modestie [ mɔdɛsti ] n. f.
• 1355; lat. modestia
1 ♦ Vx Modération.
2 ♦ (XVIIe) Mod. Modération, retenue dans l'appréciation de soi-même, de ses qualités. ⇒ humilité, réserve, retenue, simplicité. L'améthyste, la violette, symboles de modestie. Parler de soi avec modestie. « ils avaient manqué de cette modestie, de cet effacement de soi, de ces qualités de modération de jugement » (Proust). — Fausse modestie : modestie affectée. « La fausse modestie est le plus décent de tous les mensonges » (Chamfort). Allons ! pas de fausse modestie. — En toute modestie,... (souvent iron.).— Gramm. Pluriel de modestie.
3 ♦ Vx Pudeur, retenue. ⇒ décence, honnêteté. Vêtue avec modestie.
⊗ CONTR. Excès; audace, orgueil, prétention, vanité; indécence.
● modestie nom féminin (latin modestia) Littéraire. Pudeur dans l'expression des sentiments : La modestie de son regard. Modération, réserve, retenue dans l'appréciation de soi-même : Sa modestie est excessive. Faiblesse, peu d'importance de quelque chose : La modestie de vos exigences me surprend. Lingerie fine, placée au centre d'un corsage, qui en atténue le décolleté. ● modestie (citations) nom féminin (latin modestia) Roger de Rabutin, comte de Bussy, connu sous le nom de Bussy-Rabutin Épiry, Nièvre, 1618-Autun 1693 Académie française, 1665 Les malheureux qu'on accable ont si grand-peur qu'on ne les méprise, qu'ils en sont moins modestes. Lettres, au P. Raquin, octobre 1677 Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 La fausse modestie est le plus décent de tous les mensonges. Maximes et pensées Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 La bonne foi n'est pas une fleur spontanée, la modestie non plus. Ces plaisirs Ferenczi Prosper Jolyot de Crais-Billon, dit Crébillon fils Paris 1707-Paris 1777 De toutes les vertus, celle qui, dans le monde, m'a toujours paru réussir le moins à celui qui la pratique, c'est la modestie. Les Égarements du cœur et de l'esprit Prosper Jolyot de Crais-Billon, dit Crébillon fils Paris 1707-Paris 1777 Une profonde ignorance avec beaucoup de modestie serait à la vérité fort incommode, mais, avec une extrême présomption, je puis vous assurer qu'elle n'a rien de gênant. Les Égarements du cœur et de l'esprit Bernard Grasset Chambéry 1881-Paris 1955 Être véritablement modeste, c'est comprendre que le sentiment que nous avons de notre propre supériorité ne vaut que pour nous. Remarques sur l'action Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 La modestie argente l'or. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Marcel Jouhandeau Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979 La modestie n'est qu'une sorte de pudeur de l'orgueil. De la grandeur Grasset Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Un fonds de modestie rapporte un très gros intérêt. Mes pensées Pierre Reverdy Narbonne 1889-Solesmes 1960 Ce qu'il y a de mieux dans la modestie, c'est l'intelligence qu'il faut déployer pour s'y tenir. En vrac Éditions du Rocher Pierre Reverdy Narbonne 1889-Solesmes 1960 C'est l'orgueil qui fait dire non, et la faiblesse oui. La modestie peut également dire les deux sans passion. En vrac Éditions du Rocher Pierre Reverdy Narbonne 1889-Solesmes 1960 On est orgueilleux par nature, modeste par nécessité. En vrac Éditions du Rocher ● modestie (expressions) nom féminin (latin modestia) Fausse modestie, attitude de quelqu'un qui minimise son rôle, son importance, son appréciation de lui-même, d'une manière affectée et sans en penser un mot. ● modestie (synonymes) nom féminin (latin modestia) Modération, réserve, retenue dans l'appréciation de soi-même
Synonymes :
- discrétion
- humilité
- simplicité
Contraires :
- fatuité
- orgueil
- présomption
- prétention
- vanité
modestie
n. f.
d1./d Absence de vanité, d'orgueil.
d2./d Réserve, pudeur.
d3./d Caractère de ce qui est modeste; simplicité, absence de faste.
⇒MODESTIE, subst. fém.
A. — Vieilli. Modération, retenue. Anton. excès.
1. Modération (de quelqu'un). En deux heures Barthélemy eut tout vu, et tout jugé. Mais avec modestie: loué les blés, questionné sur l'état des vignes (BOSCO, Mas Théot., 1945, p.167):
• 1. Haverkamp se promit avec force qu'en fin de décembre 16, quelle que fût la somme à inscrire au bas de la colonne des bénéfices, il n'aurait pas à se reprocher un excès de modestie dans les desseins et les entreprises...
ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.178.
2. Modération (de quelque chose). Modestie des besoins, des goûts, des prétentions. Ni l'or ni les grandeurs ne nous rendent heureux. C'est dans l'union des âmes que réside la vraie félicité; c'est dans la modestie des désirs que consiste la vraie richesse (SANDEAU, Sacs, 1851, p.57). Les visiteurs étrangers trouveront d'autres motifs de satisfaction dans la modestie du niveau des prix alimentaires français. Ils seraient, pour la plupart, moins chers que dans les autres pays du Marché commun (L'Express, 31 mars 1969, p.96, col.3):
• 2. Félicité parut étonnée de la modestie de son ambition. Elle le lui fit même entendre. Violer des lettres, risquer le bagne, pour vendre quelques dictionnaires!
ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p.263.
B. — Simplicité, absence de recherche, de faste, de luxe. Modestie d'un vêtement, d'un intérieur. La vraie cuisine anglaise (...) est excellente quand elle est faite avec modestie, lenteur, et selon les vieilles recettes (MORAND, Londres, 1933, p.238):
• 3. ... l'œil intéressé de la comtesse expertisait le salon. Il y régnait une modestie décourageante. Des chaises de reps vert, un fauteuil en velours grenat, un autre en vulgaire tapisserie, dans lequel elle était assise...
GIDE, Caves, 1914, p.765.
— Absence d'éclat, discrétion (d'une lumière ou d'une teinte). [Les grands sculpteurs] marient si bien la hardiesse de la lumière à la modestie de l'ombre que leurs sculptures sont savoureuses comme les plus chatoyantes eaux-fortes (RODIN, Art, 1911, p.66).
C. — 1. Domaine financier. Modicité (d'un gain, de ressources). Il était volontiers maniaque et, en dépit de la modestie de ses ressources, tenait à vivre fort correctement (G. LEROUX, Parfum, 1908, p.12):
• 4. La naissance des enfants, le nouveau métier de Jonas, leur installation étroite, et la modestie de la mensualité qui interdisait d'acheter un plus grand appartement, ne laissaient qu'un champ restreint à la double activité de Louise et de Jonas.
CAMUS, Exil et Roy., 1957, p.1631.
2. Domaine soc. Humilité, manque d'élévation, simplicité. Modestie d'une condition, d'une fonction. Il se donna au théâtre parce qu'il ne se résignait pas à la modestie de sa position: il n'envisageait pas de déchoir (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.37):
• 5. ... l'extrême modestie de mon origine, mon enfance misérable, abandonnée, la disproportion que je sens de plus en plus entre une éducation si négligée, grossière même, et une certaine sensibilité d'intelligence qui me fait deviner beaucoup de choses...
BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p.1086.
D. — Fait d'être modeste, effacement de soi, retenue dans l'opinion que l'on a ou que l'on affiche de soi-même. Synon. humilité, réserve, retenue, simplicité; anton. audace, fatuité, fierté, forfanterie, orgueil, prétention, suffisance, vanité. L'embarras visible de Lothario, dont la modestie ne supportoit pas les moindres éloges sans impatience (NODIER, J. Sbogar, 1818, p.162):
• 6. Aussi nourrissait-il une préférence secrète pour les anonymes, pour les bâtisseurs qui avaient eu la modestie de s'effacer devant leurs cathédrales, pour l'auteur innombrable des chansons populaires.
SARTRE, Mots, 1964, p.48.
SYNT. Excessive, extrême, grande modestie; modestie charmante, naturelle, touchante; excès, manque de modestie; parler de soi, répondre, baisser les yeux, s'effacer avec modestie; blesser, choquer la modestie de qqn; faire violence à sa modestie; avoir la modestie/l'extrême modestie de + inf.
♦Fausse modestie. Modestie affectée, orgueil déguisé, qui révèle le désir plus ou moins conscient d'être flatté. Allons! allons! pas de fausse modestie. Je dis que tu as fait un chef-d'oeuvre (BARRIÈRE, Faux bonsh., 1856, IV, 1, p.146). V. faux1 I B 2 b p. ext. ex. de MONTHERL., Exil, 1929, II, 5, p.62.
♦En toute modestie. Sans vouloir me/te/se vanter. Tuer le capitaine Fracasse est au-dessus de mes talents, je l'avoue en toute modestie (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.351).
— P. méton. Manifestation concrète de ce sentiment ou de cette disposition dans l'attitude, les propos, le comportement. Modestie des gestes, du langage, du maintien, de regard; air, sourire de modestie. Admirable aussi la modestie de son attitude, de son récit, que les journaux ont reproduit (GIDE, Souv. Cour d'ass., 1913, p.640). Une modestie taciturne et calculatrice habitait ses yeux luisants (MALÈGUE, Augustin, t.1, 1933, p.182).
— GRAMM. Pluriel de modestie, nous de modestie. V. nous I A 4 a , notre, nos I A 4 a et nôtre (le), nôtres (les) II A 3 b.
E. — Vieilli ou relig. ou littér. Pudeur, décence. Synon. honnêteté, vertu; anton. immodestie (vieilli), impudicité, indécence. La rougeur de la modestie; s'habiller avec modestie; braver toute modestie; blesser, choquer, offenser la modestie. Les charmantes demoiselles de Granville se soulagent innocemment devant tout le monde, mais par modestie ne s'essuient pas, pour ne pas se trousser! (MICHELET, Journal, 1858, p.414):
• 7. Ce ne sont plus des beautés hardies, dont les grâces faciles n'offrent rien à deviner au désir (...) c'est la modestie, c'est la pudeur de la vierge qui aime, et n'ose avouer son amour, mais l'exhale comme un parfum autour d'elle.
CHATEAUBR., Essai Révol., t.2, 1797, p.257.
— [P. méton.] Modestie des yeux, du regard, du maintien, de la tenue. La totale absence de coquetterie observée chez elle, la grâce correcte de ses manières, la modestie de sa tenue et de ses gestes, tout révélait la petite bourgeoise française (BOURGET, Actes suivent, 1926, p.106).
F. — P. méton., HABILL. Petite pièce de dentelle ou de tissu fin servant à voiler pudiquement un décolleté féminin. S'asseoir aux assemblées parmi les prudes femmes, l'œil baissé sur la modestie, avec un air de Sainte N'y touche (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.202):
• 8. Et ce bal d'officiers où elle avait dansé dans sa fameuse robe de soie grise à raies blanches, avec une aigrette de diamants dans les cheveux et sa modestie de dentelle?
GREEN, Journal, 1934, p.273.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1352-56 «modération» (BERS., Tit. Liv., BN 20312 ter, fol.93 ds GDF. Compl.); 2. 1553 «médiocrité, absence d'éclat» (Bible, éd. J. Gérard, 1 Tim. 2 c d'apr. FEW t.6, 3, p.7 b) 3. a) 1553 «retenue dans la manière de parler de soi, absence de vanité» (Bible, éd. citée, Eccli. 10 d 31, ibid.); spéc. 1933 gramm. pluriel de modestie (MAR. Lex.); b) 2e moitié XVIe s. «retenue, pudeur, décence» (DESPORTES, Diverses amours, éd. V. E. Graham, XV, p.42: une femme de ville Avec sa modestie et ses douces façons); 4. 1850 cost. (Le Moniteur de la Mode, 2e n° de mai, 34 a ds QUEM. DDL. t.16: Le corsage en coeur plissé, croisé, laissait voir une chemisette décolletée appelée modestie). V. modeste étymol. B (1706). Empr. au lat. modestia «modération, mesure; conduite modeste, modestie; discrétion; dignité, vertu». Fréq. abs. littér.:1089. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 1838, b) 1500; XXe s.: a) 1010, b) 1650. Bbg. GOHIN 1903, p.308.
modestie [mɔdɛsti] n. f.
ÉTYM. 1355; bas lat. modestia, de modestus → Modeste.
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1 (1355). Vx. Modération (→ Économie, cit. 20, La Bruyère; largement, cit. 1). — Spécialt. Goûts modestes, simples.
1 La Sauviat laissait sa fille libre de s'acheter pour ses vêtements les étoffes qu'elle désirait. Le père et la mère furent heureux de la modestie de leur fille, qui n'eut aucun goût ruineux.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 544.
2 (1553). Mod. Modération, retenue dans l'appréciation de soi-même, de ses qualités. ⇒ Honte (vx), humilité (cit. 5 et 16), réserve, retenue, simplicité… (→ Effacement, cit. 3; éloigner, cit. 8; fierté, cit. 6; hypocrisie, cit. 3). || L'améthyste (cit. 1), la violette, symboles de modestie. || Avoir la modestie, l'extrême modestie de… (→ Après, cit. 65; battre, cit. 88). || Céder par modestie (→ Empiéter, cit. 4). || Blesser (cit. 20) la modestie de qqn. || Accoutumer la modestie à l'éloge (cit. 5). || S'envelopper (cit. 11) dans sa modestie. || Trouble dû à un excès de timidité, de modestie… ⇒ Confusion. || Se cacher par modestie (→ Rester dans l'ombre, à sa place…). — Modestie naturelle charmante. || Modestie étudiée, feinte (→ Mâle, cit. 12), hypocrite (cit. 28). || Modestie excessive, outrée (→ Farder, cit. 2).
2 La simplicité est simple, sans faste, sans art, spontanée, naïve, une disposition naturelle du caractère; la modestie, au contraire, est une vertu (…) L'humilité ressemble moins à la simplicité qu'à la modestie… (elle) renchérit sur la modestie : elle est dans les sentiments plutôt que dans les actes et dans l'extérieur (…) et elle consiste proprement (…) à se mépriser, et non pas seulement à modérer (…) l'opinion qu'on a de soi-même (…)
Lafaye, Dict. des synonymes, Suppl., « Simplicité ».
3 La modestie, qui semble refuser les louanges, n'est en effet qu'un désir d'en avoir de plus délicates.
La Rochefoucauld, Maximes, 596.
4 La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau : elle lui donne de la force et du relief.
La Bruyère, les Caractères II, 17.
5 La modestie extrême a ses dangers ainsi que l'orgueil. Comme une témérité qui nous porte au delà de nos forces les rend impuissantes, un effroi qui nous empêche d'y compter les rend inutiles.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, IV, XII.
6 (Elle) jugeait sévèrement ces écrivains (Chateaubriand, Balzac, Hugo) parce qu'ils avaient manqué de cette modestie, de cet effacement de soi (…) de ces qualités de modération de jugement et de simplicité, auxquelles on lui avait appris qu'atteint la vraie valeur (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. IV, p. 136-137.
7 Tout ce que j'écrivais alors concernant l'excessive modestie de Madeleine me paraît exact; il est vrai qu'elle ne cherchait jamais à paraître et à se faire valoir.
Gide, Et nunc manet in te, p. 82, note 1.
♦ Fausse modestie : modestie affectée.
8 La fausse modestie est le plus décent de tous les mensonges.
Chamfort, Maximes, « Sur les sentiments », XXX.
3 (1573). Pudeur, retenue dans la mise, le comportement. ⇒ Décence (cit. 4), honnêteté, pudeur, vertu (→ Couvrir, cit. 7; honnêteté, cit. 12). || La rougeur de la modestie. — Modestie des gestes, du langage.
9 N'est-ce pas la modestie de notre sexe qui nous oblige d'user d'adresse pour repousser les agaceries des hommes ?
Rousseau, Julie, VI, V.
10 Nous avons vu (…) les autres sœurs, Agnès, Claire, etc. sortir de la modestie de leur sexe par des gestes passionnés ou des rires immodérés.
A. de Vigny, Cinq-Mars, IV.
4 (1868, Littré). Vx. Fichu, mouchoir porté avec une robe décolletée et cachant la naissance de la gorge. ⇒ Modeste, C., 2.
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CONTR. Éclat, faste. — Ambition, amour-propre, arrogance, audace, braverie, cynisme, fanfaronnade, fatuité, fierté, forfanterie, hardiesse, hauteur, infatuation, insolence, jactance, morgue, orgueil, présomption, prétention, suffisance, vanité. — Dévergondage, immodestie, impudence, impudeur, impudicité, indécence.
Encyclopédie Universelle. 2012.