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ORGUE
ORGUE

Premier en date des instruments mécanisés, l’orgue est une machine qui suit, au cours d’une histoire de près de vingt-trois siècles, le progrès des techniques en matière de soufflerie, d’acoustique, de transmission de mouvements, d’électricité, d’électronique, voire d’informatique. Cette mécanisation entraîne une qualité particulière du son organal: alors que s’épuise le souffle du flûtiste, que s’éteint la percussion de la timbale, que meurt la vibration de la corde pincée ou frottée, le son du tuyau d’orgue vainc à volonté la durée, égal à lui-même.

Premier instrument naturellement polyphonique, avant le luth ou tous les claviers à cordes, l’orgue a joué un rôle irremplaçable dans l’histoire de la musique occidentale, dont il est, aussi bien par la combinatoire de sa structure mécanique que par ses ressources en matière de multiplication des voix, l’un des instruments caractéristiques. L’organiste, véritable chef de chœur, maîtrise un ensemble complexe de registres, de claviers, de pédales; son corps, divisé en de multiples actions, demeure toutefois un dans les mouvements qu’il ordonne.

Premier orchestre avant l’orchestre par son plein-jeu inimitable, l’orgue imite cependant les instruments de chaque époque où il vit, non sans modeler leur voix à sa mesure pour qu’ils sonnent, transfigurés, dans un univers sonore régi par ses lois. Trompettes et clairons, bombardes et cromornes, violes de gambe et cornets redisent les sources de son inspiration.

Premier grand instrument collectif parce que fonctionnel, pendant dix siècles la liturgie chrétienne occidentale l’a privilégié. Il a pénétré au concert surtout depuis la fin du XVIIIe siècle. Habituellement, l’orgue est pris en charge par une église, un monastère, une chapelle royale ou princière, une municipalité, une région qui, seuls, peuvent engager les frais nécessaires à sa construction dès qu’il dépasse certaines dimensions.

Mystérieux pour le profane ignorant de sa facture, inépuisable trésor de recherches pour l’organologue, l’orgue est ordinairement caché derrière un buffet accroché dans la nef des églises, et l’organiste, la plupart du temps invisible, commande à des voix légères ou majestueuses, douces ou fracassantes, à la marche lente ou la plus véloce, dans l’unicité d’une mélodie soliste ou dans la plénitude d’accords les plus somptueux de timbres et de parties.

Du portatif, guide-chant discret à l’esprit mélodique, ou de l’antique hydraule, puissante voix du cirque romain, aux superbes trente-deux-pieds à cinq ou six claviers, en passant par les régales et les positifs d’appartement, rivaux des clavecins, épinettes ou clavicordes, l’orgue définit un genre que divisent des espèces, elles-mêmes riches de toute la diversité individuelle, car, en rigueur, tel un visage, il connaît peu de sosies et, plus que tout autre instrument, il répugne à la production en série.

Du fait de son obéissance aux lois de l’acoustique qu’il reflète structurellement, l’orgue est ouvert aux évolutions esthétiques les plus inattendues. Il demeure lui-même dans le rigide diatonisme à tempérament égal ou inégal, comme dans les souples échelles infratonales, qu’il accepte sans renier ses principes de facture. Le plus traditionnel ou le plus moderne, soufflant un son pâle à la limite de la «neutralité» ou débordant de bruissements harmoniques dans les clusters sur plein-jeu de la musique contemporaine, tel est l’orgue. Le champ esthétique né avec l’hydraulicien Ctésibios d’Alexandrie, au IIIe siècle avant J.-C., n’a pas encore atteint les limites de son expansion.

1. Structure physique

Une description sommaire de l’orgue, véritable microcosme, distinguerait:

– Un corps et un visage, soit le buffet et ses tuyaux de montre (ceux qui sont montrés en façade). Chaque orgue présente ainsi une physionomie propre. Dans l’orgue classique, un simple regard sur la disposition architectonique du buffet laisse souvent deviner la composition probable de l’instrument, car une loi organique préside à sa construction (Werkprinzip ). On reconnaît par exemple un huit-pieds , un seize-pieds ou un grand seize-pieds à la hauteur de la montre du grand-orgue. Les organiers utilisent toujours l’ancienne longueur du pied (32 cm environ; symbole: face=F0019 ). Le buffet joue aussi un rôle certain comme caisse de résonance et source orientée du son.

– Un système respiratoire, la soufflerie. Le soufflet, alimenté aujourd’hui par un ventilateur électrique, porte le vent (d’où le nom de porte-vent donné aux conduits d’alimentation) dans les sommiers (coffres hermétiques qui contiennent l’air sous pression et sur lesquels sont disposés les tuyaux).

– Un système musculaire, transmettant le mouvement du doigt ou du pied de l’organiste, depuis la touche des claviers manuels et du pédalier jusqu’à la soupape, à l’intérieur du sommier. La transmission mécanique comporte un ensemble articulé, l’abrégé – car «il réduit la longueur du sommier à celle des claviers» (dom Bedos) –, composé de rouleaux horizontaux et de vergettes verticales; par ce mécanisme, chaque touche meut directement une soupape placée dans un plan vertical éloigné du sien. Il n’est pas toujours possible en effet de construire une transmission mécanique directement suspendue au-dessus des claviers en bout des touches, même si celle-ci demeure la plus fidèle pour transmettre les moindres inflexions expressives du musicien. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, de nouveaux systèmes de transmission furent proposés: mécanique avec soufflet Barker, pneumatique-tubulaire, enfin électro-pneumatique, électrique. Tous causent une rupture, établissent un relais dans la transmission et les avantages permis (multiplication sans retenue des jeux, commande à grande distance, augmentation des pressions...) ne pallient pas cet inconvénient (que l’électronique et l’informatique permettent cependant d’atténuer): l’organiste ne fait plus corps avec son instrument, et les soupapes s’ouvrent et se ferment toujours de la même façon, dépersonnalisant le jeu d’autant.

– Un système nerveux et cérébral, la console. Elle comprend les claviers (aujourd’hui de 56 à 61 notes pour les manuels, d’une trentaine pour le pédalier), les boutons de registres correspondant aux différents timbres (ou jeux), les pédales de combinaison et d’accouplement d’un clavier sur l’autre et de ceux-ci sur le pédalier (tirasses), et, éventuellement, des combinaisons fixes ou libres de registrations préparées à l’avance. Sur les orgues romantiques et modernes, on peut rencontrer une ou plusieurs pédales, commandant l’ouverture des jalousies de la «boîte» dans laquelle sont enfermés les jeux des claviers «expressifs». L’organiste compose les timbres, les marie pour équilibrer les plans sonores de même couleur ou pour opposer les voix les unes aux autres.

– Le système vocal, enfin, l’ensemble essentiel, se compose de tuyaux dont le nombre va d’un seul rang, comprenant autant de tuyaux qu’il y a de touches, à des dizaines de rangs, soit des milliers de tuyaux. Un orgue d’une cinquantaine de jeux en possède environ trois mille. À chaque jeu correspond un bouton de registre, placé à la console, à portée de l’organiste.

2. Structure sonore

L’orgue est un instrument à sons fixes; comme tel, il est déjà lui-même une composition à interpréter, c’est-à-dire un lieu de possibles sonores, divisés en éléments ordonnés selon des lois physiques et esthétiques.

Les tuyaux et la distribution des jeux

Eu égard à leur forme extérieure et à leur principe de fonctionnement, il y a deux catégories de tuyaux d’orgue: les tuyaux à bouche et les tuyaux à anche . Dans les premiers, le son est produit comme il l’est dans une flûte à bec. Le tuyau se compose d’un pied par où pénètre l’air qui va frapper contre le biseau ; par la lumière (interstice entre le biseau et la lèvre inférieure), ce pied conduit l’air contre la lèvre supérieure, mettant alors en vibration l’air contenu à l’intérieur du corps du tuyau. La hauteur du son résulte de la longueur de la colonne d’air en vibration à l’intérieur du corps de résonance. Si le tuyau est bouché (les facteurs l’appellent un bourdon ), le son émis correspond à celui d’un tuyau ouvert deux fois plus long. Ainsi un bourdon d’une longueur de quatre pieds (on écrit: 4 ) émet un son d’une hauteur correspondant à celle d’un 8 ouvert; on dit que ce bourdon sonne en 8 . Enfin, les qualités harmoniques du son ne sont pas les mêmes, dans l’un et l’autre cas.

Dans les jeux d’anche, une fine lamelle de laiton (languette ) bat contre l’anche (canal de cuivre en forme de gouttière s’enfonçant dans le noyau de plomb qui le réunit au corps de résonance conique ou cylindrique); une tige de fer (rasette ) permet de raccourcir ou d’augmenter la longueur de la lamelle vibrante et de déterminer ainsi avec précision la hauteur du son.

Les tuyaux à bouche sont en métal (les alliages d’étain et de plomb – étoffe – sont les meilleurs, parce que plus faciles à travailler, et aux qualités sonores éprouvées; on rencontre des tuyaux en zinc, en cuivre, en fer blanc, en aluminium...) ou en bois (les tuyaux sont de section carrée et conviennent surtout aux bourdons et aux flûtes). Les tuyaux d’anche sont tous en métal, mis à part les résonateurs de bois de certains jeux (graves de bombarde par exemple). Contrairement à l’opinion de quelques physiciens, la nature et la qualité du métal d’un jeu d’orgue influent sur sa sonorité. Les pleins-jeux construits en fort pourcentage d’étain sonnent plus clairement et ont un timbre plus brillant que les mêmes fabriqués en spotted (alliage à 50 p. 100 d’étain et de plomb).

Les jeux se distribuent sur un ou plusieurs claviers. Quand l’orgue est monoclaviculé (un positif d’appartement par exemple), on sépare souvent les basses des aigus (coupure pratiquée en général entre si 2 et ut 3 ou entre ut 3 et ut dièse 3), ce qui offre des possibilités instrumentales accrues; par exemple, une voix qui chante dans les dessus peut être accompagnée dans le grave par un timbre différent.

À deux claviers, on rencontre habituellement soit grand-orgue et positif (orgue classique), soit grand-orgue et récit (orgue romantique). Le grand-orgue ou clavier

principal groupe habituellement les jeux les plus nombreux, les mixtures (cf. La synthèse des principaux: le grand plein-jeu ) les plus fournies et les plus graves, les anches les plus puissantes. Le positif contient des jeux de même nature que ceux du grand-orgue, mais plus fins, plus légers. Il est le clavier par excellence de la plus haute vélocité. Au Moyen Âge, dès le Xe siècle environ, le positif était un petit orgue transportable, quoique de dimensions plus importantes que le portatif . On le posait sur table ou bien il se présentait sur pieds. Par la suite, il fut annexé au grand-orgue de tribune. Habituellement, dans l’orgue classique, il est situé dans le dos de l’organiste (positif dorsal), tandis que les jeux du grand-clavier dominent la console en fenêtre (ainsi nommée parce qu’elle s’ouvre dans le buffet telle une fenêtre dans une cloison). Un positif peut aussi être logé dans le grand corps (positif de poitrine, Brustwerk ), sous le sommier du grand-orgue (écho). Enfin, s’il est érigé tout en haut du buffet, au-dessus de tous les autres sommiers, il se nomme positif de couronne (Kronwerk ).

Le récit , autrefois simple dessus de clavier (avec basses muettes), faisait chanter – «réciter» – le seul cornet, en général à partir d’ut 3, puis quelques jeux solistes (hautbois, trompette). Un autre clavier de dessus prenait le nom d’écho , accueillant quelquefois, outre les trois jeux de récit nommés à l’instant, un petit plein-jeu et ses fondamentales (bourdon 8 , prestant 4 ). On a construit des orgues à deux claviers avec grand-orgue et écho; à trois claviers, grand-orgue, positif et écho. Un cinquième clavier, au XVIIIe siècle, s’intercale parfois entre le grand-orgue et le récit: le clavier de bombarde. Il comprend avant tout une batterie d’anches (quand ce n’est pas la bombarde seule), qui vient renforcer le grand-jeu de l’orgue.

Au cours du XIXe siècle, le récit devient un clavier complet. Il change radicalement de fonction, en recevant les jeux romantiques, tels que les violes de gambe, les flûtes harmoniques, les salicionaux, la voix céleste, des jeux d’anches nouveaux (basson, clarinette, cor anglais, trompettes harmoniques). Ces jeux sont enfermés dans une «boîte expressive», laquelle, munie de jalousies manœuvrables depuis la console, fait varier l’intensité du son. Peu à peu, l’esthétique romantique s’est emparée de tous les claviers. Le positif dorsal a disparu pour entrer dans le grand corps, où il devint lui aussi expressif. Les mixtures et les tierces sont supprimées, au bénéfice des jeux de huit pieds qui envahissent l’orgue (kéraulophones, stentorphones, diapasons anglais à la manière de Robert Hope-Jones, parlant sur des pressions de plus en plus élevées).

Quel que soit le talent d’Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899, Saint-Denis, Saint-Sulpice, La Madeleine, Sainte-Clotilde), ses successeurs directs et les organiers de la fin du XIXe et du début du XXe siècle conduisirent l’esthétique symphonique dans une impasse (cf. infra l’exemple de Woolsey-Hall); en France, la réaction amorcée par Alexandre Guilmant, Albert Schweitzer, Jean Huré, Paul Brunold aboutit, dans les années 1930, à l’esthétique néo-classique de Victor Gonzalez (1877-1956), défenseur d’un essai de synthèse entre l’apport romantique et une tradition classique revue et corrigée (Reims, prytanée militaire de La Flèche, Saint-Merry, Soissons).

Tandis que l’orgue classique occupe l’espace en hauteur pour permettre à chaque plan sonore correspondant à un clavier de se distinguer nettement, les orgues romantique, symphonique et néo-classique utilisent volontiers le plan étalé en profondeur ou dispersé en plusieurs éléments grâce, en particulier, aux possibilités de la transmission électrique. L’organiste romantique aime rechercher des effets, tels que le passage insensible d’un pianissimo à la limite du perceptible (cor de nuit au récit, boîte fermée) au tutti de l’instrument, tous claviers accouplés, idéal comparable à celui de l’orchestre symphonique, dont la dynamique diffère essentiellement de celle de l’orchestre de Lully ou de Bach.

La synthèse des principaux: le grand plein-jeu

D’un point de vue esthétique, les tuyaux se classent en familles de jeux ordonnées chacune selon une structure sonore «verticale», reflet de l’étagement acoustique des harmoniques (fig. 1). Un tel principe de division est préférable à celui, d’origine romantique, qui distingue: fonds, anches, mixtures. On appelle principaux des jeux à bouche dont le diapason ou taille (c’est-à-dire le diamètre du tuyau) se situe entre des jeux à taille large (flûtes et bourdons) et des jeux à taille étroite (gambes et salicionaux). La synthèse des principaux d’un clavier forme son plein-jeu . Les différents pleins-jeux accouplés constituent le grand plein-jeu (à l’orgue classique: ceux du positif et du grand-orgue, plus celui de la pédale en pays germanique). C’est là l’orgue essentiel. Pour en esquisser la description, sans entrer dans le détail de son histoire qu’en ont donnée notamment Jean Fellot et Pierre Hardouin, il faut considérer la progression des harmoniques d’un son fondamental. Soit l’ut 1 (première touche du clavier à gauche) d’un principal de 8 . L’analyse de ce son permet d’entendre l’octave supérieure (ut 2), la quinte (sol 2), l’octave (ut 3), la tierce (mi 3), la quinte (sol 3), l’octave (ut 4), etc. À partir de cette donnée physique connue depuis l’Antiquité, les facteurs d’orgues ont imaginé des jeux construits sur son principe. Au-dessus du principal 8 (souvent posté en façade et qui reçoit le nom de montre ), on trouve le prestant 4 , la quinte 2 2/3 , la doublette 2 , la tierce 1 3/5 , la quinte 1 1/3 , le sifflet 1 . Si l’on poursuit dans l’aigu, en choisissant de ne représenter que les harmoniques de quinte, de tierce et d’octave (et en laissant les septièmes, les neuvièmes, les onzièmes, bien que certains facteurs les aient intégrées à l’orgue), on obtient les fournitures et cymbales , appelées aussi mixtures ou pleins-jeux (registres). Ces jeux font parler sur un même registre plusieurs rangs de tuyaux aigus. Une de leurs particularités est qu’ils sont à reprises (fig. 2). En effet, comme d’une octave à l’autre, en montant le clavier vers l’aigu, la longueur des tuyaux diminue de moitié, il est impossible de parcourir cinquante-six degrés à la suite si l’on commence à l’ut 1 , avec un tuyau mesurant un demi-pied ou un quart de pied. Une fois parvenu à un sommet acoustique (le 1/8 environ), on reprend les sons déjà émis, tout en continuant la marche sur le clavier. Il s’ensuit une constatation esthétique d’importance: les fournitures et cymbales font sonner dans le grave du clavier des harmoniques aigus (ce qui clarifie et enrichit d’autant les timbres) et, à l’inverse, dans l’aigu du clavier, des sons de plus en plus graves, allant jusqu’aux résultantes de 16 ou de 32 (voire de 64 sur les grands instruments; cf. dom Bedos de Celles, au XVIIIe siècle).

La sonorité du plein-jeu est la plus caractéristique de l’orgue, celle qui le différencie le plus de tous les autres instruments ou groupes d’instruments. Elle est proprement inimitable par l’orchestre traditionnel. Cette sonorité homogène et plénière demande une harmonisation soignée. L’harmoniste a d’abord la charge de régler la hauteur du son, mais son talent d’artiste se manifeste surtout lorsqu’il équilibre l’intensité de ce son eu égard aux tuyaux du même jeu d’une part, aux tuyaux des jeux avec lesquels il sonnera de préférence d’autre part. L’accord des quintes et des tierces de plein-jeu se fait juste et n’obéit point au tempérament égal [cf. GAMME]; le non-respect de ce principe (par exemple dans les orgues-unit ou certains instruments électroniques qui n’utilisent que des emprunts sur l’extension d’un même jeu accordé au tempérament égal) rend l’audition des jeux de quinte et de tierce particulièrement pénible. Quant à la construction de fournitures et de cymbales selon ce principe, elle est pratiquement impossible.

L’orgue français, depuis la fin du XVIIe siècle (après l’Harmonie universelle de Marin Mersenne qui l’accepte encore en 1636), proscrivait l’emploi de la tierce dans le plein-jeu. Mais la tierce n’est pas, de soi, un jeu étranger à la synthèse des principaux, pas plus que ne le serait une septième ou une neuvième. Tout dépend, en effet, de la facture du jeu. Si la tierce a un diapason de principal, elle entre dans le plein-jeu dont elle accroît les qualités polyphoniques en même temps que la plénitude harmonique; si elle a un diapason de flûte, elle en est exclue. En 1960, la découverte d’une cymbale-tierce sur l’orgue gersois de Gimont, dû au facteur Godefroy Schmit (1772), manifeste peut-être une influence germanique inattendue dans le midi de la France, et renoue avec la tradition interrompue depuis Robert Delaunay (tiercelette des Jacobins de Toulouse, 1676, reconstituée en 1983 à l’orgue de Saint-Pierre, où l’instrument fut transféré).

Voici à titre d’exemple la composition du grand plein-jeu de l’orgue de la cathédrale de Poitiers, construit par François-Henri Clicquot en 1787-1790 (on a loisir d’ajouter les bourdons 16 et 8 , afin de mieux «asseoir» les fondamentales): quinze rangs au grand-orgue – montre 16 , bourdon 16 , montre 8 , bourdon 8 , prestant 4 , doublette 2 , fourniture V (c’est-à-dire 5 rangs), cymbale IV – accouplés aux onze rangs du positif – montre 8 , bourdon 8 , prestant 4 , doublette 2 , plein-jeu VII (soit fourniture IV + cymbale III, sur un même registre) –; le grand plein-jeu additionne ici vingt-six rangs. Un accord de quatre notes fait parler un «orchestre» de plus de cent «flûtistes»!

Dans l’Allemagne baroque, on construisait aussi des pleins-jeux indépendants à la pédale et, comme ceux des claviers manuels peuvent être tirés au pédalier, on comprend quelle richesse sonore un tel ensemble peut atteindre. «Tout ce qu’il y a de plus harmonieux dans l’orgue, au jugement des connoisseurs et de ceux qui ont du goût pour la vraie harmonie, c’est le plein-jeu, lorsqu’il est mélangé avec tous les fonds qui le nourrissent dans une juste proportion» (dom Bedos, 1776). En supprimant ou en dénaturant le plein-jeu, l’orgue romantique ôtait à l’orgue sa qualité essentielle et interdisait l’interprétation de quelques-uns des chefs-d’œuvre de la littérature organistique, de la Renaissance à la fin du XVIIIe siècle (préludes, fugues, toccatas...).

Les synthèses flûtées: cornet et jeux de tierce

La famille des jeux flûtés, c’est-à-dire de taille large, aux sonorités plus rondes que celles des principaux, présente une synthèse dont le cornet est le type (fig. 1); leur fonction est surtout mélodique. Construite elle aussi sur l’étagement des harmoniques naturels, cette famille intègre obligatoirement la tierce dans sa composition, mais elle ne dépasse pas la hauteur du 1 (piccolo) qui ne fait pas partie du cornet ni du jeu de tierce. On compose ainsi le cornet V: bourdon 8 , flûte 4 , nasard 2 2/3 , quarte de nasard 2 , tierce 1 3/5 ; le cornet VI a en outre le larigot 1 1/3 . De même que les fournitures et cymbales, le cornet unit ses éléments constitutifs en un seul registre; bien souvent, il est juché sur un petit sommier spécialement conçu pour lui, où il sonne nettement à partir d’un plan qui lui est propre. On peut aussi former un cornet si on en possède les rangs séparés; on parle de jeu de tierce: petit jeu de tierce de 8 au positif – grand jeu de tierce de 16 au grand-orgue, avec grand nasard 5 1/3 et grande tierce 3 1/5 ; l’opposition en duo de ces deux tierces caractérise l’une des plus originales registrations de l’orgue classique français.

Par leur timbre, le cornet et le jeu de tierce chantent en solistes, tant au soprano qu’à la basse ou au ténor (tierce en taille). Cette dernière registration est chérie des organistes des XVIIe et XVIIIe siècles, et Nicolas Le Bègue (1630-1702) estimait: «Cette manière de verset est à mon avis la plus belle et la plus considérable de l’orgue» (soit le récit de tierce en taille avec larigot, accompagné par un 16 de fond ouvert ou bouché, un 8 et un 4 au grand-orgue et la grosse flûte française de 8 à la pédale). Nicolas de Grigny (1672-1703), François Couperin (1688-1733), Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749), Jean Adam Guillaume Freinsberg, dit Guilain (XVIIe-XVIIIe s.), ont laissé de magnifiques tierces en taille.

Les anches et le grand-jeu

La famille des jeux d’anches ne connaît que l’étagement par octave (du 64 au 1 ). On peut tenir pour négligeables les essais américains de mixtures d’anches. La bombarde 16 , la trompette 8 et le clairon 4 composent le groupe fondamental. Joués en chœur, ils constituent le grand -jeu français, auquel on peut joindre les dessus de cornet pour amplifier les aigus qui auraient tendance à être moins nourris que les graves. Cette registration convient en particulier pour les «dialogues sur les grands-jeux» opposant les anches du grand-orgue à celles du positif (parfois simplement représentées par un cromorne ). Les anches de pédale tiennent volontiers le cantus firmus au ténor ou à la basse, tandis que les manuels jouent le grand plein-jeu. En France, le timbre clair et la facture légère des trompettes classiques conviennent à l’écriture fuguée (fugues de François Couperin). Deux dessus de cornet, deux graves de cromorne, une flûte 8 de pédale, telle est l’une des registrations typiques des Fugues à cinq de Nicolas de Grigny. En solo, les trompettes, cromorne, hautbois, voix humaine sonnent dans toutes les tessitures, rejoignant analogiquement l’utilisation des anches dans la musique germanique (choral). En Allemagne, on a surtout développé la famille des régales , aux représentants nombreux qui se distinguent par la variété des corps de résonance: cylindrique (du genre cromorne), raccourci (voix humaine ), etc. On peut citer les bassons , hautbois , ranquettes , chalumeaux , musettes , posaunes , cornets (anche de 2 ). L’Espagne, la première, a posté en chamade ses batteries d’anches; la qualité sonore des trompettes horizontales émerveille l’auditeur, surtout s’il a été habitué aux sonorités pâteuses et lourdes des anches romantiques (bassonantes) de la fin du XIXe siècle.

Jeux gambés et jeux «harmoniques»

On se bornera ici à signaler l’existence de la famille des jeux à diapason étroit: violes de gambe et salicionaux . Cette famille a voulu imiter le mordant et la douceur des instruments à cordes. Deux gambes de 8 , dont l’une légèrement désaccordée, produisent un effet d’ondulation singulier: c’est la voix céleste , jeu typique du récit romantique et non exempt de suavités doucereuses dont certains organistes ont fâcheusement abusé.

Les jeux appelés assez improprement «harmoniques» (tous les tuyaux le sont!) se caractérisent cependant par le renforcement de leur premier son harmonique: ils octavient et furent appelés à clarifier l’instrument dont on avait chassé les mixtures (cf. fig. 1). Il existe aussi, en ce sens, des jeux d’anches harmoniques.

3. Les styles

La sommaire description qui précède permet toutefois d’imaginer à quelle diversité de facture on peut aboutir dans la combinaison des éléments sonores énumérés. À la fin du Moyen Âge, le grand orgue «plein-jeu» formait un tout non décomposé, soit une immense fourniture. Henri Arnault de Zwolle (mort en 1466) et Michael Praetorius (1571-1621) en donnent la description. Après l’invention du registre coulissant, les facteurs parvinrent, ici et là, dans l’Europe de la Renaissance et aux âges classique et baroque (XVIIe et XVIIIe s.), à une variété de styles dont on va présenter un aperçu. Il suffit de comparer la composition de quelques instruments pour percevoir les analogies, constater les différences, même si l’audition en apprend plus que la lecture.

Ces comparaisons s’avèrent d’autant plus nécessaires qu’on a pu lire des affirmations qui, transposées dans d’autres champs artistiques, laisseraient éclater leur absurdité: «Lorsque je joue un orgue, je veux pouvoir exécuter toute la musique pour orgue, sans avoir le souci d’être trahie par l’instrument en quoi que ce soit... [Il faut] qu’on puisse y jouer tous les styles, sans exception, avec la sonorité adéquate» (une organiste de renom, in L’Orgue, no 100, 1961). Un tel désir sera nécessairement frustré, comme le serait celui qui exigerait d’un peintre qu’il exécutât, en une seule œuvre de synthèse, une miniature à l’huile, une fresque, une gouache et une aquarelle, dans tous les styles de toutes les techniques connues. Les différences tant diachroniques que synchroniques de l’univers pictural n’ont pas besoin d’être démontrées.

L’orgue reconstitué du triforium de la cathédrale de Metz, construit par Marc Garnier (1981) dans le style européen de l’extrême fin de la Renaissance, mérite que l’on présente sa composition (tabl. 1). Le facteur s’est inspiré de l’orgue construit par Johann von Koblenz à Oosthuizen (Pays-Bas) vers 1530. À cette époque, la Hollande, le Brabant et les Flandres étaient à la pointe de la recherche en matière organologique.

On comparera cet instrument à celui de conception postérieure d’une cinquantaine d’années, l’orgue du château de Frederiksbørg (Danemark). Cet orgue, construit par Esaias Compenius vers 1610, existe encore tel que Michael Praetorius le décrit dans son De organographia (Syntagma musicum, 1615-1619). De ce petit orgue de cour (instrument à danser?) accordé au tempérament inégal, on apprécie la répartition équilibrée des jeux sur trois claviers (tabl. 2). Remarquer la flûte 1H de pédale. Les œuvres de Ludwig Senfl (1483-1543), Paul Hofhaimer (1459-1537), Arnold Schlick (mort après 1527), Othmar Luscinius (1480 env.-1537), Leonhard Kleber (1495 env.-1556) n’y seraient pas déplacées. On préfère y entendre celles de Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621) ou de Samuel Scheidt (1587-1654).

L’orgue de l’église SS. Giovanni e Colombano (tabl. 3), à Pontremoli (Italie), dû à un facteur inconnu du xviiie siècle, est cousin germain des Antegnati, des Serassi, des Callido... Là sonnent à merveille les ricercare, capriccio, toccata, canzona des Gabrieli, de Marco Antonio Cavazzoni (1490 env.-1560 env.), Claudio Merulo (1533-1604), du grand Girolamo Frescobaldi (1583-1643), de Giovanni Trabacci (1575-1647), Georg Muffat (1653-1704), Bernardo Pasquini (1637-1710), Domenico Zipoli (1688-1726), Giovanni Battista Martini (1706-1784). On a, pour l’essentiel, sur un seul clavier, un plein-jeu décomposé (ripieno) et un jeu de tierce.

L’orgue «de l’Empereur» à Tolède (Espagne) fut reconstruit par José Verdalonga à la fin du XVIIIe siècle (tabl. 4). Il est conçu pour l’éclat et la rutilance de festivités triomphales. (À la même époque, le palais portugais de Mafra abritait six orgues juchés dans la nef de son église! Les musiciens contemporains n’ont pas le privilège de la recherche d’effets de déplacement sonore dans l’espace.) Ici, les «batallas» de Juan Cabanillès (1644-1712) sonnent, superbes, et il y a suffisamment de principaux et de flûtes pour que les tientos d’Antonio de Cabezón (1505 env.-1566), Francisco Correa de Arauxo (1575 env.-1663 env.), Tomás de Santa Maria (1515-1570), Luis Venegas de Henestrosa (XVIe s.), du Portugais Manuel Rodrigues Coelho (1583-1645) y déploient leur contrepoint. Tous les jeux sont coupés en basses et dessus au 3e ut dièse (sauf indication contraire).

Proche du style des Silbermann, de Christiaan Müller, des Scherer, de Joseph Riepp, de Joseph Gabler, l’orgue de Sankt Jacobi (1683-1693) d’Arp Schnitger à la Hauptkirche de Hambourg convient aux artistes baroques de l’Allemagne du Nord, tels que Franz Tunder (1614-1667), Johann Reincken (1623-1722), Vincent Lübeck (1656-1740), les Scheidemann, Dietrich Buxtehude (1637-1707), Nicolaus Bruhns (1665 env.-1697), Jean-Sébastien Bach, voire à ceux de l’Allemagne du Sud, comme Johann Pachelbel (1653-1706) ou Johann Gottfried Walther (1684-1748), dont les œuvres se contentent de deux claviers (tabl. 5).

Pour illustrer la facture française, on a retenu deux instruments anciens nettement typés, à la fois par l’état exceptionnel de leur conservation et par l’originalité de leur conception: le premier, l’orgue de Roquemaure (1690, construit par les frères Jullien de Marseille), le deuxième, le grand seize-pieds de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (1772-1775); enfin, un troisième, dû à Aristide Cavaillé-Coll, le facteur français romantique: Notre-Dame de Paris (1863-1868). «La révélation de Roquemaure (et de Cuers) en 1969, ce sont les premiers pas assurés dans la technique d’un orgue flamand-provençal, ou flamand-méridional», écrit le facteur Pierre Chéron. Le plein-jeu de Roquemaure est un spécimen rarissime du XVIIe siècle, depuis que celui d’Auch (1693) «a disparu dans la tornade de 1958» (entendez: la «restauration» abusive, trop célèbre maintenant!). «L’orgue de Roquemaure contient certainement l’ensemble le plus important et le plus homogène de tuyaux connu du XVIIe siècle. Mais ce qui en fait un document unique, c’est que ces tuyaux sont posés sur leurs sommiers d’origine, sans aucune modification. Tous les registres coupés sont intacts, pas un seul trou, sur 734, n’est agrandi et neuf faux-sommiers restent ajustés impeccablement» (P. Chéron). Il se présente à un seul clavier à jeux coupés (sauf les six premiers jeux cités; tabl. 6).

Un siècle après, voici Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (tabl. 7), dont le facteur, Jean Esprit Isnard, est un organier au talent comparable à celui des Clicquot, des Thierry, des Lépine, des Eustache, des de Joyeuse, des Moucherel... (la restauration de cet instrument s’est achevée en septembre 1991). Ici, le troisième clavier, à triple destination (de pédale par tirasse, de bombarde pour le grand-jeu, de dessus de récit), demeure l’une des plus géniales trouvailles du facteur. Le grand plein-jeu descend au 16 à partir de sol 3 et au 32 à partir de sol 4. Le grand-jeu enfin éclate superbe de toutes ses anches. À l’audition, quoi de plus différent qu’une trompette de Schnitger et une d’Isnard! À plus d’un siècle de distance, Jehan Titelouze (1563-1633) n’est point ici mal à l’aise, où il rejoint les noms de Nicolas de Grigny, Guillaume Nivers (1632-1714), Gilles Jullien (1650 env.-1703), Jean François Dandrieu (1682-1738), Louis Claude Daquin (1694-1772), Pierre du Mage (1676 env.-1751), Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749), Louis Marchand (1669-1732)...

Le tableau 8 donne la composition de l’orgue de Notre-Dame de Paris, après la restauration confiée aux facteurs Jean-Loup Boisseau, Bertrand Cattiaux, Philippe Émeriau et Michel Giroud et qui fut achevée en décembre 1992.

Évoquons quelques noms seulement d’organistes célèbres de la fin du XIXe siècle et du XXe, sans entrer à leur propos dans les classifications esthétiques: César Franck, Charles-Marie Widor, Charles Tournemire, Louis Vierne, Jehan Alain, Marcel Dupré, Jeanne Demessieux, Marc Reger, Olivier Messiaen, Walter Kraft, Flor Peeters, Finn Viderø, Gaston Litaize, Anton Heiller, Marie-Claire Alain, Jean Guillou, André Marchal, Jean Langlais, Jean-Jacques Grünenwald, Pierre Cochereau, Virgil Thomson... Il faut souligner, dans les années 1950, le rôle important d’Helmut Walcha, dont l’interprétation des œuvres de J.-S. Bach connue grâce au microsillon fut l’un des tournants féconds de la découverte de l’esthétique baroque.

Enfin, pour terminer cet examen comparatif, voici l’orgue de Woolsey Hall (tabl. 9) à Yale University (New Haven), construit en 1902 par la firme Hutchings-Votey Organ Co. À l’opposé de tout ce qui précède, il est à sa manière un chef-d’œuvre... mais on est en droit de se demander quelle littérature musicale on peut interpréter sur un tel instrument. Comparé à des orgues beaucoup plus modestes par le nombre de jeux, il reste beaucoup moins riche qu’eux en diversité harmonique. Sur soixante-dix-huit registres, on ne compte qu’une seule mixture de cinq rangs, trois jeux de 2 , une seule quinte, et point de tierce séparée; sur dix-neuf jeux de pédale, pas même une anche de 4 ... En revanche, quelle pléthore de 16 et de 8 ! Il faut peut-être se souvenir des transcriptions wagnériennes qui enchantaient les admirateurs de Louis James Alfred Lefébure-Wély (1817-1870), l’«organiste de prédilection des gens du monde» sous le second Empire, de surcroît zélé propagandiste de l’harmonium...

C’est à propos de cette esthétique que Hans Henny Jahnn écrivait: «Une telle juxtaposition (de 16 , de 8 ) ne peut donner un son à mi-chemin entre le normal et l’horrible que dans la mesure où ces jeux “«fondamentaux” sont diapasonés et harmonisés de telle sorte que le fort écrase le faible et où les interférences et totalisations se réunissent en une sorte de puissance brutale mais amorphe [...]. Nous savons que le son résultant de l’addition de deux instruments de même intensité et de même timbre, donc de même puissance sonore, même hauteur et même richesse en harmonique, n’a pas une intensité du double. En fait on n’enregistre alors qu’une augmentation à peu près constante de trois phones. Cette loi était déjà reçue comme certitude par les facteurs du Moyen Âge. En tout cas ils savaient par expérience qu’additionner des tuyaux semblables ne donne presque rien, mais qu’un écart d’une ou de plusieurs octaves en hauteur, ou encore que la quinte et ses octaves produisent le renforcement sonore qu’on cherchait. C’est pourquoi le fondement de l’orgue consista à renforcer la sonorité par la modification du timbre, c’est-à-dire de la répartition des harmoniques.»

L’orgue est multiple, parce que fruit divers d’une longue histoire. Donner un récital de maîtres italiens des XVIe et XVIIe siècles est possible sur l’orgue d’époque de la Silberne Kapelle (seconde moitié du XVIe siècle) d’Innsbruck; la même entreprise serait totalement vouée à l’échec sur le grand instrument de Saint-Sulpice à Paris.

Y aurait-il donc quelques critères du bel orgue? Il suffit d’en évoquer un, qui, s’il avait été respecté dans les travaux de restauration, aurait évité la destruction d’un patrimoine irremplaçable: c’est le principe de l’unité de style dans ses rapports à la facture et à l’interprétation des œuvres. Un seul orgue, quel que soit le nombre de ses jeux, ne peut être «tous-les-orgues»; cet universel logique n’entre pas dans la majeure d’un syllogisme, qui permettrait de conclure au singulier «orgue-à-tout-jouer», chimère chère à certains théoriciens néo-classiques et... nominalistes. S’il s’agit de construire des orgues neufs à l’usage des compositeurs d’aujourd’hui, certes la liberté d’invention demeure; mais, au nom de cet orgue universel impossible, qu’on ne détruise pas des chefs-d’œuvre sous prétexte de les améliorer. En 1958, à Auch, sur l’orgue de Jean de Joyeuse, le grand plein-jeu de 32 fut entièrement remplacé par une synthèse nouvelle comparable à celle qu’on pouvait entendre au Palais de Chaillot, digne produit de la seconde après-guerre! Cet instrument fut transféré dans les années 1970 à Lyon (auditorium Maurice-Ravel) et doté, comme l’orgue de la cathédrale Saint-André de Bordeaux, d’un combinateur d’invention récente permettant l’utilisation de deux cent cinquante-six combinaisons ajustables générales commandées par seize boutons poussoirs sous les claviers, par douze pistons placés au-dessus du pédalier, et un rotacteur à seize positions (système Georges Danion). Ce produit de l’électronique n’a pas suscité de créations dignes des 256 effets combinatoires!

La revue Les Facteurs d’orgues français , émanation du Groupement professionnel des facteurs d’orgues et dont le premier numéro fut publié à l’automne de 1980, donne sa place à l’éventail esthétique diversifié qui est la réalité organologique. Celle-ci va de la reconstitution la plus fidèle d’instruments prévus pour faire sonner un style précis de musique d’orgue (cf. tabl. 1), jusqu’à des œuvres de style composite où la fantaisie délibérée est en quête d’unités nouvelles.
En cette fin du XXe siècle, les expériences les plus novatrices concernent la transmission. Une époque nouvelle s’ouvre-t-elle dans le champ organologique, même s’il est encore trop tôt pour mesurer la portée esthétique des essais déjà réalisés? De même que, dès la fin du XIXe siècle, les facteurs d’orgue commencèrent à intégrer à leur art ce que les pouvoirs de l’électricité leur offraient, de même sont-ils tentés aujourd’hui par les promesses de l’électronique et de l’informatique. Ainsi tous les instruments à clavier peuvent-ils accueillir le système international normalisé M.I.D.I. (Musical Interface Digital Instrument ). L’informatisation s’applique à plusieurs éléments. Dans un premier cas, elle n’est que partielle et s’associe à une transmission traditionnelle, mécanique ou électrique; elle se contente de capter les mouvements, des claviers aux soupapes et du tirage des jeux. Suivant la finesse d’analyse plus ou moins développée par les techniciens, les nuances d’attaque, d’articulation, de durée, d’intensité éventuelle de frappe (pour le clavier de piano) n’échappent pas à la capacité de saisie informatique, et cette poïétique dynamique, qui caractérise le jeu de l’artiste, est captée à sa source d’efficience, que celle-ci soit la touche ou, mieux, la soupape elle-même. Une fois mémorisés, tous ces mouvements sont restituables: l’instrument rejoue, seul, indépendamment de l’organiste (fonction du rejeu ). Dans un second cas, l’informatisation se substitue complètement aux systèmes de transmission antérieurs et assume toutes leurs fonctions, y compris, éventuellement, celle d’enclencher le moteur de soufflerie.

En plus du rejeu, ces nouvelles techniques permettent de suivre sur un écran d’ordinateur le graphisme original de la musique jouée, que celle-ci soit improvisée ou interprétée à partir d’une composition déjà écrite. Lors du rejeu, diverses modifications peuvent être apportées au fond enregistré: accélération ou ralentissement du tempo, changement de timbres, remplacement de notes maladroitement exécutées. La correction se fait directement sur ordinateur. En outre, l’improvisation peut s’inscrire sur une partition, éditée par une imprimante. Enfin, le possesseur d’un orgue ainsi informatisé entendra son instrument joué par les organistes de son choix, qui auront enregistré leurs interprétations sur une disquette commercialisée. Mais l’achat de ces disques d’un nouveau genre ne saura jamais remplacer l’écoute d’un grand-orgue de cathédrale, encore moins d’un instrument historique de référence.

Faut-il inclure dans la définition du concept d’orgue les instruments de synthèse qui en revendiquent l’appellation? Autant l’orgue Hammond a acquis ses lettres de noblesse pour servir la musique de jazz et de variétés, autant les nombreuses tentatives d’orgues électroniques à visées «liturgiques» laissent profondément réticents les esthètes. Toutefois, des réalisations comme celles de la firme américaine Allen dans ses dernières productions ne méritent-elles pas l’attention? Si oui, l’extension du concept d’orgue à ces instruments nouveaux de qualité devrait-elle entraîner la redéfinition de sa compréhension? Pourquoi pas? La nature de l’orgue, conçue dans toute son ampleur logique et ses différences analogiques impliquerait-elle nécessairement la présence de tuyaux? Des jeux de synthèse ajoutés sur un instrument traditionnel obligeraient-ils à choisir, pour de tels instruments, une nouvelle dénomination? Seul l’avenir apportera une réponse. D’ores et déjà, des colloques sur l’orgue et la lutherie électronique rendent compte des recherches techniques et esthétiques effectuées dans ce domaine (Saint-Rémy-de-Provence, sept. 1989); ainsi le jumelage de sons de synthèse et de sons acoustiques donne-t-il lieu à des essais comparatifs: par exemple, mariage d’un bourdon 8 en jeu manuel et d’un 16 de synthèse à la pédale – ce qui peut intéresser le possesseur d’un orgue positif personnel. Selon Pierre-Yves Asselin et Christian Bigaud, auteurs de l’expérience, «le 16 synthétisé vient se marier à la perfection au jeu acoustique et le réalisme devient impressionnant, laissant croire à l’emploi d’une véritable soubasse de 16 ».

Dans La Structure des révolutions scientifiques (1961), Thomas Kühn présente l’histoire des sciences comme une succession de périodes, que séparent des crises. D’une période à la suivante s’opère un changement de paradigme, à savoir d’un ensemble de principes qui structurent, plus ou moins consciemment, la manière de connaître la réalité à étudier et, en conséquence, la façon d’agir éventuellement sur elle. La création artistique n’obéirait-elle pas, analogiquement, à une telle loi d’évolution? Ne pourrait-on transposer avec profit cette conception théorique à l’étude de l’histoire de l’orgue? N’y a-t-il pas eu, en effet, des paradigmes artistiques plus ou moins féconds, qu’il serait bon d’isoler, afin de mieux rendre raison des jugements esthétiques portés sur une époque particulière? Quelles que soient les continuités essentielles qui assurent la pérennité de l’orgue dans sa substance, la structure de l’orgue baroque, par exemple, diffère suffisamment de celle de l’orgue romantique pour qu’il soit judicieux d’affirmer une dualité paradigmatique manifeste. La question épistémologique reste ouverte. La création d’un style provoque la destruction, au moins partielle, d’éléments majeurs constitutifs des styles antérieurs. Le progrès en art n’obéit pas aux règles quantitatives de l’addition. La rupture constatée ne s’explique pas non plus par une simple soustraction. Ainsi, le rapport entre continuité et discontinuité stylistique pose-t-il aux historiens de l’art la question de leur rationalité, qui oblige à interroger l’essence même de l’instrument. «Il y a dans le monde de l’art beaucoup plus de choses réelles que notre philosophie n’en saurait imaginer» (Étienne Gilson, Matières et Formes , 1964).

Il n’y a jamais eu autant d’organistes qu’en cette fin de XXe siècle, ni autant de récitals, ni autant d’académies de formation à visées nationales ou internationales. Depuis la fin des années 1960, le nombre des classes d’orgue nouvellement créées a fortement augmenté en France dans les conservatoires, et un phénomène comparable est constaté dans la plupart des pays occidentaux. Avec la soif de culture musicale qui le caractérise, le Japon accueille la production de nombreux facteurs européens, spécialement allemands et français. Un tel essor semblera paradoxal: tandis que le service liturgique traditionnel aurait pu entraîner la réduction du nombre des organistes, à la suite de la relative diminution de la pratique religieuse chrétienne, tant protestante que catholique, qui assurait traditionnellement leur emploi, c’est une évolution inverse qui s’est produite. Ainsi l’orgue a-t-il vu, peu à peu, modifier une image de marque, qui en faisait trop exclusivement un instrument sacré, confiné dans le domaine réservé au culte. Plus que jamais, l’orgue est devenu multiple.

De la tablature de Robertsbridge (1325 env.) ou du Fundamentum Organisandi de Conrad Paumann (1410 env.-1473) et du Buxheimer Orgelbuch (1560 env.) jusqu’au Livre d’orgue d’Olivier Messiaen, aux Préludes de Jean-Pierre Leguay ou à la série Organum de Xavier Darasse, l’orgue, par sa pléiade de créateurs, a reçu une abondante littérature destinée à le mettre en valeur, et les facteurs, époque après époque, ont adapté ses voix et ses mécanismes aux manières renouvelées de sentir et d’imaginer la musique, que proposaient les compositeurs et les improvisateurs. Il semble vain, toutefois, de se demander lequel, du musicien ou du facteur, précède l’autre dans la recherche stylistique en devenir. L’interrelation demeure, sans nul doute, la loi profonde. Ici comme en bien d’autres domaines, la réciprocité causale manifeste sa fécondité. Les chefs-d’œuvre de la facture des siècles passés, quand ils ont pu traverser les décennies qui nous séparent d’eux sans subir trop de mauvais traitements dus en général à l’ignorance plus qu’à la malveillance, n’ont pas fini de susciter l’admiration des amateurs et l’intérêt des organologues. Leur préservation soigneuse s’avère indispensable, y compris lorsque le goût présent ne s’exprime plus en consonance esthétique avec ce qui leur a valu autrefois le succès. Des associations nationales nombreuses s’attachent désormais à la sauvegarde de ce patrimoine, et elles s’emploient, à la mesure de leurs moyens, à favoriser la connaissance approfondie de l’histoire de la facture, qui se révèle nécessaire pour éclairer les jugements de conservation des trésors instrumentaux confiés aux générations présentes.

orgue [ ɔrg ] n. m.
• 1155; lat. ecclés. organum REM. Depuis le XVIIIe s., masc. au sing. et fém. au plur. quand il désigne un seul instrument.
I
1Instrument de musique à vent, composé de nombreux tuyaux que l'on fait résonner par l'intermédiaire de claviers, en y introduisant de l'air au moyen d'une soufflerie. « L'orgue [...] est un orchestre entier, auquel une main habile peut tout demander, il peut tout exprimer » (Balzac). Buffet, coffre, sommier, laye, porte-vent, console d'un orgue. Claviers (bombarde, positif, récit, etc.), pédalier, registres, tirasse, touches de l'orgue. Pédale, tuyaux d'orgue. Jeux d'orgue (à anches, de flûte, de bourdon). Tablature d'orgue. Facteur d'orgues. Toccata pour orgue. L'orgue, les grandes orgues (d'une église). Orgue de chœur, orgue de tribune. Tribune d'orgues; ellipt Monter aux orgues, à l'orgue (généralement au fond de la grande nef, au-dessus du portail principal). Joueur d'orgue. organiste. « maintenant, elle tient l'orgue de la chapelle chaque Dimanche » (A. Gide).
Orgue portatif. 2. positif. (par altér. de Barberi, n. d'un facteur d'orgues de Modène) Orgue de Barbarie : instrument mobile dont on joue au moyen d'une manivelle qui actionne le soufflet et fait tourner un cylindre noté réglant l'admission de l'air dans les tuyaux. Orgue limonaire.
(1868) Orgue électrique (sans tuyau),muni d'amplificateurs et de haut-parleurs, et produisant les sons au moyen de circuits électriques. Orgue électronique, produisant les sons à l'aide de circuits électroniques ou de dispositifs numériques. Anciennt Orgue de cinéma : orgue électrique composé de certains jeux particuliers, soumis à un constant trémolo.
2 ♦ POINT D'ORGUE : prolongation de la durée d'une note ou d'un silence laissée à l'appréciation de l'exécutant; signe (noté ), qui, placé au-dessus d'une note ou d'un silence, marque ce temps d'arrêt. Fig. Cette visite « s'achevait en point d'orgue dans la chambre du colonel » (Duhamel).
IIPar anal.
1(1485) Ancienne pièce d'artillerie composée de plusieurs canons de mousquets montés parallèlement sur un affût. ribaudequin.
Orgues de Staline : engin soviétique multitube lançant des obus autopropulsés (pendant la Deuxième Guerre mondiale).
2(XIXe) Géogr. Orgues basaltiques : coulées de basalte en forme de tuyaux d'orgue serrés les uns contre les autres. ⇒ colonnade; chaussée.
3(1752) Zool. Orgue de mer. tubipore.

orgue nom masculin (latin organum, du grec organon, instrument) Instrument de musique constitué d'un certain nombre de tuyaux résonnant par l'intermédiaire d'un ou plusieurs claviers et d'un pédalier sous la pression du vent contenu dans des soufflets. Engin composé de plusieurs petits canons montés côte à côte sur un même affût, permettant un tir quasi simultané (XVe et XVIIe s.). ● orgue (difficultés) nom masculin (latin organum, du grec organon, instrument) Genre et nombre Masculin : un orgue du XVIIesiècle ; les orgues de ces trois églises sont neufs. - Le mot est aussi employé au féminin pluriel pour désigner un instrument unique, notamment dans l'expression figée grandes orgues : « Car M. Dorval habitait Rouen, où il tenait à Saint-Ouen les grandes orgues que venait de livrer Cavaillé-Coll »(A. Gide). Orthographe On écrit le plus souvent orgue au singulier dans jeu d'orgue, buffet d'orgue, tuyau d'orgue et au pluriel dans facteur d'orgues. ● orgue (expressions) nom masculin (latin organum, du grec organon, instrument) Grand orgue, ensemble d'un orgue de tribune, par opposition à un orgue de chœur. Orgue de Barbarie (de Barberi, fabricant d'orgues de Modène), orgue mécanique des musiciens ambulants dans lequel une manivelle actionne 2 soufflets et fait tourner un cylindre muni de pointes métalliques agissant sur des soupapes réglant l'ouverture ou la fermeture des tuyaux. (À la fin du XIXe s., des bandes de carton perforé remplacèrent le cylindre de bois.) Orgue à bouche, instrument à air composé de tuyaux de roseau munis chacun d'une anche libre et réunis à la base dans un réservoir en courge ou en bois alimenté par un joueur. (On le trouve en Asie du Sud-Est, Chine, Corée, Japon.) Orgue électronique, instrument imitant la sonorité de l'orgue d'église ou produisant des sons originaux grâce à des signaux électriques, amplifiés et actionnant des haut-parleurs. Orgue hydraulique, synonyme de hydraule. Orgue de mer, synonyme de tubipore. ● orgue (homonymes) nom masculin (latin organum, du grec organon, instrument) orgues nom féminin plurielorgue (synonymes) nom masculin (latin organum, du grec organon, instrument) Engin composé de plusieurs petits canons montés côte à côte...
Synonymes :
- ribaudequin
Orgue hydraulique
Synonymes :
- hydraule
Zoologie. Orgue de mer
Synonymes :
- tubipore

orgue
n. m. au Sing., et au Plur. lorsque le mot désigne plusieurs instruments; n. f. au Plur. (souvent emphatique) lorsque le mot désigne un seul instrument.
rI./r
d1./d Grand instrument à vent composé de tuyaux de différentes grandeurs, d'un ou de plusieurs claviers et d'une soufflerie. Un bel orgue. Les grandes orgues de la cathédrale.
|| Orgue électrique, électronique: instrument à clavier, sans tuyaux, dans lequel le son est produit par un signal électrique convenablement amplifié et modulé.
|| Orgue de Barbarie: orgue mécanique portatif.
d2./d Point d'orgue: prolongation de la durée d'une note ou d'un silence, laissée à la discrétion de l'instrumentiste; signe (symbole indisponible ici) indiquant cette prolongation.
rII./r PETROG Orgues basaltiques: formation prismatique de basalte, rappelant les tuyaux d'un orgue.

⇒ORGUE, subst. masc.; ORGUES, subst. masc. ou fém. plur.
A. —Domaine de la mus.
1. Instrument à vent puissant et complexe, utilisé depuis des siècles dans les églises, souvent de grandes dimensions, possédant un (ou plusieurs) clavier(s) manuel(s) et un clavier de pédales, dont les touches commandent le passage de l'air, envoyé par une soufflerie et emmagasiné dans les sommiers, vers des tuyaux de taille décroissante disposés par jeux, que l'on peut combiner les uns avec les autres, et qui ont chacun un timbre différent. Buffet, tuyaux d'orgue; jeux d'un orgue; facteur d'orgue; concert d'orgue; jouer de l'orgue, toucher l'orgue. L'orgue succède aux chants; il roule, et répercute dans les profondeurs de la nef, ses ondes graves ou sonores (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p.134). V. déchaînement B 2 ex. de Moselly:
1. L'orgue est certes le plus grand, le plus audacieux, le plus magnifique de tous les instruments créés par le génie humain. Il est un orchestre entier, auquel une main habile peut tout demander, il peut tout exprimer.
BALZAC, Langeais, 1834, p.202.
Rem. 1. Le mot s'emploie parfois au fém. plur., surtout dans la loc. les grandes orgues, où il désigne de façon plus solennelle un instrument unique. On parla des orgues de la cathédrale, qui avaient besoin d'être réparées (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p.1023). J'ai autant d'aise à me trouver ici qu'à son clavier l'organiste des grandes orgues (ROMAINS, Knock, 1923, III, 6, p.18). 2. ,,Le pluriel orgues est également du masculin quand il désigne plusieurs instruments`` (GREV. 1969, § 262).
Cabinet d'orgue. Synon. de buffet d'orgue. V. buffet II B 1. Synon. anc. de orgue de Barbarie (infra A 3 b). (Ds LITTRÉ, GUÉRIN 1892).
Grand orgue ou grandes orgues. Orgue le plus important d'une église, placé souvent dans une tribune au fond de l'église, par opposition à petit orgue ou orgue de choeur, orgue de dimensions restreintes, souvent placé dans le choeur. Le Gloria in excelsis divisé entre le grand et le petit orgue, l'un chantant seul et l'autre dirigeant et soutenant le choeur, exultait d'allégresse (HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p.51).
Tribune de l'orgue, des orgues et p. ell. orgue(s). Tribune où est placé le grand orgue d'une église (habituellement au fond de la grande nef, au-dessus du portail principal). Il ouvrit la petite porte de la tour par où l'on monte aux orgues, et nous nous mîmes à grimper dans les ténèbres (ERCKM.-CHATR., Conscrit 1813, 1864, p.29).
Loc. et expr.
Loc. verb. Ronfler comme un/des (tuyau(x) d')orgue(s). Bourdonner, ronfler bruyamment et régulièrement. Labouise se réveilla et, secouant son camarade, qui ronflait comme un orgue (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Âne, 1883, p.379). Les abeilles lourdes de butin, qui ronflent comme des tuyaux d'orgues (ROLLAND, J.-Chr., Antoinette, 1908, p.836). Le petit poêle à pétrole qui ronflait comme un tuyau d'orgue (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p.286).
Expr. Disposition en tuyaux d'orgue. ,,Disposition rappelant les hauteurs décroissantes des tuyaux d'un orgue`` (Ac. 1935). Fam. Ils sont comme des tuyaux d'orgue. ,,Se dit, par une espèce de proverbe, De plusieurs enfants qui sont tous d'une taille inégale`` (Ac. 1835, 1878).
P. métaph. Devant la fenêtre baignée d'un clair de lune, soudain il me sembla que le doigt de Dieu effleurait le clavier de l'orgue universel (BERTRAND, Gaspard, 1841, p.46). Le vent souffle dans les branches. Son orgue a les pins pour tuyaux (CROS, Coffret santal, 1873, p.11).
2. HIST. DE LA MUS.
a) Orgue hydraulique. Orgue en usage dans l'Antiquité et chez les Romains, dans lequel l'air était poussé par la pression de l'eau. [Néron] affectait de ne s'occuper que de certains instruments de musique, nouvellement inventés, et en particulier, d'une espèce d'orgue hydraulique (RENAN, Antéchrist, 1873, p.307). Une plainte continue monte du fond des ergastules. Les sons doux et lents d'un orgue hydraulique alternent avec les choeurs de voix (FLAUB., Tentation, 1874, p.27).
b) Orgue pneumatique. Orgue dans lequel l'air était chassé dans les tuyaux par des soufflets et qui remplaça l'orgue hydraulique au IVe s. de notre ère. Les crises sonores de coqueluche des orgues pneumatiques (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.251).
c) Orgue portatif, positif.
3. P. anal.
a) [Instruments à clavier]
Orgue expressif. Instrument du début du XIXe s., combinant les tuyaux et les anches libres, et qui fut l'ancêtre de l'harmonium. Elle s'appuyait à son bras avec de longs soupirs d'orgue expressif: «Ah! docteur, c'est beau la jeunesse!» (A. DAUDET, Jack, t.2, 1876, p.272):
2. ... l'expression [est un jeu de l'harmonium], qui permet d'augmenter ou diminuer l'intensité [sonore] par la pression des pieds sur la soufflerie, et auquel l'instrument doit son nom d'orgue expressif.
LAVIGNAC, Mus. et musiciens, 1895, p.111.
Orgue de cinéma. Orgue électrique en usage naguère dans les salles de cinéma et dont les jeux sont soumis à un constant trémolo. (Ds ROB., Pt ROB., Lar. Lang. fr.).
Orgue électrique. Instrument muni de hauts-parleurs et d'amplificateurs, dont les sons imitant les jeux de l'orgue, sont produits par des circuits électriques. Cette année voit se développer [dans les catalogues de vente par correspondance], à tous les niveaux de prix, les instruments de musique, de la flûte à l'orgue électrique, voire électronique (Le Monde, 1er déc. 1983, p.16, col.3).
Orgue électronique. Instrument produisant des sons synthétiques grâce à des circuits oscillants. Les constructeurs d'orgues électroniques ont pris pour but de créer un instrument qui remplacerait entièrement les véritables orgues à tuyaux (...). À l'aide de générateurs électroniques de courants en dent-de-scie, qui produisent des sons riches en harmoniques supérieurs, ils ont réussi à imiter parfaitement le son des tuyaux d'orgue (A. BUCHNER, Encyclop. des instruments de mus., trad. par B. Faure, Paris, Gründ, 1982, p.334).
b) [Autres instruments]
Orgue de Barbarie, orgue (à manivelle, à cylindre). Orgue mécanique, habituellement de petites dimensions, portatif ou monté sur roues, dans lequel une manivelle met en rotation un cylindre noté ou une bande de carton perforée et actionne le soufflet, dont jouent les musiciens ambulants. Synon. limonaire, cabinet d'orgue (vieilli, supra 1). Il avait chez lui (...) un orgue de Barbarie avec des airs nouveaux et des cylindres de rechange (SAINTE-BEUVE, Volupté, t.1, 1834, p.92). Un joueur d'orgue étonna. Tant de musiques vivantes sortaient de sa boîte somptueuse à panneaux de soie rouge, entre lesquels une image exposait un cheval blanc sous un homme (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.1).
Orgue à bouche. Instrument à vent d'origine asiatique très ancienne, fondé sur le principe de l'anche libre, très fine donc très sensible, dont les tuyaux sont perpendiculaires à l'embouchure. J'ai vu les prêtres (...) offrir le sacrifice du matin aux sons de la flûte et de l'orgue à bouche (CLAUDEL, Connaiss. Est, 1907, p.82). Le réservoir d'air des (...) orgues à bouche de Chine (SCHAEFFNER, Orig. instrum. mus., 1936, p.47).
4. Point d'orgue
a) Prolongation de la durée d'une note ou d'un silence et, p. méton., signe composé d'un point surmonté d'un arc de cercle, et indiquant la prolongation de cette note. Brusquement, la course s'arrête. À pas feutrés, pp., sur la pointe des pieds —avec les notes de la basse piquées —la marche reprend, hésite, se ralentit — poco ritard., —fait halte, sur deux points d'orgue, dont le second, qui passe du majeur au mineur, dénote l'incertitude... (ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.135).
P. métaph. [Ceci] détermina un «ah!» de soulagement, éternisé en point d'orgue (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 6e tabl., III, p.250).
b) Au XVIIIe s., signe placé sur un accord de sixte ou de quarte de la dominante et annonçant une cadence improvisée. Le lasciatemi fare (je me charge de tout) de Rossini avec ses chanteurs en est venu à ce point, que ceux-ci n'ont plus même la faculté de composer le point d'orgue (STENDHAL, Rossini, t.2, 1823, pp.114-115).
B.P. anal. (d'aspect avec les tuyaux)
1. ART MILIT.
a) HISTOIRE
Orgue(s) (de mort) (parfois au fém.). Ensemble de pieux de bois mobiles servant à clore la porte d'une ville, d'une place. Synon. sarrasine. Le pont-levis (...) faisait (...) l'office d'un large bouclier opposé à l'ennemi; mais celui-ci (...) pouvait parvenir à l'abaisser. Il fallut donc opposer un autre obstacle. Ce fut la herse (...) ou bien un système de pieux indépendants; cette seconde espèce de clôture se nommait une orgue (MÉRIMÉE, Ét. arts Moy. Âge, 1870, p.237).
Engin constitué par un assemblage de plusieurs bouches à feu de petit calibre montées parallèlement sur le même affût. Synon. ribaudequin. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) Orgues de Staline. Engin constitué de tubes multiples lançant des projectiles autopropulsés et utilisé d'abord par l'armée soviétique durant la Seconde Guerre mondiale. L'attaque a été lancée à 11 heures précises (midi à Paris) par des éléments d'infanterie motorisée. L'action était appuyée par de l'artillerie, notamment par des «orgues de Staline» (Le Monde, 25 juin 1983, p.4, col. 1).
2. GÉOL. Prismes verticaux parallèles, formés lors du refroidissement d'une coulée basaltique et dont la disposition en colonnes imite l'aspect des tuyaux d'orgues. Orgues basaltiques. Ces prismes, isolés et mis en évidence par les érosions, forment les orgues géologiques du Puy et du Cantal (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p.122). Orgues et tables de lave de la Limagne (MORAND, Excurs. immob., 1944, p.49):
3. Vu des orgues de Bort; dans un immense et puissant cirque fait de ballons et de longues coulées en plateau, le Puy pose ses rochers surprenants et sveltes couronnés d'églises...
BARRÈS, Cahiers, t.2, 1898, p.63.
3. Orgue de mer. ,,Espèce de madrépore qui offre un assemblage de petits tuyaux rangés par étages les uns contre les autres`` (Ac. 1835, 1878). Synon. sc. tubipore.
REM. Orgue(-)mélodium, (Orgue mélodium, Orgue-mélodium)subst. masc. Instrument à clavier dont la sonorité résulte de la vibration d'anches métalliques libres, sur lesquelles passe un courant d'air produit par un soufflet que font agir les pieds de l'exécutant (d'apr. BERLIOZ, Instrument., 1844, p.290). Un amateur, qui avait entendu louer en maint endroit les orgues mélodium d'Alexandre, voulut en offrir un à l'église du village qu'il habitait (BERLIOZ, Grotesques, 1859, p.64). L'on voit dans un coin un orgue-mélodium avec voix d'anges, dont l'auteur de l'Assommoir tire des accords à la tombée de la nuit (GONCOURT, Journal, 1881, p.117).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) ) Ca 1155 mus. «grand instrument à vent, composé de nombreux tuyaux que l'on fait résonner par l'intermédiaire de claviers, en y introduisant de l'air au moyen d'une soufflerie» (WACE, Brut, 10421 ds T.-L.); ) 1636 point d'orgue «signe placé au-dessus d'une note pour marquer un temps d'arrêt qui suspend la mesure pour une durée qui peut être prolongée à volonté» (M. MERSENNE, Harmonie universelle, Traitez des consonances, p.319); 1690 «temps d'arrêt qui suspend la mesure sur une note dont la durée peut être prolongée à volonté» (FUR.); ) 1684 orgue «tribune, élevée au fond d'une église, où se trouve l'orgue» (FURETIÈRE, Essais d'un dict. universel); b) 1269-78 orgue ... portable (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 21007-21008); ca 1370 orgue portative (JEAN LEFÈVRE, Lamentations Matheolus, III, 2944 ds T.-L.); c) 1514 orgue hydraulique ([A. BOUCHART] Les Grandes chroniques de Bretaigne, Paris, Galliot du Pré, f°112 r°: orgues ydranlicques [sic]); d) 1702 orgue de Barbarie (Hist. de l'Ac. royale des sciences, éd. 1720, p.137); e) 1811 orgue expressif (Magasin encyclop., t.6, p.74); 2. a) ) 1485 orgue «pièce d'artillerie composée de plusieurs canons de mousquets montés sur un affût» (doc., Lille ds GAY); ) 1949 orgues de Staline (Nouv. Lar. univ.); b) 1660 fortif. (OUDIN d'apr. FEW t.7, p.409b); c) 1680 «tuyau métallique conduisant l'eau des faux ponts dans les mailles de la cale, d'où elle est épuisée» (RICH.); d) 1752 orgue de mer (Trév.); e) 1874 orgues géol. (Lar. 19e). Empr. au lat. eccl. organum «orgue (à vent)» (BLAISE Lat. chrét.), en lat. class. «instrument de musique» et «orgue hydraulique», sens issu du sens plus gén. de «instrument», v. aussi organe. Le lat. organum est lui-même empr. au gr. «instrument; instrument de musique». L'a. fr. connaît également les formes organe (1re moitié du XIIe s., Psautier Oxford, 136, 2 ds T.-L.), orgene (ca 1170, Rois, éd. E. R. Curtius, p.71). Fréq. abs. littér.:962. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 1021, b) 1492; XXe s.: a) 2049, b) 1186. Bbg. Archit. 1972, p.172. —BRÜCKER (Fr.). Die Blasinstrumente in der altfranzösischen Literatur. Giessen, 1926, p.61. —QUEM. DDL t.10, 16.

orgue [ɔʀg] n. m.
ÉTYM. 1155; lat. ecclés. organum, du grec organon. → Organe. REM. Le genre de orgue a été flottant depuis le moyen âge et n'a commencé à se fixer qu'au XVIIIe s. (1740). De nos jours, orgue est normalement masculin au singulier (« l'orgue de telle église est excellent », Académie), comme au pluriel (cet orgue est un des meilleurs qu'on puisse entendre). Le féminin pluriel désignant un ou plusieurs instruments, s'emploie souvent avec une valeur emphatique; il est usuel dans le syntagme grandes orgues. Les six mille tuyaux des grandes orgues de Notre-Dame. Les grandes orgues de nos cathédrales.
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I
1 Grand instrument à vent, composé de nombreux tuyaux (de bois, d'étain ou de zinc) que l'on fait résonner, par l'intermédiaire d'un ou plusieurs claviers, en y introduisant de l'air au moyen d'une soufflerie alimentée par des pompes à main, à pied, ou, le plus souvent de nos jours, des ventilateurs électriques (orgues électropneumatiques). || Buffet, coffre, sommier d'un orgue. || Console mobile des grandes orgues modernes. || Cabinet d'orgue : menuiserie de l'orgue (ellipt. : un bel orgue, de belles orgues sculptées).Laie (3. Laie), porte-vent d'un orgue.Claviers (bombarde, positif, récit…), pédalier, registres, tirasse, touches de l'orgue.Pédale d'orgue. || Jeux d'orgue, qui comprennent : les jeux à anches (bombarde, cromorne, régale, trompette…); les jeux de fond(s) ou jeux à bouches divisés eux-mêmes en jeux de flûte ou jeux ouverts (contrebasse, prestant, salicional, violon, violoncelle, voix céleste…) et en jeux de bourdon ou jeux bouchés. || Jeux de mutation d'un orgue (cornet, fourniture, nasard, larigot…). || Tuyau d'orgue.Facteur (fabricant) d'orgues. || Orgues fausses, mal accordées (cit. 9).Vx. || Souffler à l'orgue. || Souffleur d'orgues.Jouer de l'orgue. Organiste. || Organiste qui tient l'orgue à la chapelle (→ Improvisation, cit. 8). || Plaquer un accord (cit. 23) sur l'orgue. || Concert spirituel à l'orgue. || Toccata pour orgue. || Concerto pour orgue et orchestre.(Dans une église). || Tribune d'orgues, et, ellipt, monter aux orgues, à l'orgue (généralement au fond de la grande nef, au-dessus du portail principal).
1 L'orgue est certes le plus grand, le plus audacieux, le plus magnifique de tous les instruments créés par le génie humain. Il est un orchestre entier, auquel une main habile peut tout demander, il peut tout exprimer.
Balzac, la Duchesse de Langeais, Pl., t. V, p. 132.
2 Éclairé par la faible lampe de l'orgue (…) M. Maillet (…) demandait : « Ça va, la pompe ? Rien aux soupapes ? Et la tirasse ? » Athanase le rassurait sur la pompe, sur les soupapes, sur la tirasse, en chuchotant (…) M. Maillet ouvrait toutes grandes aux souffles de l'orgue les puissances de la bombarde, du basson et de la trompette triomphale. Un torrent de sons ruisselait du plein jeu de ces forces déchaînées, dont la vibration, sous nos pieds, faisait trembler la galerie suspendue dans le vide, où se hérissaient les tuyaux innombrables de l'orgue (…) L'office finissait (…) M. Maillet en prolongeait, comme un long écho, la solennité, en réveillant alors le souffle docile des orgues; mais il n'en venait plus un torrent de sons éclatants, car, à mesure que les prêtres s'éloignaient du chœur vers la sacristie, on entendait d'abord chanter la cornemuse, puis la doublette, puis le larigot, enfin, après un trait de hautbois, fort champêtre, la « Voix céleste ».
H. Bosco, Antonin, p. 227, 228, 229.
Orgue hydraulique (des premiers siècles de notre ère), où la soufflerie était mise en mouvement par un système de compression d'eau.Orgue portatif (orgues portatives, 1370), ancien orgue de petite taille. 2. Positif (1.).(1836, in D. D. L.). Vx. || Orgue expressif; orgue de salon. Harmonium.
Orgue de Barbarie (par altér. de Barberis, nom d'un fabricant d'orgues de Modène), orgue à cylindre (1811); orgue mécanique (→ Hennissement, cit. 3) des musiciens ambulants, dont on joue au moyen d'une manivelle (cit.) qui actionne le soufflet et fait tourner un cylindre noté réglant l'admission de l'air dans les tuyaux. || Orgue de Barbarie qui joue (cit. 54) une valse. || Orgue mécanique modèle réduit. Serinette. || Orgue limonaire (cit. 1).Absolt. || Orgue qui moud (cit. 4) un vieil air (→ 1. Geindre, cit. 5). || Joueur d'orgue.
3 Un de ces orgues de Crémone avec jeu de trompettes et batterie de tambour, que les Italiens promènent dans les rues, posés sur une petite voiture attelée d'un cheval, était adossé à la muraille, et sa manivelle tournée par un moujik faisait entendre nous ne savons plus quel air d'opéra à la mode.
Th. Gautier, Voyage en Russie, XVI.
4 Puis, tout à coup, ainsi qu'un ténor effaré
Lançant dans l'air bruni son cri désespéré,
Son cri qui se lamente, et se prolonge, et crie,
Éclate en quelque coin l'orgue de Barbarie :
Il brame un de ces airs, romances ou polkas,
Qu'enfants nous tapotions sur nos harmonicas
Et qui font, lents ou vifs, réjouissants ou tristes,
Vibrer l'âme aux proscrits, aux femmes, aux artistes.
C'est écorché, c'est faux, c'est horrible, c'est dur,
Et donnerait la fièvre à Rossini, pour sûr (…)
Verlaine, Poèmes saturniens, « Nocturne parisien ».
2 (1868, in Année sc. et industr. 1869, p. 425). || Orgue électrique : instrument à clavier, d'une sonorité analogue à celle de l'orgue, muni d'amplificateurs et de haut-parleurs, et produisant les sons au moyen de circuits électriques.Orgue électronique, radioélectrique, fonctionnant avec des oscillateurs à lampes. || Orgue de cinéma : orgue électrique « composé de certains jeux particuliers, soumis à un constant trémolo » (Arma-Thiénot, Dict. de musique). aussi Onde (ondes Martenot).
3 Par compar.Ronfler comme un tuyau d'orgue.Par métaphore. || L'orgue des vents (→ Grondeur, cit. 5). || Voix d'orgue (→ Gronder, cit. 19).
5 Les plus belles orgues sont celles du vent. Il faut, pour les entendre, écouter le mistral chanter sa grandeur guerrière sur le pont suspendu entre deux murailles rocheuses, au défilé de Donzère.
M. Constantin-Weyer, Source de joie, VII.
Loc. fig. Fam. Faire donner les grandes orgues, parler avec emphase.
4 Point d'orgue : temps d'arrêt qui suspend la mesure sur une note dont la durée peut être prolongée à volonté; signe () placé au-dessus d'une note pour marquer ce temps d'arrêt.
Par métaphore :
6 Cette visite allegro, s'achevait en point d'orgue dans la chambre du colonel.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, V, « Mémorial de Cauchois ».
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II Par anal. d'aspect avec l'orgue (I., 1.).
1 (1485). Ancienne pièce d'artillerie composée de plusieurs canons de mousquet sur un affût.Mod. || Orgues de Staline : engin soviétique multitubes lançant des obus autopropulsés (pendant la Deuxième Guerre mondiale).
2 (XIXe). || Orgues basaltiques : coulées de basalte en forme de tuyaux d'orgue serrés les uns contre les autres. Colonne; chaussée. || Les orgues de Bort (→ Fond, cit. 4), de Fingal.
3 (1752). Zool. || Orgue de mer. Tubipore.
DÉR. Orguette. — (Du même rad.) Organier, organiste.

Encyclopédie Universelle. 2012.