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orgueil

orgueil [ ɔrgɶj ] n. m.
orgoill 1080; frq. °urgoli « fierté »
1Opinion très avantageuse, le plus souvent exagérée, qu'une personne a de sa valeur personnelle aux dépens de la considération due à autrui. Péché d'orgueil. Être bouffi, gonflé d'orgueil. Hubert pensait « que j'étais atteint dans mon orgueil » (F. Mauriac). « cet orgueil inique et aveugle qui caractérise les grands hommes » (Sartre). Attitude pleine d'orgueil. arrogance, dédain, hauteur, insolence, 1. morgue, présomption, prétention, suffisance, vanité.
(En bonne part) Sentiment élevé de dignité. amour-propre, fierté. « Les femmes fières dissimulent leur jalousie par orgueil » (Stendhal). « Nous voici vaincus et captifs, humiliés dans notre légitime orgueil national » (Sartre).
2 ♦ L'ORGUEIL DE : la satisfaction d'amour-propre que donne (qqn, qqch.). ⇒ fierté. Avoir l'orgueil de ses enfants, de sa maison, de ses titres, en être fier. ⇒ s'enorgueillir. Il ne cache pas son orgueil d'avoir réussi. « Il avait bien eu quelque succès à l'office. Mais il n'en tirait pas grand orgueil » (Romains). gloire, vanité.
Par méton. Ce qui motive cette fierté. « Les chats puissants et doux, orgueil de la maison » (Baudelaire).
⊗ CONTR. Humilité, modestie, simplicité. Bassesse. Honte.

orgueil nom masculin (francique urgôli) Sentiment exagéré de sa propre valeur, estime excessive de soi-même, qui porte à se mettre au-dessus des autres : Être bouffi d'orgueil. Sentiment de dignité, fierté légitime, amour-propre : Cacher sa misère par orgueil. Personne ou chose, sujet de légitime fierté : Il est l'orgueil de la famille.orgueil (citations) nom masculin (francique urgôli) Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Il y a deux degrés d'orgueil : l'un où l'on s'approuve soi-même ; l'autre où l'on ne peut s'accepter. Celui-ci est probablement le plus raffiné. Journal intime, 27 octobre 1853 Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 L'orgueil est la même chose que l'humilité : c'est toujours le mensonge. Le Coupable Gallimard René Daumal Boulzicourt, Ardennes, 1908-Paris 1944 Dieu est nommé pour le seul être que l'on puisse adorer en soi sans être enchaîné par l'orgueil. Lettres à ses amis Gallimard Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 Le comble de l'orgueil, c'est de se mépriser soi-même. Carnets saint François de Sales château de Sales, près de Thorens, Savoie, 1567-Lyon 1622 Les scrupules sont fils de l'orgueil le plus fin. Maximes, sentences et pensées Jean Genet Paris 1910-Paris 1986 Mon orgueil s'est coloré avec la pourpre de ma honte. Journal du voleur Gallimard Sacha Guitry Saint-Pétersbourg 1885-Paris 1957 La vanité, c'est l'orgueil des autres. Jusqu'à nouvel ordre M. de Brunhoff Marcel Jouhandeau Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979 La modestie n'est qu'une sorte de pudeur de l'orgueil. De la grandeur Grasset Robert Mallet 1915 On s'humilie par orgueil. On accepte d'être humilié par humilité. Apostilles Gallimard Paul Masson 1849-1896 Il y a des gens qui ne dépouillent jamais leur orgueil. Leurs fautes, s'ils les passent en revue, c'est à cheval. Cité par Willy dans l'Année fantaisiste, 1893 Pierre Nicole Chartres 1625-Paris 1695 On peut désirer par amour-propre d'être délivré de l'amour-propre, comme l'on peut souhaiter l'humilité par orgueil. Essais de morale, Des diverses manières dont on tente Dieu Charles-Louis Philippe Cérilly, Allier, 1874-Paris 1909 […] L'orgueil est plein de silence […]. Lettres de Jeunesse, Lettre à Mme Kenty Gallimard Pierre Reverdy Narbonne 1889-Solesmes 1960 C'est l'orgueil qui fait dire non, et la faiblesse oui. La modestie peut également dire les deux sans passion. En vrac Éditions du Rocher Pierre Reverdy Narbonne 1889-Solesmes 1960 On est orgueilleux par nature, modeste par nécessité. En vrac Éditions du Rocher Antoine Rivaroli, dit le Comte de Rivarol Bagnols-sur-Cèze 1753-Berlin 1801 La vanité fait plus d'heureux que l'orgueil. Discours sur l'homme intellectuel et moral Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Le plus farouche orgueil naît surtout à l'occasion d'une impuissance. Moralités Gallimard Marc Aurèle, en latin Marcus Annius Verus, puis Marcus Aurelius Antoninus, empereur romain Rome 121-Vindobona 180 Recevoir sans bouffée d'orgueil, perdre sans déchirement. Pensées, VIII, 33 (traduction A. I. Trannoy) Ivan Sergueïevitch Tourgueniev Orel 1818-Bougival 1883 La pitié sans orgueil n'appartient qu'à la femme. Étranges Histoires, l'Abandonnée orgueil (difficultés) nom masculin (francique urgôli) Orthographe Attention à la place du u, après le g et avant le e, pour avoir le son [&ph91;], comme dans gué. ● orgueil (synonymes) nom masculin (francique urgôli) Sentiment exagéré de sa propre valeur, estime excessive de soi-même...
Synonymes :
- arrogance
- fatuité
- hauteur
- infatuation
- mégalomanie
- morgue
- présomption
- prétention
- suffisance
- superbe (littéraire)
Contraires :
- humilité
- modestie
- simplicité
Sentiment de dignité, fierté légitime, amour-propre
Synonymes :
- amour-propre
- fierté
- gloriole
- vanité
Personne ou chose, sujet de légitime fierté
Synonymes :
- fleuron
- gloire
- honneur
- ornement
Contraires :
- abjection
- déshonneur
- honte
- infamie

orgueil
n. m.
d1./d Opinion trop avantageuse de soi-même, de son importance.
d2./d (En bonne part.) Sentiment légitime de sa valeur, de sa dignité.
d3./d (Afr. subsah.) Orgueil de Chine: arbuste ornemental (césalpiniacées) à fleurs jaunes et rouges.

⇒ORGUEIL, subst. masc.
I. A. —Présomption, estime exagérée, amour excessif de soi-même, qui fait que l'on est persuadé de sa propre excellence, que l'on se juge supérieur aux autres. Les philosophes qui, pour l'orgueil et la sécheresse continuèrent les théologiens, décidèrent qu'il n'avait pas d'âme (MICHELET, Peuple, 1846, p.238). Disraëli (...) forme le projet (...) de devenir le plus grand homme qui ait jamais existé (...). On connaît l'orgueil fou d'un Byron, la mégalomanie d'un Hitler, d'un Goebbels, d'un Mussolini, greffée sur une jeunesse humiliée (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.598):
1. Un adage sacré dit que l'orgueil est le commencement de tous nos crimes; (...) et de toutes nos erreurs. C'est lui qui nous égare en nous inspirant un malheureux esprit de contention qui nous fait chercher des difficultés pour avoir le plaisir de contester, au lieu de les soumettre au principe prouvé...
J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.304.
Subst. + d'orgueil. Homme d'orgueil. Homme qui est rempli d'orgueil. Le ciel de turquoise morte surveille la ruine des hommes d'orgueil qui voulurent en tenter l'escalade (COCTEAU, Maalesh, 1949, p.117). Politique d'orgueil. Politique qui est remplie d'orgueil. Ainsi, des deux côtés [France-Allemagne] la politique d'orgueil (...) de taquinerie et d'arrogance semble reprendre (JAURÈS, Eur. incert., 1914, p.27).
SYNT. Orgueil démesuré, immense, indomptable, ombrageux; insolent, stupide, vif orgueil; abattre, blesser, briser, flatter, humilier, mortifier, offenser, vaincre l'orgueil de qqn; avoir un orgueil de fer; être bouffi, ivre, perdu d'orgueil; se gonfler, se piquer d'orgueil; tomber du haut de son orgueil.
En partic. [Cette estime considérée chez une pers. qui se glorifie avec excès d'avantages qui lui viennent de ses origines, de son rang social, etc.] Suffisance, morgue, superbe. L'orgueil des princes. Ces nobles, se dit la soubrette, ont l'air d'être sortis de la propre cuisse de Jupiter; au moindre mot, leur orgueil se dresse sur les ergots, et ils ne peuvent, comme les vilains, digérer l'insulte (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.222).
Spécialement
1. PSYCHANAL. ,,Hypertrophie du Moi et surestimation personnelle`` (PEL. Psych. 1976). L'orgueil (...) est un des éléments de la constitution paranoïaque et il fait le lit de la méfiance, de l'interprétation et des idées de persécution (LAFON 1963).
2. MOR., RELIG. Défaut, esprit, vice d'orgueil; infernal, maudit, noir orgueil. Orgueil et humilité s'opposent donc comme le non et le oui, —celui-là qui est l'esprit de refus, la mortelle satisfaction d'une âme endurcie, blindée, cuirassée de contentement et entièrement insensible aux valeurs (JANKÉLÉVITCH, Les Vertus et l'Amour, 1970, p.661):
2. Le problème métaphysique de l'orgueil, de l'hybris, que les Grecs ont aperçu (...) a été un des thèmes essentiels de la théologie chrétienne (...). L'orgueil consiste à ne trouver sa force qu'en soi, il retranche celui qui l'éprouve d'une certaine communion des êtres, du même coup il tend à la briser, il joue comme un principe de destruction.
G. MARCEL, Position et approches concrètes du mystère ontologique, 1967, p.74.
♦[P. réf. à la Bible, Prov. 16-18] Orgueil de Lucifer, de Satan. Isaïe compare le roi de Babylone à Lucifer, qui est tombé du ciel sur terre à cause de son orgueil (Théol. cath. t.4, 1 1920, p.361).
Péché d'orgueil. Le premier des sept péchés capitaux. Les péchés capitaux, a-t-il dit: il n'en a qu'un, lui, mais le père de tous les autres, l'orgueil! Par orgueil, il criera pour vous; par orgueil il vous trahira (DUMAS père, Darlington, 1832, I, 5, p.63). Ma fille, mon enfant, gardons-nous du péché d'orgueil. Nous sommes faits comme les autres. Nous sommes des chrétiens comme les autres. Nous eussions été comme eux (PÉGUY, Myst. charité, 1910, p.129).
B. —Fierté, sentiment noble inspiré par une juste confiance, l'estime légitime de soi ou des autres. Orgueil maternel, national; noble, respectable orgueil; donner de l'orgueil à qqn. L'ame accroît sa force par l'orgueil même de sa force; dès qu'elle s'estime, elle peut tout (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p.81). Je condamne ta vanité, mais non pas ton orgueil, car si tu danses mieux qu'une autre, pourquoi te dénigrerais-tu en t'humiliant devant qui danse mal? Il est une forme d'orgueil qui est amour de la danse bien dansée (SAINT-EXUP., Citad., 1943, p.864):
3. Christophe oubliait donc tous ses griefs contre son père, et il s'évertuait à trouver des raisons de l'admirer (...) il rayonnait d'orgueil, quand il entendait admirer son talent de virtuose, ou quand Melchior racontait, en les amplifiant, les éloges qu'il avait reçus.
ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p.43.
Avec orgueil. Avec fierté. Contempler, regarder qqn/qqc. avec orgueil. Souvent il se disoit avec orgueil: «C'est mon gendre!...» (BALZAC, Annette, t.2, 1824, p.140). Le commandant Desbarres (...) montrait avec orgueil (...) la croix d'honneur donnée par l'empereur lui-même (...) pendant la retraite de Russie (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Rosier Mme Husson, 1887, p.690).
(Avoir son) petit orgueil (fam.). (Éprouver une) satisfaction d'amour-propre. Corbie ouvrit les armoires, en tira des verres et une bouteille d'eau-de-vie, faisant le service avec le petit orgueil d'un homme qui montre qu'il est de la maison (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p.129).
Mettre un certain, tout son orgueil à faire qqc. Mettre (...) son amour-propre à... Gavarni nous parle (...) de ce temps où éditeurs, graveurs, artistes mettaient un certain orgueil à faire quelque chose de propre (GONCOURT, Journal, 1857, p.364). Il y avait surtout le fils d'un entrepreneur forain (...) qui mettait son orgueil à rester dernier de la classe (GIDE, Si le grain, 1924, p.424).
♦Subst. + d'orgueil. Sentiment d'orgueil. Il venait d'obtenir pour lui le ruban de la légion d'honneur. Félicité pleura. Son mari décoré! Son rêve d'orgueil n'était jamais allé jusque là (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p.295):
4. Les petits plaisirs d'orgueil qu'il récoltait quotidiennement, l'empressement qu'il rencontrait aux cérémonies mineures où il représentait son ministre, la considération des officiers généraux, la poignée de main des sénateurs ventrus, faisaient à Simon cette apparence satisfaite.
DRUON, Gdes fam., t.1, 1948, p.181.
P. anal. [Le compl. de nom désigne un arbre, un édifice] Aspect imposant, majesté de quelque chose. L'orgueil des palais. L'Escurial étend son orgueil de granit (VERLAINE, Poèmes saturn., 1866, p.89). La maison était entourée de vieux sycomores laissés libres de tout temps. Ils étaient d'une santé et d'un orgueil magnifiques. Les troncs bosselés de muscles roux s'élançaient vers le ciel avec tant de puissance qu'ils soulevaient la terre dans leurs racines (GIONO, Que ma joie demeure, 1935, p.252).
II. —(Être l')orgueil de qqn/de qqc. (Être pour quelqu'un/quelque chose une) satisfaction d'amour-propre, (un) sujet de fierté, légitime ou non. Être l'orgueil d'une personne, d'un pays, d'un groupe; son fils, l'orgueil de la famille. N'avez-vous pas (...) un fils que tout le monde nous envierait, un fils qui est notre orgueil, notre gloire, notre avenir? (SCRIBE, Bertrand, 1833, II, 2, p.150). Général Koenig! Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.671).
III.TECHNOL. ,,Grosse cale de pierre ou de bois servant de point d'appui à un levier`` (BARB.-CAD. 1963).
REM. Orgueillite, subst. fém., rare. Accès, crise d'orgueil. Souffrir, être atteint d'une orgueillite aiguë. Encore une crise d'orgueillite, chez les Charles Gide, tantôt. Une bouffée de vantardise (à propos de mes représentations en Allemagne) (GIDE, Journal, 1907, p.239).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Fin du Xe s. orgolz cas suj. «sentiment exagéré qu'on a de sa valeur» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 56); ca 1100 orgoill cas rég. (Roland, éd. J. Bédier, 1773); b) ca 1100 «sujet de fierté» (ibid., 3315); c) 1637 (en bonne part) «sentiment justifié de sa dignité» (CORNEILLE, Le Cid, II, 2, var. du vers 99); 2. 1376 «cale de bois ou de pierre qui, insérée sous un levier, lui sert de point d'appui» (Modus et Ratio, 124, 77 ds T.-L.). De l'a. b. frq. urgol «fierté», dér. d'un adj. signifiant «excellent», cf. l'a. b. all. urgôl «excellent», l'a. h. all. urguol «id.» et l'ags. orgel, orgol subst. «fierté» (NED). V. FEW t.17, p.416a. Fréq. abs. littér.:6576. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a)9936, b) 9327; XXe s.: a) 9916, b) 8525. Bbg. DARM. Vie 1932, p.53, 192. —QUEM. DDL t.11.

orgueil [ɔʀgœj] n. m.
ÉTYM. 1080, orgoil; d'un francique urgoli « fierté ».
———
I
1 Opinion très avantageuse de soi-même, sentiment très vif, le plus souvent exagéré, et parfois injustifié, qu'une personne a de sa valeur personnelle, de son importance sociale, généralement aux dépens de la considération due à autrui. Fierté (cit. 3). || Orgueil et vanité. || L'orgueil est conçu par les psychologues comme une hypertrophie du Moi, comme le résultat d'une absence ou d'un fléchissement de l'autocritique.
1 L'orgueil est une enflure du cœur par laquelle l'homme s'étend et se grossit en quelque sorte en lui-même, et rehausse son idée par celle de force, de grandeur et d'excellence.
Nicole, in Lafaye, Dict. des synonymes.
2 Il faut définir l'orgueil une passion qui fait que de tout ce qui est au monde l'on n'estime que soi.
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, « De l'orgueil ».
L'orgueil, levier (cit. 8) des forces humaines, stimulant de l'amour de la gloire (cit. 13). || « Les vapeurs enivrantes (cit. 3) de l'orgueil » (Rousseau) → aussi Fumée, cit. 22. || Préjugés, ruses (→ Indulgent, cit. 9), sophismes de l'orgueil (→ Échapper, cit. 24). || L'humilité (cit. 3) n'est souvent qu'une feinte (cit. 7), qu'un artifice (cit. 6) de l'orgueil. || L'incrédulité (cit. 2), forme de l'orgueil. || L'orgueil, péché capital. || Pécher par orgueil (→ Arriver, cit. 67), péché d'orgueil (→ Garder, cit. 79). || Confondre, humilier (cit. 2) l'orgueil, son orgueil.Par métonymie. Les orgueilleux. || « Le superflu, dont l'orgueil se pare » (→ 1. Commode, cit. 10, Bourdaloue).
3 L'orgueil précède la ruine de l'âme, et l'esprit s'élève avant la chute.
Bible (Sacy), Proverbes, XVI, 18.
4 L'orgueil ne veut pas devoir, et l'amour-propre ne veut pas payer.
La Rochefoucauld, Maximes, 228.
5 L'orgueil qui vient d'une confiance aveugle de nos forces, nous l'avons nommé présomption; celui qui s'attache à de petites choses, vanité; celui qui est courageux, fierté.
Vauvenargues, De l'esprit humain, XXIV.
6 (…) cette fausse modestie qui n'est qu'un raffinement de l'orgueil (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, L.
7 L'orgueil est le sentiment d'être nés pour quelque chose que seuls nous pouvons concevoir, et cette chose plus grande et plus importante que tout autre.
Valéry, Mélange, p. 135.
8 L'orgueil a de telles racines ! Au moment du plus fervent repentir, c'était avec une prodigieuse jouissance d'orgueil que M. Thibault savourait son humilité.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 235.
Avoir de l'orgueil, beaucoup d'orgueil, un grand orgueil, un orgueil aveugle (cit. 16), démesuré, indomptable (cit. 4), sans borne (cit. 14)… Orgueilleux. || Être bouffi (→ Envieux, cit. 8), boursouflé, dévoré, enflé, gonflé (cit. 18 et 41), pétri d'orgueil ( Infatuation). || Crever (cit. 17) d'orgueil. || Un ambitieux cuirassé dans son orgueil (→ Armer, cit. 25). || Il est dupe (cit. 14) de ce qui chatouille, flatte (cit. 12) son orgueil. || Bouffées (cit. 5) d'orgueil. || L'orgueil lui tourne la tête.Être atteint, blessé dans son orgueil (→ 2. Gaffer, cit.). || Aveu (cit. 14) qui coûte à l'orgueil de qqn. || Blessure, froissement (cit. 10) d'orgueil. Amour-propre (cit. 10). || Orgueil qui se cabre (cit. 10).
9 Si nous n'avions point d'orgueil, nous ne nous plaindrions pas de celui des autres.
La Rochefoucauld, Maximes, 34.
10 Dépouille devant tous l'orgueil qui te dévore,
Cœur gonflé d'amertume et qui t'es cru fermé.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit d'août ».
11 (…) celui-ci (Delhomme) venait d'être nommé maire, à la place de Macqueron, ce qui gonflait sa femme d'un tel orgueil, qu'elle en claquait dans sa peau.
Zola, la Terre, V, VI.
12 (…) cette confiance absurde en leur étoile, cet orgueil inique et aveugle qui caractérisent les grands hommes.
Sartre, Situations II, p. 230.
L'orgueil, considéré spécialement dans ses manifestations. Arrogance (cit. 4), dédain, hauteur, insolence, morgue, suffisance. || Orgueil arrogant (cit. 2), indiscipliné (cit. 1), insoutenable, ridicule. || L'orgueil le rend distant, impérieux (cit. 1), insociable (cit. 4). || Nature (cit. 24) fière sans orgueil.Orgueil nobiliaire, de caste (cit. 4). Superbe (n. f.). || Accent, ton d'orgueil. Importance, supériorité. || Parler avec orgueil de ses épreuves, de ses luttes. Complaisance; orgueilleusement (→ Guerrier, cit. 9). || Étaler ses titres par pur orgueil. Gloire (vx), gloriole, ostentation, vanité. || Se livrer par orgueil à des bravades (cit. 4). || Rabaisser, rabattre l'orgueil de qqn. Crête, jactance. || Son attitude, sa démarche puent l'orgueil. Pavaner (se), rengorger (se).Je n'ai pas le sot orgueil de… (avec l'infinitif). Outrecuidance, présomption, prétention.
13 Se croire un personnage est fort commun en France.
On y fait l'homme d'importance,
Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois :
C'est proprement le mal français.
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière.
Leur orgueil me semble, en un mot,
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
La Fontaine, Fables, VIII, 15.
14 — (…) j'ai toutes les envies du monde de (…) rabattre un peu son orgueil (…) — (…) C'est le plus orgueilleux petit vilain que vous ayez jamais vu. Il lui semble qu'il n'y a personne au monde qui le mérite, et que la terre n'est pas digne de le porter (…) — (…) ce mépris est choquant, et je ne puis souffrir cette hauteur étrange de ne rien estimer.
Molière, la Princesse d'Élide, III, 3.
15 Chateaubriand n'avait aucune humilité et son orgueil, encore que légitime, offensait des hommes moins brillants et qui le savaient, mais qui auraient souhaité qu'il ne laissât pas lui-même éclater, de manière aussi visible, son dédain.
A. Maurois, Chateaubriand, VIII, VI.
Par ext. Caractère de ce qui est orgueilleux. || L'orgueil de son port, de sa démarche…
16 Et l'insolent orgueil de sa catégorie.
Molière, Tartuffe, III, 4.
2 (En bonne part). Sentiment élevé de dignité (individuel ou collectif). Amour-propre, estime (de soi-même), fierté. || Orgueil bien légitime (→ Fier, cit. 21). || Peuple humilié (cit. 38) dans son légitime orgueil national. || Noble et juste orgueil (→ Armer, cit. 6; cœur, cit. 106; honorer, cit. 24). || « Les femmes fières dissimulent leur jalousie (cit. 20) par orgueil » (Stendhal). || Il se retenait de se plaindre par orgueil (→ Envie, cit. 29). || Cœur qui bondit (cit. 10) d'orgueil.(1782). || Orgueil national.
17 La volonté peut et doit être un sujet d'orgueil bien plus que le talent.
Balzac, la Muse du département, Pl., t. VI, p. 177.
18 Avec Iphigénie, pourtant, cet orgueil s'épure, se défait de toute infatuation, n'est plus que dignité, que le sentiment de ce que l'on se doit à soi-même, qui va jusqu'au sacrifice de soi.
Gide, Attendu que…, p. 217.
18.1 Il est peu de grandes âmes à la tête des armées pour les enivrer, leur inspirer l'amour de la gloire, l'orgueil national, et le respect de la discipline qui fait vaincre.
Saint-Just, Discours et Rapports, p. 128.
Mettre son orgueil à faire qqch. (→ Berceau, cit. 11; butor, cit. 2; 1. las, cit. 5).
3 L'orgueil de… a La satisfaction d'amour-propre, légitime ou non, que l'on trouve dans (un être, une chose, un état, une action…). || Avoir l'orgueil de ses enfants, de sa maison, de ses titres… Enorgueillir (s'), fier (être). || L'orgueil d'être un homme en marge de la vie sociale (→ Liquéfier, cit.), de jouer un rôle brillant (→ Distinguer, cit. 24). || Il ne cache pas son orgueil de posséder son métier (cit. 16) à la perfection.Concevoir, éprouver, ressentir un vif orgueil de qqch. || Napoléon tirait orgueil, tirait un grand orgueil de la popularité de l'Impératrice (cit. 2). Gloire, vanité. || C'est un grand sujet d'orgueil pour elle.
19 — Tu mens ! C'était l'orgueil implacable et jaloux
De commander aux rois dans tes haillons de bure,
Et d'écraser du pied les peuples à genoux,
Qui faisait tressaillir ton âme altière et dure.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « L'agonie d'un saint ».
20 L'orgueil d'être une si brillante réussite, d'être un maître en toutes choses merveilleuses, l'orgueil croissant s'épure et s'élève à ce degré métaphysique qui le rend équivalent à une modestie infinie. Il n'y a point d'orgueil dans un cèdre à se reconnaître le plus grand arbre des arbres (…)
Valéry, Variété IV, p. 108.
21 Il avait bien eu quelque succès à l'office. Mais il n'en tirait pas grand orgueil, sachant reconnaître dans les domestiques des êtres subalternes.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VIII, p. 84.
b Par métonymie. Ce qui motive cette fierté; sujet d'orgueil. || « Les chats (cit. 5) puissants et doux, orgueil de la maison » (Baudelaire). || Se faire (cit. 145) un orgueil de… || Son orgueil, c'est de travailler à vos côtés.
22 Elle fait tout l'orgueil d'une superbe mère (…)
Racine, Iphigénie, II, 1.
23 L'une des pièces du devant était ainsi devenue libre. Miraud en avait profité pour y faire à loisir une installation dont il rêvait depuis des années, et qui maintenant était son orgueil.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. I, XXIV, p. 276.
Orgueil des Indes : flamboyant.
23.1 Alors un nouvel arbre surgit, lui barra la vue. Il identifia non sans difficulté un orgueil des Indes dont les fleurs semblables à des orchidées se groupaient en essaims d'où saillaient des étamines énormes, vives se gonflant au milieu des calices béants.
P. Grainville, les Flamboyants, p. 25.
Orgueil de Chine : arbuste (Cœsalpina pulcherrima).
c Littér. Sentiment de respect, de fierté, de dignité (qu'inspire ce à quoi l'on est attaché). || L'orgueil des armes, du diadème (cit. 2), de la naissance (→ Emporter, cit. 24). || Il a oublié, perdu tout orgueil de sa réputation.
24 Nous aurons le sublime orgueil
De les venger (nos aînés) ou de les suivre !
Rouget de Lisle, la Marseillaise, VIIe couplet.
25 Il conservait l'orgueil de sa tenue extérieure, s'habillait proprement et bien (…)
Loti, Ramuntcho, II, X.
26 Sans doute, elle avait été élevée dans l'orgueil de son nom, mais dans cette fierté elle ne voyait qu'une dette filiale, qui, pensait-elle, devrait être celle de tous, et aussi bien des plus humbles.
R. Radiguet, le Bal du comte d'Orgel, p. 79.
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II Par métonymie. Techn. (métaphore du port de tête de l'orgueilleux). Cale de bois, de pierre qui fait dresser la tête d'un levier et le soutient pendant qu'il soulève un fardeau.
27 Il soulevait et soutenait parfois d'énormes poids sur son dos, et remplaçait dans l'occasion cet instrument qu'on appelle cric et qu'on appelait jadis orgueil, d'où a pris nom, soit dit en passant, la rue Montorgueil près des Halles de Paris.
Hugo, les Misérables, I, II, VII.
CONTR. Humilité (cit. 1, 5, 11, 13 et 15), modestie (cit. 5), simplicité. — Bassesse, componction.
DÉR. et COMP. Enorgueillir, orgueilleux.

Encyclopédie Universelle. 2012.