Akademik

neutre

neutre [ nøtr ] adj. et n.
• v. 1370; lat. neuter « ni l'un ni l'autre »
1(fin XIVe) Qui est dans l'état de neutralité. État, pays neutre.
Par ext. Qui n'appartient à aucun des belligérants, à aucune des parties adverses; qu'on décide de maintenir en dehors des hostilités. Navire, ressortissant, territoire neutre. N. m. pl. LES NEUTRES : les nations neutres.
2(v. 1550) Qui s'abstient de prendre parti, de s'engager d'un côté ou de l'autre. impartial, 1. objectif. Rester neutre dans un débat. « en temps de révolution, qui est neutre est impuissant » (Hugo).
3(v. 1420) Ling. Qui appartient à une catégorie grammaticale où ne se manifeste pas le contenu mâleemelle, la forme masculinéminin.
Par ext. Se dit parfois de mots français (pronoms, etc.) qui présentent, dans leur sens et leur valeur, les caractères du neutre formel de certaines langues.
4(1743) Chim. Qui n'est ni acide, ni basique; dont le pH est égal à 7. aussi isoélectrique. Combinaison, solution, milieu, sel neutre. (1821) Électr. Se dit d'un corps (ou d'une substance) qui n'est chargé ni par l'électricité positive, ni par l'électricité négative. Fil neutre dans le triphasé, ou n. m. le neutre. Point neutre, où aboutissent toutes les phases d'un appareillage électrique polyphasé. — Phys. at. Mésons à l'état neutre. Particule neutre. neutron. Math. Élément neutre, qui combiné avec un autre élément donne pour résultat ce dernier élément.
5Couleur, teinte neutre, indécise, sans éclat.
6Zool. Se dit des insectes (fourmis, abeilles, termites), dont les organes sexuels sont atrophiés et qui protègent ou approvisionnent la communauté (par ex. fourmis-soldats, fourmis-ouvrières).
7Qui est dépourvu de passion, d'originalité; qui reste froid, détaché, objectif. Style neutre, inexpressif. « sur un ton neutre, déférent » (A. Gide).
⊗ CONTR. Belligérant, ennemi, hostile. 2. Cru, éclatant, vif.

neutre adjectif (latin neuter, ni l'un ni l'autre) Se dit d'un pays qui ne participe pas aux hostilités engagées entre d'autres pays. Qui, dans un conflit, une discussion, un désaccord, etc., ne prend parti ni pour l'un ni pour l'autre : L'article de journal était tout à fait neutre. Se dit d'un lieu qui n'est investi par aucune des parties en conflit : Essayer de négocier en terrain neutre. Se dit d'une expression qui n'est marquée par aucun accent, aucun sentiment : Annoncer une nouvelle dramatique sur un ton neutre. Se dit d'une couleur qui n'est pas franche, pas vive, pas agressive : Choisir une teinte neutre pour la peinture du salon. Chimie Se dit d'un milieu dont le pH est égal à 7. Électricité Se dit de l'état d'un système dans lequel les quantités globales d'électricité des deux signes sont égales. Linguistique Se dit du genre grammatical qui, dans une classification à trois genres, s'oppose au masculin et au féminin. (Le neutre représente souvent le terme « non-animé » dans le genre naturel.) Magnétisme Se dit de l'état d'une substance magnétique dans laquelle l'induction et le champ magnétiques sont statistiquement nuls. Pédologie Se dit d'un sol à acidité faible ou nulle (pH voisin de 7), riche en bases (calcium et, secondairement, potassium et magnésium), et qui a donc une bonne fertilité minérale et une structure stable. Zoologie Se dit des individus adultes asexués, que l'on observe surtout chez les espèces sociales (abeilles, fourmis, termites, etc.). [Les neutres forment une caste : ils constituent la plus nombreuse population des nids, ruches et fourmilières. On les nomme ordinairement ouvriers et ouvrières ; chez les fourmis et les termites, on en distingue parfois plusieurs formes, notamment les soldats.] ● neutre (expressions) adjectif (latin neuter, ni l'un ni l'autre) Fil neutre ou neutre (nom masculin), fil conducteur reliant deux ou plusieurs points neutres d'un réseau électrique. Lignes neutres, dans une machine à collecteur, lignes déterminées par les positions des balais, correspondant au maximum de la force électromotrice à vide. Point neutre ou neutre (nom masculin), point auquel aboutissent toutes les phases d'un système polyphasé monté en étoile. (Dans un système polyphasé équilibré, tous les points neutres sont au même potentiel.) Élément neutre d'une loi de composition interne sur E, élément e de E qui pour tout x de E vérifie x e = e x = e. ● neutre (synonymes) adjectif (latin neuter, ni l'un ni l'autre) Qui, dans un conflit, une discussion, un désaccord, etc., ne...
Synonymes :
- impartial
- indifférent
Contraires :
- partial
- subjectif
Se dit d'une expression qui n'est marquée par aucun accent...
Synonymes :
- banal
- insignifiant
- obscur
- quelconque
Se dit d'une couleur qui n'est pas franche, pas vive...
Synonymes :
- fade
- incolore
- insipide
- morne
- terne
neutre nom masculin Le genre neutre. ● neutre (expressions) nom masculin Droit des neutres, droit reconnu par les belligérants aux États neutres.

neutre
adj. et n. m.
aA./a adj.
rI./r
d1./d Qui ne prend pas parti dans une discussion, un différend. Ils se disputaient, j'ai préféré rester neutre.
|| Qui n'adhère pas à un système d'alliances militaires; qui ne prend pas part à un conflit armé.
Par ext. Négocier en terrain neutre.
d2./d Qui n'a pas de caractère marqué (d'expression, d'éclat, etc.). Voix neutre. Couleur neutre.
d3./d GRAM Qui n'entre pas dans la catégorie grammaticale du masculin ni dans celle du féminin.
d4./d ECON Qui est sans influence sur les grandeurs économiques réelles. Monnaie neutre.
rII./r
d1./d ELECTR Se dit d'un corps qui ne porte aucune charge électrique ou dont les charges, de signe contraire, se compensent exactement.
PHYS NUCL Particules neutres: V. neutrino et neutron.
d2./d CHIM Qui n'est ni acide ni basique.
aB./a n. m.
d1./d Individu, nation neutre. Le droit des neutres.
d2./d GRAM Le neutre: le genre neutre. Le neutre existe notamment en latin et en grec.

⇒NEUTRE, adj. et subst.
A. —[En parlant d'une pers. physique ou morale]
1. Qui s'abstient ou refuse de prendre position dans un débat, dans un conflit opposant plusieurs personnes, plusieurs thèses, plusieurs partis. Anton. favorable, partial, partisan; hostile. Un témoin brave, qui n'ait pas voulu rester neutre, et qui, délibérément, ait pris parti pour le faible, contre le fort (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p.346). V. abdiquer ex. 19:
1. En régime capitaliste, l'homme qui se dit neutre est réputé favorable, objectivement, au régime. En régime d'Empire, l'homme qui est neutre est réputé hostile, objectivement, au régime.
CAMUS, Homme rév., 1951, p.300.
Neutre en/dans. Rester neutre dans un débat, dans une discussion, dans une querelle; neutre en politique, en morale. Aucune grande force sociale ne reste neutre dans les grands mouvements. S'ils ne sont pas avec nous, ils seront contre nous (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.87).
Neutre en face de, au milieu de, parmi. Plus question aujourd'hui de rester neutre en face des communistes; il faut être décidément pour ou contre (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.459).
Neutre entre... et... La réserve dans laquelle je me tiens en vous priant seulement de demeurer neutre entre vos sentiments et moi (BALZAC, Lys, 1836, p.325).
Emploi subst. Tu ne diras pas que c'est un témoin partial. C'est un neutre. Notre Sénat se range à son avis (GIRAUDOUX, Guerre Troie, 1935, II, 5, p.116).
[En parlant d'une production humaine, acte, oeuvre] Synon. impartial, objectif. Discours, rapport, revue neutre; questions neutres; attitude sage et neutre. Justement; c'est surtout à votre journal que je pensais: il ne peut plus rester neutre (...). Être du côté de la Résistance, ça ne constitue plus un programme (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.112).
2. a) [En parlant d'une école, d'un enseignement] Indépendant de toute confession religieuse, de toute idéologie, et qui s'abstient de porter un jugement par esprit de tolérance. Synon. laïque; anton. confessionnel, religieux. Dénoncer les ravages qu'à déjà causés, dans les classes populaires, l'enseignement laïque, soi-disant neutre, mais en réalité hostile à toute idée chrétienne (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p.174). V. enseignement A 1 ex. de Martin du Gard:
2. ... le caractère laïque et neutre de l'école publique n'empêche, en aucune manière, qu'en se conformant aux règles générales qui régissent l'enseignement libre les associations religieuses, comme les laïques, créent des établissements d'enseignement.
BARRÈS, Cahiers, t.12, 1920, p.330.
P. méton.; [le suj. désigne un enseignant] Être, demeurer neutre. Tous les instituteurs et toutes les institutrices, quelles que soient leurs convictions personnelles, se sont engagés à demeurer neutres dans l'exercice de l'enseignement. La neutralité absolue est-elle possible? (MAURIAC, Journal 1, 1934, p.52).
b) État neutre. État qui ne favorise aucune idéologie, aucune croyance, et permet le pluralisme d'expression et d'action. La laïcité de l'État signifiant alors qu'il est ou bien neutre ou bien antireligieux, c'est-à-dire au service de fins purement matérielles ou d'une contre-religion (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p.191).
B.DR. INTERNAT. PUBL.
1. [En parlant d'un État, d'une puissance et, p. méton., de son représentant]
a) Qui refuse de prendre parti entre des belligérants, qui reste en dehors du conflit. Anton. belligérant. État, pays, prince, puissance neutre. La (...) malhonnêteté dont elle jugeait coupable la France restée neutre à l'égard du Japon (PROUST, Guermantes 1, 1920, p.331):
3. Lord Beaconsfield avertit la Russie qu'il ne resterait pas neutre si le Tsar ne respectait pas les trois points indispensables à la conservation de l'Empire: le canal de Suez, les Dardanelles, Constantinople.
MAUROIS, Disraëli, 1927, p.291.
b) (Le plus souvent épithète). Qui reste en dehors d'un conflit. On obtient alors des conditions moins dures, que l'intervention des puissances neutres adoucit encore (A. FRANCE, Mannequin, 1897, p.40):
4. Le Gouvernement britannique commença par obtenir que la Palestine serait détachée de la Syrie et deviendrait un pays neutre, avec une administration mi-française et mi-anglaise.
THARAUD, An prochain, 1924, p.114.
Emploi subst. masc. Les neutres. Les États neutres. Droits des neutres. Les alliés et les neutres ne pouvaient plus tarder davantage à donner une forme normale à leurs relations avec nous (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p.43). V. belligérant ex. 5.
HIST. Ligue des neutres. Ligue constituée par le tsar Paul Ier, favorable à Bonaparte, pour interdire la Baltique aux Anglais. Les autres, sur l'initiative de la Russie, formaient une ligue des neutres, ligue armée, décidée à imposer aux Anglais la liberté de leur navigation (BAINVILLE, Hist. Fr., t.2, 1924, p.14).
2. [P. méton.] Qui ressortit à un pays neutre; qui est maintenu à l'écart d'un conflit; qui n'appartient à aucune puissance belligérante. Territoire, zone neutre; port, ville neutre; vaisseau, cargaison neutre; pavillon neutre. Un bâtiment chargé de tapis turcs, d'étoffes du Levant et de cachemires; il fallait trouver un terrain neutre où l'échange pût se faire, puis tenter de jeter ces objets sur les côtes de France (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.275). Les nouveaux docks de Limehouse, bondés de prises de guerre et de navires neutres visités, où convergent les marchandises circulant librement sur des océans désormais britanniques (MORAND, Londres, 1933, p.42). V. barricade ex. 3.
Emploi subst. Je posai la supposition de notre départ sur un neutre; le capitaine anglais avait ordre de le saisir. Je parlai de la sortie des frégates sous pavillon parlementaire; il avait ordre de les combattre (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.2, 1823, p.413).
Au fig. En terrain neutre, sur un terrain neutre. Sur un sujet assez banal, assez peu compromettant pour écarter tout risque de conflit. Engager la discussion, porter la conversation sur un terrain neutre:
5. ... comme s'il eût voulu éviter de rappeler à la jeune fille de pénibles souvenirs, il mit la conversation sur un terrain neutre. —Habitez-vous ici depuis longtemps?
PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.327.
(Se) rencontrer, mettre en présence (deux personnes) en terrain neutre, sur un terrain neutre. (Se) donner rendez-vous chez un tiers pour régler un différend. Il était si facile d'insister pour m'avoir à dîner, (...) il était si simple de préparer une occasion qui pût nous mettre, chez elle ou sur un terrain neutre, en présence (HUYSMANS, Là-bas, t.1, 1891, p.203).
SPORTS. Match disputé en terrain neutre. Match disputé sur un terrain qui n'est pas celui des équipes en présence.
C. —[En parlant de choses]
1. Qui n'est caractérisé ni dans un sens ni dans le sens contraire; qui est sans individualité marquée. Synon. indéterminé. L'événement fortuit peut être (...) un événement simplement neutre, comme le fait qu'un dé retombe sur une face plutôt que sur une autre (RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p.337):
6. ... il n'y a aucune honnêteté pour le capitaliste à ne pas chiper une boîte de sardines à l'étalage (...). Évidemment ce n'est pas répréhensible d'être garanti du besoin, mais ce n'est pas méritoire non plus. Disons que c'est neutre.
FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p.156.
Qui passe inaperçu, qui ne peut être qualifié ou commenté. Depuis ma maladie, la connaissance abstraite et neutre du passé me semblait vaine (GIDE, Immor., 1902, p.407):
7. Le samedi, mes notes ne sont pas plus mauvaises qu'à l'ordinaire, pas meilleures non plus. Elles sont neutres et amorphes, jamais claires. Ces Dames n'ont évidemment pas la bosse de la rédaction. À moins que, peut-être, ces demi-teintes ne soient une mesure diplomatique?...
GYP, Souv. pte fille, 1928, p.147.
2. Qui manque d'éclat, de relief; qui est d'une nuance indécise.
a) [En parlant d'une couleur, d'une tonalité, d'un coloris, d'une luminosité] ,,Se dit des colorations effacées et vagues n'offrant pas de ton prédominant`` (ADELINE, Lex. termes art, 1884). Synon. effacé, pâle, terne, triste; anton. chaud, vif, éclatant. Ton, teinte, couleur neutre; beige, gris neutre; ciel, fond, tenture, toilette neutre. L'eau de la Seine (...) est d'un ton vert décoloré, du vert neutre qu'ont les eaux aveugles dans un souterrain (BOURGET, Nouv. Essais psychol., 1885, p.187):
8. Le jour de la fête locale nous nous moquions des robes aux teintes vives des jeunes paysannes. Les jeunes filles de notre monde s'en tenaient aux tonalités neutres, effacées, au rose mourant, au rose bonbon, au crême pâle.
MAURIAC, Journal occup., 1942, p.344.
PEINT. (aquarelle). Ton neutre. Certaine tonalité d'un gris bleu violacé. Le ton neutre du bitume (MOREAU-VAUTHIER, Peint., 1933, p.76).
Au fig. [En parlant de la vie, d'un élément de l'existence] Qui est sans relief, sans attrait. Synon. monotone, plat, terne, triste, uniforme; anton. gai, haut en couleur. Existence neutre. La vie d'Odette pendant le reste du temps, comme il n'en connaissait rien, lui apparaissait, avec son fond neutre et sans couleur (PROUST, Swann, 1913, p.240):
9. Comment faire imaginer, par exemple, une ville sans pigeons, sans arbres et sans froissements de feuilles, un lieu neutre pour tout dire? Le changement des saisons ne s'y lit que dans le ciel.
CAMUS, Peste, 1947, p.1217.
b) [En parlant d'une odeur, d'une saveur] Un bouquet de fleurs desséchées avait été oublié dans un vase; on respirait partout cette odeur fade et neutre qui est comme le parfum de l'absence (DU CAMP, Mém. suic., 1853, p.207).
c) [En parlant d'un son, notamment du ton de la voix, d'un timbre, d'un accord] Synon. blanc, effacé, éteint, fade, sourd; anton. chaud, coloré, vif, éclatant. Ton, timbre, tonalité neutre. La voix d'Allan se fit encore plus neutre, plus blanche —et depuis quelque temps déjà d'ailleurs il m'était difficile de deviner s'il restait sérieux ou s'il plaisantait (GRACQ, Beau tén., 1945, p.64).
[En parlant d'un élément du comportement] Physionomie, regard, visage neutre. M. Baslèvre est autre, malgré le masque neutre et les yeux toujours vifs (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p.264).
3. [En parlant du langage, du style d'un écrivain] Qui est dépourvu d'originalité ou de personnalité; qui reste détaché, objectif. Synon. froid, impersonnel, inexpressif. Langue neutre. L'on admet tantôt que le lieu commun est neutre et inexpressif et tantôt qu'il possède une «singulière vertu communicative» (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.120):
10. Dites vos péchés maintenant (...). Je commence à me raconter, sagement, sans romantisme, dans un style aussi neutre que possible, et ce n'est point aisé, pour ce que je veux dire.
DUHAMEL, Journal Salav., 1927, p.156.
D.Spécialement
1. LINGUISTIQUE
a) GRAMMAIRE
Genre neutre. Dans certaines langues à trois genres, genre qui s'oppose au masculin et au féminin par des marques formelles; genre représentant souvent l'inanimé, un nom d'objet (en français, on qualifie de neutres des pronoms tels que rien, quelque chose, tout, quoi qui représentent des inanimés).
Emploi subst. masc.
Le neutre. Le genre neutre; la forme neutre d'un mot. Quoi de plus ridicule que de donner le genre féminin ou masculin au nom d'une chose qui n'est susceptible ni de l'un ni de l'autre, ou de donner l'un des deux ou le neutre, également au mâle et à la femelle de la même espèce d'animal (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p.185). V. cela ex. 25:
11. Le neutre a-t-il disparu en français? Oui, si on le considère comme forme spéciale du nom ou de l'adjectif. Mais si on le considère dans sa valeur linguistique, il est vrai de dire qu'il continue de vivre en français; il joue un rôle sémantique réel dans les pronoms: Je vous LE dis. (...) QUE dites-vous? Sont neutres, par leur valeur sémantique, les infinitifs, les adjectifs et les adverbes substantivés: Le boire, (...) le beau, le mieux, etc.
GREV. 1975, § 240, rem. 1.
Un neutre. Un mot au neutre (nom, pronom, adjectif). Le ça, das Es. Ce neutre à la place des abstractions nobles de l'idéologie, marque le tournant d'une époque qui a rompu avec deux siècles d'optimisme puéril et honnête (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.131). L'allemand où des animés comme Kind «enfant», Mädchen «fille», Weib «femme» sont des neutres (MOUNIN 1974):
12. Qu'est-ce que tu as l'intention de faire de ça? reprit-elle (...). Mon âme frissonna en entendant l'emploi de ce neutre et j'eus peine à maîtriser un mouvement d'indignation.
GIDE, Symph. pastor., 1919, p.881.
♦[P.méton.] Qui est du genre neutre. Adjectif, article, pronom neutre. Regarder dictum comme un participe neutre ou indéclinable du verbe être dit (DESTUTT DE TR., op.cit., p.251).
Verbe neutre. Synon. vx de verbe intransitif. Anton. verbe actif (vx), verbe transitif. Monter et descendre prennent l'auxiliaire avoir quand ils sont actifs, et l'auxiliaire être quand ils sont neutres (DEM. 1802, p.28, 3°). Que va dire Monsieur Gide de La Partie de Plaisir? Que «surplomber» est un verbe neutre et qu'on ne peut dire «surplombé»? (ALAIN-FOURNIER, Corresp.[avec Rivière], 1909, p.115). V. adjectif ex. 14.
b) PHONÉT. Voyelle neutre. Voyelle de timbre mal défini, intermédiaire entre les positions cardinales (d'apr. MAR. Lex. 1933 et Ling. 1972). Anton. voyelle franche.
[P. méton.] Syllabe neutre. Le sujet a plus de peine à trouver une rime douce pour ged que pour une syllabe neutre (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.25).
2. BOT. Fleur neutre. Fleur dont tous les organes reproducteurs sont avortés, qui n'a ni étamines ni pistil. (Ds GATIN 1924 et Forest. 1946). Synon. asexué.
3. ENTOMOL., adj. et subst. [Chez certains hyménoptères sociaux (abeilles, bourdons, fourmis, guêpes, termites, etc.)] (Individu mâle ou femelle) dont les organes génitaux sont atrophiés. Synon. stérile, ouvrière, soldat, mulet (vx). Fourmi neutre. Il m'a paru en voir de très-petits [chapelets] dans les abeilles neutres, ce qui confirmeroit l'idée que ce sont des femelles non développées (CUVIER, Anat. comp., t.5, 1805, p.198):
13. Les insectes forment des sociétés de neutres. Ces individus neutres, artificiellement châtrés par un régime alimentaire insuffisant, sont entièrement dominés par les soins que réclament les oeufs, les larves et les nymphes.
J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p.279.
4. CHIM. [En parlant d'une substance ou d'un milieu] Qui n'est ni acide ni basique. Anton. acide, alcalin, basique. Corps, combinaison, sel, sulfate neutre. Retirer directement de l'acide tartrique en les plongeant [les raisins] dans de l'eau bouillante. (...) isoler le ferment et le corps neutre qui fermente (Cl. BERNARD, Notes, 1860, p.158). Le tartrate neutre d'ammoniaque s'obtient en saturant une dissolution d'acide tartrique par de l'ammoniaque (H. FONTAINE, Électrolyse, 1885, p.61). V. alcalin ex. 1 et glycérine ex. de Verne.
Phosphate de calcium neutre. Synon. phosphate tricalcique (LEBEAU, COURTOIS, Pharm. chim., t.1, 1929, p.226).
Corps gras neutres, graisses neutres. Synon. corps gras, glycéride. V. graisse ex. 2 et gras I A 1 a ex. de Verne.
Rouge neutre.
5. GÉOL. Roche neutre. Roche endogène, intermédiaire entre les acides et les basiques, qui a un pH de 7. Roches neutres (...) teneur en acide silicique (...) comprise entre 50 et 65 p.100 (LAPPARENT, Abr. géol., 1895, p.98).
6. PHYS. Qui ne présente aucun phénomène électrique ou magnétique; en partic., qui n'est chargé ni positivement ni négativement, qui est à un potentiel zéro. Corps, fil, conducteur neutre; corpuscules neutres. Parfois, pour éviter toute corrosion [dans les fours], on utilise des matériaux neutres, tels que des briques ou des revêtements de graphite (GUILLET, Métall. gén., 1923, p.263). La charge électrique du proton est égale et de signe opposé à celle de l'électron, et l'ensemble de l'atome est neutre, car le nombre de protons est le même que celui des électrons périphériques (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p.15).
7. ASTRON. Point, ligne neutre. ,,Point ou ligne où deux forces d'attraction se font équilibre et s'annulent`` (Sc. 1962).
P. métaph. Manège, chevaux de bois, boîte à musique, et moi, au milieu de tout ça, parti lentement en dérive vers le point neutre et arrivé au centre, immobile enfin. Veine. Il me semble que je sonde le mystère du zéro, que je repars tout fringant et sans risques dans l'infinitude, la séquelle et la parturition éternelles des zéros qui cerclent le monde (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p.308).
REM. Neutralteinte, adj., hapax, peint., aquarelle. D'une nuance violacée. Un certain bleu neutralteinte, bleu violacé (GONCOURT, Journal, 1884, p.362).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1370-72 «qui n'est ni bon ni mauvais» (N. ORESME, Ethiques, éd. A. D. Menut, p.499); 1611 corps neutre «qui n'est ni malade, ni sain» (COTGR.); 2. a) fin XIVe s. «qui ne prend pas parti dans une guerre» (JEAN FROISSART, Chroniques, II, 96, éd. G. Raynaud, t.9, p.147); 1626 «indifférent, au-dessus de tout» (MERSENNE, Correspondance, I, 370 d'apr. FEW t.7, p.106b); d'où 1652 lieu neutre «dans lequel on convient d'établir la neutralité» (LA ROCHEFOUCAULD, Mémoires, éd. J. Gourdault, II, 405); 1793 vaisseau neutre (STAËL, Lettres div., p.392); 1823 subst. masc. (LAS CASES, loc. cit.); 1835 pavillon neutre (Ac.); id. subst. masc. «état neutre» (ibid.); b) 1550 «impartial» (F. BONIVARD, Chroniques de Genève, 1, 19 d'apr. FEW t.7, p.107a); 1626 «qui ne prend pas parti dans un différend» (A. HARDY, Le Ravissement de Proserpine par Pluton, ibid.); 1897 enseignement neutre (BARRÈS, Cahiers, t.1, p.173); 1920 l'école laïque et neutre (ID., ibid., t.12, p.326); 3. 1380 «asexué» (JEAN LEFEVRE, trad. La Vieille, 106 ds T.-L.); 1754 en parlant d'insectes (Ch. BONNET, Contempl. nat., XI, 27 ds LITTRÉ); 1766 bot. «qui ne contient ni étamine ni pistil» (F. ROZIER et A. L. CLARET DE LA TOURETTE, Démonstrations élémentaires de botanique d'apr. FEW t.7, p.107b); 4. XIVe s. gramm. subst. «genre neutre» (Traités élémentaires de grammaire, Bibl. Mazarine, 578, 41 v° ds THUROT, p.169: hoc est le neutre); 1420 adj. neutre genre (Droit language, éd. E. Stengel ds Z. fr. Spr. Lit., I, 27); 5. 1743 chim. «formé par la combinaison d'un acide et d'une base dont certaines propriétés s'annulent réciproquement» (Mémoires de l'Académie royale de chirurgie, I, 89 d'apr. FEW t.7, p.107a); 6. fig. 1853 «fade» (DU CAMP, loc. cit.). Empr. au lat. neuter «ni l'un ni l'autre», d'où sens gramm., et «ni bon, ni mauvais». Fréq. abs. littér.:611. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 523, b) 635; XXe s.: a) 600, b) 1450. Bbg. DUB. Pol. 1962, p.352. — MAULNIER (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp.161-162.

neutre [nøtʀ] adj. et n. m.
ÉTYM. 1370, Oresme; du lat. neuter, proprt « ni l'un ni l'autre ».
1 Didact. Qui n'est ni bon ni mauvais, ni bien ni mal, ni beau ni laid… (→ Inesthétique, cit. 2).
2 (Fin XIVe). Dr. internat. publ. et cour. (En parlant d'un État). Qui est dans l'état de neutralité (→ Arbitrer, cit. 4). || État, nation, pays, prince neutre. || État perpétuellement neutre; État volontairement neutre (→ Neutralité, cit. 5).
Par ext. Qui n'appartient à aucun des belligérants, à aucune des parties adverses; qu'on décide de maintenir en dehors des hostilités. || Navire, ressortissant, territoire neutre. || Marchandise transportée par mer sous pavillon neutre. || Réunir une conférence en un lieu neutre.
Loc. Lieu, terrain neutre. Par métaphore. || Porter la discussion sur un terrain neutre (→ Lisière, cit. 7).
1 En cherchant quelque terrain neutre pour la conversation, ils traversèrent la plaine, dont l'aspect influa sur la durée de leur silence mélancolique.
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 624.
2 (…) les trois villes ecclésiastiques, Metz, Toul et Verdun, placées en triangle, formaient un terrain neutre, une île, un asile aux serfs fugitifs.
Michelet, Hist. de France, III, p. 147.
N. m. pl. (1835, Académie). || Les neutres : les nations neutres, par oppos. aux nations belligérantes (→ Ligue, cit. 2). || Droit des neutres, reconnu aux neutres par les belligérants. || Devoirs des neutres en temps de guerre.
3 (V. 1550). Qui s'abstient de prendre parti, de s'engager d'un côté ou de l'autre, soit par objectivité ( Impartial), soit par crainte ou manque d'intérêt ( Indifférent, prudent). || Rester neutre dans un débat, une querelle… (→ Guillotine, cit. 2). || Le gouvernement, puissance neutre, ne doit pas peser dans la balance (cit. 17) pour l'un des partis. || État neutre entre les religions (→ Laïcité, cit. 1). Neutralité (scolaire). || Information (cit. 4) neutre et objective.
3 (…) il faut que chacun prenne parti, et se range nécessairement ou au dogmatisme, ou au pyrrhonisme. Car qui pensera demeurer neutre sera pyrrhonien par excellence; cette neutralité est l'essence de la cabale : qui n'est pas contre eux est excellemment pour eux (…) Ils ne sont pas pour eux-mêmes; il sont neutres, indifférents, suspendus à tout, sans s'excepter.
Pascal, Pensées, VII, 434.
4 On comprend à merveille le républicain chrétien, on ne comprend pas le démocrate catholique. C'est un composé de deux contraires. C'est un esprit dans lequel la négation barre le passage à l'affirmation. C'est un neutre. Or, en temps de révolution, qui est neutre est impuissant.
Hugo, Histoire d'un crime, II, VII.
5 En régime capitaliste, l'homme qui se dit neutre est réputé favorable, objectivement, au régime. En régime d'Empire, l'homme qui est neutre est réputé hostile, objectivement, au régime.
Camus, l'Homme révolté, p. 300.
4 (V. 1420). Gramm. (Dans certaines langues). Qui appartient à la « catégorie grammaticale dans laquelle se rangent en principe les noms d'objets ou d'êtres étrangers à l'attribution d'un sexe, mais le plus souvent, indépendamment de cette notion de genre naturel, les noms qui ne présentent pas les caractéristiques du masculin et du féminin » (Marouzeau). || Genre (cit. 23) neutre. || Adjectif, article, nom, pronom neutre.N. m. || Le neutre : le genre neutre. || Ce nom est du neutre.Mot du genre neutre. || Le mot latin templum est un neutre. || Les neutres latins (→ Maximum, cit. 5).
6 Le neutre indo-européen est un genre à part; il s'oppose aux deux genres personnels, mais il a une extension plus limitée : il n'a de forme propre qu'à un seul cas, ce qui semble indiquer une catégorie en voie de disparition, qui n'aurait pas dans l'ensemble du système une autonomie complète. Il joue vis-à-vis des deux autres genres un rôle complémentaire en ce qu'il exprime certaines notions indépendantes de l'opposition du masculin et du féminin; par exemple, il désigne souvent des objets considérés comme non-actifs et incapables d'être investis d'un pouvoir personnel; parfois aussi il semble exprimer la notion du collectif.
J. Vendryes, le Langage, p. 110-111.
Par ext. Se dit parfois de mots français (pronoms, etc.) qui présentent, dans leur sens et leur valeur, les caractères du neutre (morphologiquement distinct) de certaines autres langues (→ Là, cit. 34).
REM. 1. Les grammairiens traditionnels considèrent comme des neutres les pronoms qui représentent autre chose qu'un nom. Ex. : Cela me plaît; Dieu fait bien ce qu'il fait; n'en doutez pas; que voulez-vous ?
2. Le neutre commande « en genre le même accord que les masculins : Rien de grand… Quoi de meilleur ? » (Grevisse). — « Nous voyons même que des substantifs féminins, comme quelque chose, rien, ont perdu leur genre pour passer au neutre » (Bréal). Quelque chose de grand. Rien de bon.
7 Les grammairiens d'aujourd'hui ne nous parlent plus guère du neutre; ou, s'ils en font mention quelquefois, c'est pour dire qu'il a disparu en français. Nous devons ici distinguer. Le neutre n'a disparu qu'en tant qu'il est caractérisé par une forme spéciale soit du nom soit de l'adjectif. Mais en tant que valeur linguistique (ou sémantique), il est loin d'être éteint. Comme le fait observer Bréal, le neutre « continue de vivre… Peut-être même en faisons-nous un plus grand usage que le latin » (Sémantique, p. 57). Ce sont en effet des neutres, tous ces adjectifs pris (…) substantivement, le beau, le vrai, l'honnête (…) ce sont encore des neutres, ou du moins des mots de valeur neutre, les pronoms et représentants que nous soulignons dans ces phrases : « Il est bon de parler », « Vous me le disiez »; « À quoi pensez-vous ? », « Qui vous amène ? »
G. et R. Le Bidois, Syntaxe du français moderne, §34.
(XVe). Vx. || Verbes neutres, se disait des verbes qui ne peuvent être employés ni comme actifs transitifs ni comme passifs. Intransitif.
8 L'appellation verbe neutre a disparu depuis pas mal de lustres de la terminologie grammaticale, remplacée par celle, plus exacte et plus claire, de verbe intransitif. Neutre (étymologiquement ni l'un ni l'autre) s'applique fort bien au genre des noms, à certaines couleurs et aux peuples privilégiés en temps de guerre, mais n'offre aucun sens accolé à un verbe. En quoi dormir est-il neutre ? Actif s'oppose à passif; entre les deux, il n'y a pas place pour un troisième larron.
René Georgin, Difficultés et finesses de notre langue, p. 67, note.
5 (1743). Chim. Qui n'est ni acide ni basique; dont le pH est égal à 7. || Combinaison (→ Hydrate, cit.), corps gras (cit. 1), milieu, sel neutre.
(1821). Phys., électr. Se dit d'un corps qui ne comporte aucune électrisation. || Corps neutre.Spécialt. Dans un système dont un élément est électrisé positivement et un autre négativement, Se dit d'un troisième élément qui ne présente aucun phénomène électrique. || Fil neutre dans le triphasé, ou, n. m., le neutre.Phys. at. || Mésons (cit.) à l'état neutre. || Particule neutre. Neutron.
(1754). Zool. Se dit, pour certaines espèces (abeilles, fourmis, termites…), des individus dont les organes sexuels sont atrophiés et qui protègent ou approvisionnent la communauté (par ex. les fourmis-soldats ou les fourmis-ouvrières).
Math. || Élément neutre à gauche (à droite) pour une loi  sur un ensemble : élément e de l'ensemble tel que pour tout élément x de celui-ci, on ait e x = x (à droite x e = x). || Élément neutre pour une loi de composition interne sur un ensemble : élément neutre à gauche et à droite pour cette loi sur cet ensemble (e x = x e = x). || Dans l'anneau des entiers rationnels, 0 est l'élément neutre pour l'addition et 1 l'élément neutre pour la multiplication. || « Pour une loi donnée sur un ensemble, il n'existe pas nécessairement d'élément neutre; quand il en existe un, il est unique » (Bouvier et George).
6 (D'une couleur). Qui est indécis, sans éclat. || Teinte abstraite et neutre (→ Gris, cit. 20; gamme, cit. 8; juxtaposition, cit. 1).
9 L'étoffe grise des meubles était assortie au papier neutre, qui couvrait les murs.
Edmond Jaloux, le Jeune Homme au masque, IV.
(1853). Fig. Sans éclat, monotone, fade. || Une existence terne, neutre (→ Biographiquement, cit.).
7 (En parlant du langage, du style, du ton de la voix). Qui est dépourvu de passion, d'originalité, qui reste froid, détaché, objectif. || Style neutre, inexpressif (cit. 1). || Langue assez neutre pour ne point attirer sur elle l'attention (→ Montrer, cit. 36).
10 S'il attendait son maître avec tant d'impatience, c'était pour lui glisser, sur un ton neutre, déférent, et comme un simple avis que l'eût chargé de transmettre Bernard, cette phrase qu'il avait longuement préparée : — Avant de s'en aller, monsieur Bernard a laissé une lettre pour Monsieur dans le bureau.
Gide, les Faux-monnayeurs, I, II.
(1626). En parlant d'une personne. Dont le discours, l'attitude, manifeste de la neutralité. || Il est constamment resté neutre et froid.Sans passion. || Elle est très neutre dans la discussion.
CONTR. Belligérant, ennemi, hostile. — Transitif. — Acide. — Cru, éclatant.

Encyclopédie Universelle. 2012.