SUZERAIN
SUZERAI
Seigneur supérieur. Dans le vocabulaire du droit féodo-vassalique, le suzerain est le seigneur du seigneur (antonyme: arrière-vassal). Ce terme désigne par excellence la personne qui se trouve au sommet d’une pyramide hiérarchique: l’empereur, le roi, dans la société féodale, sont des suzerains.
On doit soigneusement distinguer suzeraineté et souveraineté. Cette dernière est inhérente à la notion d’État et caractérise celui qui a en charge la chose publique; ainsi conçu dans l’Antiquité et même encore à l’époque barbare, le pouvoir royal n’a en fait retrouvé le caractère de souveraineté qu’après l’intermède féodal, avec la renaissance du droit romain amorcée au XIIe siècle et confirmée au XIIIe. La suzeraineté, au contraire, est fondamentalement un rapport d’homme à homme, contractuel, puisque résultant de l’hommage prêté par les vassaux et les arrière-vassaux, qui est un geste volontaire d’homme libre. Mais aucun lien direct, et en particulier aucun hommage ou serment, ne lie l’arrière-vassal à son suzerain.
Il faut aussi distinguer la suzeraineté de la seigneurie. Le maître d’une seigneurie foncière, le puissant à qui est rendu un hommage, le détenteur du pouvoir banal dans une région ont une seigneurie — foncière ou rurale, féodale, banale ou politique — et sont des seigneurs. Ils ne sont suzerains qu’en tant qu’ils ont des arrière-vassaux, et uniquement par rapport à ceux-ci.
Jusqu’au XIIIe siècle, la suzeraineté n’a conféré aucun droit propre, sinon celui — qui est un devoir autant qu’un droit — de juger en appel de leur vassal si un arrière-vassal estime que son propre seigneur lui a rendu mauvaise justice. C’est cette procédure qui, grâce aux appels portés devant le roi de France contre les sentences rendues dans leur principauté par le comte de Flandre par exemple ou par les Plantagenêts, a permis aux Capétiens de s’immiscer efficacement dans les affaires de leurs grands vassaux. La suzeraineté a aussi procuré au roi de France ou au roi d’Angleterre une puissance effective, car, en exigeant de leurs vassaux un contingent militaire proportionnel à l’importance de leurs fiefs, les souverains ont en fait provoqué la levée de l’arrière-ban — venue à l’armée des arrière-vassaux — et ont ainsi acheminé les esprits vers l’idée d’un appel direct de tous les hommes du royaume; on sait que ce service militaire pouvait être rachetable, et qu’il est l’une des origines de l’impôt.
suzerain, aine [ syz(ə)rɛ̃, ɛn ] n. ♦ Dans le système féodal, Seigneur qui était au-dessus de tous les autres, dans un territoire donné. Spécialt Seigneur qui a concédé un fief à un vassal. Le vassal et son suzerain, sa suzeraine. — Appos. Dame suzeraine.
● suzerain, suzeraine nom et adjectif (de sus, sur le modèle de souverain) Seigneur qui avait concédé un fief à un vassal. (Le suzerain devait protection et justice à ses vassaux. Le vassal lui rendait foi et hommage et était soumis à diverses obligations.) ● suzerain, suzeraine adjectif Qui appartenait au suzerain.
suzerain, aine
n. et adj.
d1./d n. FEOD Seigneur dont dépendaient des vassaux.
d2./d adj. Se dit d'un état qui exerce sur un autre une autorité protectrice. Puissance suzeraine.
⇒SUZERAIN, -AINE, subst. et adj.
A. — FÉODALITÉ
1. Subst. masc. A l'origine, seigneur dont le fief relève immédiatement du roi; seigneur qui possède un fief dont relèvent d'autres fiefs détenus par ses vassaux. On a dit que le roi, dans le régime féodal, était le suzerain des suzerains, le seigneur des seigneurs; qu'en appelant autour de lui ses vassaux, puis les vassaux de ses vassaux, et ainsi de suite, il appelait tout le peuple et se montrait vraiment roi (GUIZOT, Hist. civilis., leçon 9, 1828, p. 28). V. aveu ex. 14.
— En appos. Christophe, seigneur suzerain de la Guerrande (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 21).
2. Subst. fém., rare
a) P. compar. Il représenta la dame de son choix comme une suzeraine féodale, dont il prétendait gagner les faveurs par sa soumission, par la fidélité et la ferveur de son service d'homme lige (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 131).
b) P. métaph. Je pénétrerais dans leurs secrets, rien qu'en approchant un instant à Paris Mme de Guermantes, suzeraine du lieu et dame du lac (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 14).
3. P. anal. État ayant autorité sur un autre. D'où, entre eux [états de l'Europe centrale et balkanique] et leur suzerain, d'inévitables discordes qui détourneront le Kremlin des entreprises belliqueuses (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 212).
B. — Adjectif
1. Qui appartient, qui est relatif au seigneur suzerain. Tous ces justiciers féodaux ne reconnaissaient que nominalement l'autorité suzeraine du roi (HUGO, N.-D. Paris, 1832, p. 467). Sainte Marthe, qui fut servante du seigneur, descendait de race royale et avait, comme sa sœur Marie-Madeleine, des droits suzerains sur Magdalon, Béthanie et Jérusalem (DÉVIGNE, Légend. de Fr., 1942, p. 19).
2. Duquel, desquels d'autres relèvent; qui a autorité (sur); qui détient une part de souveraineté. Le peuple d'Angleterre n'est pas par lui-même un peuple souverain, mais il est pour d'autres nations un peuple suzerain (HUGO, Rhin, 1842, p. 439). Une France suzeraine mais disposée à faire beaucoup pour ceux qui tenaient à elle (DE GAULLE, op. cit., 1956, p. 127).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1312 terme d'hist. médiév., subst. souserain (A.N. JJ 48, f° 4 r° ds GDF. Compl.); 1476 adj. seigneur suzerain (Ordonnances des Rois de France, XVIII, 210); 2. fig. a) 1832 (HUGO, N.-D. Paris, p. 102: suzerain suprême du royaume de l'argot); b) 1846 (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 2, p. 25: cette marchandise [monétaire] n'en reste pas moins la seule acceptable en tout payement, la suzeraine de toute les autres). Dér. de l'adv. sus, sur le modèle de souverain. Fréq. abs. littér.:100. Bbg. PLANCHE (A.). Moy. Âge et presse quotidienne. Persp. médiév. 1976, n° 2, p. 81.
suzerain, aine [syzʀɛ̃, ɛn] n. et adj.
ÉTYM. Av. le XIVe, suzeraineté étant attesté dès 1306; pour suserain; susserain, souserain, déb. XVe; de l'adv. sus « au-dessus », d'après souverain.
❖
1 Dans le système féodal, Seigneur qui est au-dessus de tous les autres, dans un territoire donné et dont le pouvoir sur ses inférieurs (vassaux) est reconnu par l'hommage. — Spécialt. Seigneur qui a concédé un fief à un vassal (seigneur prochain du vassal). → Hommage, cit. 10; rescrit, cit. 2. || Le vassal et son suzerain. || La suzeraine. — Par appos. et adj. || Seigneur suzerain. || Dame suzeraine.
2 Fig. || « Le moyen âge où la terre (…) la cendre, furent suzerains de l'esprit » (→ Glèbe, cit. 3).
❖
CONTR. Vassal.
DÉR. Suzeraineté.
Encyclopédie Universelle. 2012.