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éteindre

éteindre [ etɛ̃dr ] v. tr. <conjug. : 52>
XVIIe; esteindre v. 1130 ; lat. pop. °extingere, class. extinguere extinction
I
1Faire cesser de brûler. Éteindre le feu ( extincteur) . Jeter des cendres, du sable sur un foyer pour l'éteindre. étouffer. « L'incendie fut terrible, on l'éteignit à grand-peine » (Hugo). Éteindre une bougie. souffler. Éteindre une cigarette. écraser.
2Faire cesser d'éclairer. Éteindre une lampe, la lumière, l'électricité. fermer. Éteignez tout.
3Faire cesser de fonctionner (un appareil électrique). Éteindre la télévision, un radiateur électrique. Absolt « L'interrupteur était près de la porte, il éteignit et gagna le lit à tâtons » (Sartre).
4Fig. et littér. En parlant de ce qui est comparé à un feu, à une flamme. Une soif qu'on ne peut éteindre. inextinguible. Éteindre l'ardeur de la fièvre. « L'agonie éteignit sa prunelle hagarde » (Hugo). (Choses abstraites) « Les larmes de la reine ont éteint cet espoir » (Racine). étouffer .
5Dr. Faire terminer les effets de. Éteindre un droit, une obligation. annuler. Éteindre une dette. acquitter, amortir.
IIS'ÉTEINDREv. pron.
1Cesser de brûler. Laisser le feu s'éteindre, et avec ellipse du pron. Laisser éteindre le feu. mourir. « les fusées d'un bouquet explosent et s'éteignent » (Maurois).
2Cesser d'éclairer. Toutes les lumières s'éteignent et le spectacle commence. Fig. et littér. « le grain noir de la prunelle, qui tantôt s'éteint dans la rêverie, tantôt luit en vrille » (Suarès).
3(Sons, bruits) disparaître. Son qui diminue et s'éteint. s'atténuer.
4(Abstrait) Cesser progressivement. s'affaiblir, mourir, passer. Son souvenir ne s'éteindra jamais. « Avec le temps, la passion des grands voyages s'éteint » (Nerval).
5(Personnes) Mourir doucement; par euphém. Mourir. disparaître, expirer. Elle s'éteignit dans les bras de sa fille. Vieillard qui s'éteint. Race, famille qui s'éteint, qui ne laisse pas de descendance. ⇒ finir.
⊗ CONTR. Allumer, aviver , brûler; briller, éclairer.

éteindre verbe transitif (latin populaire extingere, du latin classique extinguere) Faire cesser la combustion : Éteindre un incendie. Éteindre une bougie. Faire cesser le fonctionnement d'un appareil à gaz, électrique, etc., en interrompant la combustion ou en coupant un circuit électrique : Éteindre le chauffage. Faire que les lampes n'éclairent plus en interrompant le circuit du dispositif d'allumage : Éteignez la lumière dans le salon, éteignez le salon. Affaiblir l'éclat, la vivacité, l'intensité : Tristesse qui éteint le regard. Faire atténuer ou effacer une sensation, un état, un sentiment : Éteindre la soif, les désirs. Faire perdre toute énergie, tout enthousiasme : Sa mise à la retraite anticipée l'a complètement éteint. Annuler une rente, une dette en en payant le capital, le montant. ● éteindre (citations) verbe transitif (latin populaire extingere, du latin classique extinguere) Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 On pourra m'ôter cette vie, mais on n'éteindra pas mon chant. Les Yeux d'Elsa Cahiers du Rhône Bible N'éteignez pas l'Esprit. Saint Paul, Épître aux Thessaloniciens, Ire, V, 19 William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Un feu léger est vite étouffé : si vous le laissez faire, des rivières ne sauraient l'éteindre. A little fire is quickly trodden out, Which, being suffered, rivers cannot quench. Henry VI, troisième partie, IV, 8, Clarenceéteindre (difficultés) verbe transitif (latin populaire extingere, du latin classique extinguere) Conjugaison Comme craindre. ● éteindre (homonymes) verbe transitif (latin populaire extingere, du latin classique extinguere)éteindre (synonymes) verbe transitif (latin populaire extingere, du latin classique extinguere) Faire cesser la combustion
Synonymes :
- étouffer
Affaiblir l'éclat, la vivacité, l'intensité
Synonymes :
- assombrir
- estomper
- voiler
Faire atténuer ou effacer une sensation, un état, un sentiment
Synonymes :
- assouvir
- étancher
Faire perdre toute énergie, tout enthousiasme
Synonymes :
- diminuer
- endormir
- freiner

éteindre
v.
rI./r v. tr.
d1./d Faire cesser de brûler ou d'éclairer. éteindre un feu. éteindre la lumière.
d2./d Fig. Tempérer, amortir. éteindre l'ardeur de la fièvre. éteindre sa soif.
d3./d Fig. Adoucir. éteindre des couleurs.
d4./d DR Annuler. éteindre une dette, une action judiciaire.
rII./r v. Pron.
d1./d Cesser de brûler ou d'éclairer. Le feu s'éteint peu à peu.
d2./d Fig. Diminuer. Son ardeur s'éteint.
d3./d Disparaître. Sans descendance, cette famille va s'éteindre.
d4./d Mourir doucement. Elle s'éteint peu à peu.

⇒ÉTEINDRE, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. Faire cesser la combustion de ce qui est en ignition, en flammes et, par voie de conséquence, (faire cesser) la lumière. Éteindre un incendie, les flammes, une bougie. J'ai vu le spectre de ma mère s'approcher de l'autel, éteindre les flambeaux (BAOUR-LORMIAN, Veillées, 1827, p. 310). La nef vide, où un bedeau éteignait les cierges (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p. 990). Lilian, qui laissait éteindre sa cigarette (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1053).
a) [L'accent est mis sur la combustion] Il [Jacques] dit :— « Ne laisse pas éteindre le poêle, Antoine. » Puis il sortit (MARTIN DU G., Thib., Sorell., 1928, p. 1241). L'eau s'est mise à tomber et cette eau a éteint le feu du bûcher (SALACROU, Terre ronde, 1938, p. 329).
b) [L'idée d'éclairage est prépondérante; l'idée de combustion s'efface et même disparaît] Éteindre la lumière; éteindre l'électricité. Lorsqu'on ne peut éteindre une lumière, on s'en laisse éclairer (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 286). [Il] éteignit l'électricité et alluma la lampe (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 228) :
1. Le chauffeur éteignit ses phares, les alluma, puis les fit clignoter régulièrement (...). Sur un dernier signe du guetteur, le chauffeur éteignit définitivement ses phares. La voiture et l'homme disparurent dans la nuit.
CAMUS, Exil et Roy., 1957, p. 1656.
Absol. Faire cesser la lumière. On avait éteint dans le corridor (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 21).
c) Au fig. Il importe à l'humanité d'éteindre l'incendie qui consume la France, et peut s'étendre dans le reste de l'Europe (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1617). Application de mesures sanitaires capables d'éteindre les foyers de la contagion (NOCARD, LECLAINCHE, Mal. microb. animaux, 1896, p. 263) :
2. D'autres crises vont se produire aux siècles suivants, fatales finalement à l'existence politique d'Israël, menaçantes pour sa foi, mais sans pouvoir éteindre la flamme désormais inextinguible du Judaïsme.
WEILL, Judaïsme, 1931, p. 23.
2. Diminuer, tempérer l'ardeur, la force, la violence de quelque chose.
a) Domaine des sens. Le musc éteignait les fétides senteurs de la pourriture humaine (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p. 147). Je me promettais d'éteindre le son de ma voix comme le bruit de mes pas (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p. 360) :
3. ... ses yeux, coupés en amande, auraient peut-être jeté trop d'éclat, si une suavité extraordinaire n'eût éteint à demi ses regards en les faisant briller languissamment, comme un rayon de lumière s'adoucit en traversant le cristal de l'eau.
CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 26.
b) Domaine abstr. Diminuer l'ardeur, l'intensité de quelque chose (sentiments, passions, guerres). Ces paroles éteignirent tout esprit de discorde (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p. 147). Lueur purifiée, mais ardente encore, d'un brasier de passions éteintes seulement parce qu'elles ne flambent plus (BARB. D'AUREV., Memor. 2, 1838, p. 339) :
4. ... ce vaste désordre (...) éteignant peu à peu toutes les aspirations généreuses et tarissant toutes les sources de la foi, du dévouement, de la poésie...
L. BLANC, Organ. trav., 1845, p. 66.
3. Faire cesser, faire disparaître quelque chose; abolir quelque chose. Nouveau revenu de cinq cent millions dont il [le fisc] a besoin pour éteindre la dette publique (FOURIER, Nouv. monde industr., 1830, p. 87). La servitude de passage qui permet de l'exploiter est actuellement éteinte par prescription trentenaire (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 141) :
5. L'action en divorce sera éteinte par la réconciliation des époux, survenue soit depuis les faits qui auraient pu autoriser cette action, soit depuis la demande en divorce.
Code civil, 1804, art. 272, p. 51.
B.— Emploi pronom.
1. Cesser de brûler, d'éclairer.
a) Cesser de brûler. Les derniers charbons qui s'éteignent (FLAUB., Corresp., 1847, p. 57). Un reste de feu s'éteignait dans l'âtre sous la marmite pleine d'eau chaude (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Hist. fille de ferme, 1881, p. 23).
b) Cesser d'éclairer. Nous savons que les étoiles s'éteignent; nous savons même à quels signes on peut annoncer la mort d'un astre (FRANCE, Vie littér., 1890, p. 97). Les lumières s'éteignaient aux fenêtres (HAMP., Champagne, 1909, p. 162).
2. Devenir moins intense.
a) Domaine des sens. [En parlant de la lumière naturelle, des formes, des couleurs, des sons] Décroître; diminuer d'intensité; perdre son éclat. Le coloris [des peintres flamands du XVIe] s'éteint; il devient de plus en plus blanchâtre, crayeux et blême (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 35). Les voix joyeuses (...) se firent entendre de nouveau (...) puis brusquement tout s'éteignit dans un vague murmure qui s'éteignit bientôt lui-même dans un silence morne (FEUILLET, Mar. monde, 1875, p. 224) :
6. Le jour mourant s'éteint dans les eaux violettes
Des lacs et des bassins,
Et les noirs peupliers dressent leur silhouette
En un sobre dessin.
L'ombre ravit la forme et la couleur des choses,
Et mon œil incertain
Voit se faner les lys et s'éteindre les roses
Au fond de mon jardin.
MUSELLI, Travaux et jeux, 1914, p. 25.
b) Domaine des sentiments, des passions. Diminuer d'intensité, d'ardeur; décroître jusqu'à devenir nul. L'idée que tu peux m'oublier, que l'amour peut s'éteindre dans ton cœur vient quelquefois obscurcir tristement ma vie (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 66). Si nous descendons dans la Prusse rhénane, les souvenirs français vont jusqu'à Coblence où ils diminuent et s'éteignent (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1919-20, p. 86).
3. Disparaître, mourir, ne plus exister.
a) [Le suj. est une pers.] Synon. mourir. Il [Haydn] s'éteignit enfin le 31 mai au matin (STENDHAL, Haydn, Mozart et Métastase, 1817, p. 195).
P. ext. [Le suj. désigne une famille, une dynastie, une race, un nom] Disparaître par la mort du dernier représentant (mâle). Ce fils âgé de quelques mois l'a suivi dans la tombe. Avec Auguste de Staël s'est éteinte la postérité masculine d'une femme illustre (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 352). Et puis notre cousin n'a pas d'enfants, et le nom s'éteint avec lui (CLAUDEL, Otage, 1911, III, 1, p. 277) :
7. Il en a découlé d'abord cette règle que chaque famille dût se perpétuer à jamais. Les morts avaient besoin que leur descendance ne s'éteignît pas. Dans le tombeau où ils vivaient, ils n'avaient pas d'autre sujet d'inquiétude que celui-là. Leur unique pensée, comme leur unique intérêt, était qu'il y eût toujours un homme de leur sang pour apporter les offrandes au tombeau.
FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p. 53.
b) Pronom. passif. La rente viagère ne s'éteint pas par la mort civile du propriétaire (Code civil, 1804, art. 1982, p. 356). Il [le comte de Camors] avait (...) une rente viagère d'une trentaine de mille francs, qui naturellement s'éteignait avec lui (FEUILLET, Camors, 1867, p. 50).
Prononc. et Orth. :[], (j')éteins []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1130-40 esteindre « faire cesser de brûler (d'éclairer) » (WACE, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 537); 2. ca 1160 « atténuer, faire cesser » (B. DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 13464); 1165 pronom. « s'affaiblir, mourir doucement » ([CHR. DE TROYES,] G. d'Angleterre, éd. Wilmotte, 909). Du lat. pop. extingere, class. exstinguere « faire cesser de brûler » et « effacer, faire cesser ». Fréq. abs. littér. :2 974. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 693, b) 4 603; XXe s. : a) 4 536, b) 3 445.
DÉR. 1. Éteignement, subst. masc. Action d'éteindre ou de s'éteindre; résultat de l'action (cf. extinction). Elles ont dépensé leur vitalité et (...) elles se trouvent au même degré d'assouvissement et de l'éteignement de la chair que leurs maris (GONCOURT, Journal, 1890, p. 1107). À la fin du jour, dans un éteignement sommeilleux de toutes les couleurs où la lumière ne serait plus donnée que par une mer presque caillée ayant le bleuâtre du petit lait (PROUST, Temps retr., 1922, p. 713). [], transcr. ds LITTRÉ : é-tè-gne-man. 1re attest. début XIIIe s. fig. estignemenz (Li Epistle saint Bernard a Mont Deu, ms. Verdun 72, f° 65 v° ds GDF.); du rad. de éteindre, suff. -(e)ment1 Fréq. abs. littér. : 3. 2. Éteigneur, euse, subst. Celui, celle qui éteint quelque chose (cf. baba1, ex. 1). L'éteigneur de réverbères (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., 7, p. 165). Il y avait un grand concours de gens pour faire la chaîne et passer les seaux, et, parmi tous ces éteigneurs bénévoles, les utilités de la troupe (ARNOUX, Renc. Wagner, 1927, p. 140). [], fém. [-ø:z]. 1res attest. ca 1306 esteingnour (JOINVILLE, St Louis, 136b ds T.-L.) 1611, COTGR., à nouv. 1834 (BOISTE); du rad. du part. prés. de éteindre ou forme de éteignoir, suff. -eur2. Fréq. abs. littér. : 2.
BBG. — DELAMAIRE (J.). Quand pirouettaient les toupies. Vie Lang. 1973, p. 349. — JUD (J.). Éteindre dans les lang. romanes. R. Ling. rom. 1925, t. 1, p. 181.

éteindre [etɛ̃dʀ] v. tr. [CONJUG. peindre.]
ÉTYM. XVIIe; esteindre, v. 1130; du lat. pop. extingere, lat. class. extinguere. → Extinction.
1 Faire cesser de brûler. || Éteindre le feu. || Le vent a éteint le feu (→ Absence, cit. 5). || Le lait en débordant a éteint le gaz. || Gaz carbonique qui éteint la flamme. || Jeter des cendres, du sable sur un foyer pour l'éteindre. Étouffer. || Les pompiers éteignirent l'incendie à l'aide de pompes, d'extincteurs. || Combattre, circonscrire, maîtriser un incendie sans parvenir à l'éteindre. || Action d'éteindre. Extinction.
1 (…) au rez-de-chaussée de la maison incendiée, deux ou trois chambres fermées, parfaitement entières, au-dessus desquelles tout cet embrasement avait fait rage sans y rien déranger (…) L'incendie fut terrible, on l'éteignit à grand-peine.
Hugo, le Rhin, XIX.
Éteindre une bougie, une chandelle ( Souffler), une torche ( Éteignoir). || Odeur des cierges qu'on éteint.
Faire cesser d'éclairer. || Éteindre une lampe, la lumière, l'électricité. || Toutes les lumières doivent être éteintes au couvre-feu. Black-out. || Éteignez tout, éteignez la lumière. Fermer (fam.).Par ext. || Éteignez donc le gaz, la cuisinière.
2 (…) j'en profitai pour aller éteindre une veilleuse qui brûlait encore (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXI.
Absolument :
3 (…) l'interrupteur était près de la porte, il éteignit et gagna le lit à tâtons (…)
Sartre, le Sursis, p. 146.
Techn. || Éteindre le fer rouge, le plonger dans l'eau froide lorsqu'il est chauffé au rouge. || Éteindre la chaux : arroser la chaux vive.
2 Fig. Diminuer l'ardeur, l'intensité de…; faire cesser d'exister.
(Le compl. est assimilé à un feu, à une flamme). Apaiser, calmer, diminuer. || Éteindre la soif, le désir. Étancher. || Une soif qu'on ne peut éteindre. Inextinguible. || Éteindre l'ardeur de la fièvre, la douleur. Assoupir, endormir. — ☑ Par métaphore. Éteindre (sa) flamme : cesser d'aimer.
4 (…) si bien qu'on éteigne une flamme,
Un peu de jalousie occupe encore une âme (…)
Molière, le Dépit amoureux, I, 1.
3 Par ext. Rendre moins vif. Adoucir, affaiblir, amortir. (Couleurs, tons). || Éteindre les lumières d'un tableau, les rendre moins éclatantes. || Éteindre des tons trop crus. || Le soleil éteint les couleurs. Effacer, faner, passer.
5 Les ombres se déplacent lentement, et font fuir devant elles ou éteignent les tons à mesure que la lumière, déplacée elle-même, en veut faire résonner de nouveaux.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1846, III.
6 Lunettes noires ou mélancolie éteignent les couleurs du monde (…) mais, au travers, le soleil et la mort se peuvent regarder fixement.
Cocteau, le Grand Écart, p. 168.
La tristesse éteignait l'éclat de ses yeux, la vivacité de son regard. Poét. || Éteindre la clarté, la lumière des yeux : rendre aveugle, faire mourir.
7 Phèdre mourait, Seigneur, et sa main meurtrière
Éteignait de ses yeux l'innocente lumière.
Racine, Phèdre, IV, 1.
8 La mort, qui avait éteint ses yeux (…)
Fénelon, Télémaque, XIII.
9 L'agonie éteignit sa prunelle hagarde (…)
Hugo, la Légende des siècles, LIV, XV.
4 Affaiblir (un son). || Tapis épais qui éteint le bruit des pas. Étouffer.
10 (…) une mélodie énergique et suave, capricieuse et une à la fois, enveloppe, étouffe, éteint, dissimule le tapage criard.
Baudelaire, Du vin et du haschisch, II.
11 (…) je me promettais d'éteindre le son de ma voix comme le bruit de mes pas (…)
Baudelaire, les Paradis artificiels, « Poème du haschisch », III.
Éteindre une sédition, une révolte (→ Brandon, cit. 3).
5 (Le compl. désigne une abstraction). Abolir, affaiblir, anéantir, détruire. || Cette déception a éteint son enthousiasme. || Revers qui éteint la gloire d'un général. Obscurcir, ternir. || L'échec éteint son zèle, sa flamme, son ambition. || Des circonstances matérielles peuvent éteindre l'intelligence. Atrophier, étouffer. || Éteindre une légende, un souvenir. Effacer. || Éteindre un sentiment (→ Amour, cit. 21), l'ardeur des passions, les haines.
12 (…) la force et raideur de leur âme étouffe et éteint les concupiscences aussitôt qu'elles commencent à s'ébranler.
Montaigne, Essais, II, XI.
13 Cela suffit pour embrouiller au moins la matière, non que cela éteigne absolument la clarté naturelle qui nous assure de ces choses (…)
Pascal, Pensées, VI, 392.
14 (…) éteindre en son cœur tout désir de vengeance ?
Molière, Tartuffe, IV, 1.
15 Les larmes de la reine ont éteint cet espoir.
Racine, Bérénice, V, 7.
16 (…) on éteignit en moi l'effet des passions sans en éteindre la cause (…)
Montesquieu, Lettres persanes, Introd., IX.
17 Les lâches courtisans se font une étude d'allumer le vice et d'éteindre la vertu.
Chateaubriand, les Martyrs, 124, in Littré.
18 (…) ceux-là se défient des richesses, parce qu'elles rendent sensible aux flatteries et sourd aux malheureux; ils se défient des plaisirs, parce qu'ils obscurcissent et éteignent enfin la lumière de l'intelligence.
Alain, Propos sur le bonheur, p. 98.
19 (…) la mystique de la paix, tout comme celle de la guerre, peut totalement éteindre, chez ceux qui en sont atteints, le sentiment du juste.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 248.
Par ext. (métaphore du sens visuel 3.). Rendre moins visible. Éclipser.
20 L'on me dit tant de mal de cet homme, et j'y en vois si peu, que je commence à soupçonner qu'il n'ait un mérite importun qui éteigne celui des autres.
La Bruyère, les Caractères, VIII, 39.
6 Dr. Faire se terminer les effets de. || Éteindre un droit, une obligation. Annuler (→ Contrat, cit. 2). || Éteindre une dette. Acquitter, amortir. || Confusion (cit. 6) de droit qui éteint deux créances. || Prescription qui éteint une action. || Éteindre une servitude.
21 La servitude est éteinte par le non-usage pendant trente ans.
Code civil, art. 706
7 (Compl. n. de personne). a Vieilli ou littér. Consumer, épuiser les forces. || De tels excès l'éteignent peu à peu. Consumer.Faire disparaître. || Éteindre une famille, une race. Anéantir, exterminer, supprimer.
22 Athalie (…) entreprit (…) d'éteindre entièrement la race royale de David (…)
Racine, Athalie, Préface.
23 Les guerres si meurtrières que les Grecs eurent à soutenir, éteignirent un grand nombre de familles, accoutumées depuis plusieurs siècles à confondre leur gloire avec celle de la patrie.
Barthélemy, Voyage du jeune Anacharsis, Introd., II, 3.
b Fam. Rendre éteint (4.), atone.
——————
s'éteindre v. pron.
ÉTYM. (V. 1165).
1 Cesser de brûler. || Faute de combustible, d'aliment, le feu s'éteint. Mourir (→ Bois, cit. 39). || Le feu ne devait pas s'éteindre sur les autels (cit. 8) antiques. || Laisser le feu s'éteindre, et, avec ellipse du pron., laisser éteindre le feu.Par ext. || Bougie, flamme qui s'éteint (→ Bougie, cit. 2; brasiller, cit. 1). || Le gaz s'est éteint, rallume-le.Cesser d'éclairer. || Les lumières se sont brusquement éteintes.
24 (La Discorde) Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre.
La Fontaine, Fables, VI, 20.
25 (…) le reflet des lampes qui se sont éteintes et l'odeur des charmilles qui ne fleuriront plus.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 102.
26 (…) les fusées d'un bouquet explosent et s'éteignent.
A. Maurois, Études littéraires, « Bergson », III, p. 171.
2 Fig. et littér. Perdre sa couleur, son éclat, sa vivacité. || Teinte, coloris qui s'éteint (→ Blanchâtre, cit. 1).
27 (…) le ciel que l'ombre assiège
S'éteignait (…)
Hugo, les Contemplations, V, XVIII.
28 Les œuvres du grand artiste (…) ont la marque de cette péripétie sentimentale où disparurent les teintes violentes, les heurts farouches des tons (…) Peu à peu, tout se fondit, s'éteignit dans une espèce d'aquatinte pâteuse que délimitait un raide contour.
Léon Bloy, la Femme pauvre, p. 217.
(En parlant du regard, de l'expression). Devenir terne, perdre sa vivacité.
29 Ils (les yeux) sont pleins de tristesse voilée, où perce une pointe de feu, le grain noir de la prunelle, qui tantôt s'éteint dans la rêverie, tantôt luit en vrille.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », II, p. 210.
30 Il y avait aussi dans les yeux gris une expression de mélancolie et de raillerie envers soi-même, qui s'éteignit presque aussitôt (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XVI, p. 115.
La Lumière qui s'éteint, roman de Rudyard Kipling (1891), dans lequel le personnage principal devient peu à peu aveugle.
3 (Sons, bruits). Disparaître ou s'atténuer. || Les bruits s'éteignent quand vient la nuit. || Son qui diminue et s'éteint.
31 Les sons rendus par le timbre ne s'éteignent pas sur-le-champ.
Diderot, Lettre sur les sourds et muets.
32 (…) et la voix qui chantait S'éteint comme un oiseau se pose; tout se tait.
Hugo, la Légende des siècles, XV, « Éviradnus », XI.
33 Enfin il gagna l'escalier où s'éteignit son pas de martyr.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 4e tableau, I.
34 Tout à coup, le son monte : il y en a de profonds, il y en a d'aigus, il y en a qui tintent, il y en a d'autres qui grondent. L'enfant les écoute longuement, un à un, diminuer et s'éteindre (…)
R. Rolland, Jean-Christophe, L'aube, II.
4 Cesser progressivement. || La sédition s'éteignit d'elle-même. || Ranimer une conversation qui s'éteint. Tomber.
35 Parfois la conversation s'éteint comme une lampe. On remonte la mèche. Quelques idées jettent encore quelque éclat, mais il n'y a décidément plus d'huile.
J. Renard, Journal, 15 nov. 1888.
35.1 La nuit se passa paisiblement, car la brise s'éteignit, pour ainsi dire, avec les dernières lueurs du jour, et elle ne reprit qu'avec les premières nuances de l'aube.
J. Verne, l'île mystérieuse, t. II, p. 577.
(Abstrait). Affaiblir (s'), mourir, passer. || Sentiment, passion qui s'éteint (→ Amour, cit. 17; consumer, cit. 8). || Ce goût n'a jamais pu s'éteindre (→ Campagne, cit. 13). || Courage, zèle qui s'éteint. || Son souvenir ne s'éteindra jamais (→ Pâlir, cit. 8).
36 Si l'amour est un désir qui s'irrite par les obstacles, comme vous le disiez encore, il n'est pas bon qu'il soit content; il vaut mieux qu'il dure et soit malheureux, que de s'éteindre au sein des plaisirs.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre VII.
37 Il se mordit les lèvres, et sa colère s'éteignit dans la rougeur.
Hugo, Notre-Dame de Paris, VII, IV.
38 Avec le temps, la passion des grands voyages s'éteint (…)
Nerval, Nuits d'octobre, I.
39 Si je mourais là-bas sur le front de l'armée,
Tu pleurerais un jour, ô Lou, ma bien-aimée,
Et puis mon souvenir s'éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l'armée (…)
Apollinaire, Ombre de mon amour, XI.
40 Moi je vous regretterai longtemps, mais mieux vaut un regret qui s'éteint lentement que la vie de doute, d'attente, de déceptions qui a été la mienne depuis que je vous connais.
A. Maurois, Bernard Quesnay, XXVI, p. 170.
41 Ces pensées, pareilles à des feux follets, surgissent et s'éteignent sous ses pas.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VII, p. 50.
Décliner, s'affaiblir (→ Alanguissement, cit. 1).
42 (…) les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint.
Bossuet, Condé (→ Ardeur, cit. 7).
43 Son agonie (de Mme de Maintenon) fut si douce qu'elle avait l'air d'une personne qui dort tranquillement; elle s'éteignit à six heures du soir, le 15 avril 1719, âgée de 84 ans.
Mme de Genlis, Mme de Maintenon, II, 277.
44 (…) Mme de Beaumont m'écrit du Mont-d'Or des lettres qui me font trembler : elle dit qu'elle sent qu'elle s'éteint, qu'il n'y a plus d'huile dans la lampe. Si je perds cette amie, je deviendrai fou.
Chateaubriand, in Sainte-Beuve, Chateaubriand, t. II, p. 285.
45 (…) il lui avait semblé que la vie de l'âme et du corps s'éteignaient dans cette vieille femme, par l'effet de l'âge et de la loi de nature qui est la propre volonté de Dieu.
G. Sand, la Petite Fadette, XXXV, p. 229.
46 Je m'éteindrai, un soir, comme ce soleil qui dore les bois poétiques de ces coteaux.
Francis Jammes, Almaïde d'Étremont, IX.
5 (Personnes). Mourir doucement; par euphémisme, mourir. Agoniser, expirer, mourir. || Elle s'éteignit dans les bras de sa fille. || Vieillard qui s'éteint.
Race, famille qui s'éteint, qui ne laisse pas de descendance. Finir.Avec ellipse du pronom :
47 Le jour qui de leurs rois vit éteindre la race
Éteignit tout le feu de leur antique audace.
Racine, Athalie, I, 1.
48 Ces hommes nous paraissaient les restes d'une race gigantesque qui s'éteignait homme par homme et pour toujours.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, I.
——————
éteint, éteinte p. p. adj.
ÉTYM. (Fin XIIe).
1 Qui ne brûle plus. || Feu à demi éteint qui couve sous la cendre. || Foyers éteints. || Chaudière éteinte.Par ext. || Bougie éteinte.Qui n'éclaire plus. || Voiture qui circule, bateau qui navigue tous feux éteints.
49 (…) les fourneaux éteints, les chaudières rongées de rouille, les corderies sans rouets, les chantiers sans constructeurs, attestent la même mort qui a frappé les palais.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 178.
50 (…) les réverbères agités, dont la lumière demi-éteinte vacillait comme la petite lampe de ma vie.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 258.
51 À charbon éteint cendre froide.
Hugo, Notre-Dame de Paris, VI, III.
Astre (cit. 12) éteint. Mort.Géol. || Volcans éteints.
Par anal. || Chaux éteinte (opposé à chaux vive).
2 Qui a perdu son éclat, sa vivacité. || Couleur éteinte. Blême, décoloré, effacé, pâle, passé, terne (→ Bleuissant, cit. 3). || Ciel éteint (→ Comparer, cit. 10). || Yeux éteints, sans éclat, mornes; qui ne voient plus, aveugles.
52 Le front ridé, les cheveux gris,
Les sourcils chus, les yeux éteints (…)
Villon, les Regrets de la belle Heaumière, LIV.
53 (M. de Monaco) avait deux gros yeux d'aveugle éteints, et qui en effet ne distinguaient rien à deux pieds d'eux (…)
Saint-Simon, Mémoires, t. I, XXVI.
54 Les cheveux sont devenus entièrement blancs. Ses yeux brûlés par les larmes qui ont raviné son visage, sont presque éteints.
Léon Bloy, la Femme pauvre, p. 297.
55 La lumière du jour en est obscurcie; le soleil en est éteint à midi.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », V, p. 141.
Alchim. || Mercure éteint, qui a perdu son éclat métallique.
3 a (Bruits, sons). || Voix éteinte, si faible qu'on peut à peine l'entendre. Étouffé.
56 Ces bizarreries passent sur le compte de ma santé. J'ai déclaré que j'étais perdu de vapeurs; j'ai annoncé aussi un peu de fièvre. Il ne m'en coûte que de parler d'une voix lente et éteinte.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CX.
b (Parfums, odeurs). || Parfum éteint d'une fleur fanée.
57 Il s'échappait de ces boîtes, je ne sais quelle odeur fanée, quel parfum éteint, qui, soudain, réveillaient en moi pour tout un jour les souvenirs, les regrets, et arrêtaient mes recherches.
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, p. 337.
4 (Abstrait). Qui est affaibli ou supprimé. || Sentiments éteints. Effacé, passé, refroidi (→ Dormir, cit. 22). || Passion éteinte (→ Assoupir, cit. 21). || Sens éteints (→ Accoupler, cit. 8). || Son souvenir est tout à fait éteint ici.
58 De mes feux mal éteints je reconnus la trace
Je sentis que ma haine allait finir son cours,
Ou plutôt je sentis que je l'aimais toujours.
Racine, Andromaque, I, 1.
59 Leur haine pour Hector n'est pas encore éteinte.
Racine, Andromaque, I, 4.
60 Il est bien doux pour moi de songer que je ne suis pas encore éteint dans le souvenir de Madame Roussel. Je n'oublierai jamais les bontés qu'elle a eues pour moi.
Rivarol, Lettres, À l'abbé Roman, 8 janv. 1785.
61 Les morts dorment en paix dans le sein de la terre :
Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit d'octobre ».
62 La pitié était éteinte (pendant la Terreur) ou muette (…)
Michelet, Hist. de la Révolution franç., t. II, p. 1081.
5 (Personnes). Qui est sans force, sans expression. Apathique (cit. 3), atone, fatigué, usé. || Il est éteint. || Femme éteinte après une longue journée de travail. (fam.) Fini, vidé.Visage éteint. Morne, mort.
63 C'était une figure éteinte et triste, avec de petits yeux fanés.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Diligence de Beaucaire ».
64 (…) son grand air froid, ce visage si éteint qu'il semblait lui-même presque celui d'un mort.
Louis Madelin, Talleyrand, V, XXXV.
65 (…) Louisa, ainsi que lui, s'exténuait tout le jour; et le soir, elle était éteinte, elle ne disait presque rien et s'endormait sur sa chaise, après dîner, en reprisant des chaussettes.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, I.
Par métaphore. || Vie éteinte.
66 J'aime jusqu'à ces cierges dont la lumière étouffée laissait échapper une fumée blanche, image d'une vie subitement éteinte.
Chateaubriand, in Sainte-Beuve, Chateaubriand, t. I, p. 320.
6 Famille, race éteinte, dont il ne reste plus d'héritiers. || Les espèces éteintes, les animaux éteints, disparus.
67 Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Installation ».
CONTR. Allumer (cit. 7, 14, 15), attiser, aviver, rallumer, raviver; brûler, consumer, couver; briller, éclairer; entretenir. — Ardent, brillant, brûlant. — Éclatant, frais. — Dynamique, énergique.
DÉR. Éteigneur, éteignoir, éteinte.

Encyclopédie Universelle. 2012.