 2e col. ds LITTRÉ Suppl. 1877); de ordinaire, suff. -at.
BBG. — QUEM. DDL t.16.
ordinaire [ɔʀdinɛʀ] adj. et n. m.
ÉTYM. 1348; n. m., « juge », 1260; du lat. ordinarius « rangé par ordre », dér. du lat. ordo, inis. → Ordre. REM. L'adj. épithète se place normalement après le nom.
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I Adj.
1 Qui est conforme à l'ordre normal des choses (⇒ Ordre, I., 4.); qui est, se fait, arrive d'une façon habituelle, sans condition particulière. ⇒ Banal, commun (I., 5.), 1. courant (III., 1.), fréquent, 1. général (2.), habituel (1.), 1. moyen (I., 3.), normal (5.), usuel (→ Erreur, cit. 7; extraordinaire, cit. 1 et 17; merveille, cit. 14). || Le cours ordinaire des choses (→ Imagination, cit. 21). || Effets (cit. 1), conséquences ordinaires. || Le principe le plus ordinaire qui fait agir l'ambitieux (cit. 4). || Dépasser les bornes ordinaires (→ Grand, cit. 52), la mesure ordinaire. || Le commerce (cit. 16) ordinaire, les actions ordinaires de la vie (→ Accorder, cit. 29). || La vie ordinaire et les passions (→ Indomptable, cit. 5). || Façon ordinaire de procéder. ⇒ Classique (le coup classique); coutume, coutumier. || Les pratiques ordinaires de la religion (→ Médaille, cit. 9). || Usage ordinaire. || La langue, le langage ordinaire, commun, courant. — Excéder (cit. 3) la stature ordinaire des hommes. || Des façons (cit. 42) qui n'étaient pas ordinaires. — Les jours ordinaires et les jours de fête.
1 Je vis du jour à la journée, et me contente d'avoir de quoi suffire aux besoins présents et ordinaires; aux extraordinaires, toutes les provisions du monde n'y sauraient baster (suffire).
Montaigne, Essais, I, XIV.
2 Il est le sage des jours ordinaires, et les jours ordinaires sont en somme la substance de notre être.
Maeterlinck, le Trésor des humbles, VII.
3 Demain est un jour ordinaire. Maman quitte ce soir la robe de faille, le plastron de jais (…)
Colette, Belles saisons, p. 48.
♦ Spécialt. Dont on se sert habituellement. || Leurs habits (cit. 11) ordinaires. || Les maux contre lesquels les remèdes ordinaires sont impuissants (→ Médicinal, cit.). || Nourriture, vin ordinaire, de tous les jours (sans indication de qualité). → ci-dessous, II., 2. : grand ordinaire.
♦ (Emploi impersonnel). || Il est ordinaire de… (→ Intention, cit. 7; mépriser, cit. 10). || C'est ordinaire, très ordinaire. — ☑ Loc. fam. Ça alors, ce n'est pas ordinaire !, se dit d'une chose étrange, incompréhensible.
♦ Pas ordinaire (« étrange, incompréhensible ») s'emploie aussi en épithète (fam.). || Il vient de nous raconter une histoire pas ordinaire, remarquable.
3.1 Pas difficile de deviner qu'il leur revaudra ça et qu'il va couver une vacherie pas ordinaire.
R. Queneau, Loin de Rueil, p. 43.
♦ Spécialt. (Dr.). || Prêt ordinaire (→ Destination, cit. 2). || Contrat ordinaire (→ Expression, cit. 41). — Tribunal ordinaire (→ 2. Faste, cit.). — Question ordinaire et extraordinaire (→ Gêne, cit. 2).
2 Qui est habituel à qqn. ⇒ Coutumier, familier, habituel (→ Beau, cit. 46; familiarité, cit. 8). || La duplicité (cit. 4) ordinaire aux princes. || La mollesse ordinaire aux gouvernements (cit. 35). — L'impétuosité (cit. 2) ordinaire des Français. || Sa froideur (cit. 2), sa maussaderie (cit. 1), sa maladresse (→ 1. Lancer, cit. 2) ordinaire. || Sa réponse ordinaire était que… (→ Mariage, cit. 12).
3 (1355). Personnes. Qui remplit habituellement une fonction. || En vente chez votre fournisseur ordinaire. ⇒ Habituel. || Lectrice (cit. 1) ordinaire. || Ambassadeur ordinaire. — Anciennt. || Conseiller d'État ordinaire, qui siégeait toute l'année.
♦ (Fin XIVe). Spécialt. (Hist.). Se disait des officiers de la maison d'un prince qui remplissaient leur fonction toute l'année (et non par quartiers). || Médecin, maître d'hôtel ordinaire du roi. — Par ext. (En parlant d'officiers habituels mais servant par quartiers). || Gentilhomme ordinaire du roi, faisant fonction de messager du roi auprès des parlements, des provinces, des cours étrangères… — N. m. (XVIe). || Un ordinaire. || « On dit il est ordinaire chez le Roi, ou Gentilhomme ordinaire chez le Roi… » (Richelet, 1680). — Évêques ordinaires, ceux qui gouvernent un diocèse (le pape, évêque de Rome; les évêques diocésains). — N. m. || Un ordinaire : un évêque diocésain, considéré en tant que juge ecclésiastique de droit commun (par oppos. aux juges délégués : légats, etc.). || Il s'est pourvu par-devant l'ordinaire (Académie).
4 Il avait (…) donné les pires conseils à l'évêque (…) Pour un peu il aurait pris rang dans la foule des victimes, laissant Monseigneur, seul, bien en vedette. On avait l'impression qu'il eût vu les choses s'aggraver sans trop de déplaisir, les quelques ennuis qu'il en pouvait attendre devant être plus que compensés à ses yeux par la déconfiture de son Ordinaire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. VIII, XIII, p. 174.
4 (1675). Dont la valeur, la qualité ne dépasse pas le niveau moyen le plus courant. ⇒ Banal, commun (cit. 20), courant, médiocre, moyen, quelconque. || Les êtres ordinaires (→ Apothéose, cit. 4). || Homme ordinaire (→ Moralité, cit. 3), femme ordinaire (→ Fade, cit. 7). || Les génies (cit. 45) et les hommes ordinaires. || Les âmes, les esprits ordinaires (→ Musique, cit. 12). — Un joueur (→ Engager, cit. 17), un diplomate ordinaire (→ Mandater, cit. 1). ⇒ Simple.
5 Enfin, Éliacin, vous avez su me plaire;
Vous n'êtes point sans doute un enfant ordinaire.
Racine, Athalie, II, 7.
6 (…) dans Mme de Miran, je vous ai peint une femme d'un esprit ordinaire, de ces esprits qu'on ne loue ni qu'on ne méprise (…)
Marivaux, la Vie de Marianne, V.
7 J'exigerais donc, voyez la cruauté ! que cette rare, cette étonnante Mme de Tourvel ne fût plus pour vous qu'une femme ordinaire, une femme telle qu'elle est seulement (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, CXXXIV.
8 Oscar est un homme ordinaire, doux, sans prétention, modeste et se tenant toujours, comme son gouvernement, dans un juste milieu. Il n'existe ni l'envie ni le dédain. C'est enfin le bourgeois moderne.
Balzac, Un début dans la vie, Pl., t. I, p. 751.
♦ Œuvre qui paraît ordinaire au premier aspect (→ Naturel, cit. 22). || Un goût ordinaire (→ Enfant, cit. 43). || Passions, sentiments, chagrins (→ Humilier, cit. 36) ordinaires. — Du vin ordinaire, de qualité ordinaire.
9 (…) moi, qui aime les méthodes nouvelles et difficiles, je ne prétends pas l'en tenir quitte à si bon marché; et assurément je n'aurai pas pris tant de peine auprès d'elle, pour terminer par une séduction ordinaire.
Laclos, les Liaisons dangereuses, LXX.
10 Un destin exalté peut être le substitut d'une existence fort ordinaire, et réciproquement.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, II, p. 17.
♦ Très ordinaire, tout à fait ordinaire, des plus ordinaires : médiocre. — Péj. (Dans les jugements de valeur de nature sociale). || C'est un homme très ordinaire. ⇒ Commun, vulgaire. || Avoir des traits (⇒ Gros), des manières ordinaires… ⇒ aussi Grossier, lourd.
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II N. m.
1 (1559). Ce qu'on a l'habitude d'être ou de faire; comportement habituel (→ Mesurer, cit. 19, Pascal). || À son ordinaire : d'après son comportement habituel, comme il en a l'habitude. ⇒ Habitude (→ Badin, cit. 3). || Contre l'ordinaire de mes pareils… (→ Intendant, cit. 5). ☑ Sortir de l'ordinaire : changer. || Cela ne sort pas de l'ordinaire.
11 Elle alla donc au Louvre et chez la reine Dauphine à son ordinaire; mais elle évitait la présence et les yeux de M. de Nemours (…).
Mme de La Fayette, la Princesse de Clèves, t. III, p. 340.
12 Demain j'irai au collège en fumant « la vieille » comme à mon ordinaire (…).
Flaubert, Correspondance, 24, 28 oct. 1838.
♦ Degré habituel, moyen, normal… d'une chose.
13 Mlle du Plessis (…) disait une impertinence au-dessus de l'ordinaire; moi, je pris aussi un ton au-dessus de l'ordinaire (…)
Mme de Sévigné, 862, 16 oct. 1680.
14 Je sais depuis longtemps qu'une intelligence au-dessus de l'ordinaire ne va pas sans une grande sensibilité.
Proudhon, cité par Sainte-Beuve, Proudhon…, p. 103.
2 (Déb. XVe). Surtout milit. a Ce que l'on mange, ce que l'on sert habituellement aux repas. ⇒ Alimentation (→ Chien, cit. 22; empiffrer, cit. 2). || Un bon, un excellent ordinaire. || Menu supérieur à l'ordinaire (→ Convive, cit. 1). — ☑ Loc. Grand ordinaire : vin courant de qualité. || Pour mon grand ordinaire, j'ai trouvé un excellent petit bordeaux.
15 Il ne faut point tant de façons, vous dis-je, et je suis homme à me contenter de l'ordinaire.
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 8.
16 (…) ses diners, les jours de réception, servis par Chevet à prix débattus, lui faisaient honneur; l'ordinaire regardait une excellente cuisinière que me procura mon oncle et que deux filles de cuisine aidaient (…)
Balzac, Honorine, Pl., t. II, p. 264.
3 (1718; « missel », 1328). Liturgie. || Ordinaire de la messe : ensemble des prières de teneur invariable, par oppos. au propre.
4 (1636). Vx. Courrier qui partait et arrivait à jour fixe — (1671). Ce jour (⇒ Poste). → Expédition, cit. 6.
5 L'ensemble des choses ordinaires; ce qui ne se distingue par rien de particulier. || Avoir horreur de l'ordinaire (→ Banal, cit. 4).
17 Le chef-d'œuvre du style, c'est d'exprimer supérieurement l'ordinaire, de faire quelque chose de rien (…)
Paul Léautaud, Propos d'un jour, Notes retrouvées, p. 46.
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III ☑ Loc. adv. (1601). D'ordinaire : de façon habituelle, à l'accoutumée, et, par ext., le plus souvent. ⇒ Coutume (de), habitude (d'), habituellement, ordinairement, usuellement; souvent (le plus souvent). → Cacher, cit. 56; honteux, cit. 14; hôtel, cit. 8; innocent, cit. 17; 1. louer, cit. 9. || Comme d'ordinaire : suivant l'habitude. || Un hiver plus rude que d'ordinaire (→ Manteau, cit. 5).
♦ ☑ (Mil. XIVe). À l'ordinaire : suivant la manière accoutumée. — REM. Cette locution, moins fréquente et moins affaiblie que d'ordinaire, conserve mieux son sens original (→ Battre, cit. 53; dévot, cit. 10; douloureux, cit. 11; éveiller, cit. 4). || Comme à l'ordinaire (→ Fagoter, cit. 1; 1. fouine, cit. 2).
♦ ☑ Pour l'ordinaire : en ce qui concerne l'ordinaire, l'habitude, la norme… (→ Balance, cit. 28; femme, cit. 59; fortune, cit. 6).
♦ (1678). Vieilli. || Selon l'ordinaire (→ Argent, cit. 4). — Vx. || Contre (cit. 9) l'ordinaire : de manière anormale ou imprévisible.
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CONTR. Anomal, anormal, bizarre, curieux, drôle, énorme, étonnant, étrange, exceptionnel, extraordinaire, fantastique, grotesque, important, inouï, insolent (4.), insolite, invraisemblable, magique, merveilleux, miraculeux, original, particulier, rare. — Distingué, excentrique…
DÉR. Ordinairement, ordinariat.
Encyclopédie Universelle. 2012.