incliner [ ɛ̃kline ] v. <conjug. : 1>
• 1213; a. fr. encliner « saluer en s'inclinant »; lat. inclinare « pencher vers »
I ♦ V. tr.
1 ♦ Rendre oblique (ce qui est naturellement droit); diriger, porter vers le bas ou de côté. ⇒ abaisser, baisser, courber, fléchir, pencher, plier. Le vent incline les épis. ⇒ 1. coucher. Inclinez la lampe. Inclinez le flacon et versez doucement. Poids qui incline le fléau de la balance. — Pencher en avant. Incliner la tête, le buste.
2 ♦ (1327) Fig. (Choses) Rendre (qqn) enclin à. ⇒ inciter, 1. porter, pousser. « rien n'incline à la méchanceté comme d'être heureuse » (G. Bataille). Tout m'incline à croire que vous avez raison. — Littér. Influencer. « Je ne me reconnais aucun droit d'incliner en rien sa pensée » (A. Gide).
II ♦ S'INCLINER v. pron. (1532)
A ♦ (Personnes)
1 ♦ Se courber, se pencher. Il « joignait les talons, s'inclinait assez bas devant les hommes » (Romains). Saluer en s'inclinant profondément. Prêtre qui s'incline devant l'autel. ⇒ se prosterner.
2 ♦ Fig. S'incliner devant qqn, lui donner des marques de respect, d'humilité; reconnaître sa supériorité. ⇒ se soumettre (cf. Courber le front). Il ne s'incline devant aucune autorité.
♢ (fin XIXe) S'avouer vaincu, renoncer à lutter, à insister. ⇒ abandonner, céder, se résigner. S'incliner devant la force d'une argumentation. Notre équipe s'est inclinée en finale. — Absolt ⇒ obéir. Vous avez raison, je m'incline. « Il fallait s'incliner ou partir » (Romains).
B ♦ (Choses) Se placer, être placé obliquement par rapport à l'horizon ou à un plan donné. Chemin qui s'incline en pente douce. ⇒ descendre. Les « faibles rayons d'un soleil qui s'incline » (Barrès). ⇒ décliner.
III ♦ V. intr. (1532)
1 ♦ Vx ou littér. (Choses) Aller en s'inclinant, en penchant légèrement. « Le jour inclina sous l'horizon » (Gobineau).
2 ♦ Mod. (Personnes) INCLINER À : avoir de l'inclination pour qqch. ou (vieilli) pour qqn. ⇒ pencher, 1. tendre (à, vers). Incliner à l'indulgence, vers l'indulgence (cf. Être enclin à). Incliner à (et inf.). J'incline à penser qu'il a raison. Il « inclinait à suivre ce conseil » (Sand).
⊗ CONTR. 1. Lever, relever ; redresser. Imposer (s').
● incliner verbe transitif (ancien français encliner, du latin inclinare) Mettre quelque chose dans une position qui forme un angle avec celle qu'il occupait, lui faire prendre une direction oblique par rapport à l'horizontale ou à la verticale : Le vent incline les hautes herbes. Pencher la tête, le buste, etc., les diriger vers le sol. Pousser, inciter quelqu'un à quelque chose, à faire quelque chose, le disposer à penser ou à agir d'une certaine façon : Cela m'inclinerait à croire qu'il se trompe. ● incliner (synonymes) verbe transitif (ancien français encliner, du latin inclinare) Mettre quelque chose dans une position qui forme un angle avec...
Synonymes :
- baisser
- courber
- fléchir
- pencher
Pencher la tête, le buste, etc., les diriger vers le...
Contraires :
- dresser
- lever
Pousser, inciter quelqu'un à quelque chose, à faire quelque chose, le disposer...
Synonymes :
- convier
- inciter
- inviter
- porter
- pousser
- prédisposer
● incliner
verbe transitif indirect
Être enclin à tel comportement, à telle disposition de pensée ou de sentiment : Incliner à la rigueur.
Littéraire. Tendre vers tel état, telle situation : Régime qui incline au despotisme.
● incliner (synonymes)
verbe transitif indirect
Être enclin à tel comportement, à telle disposition de pensée...
Synonymes :
- tendre vers
- tourner à
Littéraire. Tendre vers tel état, telle situation
Synonymes :
- pencher
incliner
v.
rI./r v. tr.
d1./d Mettre dans une position oblique, pencher. Incliner un parasol. Incliner la tête.
d2./d (Abstrait) Porter, inciter à. Tout l'incline à désespérer.
rII./r v. intr. (Personnes) être porté, enclin à. J'incline naturellement au pardon.
rIII/r v. Pron.
d1./d Courber le corps, se pencher. S'incliner respectueusement.
d2./d Fig. S'avouer vaincu, se soumettre, céder. S'incliner devant la force, devant l'évidence.
⇒INCLINER, verbe
I. — Emploi trans.
A. — [L'obj. désigne un inanimé concr.] Placer, disposer avec un certain angle par rapport à un plan, en particulier celui de l'horizon. Incliner un flacon (pour verser le liquide), le plateau de la balance, une surface. On incline un peu les mâts de certains bâtiments sur l'arrière (Ac. 1835-1935). Une toilette inclinait son miroir de Venise à biseaux sur une nappe de guipure (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 94). Elle inclina la cruche. Il but en la regardant (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 64) :
• 1. Dans sa hâte d'en finir, il manqua de faire glisser toute la vaisselle du plateau qu'il inclinait trop vers la droite, et quoiqu'il évitât cet accident, la sueur n'en coula pas moins sur son front.
GREEN, Moïra, 1950, p. 200.
— Incliner sa route vers. Obliquer par rapport à la direction suivie vers (telle direction). On incline la route vers ouest-sud-ouest (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 155).
♦ [Suivi gén. d'une indication de mesure ou de direction]
1. Au passif. Mais l'axe terrestre est incliné d'une quantité notable (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p. 13).
2. Emploi pronom. à sens réfl. Deux droites qui s'inclinent l'une sur l'autre forment un angle aigu; l'écliptique s'incline vers l'équateur de vingt-trois degrés et demi (Ac. 1835-1935). Ce fut un soulagement pour tous de voir le navire s'incliner sur la gauche et tracer sa nouvelle route (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 158).
a) [Le suj. désigne un terrain] S'abaisser, être en pente. L'endroit où le dos de la colline s'arrondit pour s'incliner en deux pentes contraires (LAMART., Raphaël, 1849, p. 291).
b) [Le suj. désigne le soleil] Littér. Décliner sur l'horizon. Je regardais la marche du soleil qui s'inclinait vers l'horizon (CONSTANT, Adolphe, 1816, p. 88).
B. — Mettre en position oblique ce qui est normalement ou naturellement vertical; courber vers le sol, faire pencher.
1. [L'obj. désigne une plante ou un inanimé concr., qui peut être un élément du sujet] Étangs silencieux, sur la surface desquels des roseaux chevelus et des joncs inclinaient leurs tiges endormies (GOZLAN, Notaire, 1836, p. 109). Le vent qui inclinait mollement les branches glissa sur leurs corps étendus (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 430).
— Emploi pronom. L'arbre s'incline sous le poids des fruits. Cinq étages, une vieille maison branlante qui s'inclinait sur le côté, avec ses planchers qui craquaient et ses plafonds vermoulus (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 963). Parfois le cerceau prend un élan, se sauve. La pointe du bâton le poursuit, sans parvenir à le toucher. Et il s'incline légèrement, il vire (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 178) :
• 2. ... quand la rivière déborde, le roseau s'incline et se ploie, et l'inondation s'écoule sans le briser; après quoi il se redresse et se relève dans toute sa vigueur et jouit de sa nouvelle vie.
MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. 237.
2. [Le suj. désigne un être animé, l'obj. désigne une partie (gén. le haut) de son propre corps] Courber plus ou moins profondément, parfois dans un geste de salutation, de respect. Incliner la tête devant qqn; incliner son front sur un livre; remercier en inclinant la tête. L'enfant, qui écoute sonner les cloches de l'église voisine (...) incline la tête, en mesure, à chaque vibration de l'airain (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 28). On avait vu d'abord l'âne inclinant l'oreille (JAMMES, Géorgiques, chant 1, 1911, p. 43). Elle le regardait s'en aller, remarquant qu'il marchait, la tête inclinée vers l'épaule, presque de biais (ROY, Bonheur occas., 1945, p. 177) :
• 3. Elle repart même avant le signe. Et elle incline le buste en avant et puis elle se redresse en exprimant l'effort. Elle se penche à droite, à gauche (...). Elle se reprend à chanter.
DUHAMEL, Cécile, 1938, p. 68.
— Emploi pronom. réfl. S'incliner devant l'autel, devant un cercueil; s'incliner en signe d'assentiment; s'incliner légèrement, poliment, profondément; saluer en s'inclinant. Il se courbe devant elle et s'incline avec respect sur la main qu'elle lui offre (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 154). Sa tête s'incline comme un roseau brisé (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 361). À l'avant, le torse du rameur s'incline et se relève (MARTIN DU G., J. Barois, 1913, p. 489). Ce Français (...) combattu par une partie des troupes et devant qui s'inclinaient les drapeaux (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 263).
♦ Au fig. S'incliner devant (qqn, qqc.)
Témoigner son respect, sa déférence à; se prosterner devant. S'incliner devant l'autorité, le deuil de qqn. L'univers s'incline devant son créateur (Ac. 1835-1935). Les plus beaux génies italiens s'inclinent devant ce génie fraternel (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 7) :
• 4. Dans notre pays, où l'on veut que le talent soit patenté pour le reconnaître, les bourgeois ne s'inclinent que devant l'écrivain qui porte l'estampille de l'Institut.
ZOLA, Romanc. natur., Balzac, 1881, p. 37.
[Dans une discussion, une compétition, une lutte] Se reconnaître vaincu. S'incliner devant ses adversaires. Comment se fait-il donc que [l'équipe de] Rouen qui au minutage domina se soit incliné si nettement [devant Bordeaux]? (L'Œuvre, 3 mars 1941).
Reconnaître la valeur, la supériorité (de quelque chose); se soumettre à (quelque chose). S'incliner devant un avis, la loi, un verdict. Si le gouvernement croit devoir passer outre à mes objections, je m'inclinerai devant sa décision (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 11). Je m'incline devant la compétence de M. Rumelles, et suis aussi sensible que quiconque à la force de son argumentation (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 350) :
• 5. ... mais Henriette, lorsqu'on fixa le jour de son mariage, ne savait si elle devait rire aux éclats d'une illusion si ridicule de tout ce monde, ou s'incliner terrassée, brisée devant une confiance et une volonté si nettes, si imperturbables.
DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p. 309.
Absol. Se soumettre, obéir. C'était le grand mot, il fit plier Doloir lui-même. D'habitude, bien qu'il se laissât guider en toutes choses par sa femme, il n'aimait pas qu'elle usât de sa puissance devant le monde. Mais, cette fois, il s'inclina (ZOLA, Vérité, 1902, p. 68).Napoléon conçut alors l'espoir qu'allié des Russes contre l'Angleterre (...), il la forcerait à s'incliner (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 123).
C. — Au fig., vieilli ou littér. Incliner (qqn) à
1. Incliner qqn à qqc. [Le compl. prép. désigne une disposition naturelle, une tendance, un état] Donner une impulsion (à quelqu'un) en faveur de quelque chose, amener à. Synon. rendre enclin à. Incliner qqn à la bienveillance; tempérament qui incline qqn à l'hypocrisie, au mensonge. Époque, où un sentiment sympathique nous incline à l'amour (BOREL, Champavert, 1833, p. 142). Sa digestion l'inclinait à un bien-être somnolent (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p. 83) :
• 6. Il a passé près d'une semaine à Paris et j'ai cru qu'il allait calmer le patron, l'incliner à la conciliation (...). Malheureusement, Nicolle est parti. Nous sommes retombés tout de suite dans les murmures et les commérages.
DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 139.
— Incliner qqn vers qqn. Là où elle [la solidarité] est forte, elle incline fortement les hommes les uns vers les autres (DURKHEIM, Division trav., 1893, p. 28) :
• 7. Il y a les sentiments qui nous inclinent, qui nous conduisent vers Dieu, qui nous mènent, qui nous ramènent à Dieu (...); il y a le versant, le plan incliné, l'inclination, l'inclinaison qui nous fait glisser, qui nous fait tomber du côté de Dieu.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 147.
— P. anal., rare. Ils [les chats] cherchent le silence et l'horreur des ténèbres; L'Érèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres, S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté (BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p. 105).
— Absol. Avoir une certaine influence. Il est admis en astrologie que les astres inclinent ou influencent, mais ne commandent pas (MAETERL., Ombre des ailes, 1936, p. 165).
2. Incliner qqn à + inf. Amener quelqu'un à (penser, faire) quelque chose. Les événements m'inclinent à penser que. Les souvenirs de son enfance, de Gottfried et des humbles (...) l'inclinaient à croire que ses véritables amis étaient de ce côté (ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1276) :
• 8. Proust ne s'est séparé du monde que pour construire un monde. La maladie aida sans doute à ce renoncement, mais elle eût aussi bien pu l'incliner à rechercher le luxe, les compagnies faciles, une mollesse qui l'aurait diverti de son mal.
MAURIAC, Écrits intimes, Du côté Proust, 1947, p. 213.
3. Absol. Influencer, gagner à soi. Incliner la pensée, la volonté de qqn. Ses discours sont des enseignemens qui subjuguent les convictions et qui inclinent les consciences (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 15).
II. — Emploi intrans.
A. — [Le suj. désigne un inanimé concr., un élément naturel] Pencher légèrement, insensiblement
1. en présentant un angle avec un plan, en particulier celui de l'horizon. La pente incline vers le rivage. L'église [d'Auch] n'est pas exactement placée vers l'orient; elle incline un peu vers le nord-est (STENDHAL, Mém. touriste, t. 3, 1838, p. 161).
2. en s'écartant du plan de la verticale. La colonne semble incliner à gauche; cette balance incline plus d'un côté que de l'autre (Ac. 1835-1935). Nous nous endormîmes (...), bercés par le balancement insensible d'une mer qui faisait à peine incliner le mât (LAMART., Graziella, 1849, p. 154).
3. P. anal. Synon. de tendre à, vers. Je comprends. Vous voulez saisir le moment précis où le plein cintre incline vers l'ogive, et engendre les quatre feuilles, les trèfles, les roses, enfin toutes les merveilles qui sont en germe dans le gothique (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 241). La couleur dégénère et, ternissant le pur accord de jaune et de bleu, incline au marron (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 349).
1. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Évoluer de telle ou telle façon. La victoire incline de ce côté. L'armée commence à obtenir l'avantage dans une bataille. (Ds Ac. 1798-1935). La philosophie de Platon (...) était mieux organisée qu'aucune autre pour se prêter à deux tendances contraires : pour incliner vers le mysticisme et vers le pyrrhonisme (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 561). Cette revue incline résolument vers la gauche (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1226).
2. [Le suj. désigne une pers.]
a) Incliner à qqc. Être amené à (tel état d'esprit), se sentir porté vers (telle tendance). Incliner à la bienveillance, à l'indulgence, à la modération. Ambroise [Paré], qui inclinait déjà vers la religion réformée, finit par l'adopter (BALZAC, Cath. de Médicis, Martyr calv., 1841, p. 135) :
• 9. — Vous me proposez, fils de Monique, une solution correcte, dit le Seigneur, et qui s'accorde avec ma sagesse. Mais elle ne contente point ma sagesse. Mais elle ne contente point ma clémence. Et, bien qu'immuable par essence, à mesure que je dure, j'incline davantage à la douceur.
FRANCE, Île ping., 1908, p. 50.
b) Incliner à + inf. Avoir tendance à, être amené à. J'incline à penser, à croire que. Le peuple français, savourant la joie d'être libre, incline à croire que toutes les épreuves sont finies (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 3) :
• 10. L'homme incline davantage à faire prévaloir le droit pur, rigoureux, impitoyable; la femme tend à régner par la charité et l'amour.
PROUDHON, Pornocratie, 1865, p. 38.
REM. 1. Inclinable, adj. [En parlant d'un inanimé concr.] Dont on peut régler l'inclinaison. Synon. partiel réglable. Voiture à sièges inclinables (DEFERT, Pol. tour. Fr., 1960, p. 71). 2. Inclinant, adj. masc., astron. Cadran inclinant. Cadran solaire tracé sur un plan qui incline du côté du midi (d'apr. Ac. 1798-1935; dict. XIXe et XXe s.). 3. Inclinomètre, subst. masc. a) Appareil servant à mesurer une inclinaison, dont le modèle le plus simple comporte un niveau et un dispositif permettant la lecture directe de l'angle d'inclinaison, utilisé notamment dans l'aviation et la marine, en mécanique, en topographie. Synon. clinomètre/clinoscope (s.v. clino-). La bille dorée de l'inclinomètre bondit (CHAMBE, Enlevez cales, 1935, p. 106). Inclinomètre à pendule (Pétrol. 1964). b) Phys. Instrument servant à mesurer l'inclinaison magnétique au moyen des courants induits, dans un circuit mobile, par le champ terrestre. V. J. phys. et Radium, 1923, p. 700.
Prononc. et Orth. : [], (il) incline []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. 1213 incliner (qqn) « (le) saluer en inclinant la tête » (Fet des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 486, 33); 2. fin XIIIe s. « pencher, baisser (la tête) » (Roland, ms. Châteauroux, éd. W. Foerster, XXXIV, 1); 3. début XVIe s. incliner (qqn) « (le) soumettre » (J. FOSSETIER, Cron. Marg., ms. Bruxelles 10512, X, 1, 12 ds GDF. Compl. : Je inclineray Aphricque et toutes les autres terres soubz ma volenté); 4. 1596 « mettre dans une position oblique » (HULSIUS). B. Intrans. 1. 1358 fig. incliner à « être favorable à » (Ordonn. des Valois ds ISAMBERT, Rec. des anc. lois fr., t. 5, p. 37 : inclinans à leur supplication); 2. 1370-72 « être porté (vers quelque chose) » (ORESME, Ethiques, I, 16, éd. A. D. Menut, p. 134); 3. 1671 au propre « pencher » (POMEY). Empr. au lat. inclinare « faire pencher, pencher »; a supplanté l'a. et m. fr. encliner (enclin). Fréq. abs. littér. : 2 759. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 845, b) 4 437; XXe s. : a) 3 936, b) 4 560. Bbg. PINCHON (J.). Questions de vocab. Fr. Monde. 1968, n° 60, p. 54. - QUEM DDL t. 13 (s. v. inclinomètre).
incliner [ɛ̃kline] v.
ÉTYM. 1213; au sens de l'anc. franç. encliner « saluer en s'inclinant », 1080; doublet de encliner, repris au lat. inclinare « pencher vers », de in- « vers », et clinare, d'une rac. indo-européenne klei- « incliner, pencher ».
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I V. tr.
1 a (Fin XIIIe; sujet n. de personne ou de chose; compl. n. de chose). Rendre oblique (ce qui est naturellement droit); diriger, porter vers le bas ou de côté. ⇒ Abaisser, baisser, courber (cit. 7 et 9), fléchir, pencher, plier. || Incliner un piquet. — (Le compl. désigne une partie du corps, de la tête). || Incliner le cou (→ Brûler, cit. 9). || Incliner le front en signe de crainte, de découragement, d'humilité (→ Humble, cit. 11). || Le cerf traqué incline la tête sous le poids de la fatigue (→ 1. Garrot, cit.). || Le vent incline les épis. ⇒ Coucher. — Au p. p. || Posture inclinée du suppliant. || Avoir la tête inclinée sur l'épaule (→ Écouter, cit. 8). — (Le sujet désigne une chose; le compl. une partie de cette chose). || Les arbres inclinaient leurs branches (→ ci-dessous, cit. 3).
1 (…) l'Église honore les images (…) ses enfants inclinent la tête devant le livre de l'Évangile (…)
Bossuet, Exposition de la doctrine de l'Église catholique, V.
2 (…) le cochon domestique a les oreilles beaucoup moins raides, beaucoup plus longues et plus inclinées que le sanglier (…)
Buffon, Hist. nat. des animaux, Le cochon.
3 (…) les antiques ombragesMollement en cadence inclinaient leurs feuillages (…)
André Chénier, Bucoliques, IV.
4 Cependant que, debout dans son antique salle,Le Toscan sous sa lampe inclinait son front pâle (…)
A. de Musset, Premières poésies, « Portia », I.
5 La reine du lieu (…) accroupie sur une chaise, chaussait sans pudeur sa jambe adorable (…) Dans cette agréable attitude, sa tête, inclinée vers son pied, étalait un cou de proconsul, large et fort (…)
Baudelaire, la Fafarlo.
6 Arthur (…) regarda les mouvements balancés des danseurs, les têtes inclinées l'une vers l'autre, les reins cambrés des femmes sous l'étreinte des jeunes hommes (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, III, IV.
7 (…) il avait la tête un peu inclinée sur l'épaule comme l'était celle du Christ en croix.
Montherlant, le Maître de Santiago, I, 2.
b (1596). Placer de manière à faire un angle d'inclinaison avec un plan ou une direction donnée, et, spécialt, avec le plan de l'horizon. || Inclinez le flacon et versez doucement. || Incliner qqch. vers la droite, vers la gauche. || Poids qui incline le fléau de la balance (→ par métaphore Estropier, cit. 8). — Au p. p. || Écriture (cit. 8) inclinée. — Techn. || Incliner un mur. ⇒ Déverser.
♦ (1691). Au p. p. || Plan incliné : dispositif plan, oblique, utilisé pour faciliter la montée des corps lourds ou ralentir leur descente. — Les déplacements inclinés de l'hélicoptère (cit. 1). — Géol. || Couches inclinées (→ 2. Faille, cit.). || Bancs de calcaire inclinés (→ Glissement, cit. 5). — Mar. || Navire incliné, à la bande. || Goélette (cit. 2) à mâture inclinée sur l'arrière. — Astron. || Le plan de l'équateur (cit. 2) terrestre est incliné de 23° 27′ sur l'écliptique.
8 (…) la masse entière de chaque portion de montagne, dont les bancs sont parallèles entre eux, a penché tout en bloc, et s'est assise dans le moment de l'affaissement sur une base inclinée de 45 degrés; c'est la cause la plus générale de l'inclinaison des couches dans les montagnes.
Buffon, Hist. nat., Des tremblements de terre, I.
9 Nous voilà arrivés au plan incliné, comme machine à élever les fardeaux. Et je pose le problème suivant. Une voiture, après avoir fait un kilomètre sur une route inclinée, s'est élevée de deux mètres; serait-il aussi facile de l'élever de deux mètres verticalement, en tirant sur un câble ?
Alain, Propos, 16 avril 1911.
2 (1327). Abstrait. (Sujet n. de chose; compl. n. de personne). Rendre enclin (à). ⇒ Inciter, porter, pousser. || Sa gentillesse nous incline à l'indulgence. ⇒ Attirer. — Incliner qqn à… (et inf.). || Cela m'incline à croire que vous avez raison. || Les tendances qui l'inclinent à faire cela. ⇒ Prédisposer; inclination (I.).
10 (…) cet attrait indélibéré qui nous incline vers le bien, et qui est dans les hommes enclins à mal faire, le secours médicinal du Sauveur.
Bossuet, Élévation sur les mystères, IV, 3.
11 Ce qui m'inclinerait à croire que le roman historique est un mauvais genre : vous trompez l'ignorant, vous dégoûtez l'homme instruit, vous gâtez l'histoire par la fiction et la fiction par l'histoire.
Diderot, Essais sur les règnes de Claude et Néron, II, 101.
12 L'idée que Salavin souffrait autant et plus peut-être que lui-même, cette idée ne le consolait certes pas, mais l'inclinait à la décence dans l'exposé de ses propres griefs.
G. Duhamel, Salavin, III, XXIX.
3 (Fin XVIe). Littér. (Sujet n. de personne). Faire fléchir (métaphore du sens 1) en incitant (sens 2). || Incliner un esprit, la pensée de qqn. || Incliner les volontés. ⇒ Influencer.
13 (…) Balzac put être tenté de présenter une Catherine de Médicis pleinement consciente, non seulement de son rôle historique, mais de la théorie même de ce rôle; et, sans rien préciser imprudemment, d'incliner l'esprit du lecteur, de l'amener à penser que certaines théories de l'autorité (…) découlent d'une même utopie (…)
Gide, Nouveaux Prétextes, Journal sans date, p. 163.
14 Je ne me reconnais aucun droit d'incliner en rien sa pensée et m'en voudrais si je pouvais croire que, par égard pour moi, André n'écrit pas exactement ce qu'il croit devoir écrire.
Gide, Et nunc manet in te, p. 18.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
——————
s'incliner v. pron.
ÉTYM. (1532; « avoir un penchant amoureux », v. 1360).
A (Personnes).
1 (1532). Se courber, se pencher. || S'incliner de façon courtoise (cit. 2) devant une dame. || Saluer en s'inclinant profondément, très bas (⇒ Courbette, révérence [faire une]), et, absolt, s'incliner. ⇒ Saluer (→ Imperceptible, cit. 11). || Prêtre qui s'incline devant l'autel (cit. 24). ⇒ Prosterner (se). || Arabes qui s'inclinent pour la prière rituelle (→ Gymnastique, cit. 12). — Action de s'incliner. ⇒ Inclination (II.). — (Choses assimilées à des personnes). → ci-dessous, cit. 17.
15 Si le hasard lui fait voir une bourse dans son chemin, il s'incline (…)
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, De l'esprit chagrin.
16 À ce mot, tous s'inclinèrent, on le congratulait.
Flaubert, l'Éducation sentimentale, II, IV.
17 Quelques rares palmiers, échevelés et meurtris, s'inclinaient çà et là dans le même sens, ayant cédé, comme font les arbres de nos côtes, à l'effort continu du souffle marin.
Loti, l'Inde (sans les Anglais), VII.
18 (Il) joignait les talons, s'inclinait assez bas devant les hommes, très bas devant les dames (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, IX, p. 87.
19 (…) une somnolence s'emparait doucement de ses yeux qui se fermaient, de sa tête qui s'inclinait sur sa poitrine (…)
J. Green, Léviathan, V, p. 37.
2 (1683). Fig. || S'incliner devant qqn, lui donner des marques de respect, d'humilité; reconnaître son autorité, sa supériorité. ⇒ Soumettre (se). || Il ne s'incline devant aucune autorité. ⇒ Courber (le front…); → Antitotalitaire, cit. — Je m'incline respectueusement devant votre chagrin. — (Sans compl.). || Inclinez-vous; je m'incline. ⇒ Saluer (→ Chapeau bas).
20 Je m'incline devant un grand, mais mon esprit ne s'incline pas.
21 L'homme ne s'incline guère que devant ce qu'il croit être le droit ou ce que ses opinions lui montrent comme fort au-dessus de lui.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, IV, X.
22 Sa résignation, sa mine souriante, paraissaient une vision d'un autre monde. On ne comprenait pas, mais on sentait en lui quelque chose de supérieur; on s'inclinait.
Renan, Souvenirs d'enfance…, II, V.
23 Dans toute société d'hommes, un don, une qualité de l'individu impose sa reconnaissance et son autorité à tous. Cette chose qui fait autour de lui le respect et une disposition des autres à s'incliner sous ses idées : c'est le caractère.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, p. 283.
♦ Littér. (Sujet n. de chose : groupe, etc.). || L'univers s'incline devant l'auguste (cit. 12) reine.
3 (Fin XIXe; Académie, 1935). S'avouer vaincu, renoncer à lutter, à contester, à insister. ⇒ Abandonner, céder, résigner (se). || S'incliner devant la fatalité (cit. 1). || S'incliner devant la force d'une argumentation (cit. 3). || Inclinez-vous devant les faits (→ Croire, cit. 17). — Absolt. || Vous avez raison, je m'incline. ⇒ Obéir.
24 Je n'avais plus qu'à m'incliner, et je m'inclinai de bonne grâce (…)
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, VI, tableau II.
25 (…) un alliage si résistant d'entêtement et de crainte qu'il fallait de toute évidence s'incliner ou partir.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XIV, p. 145.
26 Nous ne pouvions que nous incliner devant la pensée précise et les intentions qui avaient inspiré l'acte généreux du Prince.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 509.
27 Les Orientaux sont des réalistes, qui s'inclinent devant la volonté des Dieux, c'est-à-dire devant les faits, aussitôt qu'ils en ont constaté la réalité, et de ce point de vue je crois bien que les Allemands se classent avec les Orientaux.
André Siegfried, La Fontaine…, p. 26.
B (1680; choses). Se placer, être placé obliquement par rapport à l'horizon ou à un plan donné. || Le bateau s'incline et coule (cit. 22) à pic. || Avion qui s'incline à gauche (→ Fuselage, cit. 1). || Chemin qui s'incline en pente douce, en pente raide, rapide. ⇒ Descendre. || Faisceau lumineux qui s'incline. ⇒ Infléchir (s').
28 (…) de ce point, il pouvait voir la plaine du Roussillon devant lui s'inclinant jusqu'à la Méditerranée (…)
A. de Vigny, Cinq-Mars, X.
29 Connaissez-vous sur la collineQui joint Montlignon à Saint-LeuUne terrasse qui s'inclineEntre un bois sombre et le ciel bleu ?
Hugo, les Contemplations, IV, IX.
30 Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches.
Verlaine, Romances sans paroles, Aquarelles, Beams.
31 (…) des faibles rayons d'un soleil qui s'incline (…)
M. Barrès, la Colline inspirée, VIII.
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II V. intr.
1 (1671). Vx ou littér. (Choses). Aller en s'inclinant, en penchant légèrement. || La houle fait incliner insensiblement le mât (→ Balancement, cit. 3).
32 Les clochers de Lubeck offrent cette particularité d'être tous hors d'aplomb et d'incliner à droite ou à gauche d'une manière sensible, sans cependant inquiéter l'œil comme la tour des Asinelli à Bologne, et la tour penchée de Pise.
Th. Gautier, Voyage en Russie, p. 51.
33 Enfin, le jour inclina sous l'horizon, et les premières ombres s'étendirent dans les rues (…)
A. de Gobineau, Nouvelles asiatiques, p. 230.
34 Les lignes qui inclinent vers la terre font naître une impression de tristesse; celles qui montent vers le ciel, un sentiment de gaieté.
♦ (1636). Par métaphore. Évoluer ou tendre vers. || Un gris qui incline vers le bleu. || La fin de la pièce incline vers le bouffon. ⇒ Tourner (à). || La victoire longtemps en balance inclina enfin de leur côté. ⇒ Pencher.
35 (…) chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnait,Ne pouvait discerner où le sort inclinait.
Corneille, le Cid, IV, 3.
36 Aussi voyant mon âge incliner vers le soir (…)
J. M. de Heredia, les Trophées, « Le vieil orfèvre ».
2 (V. 1361). Mod. (Personnes). || Incliner à : avoir de l'inclination pour qqch., ou (vieilli) pour qqn. ⇒ Tendre (à, vers). || Parti qui incline à l'absolutisme. ⇒ Désirer (→ Amender, cit. 6). || Incliner à l'indulgence, vers l'indulgence. ⇒ Enclin (être). || Il incline pour cette solution. ⇒ Pencher. — Incliner à (suivi d'un inf.). → Entêter, cit. 8. || Il inclinait à suivre ce conseil (→ Effrayer, cit. 9). || J'incline à penser que… (→ Entrailles, cit. 16). — Incliner vers. || Son cœur, son esprit incline vers…, à…
37 (…) tâcher d'apprendre de vous vers lequel des deux Princes peut incliner votre cœur.
Molière, les Amants magnifiques, II, 3.
38 Lamennais (…) incline, de plus en plus, à partir de 1830 (…) vers le libéralisme.
Georges Matoré, Introduction à la Préface de Mlle de Maupin de Th. Gautier, p. XIV.
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incliné, ée p. p. adj.
♦ (Au sens I, 1, a). || Tête inclinée, etc. (→ ci-dessus, cit. 2, 5, 6 et 7). — (Au sens I, 1, b). || Route inclinée, plan incliné (→ ci-dessus, cit. 8, 9 et supra). || Toit, talus, etc. très incliné. ⇒ Pentu.
♦ (Au sens I, 2). Enclin, prédisposé. || Être incliné à l'indulgence. || Tempérament fortement incliné aux plaisirs sensuels (→ Génération, cit. 8).
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CONTR. Lever, relever. — Redresser.
DÉR. Inclinable, inclinaison, inclinant.
COMP. Inclinomètre.
Encyclopédie Universelle. 2012.