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LONDRES
LONDRES

Londres est la fille d’un fleuve, et son port a été, pendant des siècles, un élément vital de l’essor de la ville; mais la Tamise a également constitué une barrière longtemps difficile à franchir, exigeant, jusqu’en 1750, le recours à un pont unique ou à des barques, contribuant à préserver, au sud, de vastes zones sans construction. La ville, par ailleurs, a toujours été faite d’un assemblage de quartiers au statut juridique différencié, et l’unité administrative de l’ensemble, qui a paru enfin réalisée en 1888, a été constamment remise en question par de nouvelles extensions ou par la peur, chez des gouvernants, des dangers d’un trop vaste champ confié à une autorité locale unique. La capitale a revêtu dès le XVIe siècle les traits du gigantisme par comparaison avec les autres agglomérations urbaines du royaume si l’on considère sa population; sa croissance souvent effrayante en a fait jusqu’au XIXe siècle un véritable ogre dévoreur d’une part majeure des excédents démographiques naturels de la nation, et en même temps le «tombeau de la race» tant la mortalité locale a été forte; à mesure que se développait le rôle de métropole d’Empire et de capitale d’un immense commerce international, la ville a aussi attiré un nombre croissant d’immigrants qui lui ont rapidement donné un visage cosmopolite et ont favorisé un essor culturel universaliste. Centre des activités les plus diverses, la métropole politique a été également la capitale des plaisirs et des arts, ainsi que le lieu de tous les dangers liés à l’existence de bas-fonds redoutés et d’une classe criminelle des plus diversifiées. Mêlant l’or et les délices du confort et de la luxure, associant les quartiers les plus misérables aux ensembles urbains les plus impressionnants de lotissements souvent luxueux, renouvelée constamment dans ses apparences sous l’effet des catastrophes, le feu pendant des siècles, la guerre au XXe siècle, ou par la création de modes de communication de masse au temps du chemin de fer, du tramway, du métro avant l’automobile, fascinante et repoussante tour à tour, «Babylone moderne» aux yeux des victoriens, elle garde jusqu’à nos jours les traits orgueilleux d’une métropole mondiale plus que de la simple capitale d’un pays unique.

1. Histoire d’une capitale

De la fondation à la fin du Moyen Âge

Au mythe de la Troja Nova qui fait remonter Londres à une époque plus ancienne que Rome, on préférera la réalité: Londres est née après la conquête romaine en 43 avant notre ère, d’abord camp militaire, bientôt cité commerciale et centre administratif; ses premiers murs datent du IIIe siècle et sa population aurait alors avoisiné les 30 000 habitants; déjà, sa fonction portuaire et l’existence d’un pont de bois en font un important carrefour de communications. Des restes de murailles aux vestiges d’un temple de Mithra en passant par des mosaïques et des documents épigraphiques, les signes abondent de sa vie de cité. Les invasions saxonnes contribuent à la ruiner, malgré des survivances dont, au VIe siècle, l’installation d’un évêque saxon qui prend ainsi la suite lointaine du premier évêque de 314. Les siècles suivants sont faits de relèvements et de destructions renouvelées, liées aux invasions de Vikings, mais aussi à la vulnérabilité aux incendies d’une ville construite en bois.

À l’arrivée des Normands, Londres semble déjà dotée d’une autorité locale embryonnaire, sous la tutelle de l’évêque et du roi, et elle est divisée en 28 wards , chacun sous l’autorité d’un échevin. Ce statut est confirmé par Guillaume qui, méfiant, fait aussi construire deux forteresses de surveillance, dont la Tour à l’est. Westminster, où Édouard le Confesseur avait fait ériger une abbaye, devient, à l’écart de la ville, le centre de l’administration monarchique et ne sera jamais soumise à la Cité. Dès ces premiers siècles normands, Londres est de loin la ville la plus riche et la plus grande, la construction de maisons nouvelles se faisant dans une superficie si restreinte qu’on se plaint amèrement, vers 1300, du manque de place et de l’étroitesse des ruelles. Commerce et artisanat y sont les activités majeures, le négoce en partie aux mains d’étrangers, marchands de Cologne invités par Henri II dès 1152, autres Allemands qui bénéficient du Statut des marchés de 1283, nombreux juifs (sans doute 2 500 vers 1200) sous la sauvegarde du roi jusqu’à la grande expulsion de 1295. La bourgeoisie se développe et obtient confirmation et extensions successives des chartes de franchise; en 1215 est permise la première élection d’un maire et, en 1319, l’autonomie de la Cité est acquise. Le XIVe siècle voit la définition des grandes institutions municipales, le Common Council élu par les corporations, les sheriffs chargés de la justice. Siégeant au Guildhall, le maire est le véritable «roi de Londres», le second personnage du royaume; il a droit de justice, il délivre aux officiers royaux et au roi lui-même les autorisations nécessaires à leur venue dans la ville.

La ville du XIVe siècle est déjà inégalement sûre, des chroniques anciennes mettent en garde contre les voleurs, les charlatans, les diseurs de bonne aventure; est-ce en contradiction avec cette affirmation des années 1380 selon laquelle Londres serait «la place la plus sûre du royaume»?

La Cité médiévale est fortement marquée par la ferveur religieuse: une centaine d’églises paroissiales, vingt-trois monastères s’ajoutent à des institutions développées au-delà des murs: hôpitaux, maison des Chartreux. Entre 1245 et 1269 est édifiée l’abbaye gothique de Westminster, «à la fois Reims et Saint-Denis réunis».

La Tour, aux constructions sans cesse renforcées et complétées, protège un pont qui, à partir du XIIe siècle, est de pierre.

Le nombre des habitants a varié: 40 000 probablement avant la Peste noire, la moitié à la fin du XIVe siècle.

Le XVe siècle apporte peu de changements; le grand négoce se développe, toujours en partie aux mains des Allemands de la Hanse, ainsi qu’un précapitalisme marchand avec une classe de drapiers qui jouent le rôle de fabricants contrôlant des ateliers ruraux plus ou moins éloignés. La population se reconstitue partiellement grâce à l’immigration et, au début du XVIe siècle, aurait atteint 50 000 habitants, quatre à cinq fois la population de Norwich, la seconde ville du royaume.

Le premier grand essor et les épreuves de la fin du XVIIe siècle

Aux XVIe et XVIIe siècles, la population de Londres décuple et la ville devient l’une des grandes métropoles occidentales; malgré les épidémies, les incendies, les nombreux troubles politico-religieux et le lourd fardeau des taxes et des emprunts royaux lorsque l’Angleterre vient défier les grandes puissances du temps. Elle attire les cadets de familles nobles, auxquels la primogéniture ne laisse d’autre issue que le commerce ou les professions juridiques; elle draine aussi des gens de toutes classes, à la recherche de l’argent bien ou mal gagné, d’un emploi, de la charité. Les souverains s’épuisent à interdire périodiquement la construction de nouvelles maisons et l’installation de familles de gentlemen, et se consolent en collectant les amendes sanctionnant le délit constaté dans la plus totale impuissance. Un dixième de la population est en général une masse effrayante d’indigents, de chômeurs, de mendiants, de délinquants de tous ordres, et cette lie populaire fournit, en cas de troubles, quelques éléments de la «foule» pillarde et aisément fanatisée.

La croissance même de la ville, qui entraîne de nombreuses constructions, fascine les candidats à la migration intérieure. Sous les Tudors, le lotissement de nombre de biens monastiques – certains, comme Covent Garden, offerts à de grands conseillers de la couronne qui, plus ou moins rapidement, se transforment en urbanistes et en constructeurs – a apporté la solution au problème du terrain; l’époque élisabéthaine est celle du destin mondial du port de Londres et des constructions de docks et d’armements navals en aval du pont, pour le plus grand bénéfice des compagnies de commerce: Marchands Aventuriers ou, en 1600, la prestigieuse Compagnie des Indes orientales.

Entre la Cité et Westminster, le long du Strand, les grandes familles édifient de somptueuses demeures qu’un embarcadère privé relie à la Tamise proche.

Sur la rive sud, à la fin du XVIe siècle, aux auberges et tavernes s’ajoutent des théâtres, prohibés dans la Cité, et contraints à s’installer à l’écart de sa juridiction: le Globe, construit en 1599, abrite la célèbre troupe de William Shakespeare.

Au siècle des Tudors, la population de la capitale a quadruplé, elle atteint 200 000 habitants à la mort d’Élisabeth. La ville est le sujet d’une première représentation cartographique en 1588 et d’une première grande étude par John Stow en 1628. On y est en général admiratif et perplexe, à l’instar d’un Jacques Ier, qui prophétise une époque où «Londres [serait] toute l’Angleterre». Les deux premiers Stuarts ont tout lieu de s’inquiéter des dangers d’une croissance que rien n’arrête. Veiller au ravitaillement de la ville devient pour eux une obsession, et les réquisitions de victuailles, voire de bétail sur pied mené en grands troupeaux vers la capitale, ont l’inconvénient de désoler les provinces sans résoudre facilement les problèmes.

La variété des occupations nourrit les rangs d’une solide classe bourgeoise, des imprimeurs aux fabricants, des armateurs et négociants aux hommes de loi, des orfèvres-banquiers aux maîtres artisans. Londres regorge d’argent, et les souverains, au cours des deux siècles considérés, ne se privent pas d’en retirer le maximum à leur profit, sous la forme de taxes, de douanes, d’emprunts forcés aimablement qualifiés de dons gracieux ou «amicaux», de saisies de dépôts, opérations certes lucratives, mais qui contribuent à créer, entre la Couronne et les classes dirigeantes, plus que des tensions. D’autant que, parcourue par d’innombrables voyageurs étrangers, en rapports avec le continent, en particulier les Hollandais, la capitale est accueillante aux idées, aux principes, aux mouvements religieux venus d’ailleurs, qui enfièvrent esprits et imaginations. La Cité, fière de se gouverner elle-même, est de plus en plus soumise aux oligarchies et, parmi les corporations, une hiérarchie croissante crée des distances visibles; mais la ville se pose en contestataire de décisions royales. Pourtant, la monarchie lui apporte beaucoup: des édifices monumentaux – dont Inigo Jones, introducteur du style baroque, dresse à tout le moins les plans (il modifie la façade de Saint-Paul et suggère à Charles Ier les plans de son nouveau palais de Whitehall) –, des autorisations de lotissement ordonné – dont le modèle, à partir de 1631, est le Covent Garden d’Inigo Jones, inspiré de la place des Vosges –, des efforts pour garder à Londres le quasi-monopole de la fonction judiciaire nationale: toutes les grandes cours de justice y ont leur siège, les juges partant faire des «chevauchées» en province; d’où, pendant les sessions judiciaires, la pleine activité des Inns of Court , à la fois hôtels-auberges pour les juristes et écoles de droit réputées. On ne veut voir que l’incapacité du gouvernement à stimuler le commerce, ou on soupçonne Charles et ses conseillers de rêver la restauration du catholicisme.

Londres joue un grand rôle dans la révolution; la révolte de la Cité, en janvier 1642, contraint le roi à s’éloigner; par la suite, les milices urbaines contribuent, d’une manière décisive, à prévenir une réoccupation militaire. Période d’exaltation, de profits pour les marchands et fournisseurs aux armées, les années révolutionnaires font aussi de Londres, pour la première fois de son histoire, le chaudron provisoire d’une démocratie que rêve d’édifier le mouvement des Niveleurs, dont la capitale constitue le seul grand bastion.

Le calme revenu avec la Restauration, Londres connaît pourtant son épreuve suprême: après une grande peste, c’est, en 1666, un gigantesque incendie, la «Grande Conflagration», dont Samuel Pepys, fonctionnaire sans scrupules et chroniqueur de génie, a laissé la description saisissante; en l’espace de la semaine du 2 au 9 septembre, 150 hectares construits à l’intérieur de la Cité sont ravagés, 25 autres hors les murs, 13 200 maisons et 87 églises sont totalement détruites. La reconstruction exigera dix ans, elle se fait en partie selon les vues de sir Christopher Wren, qui a dessiné les plans de 51 églises nouvelles, de la cathédrale Saint-Paul, du «Monument» commémoratif de la catastrophe. Mais l’urbanisme rêvé par l’architecte ne s’impose pas et on reconstruit les rues à l’identique avec quelques modifications mineures. Une conséquence de l’incendie a pourtant été la croissance de faubourgs, le lotissement de nouveaux quartiers: Lincoln’s Inn, puis Soho. Le Parlement a aussi édicté de nouvelles règles de construction, et la brique et la tuile prennent désormais la relève du bois et du chaume. Au temps de la glorieuse révolution, bénéficiaire de l’immense essor du commerce au lointain, mais aussi de l’installation en nombre grandissant d’immigrants huguenots français, dont 30 000 vont peupler le quartier textile de Spitalfields, Londres aurait plus que compensé les effets des cataclysmes, elle compterait un demi-million d’habitants, près de vingt fois la population de Bristol, la deuxième ville du royaume. Et, les activités semblant appeler les activités, c’est dans les années 1680 qu’apparaissent les premières sociétés d’assurances, comme la Lloyd’s; c’est en 1694, avec la fondation de la Banque d’Angleterre, que la capitale anglaise commence à poser sa candidature à la succession financière d’Amsterdam.

L’âge d’or de l’urbanisme et la croissance ordonnée

Avant que la révolution du chemin de fer et l’extraordinaire élan vital de l’âge victorien triomphant ne perturbent la ville, sa population augmente à un rythme soutenu, mais régulier et, sous l’égide des riches possesseurs du sol, s’étend par lotissements successifs de grande ampleur. En 1801, sa population approche le million d’habitants et représente alors environ 10,7 p. 100 du total national, sans changement par rapport à 1700 ou 1750. Vingt ans plus tard, elle n’a encore que 1 140 000 habitants, mais, dès les années 1850, l’agglomération métropolitaine dépasse deux millions et demi d’habitants, près de 15 p. 100 de la population anglo-galloise, plus de 12 p. 100 de la population de la Grande-Bretagne en 1851. Elle a continué d’attirer les forces vitales du pays, au point qu’en 1757 on estimait aux deux tiers, voire aux trois quarts les Londoniens originaires d’autres parties du royaume; l’abaissement des taux de mortalité permet, à la fin du XVIIIe siècle, de dégager des excédents naturels, mais ils ne suffisent pas aux besoins d’expansion. L’attraction qu’elle exerce sur les immigrants continue de s’expliquer par la croissance des activités et la grande diversité des emplois offerts. Au cœur d’un réseau commercial national dense, la capitale britannique est aussi demeurée le centre d’un énorme commerce international. Le port est devenu de plus en plus encombré, et, au début du XIXe siècle, entre 1802 et 1807, les compagnies à charte construisent de nouveaux docks: West India, London, East India et Surrey Docks; la part de la capitale dans le commerce extérieur diminue, mais, en valeur absolue, la croissance est à la mesure de la révolution commerciale vécue par la Grande-Bretagne: la valeur des marchandises échangées fait plus que doubler de 1699 à 1790 quand la part de Londres passe des trois quarts à moins des deux tiers. D’autres fonctions connaissent un développement remarquable: la banque, les assurances, la bourse (le premier Stock Exchange est inauguré en 1802); les industries sont pratiquement toutes représentées, à l’exception de la métallurgie lourde; le rôle judiciaire et administratif s’accroît pendant que se multiplient les cas soumis aux diverses instances judiciaires et que se développe le premier, puis, après la crise de 1776-1783 (indépendance des États-Unis), le deuxième empire colonial. La capitale des affaires est aussi celle des plaisirs, des arts, des lettres, elle attire les visiteurs, sa vie mondaine exerce une attraction irrésistible sur les élites sociales... comme sur la pègre. Une main-d’œuvre toujours plus abondante est sollicitée, y compris pour les tâches multiples de la domesticité, du transport, des soins à donner aux chevaux, de la construction de logements, voire de quartiers entièrement nouveaux. Et, toujours, mendiants, vagabonds, voleurs font partie d’un paysage humain qui effare l’observateur étranger.

La croissance urbaine résulte de cette fièvre d’expansion. Elle se traduit symboliquement, dans la vieille partie de la ville, en 1760, par le démantèlement des murailles de la Cité, dont les portes sont découpées et transformées en petites pièces souvenirs qui font la fortune de quelques artisans ingénieux. Ainsi peut se faire la fusion des «deux Cités». Surtout, on assiste à une œuvre considérable de création de lotissements urbains grâce à l’action hardie de quelques grands propriétaires aristocratiques: confiant leurs terrains à des entrepreneurs, les concédant, avec les constructions, à des baux emphytéotiques qui préservent, dans un avenir de trente à quatre-vingt-dix-neuf ans, les droits de reprise de leur famille et ainsi un énorme capital sans cesse revalorisé, ils imposent aussi des règles très précises sur la répartition des logements, la place à accorder ou non aux commerces, le tracé des principales artères, la création de «centres» constituant autant de petites unités architecturales. Né au siècle précédent, cet urbanisme privé est aussi pratiqué, par la Cité ou les hôpitaux, sur les terrains qui leur appartiennent. Les résultats sont remarquables, mais deux phénomènes se confirment: l’extension de la ville hors de ses limites traditionnelles, la constitution de la capitale en un conglomérat de «villages» auquel manquera toujours une planification centrale comparable à ce que connaît le Paris monarchique, impérial ou républicain! Parmi les grands squares créés sur les «estates aristocratiques», on citera Bloomsbury, né et développé à partir de 1661 déjà, Grosvenor Square, Berkeley Square, tous achevés au milieu du XVIIIe siècle; une vague nouvelle, à partir de 1763, conduit à la création de Portman Estate, puis des plus célèbres Bedford, Russell, Tavistock et Euston Squares.

Ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’un plan public de développement, confié à l’architecte John Nash, est destiné à doter le West End des vastes avenues et perspectives qui lui manquaient: Regent Street est percée entre 1817 et 1823, Regent’s Park et Saint James Park sont redessinés et bordés de Terraces , immeubles joints à la façade courbe et harmonieuse, Trafalgar Square est commencé en 1830. Quelques bâtiments de prestige portent aussi la marque du pouvoir, dont le British Museum et l’arc de triomphe de Hyde Park Corner.

Les contemporains n’en sont pas moins impressionnés par la poursuite d’efforts privés, qui, sous la direction de l’entrepreneur T. Cubitt, dotent le Londres de la Régence des nouveaux quartiers de Pimlico et de Belgravia. Ville du bruit, des odeurs, du crime, des nuisances de toutes sortes, dont le «fog» sulfureux, encore confinée sur la rive nord, Londres attend 1855 pour que soit enfin créé un premier organisme centralisateur, le Metropolitan Board of Works, doté des moyens de mettre en œuvre une politique cohérente d’hygiène publique. Il n’avait pas fallu autant de temps pour que naisse une «police métropolitaine», en 1829, grâce au ministre de l’Intérieur, sir Robert Peel: les bobbies , au nombre de plusieurs milliers, garantissent à tout le moins une sécurité relative.

Pendant tout le XVIIIe siècle et la première moitié du siècle suivant, Londres a constitué un lieu exceptionnel d’activisme politique. Une population aussi nombreuse et concentrée, l’ouverture à tous les courants idéologiques, la présence de masses mal intégrées et disponibles pour les mouvements soudains de foules et des «émotions» plus ou moins organisées n’ont jamais été sans inquiéter les autorités responsables de l’ordre; pouvoir central et Cité n’ont pas été en constante harmonie dans ce domaine, la seconde parfois complice de fait de manifestants en faveur de libertés publiques ou de contestataires de décisions religieuses: on le vit bien au temps de l’affaire Wilkes sous George III et au début des émeutes «Gordon» qui, en juin 1780, passent rapidement de la remise en question d’une politique de tolérance à l’égard des catholiques à une véritable émeute sociale qui, seule, inquiète les dirigeants locaux! Les troubles occasionnés directement par des conflits du travail sont relativement rares, mais des grèves des ouvriers de la soie de Spitalfields, des mouvements d’apprentis ne sont pas rares au milieu du XVIIIe siècle. Surtout, à l’époque de la Révolution française, Londres devient un lieu de propagation d’espérances démocratiques, renouant avec les souvenirs des Niveleurs du XVIIe siècle; une «Société de Correspondance» devient un moment le point de ralliement du jacobinisme anglais, crée une panique dans les milieux dirigeants dans les années 1793-1795, fait naître la tradition de «radicalisme», voire de républicanisme populaire qui a longtemps constitué une originalité de la capitale britannique. Nul étonnement dès lors de voir s’amplifier encore ces menaces au temps de la révolution industrielle et, entre 1838 et 1848 notamment, de connaître ici un des bastions du «chartisme», mouvement de revendication des libertés démocratiques; il paraît pendant une décennie susceptible de se transformer en un immense mouvement révolutionnaire qui n’aurait pas épargné la propriété; les Londoniens, au sein du chartisme, ont cependant incarné la tendance «pacifique», hostile à la violence armée, dont les chefs entendent obtenir satisfaction par le meeting et la pétition.

La métropole victorienne et édouardienne

Londres reflète parfaitement, dans la seconde moitié du XIXe siècle et avant la Grande Guerre, l’orgueil triomphant de la domination du plus vaste empire jamais construit et, malgré le déclin relatif de la fin de la période, l’étonnante richesse d’ensemble et la réelle prospérité d’un géant économique mondial. La première Exposition universelle, en 1851, a permis de faire éclater une supériorité alors indiscutable. Le «Grand Londres» atteint plus de trois millions d’habitants en 1861, près de cinq au début des années 1880, six et demi en 1901, 7 252 000 en 1911; jusqu’en 1901, son rythme de croissance a toujours été supérieur à celui de la population anglaise et, au tournant du siècle, un Anglais sur cinq vit dans l’agglomération métropolitaine. L’extension se fait surtout vers de nouveaux quartiers et faubourgs: de 1861 à 1911, le «comté» (dont la définition administrative date de 1888) a augmenté sa population de 61 p. 100, la «conurbation» de 125 p. 100. L’ensemble s’est nourri des apports migratoires les plus divers: des provinciaux, mais aussi des étrangers, qui constituent, par exemple, près du tiers de la population de l’arrondissement de Whitechapel en 1901; les Irlandais comptent moins que les juifs d’origine polonaise ou russe dans la population de l’East End. La ville a pourtant cessé d’être un tombeau et, dans la seconde moitié du XIXe siècle, plus des quatre cinquièmes de la croissance sont dus à l’excédent naturel. À la fin du siècle, le départ vers des zones éloignées de l’ancien centre, East et West Ham, Tottenham, Croydon, Willesden, signifie, pour les pauvres, un environnement plus sain et des conditions d’existence moins désastreuses. Tant il est vrai que le surpeuplement effrayant des quartiers et logements du Londres municipal, et qui croît quand on passe d’ouest en est, s’accompagne de taux de mortalité très élevés et de la virulence particulière de maladies comme la tuberculose. Les bourgeois sont parfois tentés eux aussi par le départ, mais bénéficient de la construction de nouveaux quartiers du West End entre 1830 et 1880, ainsi Bayswater, Notting Hill, Kensington et Chelsea. La fièvre d’urbanisme ne s’accompagne pas d’une unité de styles, bien que constructions publiques et même gares s’inspirent d’un goût excessif pour le néo-gothique: en témoignent le nouveau Parlement de Westminster ou la gare de Saint Pancras. Le «palais de cristal» de l’Exposition de 1851, transporté à Sydenham, dans le sud de la capitale, témoigne, jusqu’à sa destruction en 1937, d’une audace mieux inspirée. Les activités sont d’une variété qui défie la description. Le port de Londres continue de croître, de nouveaux docks s’ajoutant aux anciens, sous l’autorité unique, à partir de 1909, d’une Administration du port de Londres. La Cité remplit les fonctions financières les plus variées, cependant que l’industrie employait, en 1861 par exemple, un Londonien sur cinq, d’aucuns surexploités dans les industries de la confection à domicile. Les transports publics ont connu un essor d’autant plus remarquable que Londres a été éventrée par des chemins de fer: six gares terminales de grandes lignes, quinze gares au total en 1899, certaines gigantesques et prolongées par des hôtels, voire des ensembles de magasins et de bureaux. Le chemin de fer remodèle le cœur de l’agglomération, ses grands travaux font naître des chantiers immenses, entraînent la destruction de quartiers entiers, poussent à l’édification de nouveaux ensembles d’habitation et de bureaux loués ou vendus à des prix démesurément gonflés. En 1890, on achève la première ligne de métro du monde entre la Cité et les chemins de fer du sud. Ateliers, magasins grands et petits (Harrods naît en 1849), lieux de plaisir et de débauche, services les plus divers coexistent dans une ville qui, plus que jamais, est une juxtaposition de quartiers entre lesquels la ségrégation sociale n’a jamais été aussi forte. Le guide Badecker de 1890 s’émerveillait devant «une extension de 14 miles d’est en ouest», une superficie de 316 kilomètres carrés, un dédale de 7 800 rues «formant une longueur totale de plus de 4 800 km».

Sociologues et réformateurs sociaux abondent dans la fin de la période, dénoncent les aspects effrayants du «Londres des rejetés», soulignent, à l’instar de Charles Booth dans sa grande enquête des années 1889-1897, la proportion d’un quart à un tiers d’habitants vivant à la limite de l’indigence, s’épouvantent de l’ampleur de la criminalité et de l’existence d’une véritable contre-société des bas-fonds où, du grand criminel au pickpocket ordinaire, de la prostituée déchue à la demi-mondaine, de l’escroc au voleur à la tire, on constate l’étrange reflet d’une hiérarchie fondée sur la richesse. En 1872, les illustrations de Gustave Doré ont révélé les contradictions étonnantes de la Babylone des temps modernes.

Dans cette agglomération immense, malodorante, bruyante, dangereuse et à la croissance dynamique, les problèmes administratifs sont tels qu’ils déterminent des réformes majeures. En 1888, une loi crée le Conseil du comté de Londres, élu démocratiquement, qui se voit confier, immédiatement ou peu à peu, les principales responsabilités en matière d’hygiène publique, d’éducation, d’aide sociale, de lutte contre l’insalubrité, mais non pas celles de police, partagées entre le ministère de l’Intérieur et la Cité traditionnelle. Un parti «progressiste» contribue, au sein de ce Conseil, à déterminer les contours d’un socialisme municipal de grande portée, inspiré par les Fabiens.

Le besoin de changements a trouvé d’autant plus d’audience que Londres demeure le champ d’ardents combats politiques et sociaux, le lieu où s’est naturellement établie la Confédération intersyndicale fondée en 1868, la ville où se constituent les partis et clubs socialistes et où, à l’occasion, ainsi lors des grandes manifestations de chômeurs de 1886 et 1887, souffle un vent révolutionnaire; la ville de quelques dures grèves, dont celle, célèbre, des dockers en 1889.

L’enfer londonien appelant l’utopie, à la suite de la dénonciation des laideurs de la ville, par John Ruskin ou William Morris notamment, apparaît l’idée des cités-jardins et s’édifie, en 1903, la première «ville nouvelle» au nord de la capitale: Letchworth, construite conformément aux principes d’Ebenezer Howard et de Raymond Unwin.

Vers l’époque contemporaine

L’entre-deux-guerres a constitué, dans l’histoire de la ville, le prolongement de l’époque victorienne, l’agglomération gagnant encore un million et demi d’habitants avant 1939, débordant ses limites en particulier vers le nord jusqu’à Harrow et Watford, multipliant les voies de communication internes routières ou ferroviaires, mais sans plan d’urbanisme cohérent. Le Conseil du comté aide à la rénovation des quartiers insalubres et participe à la création de grands ensembles, les housing-estates , loin de la ville même, dont le plus important se trouve à Becontree-Dagenham. Après 1932, une loi sur la planification des sols a permis d’esquisser un grand projet de ceinture verte autour de la capitale. Mais on risque toujours d’être pris de vitesse par l’aggravation des problèmes, quand des quartiers entiers se dégradent et deviennent des zones de taudis, tels Fulham, Islington, une grande partie de l’East End. Les constructions de mairies et de bibliothèques, la prolifération des cinémas et palais de la danse, l’édification du grand centre universitaire à Senate House, les vitrines de grands magasins, le stade de Wembley inauguré en 1926 représentent des améliorations de l’environnement et de l’esthétique urbaine sans répondre aux besoins primaires. Les affrontements sociaux y gagnent en intensité, se colorant parfois d’extrémisme lorsque les thèses fascistes font de l’East End de Londres un bastion du parti de sir Oswald Mosley et que s’y développent contre les juifs de véritables pogromes en 1934-1936. On s’explique, l’amélioration des communications aidant, la tentation de la fuite vers les banlieues des petits bourgeois et l’ampleur croissante qui en résulte du double phénomène de la banlieue-dortoir et de la mobilité quotidienne des employés et travailleurs. La banlieue modèle a été construite en Hertfordshire: Welwyn Garden City, due à un autre projet de Howard, est une cité-jardin qui associe de riches résidences, des quartiers ouvriers et des zones industrielles.

La guerre apporte deux modifications majeures. Elle inflige le traumatisme de destructions considérables, en particulier dans les quartiers du centre et de l’East End. Elle offre l’occasion d’une réflexion sur l’urbanisme de l’avenir avec, en 1943 par exemple, la publication de l’ouvrage de Patrick Abercrombie, Un plan pour le comté de Londres , source parmi d’autres de l’application à partir de 1947 d’une loi sur la planification des sols urbains et ruraux qui inclut la mise en place de villes nouvelles.

La reconstruction s’accompagne ainsi d’une modification considérable du dessin urbain antérieur. Neuf villes nouvelles sont construites dans un rayon de 50 kilomètres autour de la capitale, auxquelles s’ajoutent ultérieurement d’autres localités plus éloignées, certaines à près de 125 kilomètres de la Cité. La taille ultime qui leur est fixée pour la fin du siècle varie de 30 000 à plus de 200 000 habitants, mais, dès la fin de 1967, leur population va des 28 800 habitants de Bracknell aux 75 800 de Harlow. La migration vers les banlieues et les villes nouvelles explique l’arrêt de la croissance du Grand Londres: 8 200 000 habitants en 1961, 7 379 000 dix ans plus tard, moins de 6 800 000 en 1987 et moins de 6 400 000 en 1991.

Ce déclin démographique ne signifie nullement une décadence économique. Si le port a perdu une grande partie de son rôle international au bénéfice d’autres installations en aval du fleuve, l’industrie continue d’employer quelque 20 p. 100 de la population active et fait de la métropole la première ville industrielle du Royaume-Uni. Les fonctions commerciales et financières demeurent prépondérantes, et l’informatisation de la Bourse de Londres à la fin de 1986 a marqué la volonté de la Cité de préserver et de développer son rôle mondial. La fonction culturelle est d’autant plus grande que l’université de Londres, fondée en 1836, est à présent la troisième du pays, après Oxford et Cambridge.

Des quartiers londoniens continuent de se dégrader, en particulier dans le sud-est, ainsi à Brixton, sous l’effet de l’installation d’une forte population de couleur immigrée à la fin des années cinquante et dans les premières années de la décennie suivante: la pauvreté des nouveaux venus et les violences raciales ont contribué à les transformer en ghettos. D’autres parties de la capitale ont été dotées de constructions de prestige et d’intérêt culturel, en bordure de la Tamise, avec le London Festival Hall, mais aussi, dans le cas du centre culturel et d’habitation du Barbican, en plein cœur de la Cité. Remodelages, rénovations (comme à Pimlico), refonte complète (telle la réhabilitation de Picadilly Circus à peu près terminée en 1987) ont conduit à donner un lustre nouveau à la capitale tout en menant à la «gentryfication» de bien des quartiers, c’est-à-dire à un habitat résidentiel réservé aux classes les plus aisées.

Alors que Londres dominait de plus en plus tout le sud-est de l’Angleterre, drainant ses travailleurs ou commandant à ses activités, la loi de 1963 a tenté de donner à tout le moins une structure administrative cohérente à ce qui constituait le Grand Londres enfin défini comme tel: elle crée le Conseil du Grand Londres et lui soumet tout ou partie des comtés anciens du Middlesex, de l’Essex, du Hertfordshire, du Kent et du Surrey, elle préserve l’administration autonome de la Cité, mais définit 32 autres bourgs municipaux, elle maintient l’organisation éducative autonome de l’ancien Londres municipal. Cette loi, suivie de quelques ajouts, a permis au Conseil de 100 membres et 16 échevins, à un président et à ses adjoints, de faire face à de vastes problèmes locaux, mais a du même coup confié à l’organisme nouveau un rayonnement national et des pouvoirs financiers jugés parfois exorbitants. Cette loi était d’autant plus nécessaire que la ville étendait ses voies de communication et qu’un périphérique extérieur a été achevé en 1987. Mais elle a entraîné des conflits avec le pouvoir central: ils culminent sous le gouvernement Thatcher et aboutissent, le 1er avril 1986, à l’abolition du Conseil et à la dévolution de ses pouvoirs aux bourgs et à un certain nombre d’instances spécialisées. L’opération a été graduellement menée à son terme, sans que ses avantages soient apparus convaincants aux Londoniens.

Ville cosmopolite, attrait indéniable pour des touristes en nombre croissant, gardant un énorme prestige et tous les signes apparents d’une métropole mondiale, ouverte aux chances supplémentaires d’expansion apportées au Sud-Est britannique par le Marché commun, Londres reste l’organisme tentaculaire qui a séduit ou effrayé tous les observateurs au cours des âges.

Sensible à toutes les difficultés de l’économie nationale et mondiale, la capitale connaît pourtant, à l’aube de la décennie 1990, une crise sévère de la construction, très particulièrement des grandes opérations de réhabilitation et de développement du secteur de ses anciens docks.

2. La première ville d’Europe

Avec le sixième de la population nationale, Londres n’est pas seulement la capitale du Royaume-Uni, elle est aussi la première ville d’Europe, et l’une des plus puissantes agglomérations du monde.

Trois faits exceptionnels caractérisent la situation de Londres: une large ouverture maritime, grâce à l’existence de l’estuaire de la Tamise remonté à l’origine par la marée, précisément jusqu’à l’emplacement du Pont et de la Tour dont la sombre silhouette se découpe encore au sud de la City (actuellement, par suite sans doute d’un léger affaissement des terres, la marée remonte plus loin en amont); une remarquable implantation, en face de la côte la plus active du continent européen, vis-à-vis du débouché du grand axe rhénan, à l’orée de la mer la plus fréquentée du globe; une étonnante position, au cœur même du bassin de Londres, utilisant une gouttière synclinale où se glisse la Tamise et vers laquelle convergent les pentes des bombements voisins, de la côte crétacée au nord, du revers septentrional du Weald au sud. Ainsi, tout semble confluer vers ce foyer prédestiné et, dès 1604, Thomas Miles a transcrit dans un texte célèbre l’étonnement émerveillé et un peu inquiet des contemporains: «Tous nos ruisseaux vont à une seule rivière, toutes nos rivières courent à un seul port, tous nos ports touchent à une seule ville, toutes nos villes ne font qu’une cité, et toutes nos cités et faubourgs qu’une seule vaste Babel de construction encombrante et désordonnée, que le monde nomme Londres.»

Le berceau de cette cité exceptionnelle, c’est, à l’extrémité de la navigation maritime, utilisant le passage à gué de la Tamise, la terrasse de gravier bien égoutté qui domine la rive nord. Ici fut fondée Londres qui, comme son homologue parisienne, commença à se développer dès les premiers temps de l’occupation romaine.

L’expansion territoriale et le développement démographique

Il est encore plus difficile de parler de Londres que de Paris. Le nom de ces capitales recouvre à la fois une ville au territoire bien défini dans le cas de la seconde, aux limites incertaines dans le cas londonien, et des prolongements qu’on ne sait pas très bien où arrêter.

Actuellement, on tend à distinguer le comté et le Grand Londres. Le comté de Londres est considéré comme le centre même de la région; il s’étend sur 304 kilomètres carrés et fut délimité en 1865. À l’époque, il ne coïncidait pas du tout avec la surface bâtie, mais recouvrait une aire administrative qui, en 1871, devint une unité d’administration locale et, en 1888, reçut le nom de London County Council (L.C.C.). Tout autour, le Greater London (Grand Londres) correspond théoriquement au Metropolitan Police District (M.P.D.), mais celui-ci ne recouvre pas davantage une réalité spatiale et économique. Tel qu’il est constitué, le M.P.D. déborde largement sur le Middlesex, le Surrey, l’Essex, le Kent. Mais déjà l’agglomération s’étend plus loin, tandis que, à l’intérieur même de cette division administrative en apparence unique, restent multipliées les autorités de tutelle indépendantes: les parties de l’agglomération située entre les limites du L.C.C. et du M.P.D. sont gouvernées par soixante-six autorités. En 1965, une commission administrative donna une définition du Greater London qui englobait les espaces urbanisés allant de Hillingdon à l’ouest à Hawering à l’est et de Enfield au nord à Croydon au sud, c’est-à-dire des espaces bâtis entourés par une green belt (ceinture verte); celle-ci coupe l’agglomération de Londres proprement dite du prolongement extérieur de l’Outer Metropolitan Area.

Certains auteurs et la Commission de planification régionale du Royaume-Uni tendent à considérer comme dépendant de la capitale anglaise toute la zone d’environ 180 kilomètres d’un bout à l’autre qui s’étend de Reading jusqu’au débouché de l’estuaire de la Tamise, et de Bletchley à Brighton. C’est en effet dans tout cet espace que l’on a redistribué, en partie, la population et les activités périphériques du foyer londonien.

Dans ces conditions, comment peut-on estimer le développement démographique de Londres et sa population actuelle? Dès le dernier quart du XVIIe siècle, on a estimé qu’elle devait avoir autour de 500 000 habitants, et qu’elle était, à l’époque, la plus grande ville du monde; c’était déjà une sorte de monstre, d’une cinquantaine de kilomètres de circonférence, englobant à la fois des espaces verts, de nombreuses activités artisanales et des résidences, aussi bien urbaines que villageoises. Au premier recensement de 1801, la ville comptait, dans les limites approximatives du comté actuel, 959 300 personnes. Le recensement de 1851 montre qu’il s’agit d’une agglomération, et non plus d’une ville, qui atteint 2 363 000 habitants. Tout au long du siècle, les ramifications extérieures s’étendent, tandis que les populations abandonnent le centre pour la périphérie. Trois faits majeurs contribuent à la croissance de l’agglomération: l’ouverture de larges artères à travers des quartiers déjà très peuplés, la poursuite de l’aménagement du fleuve par le lancement de nouveaux ponts et l’amélioration des berges, ce qui permet le grand développement de la rive sud, assez défavorisée jusque-là, et la progression de nombreux moyens de transport collectifs, urbains et suburbains (les premières lignes de chemin de fer débutèrent en 1836; le métro fut commencé en 1863; la première voie souterraine sous la Tamise date de 1890; les tramways à chevaux se généralisèrent après 1870 et devinrent électriques après 1901). Cet ensemble de transports publics est géré depuis 1933 par le London Passengers Transport Board, qui a sous sa dépendance 5 200 kilomètres carrés.

Depuis le début du XXe siècle, les différentes parties de l’agglomération évoluent de manière disparate. Le dépeuplement du centre, qui avait commencé au XIXe siècle, a gagné peu à peu ce que l’on nomme la City; celle-ci comptait 128 269 personnes en 1801, 10 999 en 1931 et 4 400 en 1988. Tout autour, et successivement, l’agglomération restreinte et la première couronne suburbaine ont été gagnées par le dépeuplement. Au contraire, l’auréole périphérique est en pleine expansion: la population a doublé pendant la première moitié du XIXe siècle, et elle atteignait 1 million vers 1880; elle est passée à 2 millions en 1901 et à plus de 5 millions actuellement. Au total, le recensement de 1981 donne, pour la population du Greater London (définition de 1965), 6 696 000 habitants, soit une baisse de 15 p. 100 par rapport à 1969. Au-delà, dans l’Outer Metropolitan Area, la population s’accroît rapidement, soutenue par la présence des huit villes nouvelles régionales. Plus de la moitié de la croissance est due au redéploiement périphérique de la population londonienne. On peut avancer le chiffre de plus de 10 millions de personnes.

Les caractéristiques de l’espace urbain

Comme toutes les vastes agglomérations, Londres offre des visages extrêmement diversifiés. Le cœur même de la ville, c’est la City, où travaillent quotidiennement environ 340 000 personnes. Les rues étroites, les bâtiments sombres ont été largement éventrés par les bombardements de la dernière guerre. Ils ont été, pour beaucoup d’entre eux, remplacés par des demi-gratte-ciel de verre et d’acier, des façades lumineuses et rapprochées, mais l’activité fondamentale ne s’est pas modifiée. Dans cet espace congestionné, une véritable marée humaine se précipite à 9 heures du matin et reflue à 5 heures de l’après-midi. Les banques, les assurances, les grandes sociétés de toute nature, nationales et internationales, y ont leur implantation. Dans certaines rues, on compte un siège bancaire par immeuble, et n’est-il pas significatif que la principale station de métro se nomme Bank? Le soir, quelques salles de spectacles en animent les abords, mais, la nuit, la City est un véritable désert.

Tout autour s’étendent des quartiers où se mêlent les activités urbaines (commerces, services, administrations) et les résidences, mais il faut distinguer le West End, avec ses maisons cossues, ses larges avenues, ses vastes parcs: c’est le Londres des ministères, du Parlement, du palais royal et de la célèbre abbaye de Westminster. L’East End, au contraire, est beaucoup plus populaire: les ateliers et les usines se multiplient. À travers ce comté de Londres, la Tamise passe, large déjà comme un bras de mer, en aval de la Tour de Londres, accompagnée vers l’ouest de gratte-ciel modernes, sièges de grandes sociétés ou d’administrations et, vers l’est, s’enfonçant résolument dans le paysage des docks et des entrepôts qui ont fait la fortune du port de Londres, mais qui ont été progressivement fermés entre 1960 et 1980. Le besoin de bureaux plus nombreux et modernes a suscité des modifications variées dans ce schéma classique. Pour la City même, le plan de 1986 a prévu une densification de l’occupation par accroissement des hauteurs autorisées; dans le centre de Londres, les immeubles de bureaux se multiplient, accidentant la skyline horizontale traditionnelle, avec notamment les opérations de rénovations prévues autour des gares. Mais l’opération la plus spectaculaire est celle des docklands , lancée dès 1981 avec l’ambition de constituer une City bis, à l’emplacement des anciens docks. Le complexe immobilier géant de Canary Wharf, centré sur l’Isle of Dogs, en est le symbole: plus de 1 million de mètres carrés, déjà réalisés en 1992, attendent des occupants qui semblent peu pressés d’accourir. Le grand reproche, c’est le manque de liaison rapide avec le centre: l’aéroport urbain de London City et la promesse d’une ligne de métro directe sauveront-ils l’opération, réalisée par un consortium de capitaux internationaux?

Autour de ce complexe central, deux couronnes de banlieues successives se dessinent. La première, qui s’étend d’Ealing à East Ham, est densément occupée; la plupart des résidences y ont été construites avant 1914; au-delà s’étend une seconde couronne où les résidences sont plus clairsemées et où des portions de nature, puis de campagne, apparaissent lorsqu’on s’éloigne de 20 kilomètres du cœur de la ville. Dans ce tissu de banlieues indéfiniment répétées, de véritables centres urbains se distinguent par des quartiers où sont regroupés les administrations, les commerces, une circulation plus active, la présence de véritables noyaux secondaires. Ces villes sont importantes, puisqu’elles dépassent 100 000 habitants, et même, pour une vingtaine, 200 000 habitants; les trois plus peuplées d’entre elles, Croydon (317 000 hab.), Barnet (301 400 hab.) et Bromley (298 000 hab.), feraient, en France, figure de grandes villes régionales.

Enfin, plus loin encore, la ville se poursuit en simples alignements de constructions le long des voies de communication qui se sont multipliées au cours de ces dernières années; à un réseau étoilé très dense de routes et de voies ferrées est venu s’ajouter un système complexe d’autoroutes ou de routes à circulation rapide, qui vont notamment vers les Midlands, vers le nord, vers la côte de la Manche. Ainsi se sont développées maintenant, à plus de 100 kilomètres de la capitale, des villes ayant une fonction de cité-dortoir, telles Brighton, sur la côte sud, ou des villes-relais comme Swindon, sur le grand axe de développement linéaire vers Bristol.

Les activités de Londres

Londres est une capitale «totale». Parmi sa population active, les quatre cinquièmes appartiennent au secteur tertiaire, témoignage de l’intensité des activités administratives, financières et commerciales. Le rôle intellectuel et artistique est comparable à celui de Paris: Londres a la plus importante des cinquante-deux universités du Royaume-Uni et, par sa réputation, se classe au troisième rang après Oxford et Cambridge; elle dispose de quarante théâtres principaux, de vingt-neuf quotidiens et hebdomadaires (sur un total de cent cinquante pour l’ensemble du Royaume-Uni). Si le centralisme politique est moins important que celui de Paris en raison de la structure qui existe outre-Manche, le rôle économique, en revanche, est capital. Pourtant, le bilan des activités économiques n’est pas totalement positif.

Le tissu industriel évolue. Si la localisation des industries reste fonction de leur nature, mais aussi de leur taille et des risques de pollution qu’elles présentent, plusieurs aspects se modifient. Les industries légères, notamment les petits ateliers, existent encore dans le nord et dans l’est de la ville; en outre, elles s’alignent le long des routes et des chemins de fer, et plus récemment des routes à grande circulation, surtout vers l’ouest et le nord-ouest de la capitale (confection, constructions mécaniques légères, en particulier automobile, industries alimentaire et pharmaceutique, meubles, disques et électronique). Au contraire, les industries lourdes installées près du port et des voies d’eau ont reculé vers l’aval (de l’est de la Tour de Londres à Tilbury); de là jusqu’à la mer se succèdent les centrales électriques, thermiques et nucléaires, les cimenteries, les papeteries, les raffineries de pétrole, implantées à l’entrée de l’estuaire en deux groupes, celui de Coryton et Shellhaven et celui de l’Isle of Grain. Depuis que Ford s’est installé à Daghenham, les firmes construisant des automobiles et des tracteurs se sont développées. On trouve aussi des raffineries de sucre et d’autres industries puissantes, directement desservies par le port. En outre, plus récemment, dans les «parcs industriels» ont été implantées de nouvelles firmes: à Daghenham et à West Thurroock, en particulier (industries chimiques légères, agroalimentaire).

Le rôle industriel de Londres s’est sensiblement transformé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’une part, un certain nombre d’activités ont été développées en raison de l’industrialisation du monde moderne, et surtout de la diminution du rôle international du port de Londres, qui a entraîné une reconversion: le port est ainsi devenu essentiellement un grand carrefour de ravitaillement pour la consommation de la population et des industies locales. En outre, si certaines industries ont souffert des transformations plus ou moins profondes (confection), d’autres, au contraire, ont connu un grand essor (matériels électrique, électronique, industrie alimentaire, imprimerie, papeterie); mais, si la croissance des effectifs s’est poursuivie jusque dans les années 1950, l’industrie a enregistré, depuis lors, une régression globale marquée, de plus de 1 million de personnes employées, et elle ne concerne plus que 18 p. 100 du nombre des actifs. Entre 1966 et 1975, la population a reculé de 9,4 p. 100 dans l’agglomération, mais l’emploi industriel a baissé de 27 p. 100. Suivant une politique analogue à celle appliquée en région parisienne, la moitié environ des entreprises disparues a fermé; 9 p. 100 se sont déplacées vers les zones assistées nationales et 7 p. 100 vers des villes d’accueil ayant accepté de recevoir le «trop-plein» de l’agglomération londonienne. Le reflux industriel a été le plus marqué à l’est et au sud-est de l’agglomération (moins 38 p. 100 à Southwark et même moins 43 p. 100 à Greenwich). Par contre, la City enregistre le taux le plus faible (moins 15 p. 100) avec Westminster (moins 19 p. 100). Face à cette situation, on se préoccupe, depuis 1976, de réintégrer l’industrie dans la capitale. Face à cette transformation de l’industrie, l’essor du tertiaire est croissant et diversifié; il a entraîné la multiplication des bureaux et l’apparition, à côté de la City, toujours hégémonique, d’autres ensembles prétendant à des fonctions centrales. Les emplois tertiaires ont augmenté de 7 p. 100 entre 1980 et 1990 dans le Grand Londres, et de 25 p. 100 dans la couronne périphérique; mais, dans le seul secteur financier, l’accroissement a été de plus de 33 p. 100. Les opérations de plus haut niveau, qualifiées souvent de «quaternaires», représentent près du tiers du total britannique et, avant la crise actuelle, on estimait leur développement à 10 p. 100 par an. Depuis 1986, les mesures favorisant l’activité de la Bourse, Londres est devenue la plus grande concentration bancaire mondiale. L’afflux des investissements, notamment américains et japonais, et l’implantation de nombreux sièges sociaux à rayonnement européen, renforcent encore la position internationale de Londres.

Cette construction économique est axée sur le rôle de carrefour, à la fois des voies aériennes et des transports maritimes. Londres est toujours le premier port britannique, avec 110 kilomètres de chenaux navigables, 60 kilomètres de quais en eaux profondes, plus de 1 600 hectares de docks. Son trafic est de 54 millions de tonnes (1990), dont la moitié d’hydrocarbures. L’importance du rôle «ravitailleur» de cet organisme est éclatant d’après les statistiques, puisque les entrées sont quatre fois plus importantes que les sorties. 15 p. 100 environ des échanges extérieurs de l’Angleterre passent encore sur ses quais, contre un tiers à la fin des années soixante. Cela est dû à la «montée» des ports de la côte est, au trafic presque exclusivement pétrolier. L’organisation est depuis 1908 aux mains d’un organisme unique, la Port of London Authority. Le trafic du port de Londres pourrait être jugé en valeur, non en poids. Les importations sont essentiellement des produits d’outre-mer à valeur élevée: denrées tropicales comme le thé, le tabac, les oléagineux, matières premières et métaux rares comme les laines, les étains, constituant le tiers des importations anglaises en valeur. Les exportations comprennent surtout des constructions mécaniques diverses (plus de la moitié), des produits chimiques, des produits textiles. Elles représentent 37 p. 100 du total national. Plus des quatre cinquièmes du thé consommé par les Anglais, plus de la moitié de la viande, 47 p. 100 du papier, 46 p. 100 du beurre, 40 p. 100 du caoutchouc naturel, plus du tiers des huiles, des bois, de la pâte à papier, des machines, de la laine, des fruits frais importés au Royaume-Uni passent par le port de Londres, qui exporte 40 p. 100 des automobiles et des constructions mécaniques, le tiers des produits chimiques, les trois quarts du sucre raffiné, plus de la moitié du papier vendu par les firmes anglaises. Les matières premières et les sources d’énergie représentent 78 p. 100 du total, et la plus grosse partie est utilisée par les usines locales. Le volume des marchandises s’accroît et atteint 3,2 millions de tonnes de conteneurs: le nouveau complexe de Tilbury a été ouvert en 1970. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le port de Londres s’est orienté de plus en plus vers le commerce avec l’Europe (44 p. 100 des échanges internationaux), alors que baissait la part des territoires d’outre-mer, en raison des vicissitudes de la puissance impériale. Les liaisons restent stables avec les pays de l’Association européenne de libre-échange, ceux de la Baltique et de la Méditerranée. Cependant, le trafic total est en baisse (de 28 p. 100 depuis la fin des années soixante), et ses vis-à-vis européens, Anvers et surtout Rotterdam, ont connu depuis quarante ans une fortune beaucoup plus éclatante, qui a fait de Rotterdam le premier port mondial. Londres, qui occupait le troisième rang mondial en 1971, n’est plus qu’au cinquième rang en Europe.

Malgré cette régression, le rôle international de Londres reste important. La City est la place forte de la zone sterling, qui rassemble encore à l’intérieur et à l’extérieur du Commonwealth des États représentant le cinquième de la population mondiale, et faisant environ 25 p. 100 du commerce de la planète; en outre, la livre sterling est utilisée pour environ 40 p. 100 des transactions internationales. La City reste encore la troisième Bourse du monde. Aussi, Londres joue un rôle considérable comme place financière; il en est de même en matière d’assurances (surtout maritimes: la fameuse Lloyd’s), et comme siège de grandes sociétés internationales.

Les Britanniques se préoccupent de l’avenir de l’agglomération londonienne. Dès la période de guerre, le plan Abercrombie (1943-1944) avait indiqué la nécessité de décongestionner la population de la capitale, de préserver une ceinture verte périphérique, de créer à l’extérieur des new towns de taille limitée (de 40 000 à 70 000 personnes) pour absorber une partie des excédents démographiques et créer un nouvel équilibre entre lieu de résidence et lieu de travail dans la banlieue s’étendant de 50 à 100 kilomètres autour de Charing Cross. Entre 1946 et 1949, huit villes nouvelles ont été construites. Elles sont habitées actuellement par de jeunes ménages disposant d’un nombre d’emplois satisfaisant, surtout dans le domaine industriel, et d’équipements nombreux. Polarisant un espace périphérique plus ou moins large, ces villes nouvelles constituent un succès indéniable pour la restructuration d’une partie périphérique de l’agglomération. Touchant un espace beaucoup plus vaste, un nouveau plan s’est préoccupé d’aménager, à partir de 1970, tout le sud-est de l’Angleterre, considéré avec raison comme touché plus ou moins profondément par la croissance londonienne. Cette nouvelle stratégie voulait aussi atténuer le déséquilibre croissant au profit de la partie nord du Sud-Est. On a ainsi favorisé le développement d’un certain nombre de villes situées à 100 kilomètres environ de Londres, c’est-à-dire au-delà de la ceinture verte, et qui sont devenues des sortes de noyaux secondaires de l’agglomération, accueillant parallèlement des habitants et des activités.

Les principaux centres sont South Hampshire, South Essex, Crawley, Milton, Keynes-Northampton et Reading-Basingstoke. Cette croissance en étoile s’est appuyée sur les axes routiers et a cherché à préserver de vastes espaces verts, réservés à l’agriculture et aux loisirs, autour de chaque centre. L’action de l’État a, là aussi, été positive et efficace.

londrès [ lɔ̃drɛs ] n. m.
• 1849; esp. londres « de Londres »
Anciennt Cigare de la Havane, fabriqué à l'origine spécialement pour les Anglais.

londrès nom masculin (espagnol londres, de Londres) Cigare de la Havane, à l'origine spécialement fabriqué pour les Anglais.

Londres
(Conférence internationale de) conférence (1912-1913) des six grandes puissances européennes, qui mit fin à la première guerre balkanique (V. Balkans) et consacra l'indépendance de l'Albanie.
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Londres
(Conférence internationale de) conférence qui réunit la France, la G.-B. et la Russie de 1827 à 1832. Elle reconnut l'indépendance de la Grèce, fixa ses frontières et choisit le prince Otton de Bavière comme roi.
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Londres
(Conférence internationale de) conférence qui siégea à Londres en 1830-1831 et décréta l'indépendance de la Belgique, ainsi que sa neutralité. En juin 1831, elle proposa au pays un souverain, Léopold de Saxe-Cobourg, que le Congrès belge élut roi. Elle accorda à la Belgique une partie du Luxembourg (Luxembourg belge).
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Londres
(en angl. London) cap. de la Grande-Bretagne, port sur la Tamise; 2 700 000 hab. (env. 7 millions d'hab. pour le "Grand Londres"). Premier port britannique, Londres a une puissante fonction commerciale, bancaire, boursière (Stock Exchange), politique, culturelle; c'est le prem. centre industr. de G.-B. La City, centre des affaires et des banques, est entourée par des quartiers (boroughs) fort différents: à l'aristocratique West End, ponctué de parcs (Hyde Park), s'oppose l'industriel East End. De nombr. et vastes villes ont été créées dans la grande banlieue. Les rénovations entreprises en 1981 affectent 1 million de m2 dans la City; les Docklands s'étendront sur 40 km le long de la Tamise.
Les princ. monuments sont voisins: Tour de Londres (fin du XIe s.) et Tower Bridge (pont faisant face à la Tour, 1886-1894); abb. de Westminster, fondée au XIe s. (remaniée aux XIVe, XVe et XVIe s.); Westminster Palace (siège du Parlement), néo-gothique (terminé en 1888); la cath. Saint Paul (1675-1710); Buckingham Palace (XVIIIe et XIXe s.), résidence officielle des souverains brit. depuis 1837. Musées d'une richesse exceptionnelle: National Gallery, British Museum, Tate Gallery (art moderne), etc. Hist. - Bourgade celtique, Londres fut colonisée par les Romains puis exposée aux attaques anglo-saxonnes et danoises. Elle devint capitale sous Guillaume le Conquérant puis obtint une charte (1191). Dès lors, l'essor de Londres crût sans cesse, mais des catastrophes la ravagèrent au XVIIe s. (peste en 1665, incendie en 1666). La révolution industr. du XIXe s. donnera à la ville son aspect victorien et son rôle international. Lors de la guerre de 1939-1945, les bombardements l'endommagèrent.
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Londres
(traité de) traité, signé en 1867 à la suite d'une conférence internationale, qui garantit l'indépendance et la neutralité du grand-duché de Luxembourg. En effet, la France avait brigué le pays et la Prusse avait menacé celle-ci.

⇒LONDRÈS, subst. masc.
Cigare de la Havane, à l'origine fabriqué spécialement pour Londres et l'Angleterre. Fumer un londrès. Monsieur Morille ne sera pas assez rapace pour refuser à ses invités une pauvre boîte de londrès (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 14). Vous fumiez de gros cigares. — Oh! fait-il dédaigneusement, des londrès à vingt-cinq centimes! (GIDE, Souv. Cour d'ass., 1913, p. 621).
Demi-londrès. Cigare plus petit. Au moment d'en allumer une, il réfléchit qu'une cigarette même supérieure ne tranchait pas assez sur l'ordinaire de la vie, et il choisit un demi-londrès qui lui coûta trois sous (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 258).
Prononc. et Orth. : []. LITTRÉ : londres [-]. Étymol. et Hist. 1849 (arrêté du 14 mai d'apr. LITTRÉ); 1856 (FURPILLE, Paris à vol de canard, p. 57 d'apr. G. ESNAULT ds Fr. mod. t. 18, p. 141). Mot esp. signifiant proprement « de Londres, londonien », parce que ce cigare de la Havane fut d'abord fabriqué pour les Anglais (v. FEW t. 5, p. 401b). Fréq. abs. littér. : 10.

londrès [lɔndʀɛs; lɔ̃dʀɛs] n. m.
ÉTYM. 1849; esp. londrés « de Londres ».
Cigare de la Havane, fabriqué à l'origine spécialement pour les Anglais. || Fumer un londrès. || Demi-londrès : cigare plus petit que le londrès.
1 Je pris le cigare qui m'était offert, et dont la forme rappelait celui du londrès; mais il semblait fabriqué avec des feuilles d'or (…) « C'est excellent, dis-je, mais ce n'est pas du tabac. — Non, répondit le capitaine, ce tabac ne vient ni de la Havane ni de l'Orient ».
J. Verne, Vingt mille lieues sous les mers, 1877, p. 108-109.
2 M. Rateau fumait de la contrebande suisse. Un esprit original. Barrel préférait tout de même ses londrès.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XXIV.

Encyclopédie Universelle. 2012.