prosterner [ prɔstɛrne ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1329 « abattre »; lat. prosternere « étendre à terre; jeter à terre »
1 ♦ Vx et littér. Courber. « Le vent océanique les étête, les secoue, les prosterne [ces arbres] » (Chateaubriand).
2 ♦ (1496) Littér. Placer ou étendre à terre (devant qqn, à ses pieds) en signe d'hommage. « Et le pauvre vieux bonhomme, comme s'écroulant, sous le désespoir, prosterna sa tête chauve » (Hugo).
3 ♦ SE PROSTERNER v. pron. (1478) Cour. S'abaisser, s'incliner en avant et très bas dans une attitude d'adoration, de supplication, d'extrême respect. S'agenouiller et se prosterner devant l'autel. Se prosterner devant qqn, aux pieds de qqn. ⇒ se jeter. « Quelques-uns même se prosternèrent, les coudes serrés au long du corps, le front dans la poudre » (Gautier). — Au p. p. Prosterné devant qqn, devant Dieu.
♢ Fig. Se prosterner devant qqn : faire preuve d'une grande humilité, de servilité envers lui. ⇒ s'humilier. « L'univers ne se prosterne que devant les statues » (Villiers).
prosterner (se)
v. Pron. S'incliner, s'abaisser très bas en signe d'adoration, de respect profond.
|| Par métaph. Se prosterner devant qqn, s'humilier à l'excès devant lui.
⇒PROSTERNER, verbe trans.
A.— Empl. trans., littér.
1. a) Vx. Courber et abaisser vers la terre. D'un coup terrible, il lui prosterna la tête sur les pieds même d'Annette (BALZAC, Annette, t. 2, 1824, p. 43). Le vent océanique les étête, les secoue, les prosterne [les arbres] à l'instar des fougères (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 270).
b) Au fig. Abattre, abaisser. Des voix nouvelles, qui seront aussi hautes que Mallarmé, que Maeterlinck... et que moi-même si la réalité ne prosterne mon rêve (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 47).
2. a) [Le compl. d'obj. désigne (p. méton.) une pers.] Faire se prosterner (infra B 1). Prosterner qqn aux pieds de Dieu, de qqn. Aux heures de recueillement, lorsque la méditation le prosternait, il avait rêvé un désert d'ermite (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1232). Celui qui prosterne de siècle en siècle au pied de sa croix ces grands génies qui s'appellent saint Paul, Augustin (MONOD, Sermons, 1911, p. 302).
b) [Le compl. d'obj. désigne une chose] Offrir, avec une très grande humilité, en signe d'hommage. Qui de vous ne voudrait (...) Prosterner ses baisers sur ces pieds découverts, Ce col, ce sein d'albâtre, à l'air nocturne ouverts (VIGNY, Poèmes ant. et mod., 1837, p. 141). Bon Chevalier, tout ce que je suis, tout ce que je puis être, mon passé compris, je le prosterne à votre merci (LAFORGUE, Moral. légend., 1887, p. 117).
— Empl. pronom. réfl. indir. Son malheureux ami, (...) après avoir fait sa prière, se prosterna le visage contre le plancher, et resta près d'un quart d'heure dans cette attitude (GENLIS, Chev. Cygne, t. 1, 1795, p. 54).
B.— Empl. pronom., usuel. [Le suj. désigne une pers.]
1. Se coucher, s'incliner très profondément, le front touchant terre ou se rapprochant de la terre en signe de respect, d'adoration, de supplication. Se prosterner devant, aux pieds de qqn; se prosterner par terre, jusqu'à terre, humblement, en silence, en adoration, en prière; s'agenouiller et se prosterner; se prosterner et adorer, prier :
• 1. ... et il dit, en lui montrant ses hommes qui se tenaient au loin arrêtés : — « Barca! Je te les amène. Ils sont à toi. » Alors il se prosterna en signe d'esclavage, et, comme preuve de sa fidélité, rappela toute sa conduite depuis le commencement de la guerre.
FLAUB., Salammbô, t. 2, 1863, p. 51.
2. Au fig., vieilli
a) Éprouver un profond respect, de l'adoration envers quelqu'un. Habituons nos esprits à se prosterner de respect devant la grandeur de son nom (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 325). Plus j'avance en âge, plus je me prosterne devant la bonté, parce que je vois que c'est le bienfait dont Dieu nous est le plus avare (SAND, Corresp., t. 2, 1836, p. 8).
b) Faire preuve de servilité envers quelqu'un ou quelque chose. Synon. pop. ramper. Je vis le peuple français insulter lâchement au malheur d'un homme devant lequel il se prosternait la veille par admiration ou par crainte (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 374) :
• 2. J'en ai assez de ces cocos-là, se prosternant tour à tour devant l'échafaud de Robespierre, les bottes de l'Empereur, le parapluie de Louis-Philippe, racaille éternellement dévouée à qui lui jette du pain dans la gueule!
FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 214.
C.— Part. passé et/ou adj. Qui est couché, profondément incliné en signe de respect, d'adoration, de supplication. Tomber prosterné aux pieds de qqn; peuple, foule prosterné(e). La sœur qui faisait la réparation était prosternée et en prière (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 681).
— [P. méton. du déterminé] Sur mes genoux tremblants du seuil je m'approchai; De mon front prosterné, muet, je le touchai (LAMART., Jocelyn, 1836, p. 589). La présence lointaine et prosternée d'un disciple soumis (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 1, 1840, p. 294).
— Au fig., vieilli. Je ne serai toujours que le plus humble et le plus prosterné de vos serviteurs (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 127).
Prononc. et Orth. :[], (il se) prosterne []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Verbe trans. a) 1329, févr. « abattre, renverser » (Second accord entre l'échevinage d'Amiens et le seigneur de Rivery ds A. THIERRY, Mon. de l'hist. du Tiers État, 1re série, I, 425); b) 1496 fig. « abaisser jusqu'à terre devant quelqu'un, en signe d'humble respect » (JEAN DE RELY, Bible française, éd. 1544, II, v° 93 ds TRENEL, p. 238); 2. verbe pronom. a) 1478 « se coucher la face contre terre » (J. FOULQUART ds P. VARIN, Arch. de Reims, II, 573); b) 1496 se prosterner devant « s'humilier » (JEAN DE RELY, op. cit., I, v° 248 ds TRENEL, loc. cit.); c) 1690 « se jeter à genoux aux pieds de quelqu'un » (FUR.). Empr. au lat. prosternere « coucher en avant; renverser », au réfl. « se prosterner », comp. de pro- « en avant » et sternere « étendre sur le sol ». Fréq. abs. littér. Prosterner :439. Prosterné :363. Fréq. rel. littér. Prosterner :XIXe s. : a) 1 015, b) 531; XXe s. : a) 543, b) 387. Prosterné :XIXe s. : a) 752, b) 539; XXe s. : a) 607, b) 246.
prosterner [pʀɔstɛʀne] v. tr.
ÉTYM. 1329; lat. prosternere « étendre à terre; jeter à terre », de pro-, et sternere « étendre au sol ». → Prostration.
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1 Vx. Abattre, jeter bas. || « Dieu prosternait… ses ennemis (de Clovis) » (Montesquieu, l'Esprit des lois, 30, 24).
♦ (XIXe). Abaisser, courber. || Le vent prosterne les arbres (→ Instar, cit. 1, Chateaubriand). || « Le Guignon (cit. 4) dont le rire inouï les prosterne » (Mallarmé).
2 (Fin XVe). Littér. Placer ou étendre à terre (devant qqn, à ses pieds) en signe d'hommage. ⇒ Humilier (vx). — (Abstrait). || Prosterner son repentir (Corneille), ses douleurs (Chénier) aux pieds, aux genoux de qqn. || Ils prosternent leur bassesse avachie (cit. 3).
3 Pencher vers le sol, en signe de respect (son front, sa tête, son corps).
1 Et le pauvre vieux bonhomme, comme s'écroulant sous le désespoir, prosterna sa tête chauve et enfouit son visage sanglotant dans les plis de la robe aux pieds de Déa. Il demeura là, évanoui.
Hugo, l'Homme qui rit, Conclusion, IV.
1.1 Prophète ! si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs !
Hugo, les Orientales, « les Djinns ».
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se prosterner v. pron.
♦ Courant.
1 (1478). S'abaisser, s'incliner en avant et très bas, dans une attitude d'adoration, de supplication, d'extrême respect… ⇒ 1. Coucher (se), courber (se), incliner (s'). → Abattre, cit. 18; adorer, cit. 4; mortifier, cit. 1, pantomime, cit. 4. || Se prosterner à plat ventre (→ Coulpe, cit. 2). || Se prosterner devant qqn (→ Inconnu, cit. 26), aux pieds de qqn. ⇒ Étendre (s'), jeter (se). || Saluer en se prosternant. || Faire une génuflexion, se prosterner devant l'autel.
2 Quelques-uns même se prosternèrent, les coudes serrés au long du corps, le front dans la poudre, avec des attitudes de soumission absolue et d'adoration profonde (…)
Th. Gautier, le Roman de la momie, III.
3 La foule se prosterne, et, du haut des piliers
Et des plafonds pourprés, tombe un profond silence.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « Néférou-Ra. »
2 (Fin XVe). Fig. || Se prosterner devant qqn, faire preuve d'une grande humilité, de servilité envers lui. ⇒ Abaisser (s'), fléchir (le genou), humilier (s'). Cf. Baiser la poussière…
4 — (…) je suis homme; je ne veux pas devenir une statue de pierre. — Libre à toi : seulement, l'univers ne se prosterne que devant les statues.
Villiers de L'Isle-Adam, Axël, III, 1.
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prosterné, ée. p. p. adj.
1 (XVIIe). Vx (langue class.). Abattu, jeté à terre.
2 (1549). Allongé la face contre terre et, par ext, profondément incliné, courbé en avant. || Un énergumène (cit. 2) prosterné qui frappe du front contre la terre. || Prosterné devant qqn (→ Haranguer, cit. 3), devant Dieu (→ Humilier, cit. 2). || Foules prosternées, peuples prosternés (→ Bondir, cit. 2; élancement, cit. 3; nombre, cit. 20). — Par métaphore, fig. Très humble (cit. 10). — Servile (→ ci-dessous, cit. 6, Chateaubriand).
5 — Allons, superbe, humilie-toi ! — Cela est juste : à genoux, bien courbé, prosterné, ventre à terre.
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, V, 8.
6 La France ne reniera point les nobles âmes qui réclamèrent contre sa servitude, lorsque tout était prosterné, lorsqu'il y avait tant d'avantages à l'être, tant de grâces à recevoir pour des flatteries, tant de persécutions à recueillir pour des sincérités.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 292.
♦ (1809). N. m. Hist. ecclés. || Un prosterné : catéchumène du second ordre.
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DÉR. Prosternation, prosternement.
Encyclopédie Universelle. 2012.