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AMBRE
AMBRE

Le terme d’ambre est employé couramment par les minéralogistes et les paléontologistes pour désigner une résine fossile que l’on trouve principalement dans les sédiments des bords de la mer Baltique. L’ambre se présente généralement sous forme de nodules irréguliers relativement tendres, jaunâtres, plus ou moins translucides et parfois fluorescents; ils contiennent souvent des bulles d’air et surtout des inclusions animales et végétales.

Utilisé depuis le IIIe millénaire dans un but à la fois décoratif et curatif, l’ambre jaune a été l’objet d’un commerce important dans l’Antiquité et a inspiré diverses légendes. Le nom grec 兀凞﨎精福礼益, électron (en latin, electrum ) qui le désignait alors, est à l’origine du mot électricité – l’ambre s’électrise en effet facilement par frottement. Le terme «succin» (de sucinum , autre nom latin de l’ambre, dérivé lui-même de sucus = sève) est employé parfois pour désigner cette matière particulièrement riche en acide succinique (de 3 à 8 p. 100).

La légende de l’ambre

Dès l’époque néolithique, les hommes ont recherché les objets naturels dont l’aspect bizarre ou attrayant avait attiré leur attention. Il s’agissait bien souvent de substances minérales plus ou moins précieuses, et le développement des premières routes commerciales n’est pas sans rapport avec cette quête.

Parmi les gemmes convoitées, l’ambre occupait autrefois une place particulière: alors qu’il fallait arracher à la terre la plupart des pierres précieuses, l’ambre s’offrait à l’homme comme un don de la mer qu’il suffisait de ramasser après chaque tempête. Dans la première moitié du IIIe millénaire, la découverte de nombreux vestiges l’atteste, son trafic est très intense le long des grandes routes commerciales qui unissent le nord de l’Europe et le bassin méditerranéen, et qui seront plus tard celles du bronze.

Que faut-il voir dans ce goût pour l’ambre? Le même sentiment complexe – où il serait vain de vouloir faire la part exacte de l’attrait esthétique, du pouvoir de magie ou de guérison – que celui qu’attribuent les ethnologues aux hommes de la préhistoire pour les pierres précieuses et, plus généralement, pour les singularités d’origine minérale ou végétale. Les inclusions d’insectes ou de débris végétaux ont dû ajouter au charme de l’ambre par le mystère de leur présence. Cette séduction n’a d’ailleurs pas touché seulement des sensibilités «primitives»; Kant gardait précieusement à Könisberg un fragment d’ambre qui contenait un insecte.

Substance venue des lointains pays du Nord, pierre née de l’eau, et qui emprisonne la vie, à tout cela s’ajoutaient des propriétés déconcertantes: une «pierre» qui brûle, qui attire après frottement les corps légers, qui faisaient de l’ambre une matière ambiguë; et il n’est besoin pour s’en rendre compte que de citer quelques-uns des multiples noms qu’on lui donnait: «électron» chez les Grecs; «Bernstein» (qui brûle) dans les pays germaniques; «anbar», mot arabe qui désigne le cachalot et qui montre la confusion faite entre l’ambre gris, concrétion parfumée de cet animal, et l’ambre jaune, que l’on croyait né de la mer; «gintaras», qui signifie en lituanien «protecteur» et par extension «amulette».

La genèse de l’ambre resta longtemps mystérieuse. Maints récits légendaires sont empruntés à un même thème: Phaéton, le fils d’Hélios, obtient un jour la permission de conduire le char du Soleil, mais, dans sa maladresse, il mène son équipage trop près de la Terre, qu’il condamne ainsi à une terrible sécheresse. Pour arrêter ces désordres, Zeus lance sa foudre sur le char, c’est la chute dans un fleuve ou Phaéton trouve la mort. Mais ses sœurs sont inconsolables, et la pitié des dieux les change en arbres: leurs larmes sont alors autant de gouttes de résine qui deviennent de l’ambre. Cette légende choisit l’eau comme élément originel et génétique de l’ambre: eau du fleuve, eau des larmes, mais cette transformation demande un intermédiaire: la résine; ce choix indique une certaine connaissance empirique de l’ambre; on trouve aussi dans ce mythe l’idée, contenue dans d’autres récits de l’Antiquité, que les substances minérales naissent parfois de la transformation d’une partie du corps d’un dieu ou d’un être supérieur.

D’autres récits, que Hérodote puis Pline reprennent, évoquent une mer ou un fleuve lointain où naît l’ambre: c’est la croyance antique en une naissance gynéco-morphique des minerais; la source des fleuves est en effet considérée comme la vagina de la terre, et les corps qu’elle baigne y sont en gestation.

Parmi les écrits scientifiques qui tentent une explication systématique des métaux et des minéraux, il faut retenir, pour le propos qui nous occupe, le livre IV des Météorologiques d’Aristote, qui classe les corps selon la matière qui les compose, soit la terre, soit l’eau: «Dans le fer, la corne, l’ongle, l’os, le bois, les feuilles, l’écorce, c’est la terre qui prédomine. Il en est ainsi pour l’ambre, la myrrhe, l’encens [...]. L’ambre [...] paraît se former par solidification, ce que montrent bien les animaux qu’on y trouve emprisonnés. Sous l’action du froid de la rivière, la chaleur que l’ambre contenait s’en va et entraîne l’humide. Dans ces corps-là, la terre est l’élément constitutif.» Grouper l’ambre avec deux résines et des substances végétales indique une certaine connaissance de la nature de ce corps, si sa genèse en est ignorée. À cette vérité entrevue, on peut opposer les listes alchimiques des Égyptiens qui groupent l’ambre et le mercure sous le signe de l’émeraude. Toutes sortes de croyances complétaient ces légendes; c’est ainsi que, comme tous les corps qui brûlaient en dégageant des vapeurs aromatiques, on lui reconnaissait une valeur religieuse, et il était réservé au culte de Zeus. On le portait pour se protéger ou se guérir de certains maux.

La période artisanale

Toutes ces croyances développèrent un artisanat actif dont la production était celle d’objets destinés à la parure, d’objets décoratifs ou d’objets à caractère religieux. Cet artisanat n’a guère su, dans son histoire, produire d’autres objets – la taille de la plupart des morceaux recueillis est relativement petite, limitant techniquement la gamme des objets possibles. Les plus gros spécimens ont été conservés tels quels, à cause de leur rareté: le collier d’or et d’ambre du marin de l’Odyssée , ceux qui ont été trouvés dans les tombeaux mycéniens, ou ceux dont on entoure encore parfois le cou des enfants malades sont formellement similaires; seule leur fonction et leur signification diffèrent (parure, magie ou pharmacopée).

Parmi les objets de caractère religieux, celui qui eut la plus grande diffusion est le chapelet. Son apparition est liée à l’ordre des chevaliers teutoniques qui ont au Moyen Âge le monopole de l’ambre. Sur leur initiative, une guilde de tourneurs d’ambre est fondée à Bruges pour fabriquer ces chapelets, et toute la chrétienté les achète. L’adhésion de l’ordre au luthérianisme menace ce commerce. Il vend donc son monopole à un marchand de Dantzig qui trouvera des débouchés dans les pays islamiques.

Ce monopole de l’ambre qu’a la Prusse durera jusqu’au XIXe siècle, tantôt aux mains de marchands, tantôt le privilège du roi de Prusse. Le caractère religieux de l’usage de la pipe, mis en évidence par les ethnologues, est renforcé en Islam par l’utilisation d’embouts d’ambre, matière de caractère traditionnellement religieux dans ces pays. Mais sa propriété d’isolant thermique n’était sans doute pas ignorée des artisans, et elle prévaut aujourd’hui sur la signification religieuse de cette matière.

Les vertus médicinales attribuées depuis toujours à l’ambre n’ont pas suscité la fabrication d’objets spécifiques, mais c’est par l’intermédiaire d’objets qui ont déjà une ou plusieurs utilisations, particulièrement de parure – colliers ou bagues – qu’elles sont dispensées. Anselme Boèce de Boodt, médecin de Rodolphe II, dans son ouvrage Le Parfait Joaillier , qui fit autorité jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, recommande l’ambre «fort bon pour le cœur, pour les maladies du cerveau, pour la courte haleine, pour le calcul, pour l’hydropisie, pour la chaude-pisse, pour les fleurs de la femme». Outre l’usage externe de l’ambre, une pharmacopée plus élaborée prescrit potions et poudres d’ambre jaune ou blanc.

L’étude scientifique

Au XVIIIe siècle, l’intérêt des savants se porte vers les sciences naturelles. Les cabinets d’histoire naturelle se multiplient, et l’ambre y figure tantôt avec les minéraux, tantôt avec les fossiles, car sa genèse n’est pas encore élucidée. Vers 1750, Buffon et Linné montrent son origine végétale, mais, pour eux, il s’agit d’un corps analogue au pétrole. À la même époque, le savant russe Lomonossov conteste l’analogie de l’ambre et du pétrole, et défend l’idée qu’il s’agit d’une résine provenant d’un arbre. En 1811, Wrede, savant prussien, complète la connaissance de l’origine de l’ambre en découvrant qu’il s’agit d’une résine fossile. L’ambre représente en effet, comme les bois silicifiés et les lignites, un témoignage des grandes forêts de conifères (Pinus succinifer ) qui s’étendaient sur l’Europe du Nord à l’Oligocène (sables sannoisiens).

ambre [ ɑ̃br ] n. m.
XIIIe; lat. médiév. ambar, ambra, ar. anbar « ambre gris »
1Ambre gris : substance parfumée provenant des concrétions intestinales des cachalots qui, rejetées, flottent à la surface de la mer; parfum très précieux extrait de cette substance.
Loc. Vieilli Fin comme l'ambre : intelligent, subtil, rusé.
2Ambre jaune : résine fossilisée d'origine végétale, dure et transparente, qui a la propriété de s'électriser par frottement. ⇒ succin. Collier d'ambre. Fume-cigarette à bout d'ambre. Couleur d'ambre : de la couleur jaune doré de l'ambre.

Ambre substance formant à la surface des mers des masses flottantes très parfumées, et provenant de la digestion par les cachalots de la sépia des grands poulpes. (Son odeur musquée devient agréable après dessiccation.)

Ambre
n. m. Nom donné à diverses substances aromatiques ou résineuses.
d1./d Ambre jaune: résine fossile de conifères du tertiaire, utilisée en bijouterie.
d2./d Ambre gris: concrétion qui se forme dans l'appareil digestif du cachalot, utilisée en parfumerie.
d3./d Ambre blanc: blanc de baleine.
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Ambre
(cap d') (en malgache Tanjona Bobaomby) pointe la plus septentrionale de Madagascar; plus au S., la montagne d'Ambre constitue un massif volcanique culminant à 1 475 m et derrière lequel s'abrite la baie d'Antsiranana.

I.
⇒AMBRE1, subst. masc.
A.— Ambre gris, ou absol. ambre.
1. Substance organique molle, de couleur généralement cendrée, au parfum musqué, provenant des excrétions du cachalot et que l'on rencontre flottant sur les mers ou rejetée sur les côtes de certaines régions tropicales. Grain d'ambre, odeur d'ambre, sentir l'ambre :
1. ... ajoutez à leurs bases les rivages des Moluques, (...) : figurez-vous leurs grèves ombragées de cocotiers, parsemées d'huîtres perlières et d'ambre gris; les madrépores de l'Océan Indien, les coraux de la Méditerranée, croissant, par un été perpétuel, à la hauteur des plus grands arbres, au sein des mers qui les baignent;
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 351.
2. Sur les plages des îles de Sumatra (...) on rencontre, rejetées par le flot, des masses grises, poreuses comme de la ponce et dégageant une odeur musquée : c'est l'ambre gris.
H. COUPIN, Animaux de nos pays, dict. pratique, 1909, p. 48.
3. N'est-ce pas déjà trop que de temps à autre une sécrétion d'origine morbide sorte de nous comme l'ambre gris des baleines, enrichissant ceux qu'elle embaume avec le souvenir d'une douleur.
J. COCTEAU, Essai de critique indirecte, 1932, p. 195.
En partic. Cette substance utilisée comme condiment, aromate ou reconstituant :
4. Il est bien que tout le monde sache que si l'ambre, considéré comme parfum, peut être nuisible aux profanes qui ont les nerfs délicats, pris intérieurement il est souverainement tonique et exhilarant; nos aïeux en faisaient grand usage dans leur cuisine, et ne s'en portaient pas plus mal. J'ai su que le maréchal de Richelieu, de glorieuse mémoire, mâchait habituellement des pastilles ambrées; ...
J.-A. BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, 1825, p. 342.
5. ... il remarqua sur le mur oriental cette inscription en lettres d'or : « Le caoué des Arabes, autrement dit cavé, est une herbe qui croit en abondance dans l'Empire du Turc, et qu'on appelle dans l'Inde l'herbe miraculeuse (...). Les personnes de condition l'adoucissent avec le sucre et l'aromatisent avec l'ambre gris.
V. HUGO, Le Rhin, 1842, pp. 214-215.
2. Parfum suave, tenace, réputé riche, dégagé par l'ambre ou tiré de lui ... des parfums (...) riches (...) / Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens, qui chantent les transports de l'esprit et des sens. (Ch. BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Correspondances, 1857)
6. ... le théâtre est mon atmosphère. Là, seulement, je respire à mon aise; l'odeur des chandelles fumeuses me vaut mieux que civette, benjoin, ambre gris, musc et peau d'Espagne. Le relent des coulisses flaire à mon nez comme baume.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 190.
7. ... Il poursuit le songe inachevé.
Quel éblouissement inattendu l'enlace?
Une tente aux longs plis de soie, aux cordes d'or;
De somptueux coussins posés de place en place;
Des cassolettes où l'ambre qui fume encor
Unit son tiède arome aux frais parfums des roses,
Filles des chauds soleils de Perse et de Lahor; ...
Ch.-M. LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, Le Lévrier de Magnus, 1886, p. 125.
8. ... grisez-nous, flacons d'autrefois :
Senteurs en des moissons de toisons recélées,
Chairs d'ambre, chairs de musc, bouches de giroflées.
J. MORÉAS, Les Cantilènes, Funérailles, 1886, p. 101.
9. Au souk des parfums, Sadouk-Anoun est toujours assis en savetier dans sa boutique, petite comme une niche, au plancher à hauteur d'appui, encombrée de fioles; mais les parfums qu'il vend sont aujourd'hui falsifiés. J'ai donné à Valéry, en rentrant à Paris, les deux derniers flacons authentiques, que j'ai vu Sadouk-Anoun remplir, encore avec une pipette, d'essence de pommes et, goutte à goutte, d'ambre précieux.
A. GIDE, Journal, Feuilles de route, 1896, p. 70.
Par métaph. [Pour évoquer un raffinement de luxe] :
10. Mes chants, aimés de Flore et de ses sœurs divines,
N'ont point l'ambre et le fard des muses citadines.
Je ne viens point t'offrir, dans mes vers ingénus,
De ces bergers français à Palès inconnus.
Ma muse grecque et simple et de fleurs embellie,
Visitant son Alphée et ta noble Italie,
A retenu les airs qu'en ces lieux séducteurs
Souvent à son oreille ont chanté les pasteurs.
A. CHÉNIER, Bucoliques, Dédicaces, 1794, p. 298.
11. Il en ouvrit un autre : Introduction à la vie dévote de saint François de Sales. Certes, il n'éprouvait aucun besoin de le relire, malgré ses mignardises et sa bonhommie tout d'abord charmante mais qui finissaient par vous écœurer, par vous poisser l'âme avec ses dragées aux liqueurs et ses fondants; en somme cette œuvre si vantée dans le monde des Catholiques était un julep parfumé à la bergamote et à l'ambre. Cela sentait le mouchoir de luxe secoué dans une église où persistait un relent d'encens.
J.-K. HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 239.
Loc. [En parlant d'une pers.] Fin comme l'ambre. Qui a l'esprit fin et pénétrant (comme le parfum de l'ambre) :
12. — Je voudrais y voir M. le Maréchal, reprit le baron avec impatience, entre une noblesse riche bien unie, qui nous méprise ouvertement et se moque de nous toute la journée, et des bourgeois menés par des Jésuites fins comme l'ambre, qui dirigent toutes les femmes un peu riches.
STENDHAL, Lucien Leuwen, t. 1, 1836, p. 45.
13. « Oriane de Guermantes, qui est fine comme l'ambre, maligne comme un singe, douée pour tout, qui fait des aquarelles dignes d'un grand peintre (...), c'est le sang le plus pur, le plus vieux de France.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, Le Côté de Guermantes 2, 1921, p. 447.
B.— Ambre blanc. Substance blanche qui se trouve dans la tête du cachalot ou de la baleine. Synon. blanc de baleine, spermaceti.
II.
AMBRE2, subst. masc.
A.— Ambre jaune.
1. Substance résineuse relativement tendre, d'origine végétale fossile, de couleur jaune mordoré, employée pour la fabrication de divers objets de luxe. Synon. succin, carabé. Collier d'ambre, couleur d'ambre :
1. J'ai trouvé parmi leurs bijoux des morceaux d'ambre jaune ou de succin; mais j'ignore si c'est une production de leur pays, ou si, comme le fer, ils l'ont reçu de l'ancien continent par leur communication indirecte avec les Russes.
Voyage de La Pérouse autour du monde, t. 2, 1797, p. 207.
2. Pour moi, la solitude est comme ce morceau d'ambre au sein duquel un insecte vit éternellement dans son immuable beauté.
H. DE BALZAC, Albert Savarus, 1842, p. 85.
3. Veux-tu des vierges blanches comme la lune? Aimes-tu mieux des femmes couleur d'ambre, aux ricanements altiers et qui se tordront comme des vipères, ...
G. FLAUBERT, La Tentation de saint Antoine, 1856, p. 647.
4. Il avait sorti le collier de sa poche. Des petits grains de musc, d'un gris plombé, gros comme des noyaux de cerises, alternaient avec les boules d'ambre ancien, qui avaient la forme de mirabelles, et aussi leur couleur : ce jaune assombri, mi-opaque, mi-transparent, des mirabelles trop mûres. Machinalement, il roulait le collier entre ses doigts, et l'ambre devenait tiède, et il semblait à Antoine qu'il venait de détacher le collier du cou de Rachel...
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 794.
5. Tous les stades de civilisation humaine l'ont appréciée [la résine fossile qu'est l'ambre], depuis l'âge de la pierre polie, soit pour son effet ornemental, soit pour la brûler comme encens, ou encore pour de prétendues vertus curatives et thérapeutiques. En Europe orientale et méridionale, les jeunes enfants portent encore des colliers d'ambre pour écarter le « mauvais œil », comme d'ailleurs le corail.
N. METTA, A. METTA, Les Pierres précieuses, 1960, p. 123.
Rem. 1. Certains textes font réf. à des variétés présentant d'autres couleurs que le jaune :
6. C'était un de ces beaux chapelets d'ambre laiteux qui ne servent point à chiffrer des prières, mais à amuser l'oisiveté solennelle des Turcs.
E. ABOUT, Le Roi des montagnes, 1857, pp. 82-83.
7. ... — on ne voit plus que le vert tendre du chemin, et les touffes de primevères semées partout : végétations hâtives qui n'ont pas pris le temps de voir le soleil, et qui se pressent sur la mousse en gros bouquets compacts, d'un jaune pâle de soufre, d'une teinte laiteuse d'ambre.
P. LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 271.
8. Alluvion de plusieurs générations, une couche épaisse de cire durcie, transparente comme un vernis à reflets de topaze, donne à tout l'escalier l'air d'être sculpté dans une matière précieuse, polie, indéfinissable : dans un bloc d'ambre brun.
R. MARTIN DU GARD, Notes sur Gide, 1951, p. 1385.
À noter que ambre, au plur., comme tout autre nom de matière, désigne différentes variétés ou rappelle les couleurs de différentes variétés. Cf. ,,ses ambres sombres, ses fortes ombres`` (E. FROMENTIN, Les Maîtres d'autrefois, 1876, p. 82); ,,Opales/ Ambres, roses ...`` (P. VERLAINE, Odes en son honneur, X, 1893, p. 24); ,,ambres, jaspes, opales et jades`` (VERLAINE, Œuvres posthumes, Nouvelles, Voyage en France, 1896, p. 100); ,,les métaux rugueux et les ambres étranges`` (É. VERHAEREN, La Multiple splendeur, 1906, p. 32).
Rem. 2. D'autres textes font allusion à la transparence de certaines variétés d'ambre :
9. Vos yeux sont transparents comme l'ambre fluide Au bord du Niémen; — leur regard est limpide Comme une goutte d'eau sur la grenade en fleurs.
A. DE MUSSET, À quoi rêvent les jeunes filles, 1832, II, 6, p. 382.
10. ... la lumière se veloutait, se dégradait, amincissait les portes de communication ou les degrés des escaliers intérieurs qu'elle convertissait en cette ambre dorée, inconsistante et mystérieuse comme un crépuscule, où Rembrandt découpe tantôt l'appui d'une fenêtre ou la manivelle d'un puits.
M. PROUST, À la recherche du temps perdu, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1918, p. 800.
Rem. 3. A. Chénier développe une sorte de mythe poétisant la formation de l'ambre solide à partir d'une coulée d'origine végétale :
11. Seule, de mots heureux, faciles, transparents,
Elle [la Poésie] sait revêtir ces fantômes errants :
Ainsi des hauts sapins de la Finlande humide,
De l'ambre, enfant du ciel, distille l'or fluide,
Et sa chute souvent rencontre dans les airs
Quelque insecte volant qu'il porte au fond des mers;
De la Baltique enfin les vagues orageuses
Roulent et vont jeter ces larmes précieuses
Où la fière Vistule, en de nobles coteaux,
Et le froid Niémen expirent dans ses eaux.
Là les arts vont cueillir cette merveille utile,
Tombe odorante où vit l'insecte volatile;
Dans cet or diaphane il est lui-même encor,
On dirait qu'il respire et va prendre l'essor.
A. CHÉNIER, Poèmes, L'Invention, 1794, pp. 19-20.
Rem. 4. Certains textes font réf. à la propriété de l'ambre de pouvoir s'électriser par frottement :
12. C'est dans un morceau d'ambre que la propriété électrique fut aperçue pour la première fois, et l'homme est parti de ce point pour arracher la foudre du ciel.
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 163.
Par métaph. :
13. Images délicieuses, et que l'esprit revoit toujours, cristallisées dans l'ambre clair de cette prose de poète, aussi belle que de la belle poésie.
A. DAUDET, Pages inédites de critique dramatique, 1897, p. 341.
2. P. méton. Couleur de l'ambre jaune :
14. J'aime à la voir, les cheveux tordus sur sa tête, dans les tissus négligemment attachés du matin, penchée au balcon sous le fleuve de soleil qui l'inonde, présentant insoucieusement à son ambre la courbure d'inbronzables épaules et la blancheur de mains divines.
J. BARBEY D'AUREVILLY, Deuxième Memorandum, 1838, p. 236.
15. Le visage de Miette, hâlé par le soleil, prenait, sous certains jours, des reflets d'ambre jaune.
É. ZOLA, La Fortune des Rougon, 1871, p. 16.
16. L'unanime sommeil des bois gagne les plaines;
La brise passe, avec ses doigts fleurant le miel;
Les lignes d'ambre et d'or des montagnes lointaines
Dans le matin léger, tremblent au fond du ciel.
É. VERHAEREN, La Multiple splendeur, 1906, p. 96.
17. L'automne sur les bois sème la rouille et l'ambre
Et ses longs cheveux d'or flambent dans les étangs
Cependant que bientôt l'impitoyable temps
Aura déjà fauché les trois quarts de septembre.
V. MUSELLI, Les Travaux et les jeux, 1914, p. 41.
B.— TECHNOL. La même substance traitée en vue de la fabrication de vernis :
18. ... Claude en arrivait à une sorte de superstition, à une croyance dévote aux procédés. Il proscrivait l'huile, en parlait comme d'une ennemie personnelle. Au contraire, l'essence faisait mat et solide; et il avait des secrets à lui qu'il cachait, des solutions d'ambre, du copal liquide, d'autres résines encore, qui séchaient vite et empêchaient la peinture de craquer.
É. ZOLA, L'Œuvre, 1886, p. 296.
19. La distillation du succin naturel donne de l'acide succinique et le résidu constitue l'ambre fondu, utilisable dans la fabrication des vernis.
Ch. COFFIGNIER, Les Vernis, 1921, p. 84.
C.— Ambre noir. Synon. de jais ou jayet (cf. BOISS.8).
DÉR. Ambréade, subst. fém., vx. Produit factice imitant l'ambre jaune (attesté ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e, GUÉRIN 1892). Ambréité, subst. fém. phys., rare. Propriété de s'électriser par frottement et d'attirer les corps légers — découverte pour la première fois dans l'ambre jaune : ,,Les hommes reconnoissent dans une substance inconnue (l'ambre) la propriété, qu'elle acquiert par le frottement, d'attirer les corps légers. Ils nomment cette qualité l'ambréité (électricité). Ils ne changent point ce nom à mesure qu'ils découvrent d'autres substances idio-électrique`` (J. DE MAISTRE, Les Soirées de Saint-Pétersbourg, t. 1, 1821, pp. 379-380). Ambroïde, subst. fém., phys. Matière formée par agglomération, à température élevée, de déchets d'ambre jaune et utilisée comme isolant électrique. Synon. ambroïte (attesté ds DUVAL 1959, DELORME 1962) ,,L'isolement est assuré par l'emploi d'ambroïde`` (Le Journal du radium, 1906, p. 202). Ambroïne, subst. fém., phys., technol. Matière plastique semblable à l'ambre jaune, obtenue par moulage sous pression de résines diverses et constituant un succédané de l'ébonite (attesté ds DUVAL 1959, DELORME 1962, QUILLET 1965) : ,,L'ébonite a été employée mais les isolateurs ainsi obtenus sont trop chers et pour des isolements moyens, de lignes de tramways à 500 volts par exemple, l'ambroïne, substance formée d'isolants agglomérés, a paru donner d'assez bons résultats`` (A. SOULIER, Les Grandes applications de l'électricité, 1916, p. 102).
Prononc. — 1. Forme phon. :[]. 2. Homon. : hambre (arbre du Japon; cf. ZLAT. 1862). Dér. Ambréade. Seule transcription ds LAND. 1834 : -bré-. Ambréité. Seule transcription ds LAND. 1834 : -bré-i-té.
Étymol. ET HIST. — Fin XIIe-déb. XIIIe s. « substance céracée rejetée par la mer, qui exhale une odeur de musc » (Li Romans d'Alixandre p. Lambert li tors et Alexandre de Bernay, éd. H. Michelant, 525, 18 ds T.-L. : Lin, alöès et ambre ... Ardoient en la sale).
Empr. à l'ar. anbar « id. », prob. par l'intermédiaire du lat. médiév. ambar, aussi ambra (IXe s., Rhithmi aevi Merovingici et Karolini, 136, 3 ds Mittellat. W., 540, 66 : nardei qui sedulo et ambaris odorem ore spirabas; 1076-87, CONSTANTINUS AFRICANUS, De gradibus quos vocant simplicium liber, p. 357, 27 ibid., 549, 9-10 : ambra de ventre cuiusdam marinae bestiae egreditur, ... calida et sicca in secundo gradu). Voir aussi R. Arveiller, Z. rom. Philol. t. 85, pp. 120-122.
Ambréade [suff. élargi] 1730 (SAVARY DES BRUSLONS, Dict. Univ. de comm. t. 3); ambréité [suff. élargi] 1821, supra; ambroïde, 1906, supra; ambroïne [suff. -ine, élargi en -oïne sous l'influence de ambroïde], 1916, supra.
STAT. — Fréq. abs. litt. :322. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 543, b) 674; XXe s. : a) 388, b) 310.
BBG. — Ac. Gastr. 1962. — ALEX. 1768. — BACH.-DEZ. 1882. — BAR 1960. — BARB. Misc. 28 1844-52, pp. 345-347 (s.v. ambréade). — BAUDR. Pêches 1827. — BÉL. 1957. — Bible 1912. — BOISS.8. — BOUILLET 1859. — BRARD 1838. — Canada 1930. — CHABAT t. 1 1875. — CHESN. 1857 (s.v. ambréade). — Comm. t. 1 1837 (s.v. ambréade). — Cost. 1899. — DAIRE 1759. — DELORME 1962 (et s.v. ambroïde, ambroïne). — DUMAS 1965 [1873]. — DUVAL 1959 (et s.v. ambroïde, ambroïne). — FROMH.-KING 1968. — GAY t. 1 1967 [1887]. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 274. — GRUSS 1952. — HUSSON 1964. — LABORDE 1872. — Lar. comm. 1930 (et s.v. ambroïne). — Lar. mén. 1926. — LAVEDAN 1964. — LE CLÈRE 1960. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MAT. Louis-Philippe 1951, p. 207. — METTA (N.), METTA (A.). Les Pierres précieuses. Paris, 1960, p. 123. — MONT. 1967. — NYSTEN 1814-20. — PERRAUD 1963. — PIÉRON 1963. — PRÉV. 1755. — PRIVAT-FOC. 1870. — RITTER (E.) Les Quatre dictionnaires français. Remarques lexicographiques. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 345. — THOMAS 1956. — TOURNEMILLE (J.). Au jardin des locutions françaises. Vie Lang. 1964, n° 153, p. 710. — UV.-CHAPMAN 1956.

ambre [ɑ̃bʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1200; du lat. médiéval ambar, ambra; arabe ‘ǎnbǎr « ambre gris ».
tableau Mots français d'origine arabe.
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I
1 Ambre gris, ou ambre : substance ayant la consistance de la cire, une couleur cendrée souvent parsemée de taches jaunes et noirâtres, une odeur très forte analogue à celle du musc, provenant des concrétions intestinales des cachalots qui, rejetées, flottent à la surface des mers tropicales (océan Indien). || L'ambre aurait pour origine la matière noire (sépia) sécrétée par les céphalopodes dont les cachalots se nourrissent. || L'ambre gris est utilisé en parfumerie. Ambréine.
2 Parfum préparé avec l'ambre gris. || Parfumé d'ambre. Ambré.
1 Il est des parfums (…)
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Baudelaire, les Fleurs du mal, IV, « Correspondances ».
3 Loc. (Vieilli). Fin, fine comme l'ambre, se dit d'une personne subtile, pénétrante.
2 Fin comme l'ambre, rusé voleur (…)
Florian, Don Quichotte, I, 2.
4 Par anal. Vx. || Ambre blanc : blanc de baleine, spermaceti (provenant de la tête des cétacés).
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II
1 Ambre jaune ou ambre : résine fossile d'origine végétale, substance dure, transparente, translucide ou opaque, parfois rouge, plus souvent jaune de miel ou blanc jaunâtre, soluble seulement dans un mélange d'alcool et d'essence de térébenthine, fusible vers 255°, combustible, s'électrisant par frottement. Succin. || L'ambre se travaille au tour, se taille pour donner des perles (colliers, chapelets), des pendentifs, des tuyaux de pipes, des fume-cigarette, des manches (couteaux, poignards, etc.); on l'utilise également en orfèvrerie, en tabletterie, et dans la préparation des vernis. || Collier d'ambre. || Fume-cigarette à bout d'ambre. || La mer Baltique arrache de l'ambre aux terrains qu'elle bat et le rejette sur les côtes. Herpes (marines).Résines synthétiques imitant l'ambre. Agatite, bakélite, carbolite, formite.
2.1 (…) les boules d'ambre ancien (d'un collier) qui avaient la forme de mirabelles, et aussi leur couleur : ce jaune assombri, mi-opaque, mi-transparent, des mirabelles trop mûres. Machinalement, il roulait le collier entre ses doigts et l'ambre devenait tiède (…)
Martin du Gard, les Thibault, Épilogue, 1940, p. 794.
2 La couleur jaune doré à jaune rougeâtre de l'ambre.
3 Belle, oh ! belle, les bras, la gorge, les épaules, d'un ambre fin, solide, sans tache ni fêlure.
Alphonse Daudet, Sapho, III, p. 18.
4 Le vin, qui brillait dans son verre ainsi que de l'ambre liquide (…)
France, l'Orme du mail, Œ., t. XI, p. 184.
On emploie dans le même sens couleur d'ambre (où ambre a son sens propre). → Ambré.
5 Un vin de sable trop chaleureux couleur d'ambre (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 12.
tableau Désignations de couleurs.
DÉR. Ambré, ambréine, ambrer, ambrette, ambrin.

Encyclopédie Universelle. 2012.