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CORÉE
CORÉE

Partagée en deux États après la Seconde Guerre mondiale, la Corée est riche d’une longue tradition, historique et artistique, qui est restée originale tout en se développant au contact de la Chine.

La Corée se rattache à l’Asie du Nord-Est par sa population – un rameau tongous fortement métissé à la suite de multiples invasions – et par sa langue qui, comme le japonais et le dialecte des Ry ky , appartient au groupe ouralo-altaïque. Les nombreux mouvements de peuples dont l’Asie du Nord-Est a été le théâtre au cours de la période historique ont eu d’importantes répercussions sur la péninsule coréenne.

La suzeraineté chinoise, établie dès l’époque des Han, est vite devenue théorique. La Corée a été en butte aux pressions et aux agressions de puissantes confédérations barbares qui se sont successivement formées dans les confins mongolo-mandchous: Xiongnu (IVe-IIe s. av. J.-C.), Xianbei (IVe s.), Kitan (Xe-XIe s.), Djurtchet (ou Jurchen, XIIe s.), Mongols (XIIIe-XIVe s.), Mandchous (XVIIe s.) l’ont, tour à tour, menacée ou soumise à leur joug.

À ces deux courants continentaux, en provenance du nord et du nord-ouest, s’en joint un troisième transmis par voie de mer. Dès le Ier millénaire avant J.-C., le sud de la péninsule est englobé dans la koinê établie par les royaumes barbares de Wu et de Yue (Chine centrale) parmi les riverains de la mer de Chine. Les populations du littoral coréen servent de relais dans la transmission des influences de la Chine maritime vers le Japon. Les échanges culturels, dont l’ancienneté est ainsi attestée, se perpétueront au cours des siècles. Pays de marche, comme l’a définie V. Elisseeff, la Corée s’est enrichie des apports de ses voisins, qui l’ont souvent empêchée de les assimiler en paix; son développement a été, à maintes reprises, perturbé par leurs interventions.

Au XVIe siècle, c’est l’invasion japonaise que les Coréens doivent repousser. Cette invasion reprend au XIXe siècle parallèlement à l’action des puissances occidentales soucieuses de pénétrer dans la péninsule. La Corée est dès lors déchirée entre partisans de l’ouverture du pays aux influences étrangères et tenants d’une politique de repliement destinée à préserver l’indépendance du pays. En 1910, les Japonais parviennent à leurs fins et annexent le Pays du Matin calme à l’Empire du Soleil levant.

Les impérialismes asiatiques, dont la Corée a été le champ de bataille privilégié, ne furent pas seulement politiques mais aussi économiques et culturels. L’histoire de la littérature fournit un exemple de ces luttes d’influence et illustre bien la « difficulté d’être » de la Corée. Les premiers écrits connus (Ier s. av. J.-C.) sont en langue chinoise, et, même après l’invention d’un alphabet coréen (au XVe s.), on utilisa simultanément coréen et chinois classique, avec une nette prédilection pour celui-ci. On parlait une langue, on en lisait et écrivait une autre. La culture chinoise exerçait une telle fascination que, durant près de deux millénaires, la littérature ne fut guère que servile imitation. À la fin du XIXe siècle seulement apparurent, en même temps que le nationalisme, les premiers signes d’une production littéraire quelque peu originale, dont la partition ultérieure du pays allait briser toute unité possible en marquant fortement les œuvres du sceau des idéologies affrontées.

Les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine, conscients de la « servitude où est réduit le peuple coréen, sont déterminés à ce que, le moment venu, la Corée devienne libre et indépendante ». C’est en ces termes que F. D. Roosevelt, W. Churchill et Tchiang Kai-chek, réunis au Caire pendant la Seconde Guerre mondiale, arrêtent la ligne de conduite commune des grandes puissances à l’égard de la Corée.

L’indépendance de la Corée est réaffirmée à Potsdam, mais Staline et Roosevelt décident, à Yalta, de partager le pays: Roosevelt payait ainsi l’intervention des forces armées soviétiques contre le Japon. Cela signifiait pour la Corée une double occupation de part et d’autre du 38e parallèle. Et certes, les États-Unis se retiraient en janvier 1949: la Corée du Sud ne figurait plus, aux dires de D. Acheson, parmi les positions américaines de défense en Asie. Mais le franchissement du 38e parallèle par les troupes nord-coréennes (25 juin 1950) ramenait les troupes américaines sur le territoire du Sud. La conférence de Genève (avr. 1954) ne devait pas apporter de solution au problème coréen. Les gouvernements des deux Corées ont pu donner l’impression qu’ils en prenaient leur parti: dix jours après la signature du cessez-le-feu, le 27 juillet 1953, à Panmunjom (P’an-mun-dj face="EU Caron" ツm), Kim Ils face="EU Caron" ツng ne mettait-il pas sur pied un plan triennal de reconstruction de l’économie? Reconstruction n’est pas un vain mot, si l’on songe que P’y face="EU Caron" ツngyang, capitale du Nord, peuplée de 400 000 habitants en 1950, n’en abritait plus que 80 000 à la fin de la guerre sous les quelques bâtiments épargnés. Il est couramment admis au Sud que seul le développement économique peut préparer la réunification, et on est loin à Séoul, capitale du Sud, du mot d’ordre de Syngman Rhee: « Marchons au nord », même lorsque les incidents le long du 38e parallèle se multiplient « anormalement ».

1. Cadre géographique

Longue de 800 à 900 km, large en moyenne de 200, la péninsule coréenne a sa façade occidentale, toute en collines et en vastes estuaires, tournée au-delà de la mer Jaune, vers la Chine du Nord. À l’est au contraire, une haute chaîne montagneuse tombant droit dans la mer du Japon fait face à l’archipel nippon. Cette dissymétrie a ouvert de bonne heure le pays à la civilisation chinoise, sans l’empêcher de transmettre celle-ci au Japon, dont la pointe méridionale n’est qu’à 160 km, ni de recevoir de celui-ci envahisseurs et conquérants. L’autre contraste majeur, dû à l’histoire récente et non à la géographie, se trouve entre le nord et le sud du pays où des gouvernements adverses construisent, en utilisant des ressources naturelles d’inégale importance et selon des principes différents, des économies modernes.

Caractères généraux

Relief

La forme caractéristique de la péninsule résulte d’un jeu de fractures presque parallèles ou, au contraire, perpendiculaires à des plis très anciens dans un matériel plissé et pénéplané; c’est ainsi que la côte orientale est rectiligne et peu indentée dans le détail, tandis que les côtes méridionale et occidentale mettent en contact avec la mer des blocs soulevés ou affaissés donnant une marqueterie de presqu’îles et d’îles, ainsi que des plaines encombrées de reliefs mineurs. Les trois principales sont celle de Kumgang au sud, celle de Séoul au centre (que prolonge vers le nord-est la dépression de Séoul-Gensan, couloir effondré rempli de basalte), celle de P’y face="EU Caron" ツngyang au nord. Tout le reste du pays constitue un formidable ensemble montagneux où l’on peut distinguer deux régions. Au nord, le plateau de Kaima, terminé au sud par un escarpement de faille et se poursuivant jusqu’aux vallées du Yalu (Yalou) et du Tumen (Touman) dans le massif volcanique de Paektu (3 000 m). Au sud, une longue échine montagneuse prolonge la partie orientale de ce plateau constituant le Taebaek puis, au sud de Gensan, le Kimgan-san (mont du Diamant). Ces hauteurs résultent du rajeunissement à l’époque secondaire de massifs parfois très usés, tandis que les ères tertiaire et quaternaire virent de vastes épanchements basaltiques les recouvrir dans la région septentrionale. La plupart des fleuves naissent près de la côte orientale et se fraient un chemin jusqu’à la mer Jaune au prix de gorges profondes et de fréquents changements de direction.

Climat

Le climat obéit à un régime de moussons à deux saisons, de nuance plus continentale qu’au Japon. L’hiver est froid, généralement lumineux et sec; la moyenne de janvier, de 2 0C à Pusan, en face de l’île de Ky sh , s’abaisse à 漣 4,5 0C à Séoul et à 漣 21 0C sur le haut Yalu. Le vent du nord ou du nord-ouest domine alors, sauf lorsque des perturbations amènent un ciel maussade et des précipitations neigeuses, fortes surtout dans le nord. En avril et mai, le printemps arrive, mais ce n’est qu’en juillet que les vents de la mousson d’été apportent les plus grosses pluies de l’année. L’air demeure alors chaud et humide, mais les journées ensoleillées et sèches ne sont pas rares. Les cyclones ne se déclenchent qu’au passage sur des zones déprimées, et le relief rend très inégale la répartition des pluies à la surface du pays. C’est ainsi que le Nord, abrité par la chaîne côtière, ne reçoit que 700 mm par an, alors que Séoul en reçoit 1 259. Les typhons d’automne atteignent ensuite la péninsule, entraînant inondations, destructions de rizières et de villages jusqu’au retour, à la fin de septembre ou au début d’octobre, des frimas nocturnes.

En dépit de leur grande variété d’aspect, les côtes sont souvent peu hospitalières: au sud, ce sont les écueils, les courants de marée, les brouillards estivaux, tandis qu’au nord du 38e parallèle, les souffles glacés d’origine continentale et le passage d’un courant froid font geler chaque hiver les eaux littorales.

Peuplement et habitat

Les 65 millions de Coréens (estimation de 1991) forment anthropologiquement un groupe remarquablement homogène, distinct à la fois des mongoloïdes de Chine du Nord et de ceux de Chine méridionale; ils sont plus petits que les Chinois, de peau plus claire et plus velus, plus grands toutefois que les Japonais. Ils s’expriment dans une langue altaïque qui comprend quatre dialectes, celui de Séoul constituant la langue nationale. Comme les Japonais, mais bien plus tard (au XVe s.), ils ont ajouté aux caractères chinois un alphabet phonétique.

La maison traditionnelle est basse et faite de torchis. Son toit, au faîte arrondi, est recouvert de chaume, maintenu (contre les typhons) par des filets de corde. Cette habitation possède un remarquable système de chauffage (ong-dol ) constitué de conduits de brique laissant circuler sous le plancher la fumée du foyer. Toutefois son apparence extérieure est souvent misérable et détermine celle des hameaux et villages ainsi que des quartiers résidentiels des villes. Celles-ci sont dispersées, et une cinquantaine au plus dépassent 100 000 habitants au début des années quatre-vingt-dix. Les plus grandes sont Séoul (S face="EU Caron" ツul), capitale de la Corée du Sud (11 millions d’habitants pour l’agglomération), Pusan (environ 4 millions) et P’y face="EU Caron" ツngyang, capitale du Nord (environ 2,5 millions). Leur centre, édifié à l’occidentale, aligne banques et bureaux où s’élaborent les destins économiques des deux pays, selon des perspectives aussi différentes que le sont les paysages naturels. Aussi leur étude ne peut-elle se faire que séparément.

Corée du Sud

Les paysages

Un peu plus petite que la Corée du Nord (98 799 km2, soit 44 p. 100 de la superficie totale), elle est environ deux fois plus peuplée (43 250 000 habitants en 1991, soit une densité de 436 hab./km2). Grosso modo, ses paysages et son climat l’apparentent davantage au Japon, le Nord se rattachant nettement au milieu continental asiatique par son relief massif et son climat presque soustrait aux influences maritimes.

Le relief de la Corée du Sud s’abaisse doucement depuis la haute chaîne côtière orientale (mont du Diamant) aux reliefs fantastiques et dont les forêts profondes recèlent de vieux sanctuaires bouddhiques, jusqu’aux trois plaines côtières ouvertes sur la mer Jaune et jusqu’aux bassins méridionaux. Au large, les îles volcaniques de Ullung et Cheju (Djedju-do, ancienne Quelpart) en forment les derniers témoins presque purement volcaniques.

Peuplement et mise en valeur

Des quelque 8 millions de familles sud-coréennes, moins de 30 p. 100 vivaient de la terre ou de la pêche en 1990. Le développement fulgurant de Séoul, l’arrivée de nombreux réfugiés s’entassant dans les villes et l’essor rapide de l’industrie expliquent ce fort pourcentage de population non rurale pour une économie restée bien plus traditionnelle que celle du Japon. Des réformes agraires (1948, 1949) ont redistribué le sol qui appartenait aux anciens colonisateurs ou à de grands propriétaires absentéistes, bien que nombre de ruraux, trop pauvres, aient dû redevenir tenanciers des plus favorisés. La soudure demeure difficile en bien des secteurs, l’irrigation étant en outre affectée par le relief, la violence de l’érosion et les ravages annuels des typhons.

Face à un passif très lourd (ravages dus à la guerre, faiblesse des ressources en houille et en fer – un peu de tungstène et d’or, du cuivre et de l’argent –, énergie hydraulique insuffisante, capital forestier très entamé), mais aidée par les États-Unis (soucieux de « tenir » le Sud contre le Nord), l’économie sud-coréenne n’a pris son vrai départ qu’en 1969, sous le gouvernement Park. Une suite de plans quinquennaux a mis l’accent sur la production d’énergie, sur l’industrie lourde métallurgique et chimique et sur la nécessité constante d’exporter à tout prix. Des industries légères ont été ajoutées (électronique, textile), et on intensifie les ventes d’usines et de machines. D’énormes investissements étrangers ont permis cet essor tout en endettant lourdement le pays. Dans le cadre du mouvement Saemaul (Communauté nouvelle), des villages « fermiers » et « pêcheurs » ont été fondés.

Activités et productions

À la fin des années quatre-vingt, l’agriculture ne représentait plus que le dixième du P.I.B. La riziculture en demeurait le pivot (quatre cinquièmes de la surface cultivée; 8,2 Mt en 1989); la mécanisation progresse, mais les rendements demeurent inférieurs à ceux du Japon. L’orge (0,5 Mt) et les autres céréales portaient à 9 Mt environ le total de la production de grain. Blé, maïs, soja sont partiellement importés. Les patates (1 Mt), les fruits, en progrès (2 Mt), les légumes (8 Mt), la sériciculture (1 400 t de soie grège), le coton, le chanvre complètent le tableau de cette activité paysanne. Encouragé systématiquement, l’élevage intéressait 2 millions de bovins (trait et viande), 5 millions de porcs et quelque 60 millions de poulets. 700 000 t de viande sont obtenues annuellement. Au total, une production remarquable pour les 2,4 millions d’hectares exploités. Sur les 17 000 km de côtes, environ 3 Mt de poisson sont pris et 45 000 t d’huîtres élevées, annuellement.

Les sources d’énergie sont la houille (25 Mt extraites dans le pays en 1988), le pétrole, l’hydroélectricité et le nucléaire, qui s’est développé à partir du milieu des années quatre-vingt. La consommation de pétrole (35 Mt en 1988) alimente en outre une puissante pétrochimie (Pusan, Ulsan, Inchon). De grandes bases sidérurgiques (Ulsan, Pohang) ont donné 23 Mt d’acier en 1990 et près d’un million d’automobiles ont été produites cette même année. Le pays a produit en outre 34 Mt de ciment et 3 Mt d’engrais chimiques, ainsi que 3 milliards de mètres carrés de fibres synthétiques. L’industrie électronique a donné entre autres 15 millions de postes de télévision et représente une part croissante des exportations sud-coréennes. Celles-ci (62 milliards de dollars en 1989), moteur de la production, sont constituées pour 37 p. 100 de machines et de matériel de transport et pour 22 p. 100 d’autres produits manufacturés. Les États-Unis, premier client, et le Japon, deuxième, fournissent chacun, avec le Moyen-Orient pour le pétrole, le tiers environ des importations. Le capital étranger demeure important, et cette dépendance constitue la faiblesse de la brillante industrie sud-coréenne.

Les régions

Trois régions peuvent se distinguer aisément en Corée du Sud.

L’Est, essentiellement montagneux et peu peuplé, axé sur la chaîne de Taebaek et les hauteurs moyennes qui lui font suite à l’est. Le climat y est rude et les précipitations, largement neigeuses, abondantes. Les boisements couvrent encore de vastes surfaces. L’isolement et la difficulté des communications expliquent le faible essor de la région côtière, si l’on excepte Samchok, centre d’exploitation minière (anthracite) et d’industrie chimique.

Le Sud, par contre, a de larges plaines et bassins. Le climat en été atteint ses nuances les plus « tropicales », et une double récolte annuelle (riz-céréale d’hiver) est possible. Le taux d’occupation rurale est élevé et les villes assez nombreuses. C’est ici que l’effort économique des Japonais fut le plus vigoureux: irrigation et drainage, engrais, éducation paysanne, installation de sources d’énergie et d’usines, réseau ferroviaire assez dense. Le port de Pusan, principale tête de pont vers le Japon, est devenu un centre économique important: de là part le chemin de fer transcoréen vers Séoul. Malgré la quasi-absence de ressources minières, l’intense activité agricole et l’afflux des réfugiés ont accumulé ici des densités humaines considérables.

Le Centre-Ouest constitue le cœur du pays. Entièrement formé de plaines et de collines basses, la seule ressource est encore ici le sol arable. Depuis la fin du XIVe siècle y est située la capitale de toute la péninsule, Séoul, dont l’occupation japonaise confirma systématiquement le rôle en dotant la ville de constructions de type moderne. Tout autour, l’industrie textile, chimique et alimentaire a pris son principal essor depuis la guerre, et son port, Inchon (In-tch face="EU Caron" ツn), accroît régulièrement son trafic.

Corée du Nord

Les paysages

Les paysages rappellent largement ceux de la Chine du Nord par l’importance des unités de relief, leur caractère massif et leur éloignement de la mer. La forêt, encore inexplorée par endroits, montre ici les plus beaux et les plus vastes peuplements de la péninsule. Plusieurs sortes de pins, mêlés de bouleaux et de trembles, couvrent les pentes et les hautes surfaces. La faune est riche en tigres, léopards, ours et sangliers, ainsi qu’en innombrables oiseaux. Les hauteurs les plus importantes se trouvant au sud-est, le contraste climatique est grand entre les belles plaines (P’y face="EU Caron" ツngyang et Anju), qui s’ouvrent à l’ouest mais sont très froides, et celles, moins froides (face=F0019 漣 4 0C en janvier) mais fort étroites, qui s’étendent à la même latitude le long de la mer du Japon, au nord de W face="EU Caron" ツnsan. D’une façon générale, d’un côté comme de l’autre, la brièveté de la période de végétation réduit la production agricole à une seule récolte annuelle. Les côtes, basses et rocheuses, sont fort découpées à l’ouest.

Peuplement et mise en valeur

La rudesse du climat, l’ingratitude du relief et la proximité de la frontière ont donné aux habitants de ces régions un esprit essentiellement pionnier, différent de celui des gens du Sud: les premiers reprochent aux seconds leur manque d’agressivité, qu’ils opposent à leur propre énergie de « chasseurs de tigres ». Inversement, les autres les dépeignent comme des « barbares » au caractère rude et bizarre. Quoique ces jugements soient fort exagérés de part et d’autre, il est de fait que les conditions de vie sont bien plus rudes dans le Nord et que l’initiative individuelle a eu une grande part dans le défrichement des vallées les plus reculées. Les 120 538 km2 du pays n’abritent que 22 millions d’habitants environ en 1991 – la moitié de la population du Sud et une densité (180 hab./km2) très inférieure –, mais la vitalité démographique y est plus forte, attestée par un taux de natalité supérieur (24 p. 1 000 contre 15) et un pourcentage plus élevé d’habitants âgés de moins de quinze ans (30 p. 100 contre 27). Cet accroissement se fonde sur les ressources considérables du sous-sol, ressources qui confèrent à l’économie nord-coréenne son profil particulier.

Des efforts acharnés (poldérisation, drainage, irrigation) ont porté la superficie arable à près de 3 millions d’hectares, mais le quart seulement est cultivable en riz, en raison des conditions climatiques. Une réforme agraire distribua aux anciens tenanciers, en 1946, 960 000 hectares, qu’on regroupa en fermes collectives en 1954; cinq ans plus tard, 100 p. 100 des familles rurales travaillaient dans le cadre de coopératives de 250 à 300 foyers. Dès 1969, l’électrification des campagnes semble avoir été achevée. Mais la fortune de la Corée du Nord se trouve dans ses immenses forêts et surtout dans son sous-sol: fer dans le nord-est (Musan, Chongjin) et dans l’ouest, au nord et au sud de la plaine de P’y face="EU Caron" ツngyang (Kyomipo, Haeju); or sur le bas Yalu et près de P’y face="EU Caron" ツngyang, lignite et anthracite également au nord-est et à l’ouest. L’abondance des sites favorables a permis d’installer de grandes centrales hydrauliques, surtout dans l’arrière-pays de la côte orientale.

Comme au Sud, une aide étrangère puissante (U.R.S.S., Chine) a « lancé » l’économie moderne. Celle-ci, fondée idéologiquement sur la doctrine du djoutché (volonté d’indépendance économique), s’est développée selon des plans de trois, cinq, six ou sept ans. Assise au départ sur les énormes installations laissées par les Japonais, elle tente de susciter de front une infrastructure lourde et la production de biens d’usage. L’optimisme de rigueur en économie socialiste rend toutefois difficile d’estimer les rares statistiques à leur exacte valeur.

Activités et productions

L’extension des superficies cultivées en riz et l’intensification des rendements a porté cette production à 6,4 Mt environ en 1989. Avec l’orge, le millet, le maïs et le blé, la récolte totale de grain s’est élevée, cette année-là, à 12 Mt environ. Il faut y ajouter 350 000 hectares de vergers (pommiers surtout) et 100 000 hectares de mûriers (sériciculture). À l’élevage traditionnel des volailles et des porcs, nourris d’aliments préparés en usine, s’ajoutent ceux des ovins et surtout des bovins (en fermes spécialisées ou comme activité d’appoint des paysans des coopératives), qui donnent quelque 250 000 t de viande et du lait. Cet énorme effort semble limité par la rigueur des hivers (gel, enneigement), la nature montagneuse du pays (le forçant à se concentrer sur les rendements), comme, sur le plan des statistiques, par la vocation manufacturière de l’économie nord-coréenne.

La part de la production industrielle, égale à celle de la production agricole en 1949, doublait dès 1958 et avait en 1967 triplé son chiffre de 1961, ce qui donnait un taux d’accroissement annuel de 30 p. 100. Elle pourrait représenter plus des trois quarts du produit national. En 1989, plus de 50 Mt de houille auraient été extraites, de 4 à 5 Mt d’acier et 4 Mt d’engrais produits; plus de 50 milliards de kWh seraient sortis des centrales hydrauliques (dont le nombre et la puissance sont l’orgueil du pays) et, dans une proportion croissante, des centrales thermiques, les sites de grands barrages se raréfiant. La sidérurgie est représentée en divers points du pays et permet de fabriquer une large gamme d’outillage lourd et de matériel de transport ou de construction navale. Le zinc et le cuivre sont traités en quantité suffisante pour les besoins du pays. L’industrie chimique, fondée surtout sur la distillation de la houille, a pris un essor considérable et s’oriente vers la production des matières synthétiques, rendue nécessaire par le besoin de laisser les superficies arables aux cultures vivrières. Les bases s’en distribuent également entre le Nord-Ouest (région de la capitale) et le littoral de la mer du Japon (engrais, fibres textiles). Orienté traditionnellement vers les pays « frères » (Chine, U.R.S.S.), le commerce nord-coréen recherche aujourd’hui des marchés supplémentaires qui, tel le Japon, peuvent lui fournir en contrepartie des équipements modernes et des technologies.

Les régions

La Corée du Nord se partage, comme celle du Sud, en trois régions.

L’intérieur offre la variante la plus rude du climat coréen et les plus âpres solitudes de la péninsule. Ses hautes surfaces sont entaillées de profondes vallées, parfois entièrement boisées, et là se trouvent les plus faibles densités humaines: 70 hab./km2 environ en moyenne. L’exploitation du bois qui descend par flottage le Yalu et le Tumen, l’ouverture de clairières, au moyen du feu, par des colonies de pionniers (qui y cultivent sorgho, millet, orge, blé, un peu de riz hâtif) et les grandes centrales hydroélectriques développées selon un plan grandiose sont les seuls facteurs de peuplement.

La côte du Nord-Est est au contraire une grande région économique. Elle communique avec le sud par la trouée de W face="EU Caron" ツnsan et la présence de minerais métalliques, de houille et d’hydroélectricité a permis le développement de zones fort actives : ainsi la principale, celle de Hungnam, centre d’industries chimique, alimentaire et de traitement des minerais de l’intérieur, qui est alimentée par les grands barrages de Changjin et de Pujon, et par le lignite des bassins côtiers septentrionaux acheminé par voie ferrée ou par mer. D’autres zones se trouvent plus au nord, autour de Songjin et de Najin; leur activité est fondée sur le charbonnage. Toute cette côte avait reçu des Japonais les bases de son actuelle infrastructure économique.

Quant au Nord-Ouest, c’est le cœur économique et politique de la Corée du Nord, autour de la vieille métropole de P’y face="EU Caron" ツngyang. Les basses plaines du Yalu au nord et du Taedong au centre portent les meilleures terres du pays, mais ce sont surtout la houille et le fer (outre l’or, le cuivre et l’argent) qui en font la richesse. Les Japonais y avaient créé des hauts fourneaux (le coke est importé de Chine), des cimenteries et d’innombrables industries légères (textile, caoutchouc, tabac) qui, développés depuis lors et enrichis d’usines chimiques lourdes, forment autour de la capitale un énorme complexe manufacturier.

L’identité de race, de langue et de culture rend plus saisissante encore l’implacable frontière qui sépare les deux Corées, comme aussi l’évidente complémentarité de leurs ressources naturelles (rurales au sud, forestières et industrielles au nord). La double sujétion, idéologique et volontaire, qui rattache le Nord à la Chine et au mode de vie socialiste, et le Sud aux États-Unis et au monde capitaliste s’accompagne, ici et là, d’une farouche volonté d’indépendance économique, et les deux Corées poursuivent ainsi, au nom d’idéaux contraires, mais par des voies assez semblables, la construction d’une nation unie et matériellement satisfaite, d’un pays fort et indépendant. Des deux côtés, la primauté de cet effort a servi aussi de prétexte à une restriction sévère des droits individuels au nom du bien de tous, politique que le profond enracinement du confucianisme dans la Corée ancienne semble avoir largement fait accepter.

2. Histoire de la Corée

Les temps lointains

Des fouilles récentes attestent l’existence d’habitants à l’époque paléolithique, aussi bien dans le nord que dans le sud de la péninsule. Les premières vagues d’immigration de grande importance semblent avoir atteint le nord de la Corée entre le VIIe et le VIe siècle avant J.-C. avec la civilisation du bronze; celle du fer n’y sera connue que deux siècles plus tard environ. Quant à l’origine des populations qui arrivèrent, nous ne pouvons actuellement que présenter une hypothèse, généralement admise par les savants coréens, selon laquelle ces habitants seraient venus de la Chine du Nord et de la Mandchourie. Les linguistes rattachent souvent le coréen à une famille « altaïque » ou « ouralo-altaïque », mais il n’est pas certain que ces populations néolithiques aient parlé une seule et même langue.

Selon une légende, un nommé Tangun, issu d’un certain Hwanung et d’une ourse métamorphosée en femme, a fondé, il y a cinq mille ans environ, un État dit de Chos face="EU Caron" ツn, dénomination que l’on traduit traditionnellement par « Matin calme ». Plus tard, à une date inconnue, cet État entra en rapport avec Kija (d’origine chinoise selon les documents chinois, mais coréenne d’après les recherches entreprises par des savants coréens, comme Yi Py face="EU Caron" ツngdo), dont le descendant Chun fut chassé du trône (env. 194 av. J.-C.) par Wiman. Sous le règne d’Ug face="EU Caron" ツ, petit-fils de ce dernier, l’empereur Wu, de la dynastie chinoise des premiers Han, établit, au nord de la péninsule, une commanderie dite de Canghai (128 av. J.-C.), qui ne peut exister que pendant trois ans. Ce fut vingt ans plus tard (108-107 av. J.-C.) que le même empereur réussit à soumettre une grande partie du nord de la péninsule, en y créant quatre commanderies: Lelang, dans la région du bassin inférieur du fleuve Taedong, Xuantu (en coréen Hy face="EU Caron" ツndo), Lintun (Imdun) et Zhenfan (Chinb face="EU Caron" ツn), respectivement au nord, à l’est et au sud de Lelang. Les indigènes péninsulaires, qui étaient passés de l’usage de la pierre à celui d’objets métalliques, parvinrent alors à élaborer la civilisation la plus développée de l’Asie du Nord-Est au-dehors du territoire chinois.

Durant le Ier siècle avant J.-C., on vit apparaître trois États péninsulaires: le Kogury face="EU Caron" ツ, fondé vers 37 avant J.-C., aurait été situé au début dans le bassin inférieur de l’actuel fleuve Tongjiajiang de la Mandchourie du Sud, avant de contrôler, dès le IVe siècle, une grande partie du nord de la Corée; le Paekche, dont la création remonterait à 18 avant J.-C., se situait dans le sud-ouest de la péninsule; le Shilla fondé, selon la légende, en 57 avant J.-C., occupait le sud-est. Le Kogury face="EU Caron" ツ s’est heurté, dès sa fondation, à la puissance chinoise; deux défaites infligées aux Jin orientaux, en 313 et 314, permirent au Kogury face="EU Caron" ツ de faire disparaître les commanderies chinoises. Ce même pays, alors l’un des plus puissants de l’Asie du Nord-Est, entra en conflit avec ses deux voisins du Sud pour la conquête de l’hégémonie de la péninsule. Malgré sa suprématie, le Kogury face="EU Caron" ツ dut s’incliner (668), ainsi que le Paekche (660), devant le Shilla qui, avec l’aide de l’armée chinoise des Tang, plaça la péninsule sous le contrôle d’un seul et même État. De ces trois États, les deux premiers transmirent au Japon la civilisation chinoise à laquelle ils avaient été très tôt initiés. On notera, à titre d’exemple, que la cour japonaise a connu l’usage des caractères chinois vers le début du Ve siècle grâce à des lettrés originaires du Paekche: Ajikki et Wangin (en japonais: Wani).

Après l’unification de la péninsule, la société du Shilla fut rigoureusement hiérarchisée; la famille royale elle-même était divisée en deux groupes: s face="EU Caron" ツnggol (os saints), pour les membres de pur sang royal, et chingol (os véritables), pour ceux qui n’avaient pour père ou mère qu’une seule personne de sang royal. La couleur et la forme des vêtements des nobles, réparties en dix-sept catégories, différaient selon le rang; les gens du commun ne pouvaient porter ni bijoux d’or ou d’argent ni ornements de pierres précieuses et n’avaient pas le droit de se vêtir de soie fine.

Un ancien registre administratif, établi à la fin du VIIIe ou au début du IXe siècle, donne de précieux renseignements relatifs à la richesse du Shilla; dans quatre villages situés à proximité de l’actuelle Ch’ face="EU Caron" ツngju, environ à 150 kilomètres au sud-est de Séoul, les 442 habitants possédaient 61 chevaux et 53 bœufs, ce qui donne une moyenne de deux à trois par foyer. Malgré cette richesse relativement importante, la population, notamment la plèbe paysanne, devait souffir du poids des impôts et des corvées; les documents historiques donnent plusieurs exemples de paysans qui se soulevèrent contre la perception d’impôt et se groupèrent en « bandes »; la plus importante de celles-ci, dirigée par un certain Wang K face="EU Caron" ツn, finit par fonder un État nommé Kory face="EU Caron" ツ (918) et détruisit le royaume de Shilla (935).

Profondément influencée par la Chine, la civilisation du Shilla était dominée par le bouddhisme que lui avait apporté, en 528, un moine, Ado, originaire du Kogury face="EU Caron" ツ. La foi en Amit bha et la croyance à la « renaissance au Paradis de l’Ouest » se sont ainsi répandues, comme le montrent les hyangga (chants du terroir), des statues bouddhiques, chefs-d’œuvre du genre, ainsi que le mode de vie des hwarang (fleurs-adolescents) qui, issus de la classe noble, subissaient une discipline militaire et recevaient une éducation morale basée sur la foi bouddhique.

L’époque de Kory face="EU Caron" size=5ツ (918-1392)

Le début de l’histoire de Kory face="EU Caron" ツ, qui a donné, par la suite, le nom de Corée, est marqué par les invasions des Kitan, c’est-à-dire la dynastie chinoise des Liao (907-1125). Après avoir réussi à repousser les attaques des Kitan à deux reprises, en 993 et 1010, Kory face="EU Caron" ツ fut finalement obligé de concéder à son adversaire une région dans le nord-est de la péninsule, pour obtenir la paix. À cette époque, le gouvernement royal central contrôlait 2 100 000 habitants, répartis en dix provinces. L’administration et la défense étaient confiées aux 17 000 « dignitaires » yangban , classe divisée en deux catégories, dites de l’Est pour les civils et de l’Ouest pour les militaires, et dont les rivalités s’aggravèrent dès le milieu du XIIe siècle. Sans doute ragaillardis lors de la guerre contre les Djurtchet (ou Jurchen), fondateurs de la dynastie des Jin (1115-1234), qui finit pourtant par une soumission de Kory face="EU Caron" ツ (1126), les yangban militaires, généralement méprisés par ceux de la catégorie civile, se révoltèrent en 1170 sous la conduite de Ch face="EU Caron" ツng Chungbu (? – 1178), qui finit par accaparer le contrôle du gouvernement central. D’autres militaires lui succédèrent, mais déjà la menace des Mongols commençait à peser sur Kory face="EU Caron" ツ. En effet, après avoir assassiné un émissaire de Kory face="EU Caron" ツ à la cour des Jin (1211), les troupes envahirent la péninsule en 1231 et imposèrent au gouvernement de Kaes face="EU Caron" ツng le contrôle des « commissaires résidents ». C’est ainsi que commença le « règne » mongol qui dura jusqu’en 1368, année où une nouvelle dynastie fut établie en Chine, sous le nom de Ming. La cour royale de Kory face="EU Caron" ツ, liée alors par le sang à celle des Mongols, essaya de prouver sa fidélité envers ces derniers, en expédiant des troupes contre la nouvelle dynastie chinoise des Ming (1388). Arrivé à l’embouchure du fleuve Yalu, Yi S face="EU Caron" ツnggye, chef d’un corps expéditionnaire fort de 38 800 hommes, rebroussa chemin, sous prétexte qu’il était dangereux de pénétrer dans le territoire du pays « suzerain », et se débarrassa de ses adversaires politiques. Affaiblie, la cour royale de Kory face="EU Caron" ツ dut « céder » le trône, en 1392, à Yi Songgye, qui fonda la dynastie de Chos face="EU Caron" ツn, remplaçant celle de Kory face="EU Caron" ツ.

À Kory face="EU Caron" ツ, la terre était propriété de l’État qui la distribuait, sous forme de droit d’usufruit, à ses fonctionnaires, civils et militaires, ainsi qu’aux soldats en activité. Toute terre distribuée devait être rendue à l’État en cas de décès du détenteur, sauf celle qui avait été accordée pour récompenser un service méritoire dont le droit de détention pouvait être hérité par les descendants. Les dignitaires surent si bien profiter de ce cas exceptionnel pour transformer la terre en « domaine privé » que le système de distribution de la terre commença à tomber en désuétude dès la fin du XIIe siècle. On ignore la valeur exacte de la production agricole, mais, selon le Kory face="EU Caron" ツ-sa (cf. livre LXXVIII), la production de céréales suffisait à nourrir convenablement la population. En outre, il existait, à Kory face="EU Caron" ツ, des « habitants », bugok et so , spécialisés dans la production des métaux (or, argent, fer ou bronze), des étoffes de soie, du papier, des tuiles, du charbon de bois, etc.

Le bouddhisme connut une certaine expansion, grâce à la protection de la cour royale. À partir de 1086, le maître Taegak tenta avec succès une fusion des sectes d’« enseignement » kyo (en chinois: jiao ) et de celles du dhy na , en coréen s face="EU Caron" ツn (en chinois: chan ). L’influence profonde du bouddhisme à Kory face="EU Caron" ツ se reflète dans les poésies qui expriment des conceptions mah y nistes, nirv nistes, amidistes et dhy nistes. L’influence sino-bouddhique se manifeste également dans le domaine artistique, sous la forme de statues, st pa et fresques. Empruntée, elle aussi, à la Chine, la technique du céladon atteignit à Kory face="EU Caron" ツ un tel degré de perfection que sa renommée s’étendit jusqu’en Chine même. La technique d’imprimerie fit des progrès spectaculaires; en effet, au moment où la cour royale fit graver, pour obtenir la protection des Bouddha contre les envahisseurs mongols, 81 137 planches xylographiques du Canon bouddhique qui, terminées en 1251, sont conservées au temple Haein, les habitants de Kory face="EU Caron" ツ étaient déjà initiés à l’usage des caractères métalliques mobiles. Ce fut également durant cette époque de Kory face="EU Caron" ツ que furent mis au point des documents historiques importants relatifs à l’Antiquité: le Samguk sagi (Histoire des trois pays, 1145) de Kim Pushik (1075-1151) et le Samguk yusa (Anecdotes des trois pays, vers 1285) du moine Iry face="EU Caron" ツn (1206-1289).

L’époque des Yi (1392-1910)

Créé en 1392 et reconnu par la dynastie chinoise des Ming sous le nom de Chos face="EU Caron" ツn, le nouveau royaume des Yi transféra, en 1396, la capitale de Kaes face="EU Caron" ツng à l’actuelle Séoul où, sous la protection de 27 440 soldats, le nouveau système d’administration fut installé sur le modèle de celui qui était en vigueur dans la Chine des Ming. Il était confié, toujours comme par le passé, aux yangban , dont les principes de gouvernement étaient inspirés du confucianisme, ce qui fit diminuer l’influence du bouddhisme.

Tandis qu’un système d’écriture original, alphabétique en même temps que syllabique, est mis en usage dès 1446, le chinois continue à être utilisé, notamment pour la rédaction des documents historiques, tel le Chos face="EU Caron" ツn wangjo shillok (Annales de la dynastie des Yi), qui, commencé en 1413 sous le règne du roi fondateur de la dynastie, T’aejo (1392-1398), et terminé en 1864, nous fournit de précieux renseignements sur l’histoire de cette époque. Ajoutons-y le Kory face="EU Caron" ツsa (Histoire de Kory face="EU Caron" ツ) de Ch face="EU Caron" ツng-Inji (1396-1478), le Tongguk t’onggam (Miroir du pays de l’Est) de S face="EU Caron" ツ K face="EU Caron" ツj face="EU Caron" ツng, qui couvre l’histoire de la Corée des origines jusqu’à la fin de Kory face="EU Caron" ツ, et le Tongguk y face="EU Caron" ツji sungnam (Géographie historique du pays de l’Est, 1481).

Le zèle des savants et des lettrés pour le progrès culturel eut, pour les théoriciens confucianistes, des conséquences inattendues, mais néfastes; divisés, comme en Chine, en deux écoles, dites respectivement de li et de qi , ceux-ci ne tardèrent pas à former des factions politiques qui, reflètant notamment les particularismes régionaux, poursuivirent leurs vaines luttes sans se soucier de ce qui se passait à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

Engagés dans ces luttes, les dirigeants politiques ne purent prévoir l’invasion des troupes japonaises qui, composées de 200 000 soldats et de 9 000 marins, débarquèrent à Pusan, en avril 1592, sous prétexte d’emprunter les routes de la péninsule coréenne pour aller attaquer la Chine. Mal préparée contre cette attaque imprévue, la Corée ne dut son salut qu’à l’aide militaire de la dynastie chinoise des Ming et aux combats héroïques de l’amiral Yi Sunshin (1545-1598), l’inventeur du bateau cuirassé, qui infligea de lourdes pertes à la flotte japonaise. Après avoir évacué la péninsule, en septembre 1593, en ne laissant qu’une poignée de soldats dans sa partie méridionale, l’armée japonaise tenta, une fois de plus, d’occuper la Corée en 1597; mais, tenu en échec par les troupes coréennes aidées par les soldats chinois, l’envahisseur se hâta de rebrousser chemin dès que fut connue la mort de Toyotomi Hideyoshi (août 1598), responsable de ces deux invasions. Cette première guerre eut d’heureuses conséquences pour le Japon qui, étant entré en contact avec la technique hautement développée des Coréens dans les domaines de l’imprimerie et de la poterie, la fit implanter par les prisonniers coréens; elle fut, en revanche, extrêmement néfaste pour la Corée, qui eut à déplorer les ravages exercés sur deux tiers de la terre cultivée.

Une quarantaine d’années plus tard, un autre danger vint, cette fois, du nord; il s’agissait de la nouvelle dynastie chinoise des Qing, qui envahit le nord de la péninsule en 1636, pour obtenir la fidélité de la cour des Yi. La paix (1637) ne fut obtenue qu’au prix d’une reconnaissance de vassalité envers cette dynastie d’origine mandchoue et de l’envoi du prince héritier comme otage à la cour impériale.

Peu avant cet événement, les savants coréens, initiés à l’école chinoise dite de kao-tcheng-hiö , représentée notamment par Gu Yanwu (1613-1682), commencèrent à former une secte appelée shilhak ou « science du réel », faisant preuve de pragmatisme utilitaire, d’encyclopédisme et d’esprit critique, comme le montrent les œuvres de Yi Sugwang (1563-1628), Yu Hy face="EU Caron" ツngw face="EU Caron" ツn (1622-1673), Yi Ik (1681-1763), Ch face="EU Caron" ツng Yagyong (alias Dasan, 1762-1836) et autres. Leurs principes eurent une forte répercussion dans la littérature qui, surtout dans le domaine des romans, connut un grand essor durant deux siècles (XVIIe-XVIIIe s.). La curiosité des gens de shilhak pour la science occidentale aboutit à la conversion d’un grand nombre de Coréens au catholicisme. Après le baptême, en 1784, de Yi Sunghun (1756-1801), le premier catholique coréen, il y eut, à la fin du XIXe siècle, quelque 10 000 fidèles. L’attitude hostile de ces convertis à l’égard de la tradition confucéenne amena le gouvernement à condamner cette religion comme doctrine hérétique (1786). Les croyants et les prêtres français de la Société des missions étrangères de Paris, jugés responsables de la propagation du catholicisme dans le territoire coréen depuis 1833, furent persécutés. Malgré cela, le nombre des catholiques continua d’augmenter, et on en comptait, en 1865, environ 23 000. Ce succès est comparable à celui de Tonghak ou « doctrine orientale », sorte de credo salvateur, proposé, en 1860, par Ch’oe Cheu (1824-1864), qui « assurait » l’immortalité du corps et de l’âme aux croyants (dont le nombre total atteignit, en quelques années, environ 20 000, malgré l’interdiction du gouvernement). Ce phénomène ne s’explique que par l’aggravation de la situation sociale et économique, qui finit par bouleverser la façon de vivre et de penser des Coréens de l’époque.

La situation était certes critique, car, en 1813 par exemple, environ 2,5 millions de paysans, sur une population totale de 7 millions, étaient en proie à la famine, ce qui provoqua de fréquentes « jacqueries » en province. Cette situation devint encore plus périlleuse dès lors que les puissances occidentales cherchèrent à entrer en relation avec la Corée, et que certaines, la France en particulier en 1866, n’hésitèrent pas à provoquer des incidents militaires. Du gouvernement qui ne sut faire face à ce danger que par une politique isolationniste, le Japon obtint de force la signature d’un traité d’amitié et de commerce (1876), précédant ainsi les États-Unis d’Amérique (1882), la Grande-Bretagne (1883), l’Allemagne (1883), l’Italie (1884), la Russie (1884), la France (1886), l’Autriche (1892), la Belgique (1901) et le Danemark (1902) qui conclurent des traités de même caractère. La lutte pour la mainmise sur la Corée s’engagea alors entre la Chine, le Japon et la Russie. Après s’être débarrassé de la Chine à l’issue de la guerre sino-japonaise (1894-1895) et avoir triomphé de la Russie au cours de la guerre de 1904-1905, le Japon imposa au gouvernement coréen un traité de protection (1905), puis d’annexion (1910), malgré l’opposition de la population, qui prit la forme de protestations et même d’insurrections.

La domination japonaise

La Corée fut annexée de force par le Japon le 29 août 1910. Terauchi Masatake, ex-général japonais, arriva à Séoul comme premier gouverneur général. Il voulut rétablir l’ordre en interdisant toute association et réunion de Coréens et fit sévèrement réprimer les « insubordonnés » par les gendarmes. Il proclama un décret sur les sociétés et entreprit des travaux d’enquête sur la terre, en vue de créer une économie coloniale au service de l’économie japonaise. La première mesure eut pour but d’écraser les capitaux coréens et de transformer la Corée en marché du capitalisme japonais. La seconde fut destinée à déterminer la propriété des terres. Après enquête, le gouvernement général s’appropria les terres appartenant à l’ancienne cour royale et celles dont la propriété n’avait pu être dûment enregistrée. Ces terres furent distribuées aux colons japonais ou données en métayage aux Coréens par le biais de la Compagnie orientale de colonisation. Un grand nombre de Coréens, dépossédés, émigrèrent en Mandchourie.

Ces mesures renforcèrent l’hostilité des Coréens envers les Japonais. La résistance des milices coréennes s’intensifia, et les mouvements d’indépendance s’organisèrent dans les communautés coréennes à l’étranger: en Sibérie, en Mandchourie, en Chine et aux États-Unis.

Encouragés par la déclaration du président Wilson sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, les Coréens résidant à l’étranger envoyèrent une délégation à la conférence de la paix de Versailles pour plaider la cause coréenne, mais en vain. Un gouvernement provisoire de la république de Corée fut fondé à Shanghai dans la concession française. Les patriotes à l’intérieur du pays choisirent le 1er mars 1919 pour organiser un vaste mouvement d’indépendance non violent. On lut devant la foule la déclaration d’indépendance signée par trente-trois représentants du peuple coréen, qui furent arrêtés par la police. La répression des manifestations fut violente, se soldant par 7 509 tués, 15 961 blessés et 46 948 arrestations.

Après cet événement, les autorités japonaises assouplirent quelque peu l’oppression et appliquèrent une politique dite « culturelle » en autorisant certaines activités associatives et la publication de revues et journaux coréens.

Dans les années vingt, le gouvernement général mena activement la modernisation de l’agriculture coréenne. La production de riz doubla en vingt ans, mais près de 30 à 40 p. 100 de la production furent exportés au Japon. La paysannerie coréenne se désagrégea. Un nombre croissant de Coréens quittèrent le pays pour la Mandchourie et la Sibérie. Les capitaux japonais furent investis dans les industries: centrales hydrauliques, engrais azoté, textile, extraction minière, etc. La Corée se transforma en base logistique de l’expansion militariste du Japon sur le continent asiatique. En 1926, il y eut un soulèvement des étudiants à Kwangju, alors que les milices coréennes spontanées continuaient leur résistance contre les Japonais.

Les Japonais renforcèrent leur politique d’assimilation. Après l’intervention militaire du Japon en Chine en 1937, on supprima l’enseignement de la langue et de l’histoire de la Corée à l’école pour obliger les écoliers à ne parler que le japonais. Un grand nombre de jeunes Coréens furent contraints de s’engager dans l’armée japonaise comme « volontaires », et près de 100 000 jeunes filles, élèves des écoles primaires et secondaires, furent persuadées de partir comme « femmes de réconfort sexuel » pour les soldats japonais sur les champs de bataille. Dès 1940, les Coréens furent obligés d’adopter des noms japonais et de vénérer les kami (dieux) du Shinto, ce qui les blessa au plus profond de leur âme. Revues et journaux coréens furent interdits. En décembre 1941, le Japon s’engouffra dans la guerre du Pacifique. Les forces coréennes libres se formèrent à Zhongjing en Chine et déclarèrent la guerre au Japon. À partir de 1945, les Coréens furent soumis au service militaire obligatoire. Mais la Corée fut libérée du joug colonial le 15 août 1945 au terme de trente-cinq années de privations et de souffrances.

3. Les deux Corées

De la division à la guerre de Corée

La division

Le communiqué commun publié à la suite de la conférence entre Roosevelt, Churchill et Chang Kaishek, qui s’est tenue au Caire en novembre 1943, comporte une clause spéciale sur la Corée: « Nous reconnaissons que le peuple coréen se trouve dans un état d’esclavage et que la Corée doit être libre et indépendante en temps opportun. » À Yalta, en février 1945, les quatre grandes puissances, lors du partage du monde, ont convenu que les États-Unis désarmeraient l’armée japonaise au sud du 38e parallèle et l’U.R.S.S. au nord. La déclaration de Potsdam du 2 août 1945 demanda au Japon de se rendre sans conditions et réaffirma l’indépendance de la Corée.

Dans la première quinzaine du mois d’août 1945, les événements se précipitèrent: une bombe atomique sur Hiroshima le 6, une autre sur Nagasaki et la déclaration de guerre de l’U.R.S.S. au Japon le 8, l’entrée des troupes soviétiques dans la partie nord de la péninsule coréenne le 10 et, enfin, la capitulation sans conditions du Japon le 15, ce qui provoqua une joie indescriptible et un immense espoir chez le peuple coréen.

Le 2 septembre, l’acte de reddition du Japon fut signé, et, le même jour, le commandement suprême des forces alliées annonça que la Corée serait divisée en deux parties à peu près égales, qui seraient occupées par les États-Unis et par l’U.R.S.S. Le lendemain, les troupes américaines débarquèrent à Inch’ face="EU Caron" ツn, et le général Hodge fut nommé gouverneur militaire à Séoul.

Les patriotes coréens regagnèrent la Corée, Syngman Rhee (Yi Sungman) venant des États-Unis, Kim Ku et son gouvernement provisoire de Corée, de Zhongjing en Chine.

Les grandes puissances, par l’intermédiaire de leurs ministres des Affaires étrangères réunis à Moscou en décembre 1945, voulurent imposer un protectorat à la Corée, trahissant le vœu ardent des Coréens d’avoir enfin un pays indépendant. Elles créèrent une commission mixte russo-américaine chargée de mettre en place un gouvernement national. Cette décision provoqua la colère et l’opposition de tous les dirigeants coréens. Il s’ensuivit de grandes manifestations populaires contre la tutelle.

Le Comité populaire, créé au Nord et dirigé par Kim Ilsung (Kim Ils face="EU Caron" ツng), fit volte-face en acceptant le protectorat. L’U.R.S.S. n’était pas d’accord pour que les opposants au protectorat participent aux travaux de la commission. Celle-ci n’arrivant pas à statuer, le gouvernement américain saisit l’O.N.U. en mai 1947. L’Assemblée générale de l’O.N.U. adopta une résolution qui consistait à créer un gouvernement unique en organisant des élections générales sur l’ensemble du territoire, lesquelles seraient supervisées par une commission. Celle-ci ne pouvant travailler dans la partie Nord, les élections n’eurent lieu, le 10 mai 1948, qu’au Sud. Le parti de Syngman Rhee remporta la victoire. L’Assemblée constituante se réunit le 31 mai, adopta la première Constitution le 17 juillet et élut Rhee président de la République. Le gouvernement militaire américain fut remplacé par la république de Corée (Taehan minguk ), proclamée le 15 août 1948 et reconnue par l’O.N.U. La France fut le quatrième pays à reconnaître la nouvelle république le 4 février 1949, après les États-Unis, la Chine nationaliste (Taiwan) et la Grande-Bretagne.

En réponse à la création d’une république au Sud, la partie septentrionale organisa des élections le 25 août 1948. Le 9 septembre fut créé un gouvernement à la tête duquel se trouvait Kim Ilsung comme Premier ministre. Le 18 septembre fut proclamée la république populaire de Corée (Chos face="EU Caron" ツn inmin konghwaguk ), qui devint peu de temps après la république populaire démocratique de Corée, R.P.D.C. (Chos face="EU Caron" ツn minjujuui inmin konghwaguk ). Elle fut reconnue par l’U.R.S.S. et ses alliés, ainsi que par la Chine populaire.

Une ligne de démarcation, purement technique à l’origine, fut ainsi transformée en frontière politique hermétique, entérinant la partition de la péninsule.

La guerre de Corée, 1950-1953

Après la création des deux républiques, les armées soviétique et américaine évacuèrent leur zone d’occupation respective en 1949. Le 12 janvier 1950, parlant devant le club national de la presse, Dean Acheson, secrétaire d’État américain, déclara: « Le périmètre de défense des États-Unis va des îles Aléoutiennes au Japon », ce qui excluait la Corée et Taiwan. En mars, le général MacArthur lui-même s’exprima dans le même sens au cours d’une interview.

Le dimande 25 juin 1950, la Corée du Nord lança une offensive générale vers le sud, encouragée sans doute par ces déclarations inopportunes et forte d’une armée de 136 000 soldats répartis en dix divisions avec les équipements lourds que l’armée soviétique lui avait laissés (243 chars T 54, 211 avions de combat et des pièces d’artillerie). L’armée sud-coréenne ne disposait que d’une force d’autodéfense composée de 98 000 hommes mal entraînés et sous-équipés répartis en huit divisions. Elle ne possédait ni avions, ni véhicules blindés, ni canons lourds. Ce fut la débâcle pour l’armée sud-coréenne. Séoul tomba aux mains des agresseurs le 28 juin. Les troupes communistes ne cessèrent leur progression vers le sud.

Le 27 juin, le Conseil de sécurité de l’O.N.U. désigna, en l’absence de l’U.R.S.S., la Corée du Nord comme agresseur. L’O.N.U. décida de constituer une armée à laquelle devaient participer seize pays, dont la France avec un bataillon commandé par le général Monclar. Le même jour, le président Truman ordonna aux forces navales et aériennes américaines de soutenir la Corée du Sud et de protéger Formose. Trois jours après, il engagea l’infanterie américaine en Corée et autorisa l’aviation à attaquer le Nord. Le 1er juillet, le général Douglas MacArthur, alors gouverneur militaire du Japon, fut nommé commandant des forces de l’O.N.U.

Le 5 septembre, les troupes nordistes arrivèrent à une centaine de kilomètres de Pusan, port situé à l’extrême sud-est de la péninsule, où s’était réfugié le gouvernement de Rhee.

La situation se retourna, le 15 septembre, avec le débarquement, à Inch’ face="EU Caron" ツn près de Séoul, des armées de l’O.N.U. sous le commandement du général MacArthur. Séoul fut repris le 28. Le 30, les forces sud-coréennes franchirent le 38e parallèle. Le 7 octobre, MacArthur donna l’ordre aux forces de l’O.N.U. de faire de même. Le 11, le Premier ministre chinois Zhou Enlai déclara: « Les événements de Corée menacent la sécurité de la Chine. » Les armées de Corée du Sud et de l’O.N.U. entrèrent dans P’y face="EU Caron" ツngyang le 18 et atteignirent le fleuve Yalu, vers la fin d’octobre.

Le 25 octobre, la guerre prit une autre tournure avec l’intervention de 850 000 « volontaires » chinois. En fait, il s’agissait des unités régulières de la prestigieuse IVe armée populaire, commandée par le général Lin Piao. Ce fut le repli des troupes sudistes et de l’O.N.U. vers le sud. Face à cette situation, Truman déclara: « L’emploi de la bombe atomique demeure à l’étude », ce qui n’arrêta pas la poussée des forces communistes qui reprirent P’y face="EU Caron" ツngyang le 4 décembre. Elles franchirent de nouveau le 38e parallèle et arrivèrent à Séoul le 4 janvier 1951. Le 21, le général Ridgway, qui venait de succéder au général Walker tué dans un accident, lança une vaste contre-offensive vers le nord. Le 30, la Chine fut déclarée pays agresseur par l’O.N.U. Le 14 mars, les troupes sud-coréennes reprirent Séoul et franchirent le 38e parallèle le 27. Le 11 avril, Truman démit MacArthur de ses fonctions pour avoir pris une position belliqueuse voulant étendre le conflit jusqu’en Mandchourie. Il fut remplacé par Ridgway.

Dès lors, le front se stabilisa autour du 38e parallèle, avec de violents combats sporadiques. Le 23 juin 1951, Jakob Malik, délégué soviétique, proposa à l’O.N.U. un cessez-le-feu. Les pourparlers à P’anmunj face="EU Caron" ツm, un village situé sur la ligne de démarcation, traînèrent pendant deux ans.

L’Assemblée nationale de la Corée du Sud rejeta, le 9 juin 1953, les conditions d’armistice, et, le 18 juin, 27 000 prisonniers de guerre nord-coréens furent libérés et rendus à la vie civile au Sud, sur ordre du président Rhee. Le 22 juillet, Rhee, ne voulant pas admettre le constat de division, déclara qu’il ne signerait pas l’armistice.

Malgré les réticences de Rhee, l’armistice fut signé entre les représentants des forces de l’O.N.U. d’une part et des forces chinoises et nord-coréennes d’autre part, le 27 juillet 1953.

Durant les trois ans de guerre, il n’y eut que dix mois de batailles intenses, causant des pertes humaines et des dégâts considérables. Le total des pertes en vies humaines (tués, disparus et blessés) s’élève à 2 415 600 selon les sources des Nations unies. Les États-Unis eurent 33 630 soldats morts et 103 000 blessés, et les autres alliés de l’O.N.U., 3 140 morts et blessés parmi lesquels la France compte, pour son bataillon de Corée, 288 morts et un millier de blessés. Les pertes militaires de la Corée du Sud s’élèvent à 147 000 morts et 210 000 blessés. Les estimations se situent autour de 300 000 militaires tués et 220 000 blessés pour la Corée du Nord et de 200 000 tués et 700 000 blessés pour la Chine populaire. Les pertes civiles seraient au moins deux fois supérieures, et le pays était dévasté.

Cette guerre terrible qui n’a rien réglé en matière de réunification a laissé de très profondes séquelles. Nombre de Coréens vivant au Nord se réfugièrent au Sud, fuyant le régime communiste, et nombre de familles coréennes furent séparées. Le drame de ces familles, toujours d’actualité, se trouve au cœur des négociations entre le Nord et le Sud.

La Corée du Sud

Les Coréens du Sud n’ont connu, de 1948 à 1987, qu’une succession de régimes dictatoriaux et autoritaires qui avaient pour objectif la stabilité politique et sociale indispensable pour faire face à la « menace du Nord » et au développement économique. Cela constituait, aux yeux des dirigeants, la priorité des priorités pour un pays qui souffrait de la misère et de la pauvreté et que certains experts étrangers n’hésitaient pas à qualifier de « sans espoir ».

L’aspiration des Coréens à une démocratie authentique, non « à la coréenne », finit par se réaliser en 1987. Les Coréens ont aujourd’hui un pays développé et industrialisé, douzième exportateur et quinzième puissance économique du monde en termes de P.N.B., se présentant comme un modèle de réussite.

Démocratie libérale, la Corée du Sud pratique un système politique présidentiel, sauf en 1960-1961 (régime parlementaire). La Constitution a été si souvent modifiée avec des méthodes coercitives, en particulier sous les régimes Rhee et Park, que la république en est à sa sixième version à partir de 1987.

La Corée du Sud a eu six présidents de la République: Syngman Rhee [Yi Sungman] (1948-1961), Yun Pos face="EU Caron" ツn (1961-1962), Park Chunghee [Pak Ch face="EU Caron" ツnghui] (1962-1979), Choi Kyuha [Ch’oe Kyuha] (1979-1980), Chun Doohwan [Ch face="EU Caron" ツn Tuhwan] (1980-1988), Roh Taewoo [No T’aeu] (1988-1993). Les deux présidents qui ont le plus marqué la vie politique par leur forte personnalité et par la durée de leur présence au pouvoir sont Syngman Rhee (douze ans) et Park Chunghee (dix-huit ans). Trois présidents sont d’anciens généraux: Park, Chun et Roh. Ils ont fait preuve d’efficacité, mais leur autoritarisme, notamment de Park et de Chun, ne laisse pas une bonne image d’eux dans l’opinion. Par contre, Roh, qui a entrepris la démocratisation en 1987, s’est vu reprocher d’être plutôt « mou » face aux manifestations d’étudiants extrémistes et à la montée de la délinquance.

D’après la Constitution de 1987, le président de la République est élu au suffrage universel direct à un tour pour un mandat unique de cinq ans. Il est aidé, dans ses fonctions, par un Premier ministre nommé par lui.

Le pouvoir législatif est exercé par une chambre unique (sauf en 1960-1961), l’Assemblée nationale. Les députés, au nombre de 299, sont élus pour quatre ans: 237 dans les circonscriptions et 62 à la proportionnelle.

La présidence de Syngman Rhee

Le gouvernement de Syngman Rhee (Yi Sungman) a trouvé une situation sociale et économique extrêmement difficile après la division du pays, d’autant plus que les deux parties, le Sud agricole et le Nord industriel, étaient complémentaires. La production agricole et industrielle au Sud se situait à un niveau très bas, avec une inflation galopante et un chômage généralisé. Les Coréens vivaient dans la misère. Les États-Unis accordèrent une aide économique et militaire de 4,3 milliards de dollars entre 1945 et 1965, ce qui permit d’acheter des produits alimentaires, des matières premières et des biens d’équipement.

Anticommuniste farouche, Rhee dut faire face aux agissements des communistes: soulèvement armé dans l’île de Cheju en avril 1948, émeutes militaires à Y face="EU Caron" ツsu et à Sunch’ face="EU Caron" ツn en octobre 1948, lutte des partisans communistes dans le mont Chiri en 1949. Ce contexte troublé fut marqué par des assassinats politiques: Song Chinu (1945), Y face="EU Caron" ツ Unhy face="EU Caron" ツng (1947), Kim Ku (1949).

Rhee fut réélu en février 1950, alors que son parti, le Parti national de Corée, n’obtint pas la majorité aux élections législatives de mai. En 1952, il fit amender, de force, la Constitution pour supprimer la clause limitant à deux les mandats exercés par un même président et pour élire le président au suffrage universel. Les élections générales de mai 1954 donnèrent la victoire au Parti libéral (Jayu-dang ), Rhee fut réélu pour la troisième fois en 1956, mais le vice-président était un membre de l’opposition, Chang My face="EU Caron" ツn. Les mouvements contestataires se multiplièrent contre le despotisme de Rhee. La loi martiale fut décrétée en mai 1956, et la loi sur la sécurité nationale, destinée à opprimer la presse, fut adoptée en décembre.

Le 15 mars 1960, Rhee fut réélu président, sans difficulté, son adversaire, Cho Py face="EU Caron" ツngok, était mort de maladie quelques jours auparavant. Malgré cela, l’entourage du président organisa des élections truquées pour faire élire Yi Kibung comme vice-président dans la perspective de son éventuelle accession à la présidence, Rhee (1875-1965) étant alors âgé de quatre-vingt-quatre ans. Les manifestations demandant l’annulation de l’élection de Yi se généralisèrent. Le 18 avril, la loi martiale fut proclamée. Le soulèvement des étudiants eut lieu le 19, et la police tira dans la foule, faisant 142 morts parmi les étudiants. Les professeurs d’université, eux aussi, manifestèrent le 25. La famille de Yi Kibung devait se suicider le 28. Rhee finit par démissionner le 27 et partit, le 29 mai, en exil à Hawaii, où il mourut en 1965.

Sur le plan diplomatique, cette période fut marquée par le renforcement des relations avec les États-Unis. Un traité de défense mutuelle fut signé entre les deux pays le 27 octobre 1953. Depuis lors, les États-Unis maintiennent, en Corée, des troupes au nom de l’armée de l’O.N.U.

Rhee étant un antijaponais convaincu, Séoul n’eut pas de relations diplomatiques avec son voisin le plus proche jusqu’en 1965.

La présidence de Yun Pos face="EU Caron" size=4ツn

Après la chute du régime de Rhee, l’Assemblée nationale adopta, le 15 juin 1960, une nouvelle Constitution qui instaura un système parlementaire bicaméral (IIe République). Le Parti démocrate (Minju-dang ) obtint la majorité aux élections des députés et des sénateurs en juillet. Chang My face="EU Caron" ツn (1899-1966) fut nommé Premier ministre et Yun Pos face="EU Caron" ツn (1897-1990) président de la République sans pouvoir. Les désordres persistèrent. Les étudiants, forts d’avoir réussi à chasser Rhee, voulaient intervenir dans toutes les décisions importantes. Incapable de faire face à cette situation, le gouvernement changea quatre fois en un an.

La présidence de Park Chunghee

Dans cette situation troublée eut lieu, le 16 mai 1961, un coup d’État militaire, sans effusion de sang, dirigé par le général Park Chunghee (Pak Ch face="EU Caron" ツnghui, 1917-1979), secondé par le colonel Kim Chongp’il et ses amis. La junte dissolut le Parlement, suspendit toute activité politique, créa le Conseil suprême de la reconstruction nationale, et Park devint son président après avoir écarté le général Chang Toy face="EU Caron" ツng qui avait occupé ce poste avant lui.

En mars 1962, le président Yun Pos face="EU Caron" ツn fut contraint de démissionner, et Park Chunghee devint président de la République par intérim. Park fit adopter, par le référendum du 17 décembre 1962, une nouvelle Constitution restaurant le système présidentiel (IIIe République). Il fut élu président de la République en octobre 1963 avec 46,6 p. 100 des voix, contre Yun Pos face="EU Caron" ツn (45,1 p. 100), et son parti, le Parti républicain (Konghwa-dang ), obtint la majorité aux élections générales le mois suivant.

En 1962, Park mit en place le premier plan quinquennal qui est à l’origine du développement économique de la Corée du Sud, et il inaugura l’autoroute Séoul-Pusan en février 1968.

Il fut réélu en mai 1967. Le Parti républicain gagna en juin des élections générales truquées. En 1969, Park fit amender la Constitution afin de supprimer la clause interdisant le troisième mandat présidentiel, dans l’intention de pérenniser son pouvoir, et, le 27 avril 1971, il fut réélu avec 51,2 p. 100 des suffrages, contre Kim Daejung (43,6 p. 100). Le Parti républicain obtint 113 sièges sur 204 aux élections législatives en mai.

Il lança, en 1972, le vaste mouvement des « nouveaux villages » (saemaul undong ) destiné à moderniser la campagne et l’agriculture: remplacement des toits en chaume par de la tôle ondulée, aménagement des routes et des terres, électrification, mécanisation, culture sous serre, etc. En quelques années, le mouvement transforma complètement la physionomie de la campagne coréenne.

Le 21 novembre 1972, une nouvelle Constitution dite de Yushin (renouveau) fut adoptée par référendun (IVe République). Elle institua un collège électoral, dénommé Conférence nationale pour la réunification, dont le rôle essentiel était d’élire le président de la République ainsi qu’un tiers des députés. Sous le coup des mesures d’urgence et de la loi martiale eurent lieu, le 15 décembre, les élections des 2 359 membres de la Conférence, qui éliront Park président. Les deux tiers des 276 députés furent élus à raison de deux députés par grande circonscription et un tiers par la Conférence. Ce fut un système taillé sur mesure pour Park qui voulait rester au pouvoir « à vie », en disposant à coup sûr d’une majorité au Parlement, au mépris de l’aspiration des Coréens à une démocratie qui soit à la mesure de leur développement économique. Dès lors, il ne parvint à gouverner qu’en prenant des mesures d’exception et en décrétant la loi martiale.

Qui plus est, il persécuta son rival Kim Daejung. Le 8 août 1973, Kim fut enlevé d’un hôtel au centre de T 拏ky 拏 et ramené en Corée. Il fut placé en résidence surveillée chez lui grâce à l’intervention des États-Unis et de l’opinion internationale.

En 1974, Park perdit sa femme dans un attentat perpétré contre lui par un terroriste coréen résidant au Japon, lors de la cérémonie du 15 août qui commémorait la libération du pays.

Park fut réélu en juillet 1978. Son parti enregistra un recul aux élections générales du 2 décembre. De violentes manifestations d’étudiants dégénérèrent à Pusan et à Séoul en octobre 1979, alors que la presse était réduite au silence depuis longtemps. Dans ce contexte tendu, le président Park fut assassiné le 26 octobre par son bras droit, Kim Chaekyu, directeur du K.C.I.A. (C.I.A. coréenne). Le mobile du crime n’est pas très clair. Kim et quatre autres complices furent arrêtés, jugés et exécutés en décembre.

Sur le plan diplomatique, poussé par des nécessités économiques, surtout pour financer le premier plan de développement économique lancé en 1962, Séoul entama des négociations avec T 拏ky 拏 dès mars 1964 en vue de normaliser les relations. Malgré de violentes protestations en Corée comme au Japon, le traité d’amitié et de commerce coréo-nippon fut signé le 22 juin 1965 à T 拏ky 拏. Par la suite, le Japon accorda à la Corée du Sud 500 millions de dollars sous forme d’aide économique et de prêt. En contrepartie, Séoul s’engagea à ne pas exiger de réparations pour la période de colonisation. C’est aussi à la fin de 1965 que, sous la pression américaine, la Corée envoya au Vietnam deux divisions de soldats qui ne seraient rapatriés qu’en 1973.

Le président Carter annonça, en mars 1977, le retrait progressif des troupes américaines, mais 219 soldats seulement quittèrent la Corée en 1978. En novembre de la même année, la Corée du Sud et les États-Unis mirent en place un commandement commun des forces armées en Corée.

La présidence de Choi Kyuha

Le Premier ministre Choi Kyuha (Ch’oe Kyuha) devint président de la République après la mort tragique du président Park. Il commença à prendre des mesures libérales, mais l’espoir de démocratisation s’évanouit lorsque, le 12 décembre 1979, un groupe de militaires, conduit par le général Chun Doohwan, sortit de l’ombre, après avoir arrêté le général Ch face="EU Caron" ツng Sunghwa, chef d’état-major de l’armée de terre.

Des manifestations estudiantines éclatèrent un peu partout au printemps de 1980. Le 17 mai, la loi martiale fut décrétée et, le lendemain, une insurrection éclata à Kwangju et se transforma en soulèvement général des habitants. Le 27, ces derniers s’emparèrent des dépôts d’armes et de munitions de la police. La ville fut isolée de l’extérieur. Puis eut lieu l’intervention des commandos parachutistes contre les citadins armés, qui firent officiellement 191 morts, et beaucoup plus selon des sources officieuses.

La présidence de Chun Doohwan

Une fois matée l’insurrection de Kwangju, Chun Doohwan (Ch face="EU Caron" ツn Tuhwan) se plaça à la tête du Comité spécial de la sécurité nationale, créé le 31 mai 1980, et, après le retrait du président Choi, fut élu président de la République, le 27 août, par la Conférence nationale pour la réunification. Le 17 septembre, Kim Daejung fut arrêté pour avoir monté un complot subversif. Il fut condamné à mort par une cour martiale – peine commuée en emprisonnement à perpétuité –, puis libéré et envoyé aux États-Unis en décembre 1982.

Le 22 octobre 1980, une nouvelle Constitution (Ve République) fut approuvée par référendum. Elle porta le nombre des membres du collège électoral à 5 000 et institua un mandat présidentiel unique de sept ans. La loi martiale fut levée en janvier 1981, et Chun fut réélu en février. Le couvre-feu qui existait depuis 1945 fut levé en février 1982. Le mois suivant, le Parti démocrate de la justice (Minj face="EU Caron" ツng-dang ) de Chun gagna les élections législatives.

Chun lança, en 1980 et en 1981, une campagne d’épuration des fonctionnaires, des magistrats et des journalistes. Il envoya, au total, 70 000 personnes, y compris des délinquants, dans des camps de rééducation. Certains dirigeants politiques se virent confisquer leur fortune illégalement amassée. D’autres furent privés de leurs droits politiques et mis en résidence surveillée, tels Kim Daejung, Kim Y face="EU Caron" ツngsam et Kim Chongp’il. Pourtant, les proches parents de Chun et de son épouse ainsi que son entourage se trouvèrent mêlés dans des scandales financiers et dans des affaires de corruption et de trafic d’influence. L’abus de pouvoir et la manière forte de Chun furent sans cesse combattus par les étudiants, les opposants, les intellectuels et les chefs religieux appuyés par une bonne partie de la population. Les mouvements en faveur de la démocratie prirent de plus en plus d’ampleur.

L’année 1983 fut marquée par deux drames qui secouèrent le pays à un mois d’intervalle. Dans la nuit du 31 août au 1er septembre, la chasse soviétique abattit un Boeing 747 de la K.A.L. (Korean Air Lines), avec 269 passagers à bord près de l’île soviétique de Sakhaline. La Corée du Sud, n’ayant pas de relations diplomatiques avec l’U.R.S.S., se sentait impuissante devant cet acte barbare. Le second drame fut un attentat à la bombe perpétré, le 9 octobre, par les terroristes nord-coréens, sur la personne du président Chun en visite officielle à Rangoon en Birmanie. Il dut au retard qu’il avait sur son programme d’avoir la vie sauve, mais quatre Birmans et dix-sept Coréens, dont quatre ministres, trouvèrent la mort. La Birmanie rompit ses relations diplomatiques avec P’y face="EU Caron" ツngyang.

Pendant cette période, l’économie coréenne connut une forte expansion, et le niveau de vie s’améliora nettement. Les émissions en couleur de la télévision débutèrent le 1er décembre 1980. Les Coréens du Sud organisèrent les Xes Jeux asiatiques de 1986, auxquels participa la Chine populaire, et vécurent au rythme de la préparation des jeux Olympiques de Séoul de 1988.

S’agissant des relations extérieures, Chun resserra les liens entre la Corée et le Japon. Le Premier ministre japonais Nakasone Yasuhiro visita Séoul en janvier 1980. C’était la première visite officielle d’un chef du gouvernement japonais en Corée. T 拏ky 拏 accorda à Séoul un prêt de 4 milliards de dollars. Quant aux relations franco-coréennes, le Premier ministre français Laurent Fabius se rendit à Séoul en avril 1985. Deux centrales nucléaires coréennes, construites avec la technologie française (Framatome), furent achevées en 1985. Le président Chun fit un voyage officiel en France en avril 1986.

La présidence de Roh Taewoo

En 1987, le climat social se dégrada. La mort d’un étudiant au cours d’un interrogatoire policier en avril provoqua des manifestations d’étudiants qui dégénérèrent en mouvements de protestation populaire. Face à cette situation, Roh Taewoo (No T’aeu), candidat à la présidence, annonça, le 29 juin, des mesures de démocratisation et de libéralisation: élection du président au suffrage universel tant réclamée depuis 1971, rétablissement des droits politiques des opposants, suppression de la censure dans la presse, liberté syndicale. Elles marquent un tournant crucial dans l’histoire contemporaine de la Corée du Sud.

Une nouvelle Constitution fut élaborée en concertation entre les députés du parti au pouvoir et ceux de l’opposition. Après avoir été adoptée par une large majorité à l’Assemblée nationale, elle fut approuvée par le référendum du 27 octobre (VIe République). Elle renforçait le pouvoir de l’Assemblée nationale et verrouillait le mandat présidentiel par une clause spéciale selon laquelle toute modification visant la durée et le nombre des mandats ne s’appliquerait pas au président en exercice au moment de l’amendement. Le 17 décembre, Roh fut élu président de la République avec 36,6 p. 100 des voix, grâce à la division des candidats d’opposition, Kim Daejung et Kim Y face="EU Caron" ツngsam, qui n’avaient pu s’entendre sur une candidature unique.

Aux élections législatives d’avril 1988, le Parti démocrate de la justice (Minj face="EU Caron" ツ ng-dang ) de Roh Taewoo n’a pas obtenu la majorité, avec seulement 125 sièges sur 299, le Parti pour la paix et la démocratie (P’y face="EU Caron" ツ ngmin-dang ) de Kim Daejung en ayant 70, le Parti démocrate de la réunification (T’ongil-dang ) de Kim Y face="EU Caron" ツngsam 59, le Parti républicain (Konghwa-dang ) de Kim Chongp’il 35, divers partis et indépendants 10. Le gouvernement de Roh était donc obligé de trouver sans cesse des compromis avec les partis d’opposition. Néanmoins, les hommes politiques observèrent une trêve jusqu’aux XXIVes jeux Olympiques de Séoul du 17 septembre au 2 octobre auxquels participèrent 13 000 athlètes venant de 160 pays, sauf la Corée du Nord et Cuba. Les Coréens y virent une sorte de consécration internationale de leur réussite économique.

L’Assemblée nationale, où les partis d’opposition constituaient la majorité, investie d’un pouvoir accru de contrôle sur l’exécutif, mena des enquêtes et demanda des témoignages sur les affaires du régime Chun: répression sanglante à Kwangju, scandales financiers, trafic d’influence et corruption de fonctionnaires. Plusieurs anciens ministres et des membres de la famille de l’ancien président et de son épouse furent jugés et emprisonnés, et le couple présidentiel fut obligé de se retirer dans un temple bouddhique loin de la capitale jusqu’à la fin de 1990. L’ex-président fut même contraint de témoigner en personne devant une commission parlementaire.

En février 1990, le Parti démocrate de la justice, le Parti démocrate de la réunification et le Parti républicain fusionnèrent sous le nom de Parti démocrate libéral (Minja-dang ).

En avril 1991, un étudiant fut battu à mort par les policiers. Cet incident fut suivi de plusieurs immolations par le feu et de violentes manifestations d’étudiants. Les mouvements estudiantins se radicalisèrent. Dans ce climat tumultueux, Ch face="EU Caron" ツng W face="EU Caron" ツnshik, ancien ministre de l’Éducation et professeur d’université, fut nommé Premier ministre le 25 mai. Une grande manifestation eut lieu à l’occasion du onzième anniversaire du soulèvement de Kwangju. Le 3 juin, alors que Ch face="EU Caron" ツng donnait son dernier cours à l’université Hanguk des langues étrangères, des étudiants extrémistes s’introduisirent dans la salle, lui jetèrent des œufs, de la farine, le firent sortir par la fenêtre pour le rouer de coups. Cet acte fut condamné unanimement par la population scandalisée et indignée. Le régime de Roh, jusque-là sur la défensive, y a trouvé un prétexte pour réprimer les agitations des étudiants radicaux qui, depuis, ont perdu leur raison d’être, la sympathie de la population et enfin leur force.

Aux élections législatives de mars 1992, le Parti démocrate libéral de Roh Taewoo a obtenu 149 sièges sur 299, le Parti démocrate de la paix de Kim Daejung 97 sièges. Le Parti national de l’unification, créé par Ch face="EU Caron" ツng Chuy face="EU Caron" ツng, fondateur du groupe Hyundai, a obtenu 31 sièges, et les indépendants 22. Le grand vainqueur des campagnes électorales a été l’argent. Le président Roh pourra donc compter sur le soutien parlementaire pour la dernière année de son mandat.

Dans le domaine diplomatique, les relations franco-coréennes ont été marquées par la visite officielle du président Roh à Paris en novembre 1987 et par celle du Premier ministre Michel Rocard à Séoul en mai 1991. Les deux pays sont liés par des accords de coopération culturelle et scientifique. En outre, un consortium d’entreprises françaises, conduit par la société G.E.C-.Alsthom, est en compétition avec des groupes allemands et japonais, dans le projet de construction d’un réseau ferroviaire coréen à grande vitesse (350 km/h), dont l’achèvement de la ligne Séoul-Pusan est prévu pour 1998.

Hormis le renforcement des relations traditionnelles, Roh entreprit une ouverture en direction des pays socialistes et de la Corée du Nord. En 1988, la Corée du Sud a noué, avec la Hongrie, la Yougoslavie et la Pologne, des relations commerciales qui se sont transformées en relations diplomatiques l’année suivante. Quant à l’U.R.S.S., Séoul et Moscou ont échangé une mission commerciale dès le début de 1989. À la suite de la rencontre historique Roh-Gorbatchev à San Francisco le 4 juin 1990, les relations diplomatiques ont été établies entre les deux pays le 30 septembre. La Corée du Sud a accordé à l’U.R.S.S. un crédit de 3 milliards de dollars. Puis, Roh a effectué une visite officielle à Moscou en décembre 1990, et Gorbatchev a fait une courte visite en Corée en avril 1991.

Pékin et Séoul, après avoir échangé une mission commerciale depuis janvier 1990, ont établi, le 24 août 1992, des relations diplomatiques, suivies de la visite en Chine du président sud-coréen Roh le mois suivant. Le commerce entre les deux pays, qui existe dès le début des années quatre-vingt, s’accroît d’année en année. Les entreprises coréennes sont déjà actives aussi bien en Chine que dans les pays de l’ex-bloc socialiste.

Économie

La Corée du Sud pratique un capitalisme libéral fondé sur l’économie de marché et caractérisé par un dirigisme étatique.

La population est passée de 29,9 millions d’habitants (205 hab./km2) en 1949 à 43,5 millions (439 hab./km2) en 1990, ce qui fait de la Corée du Sud l’un des pays du monde où la densité de population est la plus forte.

Le produit national brut s’est accru, passant de 2,8 milliards de dollars (107 dollars/hab.) aux prix courants en 1961 à 238 milliards de dollars (15e rang mondial; 5 569 dollars/hab.) en 1990. Pendant ce temps, la part des secteurs dans la composition du P.N.B. s’est fortement modifiée. Celle de l’agriculture a diminué de 40,1 à 9,1 p. 100. En revanche, celle de l’industrie et des activités extractives a fait un bond spectaculaire, en passant de 15,2 à 29,7 p. 100; et celle du tertiaire de 44,7 à 61,2 p. 100.

Le taux de croissance économique, qui était très élevé (10,5 p. 100 par an en moyenne entre 1966 et 1980), est tombé à 7,5 p. 100 en 1981-1985 avant de remonter à 10,7 en 1986-1990. La Corée a réalisé des records de croissance économique avec 12,9 p. 100 en 1986, 13 p. 100 en 1987 et 12,4 p. 100 en 1988. Mais le rythme s’est ralenti, tombant à 6,8 p. 100 en 1989, 9 p. 100 en 1990 et 8,6 p. 100 en 1991.

Cette croissance extraordinaire résulte des six plans quinquennaux de développement économique, dont le premier remonte à 1962. L’accent a été mis d’abord sur les industries légères à intensité de main-d’œuvre (contre-plaqué, chaussures, textile, mécanique, électrique), puis sur les industries lourdes, chimiques et la technologie de pointe à intensité de capital: sidérurgie (Pohang Steel Co.), raffinerie, pétrochimie, chantiers navals, électronique, informatique, automobile. Des sites industriels ont été créés un peu partout. Des conglomérats (chaeb face="EU Caron" ツl ), tels que Samsung, Hyundai, Daewoo, Lucky-Goldstar, Sunkyung, Ssangyong, Korea Explosives, Hanjin, Hyosung, jouent le rôle moteur de l’expansion.

Afin de financer les plans, il a fallu recourir massivement aux capitaux et à la technologie étrangers, d’où un endettement chronique. La dette extérieure de la Corée s’est élevée successivement à 157 millions de dollars en 1963, 1,2 milliard de dollars en 1963, 10,5 milliards en 1976 et 46,7 milliards, soit 56,2 p. 100 du P.N.B., en 1985. Si bien que la Corée était un des quatre pays les plus endettés du monde. Mais, grâce à son excédent commercial en 1986-1989, elle a anticipé les remboursements, et sa dette a été ramenée à 29,4 milliards de dollars en 1989, avant de remonter à 31,7 milliards en 1990 et à 38,2 milliards en 1991.

La Corée étant pauvre en ressources naturelles, son économie dépend fortement du commerce extérieur. Les exportations constituent toujours la priorité. Leur valeur est passée, aux prix courants, de 41 millions de dollars en 1961 à 69,8 milliards en 1991; elle a donc été multipliée par 1 700 en trente ans; celle des importations, qui est passée de 316 millions de dollars en 1961 à 77,3 milliards de dollars en 1991, a été multiplié par 245. La Corée a connu son premier excédent commercial en 1986 avec 3,1 milliards de dollars, et cette situation a duré jusqu’en 1989, lui permettant de dégager un excédent total de 23 milliards de dollars en quatre ans, ce qui a entraîné un excédant de la balance des paiements encore plus confortable de 31,4 milliards de dollars. Depuis 1990, la tendance s’est inversée. La Corée a enregistré un déficit commercial de 2 milliards de dollars en 1990 et de 9,6 milliards en 1991: c’est la facture de l’ardoise sociale qu’elle a dû payer.

Le « miracle économique » de la Corée est dû, en partie, au coût salarial très bas et à la main-d’œuvre abondante, « docile » sous des régimes autoritaires et instruite (le taux d’analphabétisme est de 3,7 p. 100 en 1990, et le désir fébrile des parents de faire faire des études à leurs enfants persiste). Mais l’économie coréenne a perdu ces avantages depuis la démocratisation survenue le 29 juin 1987. S’estimant être les laissés-pour-compte de la croissance économique, les ouvriers ont réclamé tout, tout de suite. Cela s’est traduit par la création des syndicats libres d’entreprise (4 100 syndicats, avec 1,2 million de syndiqués en 1987, et 6 140 syndicats, avec 1,7 million en 1988), des conflits sociaux (3 700 cas de grève en 1987, 1 870 en 1988, 1 600 en 1989, 319 en 1990 et 230 en 1991), une hausse des salaires de près de 20 p. 100 trois années de suite. En 1992, les salaires des ouvriers coréens sont les plus élevés de ceux des nouveaux pays industrialisés. La durée hebdomadaire du travail dans l’industrie est passée de 54,7 heures en 1987 à 49,8 en 1990.

Malgré cela, la Corée a réalisé, en 1991, une croissance de 8,6 p. 100; les taux d’épargne et d’investissement se maintiennent à un niveau élevé de respectivement 35,3 et 37,1 p. 100; le taux de chômage est de 2,3 p. 100, mais celui de l’inflation est de 9,5 p. 100.

Bien que le marché intérieur en expansion stimule la croissance, l’économie coréenne a perdu de sa compétitivité et doit faire l’objet d’une restructuration et d’une réadaptation.

La Corée du Nord

La république populaire démocratique de Corée est un pays socialiste fondé sur l’idéologie chuch’e (djoutché ), qui se traduit par la construction d’une économie (autarcie) et d’une défense indépendante. Elle est dirigée, depuis 1945, par Kim Ilsung (Kim Ils face="EU Caron" ツng), « grand leader », secrétaire général du Parti du travail (Rodong-dang ) et président de la République.

Le Parti du travail est prééminent par rapport à tout l’appareil étatique. Il est dirigé par le Comité central (145 membres), qui comprend le secrétariat, le bureau politique, dont l’instance suprême est le présidium (5 membres) créé en 1982, et différentes commissions. Le Comité central conduit la politique, planifie et dirige l’économie. Le Congrès du parti a lieu tous les dix ans environ, et le VIe date d’octobre 1980.

Le pouvoir législatif est détenu par l’Assemblée populaire suprême, composée de 615 députés élus pour quatre ans. Le président de cette assemblée est le chef de l’État d’après la Constitution du 27 décembre 1972. Le président est assisté par le Comité populaire dont relève le Conseil d’administration, pouvoir exécutif dirigé par un Premier ministre.

La Cour suprême dépend de la présidence de la République, et les magistrats des tribunaux sont désignés par l’Assemblée populaire.

Histoire

En 1945, l’armée soviétique, qui occupait la partie nord de la péninsule, reconnut le Comité populaire comme pouvoir représentatif des Coréens. Dès octobre, Kim Ilsung, né le 15 avril 1912, apparut devant la foule. Le 8 février 1946, Kim Ilsung, alors secrétaire général du Parti du travail (Parti communiste au début) fondé le 10 octobre 1945, devint président du Comité populaire provisoire. À la suite des élections générales du 19 février 1947 fut formée une Assemblée populaire dont l’exécutif fut le Comité populaire avec Kim à sa tête.

Après la fondation de la république de Corée au Sud le 15 août 1948, le Nord organisa, le 25 août, les élections des députés à l’Assemblée populaire suprême, qui adopta une Constitution et désigna Kim Premier ministre. Créée le 9 septembre 1948, la R.P.D.C. fut proclamée le 18 du même mois. L’armée populaire fut mise en place le 8 février 1949, après le départ des troupes soviétiques.

C’est à cette époque que Pak H face="EU Caron" ツny face="EU Caron" ツng, leader des forces gauchistes dans la partie sud, se réfugia au Nord et devint vice-Premier ministre. Après la « guerre de libération de la patrie » qui fut un désastre, il fallait désigner les coupables. En août 1953, Pak et treize autres dirigeants venus du Sud furent arrêtés, onze d’entre eux exécutés. En 1958, les dirigeants des factions pro-chinoise (y face="EU Caron" ツ nanp’a ) et pro-soviétique (sory face="EU Caron" ツnp’a ) tentèrent de prendre le pouvoir. Mais ils furent éliminés par les partisans de Kim, réclamant la « renaissance par ses propres forces » (chary face="EU Caron" ツk kaengsaeng ). De ce fait, un système monolithique sous la direction incontestée de Kim Ilsung fut définitivement établi.

Dénonçant le révisionnisme et l’hégémonisme soviétiques et se méfiant de la révolution culturelle en Chine, le régime pratiqua une politique d’équidistance à l’égard de ces pays. Il appliqua une politique visant à construire un pays indépendant en matière d’économie (autosuffisance) et de défense nationale. Pour ce faire, le régime lança, en 1963, le mouvement « à l’allure de Ch’ face="EU Caron" ツllima » (cheval légendaire capable de parcourir 1 000 lieues en une journée) afin d’inciter les masses au travail. Dans la même optique, Kim adopta, en mars 1967, l’idéologie chuch’e (ne compter que sur ses propres forces) ou kimilsungisme, qui deviendra une espèce de « religion d’État ». Le 27 décembre 1972, la Corée du Nord adopta une nouvelle Constitution d’après laquelle Kim Ilsung, Premier ministre jusqu’alors, prit le titre de président de la République, et P’y face="EU Caron" ツngyang, capitale provisoire, devint la capitale.

Le régime est caractérisé par la présence de proches parents de Kim aux postes clés. Kim Djeungil (Kim Ch face="EU Caron" ツngil), né en 1942, fils du président et de sa première épouse décédée en 1949, entra sur la scène politique à partir de 1972 grâce au mouvement des petits groupes des « trois révolutions » idéologique (endoctrinement des masses), culturelle et technologique. Kim junior apparut comme le successeur de son père vers la fin des années soixante-dix; lors du VIe congrès du Parti du travail en octobre 1980, le « cher dirigeant » devint l’un des cinq membres du présidium du bureau politique du Comité central du Parti. Mais le régime a du mal à le faire reconnaître en tant que successeur de son père par ses alliés étrangers. En décembre 1991, il a été nommé commandant suprême de l’armée populaire.

Sur le plan diplomatique, P’y face="EU Caron" ツngyang est lié, depuis 1961, par des accords d’alliance avec la Chine et l’U.R.S.S., mais a dû habilement équilibrer ses rapports avec ses grands frères lorsqu’ils se disputaient l’hégémonie. P’y face="EU Caron" ツngyang se trouve isolé depuis que Séoul a établi les relations diplomatiques avec l’U.R.S.S., et avec les anciens pays socialistes d’Europe de l’Est et avec la Chine. La Corée du Nord est abandonnée par son allié, l’(ex)-U.R.S.S. qui, en raison des difficultés que rencontre son économie, exige désormais que le pétrole qu’elle fournit à P’y face="EU Caron" ツngyang (800 000 t en 1987 et 410 000 t en 1990) soit payé en devises et au prix du marché. P’y face="EU Caron" ツngyang s’efforce alors de se rapprocher davantage de Pékin! Kim Ilsung a visité la Chine en septembre 1990 et en octobre 1991.

Par ailleurs, la Corée du Nord cherche à normaliser les relations avec le Japon, et des négociations sont en cours depuis 1990. Elle essaie également d’améliorer ses rapports avec les États-Unis qu’elle n’a jamais cessé de dénoncer comme « impérialistes », et elle multiplie les contacts avec les Américains.

Économie et société

L’économie nord-coréenne est fondée sur la nationalisation et la collectivisation à 100 p. 100, achevées en 1958. Elle est centralisée, planifiée et dirigée par le Parti du travail.

Dans ce « paradis socialiste », l’individu est pris en charge par l’État, de la naissance à la mort. La scolarisation et les soins médicaux sont gratuits; l’habillement et l’alimentation sont rationnés mais à bas prix; le logement est attribué contre un loyer modique. Les habitants vivent dans un luxe collectif. En revanche, leurs salaires sont très bas; les produits de luxe, vendus dans les magasins, sont hors de prix; les gens n’ont pas le droit de circuler librement et sont soumis à un endoctrinement et à un travail forcé afin de réaliser les objectifs fixés. Dans un régime totalitariste anachronique, le culte des Kim père et fils est poussé à son paroxysme.

La Corée du Nord connut une forte diminuation de sa population pendant la guerre de Corée. Elle comptait 9,7 millions d’habitants (80 hab./km2) en 1949, mais seulement 9 millions en 1955 puisque, outre les morts dus à la guerre, près d’un million de personnes avaient fui le régime communiste pour aller s’installer au Sud. Depuis, la population s’est accrue à un rythme rapide pour atteindre 22,9 millions d’habitants (190 hab./km2) en 1991.

Le Nord était favorisé, au départ, par la présence des industries lourdes que les Japonais y avaient laissées. En 1945, il produisait 92 p. 100 de l’électricité, 86 p. 100 des combustibles, 82 p. 100 des produits chimiques, 78 p. 100 des minerais de la péninsule. P’y face="EU Caron" ツngyang bénéficia aussi de l’aide économique de ses alliés socialistes pour un montant total de 1 845 millions de dollars courants en 1945-1960, 378 millions en 1961-1970, 725 millions en 1971-1980, soit un total de 2 948 millions de dollars dont 52 p. 100 en provenance d’U.R.S.S. et 31 p. 100 de Chine.

Avant la guerre, le pouvoir a lancé deux plans annuels de développement (1947, 1948) et un plan biennal (1949-1950), et, après la guerre, il a mis en œuvre un plan triennal (1954-1956), un plan quinquennal (1957-1961), un plan septennal (1961-1967) prolongé jusqu’en 1970, suivi de trois autres plans septennaux (1971-1976 avec une année de réajustement, 1978-1984, 1985-1991).

Le P.N.B. est passé de 1,4 milliard de dollars (125 dollars/hab.) à 22,8 milliards (1 065 dollars/hab.) entre 1961 et 1990. L’économie nord-coréenne, après avoir enregistré un taux de croissance remarquable avec 8,5 p. 100 en moyenne par an en 1961-1970, a subi ensuite une décélération accentuée: 5,8 p. 100 en 1971-1980, 2,6 p. 100 en 1981-1988, pour arriver à une croissance négative: face=F0019 漣 5,3 p. 100 en 1989 et 漣 3,7 p. 100 en 1990.

La superficie des terres cultivées est de 2,1 millions d’hectares en 1987, dont 12 p. 100 appartiennent aux fermes d’État, et le reste est partagé par 3 843 coopératives agricoles. Malgré un climat rude, la production agricole est à peu près autosuffisante.

Le commerce est nationalisé, et le commerce extérieur ne joue qu’un rôle secondaire, répondant aux seuls besoins de la réalisation des plans. La valeur des exportations est de 1,6 milliard de dollars et celle des importations de 2,9 milliards de dollars en 1989.

Le système de Daean, lancé en 1961, fait du comité du Parti du travail l’organe de gestion des entreprises. La croissance industrielle a été très forte dans les années 1950-1960, puis le rythme s’est ralenti: 39,2 p. 100 en moyenne par an en 1954-1960, 12,8 p. 100 en 1961-1970, 16,3 p. 100 en 1971-1976 et 12,2 p. 100 en 1978-1984. L’industrie a produit des équipements lourds tels que machines-outils, presses lourdes, tracteurs, excavatrices, véhicules. S’étant aperçus que ni l’U.R.S.S. ni les pays socialistes de l’Europe de l’Est n’étaient capables de fournir de nouvelles technologies, les Nord-Coréens s’adressèrent au Japon et aux pays européens, ce qui entraîna un endettement. La dette extérieure passa de 3,4 milliards de dollars en 1978 à 7,8 milliards en 1990, dont 2,7 milliards à l’égard des pays occidentaux. P’y face="EU Caron" ツngyang a été déclaré en cessation de paiement en août 1987.

En 1992, les équipements industriels sont vieillots et démodés, une bonne partie des usines ne tourne pas faute de pétrole et de matières premières. La population souffre de pénurie alimentaire due aux mauvaises récoltes. Afin de sortir de l’impasse, P’y face="EU Caron" ツngyang cherche prudemment à coopérer avec le Sud.

Les relations inter-coréennes: de la tension à la détente

Le 38e parallèle est, encore en 1992, le reliquat de la guerre froide. Au nord de cette zone démilitarisée de 4 kilomètres de largeur sur une longueur de 346 kilomètres, la Corée du Nord dispose d’une puissante armée de 1 040 000 hommes; au sud, la Corée du Sud possède une armée de 650 000 hommes, et les États-Unis maintiennent 39 000 soldats. De 1953 à 1990, il n’y a eu pour tout échange que des invectives et des dialogues de sourd, ponctués d’événements tragiques provoqués par le Nord: le détournement d’avions civils sud-coréens vers P’y face="EU Caron" ツngyang en 1958 et en 1969 et d’un avion civil japonais en 1970; l’envoi de 31 commandos pour assassiner le président Park en janvier 1968; la capture d’un navire de renseignements américain, le Pueblo , en février 1968 et un avion de renseignements américain EC 121 abattu en avril 1969; des tunnels, creusés sous la zone démilitarisée, découverts en 1974; l’assassinat de deux soldats américains à coups de hache en août 1976; l’explosion d’un Boeing de la K.A.L., en Birmanie, en novembre 1987 (115 disparus) due à une bombe qui avait été posée par des terroristes nord-coréens dont une fille fut arrêtée et jugée à Séoul.

Toutefois, dans ce climat très tendu, le Nord et le Sud ont établi dans différents domaines des contacts qui, jusqu’en 1991, n’ont pas donné de résultats tangibles, sauf en 1972, 1984 et 1985.

Dans le domaine sportif, les deux pays ont tenté, à de nombreuses reprises depuis 1963, de former une équipe commune, pour n’y parvenir qu’en 1991. Une équipe conjointe de tennis de table a participé aux 41es championnats du monde, en avril-mai à Chiba au Japon, et une autre au 6e championnat mondial de football junior, en juin au Portugal, arborant un drapeau à l’effigie de la péninsule coréenne sans la ligne de démarcation. L’équipe féminine de tennis de table, sous le nom de Korea, a même remporté une victoire historique, en battant celle de Chine. Arirang , la chanson folklorique coréenne la plus populaire, a été jouée en guise d’hymne national, suscitant l’émotion des Coréens de chaque côté du 38e parallèle.

Dans le domaine civil, savants et artistes du Nord et du Sud ont noué des contacts à l’étranger: en Chine populaire, où il y a une région autonome des Coréens, au Japon, en Europe et aux États-Unis. En novembre 1991, une délégation de femmes nord-coréennes, conduite par Y face="EU Caron" ツ Y face="EU Caron" ツngu, a franchi le 38e parallèle pour participer à un séminaire organisé par les femmes sud-coréennes.

Dans le domaine commercial, il y a eu un seul contact entre les hommes d’affaires du Nord et du Sud dans un pays tiers en 1989, mais le nombre des contacts est passé à 11 en 1990 et à 118 en 1991. Jusqu’à présent, il existait seulement un commerce indirect, via Hong Kong et la Chine, qui s’est chiffré à 25 millions de dollars en 1990 et à 190 millions en 1991. De ceux-ci, 166 millions représentent les marchandises nord-coréennes importées par le Sud, ce qui constitue une sorte d’aide économique déguisée de la part du Sud. Le 27 juillet 1991, un cargo chargé de 5 000 tonnes de riz sud-coréen a quitté le port de Mokp’o à destination de Najin au Nord. En échange, les Nord-Coréens ont livré 30 000 tonnes de charbon et 11 000 tonnes de ciment. C’est le premier échange commercial direct entre le Nord et le Sud. P’y face="EU Caron" ツngyang a invité aussi les dirigeants des groupes sud-coréens: Hyundai en 1990, T’ongil en 1991, Daewoo en 1992. En janvier 1992, P’y face="EU Caron" ツngyang a annoncé la création de zones franches industrielles d’exportation à Najin et à Ch’ face="EU Caron" ツngjin. Ces mesures prouvent la volonté de P’y face="EU Caron" ツngyang d’introduire les capitaux sud-coréens.

Dans le domaine humanitaire, les Croix-Rouges des deux Corées menaient, depuis 1971, des négociations sur la question des familles séparées. Le 30 août 1972, les représentants de la Croix-Rouge du Sud se rendirent à P’y face="EU Caron" ツngyang. Les négociations se poursuivirent jusqu’en 1977 sans résultat. Toutefois, en 1984, le Nord accorda au Sud une aide alimentaire à la suite d’une inondation. Le Sud ne l’accepta que pour garder le contact avec le Nord. Entre le 20 et le 23 septembre 1985, les Croix-Rouges des deux Corées ont organisé une visite simultanée à Séoul et à P’y face="EU Caron" ツngyang des familles séparées: 151 membres, dont la délégation, une troupe d’artistes, des journalistes et une cinquantaine de membre des familles séparées pour chaque côté.

Les relations au niveau gouvernemental ont pris une tournure spectaculaire en 1991. En 1972 déjà, le président Park Chunghee avait reçu à Séoul le vice-Premier ministre du Nord, Pak Chungch’ face="EU Caron" ツl, et le président Kim Ilsung avait eu un entretien avec Yi Hurak, directeur du K.C.I.A. Puis, P’y face="EU Caron" ツngyang et Séoul publièrent, le 4 juillet, un communiqué commun affirmant leur volonté de réunification. Un comité de coordination Nord-Sud fut créé par la suite. Jusqu’en 1977, il se réunit à plusieurs reprises, en vain, avant de disparaître.

C’est en 1989 que les deux parties reprirent les négociations sur une rencontre des Premiers ministres. Elles parvinrent finalement à un accord en juillet 1990. Ainsi, lors de la première rencontre des pourparlers de haut niveau (5-7 sept. 1990), le Premier ministre nord-coréen, Y face="EU Caron" ツn Hy face="EU Caron" ツngmuk, accompagné de 90 personnes, a franchi le 38e parallèle pour se rendre à Séoul. C’était la première fois qu’une visite d’un tel niveau avait lieu depuis 1948. Y face="EU Caron" ツn fut reçu par le président Roh Taewoo. La deuxième rencontre eut lieu à P’y face="EU Caron" ツngyang (20-24 oct.). À cette occasion, le Premier ministre sud-coréen, Kang Y face="EU Caron" ツnghun, eut un entretien avec le président Kim Ilsung. Après la troisième rencontre à Séoul (12-15 déc. 1990), les pourparlers furent suspendus pendant un an.

Entre-temps, en mai 1991, il était clair que la Corée du Sud entrerait à l’O.N.U. sans problème, la Chine populaire ayant affirmé son intention de ne pas user de son droit de veto. La Corée du Nord décida alors de poser, elle aussi, sa candidature en renonçant à demander l’entrée commune des deux Corées (comme un seul pays) à l’O.N.U. Les deux Corées sont entrées simultanément à l’O.N.U. le 17 septembre.

Quant aux pourparlers de haut niveau, P’y face="EU Caron" ツngyang a ajourné la quatrième rencontre prévue en août 1991 sous prétexte qu’il y avait danger d’être contaminés par les Sud-Coréens, quelques cas de choléra ayant été signalés à ce moment-là, mais, en réalité, dans l’attente de l’issue du coup d’État militaire manqué à Moscou.

Les pourparlers furent repris pour la quatrième fois à P’y face="EU Caron" ツngyang avec le nouveau Premier ministre sud-coréen Ch face="EU Caron" ツng W face="EU Caron" ツnshik (23-24 oct.). C’est lors de la cinquième rencontre (12-13 déc.) à Séoul que les deux Premiers ministres Y face="EU Caron" ツn Hy face="EU Caron" ツngmuk et Ch face="EU Caron" ツng W face="EU Caron" ツnshik ont abouti, le 13 décembre 1991, à un « accord sur la réconciliation, la non-agression, la collaboration et les échanges entre le Nord et le Sud ». Accord-cadre, le pacte stipule plusieurs points: respect réciproque des systèmes politiques des deux pays; non-ingérence dans les affaires intérieures; renonciation à toute tentative de subversion et engagement de non-agression, la ligne de démarcation restant celle fixée par l’accord d’armistice; création d’une commission militaire chargée de procéder à un désarmement progressif de la péninsule et ouverture d’une ligne téléphonique directe entre les deux commandements militaires; rencontres et échanges de lettres entre les familles séparées grâce à la création d’un réseau spécial de P. et T., ainsi que rétablissement des transports entre les deux pays; développement de la coopération économique tant en matière d’exploitation des ressources naturelles que d’investissements.

Concernant les armes nucléaires, le Nord est soupçonné de posséder, à Y face="EU Caron" ツngby face="EU Caron" ツn à 90 kilomètres au nord de P’y face="EU Caron" ツngyang, des installations destinées à fabriquer la bombe atomique. Cette affaire, connue depuis 1987, rebondit en 1991. Afin de dénucléariser la péninsule, le Sud accepta le retrait des armes nucléaires américaines, lequel s’est discrètement achevé le 18 décembre 1991. Le 31, les deux parties sont parvenues à un accord de dénucléarisation. En outre, le Nord a signé, en janvier 1992, un accord sur l’inspection de ses installations par l’Agence internationale de l’énergie atomique.

La signature de cet accord historique de réconciliation constitue un premier pas important. Reste aux deux Corées à traduire dans les faits leurs bonnes intentions grâce à une véritable détente et à une coexistence pacifique, en attendant la réunification.

4. Arts de la Corée

Évolution générale

Le Paléolithique, le Mésolithique et le Néolithique sont traités dans l’article art PRÉHISTORIQUE - Extrême-Orient: Corée.

L’Âge du bronze

Période charnière entre le Néolithique coréen et l’Âge du bronze proprement dit, le IIe millénaire avant notre ère est marqué par l’introduction de la riziculture dans la péninsule, associée à un outillage perfectionné en pierre polie comprenant des couteaux semi-circulaires pour la moisson. Afin de libérer les terrasses basses pour les cultures, les villages se déplacent vers les pentes des collines. Les dolmens, généralement considérés comme les sépultures d’une élite naissante, apparaissent à cette époque, et une nouvelle céramique, grossière et sans décor, remplace progressivement celle de la période précédente dont les motifs géométriques se complexifient avant de disparaître.

Aux alentours de l’an mille avant notre ère, la métallurgie du bronze se développe dans la péninsule, accompagnée de sépultures en fosses dallées de pierres qui coexistent avec les dolmens. Le mobilier funéraire témoigne d’une forte hiérarchisation de la société: les armes et les miroirs en bronze, les très beaux poignards de pierre veinée finement polis, les vases rouges lustrés, les ornements de jade (dont les premiers magatama : ornements en forme de griffe) et les pierres précieuses caractérisent probablement les tombes de la classe dirigeante.

Divers ensembles de gravures rupestres à motifs figuratifs ou abstraits, des figurines animales en argile, des cuillères décorées, des visages sculptés sur bois et une flûte en os appartiennent également à l’Âge du bronze coréen.

L’Âge du fer

À partir de la fin du Ve siècle avant J.-C., la technologie du fer commence à se diffuser en Corée, et de nombreuses monnaies en forme de couteau fabriquées dans la principauté chinoise de Yan circulent dans la péninsule. Parallèlement, les mégalithes disparaissent, les modes de sépultures se diversifient et la riziculture devient intensive. Jusqu’au Ier siècle avant notre ère, l’usage du bronze continue cependant à jouer un rôle important dans la fabrication des armes, des miroirs et des nombreux objets rituels (cloches, plaques de formes variées à décors gravés et souvent munies de grelots). Des éléments de harnachement et des pièces d’ornement: boutons décorés de motifs géométriques simples, boucles de ceintures zoomorphes, complètent cet art mobilier en bronze. Les premières perles en verre, souvent tubulaires, apparaissent aussi à cette époque.

Vers 195 avant J.-C., le royaume de Wiman Chos face="EU Caron" ツn s’établit dans le nord-ouest de la péninsule, probablement favorisé par sa position d’intermédiaire dans le réseau commercial qui relie le nord de la Chine et les régions centre et nord-est de la Corée. Moins d’un siècle plus tard, en 108 avant J.-C., les Chinois envahissent ce royaume et y créent quatre commanderies. Celle de Lelang, célèbre pour ses tombes riches typiquement Han, se maintiendra jusqu’en313 après J.-C. Militaires, fonctionnaires civils, marchands et artisans s’y installent et entretiennent des relations avec les populations du Sud qui peuvent échanger du poisson, du sel, du fer, du bois et des produits agricoles contre des biens d’importation chinoise (objets en bronze, en fer ou en argent, laques, jades, soie). Les miroirs en bronze de type chinois, particulièrement prisés, sont ensuite copiés localement.

Les premiers royaumes

Durant les premiers siècles de notre ère, le royaume de Kogury face="EU Caron" ツ, situé au nord-est de la commanderie de Lelang, est déjà constitué en un véritable État avec un centre urbain entouré d’une muraille, une architecture monumentale et un gouvernement centralisé. Dans la partie méridionale de la péninsule, plusieurs entités politiques puissantes et hiérarchisées se développent: dans le Sud-Ouest, un groupe, dont les dirigeants sont inhumés dans de grands cercueils en jarres sous tumulus, sera intégré au royaume naissant de Paekche avant d’avoir pu s’organiser en État; dans le Sud-Est, la confédération de Kaya résistera plus longtemps à un autre jeune royaume, celui de Silla, qui annexera la région au milieu du VIe siècle, puis l’ensemble de la péninsule en 668.

De nombreuses tombes et leur mobilier, des rochers gravés ou sculptés de thèmes bouddhiques, quelques places fortes, des plans de palais et de temples représentent les principaux vestiges des royaumes coréens décrits dans les textes historiques chinois.

À Kogury face="EU Caron" ツ, les peintures funéraires qui décorent les chambres intérieures des grands tombeaux des régions de Tonggu et de P’y face="EU Caron" ツngyang sont bien conservées. Les plus anciennes (IVe-Ve s.) montrent le couple défunt ainsi que des scènes de banquets, de danse, de lutte ou de chasse. Des animaux fantastiques (serpents à deux têtes, chevaux et poissons ailés) apparaissent également. Ensuite, à partir du VIe siècle, les parois s’ornent de motifs d’origine chinoise qui représentent les quatre directions (tortue noire au Nord, phénix rouge au Sud, dragon vert à l’Est et tigre blanc à l’Ouest), et les plafonds en lanterne accueillent des génies célestes chevauchant des dragons ou jouant de la musique. Les motifs bouddhiques apparaissent très souvent dans ces peintures, montrant l’attrait de l’élite pour la nouvelle religion, introduite à Kogury face="EU Caron" ツ en 372. Les sculptures, également inspirées du bouddhisme, témoignent de l’influence du style des Wei du Nord (398-534) dans ce royaume depuis longtemps sinisé.

Réparties dans le bassin de la rivière Han, les plus anciennes tombes de Paekche, en dalles de pierre, évoquent celles de son voisin septentrional. Après le transfert de la capitale vers le sud, à Kongju en 474, puis à Puy face="EU Caron" ツ en 538, de grandes sépultures en briques estampées dans le style de la Chine centrale apparaissent au côté des tombes à chambre funéraire en pierre dont certaines présentent des traces de peintures murales dans la tradition de Kogury face="EU Caron" ツ. Malgré les nombreux pillages, ces tombes possédaient encore un mobilier luxueux avec des couronnes en bronze doré, des boucles d’oreilles en or, de la vaisselle en bronze et des épées à pommeau orné. Briques et tuiles, utilisées dans la construction des tombes, mais aussi des temples et des palais, sont souvent décorées, en relief, de motifs de fleurs de lotus, de nuages, de phénix, de dragons, de monstres et de paysages. Dès 384, le bouddhisme est introduit à Paekche d’où il sera transmis au Japon en 552. Les vestiges des monastères comprennent surtout des pagodes en pierre et de grandes représentations de Miruk (Maitreya ou Bouddha du futur). Les statuettes de Bouddha et de Bodhisattva, célèbres pour leur sourire délicat – dit « sourire de Paekche » –, s’inspirent du style des Qi du Nord. Des pierres pour le jeu dego, laquées de rouge et de bleu, et décorées de colombes, corroborent l’image de raffinement artistique souvent utilisée pour caractériser Paekche.

Les tombes du territoire de Kaya, à l’embouchure du fleuve Naktong, contenaient de grandes quantités d’objets prestigieux: couronnes en bronze doré, ceinture en argent, armures et casques en fer, boucles d’oreilles en or, épées et poignards à pommeau décoré d’un phénix ou d’un motif trifolié. Les nombreuses céramiques, dont de célèbres récipients en forme de canard, rappellent les productions de Silla. Au centre de polémiques passionnées – on discute notamment de ses relations avec le Japon occidental –, Kaya (appelée Mimana par les Japonais) a pu s’enrichir grâce au commerce du fer. Cependant, cette entité politique, qui ne semble pas très différente de ses voisins du point de vue des richesses accumulées ou du degré d’organisation apparent, se trouve exclue des Trois Royaumes décrits dans les textes historiques chinois et coréens.

Resté à l’écart des rivalités et des influences chinoises pendant les premiers siècles de notre ère, le royaume de Silla s’est progressivement organisé autour de sa capitale (l’actuel Ky face="EU Caron" ツngju) pour devenir, à partir du IVe siècle, un puissant État, commerçant avec des régions très éloignées. Les nombreuses tombes de la classe dominante sont généralement constituées d’une structure interne en bois recouverte d’un tertre de pierres et de terre. Des peintures funéraires sont connues, notamment dans la tombe du Cheval céleste, mais c’est le riche mobilier de ces sépultures souvent intactes qui les ont rendues célèbres: plusieurs couronnes en or et en bronze doré, des ceintures, des boucles d’oreilles et des coupes en or, des souliers en bronze doré, des éléments de harnachement, de très beaux verres importés. La céramique de Silla est réputée pour ses récipients en forme de cavalier ou de dragon, ainsi que pour ses vases dont l’épaule s’orne de figurines dans la tradition chinoise des céramiques de Yue. De même qu’à Paekche, de nombreuses tuiles et briques décorées en relief étaient utilisées en architecture. Adopté tardivement (à partir de 528), le bouddhisme s’est répandu rapidement à Silla, et la statuaire y est marquéepar l’influence de ses voisins. L’observatoire astronomique de Ky face="EU Caron" ツngju constitue également un témoin intéressant de cette période.

Il faut préciser que le sud-est de la péninsule, où se trouvaient Kaya et Silla, bénéficie d’une bonne conservation des vestiges et d’un nombre très important de fouilles et d’études, ce qui n’est pas le cas pour Paekche. Ainsi, le déséquilibre qui apparaît entre les régions du Ch face="EU Caron" ツlla et du Ky face="EU Caron" ツngsang à l’époque des Trois Royaumes n’est peut-être qu’une conséquence de l’avancement des recherches.

En complément, on se référera à l’article EXTRÊME-ORIENT(Préhistoire et archéologie) - Corée: préhistoire, archéologie et arts.

Le Grand Silla (668-935)

À partir de 668, le Silla s’épanouit sous l’égide des Tang, dont il adopte la culture et les mœurs. Ky face="EU Caron" ツngju est rebâti sur le plan en damier de Chang’an, la métropole chinoise. Un important trafic maritime dans le nord de la mer de Chine assure la prospérité du royaume. Aux alentours de Ky face="EU Caron" ツngju, de nombreux vestiges évoquent la splendeur de l’ancienne cité où triomphait le premier art Tang (VIIe-VIIIe s.): étangs où se reflétaient les palais; mausolées des souverains, dont les sculptures révèlent, tout comme les nombreuses images bouddhiques taillées à même le rocher, la maîtrise des tailleurs de pierre; pagodes carrées; terrasses en appareil cyclopéen du Pulkuk-sa (en japonais: Bukkokuji), monastère fondé en 751; hauts-reliefs de Syokkulam (ou S face="EU Caron" ツk-kul-am, en japonais: Sokokuji), grotte artificielle abritant un Bouddha monumental. Tuiles et briques sont ornées de fleurs de lotus et de chèvrefeuille. Orfèvres et bronziers rivalisent dans la création d’images bouddhiques, de reliquaires, de cloches. Un certain déclin se manifeste au cours du IXe siècle, où le culte de Bhaisajyaguru (Bouddha de médecine) se manifeste par de nombreuses statuettes en bronze; leur corps massif est drapé dans des étoffes aux plis symétriques, et leur tête volumineuse a souvent des traits stéréotypés.

L’époque de Kory face="EU Caron" size=4ツ (918-1392)

La chute des Tang, en 906, devait entraîner celle du Silla. La dynastie Kory face="EU Caron" ツ établit alors sa capitale à Kaes face="EU Caron" ツng (ou Kä-s face="EU Caron" ツng, en japonais: Songd 拏), à mi-chemin entre Séoul et P’y face="EU Caron" ツngyang. Fervents bouddhistes, les souverains Kory face="EU Caron" ツ créent de nombreux monastères et accordent aux moines une grande place dans la vie politique. L’imprimerie alors florissante favorise le développement de la culture. Bâti à flanc de colline, le palais de Kaes face="EU Caron" ツng utilise les partis architecturaux des Song du Nord. L’influence de la Chine est aussi visible dans les pagodes octogonales au fût élancé revêtu d’un décor foisonnant. L’usage de la fonte de fer renouvelle en outre la plastique coréenne.

L’art de l’époque de Kory face="EU Caron" ツ est essentiellement aristocratique et les ateliers du palais abritent de nombreux artisans. Les textes japonais contemporains ont vanté la beauté de leurs laques incrustés de motifs en nacre: fleurs ou paysage de rivière où évoluent des canards mandarins sous les saules pleureurs. On retrouve les mêmes thèmes, tracés en fils d’argent, sur les kundika (vases à eau lustrale) en bronze et sur les miroirs.

Les céladons, déjà vantés par un Chinois en 1125, étaient, bien que produits dans le sud du pays, destinés à la Cour qui dirigeait certainement cette production: de nombreux céladons furent exhumés des tombes princières de la région de Kaes face="EU Caron" ツng.

En 1236, les Coréens sont submergés par une invasion mongole et, contre leur gré, leur flotte est contrainte de participer aux tentatives infructueuses de débarquement des Mongols au Japon (1274 et 1281). Tandis que les pirates japonais pillent ses rivages, la Corée s’appauvrit et ses productions artistiques perdent peu à peu leur perfection.

L’époque Yi (1392-1910)

Bien que, dès 1368, les Chinois aient chassé les Mongols de leur propre territoire, les Coréens restèrent fidèles à leur alliance jusqu’en 1392. À cette date, le général Yi (ou Li) prit le pouvoir et reconnut la suzeraineté des Ming. Comme ceux-ci, les souverains Yi devinrent résolument confucianistes, et leurs fonctionnaires (yang-ban ) étaient éduqués dans des écoles confucéennes. Des nombreuses sectes bouddhiques, seule persista la secte S face="EU Caron" ツn (en chinois: Chan).

Les Yi avaient fondé leur capitale, Séoul, au bord de la rivière Han; ils l’entourèrent de murailles et y construisirent, à l’imitation de la Cité interdite de Pékin, le palais Ky face="EU Caron" ツngbok. Dans la longue histoire de la dynastie Yi (ou Li), on peut distinguer deux périodes. La première, qui s’étend de 1392 à 1592, fut très brillante et vit se développer l’imprimerie à caractères mobiles ainsi qu’un alphabet, inspiré du sanscrit, qui permit une transcription plus aisée de la langue coréenne et favorisa le développement d’une littérature populaire. Les Yi avaient créé une Académie de peinture où rivalisaient les peintres professionnels chargés des portraits de cour et les amateurs (yang-ban ) qui, à l’image des Chinois, s’adonnaient à des recherches calligraphiques dans leurs paysages, leurs tableaux de fleurs ou de bambous.

La céramique connut un nouvel essor; tandis que les porcelaines blanches, parfois rehaussées de bleu de cobalt, étaient fabriquées pour la Cour, les potiers du Sud créaient des pièces plus lourdes, ornées de décor graphique peint ou incrusté sous une couverte gris-vert ou blanche.

Ravagée au Sud par les Japonais qui l’occupèrent de 1592 à 1598, au Nord par les Chinois venus l’aider à repousser Hideyoshi, le dictateur japonais qui prétendait conquérir la Chine, la Corée a perdu, dans les pillages, de nombreux objets d’art. C’est dans certains monastères japonais que l’on peut admirer ses élégants guéridons et ses boîtes en laque.

Peu de temps après avoir délivré leur territoire, les Yi furent assujettis aux Mandchous (1634). Dès lors, le pays se replie surlui-même, restant fidèle dans sa culture et ses usages à la tradition Ming. Le XVIIIe siècle verra un retour à la prospérité et à la naissance d’une peinture de mœurs empreinte d’humour.

Les fours royaux produisent à nouveau des porcelaines. Mais des luttes politiques appauvrissent les provinces et, à l’exception de belles armoires en bois roux, ornées de ferrures de cuivre et de coffres peints en couleurs vives sous une couche de corne, les créations artistiques ne se renouvellent pas.

Seule la céramique populaire garde sa vigueur, avec de grandes jarres en porcelaine grossière rehaussées d’un décor peint en brun ou en rouge de cuivre aux motifs simples et naïfs.

Orfèvrerie

S’inspirant des techniques chinoises, les orfèvres coréens les ont adaptées à des formes dont l’origine semble devoir être attribuée aux cavaliers des steppes eurasiatiques.

La boucle de ceinture en or, découverte dans une tombe chinoise de Lelang, peut être considérée comme un double symbole: symbole d’abord d’un art cosmopolite puisque, si son décor de dragons est chinois, sa forme dut être transmise par les barbares du Nord, tandis que les grainetis qui la rehaussent provenaient de l’Orient ancien; symbole historique aussi, car elle prélude aux créations coréennes des siècles suivants.

La maîtrise des orfèvres Han s’est, en effet, perpétuée dans la Corée des Trois Royaumes (IIIe-VIIe s.). Elle a été révélée par la trouvaille à Ky face="EU Caron" ツngju, en 1921, d’une tombe qui contenait plusieurs joyaux; le plus prestigieux était une couronne en or, composée d’une coiffe de forme pointue, prolongée en arrière par deux ailes ajourées portant des paillettes; à la base, un cercle, orné en pointillé, supporte cinq éléments verticaux d’où pendent de nombreux magatama en jade (ces ornements en forme de griffe, que l’on croyait particuliers au Silla et au Japon, semblent d’origine septentrionale, et l’on en a trouvé un exemple dans une tombe chinoise datant du VIIe siècle avant J.-C.). De chaque côté du cercle de la couronne, deux longues pendeloques en chaînettes et paillettes soutiennent aussi des magatama.

D’autres couronnes, moins complètes, ont été retrouvées par la suite dans les sépultures du Silla, et l’une d’entre elles était surmontée de phénix. On a découvert également une ceinture de cérémonie formée de plaquettes ajourées portant des pendentifs où sont accrochés divers objets ainsi que des boucles d’oreilles, faites de gros anneaux creux d’où pendent, par l’intermédiaire de motifs en filigrane, des glands agrémentés de feuilles à bord perlé, des ornements d’arçon en bronze ajouré et doré, ainsi que des étriers. Le Silla, qui avait au VIe siècle conquis le cours supérieur de la rivière Han, disposait de mines d’or qui lui permirent la création de ces joyaux.

On sait, à présent, grâce à plusieurs découvertes, que ces parures n’étaient pas l’apanage du Silla et que les deux royaumes voisins lui ont fourni des modèles. Une couronne en bronze doré et des boucles d’oreilles en or ont été exhumées à Paekche et révèlent un art plus élaboré. Dans certaines peintures funéraires de Kogury face="EU Caron" ツ figurent des couronnes et des coiffes. En 1941, une coiffe en bronze doré a été découverte à P’y face="EU Caron" ツngyang. Elle se compose de deux plaques ornées de dragons et de phénix entourés de nuages, qu’encadre un bord emperlé. Ces plaques étaient doublées de minces feuilles d’écorce de bouleau sur lesquelles étaient fixées les ailes chatoyantes de l’insecte tamamushi (Chrysochroa fulgidissima ). Il semble désormais établi que le Silla a schématisé les motifs empruntés à ses voisins ou, par leur intermédiaire, à la Chine; des plaques de ceinture découvertes à Nankin, dans une tombe des Six Dynasties, s’ornent d’un motif de nuage qui, traité avec moins de souplesse, se retrouve dans le décor de la ceinture de cérémonie de la tombe de la Couronne d’or de Ky face="EU Caron" ツngju.

Architecture

Sépultures

C’est à la vieille culture coréo-mandchoue que peut être attribué l’usage de l’ong-dol , chauffage au moyen d’une sorte d’hypocauste dont l’existence, attestée dès le Néolithique (habitat semi-souterrain au sud du fleuve Tumen), s’est perpétuée jusqu’à nos jours dans les yamen à la mode chinoise.

L’architecture coréenne est surtout une architecture de pierre. Cette particularité, qui la distingue des architectures des pays voisins (Chine et Japon), semble due tant à l’excellente qualité et à l’abondance du granit local qu’à certaines traditions mégalithiques qui se perpétuent à l’époque du Kogury face="EU Caron" ツ. Les premières sépultures, situées au nord du Yalu, sont encore des dolmens ou des pyramides à degrés, formées de blocs de pierre. La stèle du roi Kwanghae, près de P’y face="EU Caron" ツngyang, n’est autre qu’un menhir. Elle porte une inscription de 1 800 caractères, datée de 414, qui constitue un document précieux pour l’histoire de la Corée et du Japon. Les places fortifiées, tant sur les bords du Yalu que dans la région du Taedong, comportent des murs appareillés en pierre.

La découverte, dans la région de P’y face="EU Caron" ツngyang, de la tombe d’Anak, élevée sans doute en 357 pour un transfuge du Liaodong au service du Kogury face="EU Caron" ツ, permet de supposer que cette sépulture aurait été à l’origine de l’adoption par le Kogury face="EU Caron" ツ d’une architecture funéraire plus complexe. Cette tombe en pierre imite les sépultures en briques des chinois du Liaodong, qui comprennent plusieurs salles, couvertes en coupoles et séparées par des linteaux reposant sur des piliers. Ces structures se retrouvent dans les sépultures de T’onggu au nord du Yalu, où l’on peut suivre l’évolution des coupoles en forme de lanterne, faites d’éléments triangulaires posés en encorbellement et couronnés d’une dalle plate. Vers les Ve et VIe siècles, cette formule trouvera son parfait accomplissement dans les tumulus de P’y face="EU Caron" ツngyang qui abritent une vaste salle, précédée par deux piliers à pans coupés. Ces tombes sont faites de dalles de pierre soigneusement taillées et ajustées. On retrouve les mêmes sépultures, très ruinées, dans la région de Séoul, première capitale de Paekche, tandis qu’au début du VIe siècle, sous l’influence de la Chine centrale, on adopte les tombes en briques estampées des dynasties de la Chine du Sud (cf. EXTRÊME-ORIENT - Corée: préhistoire, archéologie et arts).

Architecture religieuse

Rien ne subsiste au royaume du Kogury face="EU Caron" ツ de l’architecture urbaine ou religieuse; seul le plan d’un monastère a pu être reconstitué grâce aux bases de colonnes et aux terrasses qui supportaient les édifices: le sanctuaire central y était monté sur un socle octogonal. La présence de nombreuses tuiles, ornées de pétales de lotus, indique que, dès ce moment, les principes de l’architecture chinoise avaient été adoptés. Il en est de même au royaume du Paekche et, dans la région de Puy face="EU Caron" ツ, sa dernière capitale, on a retrouvé le plan d’un autre monastère où la porte principale, la pagode et le sanctuaire sont disposés sur un même axe sud-nord; cette disposition se répète au Shitenn 拏-ji d’ 牢saka, la plus ancienne fondation bouddhique du Japon (fin du VIe s.), où des artisans venus du Paekche ont dû intervenir.

À Puy face="EU Caron" ツ encore, une petite pagode carrée, à cinq étages, imite dans la pierre les pagodes en briques chinoises. Elle constitue l’exemple le plus ancien d’un genre qui se perpétuera au cours des siècles et qui, moins fragile que les édifices en bois, depuis longtemps disparus, permet de suivre le développement de l’architecture coréenne; celle-ci reste sous l’influence toujours renouvelée du grand empire voisin.

Plus favorisé, Ky face="EU Caron" ツngju conserve encore quelques souvenirs de sa splendeur d’antan, tel un observatoire construit en 632, tour haute de 9 m, appareillée sans enduit. Un nouveau mode de sépulture y fut aussi conçu, sous l’influence des Tang. Les mausolées princiers sont des tumulus ronds, ceinturés à leur base d’une épaisse corniche en pierre qui supporte des dalles ornées des douze signes du zodiaque. Une allée bordée de statues de fonctionnaires civils et militaires les précède. Cette formule sera reprise sous les dynasties ultérieures, mais les décors sculptés, plus lourds, perdront peu à peu leur fraîcheur.

De nombreuses pagodes ont subsisté; carrées, de forme massive à l’imitation des pagodes Tang, elles témoignent de l’abondance des fondations religieuses. Non loin de l’antique capitale, le monastère de Pulkuk-sa, consacré en 751, a conservé sa terrasse en appareil cyclopéen et ses escaliers à double volée. Sur cette terrasse se dressent encore deux petites pagodes et une lanterne en pierre, proche, quoique beaucoup plus simple, de la lanterne en bronze placée devant le Daibutsu-den du T 拏daiji de Nara (752). L’usage de ces lanternes en pierre constitue l’une des originalités des sanctuaires coréens. À la fin du XVIe siècle, bon nombre d’entre elles ont été emportées par les daimy 拏 japonais qui en ornèrent leurs jardins.

Au Kamun-sa, sur le littoral de la mer du Japon, où s’élèvent deux pagodes à cinq étages, des fouilles ont révélé que le socle en pierre du sanctuaire était creux, une cavité étant ménagée entre deux surfaces dallées. La signification de cette disposition nous échappe. Nulle part les superstructures en bois n’ont subsisté. Le temps (le bois coréen est trop tendre), les incendies ou les invasions les ont fait disparaître.

Variantes coréennes

Si les Coréens, comme les Japonais, adoptèrent les modes de l’architecture chinoise (colonnes reposant sur une terrasse en pierre et supportant des consoles qui soutiennent le toit lourd et débordant), ils se distinguèrent de leur modèle dans la mise en œuvre de ces principes. Le souci d’adapter les bâtiments au cadre naturel est plus marqué en Corée, et la symétrie y sera bientôt abandonnée. Il faut dire que la plupart des monastères sont situés dans des zones montagneuses et qu’une vieille tradition exigeait que les maisons paysannes, aux murs de torchis et recouvertes de chaume, fussent placées sur une hauteur surplombant les champs. Cet abandon de la symétrie, en honneur dans la Chine voisine, se signale dès la construction de Kaes face="EU Caron" ツng au Xe siècle; la ville est entourée d’une enceinte aux contours sinueux et le palais est disposé sur les pentes d’une colline.

Pays pauvre, la Corée n’a jamais élevé de monuments d’une grande ampleur et s’est toujours attachée à la création de sculptures simples et fonctionnelles. Bien souvent, le bois poli remplace les décors chargés et les revêtements colorés. Cette volonté de simplicité est sensible dans deux sanctuaires du Pus face="EU Caron" ツk-sa, datés de 1350. Un renouveau d’influences chinoises entraîne, après l’avènement des Yi (Li), un retour à la symétrie dans les palais, les bâtiments officiels et les sanctuaires confucéens. On observe aussi une amélioration des techniques de charpente et le perfectionnement des assemblages à tenon et mortaise.

Bien qu’ils aient été rebâtis à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, sur leur plan initial du XVe, les palais Ky face="EU Caron" ツngbok et Changdok de Séoul permettent encore de se rendre compte des procédés architecturaux du début des Yi. La grande salle d’audience, imitation réduite du Taihedian de la Cité interdite de Pékin, est placée au milieu d’une cour ceinte de portiques, dont l’allée centrale, réservée au souverain, conduit à des degrés ornés de phénix ciselés. Contrairement aux palais de Pékin, où dominent les toits jaunes, couleur des empereurs mandchous, les toitures de Séoul varient du bleu foncé au turquoise, au rose violacé et au vert pâle. Les éléments de bois sculptés ne sont pas comme à Pékin rehaussés de couleurs. Cependant, le goût des Coréens pour la pierre apparaît encore dans le pavillon des banquets du palais Ky face="EU Caron" ツngbok, qui dresse, au-dessus d’un étang semé de fleurs de lotus, ses deux étages que supportent quarante-huit piliers en pierre, hauts de 4,60 m.

Sculpture

L’époque des Trois Royaumes

L’introduction de l’art plastique à l’époque des Trois Royaumes est en liaison avec celle du bouddhisme. L’étude de ses débuts est rendue délicate par le petit nombre d’œuvres conservées, par le manque de repères datés, par l’imprécision des lieux d’origine.

Le Kogury face="EU Caron" ツ subit l’influence du style des Wei du Nord (398-534) dont il devait perpétuer les traditions bien après sa disparition en Chine. Actuellement, aucun document ne semble remonter au-delà du VIe siècle. L’un des plus anciens serait un Bouddha en bronze doré, haut de 9 cm (coll. Yong Namging, Séoul), assis sur un socle carré, aujourd’hui disparu, que recouvraient des draperies évoquant le style de Longmen. Le Dr Kim Chewon attribue aussi au royaume de Kogury face="EU Caron" ツ, bien qu’il ait été découvert dans le Sud-Est, un Bouddha, debout sur un socle, se détachant sur une mandorle ornée de flammes incisées, au tracé malhabile. La statuette à tête ovale, surmontée d’une haute ushn 稜sha , protubérance crânienne du Bouddha, recouverte de boucles traitées de façon sommaire, porte la robe sanghati croisée qui retombe sur le bras gauche et forme sur les côtés plusieurs ailerons. Cette figurine en bronze doré, haute de 17 cm, porte une date, équivalant vraisemblablement à l’an 539 de notre ère. Le traitement de la tête et de la chevelure sont très différents des autres représentations du Bouddha: Triade de 563 (coll. Hyung-pil Chun, Séoul) ou Triade de 571 (coll. T. H. Kim, Séoul) où, sur la tête assez forte, comme à Yungang, l’ushn 稜sha très développée est dépourvue de boucles.

Dans la seconde moitié du VIe siècle, les Bodhisattva (modèles en terre cuite découverts à P’y face="EU Caron" ツngyang ou en bronze doré des collections du palais Duksoo) portent la double écharpe aux plis parallèles croisés à la hauteur des genoux et retombant en ailerons, caractéristique des sculptures de Longmen.

C’est ce même costume qui revêt un Bodhisattva découvert à Puy face="EU Caron" ツ, mais le visage, qu’encadrent des tresses retombant sur les épaules, est animé d’un sourire enfantin. Ce sourire et le modelé des jambes plus marqué sous les draperies évoquent le style plus tardif des Qi du Nord (550-577). On sait qu’en 541, le Paektche avait obtenu de Nankin, capitale des dynasties du Sud, l’envoi de sculpteurs qui œuvrèrent à Puy face="EU Caron" ツ. Trouve-t-on au royaume du Paekche, comme en Chine du Nord, l’écho de cet art de la Chine du Sud dont ne subsiste malheureusement presque aucune trace?

Assis sur un socle carré, un Bouddha en stéatite, provenant de Puy face="EU Caron" ツ, rappelle le Bouddha en bronze doré du Kogury face="EU Caron" ツ, mais le corps se distingue par sa pesanteur et son volume, tandis que le visage s’éclaire d’un sourire ingénu qui sera transmis au Japon au cours du VIIe siècle. On retrouve ce sourire dans une statuette d’Avalokiteçvara (Bodhisattva de la miséricorde) dont le corps gracile et légèrement hanché se dessine sous le vêtement qui modèle les jambes et s’orne de cordons orfévris.

Le culte de Mirok semble être apparu d’abord au royaume du Kogury face="EU Caron" ツ, qui en possède une représentation assez maladroite très éloignée de l’admirable statue en bronze, d’une hauteur de 93,5 cm, conservée parmi les anciennes collections royales au palais Duksoo de Séoul. Longtemps attribuée au royaume du Silla, elle semble, selon le docteur Kim, devoir être restituée à celui du Paekche dont elle constituerait le chef-d’œuvre. Une coiffure à trois indentations couronne le visage plein, au regard perdu dans un rêve; le corps, assis dans la pose de la méditation, est moulé d’une étoffe légère qui forme quelques plis aigus sur le genou replié. Le siège rond est couvert d’une draperie aux plis savants. Cette œuvre est d’autant plus précieuse qu’elle semble avoir servi de modèle pour une statue en bois de pin du K 拏ry ji de Ky 拏to, fondation des Hata, famille coréenne établie, dès la fin du VIe siècle, dans la région de la future capitale japonaise.

C’est au Paekche que furent ciselées les plus anciennes images taillées à même le rocher dans la région de S face="EU Caron" ツsan, où l’on retrouve, flanquant, avec Avalokiteçvara debout, une grandiose représentation d’Amit bha (de 2,66 m de haut), un Mirok en méditation. Cette œuvre doit dater du début du VIIe siècle.

À la même époque, les premières images bouddhiques apparaissent au royaume du Silla. Il semble qu’elles aient surtout emprunté leurs modèles au Kogury face="EU Caron" ツ, dont elles conservent les têtes aux amples proportions ainsi que l’expression sévère. Le souvenir de l’art des Wei est encore très sensible dans le Bodhisattva debout dans la collection Hyung-pil Chun (haut. 18,8 cm) où l’on notera, en dépit des cordons de perles noués sur les genoux par un cabochon, la persistance des écharpes s’étageant sur les côtés et l’ampleur de la tête triangulaire sous la couronne ajourée.

Au musée de Ky face="EU Caron" ツngju, le thème de Mirok est hardiment taillé dans la pierre, et on le retrouve encore dans un magnifique bronze doré (haut. 80 cm) du Musée national de Corée. Sous la haute couronne, primitivement ornée de deux st pa , le visage ovoïde aux traits aigus et sévères évoque celui de la Yumedono Kannon du H 拏ry ji. Le châle enserrant les deux épaules et le travail des draperies évoquent encore le style Wei, mais une certaine schématisation est sensible dans le traitement des plis.

D’autres représentations du même genre, mais de dimensions plus réduites, indiquent que les sculpteurs du Silla n’étaient pas encore parvenus à équilibrer les proportions des différentes parties du corps; les têtes sont fortes, les bras longs et graciles, le torse allongé, très mince.

Le Grand Silla (668-935)

Vers le milieu du VIIe siècle, cet équilibre semble acquis et l’on voit apparaître mouvement et volume dans les rois-gardiens qui ornent les faux vantaux des portes de la pagode du Punhwang-sa. Déjà s’annonce l’influence triomphante de l’art Tang qui vit l’apogée de la sculpture chinoise. Elle s’affirme dans les deux statuettes en or, découvertes dans le coffret de fondation de la pagode du Hwangbok-sa, remontant à la fin du VIe et au début du VIIe siècle. Les formes pleines, les draperies élégantes, le raffinement des mandorles ajourées révèlent les progrès des sculpteurs et la science des orfèvres.

Les Coréens ont alors une parfaite maîtrise de la sculpture sur pierre; la tortue servant de base à la stèle, aujourd’hui disparue, du roi Kim-yang, les représentations des signes zodiacaux ceinturant le tumulus de Kim Yu-sin, ou encore les fonctionnaires civils et militaires précédant le mausolée de Kwe-nung, en témoignent.

Cette maîtrise s’affirme dans les nombreuses images taillées à même le rocher, aux alentours de Ky face="EU Caron" ツngju. Bien que fort endommagés par les intempéries, le Bouddha et le Bodhisattva du Kulpul-sa, à Ky face="EU Caron" ツngju, aux corps légèrement hanchés sous des draperies mouillées, en sont les exemples les plus significatifs. La production est alors très abondante et l’on y distingue des partis divers, tel le grand Bouddha de 720 (musée de Ky face="EU Caron" ツngju), vêtu d’une sangh ti dont les plis symétriques sont marqués par deux lignes parallèles profondément incisées, trait que l’on retrouve, transposé dans le bois, dans les statues du T 拏sh 拏daiji de Nara. Mais l’ensemble le plus accompli est réuni dans la grotte artificielle du Syokkulam (Corée du Sud-Est), creusée, au milieu du VIIIe siècle, au sommet d’une colline. Cette grotte abrite, sous un nimbe, sculpté au sommet de sa voûte, le Bouddha Ç face="EU Caron" オkyamuni (haut. 3,37 m) assis sur un haut socle octogonal. L’image sereine est entourée des dix disciples, de deux arhat et de quatre Bodhisattva, ciselés sur les dalles formant les parois. Le réalisme des visages exotiques des disciples et des arhat s’allie à l’élégance des poses et des parures des quatre Bodhisattva, qui égalent les reliefs du Baotingsi de Chang’an. La sensibilité et la science du modelé n’excluent pas la vigueur du traitement. On peut le constater dans les rois-gardiens qui ornent le vestibule de la grotte, ainsi que dans celui, malheureusement fragmentaire, qui maîtrise des démons, moulé sur une brique, seul vestige du décor d’une pagode.

Contemporaines du Syokkulam, les deux grandes statues en bronze conservées au Pulkuk-sa montrent que les bronziers ne le cédaient en rien aux tailleurs de pierre, ce que confirment les rois-gardiens et les petites figurines qui ornent le reliquaire découvert dans une des pagodes du Kamun-sa. Mais cet équilibre si parfait est éphémère. Bientôt, sous l’influence de l’art des Tang qui, à la fin du VIIIe siècle, a tendance à se stéréotyper, toute tension intérieure disparaît des nombreuses effigies de Bhaiçajyaguru, et on donne à nouveau aux têtes les amples proportions particulières à l’art coréen.

L’époque de Kory face="EU Caron" size=4ツ (918-1392)

En dépit de la ferveur bouddhique des souverains de Kory face="EU Caron" ツ, les statues de cette époque sont relativement peu nombreuses. Un Bouddha en argile du Pus face="EU Caron" ツk-sa, défiguré par des restaurations tardives, perpétue le style officiel du IXe siècle. Plus originales sont les effigies en bronze de fer dont la sobriété semble vouloir réduire la forme à l’essentiel. Mais nous ignorons si cette sobriété était voulue ou si les détails, aujourd’hui disparus, avaient été ajoutés grâce à des modelages en laque rehaussés de couleurs. Des rochers, des parois de collines sont souvent couverts d’images pieuses en relief ou gravées, œuvres d’artistes locaux. Une des œuvres les plus populaires est le Mirok de Nonsan, aux mains énormes, à la tête ovoïde surmontée d’une haute coiffure se terminant en pagode carrée.

Mausolées et pagodes sont, à l’instar des monuments chinois, revêtus d’un décor souvent touffu et plus pictural que plastique.

Mais la sculpture coréenne a perdu sa vitalité. Les personnages et les reliefs qui ornent les sépultures des souverains Yi (Li) à Séoul ne sont plus qu’un pâle reflet des grandioses images d’antan.

Peinture et calligraphie

Décors funéraires du Kogury face="EU Caron" size=4ツ

Dès 1920, les fouilles effectuées dans les tumulus qui jalonnent la plaine de P’y face="EU Caron" ツngyang ont rendu célèbres les grandes décorations peintes des sépultures princières du royaume du Kogury face="EU Caron" ツ. Elles furent longtemps, avec les fresques de Dunhuang, les seuls témoins connus du développement de la peinture chinoise entre le Ve et le VIIe siècle.

Des découvertes plus récentes ont permis de replacer les peintures du Kogury face="EU Caron" ツ dans un contexte plus vaste. Les tombes peintes de Luoyang, Wangdu et Liaoyang, les tombes à décor ciselé dans la pierre du Shandong et du Jiangsu, les briques estampées du Sichuan permettent de reconstituer l’élaboration, au cours de l’époque Han, d’un programme qui réservait plafonds et voûtes aux représentations cosmiques et les parois à des scènes de cérémonie empruntant à la vie profane de nombreux détails.

Selon des études effectuées dans les années 1960, l’introduction de ces décors funéraires au Kogury face="EU Caron" ツ aurait pour origine la tombe d’Anak, près de P’y face="EU Caron" ツngyang, datée de 357, où, à l’intention d’un transfuge du Liaodong qui exerça de hautes fonctions à la cour du Kogury face="EU Caron" ツ, furent repris les motifs empruntés aux tombes chinoises: défunt entouré de ses serviteurs, son épouse parmi ses dames, préparatifs de scènes de banquets avec leurs divertissements de jeux et de danses, chasses et cortèges. Anak aurait ensuite servi de modèle pour les sépultures de T’onggu en Mandchourie méridionale, centre gouvernemental du Kogury face="EU Caron" ツ avant le transfert du gouvernement à P’y face="EU Caron" ツngyang en 427.

Mais les sépultures de T’onggu présentent une grande variété de thèmes interprétés si diversement qu’Anak ne peut avoir été l’unique source de leur inspiration. Tous ces décors se signalent par la souplesse des lignes et le mouvement qui emporte cortèges, chasses, danseurs et de nombreux arbres agités par le vent.

À P’y face="EU Caron" ツngyang, vers les VIe et VIIe siècles, la peinture tend à l’uniformité; tandis que les plafonds en lanterne s’ornent de génies célestes aux écharpes flottantes parmi des nuages, et de rinceaux fleuris où apparaissent des lotus et des palmettes, les parois sont réservées à de grandioses représentations des symboles animaux des Quatre Orients.

On trouve un écho de ces grandes compositions dans les premières sépultures du royaume du Paekche, mais les ravages exercés par le temps rendent difficile l’appréciation de leur qualité artistique. Le talent du Paekche est plus sensible dans les briques estampées à l’emplacement d’un monastère des environs de Puy face="EU Caron" ツ: phénix au milieu des nuages et, surtout, paysages aux formules diverses, collines arrondies se profilant sur l’horizon ou rochers feuilletés et superposés. Inconnue jusqu’alors, les peintures de Silla nous ont été révélées par la fouille du double tumulus de Ky face="EU Caron" ツngju (cf. EXTRÊME-ORIENT - Corée: préhistoire, archéologie et arts).

Le Grand Silla et l’époque de Kory face="EU Caron" size=4ツ (668-1392)

La peinture du Silla a complètement disparu, mais l’élégance des compositions s’affirme dans les briques ornées de rosaces qui s’inspirent des textiles Tang, dans les tuiles à décor de pétales de lotus ou de rinceaux de chèvrefeuille, dans les cloches en bronze sur les parois desquelles flottent des apsara , nymphes et musiciennes célestes entourées de nuages.

De l’époque de Kory face="EU Caron" ツ dont l’activité picturale est attestée par de nombreux textes, bien peu d’œuvres ont subsisté. La plupart des peintures murales ornant les sanctuaires ont disparu ou sont défigurées par des reprises plus tardives.

L’époque Yi (1392-1910)

À l’époque Yi (ou Li), un Bureau des arts, créé par les souverains, réunissait les peintres professionnels chargés de l’exécution des portraits princiers, tracés en lignes fines et rehaussés de couleurs vives, et les « amateurs », issus de la classe des fonctionnaires (yang-ban ) qui, à l’instar des wenren chinois, avaient adopté l’idéal confucéen et s’adonnaient à la calligraphie et à la peinture. Ils se réclamaient de l’école du Sud et adjoignaient à leur vision de la nature l’expression de leur propre personnalité. Dans leurs jeux d’encre, ils recherchaient surtout la spontanéité, qui avait pour eux plus de prix que toutes les prouesses techniques. Mais, au XVe siècle, ces amateurs restent encore si attachés à leurs modèles qu’ils reproduisent des paysages chinois, ce qui donne à leur peinture, en dépit d’une certaine originalité calligraphique, un aspect quelque peu artificiel. Peu d’œuvres nous ont été transmises. On cite surtout le nom de Kang Houi-an qui visita la Chine et, calligraphe réputé, fut chargé par le roi Se-djong de tracer les idéogrammes qui devaient être fondus dans le cuivre pour les impressions à caractères mobiles patronnées par le souverain.

Au XVIIe siècle, la misère des temps entraîna la dispersion des artistes dans les différentes provinces. Certains d’entre eux subirent alors l’influence des moines de la secte S face="EU Caron" ツn (Chan) qui pratiquaient une cursive très libre: Kim Myong-duk, qui travailla sous le règne du roi Injo (1623-1650), est célèbre pour ses compositions au graphisme empreint d’humour.

Dans un pays pacifié et relativement prospère, les peintres du XVIIIe siècle, tout en restant fidèles à la tradition Ming, s’adonnent à l’éclectisme et ne restent indifférents ni à l’art occidental dont les échos leur parviennent par la Chine, ni aux estampes japonaises. On voit apparaître des artistes, issus de la classe moyenne, tels Kim Duk-sin (1754-1822) et Sin Yung-bok (1758-?), qui transposent le lyrisme champêtre et les penchants rustiques de l’école chinoise de Tchö dans des scènes de la vie populaire.

Cette tendance à la « coréanisation » des sujets a incité Chong Son (1676-1759) à transposer dans les paysages de son propre pays (montagnes de Diamant) le dynamisme grandiose de l’école chinoise de Wu, tandis que le style archaïsant des néo-académiciens Ming se retrouve chez Yi In-mun (1746-1825). Cet éclectisme est encore plus marqué dans l’œuvre de Kim Hong-do, plus connu sous le nom de Tanwon (1760-?), qui passe de grandes compositions lyriques à un style plus dépouillé et plus intime et à qui l’on attribue une représentation d’un chien dans le style occidental.

Bien que la fin de l’époque Yi ait consacré la décadence d’une peinture dont les sources d’inspiration ne se sont pas renouvelées, on assiste depuis une vingtaine d’années à un renouveau plein de promesses.

Céramique

Le Vieux Silla (IVe-VIIe s.)

« Une céramique dépourvue de toute affectation », telle était la définition de la production coréenne que donnait William B. Honey, l’un des meilleurs connaisseurs de notre temps. Cette céramique s’inscrit, en effet, entre le classicisme rationalisé des créations chinoises et la recherche volontaire des effets naturels des Japonais.

Chez les potiers coréens, la spontanéité est de règle et c’est pourquoi, poursuivait Honey, leurs œuvres atteignent à une perfection rarement dépassée, même chez les Chinois. Il est de fait que certaines pièces se signalent par une excellence qui prime toutes les autres; mais cette excellence semble l’effet du hasard et, bien souvent, on remarque certains défauts: coups de feu, légers tassements, bases plus ou moins soignées qui, loin de nuire à l’ensemble, donnent aux pièces un charme de plus.

La beauté des céladons de Kory face="EU Caron" ツ a longtemps éclipsé les poteries plus anciennes du Vieux Silla (IVe-VIIe s.). En terre grise et sonore, elles sont cuites à haute température et revêtues des éclaboussures d’une couverte naturelle due aux retombées de cendres végétales sur les pièces. Des coupes profondes, dont le profil est souligné par des filets concentriques en léger relief, reposent sur de hauts piédestaux cylindriques dans lesquels sont ménagées des ouvertures triangulaires ou quadrangulaires. Cette technique existait déjà, moins élaborée toutefois, dans les poteries noires de la protohistoire chinoise. À ces coupes s’adjoignent des bols à anse plate, des pots à panse globuleuse et d’étranges récipients en forme de corne, de chariot, de barque, de maison ou de cavalier; c’est ainsi qu’une pièce découverte dans la tombe du Grelot d’or à Ky face="EU Caron" ツngju figure un cheval trapu portant sur la croupe un entonnoir tandis qu’un long versoir sort de son poitrail.

Peu de décor sur ces pièces, à l’exception de motifs géométriques ou de rosettes incisés, ainsi que des ornements en forme de feuille suspendus par de menus anneaux et qui s’inspirent des orfèvreries de l’époque. Ce dernier trait a permis à E. Mc Cune de donner à l’art de Silla le nom de dangling culture , que l’on peut traduire par « culture tintinnabulante ».

De nombreuses figurines qui étaient souvent apposées sur le pourtour des coupes ont été exhumées avec ces récipients. De dimensions réduites, ces personnages et ces animaux sont modelés de façon sommaire à l’aide de boudins d’argile. Le procédé évoque les décors rapportés au sommet des vases en céladon de Yue (Chine centrale), qui sont du IIIe siècle de notre ère. L’expression du mouvement y est saisie avec un rare bonheur. Cette fantaisie est oubliée lors de l’unification du Grand Silla (VIIe-Xe s.), les potiers se consacrant aux urnes funéraires, revêtues, sous une mince glaçure aux reflets jaune-vert, de motifs de rosettes estampées.

L’époque de Kory face="EU Caron" size=4ツ (918-1392)

Par la variété des formes et des techniques, les céladons aristocratiques de l’époque de Kory face="EU Caron" ツ peuvent rivaliser, aux XIe-XIIe siècles, avec les créations Song et Liao. Aux modèles inspirés de la Chine s’associent des formes originales modelées avec une extraordinaire souplesse.

Des gisements de kaolin d’excellente qualité et l’emploi des fours en pente de la Chine du Sud favorisent l’essor d’un art dont, dès 1125, un voyageur chinois signalait la beauté. Profondeur des couvertes aux teintes bleutées, élégance des décors incisés, formes dans lesquelles s’allient modelages et ajours contribuent à donner à cette production une qualité hors de pair. Il est probable que des directives étaient données par les ateliers de la Cour: l’influence de l’orfèvrerie, de l’ébénisterie et des étoffes s’y exerce tour à tour. Celle du laque rehaussé de nacre fut, peut-être à l’origine des pièces « incrustées » où les lignes profondément incisées du décor sont frottées de barbotine blanche et de terre noire que viennent animer des touches de rouge de cuivre.

L’époque Yi (1392-1910)

Au XIIIe siècle, avec l’occupation mongole apparaît un décor peint en brun de fer sous des couvertes variant du gris-vert au vert olive. D’abord très proches de ceux de Cizhou en Chine, ces motifs floraux se simplifient tandis que les formes s’alourdissent et que les couvertes s’assombrissent.

Ainsi s’annoncent les pung-ch’ face="EU Caron" ツng (vert poudré) de l’époque Yi (Li), production rustique où subsistent les techniques de Kory face="EU Caron" ツ, mais employées avec une hâte et une liberté plus grandes. L’influence chinoise des Ming est prépondérante dans les formes, mais les décors peints, incisés, rehaussés de barbotine blanche (hakeme ) ou imprimés (mishima ), se détachent sur des fonds brossés d’engobe brun ou blanc que revêt une couverte transparente à reflets verdâtres.

De cette époque (XIVe-XVIe s.), les fours de Keryong-san sont les plus connus; leur clientèle était tout à la fois campagnarde et bourgeoise. Mais il existait partout des potiers de village qui fabriquaient pour la paysannerie des bols à nouilles, rapidement tournés et revêtus d’une couverte verdâtre. Ces pièces rustiques séduisirent les envahisseurs japonais qui ravagèrent les fours du Sud à la fin du XVIe siècle, mais transférèrent au Ky sh de nombreux potiers.

Nombreux sont les ido-chawan qui sont parvenus jusqu’à nous, rendus d’autant plus précieux qu’ils ont été, au cours des siècles, utilisés par les plus célèbres maîtres de la cérémonie du thé.

Dès lors, tandis que la manufacture royale créera pour les lettrés de menus objets aux formes fantaisistes, ornés de quelques rehauts de bleu de cobalt qui s’inspirent de rapides esquisses des peintres, les potiers campagnards du nord de la péninsule – dont on n’a pas encore pu localiser les centres d’activité – ornent de croquis naïfs mais vigoureux les lourdes jarres destinées à la conservation des aliments. La saveur attrayante de ces pièces surpasse les créations plus compassées destinées à la Cour. Découvertes au début du XXe siècle par des amateurs comme S 拏etsu Yanagi et Shoji Hamada, ces pièces seront la source de la renaissance actuelle de la poterie japonaise.

5. Littératures coréennes

La littérature coréenne des origines à 1945

Littérature ancienne du Ier siècle avant J.-C. à 1910

Il existe en Corée quelques œuvres poétiques qui datent du Ier siècle avant J.-C. ainsi que le prouve le Hwangjo ga (Chant d’oiseaux jaunes ), composé en chinois, selon le Samguksagi (Histoire des trois royaumes , livre XIII), par le roi Yuri (règne: 19 av.-17 apr. J.-C.) de Kogury face="EU Caron" ツ, en 17 avant J.-C. Le désir de se doter d’une écriture adaptée à leur langue poussa les Coréens à inventer un système appelé idu , utilisé, probablement à partir du Ve siècle, tantôt pour transcrire phonétiquement les termes grammaticaux coréens, tantôt pour traduire un certain nombre de mots, en particulier les substantifs, à l’aide de caractères chinois.

Il semble que ce procédé du idu était largement répandu dans le royaume de Silla (57 av.-935 apr. J.-C.); en effet, sur l’ordre de la reine Chins face="EU Caron" ツng (règne: 887-897), Wihong et Taego éditèrent, en 888, le Samdaemok , important recueil où furent consignées des poésies de transmission orale du royaume de Silla. Ce recueil n’étant malheureusement pas parvenu jusqu’à nous, on ne connaît que quatorze poésies de ce genre appelé hyangga (chants de terroir), qui datent de Silla et sont insérées dans le Samgukyusa (Anecdotes des trois royaumes ), qu’un moine, Ily face="EU Caron" ツn, composa au XIIIe siècle. Il existe, en outre, onze hyangga datant de l’époque de Kory face="EU Caron" ツ (918-1392) et composées par Kyuny face="EU Caron" ツ (923-973). De ces vingt-cinq hyangga, seize sont d’inspiration bouddhique, les autres ayant trait au loyalisme envers le roi, aux adultères, aux funérailles, aux groupes de jeunes aristocrates connus sous le nom de hwarang (jeunesse fleurie).

Il semble que le système graphique nommé idu n’ait pas été utilisé pour le récit; du fait de sa complexité, nombreux furent ceux qui choisirent d’écrire directement en chinois. Le plus célèbre d’entre eux, à l’époque ancienne, est Ch’oe Ch’iw face="EU Caron" ツn (857-?), connu même en Chine et auteur du Kyew face="EU Caron" ツn p’ilgy face="EU Caron" ツng (Recueil littéraire du jardin de cinnamomes ). Cette habitude des lettrés coréens d’employer le chinois s’ancra encore plus solidement à partir de 958, année où le royaume de Kory face="EU Caron" ツ adopta le système du kwag face="EU Caron" ツ , c’est-à-dire du concours d’État pour le recrutement des fonctionnaires, au cours duquel les candidats devaient faire preuve d’une grande connaissance des classiques chinois et savoir composer dans leur propre langue. Parmi les recueils littéraires en chinois parus durant cette époque de Kory face="EU Caron" ツ, citons le Tongguk Yi Sangguk chip (Recueil des œuvres de Yi Sangguk , terminé en 1241, puis complété en 1251) de Yi Kyubo (1168-1241), le Pohanchip (Recueil divertissant , 1254) de Ch’oe Cha (1188-1260) et le P’ahanchip (Recueil pour le divertissement , 1260) de Yi Inro (1152-1220), qui contiennent des poésies, des essais en prose, ainsi que des P’aesol (nouvelles édifiantes), inspirées de rapports des P’aegwan (en chinois: baiguan ), fonctionnaires détachés en province pour recueillir les opinions du peuple. Ces nouvelles se présentent sous forme de récits humoristiques, de contes grivois où l’on remarque l’influence des xiaoshuo chinois de l’époque des Tang et de celle des Song. Il existe aussi des récits de pure imagination, comme le Kuk s face="EU Caron" ツnsaengy-ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Maître Kuk ), dans lequel l’auteur Yi Kyubo a voulu, en personnifiant l’alcool, donner une leçon d’exhortation et d’admonition. Cet aspect moral sera adopté par la plupart des romanciers de l’époque ultérieure.

Au XIIIe siècle apparut un nouveau style de poésie, où s’observe un mélange de vers syllabiques en chinois comportant un refrain ky face="EU Caron" ツnggi y face="EU Caron" ツcha ou ky face="EU Caron" ツng kui face="EU Caron" ツtt face="EU Caron" ツhaniitko (Comment le trouvez-vous? ), et d’un autre style poétique dit de sijo , lui aussi syllabique, mais composé en coréen. Si le premier fut délaissé au XVe siècle, le second sera de plus en plus exploité sous la dynastie des Yi (1392-1910).

L’invention de l’alphabet coréen et la poésie

Au début de cette nouvelle dynastie, la mise en usage des caractères mobiles métalliques d’imprimerie et l’invention de l’alphabet coréen laissèrent prévoir un essor considérable de la littérature coréenne. Cependant, la première de ces deux découvertes ne joua qu’un rôle minime dans le développement de la littérature; en effet, si les Coréens arrivèrent à perfectionner à et utiliser la technique d’imprimerie à « caractères fondus » au plus tard au XIIIe siècle, cette technique, jalousement réservée pour la plupart des cas à l’usage de la cour royale, ne put malheureusement pas contribuer à répandre les œuvres littéraires, qui continuaient d’être imprimées selon l’ancienne méthode xylographique.

En revanche, l’invention de l’alphabet coréen, en 1443, que l’on attribue au roi Sejong (règne: 1418-1450), marqua le début d’un renouveau de la littérature coréenne. Le premier essai en han’gul , nom donné à ce nouveau système d’écriture phonétique, fut tenté, sur l’ordre du roi Sejong, par Ch face="EU Caron" ツng Inji (1396-1478) et plusieurs autres lettrés qui composèrent, en l’honneur des ancêtres de la dynastie des Yi, une grandiose poésie épique (Yongbi face="EU Caron" ツch’ face="EU Caron" ツnga , 1445), encore alourdie, toutefois, par nombre de clichés d’origine chinoise.

Les poètes surent d’emblée profiter du han’gul, donnant ainsi leur forme définitive à deux styles poétiques, le sijo et le kasa (types de vers), dont on trouve quelques milliers d’exemples dans le Ch’ face="EU Caron" ツnggu y face="EU Caron" ツng’ face="EU Caron" ツn (Vers éternels de Corée , 1727) de Kim Ch’ face="EU Caron" ツnt’aek, dans le Haedong kayo (Chants de Corée , 1763) de Kim Sujang (1682-?) et dans le Kagok w face="EU Caron" ツnryu (Origines des chants , 1876) de An Miny face="EU Caron" ツng. Le sijo est formé de trois chang (vers) dont chacun est constitué par un nombre de syllabes plus ou moins fixes (3, 4, 3 ou 4 et 4 syllabes + 3, 5, 4 et 3). Les auteurs, d’origine noble ou moins noble, mirent en vers, entre autres thèmes, le loyalisme envers le roi, le sentiment de piété filial, la nature, l’amour, etc. Les sijo restent très estimés des Coréens.

Le kasa, composé d’une suite de 3 + 4 ou 4 + 4 syllabes, apparut au XVe siècle. Quelques kasa sont relativement courts, comme celui intitulé Sangch’ungok (Chant de printemps ) de Ch face="EU Caron" ツng Kukin (1401-1481) qui n’est composé que de 79 syllabes. Mais il n’est pas rare d’en trouver comportant plus de mille syllabes. Ces kasa reprennent les mêmes thèmes que les sijo.

Roman et langue chinoise sous les Yi

Contrairement aux poètes, les romanciers continuèrent à employer la langue chinoise, au moins jusqu’à la fin du XVIe siècle: ainsi, Kim Sisup (1434-1493) écrivit en chinois son Kumo sinhwa (Histoire d’une tortue dorée ), publié probablement dans la seconde moitié du XVe siècle. Inspiré du roman chinois Jiandeng xinhua , ce roman servit plus tard de modèle à une œuvre japonaise intitulée Otogi b 拏ko .

Du même genre, mais publié sans doute une centaine d’années plus tard, le Hong Kiltong ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Hong Kiltong ) de H face="EU Caron" ツ Kyun (1569-1618) fut également écrit en chinois. Traduit ensuite en coréen, il fut considéré comme un chef-d’œuvre et servit d’exemple aux romanciers de l’époque postérieure. On y remarque un désir d’évasion vers un monde imaginaire où l’idéal est réalisable. L’esprit critique et la volonté d’imposer des réformes sociales et économiques représentent les deux grandes forces de cette œuvre qui influencera l’ensemble des romans coréens jusqu’au début du XXe siècle tout autant du point de vue du fond que de la forme. Tout en racontant la vie d’un justicier imaginaire, nommé Hong Kiltong, l’auteur dénonce, dans un style biograhique et d’une façon très réaliste et émouvante, la discrimination sociale, le marasme économique, et plaide la cause du peuple, qui finit par se révolter sous la conduite de Hong Kiltong. Celui-ci, avant d’aller fonder un État utopique à caractère communautaire, saura habilement imposer les réformes indispensables au gouvernement.

Quant aux romans écrits en han’gul, c’est Kim Manjung (1637-1692) qui allait tracer la voie à suivre avec Kuun mong (Rêve de neuf nuages ), publié en 1687, et Sassi namj face="EU Caron" ツng ki (Récit des aventures de dame Sa dans la région du Sud ), paru vers 1689. Si, dans le premier, Kim Manjung montre son attachement aux idées bouddhiques du karma , dans le second, qui a pour sujet un drame familial causé par la pratique du concubinage, le mal est finalement vaincu par le bien qu’incarne l’épouse légitime grâce à sa bonté et à sa fidélité. Cette œuvre devint un modèle et se retrouve dans nombre de romans anonymes: le Changhwa Hongry face="EU Caron" ツn ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Changhwa et Hongry face="EU Caron" ツn ), le K’ongjui P’attjui ch face="EU Caron" ツn (Histoire de K’ongjui et P’attjui ), le Yang P’ungun ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Yang P’ungun ). Le thème du bien récompensé et du mal puni, né à la fin de l’époque de Kory face="EU Caron" ツ dominera le roman jusqu’à l’époque moderne.

Ayant ainsi adopté thèmes et modalités d’expression, les Coréens vont publier trois cents romans environ jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Mais il est significatif que leurs auteurs soient restés, en général, anonymes; sans doute voulaient-ils ainsi être plus libres de critiquer la société, et éviter d’être traités de perfides régionalistes par les gens de formation lettrée chinoise, confucéens pour la plupart. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, des savants comme Yi Sugwang (1563-1628), Yu Hy face="EU Caron" ツngw face="EU Caron" ツn (1622-1673), Yi Ik (1681-1763), Ch face="EU Caron" ツng Yagyong (alias Tasan, 1762-1863), défenseurs des principes du silhak (études du réel), tentèrent de réduire l’influence des conceptions confucéennes, cause principale, à leurs yeux, de la stagnation de la société coréenne, et réclamèrent des réformes économiques et sociales.

Dans le célèbre Ch’unhyang ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Ch’unhyang ), de la fin du XVIIe siècle, l’auteur, dont le nom reste inconnu, caricature fort bien la vie corrompue des gens de la haute société et dénonce la discrimination sociale. Dans le Hungbu ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Hungbu ), publié au XVIIIe siècle, l’histoire de Hungbu, accablé par l’avarice de son frère aîné Nolbu, manifeste clairement et de façon plaisante le désir de l’écrivain de réformer le système social. Pak Chiw face="EU Caron" ツn (alias Y face="EU Caron" ツnam, 1737-1805), savant de tendance silhak, écrivit, en chinois, plusieurs nouvelles de satire sociale: dans son Hojil (Grognement d’un tigre ), il démasque la conduite hypocrite d’un confucéen; et, dans le Yangban ch face="EU Caron" ツn (Histoire d’un noble ), il met en parallèle la façon de vivre d’un noble ridicule et improductif et la vie éclairée d’un lettré qui met sa fortune au service d’une société qu’il veut juste. Le Sim Ch’ face="EU Caron" ツng ch face="EU Caron" ツn (Histoire de Sim Ch’ face="EU Caron" ツng , XVIIIe s., anonyme) ne compte que sur la bonté humaine pour sauver le genre humain; il raconte la vie de Sim Ch’ face="EU Caron" ツng, fille d’un aveugle, qui, après s’être vendue à des pêcheurs et avoir été sacrifiée aux esprits de la mer par amour pour son père, devient finalement impératrice. Sans doute influencées par le succès de ces romans, les femmes commencèrent à publier, dès la fin du XVIIe siècle, des ouvrages qui ont généralement trait à un événement historique, tels le Inhy face="EU Caron" ツn wanghu ch face="EU Caron" ツn (Histoire de la reine Inhy face="EU Caron" ツn ) ou le Hanjung rok (Récit de rancune ).

Ces activités littéraires furent interrompues au début du XIXe siècle. Les grandes puissances, menant une politique expansionniste, ne cessaient d’intervenir dans la vie politique et sociale coréenne qui, le marasme aidant, connut une grande confusion. Les hommes de lettres coréens purent reprendre leur plume dans la première décennie du XXe siècle, mais cette fois sous une influence littéraire occidentale transmise par le Japon, grand vainqueur des guerres contre la Chine (1894-1895) et la Russie (1904-1905), et futur colonisateur de la Corée.

Quelques années avant l’annexion de la Corée (1910), une nouvelle tendance, appelée sin sos face="EU Caron" ツl (nouveau roman), naquit à l’instigation des hommes de lettres formés au Japon. Si les écrivains s’en réclamant sont parvenus à abolir le style narratif biographique de l’époque des Yi, ils n’ont cessé de manifester le désir commun à leurs prédécesseurs d’encourager le bien et de punir le mal, comme le montrent les romans Kui ui s face="EU Caron" ツng (La Voix du démon , 1908) et un segye (Le Monde argenté , 1908) de Yi Injik (1862-1916), S face="EU Caron" ツljung mae (Prunier dans la neige , 1908) de Ku Y face="EU Caron" ツnghak, Chayu chong (La Cloche de la liberté , 1910) de Yi Haejo (1869-1927), etc. Du côté de la poésie, c’est à Ch’oe Nams face="EU Caron" ツn (1890-1957) que l’on doit le premier poème moderne, « De la mer à l’adolescent », publié en 1908 sous l’appellation de « poésie nouvelle » (sin si ) et offrant une grande liberté sur le plan de la forme.

Littérature coréenne sous l’occupation japonaise (1910-1945)

Insatisfait de cette tendance du sin sos face="EU Caron" ツl dont le dernier représentant fut Yi Kwangsu (1892-?), qui publia en 1917 un roman intitulé Muj face="EU Caron" ツng (Sans cœur ), un groupe de romanciers essaya d’analyser et de décrire aussi fidèlement que possible la vie sociale, ce qui l’obligea à adopter les techniques du réalisme, auquel la revue Changjo (Création ), fondée en février 1919 par Ch face="EU Caron" ツn Yongt’aek (1898-1968), apporta une grande contribution.

Le Mouvement pour l’indépendance, déclenché un mois après (1er mars 1919), offrit une nouvelle occasion d’essor littéraire: les hommes de lettres coréens purent profiter de la « tolérance » à laquelle le gouvernement général nippon à Séoul dut consentir pour minimiser l’ampleur de ce mouvement. Ils se réclamèrent de trois tendances principales: décadentisme, romantisme et naturalisme.

Le thème alors favori fut celui de la mort, aussi bien pour les poètes et les romanciers de la première tendance, plus ou moins influencés par le symbolisme français, et dont les plus importants furent O Sangsun (1894-1963), Min T’aew face="EU Caron" ツn (1894-1935), Hwang S face="EU Caron" ツgu (1895-1960), que pour ceux de la deuxième tendance représentée par Pak Chonghwa (1901-1981), An S face="EU Caron" ツkju (1901-1950), Pak Y face="EU Caron" ツnghui (1901-?). Ces derniers eurent, cependant, la particularité d’exalter souvent leur rêve, en en faisant une sorte de remède pour oublier leur « champ de ronces rempli de douleurs » dont parle Pak Y face="EU Caron" ツnghui dans Kkum-ui nara (Pays de rêve , 1920). Se rattachant au romantisme, on saluera Na Tohyang (1902-1927), qui publia des nouvelles telles que Mulle panga (Moulin à eau , 1925) ou P face="EU Caron" ツng face="EU Caron" ツri Samry face="EU Caron" ツng (Le Muet Samry face="EU Caron" ツ ng , 1927).

Le naturalisme se manifesta d’abord chez Yom Sangs face="EU Caron" ツp (1897-1963), auteur du roman Pyobonsil-ui ch’ face="EU Caron" ツnggaeguri (Une Grenouille dans la chambre aux spécimens , 1921), qui servit de modèle aux écrivains qui tentèrent d’esquisser un tableau de la société coréenne de l’époque dans un style simple, mais souvent quelque peu triste et parfois violent. On le remarque notamment dans des romans comme Unsu chounnal (Une journée faste , 1924) de Hy face="EU Caron" ツn Chin’g face="EU Caron" ツn (1900-1943), Kamja (Patate , 1925) de Kim Tongin (1900-1951) et Hwasubun (Pot de trésors , 1925) de Ch face="EU Caron" ツn Y face="EU Caron" ツngt’aek (1894-1968).

En 1925, les communisants formèrent la Korea Artista Proleta Federatio (K.A.P.F.). Jusqu’à sa dissolution en 1935, ses membres ne cessèrent d’encourager leurs lecteurs à se révolter contre la misère des paysans et des ouvriers. Cela est sensible dans des romans tels que T’alch’ulgi (Le Temps de la fuite , 1925) de Ch’oe Haksong (1901-1933), Naktonggang (Le Fleuve Naktong , 1927) de Cho My face="EU Caron" ツnghi, Kwadogi (L’Ère de transition , 1930) de Han S face="EU Caron" ツlya et S face="EU Caron" ツhwa (La Dératisation par le feu , 1930) de Yi Kiy face="EU Caron" ツng.

Au même moment, quelques écrivains, mus par des sentiments nationalistes, s’opposèrent à la K.A.P.F. en publiant des œuvres sur des personnages historiques, par exemple Maui t’aeja (Le Prince en habit de chanvre , 1925) et Yi Sunsin (1930) de Yi Kwangsu (1892-?), Kumsam-ui p’i (Du sang dans des habits de soie , 1935) de Pak Chonghwa (1901-1981). Notons aussi que ces deux derniers essayèrent, avec Ch’oe Nams face="EU Caron" ツn, de faire revivre la poésie du style dit de sijo, ressenti comme exprimant le mieux l’esprit littéraire de leur pays.

C’est aussi vers les années trente que débutèrent les « esthètes », le romancier Yi T’aejun et le poète Ch face="EU Caron" ツng Chiyong; les romanciers Yi Hyos face="EU Caron" ツk (1907-1942), connu pour son Memil kkot p’il mury face="EU Caron" ツp (Quand fleurit le sarrazin , 1936), Kim Yuj face="EU Caron" ツng (1908-1937), Ch face="EU Caron" ツng Pisok (1911-?) et Hwang Sunw face="EU Caron" ツn (1915-?), l’ironiste Chae Mansik (1902-1950), influencé par les œuvres de Swift, ou encore Yi Sang (1910-1937), Yi Muy face="EU Caron" ツng (1908-1960) et Pak Y face="EU Caron" ツngjun (1911-?), qui manifestèrent un goût prononcé pour un retour à la nature. Le plus grand poète du début du XXe siècle est Kim Sow face="EU Caron" ツl (1902-1934) dont les poèmes, en particulier Chindallae kkot (Les Azalées , 1925), sont étudiés dans toutes les écoles. Parmi les femmes écrivains, on peut citer Kang Ky face="EU Caron" ツngae (1907-1943), Im Ogin (1915-?), Ch’oe Ch face="EU Caron" ツnghi (1912-?), et les poétesses Mo Yunsuk (1910-1990) et No Ch’ face="EU Caron" ツnmy face="EU Caron" ツng (1912-1957).

Mais, déjà à la fin des années trente, l’autorité japonaise reprit son contrôle sévère sur les écrivains dont plusieurs, jugés idéologiquement « dangereux », furent arrêtés. La littérature coréenne devait être condamnée au silence jusqu’en 1945, année de la libération du pays, après trente-cinq ans de domination japonaise.

La littérature de la Corée du Sud après 1945

Après la libération: une littérature de « division »

Le Japon perdant la guerre, la Corée recouvrait sa liberté. Mais le rétablissement d’une littérature nationale perceptible dans Ingan tongui (Proposition humaine , 1950) de Kim Tongni (1911-?) fut à peine amorcé que la guerre de Corée (1950-1953) éclata, plongeant à nouveau la péninsule dans un drame dont les conséquences allaient marquer profondément la vie littéraire jusqu’aux années soixante-dix, au point que l’on parle de « littérature de division ».

Le thème qui domina cette période est la guerre. La génération des écrivains représentés par Chang Yonghak (né en 1921) et Son Ch’angs face="EU Caron" ツp (né en 1922) exprime son désespoir face à un événement, appréhendé, en premier lieu, comme la marque d’un destin injuste: Chesam inganhy face="EU Caron" ツng (Un troisième type d’homme , 1954) d’An Sugil (né en 1911), Obungan (En l’espace de cinq minutes , 1957) de Kim S face="EU Caron" ツnghan (né en 1919), Obalt’an (Balle perdue , 1959) de Yi P face="EU Caron" ツms face="EU Caron" ツn (né en 1920). Plus critiques sont Pak Y face="EU Caron" ツngjun (né en 1911), qui dénonça le goût expansionniste du Nord dans son roman Ppalch’isan (Guérilla , 1954); O Sangw face="EU Caron" ツn (1930-1985), qui interpréta la guerre comme une perte pure et simple dans Muksal tanghan saram-dul (Les Hommes tués par le silence , 1956); Pak Y face="EU Caron" ツnhui (né en 1918), qui accusera dans son Chung’in (Témoin , 1955), d’un ton violent, le régime autoritaire de Syngman Rhee. Certains romanciers choisirent la voie de la lutte, donnant à leurs œuvres un accent de modernité: S face="EU Caron" ツnu Hwi (né en 1922), par exemple, qui dans Pulkkot (Étincelles , 1957) mit l’accent sur la nécessité de faire face à son destin, une volonté que l’on retrouve dans Kwangjang (La Place publique , 1960) de Ch’oe Inhun (né en 1936), roman idéologique publié l’année de l’insurrection des étudiants (avril 1960). Cette tendance à quitter le roman de la « soumission » pour une littérature dite de « renouveau » se reflète dans Amya haeng (Marche dans les ténèbres , 1955) de Kim S face="EU Caron" ツnghan, Moban (Complot , 1957) de O Sangw face="EU Caron" ツn, T’altchul (Fuite , 1955) de Ch face="EU Caron" ツng Y face="EU Caron" ツnhui (née en 1936), tous influencés par la littérature occidentale de « révolte ».

Ce n’est toutefois qu’une dizaine d’années plus tard (au début de 1970) que se dessine une réelle diversité dans la manière d’appréhender la guerre et la division. Outre la vision traditionnelle que l’on retrouve dans Angae pada (La Mer dans la brume , 1978) de Han Sungw face="EU Caron" ツn (né en 1939), Kwanch’on sup’il (Les Essais de Kwanch’on , 1972) de Yi Mungu (né en 1941), Changma (Une longue période de pluie , 1973) de Yun Hunggil (né en 1942), ou encore Ky face="EU Caron" ツul naduri (Sortie en hiver , 1975) de Pak Wans face="EU Caron" ツ, une des grandes romancières du groupe des années 1960-1970, une approche nouvelle engendre une « prise de conscience du soi » représentée par face="EU Caron" ツdum-mui hon (L’Esprit des ténèbres , 1967) de Kim W face="EU Caron" ツn’il (né en 1942), ou Somun-ui py face="EU Caron" ツk (Le Mur des rumeurs , 1972) de Yi Ch’ face="EU Caron" ツngjun (né en 1939). Une troisième approche, socio-historique, va inciter certains écrivains tels que Hong S face="EU Caron" ツngw face="EU Caron" ツn (né en 1937), dans son long roman Nam-kwa puk (Le Nord et le Sud , 1977), à décrire les changements sociaux provoqués par la fracture Nord-Sud. Notons que la grande majorité des « romans longs » coréens sont des romans historiques: parmi eux, T’oji (La Terre , 1969-1982) de Pak Ky face="EU Caron" ツngni (née en 1927), « roman fleuve » relatant les vicissitudes d’une famille paysanne avant, pendant et après la colonisation japonaise, et Chang Kilsan (Chang Kilsan , 1984) de Hwang S face="EU Caron" ツg’y face="EU Caron" ツng (né en 1943), récit de la vie tragique d’un rebelle légendaire au XVIIIe siècle, marquent les grands accomplissements de la littérature moderne. Toutefois, les courants qui ont prévalu dans les cercles littéraires coréens jusqu’aux années 1970 sont ceux de « la nouvelle critique » et de la théorie de l’archétype de Northrop Frye.

À l’instar des romanciers, les poètes, comme Ku Sang (né en 1919) et Cho Chihun (1920-1968), manifestèrent, sous une forme moderniste, la blessure provoquée par la guerre civile. Saw face="EU Caron" ツl manbal (Floraison d’avril ) de Pak Tujin (né en 1916) et Sailgu (Le 19 Avril , 1961) de Kim Suy face="EU Caron" ツng (1921-1968), l’un des plus grands poètes de la période moderne, glorifient « la révolution des étudiants de 1960 ».

La littérature Minjung ou littérature « des masses »

À la suite de l’intrusion des sciences sociales sur la scène littéraire, la question de l’implication de la littérature dans les réalités socio-économiques passe au premier plan. On voit s’affronter partisans d’une littérature engagée et défenseurs d’une littérature pure. Ce débat, certes, n’est pas nouveau: Kim Dongin (1900-1951), s’opposant sur ce point à Yi Kwangsu (1892-?) qui croyait au rôle didactique de la littérature, s’était battu pour faire de son art un acte gratuit. Mais voici que l’engagement politique s’impose à beaucoup comme l’impératif de l’écrivain moderne.

Le musellement de l’opposition sous le régime de Pak Ch face="EU Caron" ツnghui qui arrêta bien des écrivains – le poète Kim Chiha (né en 1941) étant le plus célèbre des dissidents de l’époque – et l’industrialisation rapide de la Corée portent leur part de responsabilité dans cette nouvelle orientation. La théorie de la littérature nationale est alors reformulée; on la veut plus fidèle aux formes du réalisme littéraire et, ce faisant, on s’oriente vers une « littérature des masses » (Minjung munhak). Beaucoup s’attachent à décrire la misère de la masse ouvrière que l’essor économique a laissée pour compte: Yi Ch’ face="EU Caron" ツngjun écrit Maejabi (Le Fauconnier , 1968), une nouvelle dont le héros se trouve être victime des mutations de la société. Dans Iut saram (Le Voisin , 1972) de Hwang S face="EU Caron" ツg’y face="EU Caron" ツng sont relatées les souffrances d’un paria exploité. Avec le roman Kwangye (Rapports , 1980), c’est l’histoire d’une femme soumise qui est dépeinte par Yu Chaeyong (né en 1936) dont le modernisme est de déplorer la soumission de son héroïne plutôt que de simplement compatir à sa douleur.

Outre les dirigeants politiques, les protagonistes de « la littérature des masses » rejettent aussi la classe des intellectuels, en les accusant d’être aveugles à la misère du peuple. « La possibilité même de s’attrister du désespoir de leurs voisins est-elle paralysée ou disparue chez les gens qui lisent Hamlet, qui écoutent Mozart? », demande Cho Sehui (né en 1942) dans son roman (Nanjangi-ga ssoaollin chagun kong (La petite balle lancée en l’air par un nain , 1978).

Comment définir la notion de classe sociale? Qui est le sujet de la création littéraire? La littérature peut-elle aider à l’unification de la Corée? Les débats se multiplient autour de ces questions. Le nombre des revues littéraires augmente, rendant compte d’un besoin d’expression longtemps réprimé (la liberté de presse ne date que de 1987). La femme ne craint plus de crier son désir de sortir d’un quotidien trop limité. Les œuvres de jeunes romancières comme O J face="EU Caron" ツnghui (née en 1947), auteur de Param-ui n face="EU Caron" ツk (L’Âme du vent , 1986) et Kim Chiy face="EU Caron" ツn (née en 1939), auteur de Ssit’ol (Le Germe de vie , 1983-1985), sont là pour l’attester. Ouvriers et étudiants prennent leur plume pour exprimer leur révolte et leurs aspirations. Les écrivains professionnels prêtent leur voix à la défense de la démocratie: Ye face="EU Caron" ツnja (Le Prophète , 1977) de Yi Ch’ face="EU Caron" ツngjun.

La littérature est démystifiée: tout le monde peut écrire, et tout thème est bon, d’où le foisonnement de la production littéraire actuelle dont la qualité varie sensiblement d’un écrivain à un autre. En outre, le désir d’abandonner les larmes qui baignaient la littérature coréenne pour regarder en face les comportements et les fantasmes humains a grandement contribué à l’évolution de la conscience littéraire. Les sanglants événements de Kwangju (mai 1980), dont la responsabilité ne peut plus être rejetée sur le Japon ou le Nord, et les grandes manifestations ouvrières de l’été de 1987 ont fait fleurir des écrits neufs. Parmi les « romans prolétariens » (Nodong sos face="EU Caron" ツl), on notera Kitpal (Le Drapeau , 1988) de Hong Huidam (né en 19?) et Saeby face="EU Caron" ツk ch’ulch face="EU Caron" ツng (Départ à l’aube pour le front , 1989) de Pang Hy face="EU Caron" ツns face="EU Caron" ツk. Parallèlement, on voit naître un autre genre, le « roman de campus », dont les débuts sont marqués par Toyosae-e kwanhan my face="EU Caron" ツnsang (Méditation sur une bécassine , 1979) de Kim W face="EU Caron" ツn’il, Sae (L’Oiseau , 1979) de Yi Dong’ha (né en 1942), Chongi-ro mandun chip (Une maison de papier , 1989) de Kim Hyangsuk (née en 1951), récits d’étudiants découvrant la réalité révoltante d’une société en mal de liberté.

Du côté de la poésie, un grand nombre d’écrivains défendent là aussi le mouvement de littérature des masses: Kim Suy face="EU Caron" ツng (né en 1921), certes, mais aussi Kim My face="EU Caron" ツngsu (né en 1945), Yang S face="EU Caron" ツng’u (né en 1943), Yi Dongsun (né en 1950). Le théâtre connaît également un renouveau. Le grand dramaturge O Y face="EU Caron" ツngjin (1916-1974) est à la source du mouvement du « théâtre populaire », un théâtre du comique ou de l’absurde caractérisé par une perception moderne des thèmes traditionnels. Il sera suivi par Yi Kunsam (né en 1929) et Yun Taes face="EU Caron" ツng (né en 1939).

L’avenir de la littérature coréenne

La question qui se pose en priorité à un écrivain coréen d’aujourd’hui est celle-ci: comment produire des œuvres qui fassent vivre les tendances de sa propre culture, et qui aient une portée universelle? En fait, la littérature coréenne moderne prend son essor, car sa modernité jusqu’ici lui échappait dans la mesure où elle n’était que le résultat d’un phénomène d’importation de l’Occident. Il a fallu de jeunes écrivains comme Im Ch’ face="EU Caron" ツl’u (né en 1954) dont les œuvres – Ab face="EU Caron" ツji-ui ttang (La Terre de mon père , 1984) – défient tous les tabous sociaux (torture, espionnage, communisme, etc.) pour qu’une littérature libre naisse vraiment. Toutefois, il semblerait que la question de l’esthétique demeure, et que de nouveaux outils littéraires soient encore à créer. En effet, face à l’osmose entre fond et forme que l’on découvre dans un Sonagi (L’Averse , 1952) de Hwang Sunw face="EU Caron" ツn (1915-?) ou un Kumsijo (L’Oiseau aux ailes d’or , 1982) de Yi Muny face="EU Caron" ツl (né en 1948), comment dénier que la littérature « des masses » a mis l’accent sur les thèmes plus que sur les modes d’expression?

La littérature de la Corée du Nord

« Des hommes qui créent une société progressiste en détruisant une société conservatrice, qui éliminent l’influence fasciste et qui luttent pour réaliser une société démocratique. » C’est en ces ternes que Kim Ils face="EU Caron" ツng, actuel président du comité central du Parti du travail de Corée et Premier ministre, définissait, au mois de mai 1946, les hommes de lettres et les artistes. Cette définition résume bien la place de l’écrivain dans la Corée du Nord: instrument au service de la politique, il doit se conformer à ses directives et apporter sa contribution à l’effort constant pour mener à bien l’édification socialiste.

La fin de l’occupation japonaise

Il est évident qu’une littérature conforme à de tels critères n’a pu apparaître que dans un certain contexte polique. Après le 15 août 1945, l’occupation japonaise cessant, deux régimes politiques distincts s’établirent en Corée de part et d’autre du 38e parallèle. Les Soviétiques, qui avaient pour mission de libérer le Nord, mettaient rapidement en place une nouvelle administration. Au mois de février 1946, les autorités militaires soviétiques, aidées par le Parti communiste du Nord, purent réunir un comité populaire provisoire auquel furent confiées l’élaboration et la réalisation des réformes, la plus importante étant sans conteste la réforme agraire. Parallèlement, écrivains et artistes furent rassemblés dans une Union des écrivains et des artistes (mars 1946). Quatre lignes de conduite, conformes aux directives du Parti communiste, y furent définies: instruire le peuple en vue de lui faire comprendre le bien-fondé de la politique du gouvernement; lui montrer, en comparaison, les vilenies du gouvernement du Sud; éliminer les anciens collaborateurs du Japon; vanter l’amitié de l’U.R.S.S. Pour mener à bien cette tâche, en particulier l’instruction du peuple, écrivains et artistes furent invités à entrer en contact avec les ouvriers et les paysans sur leurs lieux de travail afin de mieux connaître leurs conditions d’existence. Cela se révéla difficile au départ; nombre d’écrivains se déclarèrent apolitiques, comme le prouvent unghyang (Essence de parfum ), recueil réunissant les poèmes de divers auteurs et publié à W face="EU Caron" ツnsan à la fin de l’année 1946, et le Munjang tokbon (Manuel de composition littéraire , 1946), ouvrage collectif lui aussi, jugés tous deux réactionnaires.

Kaeby face="EU Caron" ツk (Création ), nouvelle publiée en 1946 par l’écrivain Yi Kiy face="EU Caron" ツng et racontant la joie éprouvée par les paysans quand on leur annonça qu’on allait procéder à la réforme agraire, est la première œuvre de valeur conforme aux nouvelles directives. Dans un ouvrage plus important, Ttang (Terre ), publié en deux volumes en 1947-1948, Yi Kiy face="EU Caron" ツng reprend le même thème et, tout en soulignant l’amélioration de la situation des paysans après la réforme, il leur rappelle leurs devoirs: lutte pour accroître les surfaces cultivées et les récoltes, paiement des taxes foncières au gouvernement, participation à l’activité et aux réunions politiques. Les œuvres littéraires qui paraissent à cette époque développent chacune avec plus ou moins de bonheur quelques grands thèmes d’inspiration politique: augmentation à tout prix de la production (Maul saram-tul , Les Villageois , de Han S face="EU Caron" ツlya, 1946), renforcement et développement de l’amitié avec l’U.R.S.S. (Anna , Anna , de Yi Ch’umjin, 1946; Widaehan konghun , Grand Mérite , œuvre commune publiée par l’Union des écrivains et des artistes, 1949), lutte contre les réactionnaires du Sud (Ku ch face="EU Caron" ツnnalbam , La Veille , de Yi Tonggyu, 1949; Chei ch face="EU Caron" ツn’gu , Champ de bataille no 2 , de Pak T’aemin, 1949). Ce dernier thème rejoint celui de la lutte contre l’impérialisme japonais qu’accompagnent souvent les louanges décernées aux chefs de la résistance (Pulsa cho , Oiseaux immortels , de Hy face="EU Caron" ツn Ky face="EU Caron" ツngjun, 1949). Des thèmes identiques se retrouvent dans les poésies (Paektusan , Le Mont Paektu , 1947, de Cho Kich’ face="EU Caron" ツn [1913-1951]) et le théâtre (T’aeyang-ul kitarinun saram-tul , Les Hommes qui attendent le soleil [c’est-à-dire Kim Ils face="EU Caron" ツngl], 1948) de Pak Y face="EU Caron" ツnbo, de cette époque.

La guerre de Corée (1950-1953)

La guerre opposant les deux Corées mit momentanément fin aux activités des hommes de lettres. Ces derniers, mobilisés, ne purent exercer leurs talents que lorsqu’ils furent chargés d’effectuer des reportages. Ils y embellissent quelque peu la réalité, mettent en valeur des héros et encouragent le peuple à mener une lutte sans merci contre l’« agresseur étranger ». Pendant cette période de guerre, seules quelques nouvelles sont publiées qui reprennent les directives politiques du moment. Par exemple, Na-ui yet chin’gu (Un vieil ami à moi , 1951), de Yun Sich’ face="EU Caron" ツl, rappelle l’amitié traditionnelle avec la Chine après l’intervention des troupes chinoises à la fin de l’année 1950. Au mois de mars 1951, le Parti du travail (nom donné, en 1948, au Parti communiste) réorganise l’Union des écrivains et des artistes, afin d’y intégrer ceux qui, de gré ou de force, sont passés au Nord. Trois mois plus tard, Kim Ils face="EU Caron" ツng déclare, lors d’un entretien avec des écrivains et des artistes « glorieux soldats des fronts littéraires et artistiques », que la tâche primordiale est de propager un patriotisme fondé sur des conceptions socialistes et sur l’internationalisme prolétarien, tout en procédant « à une critique et une autocritique vivantes dans leurs activités créatrices ». Malgré ces recommandations et ces conseils, on a plutôt des œuvres de circonstance dont le rôle semble être avant tout de redonner du courage aux combattants. La poésie épique ( face="EU Caron" ツr face="EU Caron" ツri P face="EU Caron" ツl , Le Champ face="EU Caron" ツr face="EU Caron" ツri , 1952, de Min Py face="EU Caron" ツnggyun) vante le courage des femmes, tandis que Paek Inchun fustige dans ses poèmes lyriques les forfaits des agresseurs américains ( face="EU Caron" ツlgul-ul pulkhira Amerik’ay face="EU Caron" ツ , Rougis, Amérique! , 1951). Il reprend ce thème dans une nouvelle (Aijenhaw face="EU Caron" ツ-ui paljakjung , L’Hystérie d’Eisenhower , 1953), thème que l’on retrouve chez d’autres (Ch face="EU Caron" ツngui-nun iky face="EU Caron" ツtta , La justice a triomphé , 1953, de Hwang K face="EU Caron" ツn; Ssaunun maulsaram-tul , Les Villageois qui combattent , 1953, de Ch’ face="EU Caron" ツn Sebong [1915-1986]).

L’après-guerre

La situation confuse engendrée par la guerre, en particulier les nombreuses purges politiques, incitèrent les écrivains à rester dans une prudente expectative et à se garder de toute originalité. Tout au plus adoptèrent-ils, au mois de septembre 1953, la résolution suivante: « Tous nos efforts et notre talent seront consacrés à la reconstruction et au développement de l’économie du peuple d’après guerre et à l’industrialisation de notre pays. » Cependant, on assista, dans les années qui suivirent, à une série d’éliminations. En 1956, notamment, malgré tous leurs efforts de justification, de nombreux écrivains venus du Sud furent éliminés sous prétexte de « sectarisme », de « révisionnisme », d’« arrivisme », ou encore de « sentiments bourgeois ». Parmi les victimes figurait l’écrivain « bourgeois et réactionnaire » Yi Taejun, qui fut démis de son poste de vice-président de l’Union des écrivains et des artistes avant d’être nommé correcteur dans une petite imprimerie de province. Jusqu’alors, il était considéré, dans la Corée tout entière, comme un des meilleurs écrivains de son époque. Les écrivains Pak Ch’angok, Kim Namch’ face="EU Caron" ツn et Im Hwa subirent un sort moins enviable. Seules paraissent à ce moment des œuvres glorifiant les héros de l’armée (Cholm-uun yongsa-tul , Jeunes soldats courageux , 1954, de Kim Y face="EU Caron" ツngs face="EU Caron" ツk) ou la résistance des paysans qui organisèrent des maquis pendant la guerre contre l’« agresseur du Sud ». Tuman kang (Fleuve Tumen , 1954), de Yi Kiy face="EU Caron" ツng, et S face="EU Caron" ツlbong san (Mont S face="EU Caron" ツlbong , 1955-1959), de Han S face="EU Caron" ツlya, sont des fresques de la vie du peuple coréen, au début du XXe siècle ou durant les années 1920-1940. Là encore, une place importante est réservée à la résistance contre l’agresseur japonais. Ces récits historiques – on traite également des invasions japonaises du XVIe siècle (S face="EU Caron" ツsan taesa , Le Moine S face="EU Caron" ツsan , 1956, de Ch’oi My face="EU Caron" ツngik) – permettaient aux écrivains de présenter des œuvres facilement conformes aux grands principes généraux.

Ce n’est qu’après le rétablissement complet de l’orthodoxie idéologique que les écrivains coréens travaillèrent pleinement à la reconstruction économique. Leur tâche consistait à blâmer les sentiments égoïstes des paysans qui, dans de nombreuses régions, s’opposaient à la collectivisation des terres et restaient très attachés à la petite propriété qu’ils avaient pu conserver. Poètes, auteurs de théâtre et romanciers exploitent la même veine dans presque toutes leurs œuvres. Citons, par exemple, Ch’ face="EU Caron" ツn Sebong qui, dans les deux tomes de S face="EU Caron" ツkkaeul sae pom (Nouveau Printemps à S face="EU Caron" ツkkaeul , 1955-1959), magnifie la propriété commune, et Yi Kuny face="EU Caron" ツng qui, dans Ch face="EU Caron" ツt suhwak (Première Récolte ), montre comment les paysans en viennent à apprécier les bienfaits de la collectivation.

Le IVe congrès du Parti du travail de Corée, tenu au mois de septembre 1961 et consacré au plan septennal et au développement du mouvement Ch face="EU Caron" ツllima, apporta assez peu de directives nouvelles aux écrivains et aux artistes. Kim Ils face="EU Caron" ツng y déclara que « littérature et arts sont entrés dans une période d’épanouissement général », mais il rappela également que « les œuvres chargées de valeur ne peuvent être créées qu’en faisant appel au réalisme socialiste qui est à l’époque actuelle l’unique méthode juste pour leur création ». Les romans et nouvelles tels que Paek Ilhong (Paek Ilhong ), 1961, de Kw face="EU Caron" ツn Ch face="EU Caron" ツngung, Kiltongmu-tul (Les Compagnons de route ), 1960, de Kim Py face="EU Caron" ツnghun, Aech’ak Affection ), 1963, de Ch’oe Ch’anghak, Ch’ face="EU Caron" ツngch’un-ui kohyang (Le Pays de la jeunesse ), 1966, de Hy face="EU Caron" ツn Hwigyun sont de bonnes illustrations de ces hommes et femmes qui se lancent corps et âme dans la construction d’une nouvelle société qu’ils veulent mener à la vitesse d’un cheval parcourant près de 500 kilomètres d’une seule traite (ch’ face="EU Caron" ツllima ). Un autre thème important est celui de la lutte du peuple de la Corée du Sud pour se libérer de l’asservissement où le tiennent ses gouvernants soutenus par les impérialistes américains. Le meilleur exemple en est sans doute les dialogues du film S face="EU Caron" ツngchang-ui kil-es face="EU Caron" ツ (Sur le chemin du progrès ), qui a pour sujet la lutte des étudiants pour chasser Syngman Rhee en 1961 et pour instaurer la démocratie pendant les deux années qui suivirent. Rappelons qu’en Corée du Nord les scénarios de films sont considérés, au même titre que les romans ou les livrets d’opéras, comme partie intégrante de la littérature.

Au début de l’année 1970, Kim Ils face="EU Caron" ツng reprenait des thèmes déjà développés dans un précédent discours (« Pour la création d’une littérature et d’un art révolutionnaire ») – où il insistait sur le rôle de la littérature pour l’éducation révolutionnaire des nouvelles générations sans laquelle « nos jeunes gens pourraient bien perdre l’esprit révolutionnaire et devenir des vauriens désireux de vivre dans l’oisiveté ». Pour bien expliquer la lutte qui doit être menée sont publiés de nombreux romans ayant pour thème les glorieuses années de jeunesse de Kim Ils face="EU Caron" ツng, type parfait de héros à donner en exemple. Quatorze de ces romans, publiés entre 1972 et 1981, écrits par une dizaine d’auteurs différents (Kim Ch face="EU Caron" ツn, Ch’ face="EU Caron" ツn Sebong, S face="EU Caron" ツk Yungi, Kw face="EU Caron" ツn Ch face="EU Caron" ツngung, Yi Chongny face="EU Caron" ツl, Hy face="EU Caron" ツn Sungg face="EU Caron" ツl, Ch’oe Haksu, Chin Chaehwan, Kim Py face="EU Caron" ツnghun, Ch’oe Ch’anghak) réunis sous le nom de groupe de création littéraire Le 15 avril [date de naissance de Kim Ils face="EU Caron" ツng] du comité central de l’Union des écrivains, forment une vaste fresque, connue sous le nom de Pulmy face="EU Caron" ツl-ui y face="EU Caron" ツksa (L’Immortelle Épopée ), qui raconte quelques épisodes de la vie de Kim Ils face="EU Caron" ツng pendant qu’il luttait contre les Japonais dans les années trente. De même, la vie admirable des parents de Kim Ils face="EU Caron" ツng est donnée en exemple: Chos face="EU Caron" ツn-ui face="EU Caron" ツm face="EU Caron" ツni (La Mère de la Corée ), 1970, de Nam Hyoche, pour sa mère; Y face="EU Caron" ツksa-ui saeby face="EU Caron" ツk kil (Le Chemin d’une aube historique), 1972 (1re partie) de Yi Kiy face="EU Caron" ツng, pour son père.

Les hommes de lettres, cinéastes et artistes sont également priés de développer dans leurs œuvres la pensée chuchéenne, le chuch’e , construction de l’esprit de Kim Ils face="EU Caron" ツng, pouvant se définir comme une doctrine révolutionnaire dont le but est de réaliser l’émancipation des masses laborieuses tout en prônant la souveraineté dans la politique, l’indépendance dans l’économie et l’autodéfense dans la défense. Kim Ch face="EU Caron" ツngil, le fils du grand leader, publie en 1973 La Théorie cinématographique , où de longs développements sont consacrés à la littérature et aux arts « qui se fixent un objectif idéologique évident et élevé et montrent la vie de façon précise et approfondie, car ils étudient les problèmes posés par celle-ci en s’inspirant de la ligne politique du Parti ». Cette nouvelle approche doit conduire à « l’édification socialiste dans l’exhaltation maximum de l’enthousiasme révolutionnaire et l’activité créatrice des masses populaires ». Le héros chuchéen apparaît parfaitement dans Ch’ungs face="EU Caron" ツng-ui han’gil-es face="EU Caron" ツ (Sur le chemin du dévouement ), long roman en cinq parties écrit par Ch’ face="EU Caron" ツn Sebong, Pak Yuhak et Yi Chongy face="EU Caron" ツl, publié entre 1975 et 1985, dans lequel plusieurs années de la vie courageuse et héroïque du camarade Kim Ch face="EU Caron" ツngsuk sont racontées avec force détails.

Il est également recommandé de mettre en scène des héros longtemps méconnus qui, armés d’une grande fidélité au Parti et à la révolution, ont mené une lutte héroïque en surmontant courageusement toutes les difficultés afin d’appliquer la ligne et la politique du Parti. N’ayant pas cherché à se faire remarquer, ce sont les véritables héros qui donnent à tous un exemple magnifique et incitent fortement le peuple à accomplir des exploits qui semblent impossibles. Irum face="EU Caron" ツmnun y face="EU Caron" ツng’ung-tul (Héros inconnus ) de Yi Chinu en donne une très bonne illustration.

La timide ouverture de la Corée du Nord au début des années quatre-vingt-dix ne semble pas encore avoir touché les arts et la littérature. Les exploits des travailleurs, les heures glorieuses du peuple coréen contre les envahisseurs étrangers, la glorification des trois révolutions (technique, idéologique et culturelle), la reprise des « chefs-d’œuvres immortels » créés par Kim Ils face="EU Caron" ツng avant guerre (P’ibada [Mer de sang ], Kkottp’a-nun ch’ face="EU Caron" ツny face="EU Caron" ツ [La Jeune Bouquetière], Han chawidanw face="EU Caron" ツn-ui unmy face="EU Caron" ツng [Le Destin d’un membre du corps d’autodéfense]) restent les thèmes que les écrivains , « ingénieurs de l’âme humaine », se doivent de traiter.

Corée
(en coréen Chôsen, "le Pays du matin calme") péninsule d'Asie orientale (219 015 km²), située au S. de la Mandchourie, entre la mer Jaune et la mer du Japon. En 1945, l'état de Corée fut divisé en deux états: au nord du 38e parallèle, la rép. populaire dém. de Corée; au sud, la rép. de Corée. Géogr. phys. et hum. - Cette péninsule montagneuse (massifs anciens que jalonnent des reliefs volcaniques plus récents) est dissymétrique: les montagnes de l'E. déterminent un littoral élevé et rectiligne sur la mer du Japon, alors qu'à l'O. et au S. le relief s'ouvre largement sur la mer Jaune par un littoral découpé. Le climat, aux hivers rigoureux et enneigés au N., un peu moins rudes au S., est marqué par les pluies de mousson en été et les typhons d'automne. Les forêts tempérées du N. s'opposent aux forêts subtropicales du S. Le tiers des habitants (d'origine mongole, avec influences chinoises) vit en Corée du N., où les densités moyennes dépassent 180 hab. au km²; la pop., citadine à 66 %, augmente de près de 2,5 % par an. La Corée du S. (430 hab. au km², 70 % de citadins) a une croissance de 1 % par an. Dans les deux pays, la population est jeune. écon. - Avant la partition, le Nord, montagneux, riche en minerais, était industrialisé; le Sud, agricole. Après 1945, chaque état a dû développer le secteur déficient. Le boom industriel du Sud dans les années 80 a surpris. Hist. - La première domination chinoise a duré du XIIe s. av. J.-C. au Ier s. apr. J.-C.: trois royaumes coréens se formèrent alors. De 668 à 735, le royaume Silla, allié aux Chinois, réalise l'unité du pays, qui s'ouvrit à la civilisation confucéenne et au bouddhisme, religion officielle au VIe s. Les différentes dynasties (Koryo, 918-1231; Li, 1392-1910) restèrent plus ou moins vassales de la Chine, qui reconnut l'autonomie de la Corée en 1895. Après la guerre russo-japonaise de 1905, la Corée devint protectorat puis, en 1910, colonie du Japon, qui instaura un régime policier, tenta d'imposer la langue et la culture nippones, et créa une économie moderne. Dès 1938, Kim Il Sung organisa la guérilla communiste contre le Japon. En 1945, l'avancée respective des troupes soviétiques et américaines face aux Japonais aboutit à la division de la péninsule selon le 38e parallèle: un état communiste fut créé au nord; au sud, un état lié au camp occidental. Leur rivalité entraîna la guerre de Corée (V. Corée [guerre de]). Après l'admission à l'ONU des deux Corées, qui signèrent un pacte de non-agression en 1991, un accord de dénucléarisation sous contrôle international a été conclu en 1992.
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Corée
(guerre de) conflit qui a opposé la Corée du Nord et la Corée du Sud, du 25 juin 1950 au 27 juillet 1953. L'intervention des È.-U., mandatés par l'ONU, fit de cette guerre un affrontement indirect entre l'U.R.S.S. et les È.-U. Bien équipées par les Soviétiques, les troupes de Corée du Nord franchirent le 38e parallèle pour réunir le pays. Les forces (américaines) de l'ONU les refoulèrent jusqu'à la frontière mandchoue; la Chine envoya des "volontaires" et l'ONU fit retraite. Le général Mac Arthur, qui voulait bombarder les bases chinoises en Mandchourie, fut destitué par le président Truman. Après deux ans de négociations, un armistice fut signé. La guerre a tué des millions de civils.

Encyclopédie Universelle. 2012.