1. envers [ ɑ̃vɛr ] prép.
1 ♦ Vx En face de, vis-à-vis de. — Mod. Loc. Envers et contre tous (mots qui terminaient les formules des anciens serments de foi et hommage) :en dépit de l'opposition générale. On peut « vouloir la défendre [Marie-Antoinette] sur tous les points, se constituer son avocat, son chevalier envers et contre tous » (Sainte-Beuve). — Envers et contre tout : malgré tous les obstacles (cf. Contre vents et marées).
♢ Vx Auprès de. « Je perdrai mon crédit envers sa Majesté » ( P. Corneille).
2 ♦ (Apr. un mot désignant un sentiment, une action) À l'égard de (qqn). Il est bien disposé envers vous (cf. À votre endroit). Être plein d'indulgence envers les enfants. ⇒ avec, pour. « Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous, Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes » (La Fontaine). « Il s'était montré d'une pingrerie révoltante envers les femmes » (Mac Orlan). — À l'égard de (une chose morale). Traître envers la patrie.
envers 2. envers [ ɑ̃vɛr ] n. m.
• 1229; adj. 980; lat. inversum, de invertere « retourner »
I ♦ L'ENVERS.
1 ♦ Le côté d'une chose opposé à celui qui doit être vu. ⇒ 2. derrière. L'envers et l'endroit. L'envers d'une étoffe (cf. Le mauvais côté). Étoffe sans envers (⇒ réversible) . — L'envers d'un décor de théâtre. Fig. L'envers du décor (cf. le sens 2). — Vx L'envers d'un feuillet. ⇒ dos, verso. L'envers d'une médaille (⇒ revers) , d'une pièce de monnaie (⇒ 3. pile) . — (Choses naturelles) Le côté opposé à celui qui est ordinairement exposé à la lumière. L'envers d'une feuille d'arbre. L'envers d'une peau de lapin.
2 ♦ (XVIe) Fig. L'aspect (d'une chose) opposé à celui qui se voit généralement; l'aspect caché. Découvrir l'envers du décor, des choses, celui qui n'apparaît pas d'abord. « Je vous fais voir l'envers des événements que l'histoire ne montre pas; l'histoire n'étale que l'endroit » (Chateaubriand).
♢ L'aspect (d'une chose) opposé à celui qui devrait être vu; aspect superficiel ou peu significatif. « nous ne voyons jamais que l'envers des destinées » (Maeterlinck).
3 ♦ La face opposée, mais inséparable. ⇒ contraire, inverse. « voilà l'envers tout juste de ce que nous pensions de lui » (Mme de Sévigné). L'envers de la gloire. ⇒ contrepartie, rançon. (cf. Le revers de la médaille). « les défauts sont l'envers inévitable des qualités » (Siegfried).
II ♦ Loc. adv. À L'ENVERS.
1 ♦ (1382) Du mauvais côté, du côté qui n'est pas fait pour être vu (opposé à à l'endroit). « Le bon roi Dagobert Avait mis sa culotte à l'envers » (chanson)(cf. Sens devant derrière). « il aura mis un de ses bas à l'envers hier matin » (Sand).
2 ♦ (XVe « à la renverse ») Vieilli Sens dessus dessous. Mes locataires ont laissé ma maison à l'envers ! (cf. En désordre, en pagaille). — Avoir la tête, la cervelle à l'envers, l'esprit agité, troublé, inquiet. « aujourd'hui, veille de mariage, jour où les cervelles étaient à l'envers » (Loti).
3 ♦ Dans un sens inhabituel, dans le mauvais sens. Valse à l'envers, où l'on tourne à l'envers des aiguilles d'une montre. « tes yeux verts, Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers » (Baudelaire). Lire un texte à l'envers (cf. À rebours). Sa voiture est rangée à l'envers dans une file en stationnement. Prononcer les syllabes d'un mot à l'envers. ⇒ verlan. C'est le monde à l'envers : c'est une chose aberrante. Vous avez pris mes paroles tout à l'envers, vous les avez mal interprétées (cf. À contresens, de travers). Fam. Faire des progrès à l'envers (cf. À reculons).
⊗ CONTR. Endroit; avers, recto; 2. devant, face.
● envers préposition (de en et vers) À l'égard de quelqu'un, d'un groupe ; vis-à-vis de : Il est très bien disposé envers nous. ● envers (expressions) préposition (de en et vers) Envers et contre tous (ou tout), malgré l'opposition de tous, en dépit de tous les obstacles. ● envers nom masculin (ancien français envers, à la renverse, sur le dos, du latin inversus, retourné) Côté opposé à l'endroit, face par laquelle il est moins fréquent de regarder quelque chose ; verso, dos : Le questionnaire se poursuit sur l'envers de la feuille. Aspect opposé, contraire à quelque chose, souvent caché : L'envers d'une vérité. Synonyme de ubac. ● envers (citations) nom masculin (ancien français envers, à la renverse, sur le dos, du latin inversus, retourné) François René, vicomte de Chateaubriand Saint-Malo 1768-Paris 1848 Je vous fais voir l'envers des événements, que l'histoire ne montre pas. Mémoires d'outre-tombe ● envers (expressions) nom masculin (ancien français envers, à la renverse, sur le dos, du latin inversus, retourné) À l'envers, dans un sens opposé au sens normal, sens dessus dessous, la partie supérieure tournée vers le bas, ou l'avant en arrière : Mettre ses chaussettes à l'envers. Avoir l'esprit, la tête à l'envers, ne plus savoir exactement ce qu'on fait. L'envers du décor, la face cachée des choses, moins reluisante que l'apparence. Être, marcher, aller à l'envers, être, fonctionner dans le plus complet désordre, agir en dépit du bon sens : C'est le monde à l'envers. Prendre quelque chose (parole, discours) à l'envers, l'interpréter mal. ● envers (synonymes) nom masculin (ancien français envers, à la renverse, sur le dos, du latin inversus, retourné) Côté opposé à l'endroit, face par laquelle il est moins...
Synonymes :
- dos
- revers
- verso
Contraires :
- devant
- endroit
- face
- recto
Aspect opposé, contraire à quelque chose, souvent caché
Synonymes :
- dessous
- inverse
À l'envers
Synonymes :
- à contresens
Contraires :
- à l'endroit
Prendre quelque chose (parole, discours) à l'envers
Synonymes :
- à rebours
Contraires :
Synonymes :
- ubac
envers
Prép.
d1./d Envers et contre tous: malgré l'opposition de tous.
d2./d à l'égard de. Il a été très honnête envers moi.
————————
envers
n. m.
d1./d Côté opposé à l'endroit. L'envers d'une feuille de papier.
|| Fig. L'envers du décor: ce que cachent des apparences flatteuses.
d2./d Loc. adv. à l'envers: dans le sens contraire, inverse du sens normal. Mettre un vêtement à l'envers.
|| En désordre, de travers. Il fait tout à l'envers.
I.
⇒ENVERS1, prép.
1. Loc. vieillie. Envers et contre tous
a) [Contre glose envers] À l'égard de tous. Ils s'engagèrent par serment à agir en bonne union et fraternité envers et contre tous, sauf le roi (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p. 165).
b) [Envers glose contre] Contre tout le monde, en s'opposant à tous (après des verbes comme aider, défendre, protéger, soutenir [qqn ou qqc.]). L'armée (...) doit (...) défendre envers et contre tous la constitution légalement établie (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 108). Je ressens dans les plus mauvais moments, le désir de priver volontairement les autres de moi et de vivre envers et contre tous (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 65).
— P. anal. Envers et contre, loc. prépositive
) [Suivie de tout adj. ou pron.] Ce fut M. de Chateaubriand, qui, envers et contre tout le Conseil, et surtout Villèle qui n'en voulait pas, fit nommer M. de Damas (Mme DE CHATEAUBRIAND, Mém. et Lettres, 1847, p. 113). La lutte pour l'homme, pour les hommes, envers et contre tout ce qui n'est pas les hommes (GUÉHENNO, Journal Révol., 1938, p. 182).
) [Sans tout] Sa politique envers et contre le protestantisme (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 162). Sans doute même cette expérience voulait-elle être tentée, envers et contre mon cœur (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 62).
c) En dépit de l'opposition générale. Ils me nomment colonel de la garde nationale de Mâcon, envers et contre tous (LAMART., Corresp., 1832, p. 252). Sa femme d'ailleurs l'avait épousé envers et contre tous parce que c'était un « être de charme » (PROUST, J. Filles en fleurs, 1918, p. 512).
d) En dépit de tous les obstacles réels ou possibles, quoi qu'il arrive. Synon. à toute force, contre vents et marées, malgré tout, coûte que coûte. Il se cramponnait, envers et contre tous, au plan positif, au plan des intérêts en jeu! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 485).
2. Mod. Envers et contre tout. Synon. de A 1 d. Tenir bon, envers et contre tout. Raoul Ponchon, resté homme de café envers et contre tout (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 37) :
• 1. ... il conta brièvement les manifestations de Paris, de Bruxelles, et quels transports l'avaient saisi devant l'unanime élan de ces foules qui, envers et contre tout, clamaient, par toute l'Europe, leur volonté de paix.
MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 466.
Rem. On rencontre ds la docum. des var. d'aut. (envers et...). La vengeance de Lisée (...) allait le suivre impitoyablement, empoisonner ses jours, et accomplir envers et malgré tout son œuvre fatale (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 44). D'accord avec sa conscience... envers et quand même! Au sein des pires calamités! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 235).
B.— Usuel. À l'égard de.
1. [Le compl. prép. désigne une pers., une collectivité; pour exprimer un sentiment, une disposition, une attitude, un comportement ou une action au moral] Synon. à l'endroit de (littér.), vis-à-vis de.
a) Verbe ou loc. verbale + envers qqn. S'engager, s'acquitter envers qqn; remplir un devoir, une obligation envers qqn; agir, se conduire (de telle manière) envers qqn; user de (tel procédé) envers qqn.
— [Sentiment, disposition] L'énorme dette que j'ai contractée envers vous qui avez été si bon, si complaisant et affectueux pour moi (BALZAC, Corresp., 1837, p. 340). Renée la tenait pour folle, et se défendait mal envers elle d'une certaine aversion (ARLAND, Ordre, 1929, p. 220).
— [Conduite, action, comportement] Il redoubla de prévenance et d'attention envers Madame de Serpierre et cinq ou six de ses bonnes amies (STENDHAL, L. Leuwen, t. 1, 1835, p. 256). Cette mobilisation forcerait la France à tenir les engagements qu'elle a pris envers la Russie (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 356) :
• 2. Dès ce moment (50), il changea de conduite à l'égard des Gaulois : il fit montre envers eux d'une extrême douceur; il les ménagea pour les tributs au point d'exciter la jalousie de la province.
MICHELET, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 250.
— [Action morale (dans certains cas, l'action portant atteinte à la pers. morale, envers est synon. de contre)] Commettre un crime, une injustice envers qqn; j'ai des torts envers vous. Dieu me fit la grâce de comprendre combien je péchais envers lui, envers mes enfants, envers mon mari, reprit Mme de Rênal (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 218) :
• 3. Lord Londonderry n'était pas homme à se repentir d'avoir péché contre l'humanité, dont il ne se souciait guère, ni envers les lumières du siècle, pour lesquelles il avait un profond mépris : la folie était entrée par les femmes dans la famille Castlereagh.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 3, 1848, p. 122.
SYNT. Avoir, manifester, garder (telle attitude) envers qqn; commettre une faute envers qqn.
b) Adj. (ou loc. verbale avec adj.) + envers qqn. Être quitte envers qqn. Synon. avec, pour, à (non permutables dans tous les cas). Monsieur de Lessay était brusque avec les hommes et courtois envers les dames (FRANCE, Bonnard, 1881, p. 389). Sois patient et doux envers toi-même. Il est infiniment probable que Dieu ne fera rien de ce que tu rêves. Il fera mieux (BLOY, Journal, 1902, p. 138) :
• 4. Ces heurts n'étaient jamais vulgaires : car Christophe avait le respect de Françoise. Et Françoise, qui pouvait être cruelle, était bonne pour ceux qui étaient bons envers elle; pour rien au monde, elle n'eût voulu leur faire de mal.
ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, p. 1178.
SYNT. (Être, se montrer) attentif, attentionné, bienveillant, compatissant, cruel, dévoué, dur, exigeant, froid, généreux, indifférent, indulgent, injuste, poli, sévère, traître envers qqn.
c) Subst. + envers qqn
) [Sentiment (souvent exprimé par un adj. substantivé) que l'on porte à qqn] Complaisance envers soi-même; sincérité envers soi-même, envers les autres; cruauté, dureté, reconnaissance envers qqn :
• 5. Et, exhalant le mépris de la patricienne pour le plébéien, la haine de Jacob contre Edom, elle lui reprocha son indifférence aux outrages, sa mollesse envers les Pharisiens qui le trahissaient, sa lâcheté pour le peuple qui la détestait.
FLAUBERT, Hérodias, 1877, p. 152.
— [Avec un subst. coll.] Dubois et la politique de complaisance envers l'Angleterre (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 273).
) [Attitude, position, comportement que l'on a visà-vis de qqn] (Manque d') égards, (de) délicatesse, réserve, tact envers qqn, l'un envers l'autre :
• 6. ... l'obéissance du fils envers le père, l'amour qu'il portait à sa mère, c'était de la piété, pietas erga parentes; l'attachement du père pour son enfant, la tendresse de la mère, c'était encore de la piété, pietas erga liberos.
FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique, 1864, p. 119.
) Action morale ou résultat d'une obligation, d'un engagement. Crime, faute, injustice, tort envers qqn; dette, devoir, obligation envers qqn. Il vous sera aisé de pallier votre conduite envers moi, du moins vis-à-vis de ceux qui ne sont pas mes amis (STAËL, Lettre. L. de Narbonne, 1794, p. 241). Injures et sévices envers un soldat (SARDOU, Patrie, 1869, I, 1er tabl., 3, p. 22).
2. [Le compl. désigne une entité abstr.]
a) Verbe, loc. verbale ou subst. déverbal + envers + subst. Elle sait parfaitement qu'elle a de plus grandes obligations à remplir envers les mille vanités dont se compose la vie (BALZAC, Goriot, 1835, p. 244) :
• 7. C'est un devoir strict envers notre langue de n'ouvrir les portes sévères de son vocabulaire qu'à des termes nouveaux qui apportent avec eux une idée nouvelle et qui prennent au dépourvu nos propres ressources linguistiques.
GOURMONT, Esthétique de la lang. fr., 1899, p. 101.
b) Adj. + envers + subst. Traître envers la patrie. Incapable (...) de se montrer servile envers le pouvoir et dur pour le malheur (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 225). Il était extrêmement poli envers la religion plutôt que croyant (STENDHAL, H. Brulard, t. 1, 1836, p. 120).
c) Subst. + envers + subst. Tu es démoralisé par ta précoce rancune envers l'existence (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 188). Beaucoup profitaient simplement de cette libération envers leur passé d'adulte pour retrouver des joies de collégien (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 166).
3. [Le compl. désigne une chose concr.] Pour ce qui concerne, regarde. Envers la plupart des astres, nos connaissances réelles se réduisent, au fond, à d'exacts dénombrements, sans que nous puissions seulement constater leur figure ou leur grandeur, qui d'ailleurs ne nous importent guère (COMTE, Catéch. posit., 1852, p. 113).
Prononc. et Orth. :[]. D'apr. LITTRÉ l's ne se lie pas, bien qu'il observe que quelques-uns le lient. Ex. envers eux [], parfois []. La prép. est admise ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin Xe s. « dans la direction de, vers (avec mouvement) » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 293 : Envers Jesum sos olz torned); 2. ca 1100 « à l'égard de, contre (hostilité) » (Roland, éd. J. Bédier, 1222); 3. 1re moitié XIIe s. « à l'égard de (sans idée d'hostilité) » (Lois Guillaume, éd. J. E. Matzke, § 42); 4. 1642 « auprès de, dans l'esprit de » (CORNEILLE, Polyeucte, V, 6). Composé de la prép. en et de la prép. vers. Bbg. ARCHER (J.). Z. fr. Spr. Lit. 1912, t. 38, pp. 182-183. — REYELT (R.). Über den Gebrauch und die begriffliche Entwicklung der fr. Präpositionen vers, envers, devers... Göttingen, 1912, 97 p.
II.
⇒ENVERS2, subst. masc., À L'ENVERS, loc. adv.
I.— Subst. masc.
A.— [En parlant d'une chose concr.] Côté qu'on ne voit pas au premier abord. Anton. endroit.
1. [En parlant d'une chose fabriquée par l'homme] Face non destinée à être vue, par opposition au beau côté. Synon. dessous, derrière, dos, mauvais côté, mauvais endroit. Le jardinier, un long couteau à la main, (...) faisait le signe de la croix sur l'envers du pain bis (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 30). Pas de plafond, on touchait de la main l'envers des tuiles brunes (VAN DER MEERSCH, Empreinte dieu, 1936, p. 116) :
• 1. ... il courut à la cheminée, détacha un petit portrait en miniature pendu près de la glace, et, le retournant, passa sa manche sur le carton poussiéreux qui en formait l'envers.
VERNE, Les 500 millions de la Bégum, 1879, p. 46.
— En partic.
a) Envers d'une étoffe, d'un vêtement, d'un ouvrage de tapisserie. Côté intérieur (où apparaissent les coutures ou les fils de la trame). Synon. dessous, revers, mauvais côté. De l'envers de sa veste, il tira un portefeuille (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 273). Je tripote toutes mes doublures... ma culotte... envers... endroit... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 224) :
• 2. ... un manteau qu'elle ne reconnaissait pas, (...). Mais le manteau étant hors d'usage, Françoise l'avait fait retourner et exhibait un envers de drap uni d'un beau ton.
PROUST, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 649.
♦ Loc. fig.
L'envers du décor, des tapisseries. La situation réelle, les ressorts véritables d'un acte. Tous les souverains aiment à connaître l'envers des tapisseries, et savoir les véritables motifs des événements que le public regarde passer bouche béante (BALZAC, Splend. et mis., 1847, p. 494).
L'envers et l'endroit. Tous les aspects, tous les détails d'une réalité (examinée dans tous les sens, sous tous ses aspects, sur toutes les coutures). Mon petit, en littérature, chaque idée a son envers et son endroit (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 422).
♦ Loc. prép. À l'envers de. Sur le côté intérieur de. C'était à l'envers du velours le coton sans magnificence (ARAGON, Rom. inach., 1956, p. 146).
♦ Étoffe sans envers (mod.), à deux envers (vx). Étoffe de très belle qualité, dont l'envers est aussi beau que l'endroit. Synon. (pour un vêtement) réversible. Dauphines sans envers en pièces, points de Gênes et d'Alençon (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 613).
♦ Loc. verbales fig.
L'envers vaut l'endroit [En parlant des beaux côtés cachés, des dessous de quelqu'un, de quelque chose] Elle a une nuque qui n'est pas si mal. Mais est-ce assez? « L'envers vaut l'endroit », disent les petits tailleurs (MONTHERL., Pitié femmes, 1936, p. 1146). « Pourquoi conserver des opinions hors d'usage? Confiez-les-nous! L'envers vaut l'endroit » (GREEN, Journal, 1938, p. 140).
Faire de son envers l'endroit. Se retourner complètement, changer totalement de point de vue. Synon. faire volte-face. J'ai fait de mon envers l'endroit, je me suis retourné comme un gant (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1560).
♦ P. anal. et au fig. Médaille sans envers. Réalité sans côté déplaisant. Les rapports humains devraient se réduire à des parties d'échecs. Sauf pour la camaraderie! Ça, c'étaient de véritables rapports humains, une médaille sans envers (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 261).
b) Envers d'un feuillet. Synon. dos, verso; anton. recto. L'envers blanc d'une étiquette (PROUST, Swann, 1913, p. 51). J'avais noté neuf choses à lui dire, sur l'envers d'une carte de visite (MONTHERL., Songe, 1922, p. 191).
♦ P. métaph. À l'ombre des journaux délirants d'appels aux sacrifices ultimes et patriotiques, la vie, strictement mesurée, farcie de prévoyance, continuait et bien plus astucieuse même que jamais. Tels sont l'envers et l'endroit, comme la lumière et l'ombre, de la même médaille (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 92).
2. [En parlant d'une chose naturelle] Côté opposé à celui qui est exposé à la lumière ou au regard. Quelques beaux papillons, (...) portant, à l'envers des ailes, une grosse macule nacrée (GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 685). L'envers des nuages du côté qui regarde le zénith (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 12).
B.— Au fig. [En parlant d'une réalité, des choses de la vie]
1. Aspect qui n'apparaît pas à première vue, qui n'est pas saisissable, palpable; le côté caché, mystérieux.
— P. ext., péj. Les aspects que l'on cache, les petits côtés peu brillants, honteux ou ridicules. Synon. les dessous. Flaubert et ses amis aimaient à se figurer les dessous, l'envers de la vie rouennaise (THIBAUDET, Réfl. litt., 1936, p. 170).
— En partic., emploi abs., rare. Homme à deux envers. Homme double, hypocrite, ambigu dans ses opinions, contradictoire dans son comportement. Synon. fourbe, trompeur. Un autre être existait encore, en lui : cet esprit se dédoublait, et, après l'endroit apparaissait l'envers de l'écrivain, un fanatique religieux et un prophète biblique (HUYSMANS, À rebours, 1884, p. 206).
2. Aspect opposé à celui qui devrait normalement se présenter à la vue, forme superficielle voilant la réalité profonde de quelque chose. Pour ce qui est de ton échec, dis-toi bien que « nous ne voyons jamais que l'envers de notre destinée » (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 36). Je pense que le temps n'est que la forme matérielle de la pensée et comme l'envers d'une activité créatrice à laquelle il ne tient qu'à moi d'être intérieurement lié (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 189).
a) [P. oppos. au dedans, au fond des choses, à la réalité intérieure] :
• 3. ... l'universelle gravité des corps, dont nous sommes tant frappés, n'est que l'envers ou l'ombre de ce qui meut réellement la nature. Pour apercevoir l'énergie cosmique « fontale », il faut, si les choses ont un dedans, descendre dans la zone interne ou radiale des attractions spirituelles.
TEILHARD DE CHARDIN, Le Phénomène humain, 1955, p. 294.
b) [P. oppos. à l'au-delà, à la réalité supérieure] :
• 4. Heureux ceux qui croient qu'au-dessus de l'ordre de la politique règne l'ordre de la charité, que l'histoire visible est l'envers de la véritable histoire et qu'il existe un autre Royaume que les royaumes de ce monde meurtrier!
MAURIAC, Le Baîllon dénoué, 1945, p. 458.
3. Aspect opposé complémentaire (d'une réalité, envisagée sous sa double forme). Aucun mot ne possède un sens unique (...). Tout mot a pour envers une idée générale, ou du moins généralisée (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p. 315). Les massifs d'arbres (...) prenaient des teintes noir olive, et semblaient l'envers de quelque couleur (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 24) :
• 5. Un ouvrage bien complet ne doit pas avoir besoin qu'on le réfute. L'envers de chaque pensée doit y être indiqué, de manière que le lecteur saisisse d'un seul coup d'œil les deux faces opposées dont se compose toute vérité.
RENAN, Drames philos., Le Prêtre de Nemi, 1885, p. 526.
— P. ext. [Dans la loc. fig. c'est l'envers de la médaille, « toute médaille a son revers »] Toute chose a son mauvais côté, son aspect désagréable. L'envers de la gloire. Synon. rançon, contrepartie. Plus il était seul, plus il s'obstinait à avoir raison; c'était l'envers inévitable de ses qualités souveraines de fermeté, d'élan et de confiance (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 60). Il semble que mon bonheur soit l'envers du malheur des autres, que je ne sois capable d'être heureux qu'aux frais d'autrui (BERNANOS, Joie, 1929, p. 586) :
• 6. ... les enfants n'y pensent pas plus [à l'état présent chèrement acquis] qu'à l'air qu'ils respirent; en revanche, ils seront sensibles à des désagréments qui ne sont que l'envers des avantages douloureusement conquis pour eux.
BERGSON, Les Deux sources de la mor. et de la relig., 1932, p. 312.
♦ Compensation. Le droit de grâce n'a pas d'envers : le roi, qui peut gracier le banqueroutier frauduleux, ne rend rien à la victime dépouillée (BALZAC, Mais. Nucingen, 1838, p. 653).
4. Aspect contradictoire, sens contraire, inverse de quelque chose
a) de ce qui est. L'envers de la vérité. Obligé, comme les grands poètes comiques, comme Molière et Rabelais, de considérer toute chose à l'endroit du pour et à l'envers du contre, il était sceptique, il pouvait rire et riait de tout (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 237) :
• 7. « Un cheval, je le savais, vient au monde les antérieurs d'abord : la naissance, c'est le premier saut. (...) (Dans une contraction violente, Querelle a chassé autre chose de son ventre, une forme oblongue, le début de la tête). (...) j'avais l'impression qu'une présence envahissait l'écurie, et c'était brutal, étincelant, l'envers de la mort, son échec. La mort de la mort, la vie. LA VIE ».
C. DE RIVOYRE, Le Petit matin, Paris, Livre de poche, 1968, p. 162.
b) de ce qui devrait être (l'aspect négatif, péjoratif ou caricatural). L'envers du bon sens (= le non sens). Léo. — Je ne sais pas si c'est un drame ou un vaudeville. De toute manière c'est un chef-d'œuvre. Georges. — Un chef-d'œuvre de monstruosité. (...) Léo. — Tu as gagné l'envers du gros lot, mon pauvre Georges (COCTEAU, Par. terr., 1938, I, 8, p. 218). L'éloquence et son envers, le verbalisme (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 124).
II.— À l'envers, loc. adv. ou loc. adj.
A.— Du mauvais côté, du côté qui n'est pas destiné à être vu (le côté le moins beau en dehors). Anton. à l'endroit, du bon côté, dans le bon sens, correctement.
1. Sens devant derrière. [En parlant d'une étoffe, d'un vêtement] Le côté de devant étant placé derrière. Il a mis ses bretelles à l'envers. Il ne retrouve pas l'une de ses chaussettes (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p. 236). [En parlant d'un objet à deux faces] La face retournée, le dos étant présenté à la vue. Des toiles appuyées à l'envers contre le pied des chevalets (MEILHAC, HALÉVY, Cigale, 1877, III, 3, p. 111).
2. Sens dessus dessous.
a) Le côté intérieur à l'extérieur. Synon. retourné. Et il mit son gilet à l'envers, signe évident d'un violent combat intérieur (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 304). Dans sa précipitation, il lui arrivait souvent de la mettre à l'envers, ou sens devant derrière [sa perruque] (SAND, Hist. vie, t. 2, 1885, p. 321).
b) La tête en bas, la base au sommet. D'autres couraient, (...) comme pour chercher le vrai sens du tableau, déclarant qu'il était beaucoup mieux à l'envers (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 307).
B.— En sens inverse, dans un sens contraire à la norme, à la perspective naturelle ou habituelle; dans le mauvais sens.
1. En sens inverse (position, orientation). Mettre qqc. à l'envers. Retourner quelque chose. Il rentre les chaises (...) et les met à l'envers au bord des tables (PAGNOL, Marius, 1931, II, 4, p. 124). Il est vraiment très tard, reprit-il en consultant à l'envers la montre posée sur mon bureau (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 245).
2. En sens inverse (mouvement contraire). Celui-là qui faisait la valse les yeux fermés, à l'envers et à l'endroit (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 185). J'essayai de vivre à l'envers. Entre neuf et dix ans, je devins tout à fait posthume (SARTRE, Mots, 1964, p. 165) :
• 8. Abraham, Isaac et Jacob, c'est-à-dire, en remontant, avec lui. Et comme à l'envers, Jacob, Isaac, Abraham. Sem et Noé. Mathusalem, Enoch. Seth, Adam.
PÉGUY, Victor-Marie, comte Hugo, 1910, p. 741.
3. Au fig. Dans un sens anormal, paradoxal, opposé, contraire au bon-sens, au sens réel ou au sens naturel.
a) À l'opposé du bon-sens (vers le non-sens, l'aberration). Les choses vont à l'envers. Cela va mal, en dépit du bon-sens. Des traditions de famille, qui, prenant l'honneur et la dignité à l'envers, lui imposaient l'oisiveté comme le premier, comme le plus saint des devoirs (SANDEAU, Sacs, 1851, p. 38) :
• 9. Quand Freycinet dit : « Je veux », Zurlinden répond : « Je ne veux pas », et dans un pays où tout est à l'envers, il est bien naturel que ce soit l'inférieur qui commande au supérieur docilement soumis.
CLEMENCEAU, Vers la réparation, 1899, p. 404.
— C'est le monde à l'envers. C'est aberrant. Des lunettes noires à la fin de novembre, le monde à l'envers! (MONTHERL., Fils personne, 1943, II, 2, p. 295). C'est le monde à l'envers, plus de médecins que de malades (CAMUS, Peste, 1947, p. 1312).
b) À l'opposé du sens réel (d'un mot, d'une idée), à contre-sens. Interpréter des paroles à l'envers. Synon. mal, de travers (ou dans un faux sens). Ces journalistes, ils ne lisent pas même les documents qu'ils fourrent dans leurs serviettes, ou plutôt les lisent à l'envers. (...) Burty avait trouvé le moyen de commettre à peu près autant d'erreurs qu'il avait emprunté de mots à la courte note! (GONCOURT, Journal, 1875, p. 1086). De telles paroles (...) doivent en quelque sorte être lues à l'envers puisque leur lettre signifie le contraire de la vérité (PROUST, J. Filles en fleurs, 1918, p. 860) :
• 10. ... « pour égaler Dieu, devenir des créateurs, nous nous fîmes destructeurs; nous créâmes à l'envers, puisque nous ne pouvions créer dans le sens de l'avenir. Nous nous fîmes un univers de destruction, ... »
BÉGUIN, L'Âme romantique et le rêve, 1939, p. 34.
c) À l'opposé du sens commun. Il éprouvait ses émotions à l'envers, au contraire des autres (JOUHANDEAU, M. Godeau, 1926, p. 128).
d) À l'opposé du sens de la marche, de la progression; en rétrogradant. Synon. à rebours.
— À l'envers de, loc. prép. Tout au contraire de, à l'encontre de. Si nous allons vers la joie, qu'importe que cela soit ici-bas à l'envers de notre approximation corporelle? (CLAUDEL, Soulier, 1929, 3e journée, 13, p. 844) :
• 11. De sorte qu'à l'envers de nous, qui commençons par les beaux jours et semblons d'abord papillons, pour traîner plus tard et languir, lui [le phénix] commence par les années sombres, et d'une longue vie obscure il surgit à la jeunesse où il meurt glorifié.
MICHELET, L'Insecte, 1857, p. 79.
C.— P. ext. et au fig. [L'ordre étant bouleversé] En tous sens, en grand désordre. Synon. sens dessus dessous, pêle-mêle, en pagaïe (fam.), n'importe comment.
1. En grand désordre (concret), dans un bouleversement total. Gérard (...) regardait avec terreur son domicile à l'envers sans trouver de chaise pour s'asseoir (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 184). Elle mettait la table à l'envers, s'arrêtant avec les assiettes pour tomber dans de grosses réflexions (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 477) :
• 12. SCORONCONCOLO.
Depuis que nous trépignons dans cette chambre, et que nous y mettons tout à l'envers, ils doivent être bien accoutumés à notre tapage. Je crois que tu pourrais égorger trente hommes dans ce corridor, (...) sans qu'on s'aperçoive dans la maison qu'il s'y passe du nouveau.
MUSSET, Lorenzaccio, 1834, III, 1, p. 167.
— P. ext. Dans une confusion extrême (trouble ou révolution). Car là-bas il y a la France tout à l'envers et ce pauvre petit roi je ne sais où comme il peut (CLAUDEL, Visages radieux, 1947, p. 808) :
• 13. Si la révolution venait et mettait à l'endroit ce qui était à l'envers et à l'envers ce qui était à l'endroit, elle saurait toujours se trouver sur ses pieds, elle ferait ce qu'il y aurait à faire, ...
ROLLAND, Jean Christophe, Le Buisson ardent, 1911, p. 1284.
2. Dans une grande perturbation psychologique ou mentale, les sens ou la raison troublés.
— (Avoir) la tête, la cervelle, l'esprit, l'âme à l'envers. Être bouleversé, inquiet, agité, affolé ou excité; être un peu fou. On ne se comprend plus bien, la tête à l'envers d'embarras et de fièvre (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 158). Commencèrent des histoires d'hôtel meublé, de rendez-vous. Elle était folle, la tête à l'envers (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 279).
— Mettre la tête, l'esprit à l'envers à qqn. Faire perdre la tête, rendre comme fou. Synon. remuer, chavirer, bouleverser, tournebouler :
• 14. BROQUIN. — Toujours dans le même état... toujours sur le point d'être mère pour la huitième fois... C'était annoncé pour hier soir, et ce matin rien encore.
PROSPER. — Ça doit lui mettre la tête à l'envers... à ce pauvre monsieur Camusot.
MEILHAC, HALÉVY, La Boule, 1875, III, 1, p. 84.
— Se mettre la tête à l'envers
♦ pour qqn. Devenir amoureux fou. Si tu aimais une femme à te mettre pour elle l'âme à l'envers, et qu'il lui fallût de l'argent (BALZAC, Goriot, 1835, p. 155). Se mettre la tête à l'envers pour une femme dont on n'a même pas bien remarqué les yeux! Mais d'où prenait-il qu'il se mît la tête à l'envers? Elle était comme toujours, sur ses épaules (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 291).
♦ pour qqc. Perdre ses moyens, se rendre malade (fig.). Vous allez toujours au chagrin, vous ne savez qu'inventer pour vous mettre la tête à l'envers (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 1178). Inutile de se mettre la ciboule à l'envers pour une telle bêtise (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 373).
— Se mettre à l'envers. Devenir comme fou sous l'effet d'une émotion violente. Cf. les loc. fig. perdre la boule, la boussole, le nord; être aux cents coups; se ronger, se tourner les sangs. Pas la peine de te mettre à l'envers. Ce n'est pas grave. (...) Mais c'est sérieux. Il avait la poitrine faible (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 41).
3. Dans une grande perturbation physiologique.
a) Avoir les yeux à l'envers
— Anormaux, troublés. On lui parle, elle ne vous répond pas. C'est comme les gens qui couvent une maladie et qui ont les yeux à l'envers (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 152).
— Révulsés. La face était pourpre; les yeux, à l'envers (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1275).
b) Avoir le cœur à l'envers. Avoir mal au cœur, être écœuré, barbouillé; se sentir mal. Aussi, quand la morte fut habillée et proprement étendue sur son lit, Lantier se versa-t-il un verre de vin, pour se remettre, car il avait le cœur à l'envers (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 655). Au fig. Rien que de le voir, j'en ai le cœur à l'envers. Il nous a tous trahis en même temps, Alice et nous autres (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 231).
Prononc. et Orth. :[]. Pas de liaison selon LITTRÉ. Enq. : //. Le subst. est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. Subst. 1. Ca 1170 « côté opposé à l'endroit » a l'androit ne a l'anvers (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 2638); 2. [av. 1592 « côté opposé à une opinion, le revers des choses » (MONT., IV ds LITTRÉ)]; 1611 fig. nul endroict sans son envers (COTGR.). B. Loc. adv. ca 1380 à l'envers « du mauvais côté (d'un vêtement) » (J. CUVELIER, B. du Guesclin, éd. Charnière, 19362); av. 1526 « d'une façon contraire à ce qui devrait être » (J. MAROT, V, 143 ds LITTRÉ). Emploi subst. de l'adj. a. fr. envers « à la renverse, sur le dos » fin Xe s. Passion, éd. d'A. S. Avalle, 140, du lat. inversus, part. passé de invertere « retourner renverser ».
STAT. — Envers1 et 2. Fréq. abs. littér. :4 290. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 7 355, b) 6 263; XXe s. : a) 4 403, b) 5 964.
1. envers [ɑ̃vɛʀ] prép.
ÉTYM. Xe; de en, et vers.
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1 Vx. En face de…, vis-à-vis de… — Mod. ☑ Loc. Envers et contre tous (mots qui terminaient les formules des anciens serments de foi et hommage) : contre tout le monde, en dépit de l'opposition générale (→ Contre vents et marées, malgré tout, coûte que coûte). || Soutenir une opinion envers et contre tous. || Aider, défendre, protéger qqn envers et contre tous (→ Assurance, cit. 3). — ☑ (XXe). Envers et contre tout (→ Contre, cit. 15).
1 (…) je serai défendu par elle envers et contre tous.
Molière, Dom Juan, V, 2.
2 On peut (…) vouloir la défendre (Marie-Antoinette) sur tous les points, se constituer son avocat, son chevalier envers et contre tous, s'indigner à la seule idée des taches et des faiblesses que d'autres croient découvrir dans sa vie (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 14 juil. 1851, t. IV, p. 331.
♦ (1642, Corneille, cit. 3). Vx. Auprès de. || Faire des avances envers qqn (→ Avance, cit. 29).
3 Je perdrai mon crédit envers sa Majesté.
Corneille, Polyeucte, V, 6.
4 Je vois qu'envers mon frère on tâche à me noircir (…)
Molière, Tartuffe, III, 7.
2 (Déb. XIIe). Mod. À l'égard de… (qqn). || Il est bien disposé envers vous, dévoué, poli, dur, méchant envers tous. || Nos devoirs (cit. 20) envers nous-mêmes, envers la loi (→ Dignité, cit. 10). || Les devoirs du maître envers les élèves (→ Cahier, cit. 3). || Contracter une dette envers qqn. || S'engager envers qqn. || Prendre des engagements envers qqn. || Contrat où une partie s'engage envers l'autre (→ Approuvé, cit.). || Ses torts envers les autres (→ Attifage, cit. 1). || Complaisance envers soi-même (→ Autrui, cit. 22). || Être plein d'indulgence envers les enfants. ⇒ Pour. — À l'égard de (une chose morale). || Traître envers la patrie.
REM. Envers a des emplois moins étendus que à l'égard de ou que pour. En premier lieu, il s'emploie après un mot marquant un sentiment ou une action. On dira indifféremment sa gentillesse envers moi ou à mon égard, mais on dira son opinion à mon égard, et non envers moi. En second lieu, envers a pour complément une personne ou une chose d'ordre moral : une infirmière est pleine de sollicitude envers ou pour son malade, mais un banlieusard est plein de sollicitude pour (et non envers) son jardinet.
5 Mais je ne prétends pas qu'un impuissant courroux
Dégage ma parole et m'acquitte envers vous.
Racine, Britannicus, I, 3.
6 Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes.
La Fontaine, Fables, I, 8.
6.1 Allons, dit-elle à la jeune fille, vous n'avez qu'à rester ici, beaucoup d'égards pour mes conseils, un grand fonds de complaisance et de soumission pour mes pratiques, de la propreté, de l'économie, de la candeur vis-à-vis de moi, de la politique envers vos compagnes, et de la fourberie avec les hommes (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 13 (1791).
7 Il s'était montré d'une pingrerie révoltante envers les femmes.
P. Mac Orlan, la Bandera, XIII, p. 149.
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2. envers [ɑ̃vɛʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1170; adj., 980, « à la renverse »; du lat. inversum, de invertere « retourner ».
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I L'envers.
1 Le côté d'une chose opposé à celui qui est normalement vu. ⇒ Derrière. || L'envers et l'endroit. || L'envers d'une étoffe. → Le mauvais côté. || Duite d'envers. || Chaîne de l'envers. || Étoffe sans envers, qui n'a pas d'envers (⇒ Réversible). — Loc. vieillie. || Étoffe à deux envers, dans laquelle l'envers ne se distingue pas de l'endroit. — ☑ Loc. fig. Gens à deux envers, dont l'opinion, l'attitude est ambiguë (⇒ Double, trompeur). || C'est un homme à deux envers, un fourbe (Huysmans, in T. L. F.).
♦ L'envers d'une tapisserie, le canevas. || L'envers d'un tableau. || L'envers d'un décor de théâtre. ☑ Fig. L'envers du décor, (vieilli) l'envers des tapisseries : ce qu'on ne voit pas, normalement, d'une chose, d'un événement (→ ci-dessous, le sens 2.). — Vieilli. || L'envers d'un feuillet. ⇒ Dos, verso. — L'envers d'une médaille (⇒ Revers), d'une pièce de monnaie (⇒ Pile). — ☑ Loc. fig. L'envers de la médaille. ⇒ Revers.
♦ Par ext. (en parlant de choses naturelles). Le côté opposé à celui qui est ordinairement visible, exposé à la lumière. || L'envers d'une feuille d'arbre. || L'envers d'une peau de lapin.
2 (XVIe). Fig. L'aspect (d'une chose) opposé à celui qui se voit généralement; aspect caché. || Découvrir l'envers des choses. || L'envers d'une situation, de la vie (→ Déprécier, cit. 6). || L'envers du Grand Siècle, de la Belle Époque, ce que n'en montre pas l'histoire officielle. || L'envers de la gloire. ⇒ Rançon, contrepartie.
1 Je vous fais voir l'envers des événements que l'histoire ne montre pas; l'histoire n'étale que l'endroit.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 1.
2 (…) le droit
Est l'envers du pouvoir dont la force est l'endroit.
Hugo, la Légende des siècles, X, « Jour des rois », IV.
♦ ☑ Loc. L'envers vaut l'endroit : les aspects cachés valent ceux que l'on connaît.
♦ L'aspect (d'une chose) opposé à celui qui devrait être vu; aspect superficiel ou peu significatif.
3 (…) nous ne voyons jamais que l'envers des destinées.
Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, I, 2.
4 Toute mon œuvre jusqu'à présent n'a été que négative; je n'ai montré de mon cœur et de mon esprit que l'envers.
Gide, Journal, 6 juil. 1914.
♦ Vieilli. Contraire, inverse (de qqch.).
5 (…) vous serez toujours (…)
Un envers du bon sens, un jugement à gauche (…)
Molière, l'Étourdi, II, 11.
6 (…) voilà l'envers tout juste de ce que nous pensions de lui; ce sont des points de vue fort différents.
Mme de Sévigné, 1121, 10 janv. 1689.
3 Mod. La face opposée, mais inséparable. ⇒ Contrepartie. || « Le difforme (cit. 4) est l'envers du sublime » (Hugo). || L'envers d'une qualité. ⇒ Rançon.
7 En considérant la psychologie du Français, on est amené à se dire que les défauts sont l'envers inévitable des qualités, cependant que telles qualités exceptionnelles ne sont en somme que l'utilisation et l'adaptation de certains défauts.
André Siegfried, l'Âme des peuples, III, VI, p. 77.
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II ☑ Loc. adv. À l'envers.
1 (V. 1380). Du mauvais côté, du côté qui n'est pas fait pour être vu. || Mettre un manteau, des bas (cit. 2) à l'envers. || « Le bon roi Dagobert Avait mis sa culotte à l'envers » (Chanson). Cf. Sens devant-derrière. || Retourner une manche qui est à l'envers.
8 Je crois bien, disait la petite Solange, qu'il aura mis un de ses bas à l'envers hier matin. Ça attire les sorciers (…)
G. Sand, la Petite Fadette, XX, p. 145.
2 Vx. À la renverse. || Tomber à l'envers, sur le dos. || Mettre à l'envers. ⇒ Renverser.
9 (…) ou couché sur les bords
Sans y penser à l'envers je m'endors.
Ronsard, Gaietés, III.
10 (…) ils l'avertissent qu'il déloge,
Et que cette maison va tomber à l'envers.
La Fontaine, Fables, I, 14.
11 En vain contre le roi vous imposez vos armes :
Sa Majesté brillante avec de si doux charmes
Peut mettre en un moment vos desseins à l'envers.
Corneille, Poésies diverses, XXI.
♦ Mod. Renversé, sens dessus dessous. || Mes locataires ont laissé ma maison à l'envers ! ⇒ Désordre (en), pagaïe (en). — ☑ Avoir la tête, la cervelle (cit. 5) à l'envers : avoir l'esprit agité, troublé, inquiet (⇒ Chaviré, tourneboulé). — ☑ Avoir le cœur à l'envers : avoir mal au cœur. ☑ Fam. Avoir les yeux à l'envers, révulsés.
12 (…) quand il eut pris conseil et renseignement des hommes de loi, il vit bien que les derniers billets que Blanchet avait souscrits à la Sévère pouvaient être matière à un bon procès; car il les avait signés ayant la tête à l'envers, de fièvre, de vin et de bêtise.
G. Sand, François le Champi, XX, p. 146.
13 Il va sans dire, pas de leçon aujourd'hui, veille de mariage, jour où les cervelles étaient à l'envers.
Loti, les Désenchantées, I, II, p. 27.
3 (Av. 1526). Mod. Dans un sens inhabituel, dans le mauvais sens. || Voir un paysage à l'envers dans l'eau d'un étang. || Lire un texte à l'envers. ⇒ Rebours (à). || Sa voiture est rangée à l'envers dans une file en stationnement. — Le monde, tout va à l'envers, mal, en dépit du bon sens. ☑ C'est le monde à l'envers ! : c'est une chose aberrante. || Vous avez pris mes paroles tout à l'envers, complètement à l'envers, vous les avez mal interprétées. ⇒ Contresens (à), travers (de). — ☑ Vieilli. Avoir l'esprit à l'envers : comprendre, raisonner de travers; avoir l'esprit faussé. — Il est maladroit, il prend les gens à l'envers. ⇒ Contre-poil (à), rebrousse-poil (à). — Faire des progrès à l'envers. ⇒ Reculons (à).
14 Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et idéal, « Le poison ».
♦ ☑ À l'envers de. || Il fait tout à l'envers des autres.
❖
Encyclopédie Universelle. 2012.