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épargner

épargner [ eparɲe ] v. tr. <conjug. : 1>
espargner XIIe; esparigner 1080; germ. sparanjan, de sparôn « épargner »
I(Compl. personne)
1Traiter avec ménagement, indulgence, clémence. Épargner son adversaire, son ennemi vaincu (cf. Faire grâce à). (Sujet chose) La guerre a épargné ces populations. L'épidémie ne l'a pas épargné.
Par ext. Épargner la vieillesse, l'amour-propre de qqn. 1. ménager, respecter.
Ménager en paroles ou dans un écrit (surtout à la forme négative). Il n'a épargné personne dans sa critique, dans son article.
2Laisser vivre (ce qu'on pourrait faire disparaître). Épargner des captifs. gracier. Pas un otage n'a été épargné. sauver. Les enfants seuls furent épargnés. « La meilleure manière de les multiplier [les poissons] c'est de les épargner au moment où ils se reproduisent » (Michelet).
II(Compl. chose)
1(XIIe) Vieilli Consommer, dépenser avec mesure, de façon à garder une réserve. économiser, 1. ménager. Épargner le sucre.
2Conserver, accumuler par l'épargne. Épargner une somme d'argent. économiser, thésauriser (cf. Mettre de côté). Placer l'argent qu'on a épargné. Absolt Épargner sur tout, épargner sur la nourriture. lésiner. Vieilli Épargner pour ses vieux jours (économiser est plus cour.).
3(1580) Fig. Employer avec mesure. compter, 1. ménager. Épargner ses pas, sa peine, ses forces. « La discipline facilite le travail, épargne le temps de celui qui commande et de celui qui obéit » (Bernanos). Je n'épargnerai rien pour vous donner satisfaction. négliger.
4(1595) ÉPARGNER UNE CHOSE À QQN, ne pas la lui imposer, faire en sorte qu'il ne la subisse pas. ⇒ éviter. Épargner un travail, une peine, un effort, un dérangement à qqn. Il faut épargner toute fatigue au malade. Épargnez-moi vos explications, vos récriminations, vos larmes (cf. Faire grâce de qqch. à qqn). Espérons que la guerre nous sera épargnée. « En dépit des froissements, des blessures, qui ne sont point épargnés à ceux qui s'aiment » (R. Rolland). S'épargner des soins, des efforts, s'en dispenser. « Oh ! que vous vous seriez épargné de mouvements et d'agitations » (Bourdaloue). (Sans compl. ind.) « Ces deux maximes bien entendues épargneraient bien des préceptes de morale » (Rousseau). supprimer.
5(1762) Techn. Laisser en blanc (une partie du papier) dans une aquarelle, une gouache, un pochoir; laisser intacte (une partie d'une planche gravée). épargne (3o).
⊗ CONTR. Accabler, frapper, punir. Désoler, éprouver, ravager. Supprimer, tuer. — Consommer, dépenser, dilapider. Imposer, obliger (à).

Épargner laisser en blanc certaines parties d'un dessin, d'une peinture, d'une aquarelle, d'une gravure en taille-douce.

épargner
v. tr.
rI./r
d1./d Faire grâce à. épargner les vaincus.
|| Fig. Ses critiques n'épargnent personne.
d2./d Ne pas endommager, ne pas détruire. La guerre a épargné ce village.
d3./d éviter de heurter. épargner la susceptibilité de qqn.
rII./r
d1./d Mettre de côté. Il a épargné cent mille francs.
d2./d (En général à la forme négative.) Employer avec modération. L'architecte n'a pas épargné le marbre.
|| Fig. épargner sa peine, son temps.
rIII/r épargner une chose à qqn, lui permettre de l'éviter, de ne pas la subir. Je veux vous épargner ce dérangement.

⇒ÉPARGNER, verbe trans.
Faire en sorte que quelque chose ou quelqu'un ne soit pas touché par une chose ou une action.
I.— [Le but de l'action est de constituer ou de ménager une réserve de qqc.]
A.— [L'obj. désigne une chose] Réduire l'usage de quelque chose afin de constituer ou de conserver une réserve.
1. Réserver un bien, généralement une somme d'argent.
a) [Le compl. désigne une somme d'argent] Ne pas dépenser tout son argent de manière à en mettre de côté une partie. Épargner son bien, son argent. C'est autant d'épargné (Ac.). J'ai épargné les vingt centimes que coûte une tasse de café (BOURGET, Essais psychol., 1833, p. 239).
Spéc., surtout en emploi abs. Faire des économies et les placer. Épargner une certaine somme (cf. épargne ex. 1) :
1. Les « agents » : particuliers, entreprises, collectivités... dont les opérations courantes se sont traduites par un excédent, ceux qui ont donc pu épargner, ont fourni au marché à peu près 2 600 milliards de francs qui ont servi à la formation de capital fixe.
L'Univers écon. et soc., 1960, p. 2212.
b) [Le compl. désigne un bien matériel évaluable en argent] Épargner le combustible :
2. David descendit à la cave. Il y faisait à peine clair. On n'avait pas l'électricité pendant le jour. Les Allemands épargnaient le charbon.
VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 157.
Épargner sur qqc. Faire des économies sur un bien de consommation. Il est si avare qu'il épargne même sur sa nourriture (Ac.).
Par litote. Ne pas épargner qqc. L'employer, en user avec largesse, sans tenir compte de la dépense que cela représente. Une gaieté qu'il entretient et réveille deux fois par jour par deux longs repas, où le vin du Rhin n'est pas épargné (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1572) :
3. La soupe à l'oignon, Dieu merci!
Ne m'a jamais porté dommage.
Ainsi, la mère, encore un coup,
Insistez, faites en beaucoup,
Et n'épargnez pas le fromage.
PONCHON, La Muse au cabaret, La Soupe à l'oignon, 1920, p. 156.
2. [Le compl. désigne un bien non évaluable en argent] User avec modération d'une chose précieuse. Épargner son temps, sa peine, la fatigue :
4. Aussi est-ce un dessein naturel à l'homme que d'obtenir, avec toute la précision possible et par contrainte, le concours des forces étrangères. S'effaçant pour ainsi dire lui-même, il cherche à épargner son effort, afin de leur laisser produire ce qu'il a prédéterminé rigoureusement et d'être, lui seul, la volonté de ce qui n'en a pas.
BLONDEL, L'Action, 1893, p. 217.
Par litote. Ne rien épargner pour. Employer tous les moyens nécessaires, ne négliger aucun moyen utile pour aboutir au résultat recherché. Il se décide à ne rien épargner pour contraindre la princesse à l'hymen qu'il désire (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 287).
3. Emplois techn. Laisser sans traitement une partie d'un objet.
a) CÉRAM. Laisser en biscuit certaines parties d'une pièce de céramique :
5. Avant lui [Mortelègue], le peintre en émail n'avait pas de blanc susceptible de se mêler aux autres couleurs (...) il était donc contraint d'épargner le blanc du fond, de le réserver comme on dit...
Ch. BLANC, Gramm. des arts du dessin, 1876, p. 589.
b) GRAV. Ne pas tailler certaines parties qui, en restant en relief, apparaîtront seules sur le dessin ou la gravure (cf. épargne ex. 7).
c) PEINT. Laisser en blanc certaines parties d'un tableau ou mettre des taches de lumière :
6. ... les tableaux de chevalet sont les seuls où l'on puisse épargner la lumière, parce que le spectateur, devant les regarder de près, y découvre des profondeurs qui à distance se résoudraient en une masse de noir.
Ch. BLANC, Gramm. des arts du dessin, 1876 p. 551.
B.— Vieilli. [L'obj. désigne une pers.] Ne pas s'épargner. Ne pas ménager sa peine, se donner tout entier à sa tâche. Quant à la bien soigner, elle qui parlait ne s'y épargnait point, comme c'était son devoir de le faire (SAND, F. le Champi, 1850, p. 122) :
7. ... pendant ces quinze jours, Rambert travailla sans s'épargner, de façon ininterrompue, les yeux fermés en quelque sorte, depuis l'aube jusqu'à la nuit. Tard dans la nuit, il se couchait et dormait d'un sommeil épais.
CAMUS, La Peste, 1947, p. 1382.
II.— [Le but ou le résultat de l'action est de soustraire qqn ou qqc. à une atteinte dommageable ou désagréable]
A.— [Le compl. d'obj. désigne une ou plusieurs pers.]
1. Ne pas traiter quelqu'un aussi mal qu'on en aurait le pouvoir ou la possibilité, afin de lui éviter une souffrance (physique ou morale), un tort; ménager la sensibilité de quelqu'un. Peut-être le médecin la trompait-il [la mère] pour l'épargner (ZOLA, Page amour, 1878, p. 1806).
En partic. Laisser la vie sauve à quelqu'un qu'on aurait le droit ou la possibilité de faire mourir. L'impératrice (...) répétait :« Qu'importe! Il vaut mieux épargner un coupable que de tuer un innocent! » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Moiron, 1887, p. 1147). Judith. — Épargne les Juifs, Holopherne, et ton nom sera accolé au leur pour l'éternité (GIRAUDOUX, Judith, 1931, II, 2, p. 131).
Par litote
Emploi réciproque. Dans cette lutte, les deux adversaires ne se sont pas épargnés (Ac.).
N'épargner personne (dans ses propos). Médire de tout le monde (cf. choléra ex. 5).
2. [En parlant d'une force hostile] Ne pas faire de mal à quelqu'un :
8. Le début du XXe siècle va connaître l'assaut d'une vague d'opinion nettement anticléricale qui n'épargnera pas l'enseignement privé.
Encyclop. pratique de l'éduc. en France, 1960, p. 68.
P. anal. Ne pas causer de dommage à quelque chose. Napoléon, (...). — Laissez brûler, messieurs, et, si le feu épargne quelque chose, anéantissez ce que le feu épargnera. (...) Moscou n'existe plus (DUMAS père, Napoléon, 1831, III, 2, p. 72).
B.— [Le compl. d'obj. est un n. abstr. désignant un attribut hum.] Ne pas porter atteinte à, ménager. Car c'est une chose rare qu'une femme qui vous aime pour vous, rien que pour vous. — Comme toi, est-ce pas? — Épargne ma modestie (BOREL, Champavert, 1833, p. 204). Vous direz à Maurice tout ce qu'il faut lui dire (...) Parlez-lui de sa petite femme, de l'avenir, de ma vieillesse à épargner (SAND, Corresp., 1870, p. 45).
C.— Épargner qqc. à qqn. Faire en sorte que quelqu'un n'ait pas à subir de désagrément. Épargner à qqn la peine, l'ennui de. Je lui épargnerai cette humiliation (DUPUIS, Orig. cultes, 1796, p. 416). Je t'épargne les commentaires (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1067). Les partis, au cours du débat (...), ne nous épargnèrent pas leurs critiques (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 248).
Rem. On rencontre ds la docum. l'expr. arg. épargner le Poitou au sens de « prendre ses précautions » (cf. BALZAC, Splend. et mis., 1847, p. 543).
Prononc. et Orth. :[], (j')épargne []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 esparigner « ne pas tuer, laisser vivre » (Roland, éd. J. Bédier, 1883); b) 1re moitié du XIIe s. esparnier « traiter avec ménagement, indulgence » (Psautier Cambridge, 71, 13 ds T.-L. : parcet inopi); 2. a) 1121-34 « consommer, employer avec mesure, de façon à garder une réserve » (PH. DE THAON, Bestiaire, 1050, ibid.); b) ca 1200 « conserver, accumuler par l'épargne » (Aiol, 2667, ibid.); 3. 1595 épargner qqc. à qqn (MONTAIGNE, Essais, II, 12, éd. A. Thibaudet, p. 583). De l'a. b. frq. sparanjan « traiter avec indulgence », lui-même issu, sous l'infl. de waidanjan (v. gagner), du germ. sparôn, cf. a. h. all. sparên, sparôn « ne pas tuer » (GRAFF t. 6, col. 353), all. sparen, et, au VIIIe s., dans les Gloses de Reichenau (éd. H.-W. Klein, t. 1, p. 178b) : non pepercit : non sparniavit. Fréq. abs. littér. :2 345. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 3 965, b) 3 103; XXe s. : a) 3 109, b) 3 050.
DÉR. Épargneur, euse, adj. et subst., rare. (Personne) qui épargne de manière habituelle; (personne) qui dépense avec parcimonie. Nous sommes un peuple de paysans, un peuple d'épargneurs (GAMBETTA, Discours prononcé au Cercle national, 24 mai 1878 ds L. RIGAUD, Dict. arg. mod., 1881, p. 152). Rem. On rencontre ds la docum. le néol. épargnateur, euse, subst. Synon. de épargneur. Vous n'avez plus connu que la parcimonie, Et les épargnateurs et les conservateurs (PÉGUY, Ève, 1913, p. 722). []. Seule transcr. ds Lar. Lang. fr. 1res attest. a) subst. 1556 « celui qui donne avec parcimonie (au fig.) » (LE CARON, Dialogues, I, 4 ds HUG.), av. 1614 « celui qui épargne » (BRANTÔME, Disc. sur les duels, ibid.), attest. isolées; de nouv. 1878 (GAMBETTA, loc. cit. ds L. RIGAUD, loc. cit.), b) adj. 1937 « qui épargne » (G. BAUËR, Billets de Guermantes, p. 125 ds ROB. Suppl.); du rad. de épargner, suff. -eur2.

épargner [epaʀɲe] v. tr.
ÉTYM. XIIe, espargner; esparigner « ne pas tuer », 1080; du germanique sparanjan, de sparôn « épargner ».
———
I
A Épargner (qqch.).
1 (XIIe). Vieilli. Consommer, dépenser avec mesure, de façon à garder une réserve. Économiser, ménager. || Épargner le sucre. || « Un avare se couche de bonne heure pour épargner sa chandelle » (Trévoux). || « Nous n'avons guère de provisions, il faut les épargner » (Littré). || Épargner son bien, son avoir.
1 (C'est parler mal à propos) que de s'étendre sur un repas magnifique (…) devant des gens qui sont réduits à épargner leur pain (…)
La Bruyère, les Caractères, V, 23.
2 Les huit ou les dix mille hommes sont au souverain comme une monnaie dont il achète une place ou une victoire : s'il fait qu'il lui en coûte moins, s'il épargne les hommes, il ressemble à celui qui marchande et qui connaît mieux qu'un autre le prix de l'argent.
La Bruyère, les Caractères, X, 25.
Mod. (emploi négatif). || Ne pas épargner une chose, en user sans compter. || On n'a pas épargné le beurre, les épices dans ce plat. || N'épargnez pas ma bourse, elle est à votre disposition.
2 (V. 1200). Cour. Conserver, accumuler par l'épargne.Spécialt. || Épargner une somme d'argent. Accumuler, thésauriser; côté (supra cit. 46 : mettre de côté). || Il a épargné près de un million. || Placer l'argent qu'on a épargné ( Économie).
Absolt. Vieilli ou régional. Économiser. Lésiner, liarder. || Épargner pour ses vieux jours, pour les mauvais jours (→ Garder une poire pour la soif).
3 Jeune, on conserve pour sa vieillesse; vieux, on épargne pour la mort.
La Bruyère, les Caractères, VI, 64.
Intrans. || Épargner sur qqch. : économiser sur… || Épargner sur tout, sur sa nourriture.
3 (1580). Fig. Employer avec mesure. Compter, ménager. || Épargner ses pas, sa peine, ses forces.(Surtout négatif). || Il n'a épargné ni son temps, ni son travail. || N'épargner ni les promesses, ni les menaces (→ Calmer, cit. 3). || Ne pas épargner les grimaces, les gestes, les protestations (→ Commande, cit. 6).Ne rien épargner pour arriver à ses fins, employer tous les moyens. || Je n'épargnerai rien pour vous donner satisfaction. Négliger.
4 Il nous a dit (…) qu'il n'épargnerait rien pour vous contenter.
Molière, l'Amour médecin, I, 3.
5 (…) sans compter les soins, les pas, et les chagrins que vous épargnerez.
Molière, les Fourberies de Scapin, II, 5.
6 Les Romains n'épargnaient rien pour la grandeur de leur ville.
Bossuet, Disc. sur l'Hist. universelle, III, 6.
7 (…) il avait ordre de ne rien épargner pour faire mourir le jeune Télémaque (…)
Fénelon, Télémaque, XV.
8 (…) la discipline facilite le travail, épargne le temps de celui qui commande et de celui qui obéit.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 67.
V. pron. (V. 1167). Vx. || S'épargner : se ménager.(Surtout négatif). || Il ne s'est pas épargné. Donner (se). → Chevet, cit. 4.
9 Je sais ce que je fais, et ne perds point mes pas;
Mais de votre côté ne vous épargnez pas;
Mettez tout votre esprit à bien mener la ruse.
Corneille, la Galerie du palais, II, 5.
4 (1595). || Épargner (qqch. à qqn) : ne pas imposer, faire en sorte que (qqn) ne subisse pas (qqch.). Éviter; dispenser (qqn de), exempter (qqn de), garantir (qqn de), préserver (qqn de). || Épargner un travail, une peine, un effort (cit. 7), un dérangement (cit. 5) à qqn. || Je voudrais vous épargner cela. || Il faut épargner au malade toute fatigue, toute contrariété. || Il lui a épargné l'envie de venir. || Épargnez-lui cet affront (→ Cas, cit. 18), cette honte, cette humiliation. || Il a eu la charité de lui épargner ses railleries, ses moqueries, ses reproches. || Épargnez-moi vos explications, vos récriminations, vos larmes. || Épargnez-moi ce bruit, ces cris (cit. 3). || Que le ciel nous épargne cette calamité. Éloigner. || Espérons que la guerre nous sera épargnée.
10 Cesse, cesse, et m'épargne un importun discours (…)
Racine, Phèdre, IV, 2.
11 J'aurais dû, voyant l'intimité plus qu'équivoque dans laquelle vous vivez avec votre gouvernante, épargner votre contact à une innocente enfant.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 460.
12 (…) en dépit des froissements, des blessures, qui ne sont point épargnés à ceux qui s'aiment, et surtout quand ils sont des êtres trop sensibles.
R. Rolland, le Voyage intérieur, p. 133.
13 (…) trois servantes l'aident avec un grand dévouement et lui épargnent toute fatigue.
Gide, la Symphonie pastorale, p. 127.
14 (…) qu'au sein du bonheur, il ne t'arrive point de songer aux douleurs qui te sont épargnées; c'est qu'il t'est naturel d'être heureux.
Gide, les Nouvelles Nourritures, p. 30.
15 La guerre nous a effleurés de bien près. Nous sera-t-elle épargnée ?
A. Maurois, Terre promise, p. 321.
16 Si j'avais été plus près de Paris, volontiers j'y aurais fait un petit saut pour vous épargner cette déception.
Montherlant, les Jeunes Filles, p. 39.
Sans compl. en à. || Cela épargnerait bien des démarches. || Ce procédé épargnerait bien des opérations inutiles. Supprimer.
17 Ces deux maximes bien entendues épargneraient bien des préceptes de morale (…)
Rousseau, in Littré.
18 L'Appareil-Bottom (la « machine à gloire ») réduit (…) la besogne de la Critique : il épargne ainsi bien des sueurs, bien des fautes de grammaire élémentaire, bien des coq-à-l'âne et bien des phrases vides (…)
Villiers de L'Isle-Adam, Contes cruels, p. 72.
S'épargner qqch., s'en dispenser, s'en exempter. || S'épargner des soins, des efforts. || Épargnez-vous cette peine.
19 Oh ! que vous vous seriez épargné de mouvements et d'agitations (…)
Bourdaloue, Pensées, I.
20 C'était moins pour s'épargner à elles-mêmes un regret sur des biens dont elles avaient fait le sacrifice à Dieu, que par délicatesse, de peur que leur présence ne parût un reproche à ces parvenus.
Renan, Souvenirs d'enfance…, I, II, p. 36.
B (1690). Techn. Laisser intact (le blanc du papier) dans une aquarelle, une gouache; laisser intactes (certaines parties d'une planche gravée). Épargne. || Épargner le fond, dans une aquarelle, pour réserver les lumières.
———
II (XIIe). || Épargner (qqn). Traiter avec ménagement, indulgence, clémence…; ne pas traiter aussi mal qu'on pourrait le faire, ou qu'on serait en droit de le faire. || Épargner son adversaire, son ennemi vaincu. Grâce (faire). || Il les a épargnés par charité malgré les mauvais procédés dont ils ont usé à son égard. || Je pouvais lui faire beaucoup de mal, mais je l'ai épargné (Académie).Épargner la faiblesse, la vieillesse. || Épargner l'amour-propre, la pudeur de qqn. Ménager, respecter. || Épargner la modestie de qqn, ne pas lui faire de louanges exagérées.On ne l'a pas épargné.
21 Car, quand le roi est en courroux,
Il n'épargne blanc, noir ni roux.
Clément Marot, Quatrième épître du coq-à-l'âne.
22 L'amour est un tyran qui n'épargne personne.
Corneille, le Cid., I, 2.
23 Quoi ! tu veux qu'on t'épargne, et n'as rien épargné !
Corneille, Cinna, IV, 2.
24 Les injustices des pervers
Servent souvent d'excuse aux nôtres.
Telle est la loi de l'univers
Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres.
La Fontaine, Fables, VI, 15.
25 On peut frapper le roi qui vit de vos malheurs (…)
Ainsi furent punis certains hommes infâmes,
Car on n'épargne point qui n'a rien épargné (…)
Hugo, la Légende des siècles, XX, II.
(1690; sujet n. de chose). || La guerre, l'invasion a épargné cette partie du pays. || La maladie, l'épidémie ne l'a pas épargné. || Cet immeuble a été épargné par l'incendie.
Spécialt. Laisser vivre. || Épargner un condamné, des captifs. Gracier. || Pas un otage n'a été épargné. Sauver. || Il a été épargné par la fusillade, par le combat (→ Il en est sorti). || La mort n'épargne personne.
26 Ce sentiment est celui que la mort n'atteint pas uniformément tous les hommes, mais qu'une lame plus avancée de sa montée tragique emporte une existence située au niveau d'autres que longtemps encore les lames suivantes épargneront.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. X, p. 8.
27 Alain se sentait lâche et un peu tremblant, et respirait comme un homme épargné par des meurtriers.
Colette, la Chatte, p. 110.
Fig. Laisser subsister.
28 Ses vingt-cinq ans, à vrai dire, avaient épargné sa gaminerie naturelle.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 2e tableau, II.
Ménager en paroles ou dans un écrit.REM. Dans ce sens, épargner s'emploie surtout sous la forme négative. || Il ne l'a pas épargné dans son dernier article. || L'avocat général n'a pas épargné l'accusé dans son réquisitoire, il l'a accablé.Pron. || Ne pas s'épargner : parler sévèrement, sans indulgence de soi-même.
29 Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers et vos chiens.
La Fontaine, Fables, I, 10.
30 Allons, ferme, poussez (continuez), mes bons amis de cour;
Vous n'en épargnez point, et chacun a son tour (…)
Molière, le Misanthrope, II, 4.
31 (…) une société de gens qui (…) ne s'épargnaient guère les uns les autres sur leurs défauts (…)
Racine, Lettres, 183, 24 juil. 1698.
32 Les hommes toujours hardis à juger les autres sans épargner les souverains, car on n'épargne que soi-même dans les jugements.
Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche.
33 Ensuite elle me fit conter mon histoire, qui ne fut pas longue, et que je lui fis très fidèlement, en supprimant cependant quelques articles, mais au reste sans m'épargner ni m'excuser.
Rousseau, les Confessions, III.
CONTR. Consommer, dépenser, dilapider, donner, épuiser, jeter, prodiguer. — Imposer, obliger (à), occasionner. — Blesser, châtier (cit. 5), corriger, éprouver, frapper, punir; désoler, ravager; débarrasser (se; cit. 3), éliminer, supprimer, tuer; accabler, médire (de). — Empâter (peint.).
DÉR. Épargnant, épargne, épargneur.

Encyclopédie Universelle. 2012.