craindre [ krɛ̃dr ] v. <conjug. : 52>
• Xe; criembre 1080; refait d'apr. les v. en -aindre; lat. pop. °cremere, altér. de tremere « trembler »
I ♦ V. tr.
1 ♦ Envisager (qqn, qqch.) comme dangereux, nuisible, et en avoir peur. ⇒ appréhender, redouter. Il ne craint pas la mort. Craindre le ridicule, les responsabilités. Il ne viendra pas, je le crains. C'est à craindre. On craint le pire. Ne craignez rien. « Il ne craignait ni les remords, ni la honte, mais il craignait la police » (Mac Orlan). — Il sait se faire craindre. « “Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent” ! c'est bien un mot d'ambitieux » (Alain). Craindre son père, Dieu (⇒ respecter, révérer) . « Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte » (Racine). — Loc. Il ne craint ni Dieu ni diable : il n'a peur de rien. — Absolt Craindre pour la vie de qqn. ⇒ trembler.
2 ♦ CRAINDRE QUE(suivi du subj. et de ne explétif, dans une affirmation). Je crains qu'il ne soit mort. « Comme s'il craignait qu'un feuillet [de la lettre] ne s'en échappât » (Chardonne). Impers. Il est à craindre que cela ne se reproduise. — (Sans ne, rare) « Elle le croyait malade et craignait qu'il le devînt davantage » (France). — (Interrog., négation) Craignez-vous qu'il vienne ? « Tu ne crains pas qu'il n'envoie des échos aux journaux » (Pagnol). — Fam. Ça ne craint rien ! il n'y a guère de chances que... Au cas où il serait élu... Ça ne craint rien ! (cf. fam. Ça ne risque pas).
3 ♦ CRAINDRE DE (et l'inf.).(cf. Avoir peur de). Il craint d'être découvert.
♢ Je ne crains pas d'affirmer que... : je n'hésite pas à affirmer que.
4 ♦ Être sensible à. Cet arbre craint le froid, le froid lui est nuisible. — Ellipt « Craint l'humidité, la chaleur », formule qu'on inscrit sur l'emballage d'une marchandise périssable.
II ♦ V. intr. Fam. Être insuffisant, minable, ne pas être à la hauteur (opposé à assurer).⇒ craignos. « Son socialisme “ça craint”, alors que celui de M. Laurent Fabius a l'air “branché” » (Le Monde aujourd'hui, 1985).
⊗ CONTR. Affronter, braver, désirer, espérer, mépriser, oser, rechercher, souhaiter.
● craindre verbe transitif (latin populaire cremere, du latin classique tremere, trembler) Éprouver une forte inquiétude devant ce que l'on considère comme dangereux, douloureux ou pénible ; appréhender, avoir peur de : Craindre la mort. Craindre de prendre l'avion. Tenir pour possible ou probable l'existence ou la venue de quelque chose qui inquiète, qu'on considère comme dangereux, pénible ou regrettable ; redouter : Je crains que Pierre ne vienne pas. Éprouver de l'inquiétude devant les réactions de quelqu'un, ses jugements possibles, être intimidé par lui : Craindre ses professeurs. Être sensible à quelque chose, risquer d'être endommagé ou risquer de voir sa santé altérée par quelque chose : Fleurs qui craignent le froid. Redouter un danger pour quelqu'un et, en particulier, redouter qu'il ne perde un bien qu'il possède : Je crains pour sa santé. ● craindre (citations) verbe transitif (latin populaire cremere, du latin classique tremere, trembler) Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces. Le Cid, II, 1, le comte Thomas Corneille Rouen 1625-Les Andelys 1709 Académie française, 1685 Je crains ce que je veux et veux ce que je crains. Camma et Pyrrhus Philippe Desportes Chartres 1546-abbaye de Bonport, Normandie, 1606 Si je n'espère rien, rien ne me fera craindre. Amours d'Hippolyte Jean de La Ceppède Marseille 1550-Avignon 1622 Fais que j'aille toujours mes crimes soupirant, Et fais qu'en mon esprit je craigne ta justice, Car le salut consiste à craindre en espérant. Théorèmes spirituels Robert Mallet 1915 Combien d'esprits pessimistes finissent par désirer ce qu'ils craignent, pour avoir raison. Apostilles Gallimard Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 L'honneur que nous recevons de ceux qui nous craignent, ce n'est pas honneur. Essais, I, 42 Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Quand je pourrais me faire craindre, j'aimerais encore mieux me faire aimer. Essais, II, 8 Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu'il craint. Essais, III, 13 Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Je le craindrais bientôt, s'il ne me craignait plus. Britannicus, I, 1, Agrippine Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Las de se faire aimer, il veut se faire craindre. Britannicus, I, 1, Agrippine Virgile, en latin Publius Vergilius Maro Andes, aujourd'hui Pietole, près de Mantoue, 70 avant J.-C.-Brindes 19 avant J.-C. Je crains les Grecs, surtout s'ils portent des présents. Timeo Danaos et dona ferentes. L'Énéide, II, 49 Commentaire Paroles du grand prêtre Laocoon, qui cherche à dissuader les Troyens de faire entrer dans leurs murs le fameux cheval de bois laissé perfidement par les Grecs sur le rivage. Platon Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C. C'est cette force qui maintient en tout temps l'opinion juste et légitime sur ce qu'il faut craindre et ne pas craindre que j'appelle et définis courage. La République, 430b (traduction Chambry) Bible Tu te lèveras devant une tête chenue, tu honoreras la personne du vieillard et tu craindras ton Dieu. Ancien Testament, Lévitique XIX, 32 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Franklin Delano Roosevelt Hyde Park, État de New York, 1882-Warm Springs 1945 La seule chose que nous ayons à craindre est la crainte elle-même. The only thing we have to fear is fear itself. Discours à la Convention, 4 mars 1933 Henry David Thoreau Concord, Massachusetts, 1817-Concord, Massachusetts, 1862 Rien n'est autant à craindre que la crainte elle-même. Nothing is so much to be feared as fear. In Emerson ; Essay on Thoreau ● craindre (difficultés) verbe transitif (latin populaire cremere, du latin classique tremere, trembler) Conjugaison Attention au groupe -gni- aux première et deuxième personnes du pluriel, à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous craignions, (que) vous craigniez. Construction 1. Craindre que (+ subjonctif) : je crains qu'il vienne ou qu'il ne vienne; je crains qu'il ne vienne pas. L'emploi du ne explétif appartient au registre soutenu. 2. Ne pas craindre que (+ subjonctif) : je ne crains pas qu'il vienne (sans ne explétif) ; je ne crains pas qu'il ne vienne pas. 3. Crains-tu que (+ subjonctif) : crains-tu qu'il vienne ? (sans ne explétif) ; crains-tu qu'il ne vienne pas ? 4. Ne crains-tu pas que (+ subjonctif) : ne crains-tu pas qu'il vienne ou qu'il ne vienne ? (avec ne explétif). L'emploi du ne explétif à la forme interro-négative conduit à une répétition de ne qui rend la phrase difficile à comprendre et parfois ambiguë, surtout si la subordonnée est elle-même à la forme négative (ne crains-tu pas qu'il ne vienne pas ?). Mieux vaut dans ce cas tourner la phrase autrement, par exemple : ne crains-tu pas qu'il soit absent ? Ne crains-tu pas qu'il se dérobe ? Registre Ça craint = c'est très mauvais, détestable, regrettable. Très familier. ● craindre (expressions) verbe transitif (latin populaire cremere, du latin classique tremere, trembler) Avoir quelque chose, rien, tout, etc., à craindre, voir dans quelque chose ou quelqu'un un motif de s'inquiéter. Être à craindre, se dit d'un mal, d'une difficulté dont l'apparition est prévisible. Ne craindre personne, n'avoir aucun adversaire à redouter, s'estimer ou être très fort dans un domaine : En mécanique, il ne craint personne. ● craindre (homonymes) verbe transitif (latin populaire cremere, du latin classique tremere, trembler) ● craindre (synonymes) verbe transitif (latin populaire cremere, du latin classique tremere, trembler) Éprouver une forte inquiétude devant ce que l'on considère comme...
Synonymes :
- appréhender
- redouter
- trembler
Contraires :
- braver
- dédaigner
- désirer
- espérer
- mépriser
- narguer
Éprouver de l'inquiétude devant les réactions de quelqu'un, ses jugements...
Synonymes :
- révérer
Contraires :
- bafouer
- blasphémer
Redouter un danger pour quelqu'un et, en particulier, redouter qu'il...
Synonymes :
- appréhender
● craindre
verbe intransitif
Populaire
Ne pas être à la hauteur de la situation, être nul, mauvais, détestable.
● craindre (expressions)
verbe intransitif
Populaire
Ça craint, cela menace d'avoir des conséquences fâcheuses ; c'est très mauvais, très désagréable.
● craindre (homonymes)
verbe intransitif
Populaire
craindre
v. tr.
d1./d Redouter, avoir peur de, chercher à éviter (qqch ou qqn). Craindre la douleur. Ce chien craint son maître. Il ne craint pas le ridicule.
— Absol. Avoir des appréhensions, des inquiétudes. Craindre pour sa réputation.
d2./d Craindre que (+ subj.): considérer comme probable une chose fâcheuse. Je crains qu'il ne perde.
|| Impers. Il est à craindre que (+ subj.): il faut malheureusement s'attendre que. Il est à craindre qu'il ne puisse réaliser ses projets.
d3./d Craindre de (+ inf.). Il craint d'échouer.
— Ne pas craindre de: accomplir un acte avec audace. Il n'a pas craint d'intervenir.
— Je ne crains pas de dire que...: je suis certain, je puis affirmer que...
d4./d (Choses) être sensible à. Cette plante craint le froid.
⇒CRAINDRE, verbe trans.
I.— [Le suj. désigne un être animé, gén. un être hum.] Avoir une réaction de retrait ou d'inquiétude à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose qui est ou pourrait constituer une source de danger.
A.— [Le compl. d'obj. est un subst.]
1. [Le compl. d'obj. désigne un être animé]
a) [L'existence de l'être, désigné par le compl. d'obj., est effective ou supposée telle]
) Éprouver un sentiment d'inquiétude à l'égard de quelqu'un qui paraît constituer une source de danger. Craindre les bêtes féroces, les gendarmes, ses rivaux. Synon. avoir peur de, redouter. Craignant l'ennemi (cf. ex. 4). Elle le craignait parce qu'il était méchant (STAËL, Lettres jeun., 1788, p. 231) :
• 1. Son établissement [du rossignol] près de nous montrait qu'il ne nous craignait guère, qu'il avait un sentiment de la sécurité profonde qu'il pouvait avoir à côté de deux ermites du travail...
MICHELET, L'Oiseau, 1856, p. 264.
• 2. Gilbert ne craignait pas les gardes-chasse, mais il redoutait tout l'appareil de l'État inconnu, invisible, présent par les affiches, la conscription, les gendarmes, le percepteur (...), et par les nouvelles qui venaient jusqu'à la Vigie.
R. BAZIN, Le Blé qui lève, 1907, p. 58.
— [À la forme nég., par litote] Ne craindre personne pour/à qqc. S'estimer égal ou même supérieur à n'importe qui, en quelque chose. Il ne craint personne aux armes (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p. 193). Pour la jactance il craint personne (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 44).
♦ Emploi pronom. réciproque. Nous nous sommes craints l'un l'autre (BALZAC, Mém. jeunes mar., 1842, p. 351). Emploi pronom. réfl. Elle aime M. de Nemours, (...) elle le craint et se craint elle-même (A. FRANCE, Vie littér., t. 4, 1892, p. 297).
♦ (Être) à craindre. Ces gens étaient à craindre, avec leur odieux journal (SARDOU, Rabagas, 1872, III, 2, p. 108). Soit qu'on jugeât ces pauvres hères moins à craindre que nous... (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 303).
— Emploi factitif
♦ Faire craindre qqn. [Le suj. de faire craindre désigne une caractéristique de la pers. qui constitue la cause de l'inquiétude] Sa dédaigneuse raillerie ne contribuait pas médiocrement à la faire craindre (BALZAC, Langeais, 1834, p. 259).
♦ Se faire craindre (de qqn). Les classes supérieures de la société commencèrent à se préoccuper du sort du pauvre avant que celui-ci se fît craindre d'elles (TOCQUEVILLE, Anc. Rég. et Révol., 1856, p. 286).
) Spéc., RELIG. (lang. biblique). Craindre Dieu (Dieu terrible). Les habitants d'Orléans craignaient Dieu. En ce temps-là Dieu se faisait beaucoup craindre; il était presque aussi terrible qu'au temps des Philistins (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 135).
— P. ext. Craindre Dieu (Dieu bon, mais constituant une autorité). Respecter, adorer. Il se trouva que le charpentier qui avait fait l'échelle, craignait Dieu (...) cet homme pieux établit sur la colonne un toit (A. FRANCE, Thaïs, 1890, p. 276).
♦ Loc. Ne craindre ni Dieu ni diable. Ne rien respecter, n'avoir aucun scrupule.
— P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une autorité hum.] Avoir des sentiments de respect mêlés d'inquiétude. Craindre ses chefs. Synon. révérer, vénérer. Maîtresse absolue de son terrain, vénérée et crainte (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 104). Le rédacteur judiciaire (...) est craint ou envié des policiers (COSTON, A.B.C. journ., 1952, p. 115) :
• 3. Puis il [l'enfant] avait encore hérité d'une voix
Où le commandement se mêlait à la fête
Cordiale qu'on a de craindre sa maman
VERLAINE, Poèmes divers, Retraite, 1896, p. 183.
b) [L'existence de l'être désigné par le compl. d'obj. est possible] Envisager avec inquiétude l'existence possible de quelqu'un qui paraît constituer une source de danger. Synon. redouter. Lui, ne craignait pas de rival, Quand il traversait mont ou val (CROS, Coffret santal, 1973, p. 21). Aucun despote à craindre (SULLY PRUDH., Justice, 1878, p. 68). Dans la confiance inconsciente que nul danger n'était proche, qu'aucun ennemi n'était à craindre (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 155).
— Rare. [Le danger vise une pers. autre que celle qui ressent de l'inquiétude, cette pers. étant désignée par un compl. prép. pour; cf. I A 3 b] Je ne crains pour vous que les bandits sur la route, à cette heure (MONTHERL., Reine morte, 1942, III, 6, p. 229).
2. [Le compl. d'obj. désigne une chose]
a) [L'existence de ce qui est source de danger est effective ou supposée telle] Éprouver de l'inquiétude à l'égard de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Synon. avoir peur de, redouter.
) [Le compl. d'obj. désigne un objet matériel, un élément ou un phénomène naturel] Elles [les chiennes] aiment leur maître, elles craignent la cravache (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 177). Thomas, cette nuit, ne craint pas la mer. Il craint le vent (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 113) :
• 4. D'autre courage, point; craignant le tonnerre, craignant les ténèbres, craignant l'ennemi, et implacable pour qui lui faisait peur.
MICHELET, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 291.
♦ Proverbe. Chat échaudé craint l'eau froide. La déclaration est un tant soit peu roide, Mais, bah! chat échaudé craint l'eau, fût-elle froide (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Jadis, 1884, p. 320).
— Fam. Se méfier de, éviter. Craindre le fromage. [A la forme nég., par litote] Ne pas craindre le vin. L'aimer, pouvoir en consommer une assez grande quantité. Aimez-vous la bière, monsieur Guitrel? — Je ne la crains point, monseigneur (A. FRANCE, Anneau améth., 1899, p. 325).
) [Le compl. d'obj. désigne un fait, un événement, un élément de situation de la vie hum.] Craindre la maladie, la mort. Et je crains l'amitié de l'homme variable (MORÉAS, Iphigénie à Aulis, 1903, p. 158). L'homme craint la vérité encore plus qu'il ne l'aime (ALAIN, Propos, 1922, p. 407) :
• 5. Tarkington ne craignait pas le danger : les obus font partie du travail de jour. Mais ses rhumatismes craignaient l'eau...
MAUROIS, Les Silences du colonel Bramble, 1918, p. 101.
b) [L'existence de ce qui est source de danger est possible] Envisager avec inquiétude l'existence possible, et/ou sentie comme imminente, de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Craindre l'accident fatal, une/la guerre, une/la tempête. Synon. appréhender, redouter. La mer devient houleuse... Je crains bien un orage (CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 172). Il se faisait (...) de petites remontrances intérieures et il craignait les reproches de Marius (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 440). Il fallait craindre des complications (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 187) :
• 6. ... les vivres enchérissaient. Le peuple craignait la famine; les aristocrates, disait-on, la souhaitaient, les accapareurs la préparaient.
A. FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, p. 66.
• 7. « Quand nous traverserons la clairière, se dit Alban, s'il passe un avion... » Et tout de suite il sursauta. Depuis quand avait-il de ces appréhensions? Était-ce son cœur mécontent qui lui faisait voir tout en trouble? Jamais, jamais, depuis trois mois, la pensée de pouvoir craindre un avion ne s'était présentée à lui...
MONTHERLANT, Le Songe, 1922, p. 133.
— [Le danger vise une pers. autre que celle qui éprouve l'inquiétude, cette pers. étant désignée par un compl. prép. pour; cf. I A 3 b] Elle avait craint pour lui les fatigues et les dangers de la guerre (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 412). Quand il faisait de l'orage, [elle] craignait pour lui la foudre (FLAUB., Trois contes, Cœur simple, 1877, p. 35).
— [Avec un compl. prép. de désignant ce qui est à l'orig. du danger]
♦ Craindre qqc. de la part de qqn. Je craignais de ta part des suppositions odieuses (FLAUB., Corresp., 1846, p. 217).
♦ Avoir (peu, ...) à craindre de qqn/qqc. Ceux qui ont tout à craindre de la vérité (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 280). Quand elle n'eut plus rien à craindre d'eux (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 168).
— Emploi factitif. Faire craindre qqc. (à qqn). [Le suj. de faire craindre désigne ce qui constitue un signe de ce qui est considéré comme une source de danger] Porter à envisager avec inquiétude l'existence possible de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Sa réserve diplomatique [du billet] me fit craindre un refus du roi (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 569). Déclarations faisant craindre le pire (BEAUFRE, Dissuasion et stratég., 1964, p. 78). Ces crises gastro-intestinales (...) font craindre une défaillance surrénale aiguë (QUILLET Méd. 1965, p. 497).
3. Emploi abs. Éprouver un sentiment d'inquiétude déterminé par l'idée d'un danger existant ou possible.
a) [Sans compl. prép. pour] Quelque raison de craindre (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 6; cf. aussi ex. 9). Sans espérer ni craindre (ALAIN, Propos, 1928, p. 784) :
• 8. L'animal, sans doute, ne rumine pas l'idée de la mort. Il ne craint que contraint de craindre. Le péril disparu, la puissance du pressentiment funeste s'évanouit...
VALÉRY, Variété III, 1936, p. 189.
— Arg. ,,Être recherché par la police`` (LE BRETON 1960). ,,Depuis qu'il craint, Miton, qui est plutôt chaleureux, ne déplanque de sa piaule que la noïe`` (LE BRETON 1960).
b) [Avec compl. prép. pour désignant la pers. ou la chose menacée]
— [Le compl. prép. pour désigne une pers.] Craindre pour ses enfants :
• 9. ALAIN. — Il y a longtemps qu'elle me fait peur.
ÉLISABETH. — Pourquoi ne m'en as-tu rien dit?
ALAIN. — Je ne voulais pas attirer ton attention... Je craignais pour nous deux... Tu vois? J'avais raison de craindre...
MAURIAC, Les Mal Aimés, 1945, II, 9, p. 214.
— [Le compl. prép. pour désigne une chose, le plus souvent un fait, un événement, un élément de situation de la vie hum.] Craindre pour la raison de qqn, pour sa santé. Elle craignait pour l'avenir de ses enfants (CHAMPFL., Avent. Mlle Mariette, 1853, p. 113). J'avais craint pour les bâtiments du port (LARBAUD, Journal, 1932, p. 265).
B.— [Le compl. d'obj. est un énoncé verbal ou son substitut pronom.]
1. [Le suj. de l'énoncé verbal compl. est le même que celui de craindre] Craindre de + inf.
a) Éprouver un sentiment d'inquiétude à l'idée de faire ou de subir quelque chose. Craindre de se baisser, d'être seul. Il craignait de s'engager dans les montagnes (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 543). Craignant de partager sa chambre longtemps (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 330) :
• 10. Il [le traducteur] doit toujours craindre, par une précision excessive, de limiter l'essor de l'imagination. L'âme humaine (et pourquoi craindre d'employer ce mot pour désigner ce faisceau d'émotions, de tendances, de susceptibilités dont le lien n'est peut-être que physiologique) reste de contours vaporeux, changeants, insaisissables...
GIDE, Journal, 1942, p. 132.
— [À la forme négative, p. litote] Oser, avoir l'audace de. Ne pas craindre d'affirmer, de choquer :
• 11. ... Faria, abbé, savant, homme d'église, n'avait pas craint de risquer la traversée du château d'If à l'île de Daume, (...); lui, Edmond le marin (...) hésiterait-il donc à faire une lieue en nageant?
DUMAS père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 190.
b) Envisager avec inquiétude qu'un fait jugé néfaste ait une existence effective. Craindre d'avoir été ridicule, de fondre en larmes, de tomber. Synon. appréhender de. Avec la hâte d'un voyageur pressé qui craint de manquer le train (ROLLAND, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1400). Craindre de limiter l'essor de l'imagination (cf. ex. 10) :
• 12. Nous passâmes si près de ce bâtiment, que nous observâmes jusqu'à la physionomie des individus; elle n'exprima jamais la crainte, pas même l'étonnement : ils ne changèrent de route que lorsqu'à portée de pistolet de l'astrolabe, ils craignirent d'aborder cette frégate.
Voyage de La Pérouse, t. 3, 1797, p. 3.
♦ [Dans la lang. de la conversation, avec expr. hyperbolique; caractérisant les relations sociales] Craindre d'importuner. Je vous remercie, mon Père, mais je craindrais d'abuser... (BILLY, Introïbo 1939, p. 233)
2. [Le suj. de l'énoncé verbal compl. est différent de celui de craindre] Craindre que + subj. Envisager avec inquiétude qu'un fait jugé néfaste ait une existence effective. Sans craindre qu'il me trahisse (STAËL, Lettres jeun., 1786, p. 120). Craindrai-je que l'univers connoisse mon péché, quand je n'ai pas craint que le Seigneur le connût (SAINT-MARTIN, Homme désir, 1790, p. 395) : Je crains toujours que tu ne sois pas heureux ici (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 698) :
• 13. On a pu craindre d'abord qu'elle [la Résistance] ne se survive artificiellement; on lui trouvait d'inquiétantes ressemblances avec le parti unique des dictatures. Cette inquiétude s'est dissipée à mesure que son rôle véritable se dégageait chaque jour plus clairement — son rôle qui est de susciter une nouvelle génération de grands parlementaires...
MAURIAC, Le Bâillon dénoué, 1945, p. 451.
Rem. 1. Emploi de la particule explétive ne et de la négation complète, dans la sub. régie par une forme de craindre. a) Après une forme affirmative non interr. de craindre, si ce que l'on craint consiste dans la réalisation d'un fait, la particule explétive ne est gén. empl. dans la sub., mais il arrive qu'elle soit omise, cette tendance apparaissant comme un peu plus fréq. dans les textes du XXe s. que dans ceux du XIXe s. Je craignais qu'on ne se mît à rire (SENANCOUR, Obermann, t. 1, 1840, p. 115). Les deux officiers craignaient que l'un des voyageurs aperçût l'iceberg (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 194). Après une forme négative non interr. de craindre, la particule explétive ne n'apparaît jamais dans la sub. : sans craindre qu'il me trahisse (cf. supra). Après une forme interr., la particule explétive ne est souvent omise dans la sub. Craindrai-je que l'univers connoisse mon péché (cf. supra); l'emploi de la particule est plus fréq. lorsque la forme de craindre est à la fois interr. et négative. Ne craignez-vous pas que la publication de la Vita ne réveille mainte haine (...)? (MONTHERL., Malatesta, 1946, IV, 9, p. 530). Ne craignez-vous point que Dieu se lasse (...)? (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, p. 1593). b) Pour exprimer la négation dans la sub., on emploie la négation complète (ne... pas, etc.), qui s'oppose à la particule explétive ne. Je crains toujours que tu ne sois pas heureux ici (cf. supra). 2. On rencontre, exceptionnellement, ds la docum. craindre + compl. d'obj. subst. + adj. ou part. attribut du compl. d'obj., équivalant à craindre que + suj. + une forme de être + adj. ou part. attribut du suj. Je les [les hôtels] crains très tuberculisés (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1908, p. 414). Nous les [les origines d'un ouvrage] craignons humbles (VALÉRY, Variété I, 1924, p. 227).
3. Je le crains, nous le craignons (en incise, le représentant un énoncé verbal). Or, je le crains, l'auteur serait un professeur ennuyeux (AMIEL, Journal, 1866, p. 225). Une série de superbes fragments, les Illuminations, à tout jamais perdus, nous le craignons bien (VERLAINE, Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., 1884, p. 34). Ils cèdent, je le crains, à une sympathie personnelle (MAURIAC, Journal 3, 1940, p. 262).
— [Avec omission de le] Ce qui me manque, je crains, c'est la patience (DELACROIX, Journal, 1822, p. 18).
II.— [Le suj. désigne une chose; le compl. d'obj. désigne un agent physique] Manifester de la sensibilité à quelque chose qui apparaît comme nocif. Le myrte craint les froids de l'hiver (CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 246). Un taxi qui ne craint ni les caniveaux ni même les degrés des raidillons (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 112) :
• 14. — L'ibex a peur du lion, la colombe redoute l'épervier, la prunelle craint le soleil, et je ne te vois encore qu'à travers les terreurs et les éblouissements...
GAUTHIER, Le Roman de la momie, 1858, p. 327.
Rem. Sur l'emballage de certaines marchandises sont inscrites des formules ell. comme craint l'humidité, la chaleur.
♦ Arg. ,,Ça craint le soleil, c'est de la marchandise volée`` (LACASSAGNE, Arg. « milieu », 1928, p. 188)
— P. anal. [Le suj. est une pers. envisagée comme qqc. de fragile] Une douceur sournoise d'être fragile qui craint les chocs (ZOLA, Bête hum., 1890, p. 243). Ses parents, qui, craignant le chaud... (COLETTE, Naiss. jour., 1928, p. 25). J'ai toujours craint l'air vif à l'aube, je ne saurais trop me défendre contre sa malignité, reprit-il après un long silence (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1528).
Rem. Le sujet désigne parfois, non la pers., mais une caractéristique de la pers. Ses rhumatismes craignaient l'eau (cf. ex. 5).
Prononc. et Orth. :[], (je) crains, (il) craint [], (nous) craignons []. Homon. crin. Conjug. : [], 1re, 2e, 3e pers. du sing. du prés. de l'ind. (crains, craint). Impér. sing. (crains). Part. passé (craint, fém. crainte []). [-] : 1re, 2e, 3e pers. du plur. du prés. de l'ind. (craignons, craignez, craignent). Tout l'imp. de l'ind. (craignais, etc.). Tout le passé simple de l'ind. (craignis, etc.). Subj. imp. (craignisse, etc.). Part. prés. (craignant). Impér. plur. (craignons, craignez). [] : inf. (craindre). Fut. (craindrai, etc.). Cond. prés. (craindrais, etc.). Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin Xe s. emploi abs. « avoir peur de » crement subj. prés. 2e pers. du plur. (cf. introd. de l'éd. p. 76) (Passion, ms. Clermont, éd. D'A. S. Avalle, 403); ca 1050 suivi de que + subj. et ne discordantiel criem ind. prés. 1re pers. du sing. (Alexis, éd. Chr. Storey, 60 : mult criem que ne t'em perde); ca 1100 trans. crendrez ind. fut. 2e pers. du plur. (Roland, éd. J. Bédier, 791); 1120-50 suivi de que + subj. criem (Grand mal fit Adam, I, 129 ds T.-L.), en concurrence avec les formes pronom. jusqu'au XVIe s.; ca 1175 avec de + inf. crient (CHR. DE TROYES, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 1512), en concurrence avec les formes pronom. jusqu'au XVIe s.; XIIe criendre (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 48, 16); 2. ca 1120 « révérer, éprouver un grand respect pour (Dieu) » crendrez (St Brendan, éd. E.G.R. Waters, 477); ca 1275 creindre (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 11500); 3. ca 1530 ne pas craindre sa peine « ne pas ménager sa peine » (MARGUERITE DE NAVARRE, Nativité, 9, éd. Schneegans ds IGLF); 4. 1580 « être sensible à l'action de, ne pas supporter » (B. PALISSY, Discours admirables, éd. A. France, p. 413, ibid.). Issu du lat. class. « trembler » d'où « trembler de peur devant quelque chose, redouter, craindre », altéré en gallo-roman sous une forme cremere par croisement avec un rad. celtique crit- postulé par le bret. kridien, le cymrique crit et le gaélique crith « frisson, tremblement » (cf. HENRY (V.), p. 82; FEW t. 13, 2, p. 240 a; REW3, n° 8877). Pour les changements dans la conjugaison et en partic. le passage de cr(i)embre à criendre puis à craindre, v. FOUCHÉ Morphol., § 69. Fréq. abs. littér. Craindre : 9 834. Craint : 2 022. Craignant : 938. Fréq. rel. littér. Craindre : XIXe s. : a) 18 722, b) 13 789; XXe s. : a) 11 047, b) 11 814. Craint : XIXe s. : a) 4 131, b) 2 564; XXe s. : a) 2 381, b) 2 267. Craignant : XIXe s. : a) 1 455, b) 1 754; XXe s. : a) 1 491, b) 910. Bbg. AYMERIC (J.). Ind. après craindre, falloir, vouloir. Z.fr. Spr. Lit. 1889, t. 11, p. 269. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 10, 11, 221, 259. — POPINCEANU (I.). Elemente nichtlateinischen Ursprungs im fr. und rumänischen Wortschatz. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 420. — RITTER (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 387-388.
craindre [kʀɛ̃dʀ] v. tr.
CONJUG. je crains, tu crains, il craint, nous craignons, vous craignez, ils craignent; je craignais, nous craignions; je craignis, nous craignîmes (inus.); je craindrai, nous craindrons; je craindrais, nous craindrions; crains, craignons, craignez; que je craigne, que nous craignions; que je craignisse (inus.); craignant, craint, crainte.
ÉTYM. Xe; criembre, v. 1050; refait d'après les verbes en -aindre; du lat. pop. cremere, altér. de tremere « trembler », puis « craindre », sous l'infl. d'un rad. gaul. crit-, attesté par l'irlandais crith « tremblement ».
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1 Envisager (qqn, qqch.) comme dangereux, nuisible, et en avoir peur. ⇒ Appréhender (cit. 3), redouter; peur (avoir peur de). || Craindre le danger, le péril, la mort. || Ne pas craindre la mort. || Craindre la douleur, les souffrances, la maladie. || Craindre le ridicule. || Craindre les responsabilités. || Craindre les questions de qqn. || Craindre le regard de qqn (cf. Baisser les yeux). || Il ne viendra pas, je le crains. || Ne craignez rien. || Vous n'avez rien à craindre. || Ne craignez rien, c'est indolore. || Il craint ses menaces, sa colère. || Faire craindre qqch. à qqn. — Craindre qqn. || Tous le craignent. || On le craint. || Il est craint de tous. || Je ne vous crains pas. || Il sait se faire craindre. ⇒ Intimider; menacer; → 1. Marine, cit. 6.
1 (…) ce chat exterminateur,
Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde;
Il voulait de souris dépeupler tout le monde.
La Fontaine, Fables, III, 18.
2 Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces.
Corneille, le Cid, II, 1.
3 (…) avec moi vous n'avez rien à craindre (…)
Molière, George Dandin, I, 6.
4 C'est la connaissance des dangers qui nous les fait craindre (…)
Rousseau, Émile, I.
5 (…) à force de craindre les ridicules, les vices n'effrayent plus.
Rousseau, Lettre à d'Alembert, p. 142.
6 « Qu'ils me haïssent, pourvu qu'ils me craignent ! » c'est bien un mot d'ambitieux.
Alain, les Aventures du cœur, p. 27.
7 Il ne craignait ni les remords, ni la honte, mais il craignait la police et la terrible aventure dont elle ouvre les portes.
P. Mac Orlan, la Bandera, VII, p. 84.
♦ C'est une chose à craindre, c'est à craindre : c'est une chose pénible, désagréable et possible, vraisemblable.
♦ Ne craindre personne (pour, dans, à qqch.), se considérer de force égale à n'importe qui, sinon meilleur. || Au billard je ne crains personne. || Pour la cuisine, elle ne craint personne.
♦ Craindre qqch. de la part de qqn. || « Je craignais de ta part des suppositions odieuses » (Flaubert, Correspondance, 1846, in T. L. F.).
♦ Allus. littér. || Je crains les Grecs même quand ils font des offrandes (timeo danaos…). — Je crains l'homme d'un seul livre. ⇒ Livre (infra cit. 11). — ☑ Prov. Chat échaudé craint l'eau froide.
♦ Absolt. || Cette mère craint pour ses enfants. || Craindre pour la vie de qqn. ⇒ Redouter, trembler. || Ne craignez point : n'ayez pas peur. Vieilli. || Avoir quelques raisons de craindre.
8 Non, non, ne craignez point : il se mariera avec vous tant que vous voudrez.
Molière, Dom Juan, II, 2.
9 Andromaque (…) craint pour la vie de Molossus (…)
Racine, Andromaque, 2e Préface.
9.1 Quoi de plus facile que de craindre ?
Alain, Propos, 17 sept. 1927, la Foi qui sauve.
2 Craindre que (et subj.). a Dans une affirmation (presque toujours avec ne explétif). || Je crains qu'il ne vienne. ⇒ Ne, cit. 21, 22. || Je crains qu'il ne soit mort. || Il est à craindre que cet élève n'échoue à l'examen. || Il est à craindre qu'un orage se prépare. — Il y a lieu de craindre qu'il ne vienne pas.
10 Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur
N'allât interpréter à cornes leur longueur.
La Fontaine, Fables, V, 4.
11 Quoique la royauté actuelle ne semble pas viable, je crains toujours qu'elle ne vive au-delà du terme qu'on pourrait lui assigner.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 149.
12 (…) il glissait une main dans sa poche, pour toucher la lettre, comme s'il craignait qu'un feuillet ne s'en échappât.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, I, p. 139.
♦ Sans ne explétif :
13 (…) je crains pour vous qu'un Romain vous écoute (…)
Corneille, Nicomède, I, 2.
14 Par le temps actuel, il serait à craindre qu'un monument élevé dans le but d'imprimer l'effroi des excès populaires donnât le désir de les imiter (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. III, p. 331.
15 Elle le croyait malade et craignait qu'il le devînt davantage.
France, le Crime de S. Bonnard, Œ., t. II, p. 385.
16 (…) on ne craint point qu'il venge un jour son père (…)
Racine, Andromaque, I, 4.
c Dans une interrogation (avec ou sans ne explétif) :
17 Craignez-vous que mes yeux versent trop peu de larmes ?
Racine, Bérénice, V, 5.
18 Tu ne crains pas qu'il n'envoie des échos aux journaux ?
M. Pagnol, Topaze, III, 3.
3 Craindre de (et l'inf.). || Il craint d'être découvert. || Il craint de mourir. ⇒ Peur (avoir peur de).
19 (Ma mère) se gardait bien de me conduire dans ces sentiers de la grammaire où elle craignait de s'égarer.
France, le Petit Pierre, XXIX, p. 200.
♦ Hésiter, ne pas oser. || Je crains de le laisser entrer. || Je ne crains pas d'affirmer : je n'hésite pas à affirmer.
20 Joseph, fils de David, ne crains point de prendre chez toi Marie ton épouse, car ce qui est conçu en elle est du Saint-Esprit.
Bible (Crampon), Évangile selon saint Matthieu, I, 20.
4 Vx. Compl. n. de personne. Respecter, vénérer (qqn). || Craindre son père, sa mère ⇒ Révérer. — Relig. || Craindre Dieu. ⇒ Crainte (cit. 9).
21 (…) afin que tu craignes Yahweh, ton Dieu (…) en observant, tous les jours de ta vie, toutes ses lois et tous ses commandements que je te prescris (…)
Bible (Crampon), Deutéronome, VI, 2.
22 Il n'en est pas ainsi de celui qui te craint :
Il renaîtra, mon Dieu, plus brillant que l'aurore.
Racine, Esther, II, 8.
♦ ☑ Loc. Ne craindre ni Dieu ni diable : n'avoir peur de rien.
5 Compl. n. de chose. Être sensible à (qqch.), ne pas supporter (qqch.). || Cet enfant craint le froid. || Elle craint l'odeur du tabac. || Elle craint la voiture. — Ces arbres craignent le froid, l'humidité, le froid, l'humidité leur sont nuisibles, contraires. — Cette couleur, ce tissu craint le soleil, les lavages à haute température.
♦ Par ext. || Ce cheval craint l'éperon, il y est sensible.
♦ Ellipt. || « Craint l'humidité, la chaleur », formule qu'on inscrit sur l'emballage d'une marchandise périssable.
6 ☑ Fam. (avec le dém. neutre). Ça craint pas : ça ne risque rien. ☑ Ça craint, ça craint drôlement : la situation est mauvaise, dangereuse. || « Année russe : ça craint » (Actuel, févr. 1980, p. 64 : titre).
22.1 Le Ponosse peut bien dire tant que ça lui plaît dans son église, ça craint pas que tu le déranges !
G. Chevallier, Clochemerle, p. 186.
♦ ☑ Ça craint : c'est laid, désagréable, sans intérêt. Cf. argot fam. craignos [kʀɛɲos], adj. (c'est craignos; un truc craignos) ou interj. péj. (Craignos !)
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se craindre v. pron.
♦ Récipr. || Les deux boxeurs se craignaient déjà avant le combat.
♦ Réfl. Avoir la crainte de soi-même.
23 Mais il se craint, dit-il, soi-même plus que tous.
Racine, Andromaque, V, 2.
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CONTR. Affronter, aspirer (à), braver, désirer, espérer, mépriser, oser, rechercher, souhaiter. — Assuré, sûr (être).
DÉR. Crainte.
Encyclopédie Universelle. 2012.