romantique [ rɔmɑ̃tik ] adj.
1 ♦ Vx Touchant comme dans les romans, en parlant d'un lieu, de la nature. « Les rives du lac de Bienne sont plus sauvages et romantiques que celles du lac de Genève » (Rousseau).
2 ♦ (1804; all. romantisch) Relatif à la littérature inspirée de la chevalerie et du christianisme du Moyen Âge (opposé à classique). « la poésie romantique [est] celle qui tient de quelque manière aux traditions chevaleresques » ( Mme de Staël).
♢ (1820) Mod. Qui appartient au romantisme. Poésie, littérature, peinture, musique romantique. Subst. Les classiques et les romantiques.
♢ Relatif à l'époque du romantisme. Mode, meuble romantique.
3 ♦ Qui évoque les attitudes et les thèmes chers aux romantiques (sensibilité, exaltation, rêverie, etc.). « il avait une belle tête romantique, passionnée et ravagée comme on peut se figurer celle de Faust » (Gautier). « le vieux quartier resterait comme il était, un endroit romantique, des ruines à la Chateaubriand » (Aragon).
⊗ CONTR. Classique. Réaliste.
● romantique adjectif (anglais romantic, romanesque) Propre au romantisme ou qui s'y rapporte : La littérature romantique. Qui rappelle les goûts, l'époque romantiques : Coiffure romantique. Qui manifeste une prédominance d'idéalisme et de sentimentalité : Un penchant romantique pour la solitude. Qui, par nature, touche la sensibilité et l'imagination, invite à l'émotion et à la rêverie, à l'expression des sentiments : Les sites romantiques de la vallée du Rhin. ● romantique (synonymes) adjectif (anglais romantic, romanesque) Qui manifeste une prédominance d'idéalisme et de sentimentalité
Synonymes :
- exalté
- mélancolique
- mystérieux
- passionné
- rêveur
Contraires :
● romantique
adjectif et nom
Qui se réclame du romantisme : Les classiques et les romantiques.
Chez qui la sensibilité et l'imagination l'emportent sur les qualités pratiques, qui a une conception idéaliste de la vie : Un adolescent romantique.
● romantique (difficultés)
adjectif et nom
Orthographe
Les romantiques, sans majuscule, pour désigner les écrivains, les artistes romantiques (comme pour les précieuses du XVIIes.).
romantique
adj. et n.
d1./d ART Qui a rapport au romantisme, qui lui est propre. Période romantique. Littérature romantique. Les poètes, les peintres romantiques.
|| n. m. Les romantiques du XIXe s.
d2./d Qui évoque les thèmes du romantisme. Site romantique.
d3./d Cour. (Personnes) Qui est sentimental et passionné. Une jeune fille romantique.
⇒ROMANTIQUE, adj. et subst.
A. — [Fin du XVIIIe et 1re moit. du XIXe s.] Adj.
1. [En parlant d'un trait hum.] Rare. Qui évoque l'atmosphère ou les personnages d'un roman par son caractère extraordinaire, exalté, fortement imaginatif. Synon. romanesque1 (v. ce mot B 1, 3). Je m'étais fait, du cloître, de sa solitude et de son silence, les idées grandes ou romantiques que mon active imagination pouvait enfanter. Plus son séjour était auguste, plus il convenait aux dispositions de mon ame touchée (Madame ROLAND, Mémoires particuliers, t. 1, 1820 [1793], p. 34). Il y avoit dans sa beauté je ne sais quoi de romantique et de fabuleux (...). C'est d'après son image, présente à ma pensée, que j'ai peint autrefois la Bergère des Alpes (MARMONTEL, Mémoires, t. 1, 1891 [1799], p. 267).
2. [En parlant d'un paysage, d'un lieu] Qui évoque les descriptions des romans par son charme pittoresque, qui séduit le regard et touche la sensibilité par ses aspects variés, singuliers, qui dispose à une douce rêverie, à des émotions tendres, mélancoliques, par sa solitude tranquille. Paysage, site romantique. Des nymphes et des satyres chantent dans une grotte qu'il faut peindre bien romantique, pittoresque (CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 251):
• 1. ... je vis dans un fond les masses romantiques du château de Saché, mélancolique séjour plein d'harmonies, trop graves pour les gens superficiels, chères aux poètes dont l'âme est endolorie. Aussi, plus tard, en aimai-je le silence, les grands arbres chenus, et ce je ne sais quoi mystérieux épandu dans son vallon solitaire!
BALZAC, Lys, 1836, p. 32.
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui produit une impression vive sur la sensibilité, ce qui éveille l'imagination, le rêve. Les lieux pleins d'oppositions, de beautés et d'horreur, où l'on éprouve (...) des sentimens rapides, élèvent l'imagination de certains hommes vers le romantique, le mystérieux, l'idéal (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 132).
B. — LITT., ARTS. [Fin du XVIIIe s. et 1re moit. du XIXe s. surtout; corresp. à romantisme B]
1. [À l'origine, à la suite de Schlegel notamment; en parlant de litt., p. oppos. à la litt. class., à l'Antiquité] Adj. Qui trouve son inspiration dans le Moyen Âge, la chevalerie, le christianisme. Selon une femme de génie [Mme de Staël], qui, la première, a prononcé le mot de littérature romantique en France, cette division [en genre classique et genre romantique] se rapporte aux deux grandes ères du monde, celle qui a précédé l'établissement du christianisme et celle qui l'a suivi (HUGO, Odes et ball., 1828, p. 11). V. classique ex. 4:
• 2. De la poésie classique et de la poésie romantique. Le nom de romantique [it. ds le texte] a été introduit nouvellement en Allemagne pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l'origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme. Si l'on n'admet pas que le paganisme et le christianisme, le nord et le midi, l'antiquité et le moyen âge, la chevalerie et les institutions grecques et romaines, se sont partagé l'empire de la littérature, l'on ne parviendra jamais à juger sous un point de vue philosophique le goût antique et le goût moderne.
STAËL, Allemagne, t. 2, 1810, p. 127.
2. [Par la suite]
a) Adjectif
— LITT. Relatif au romantisme (v. ce mot B 2 a).
♦ [En parlant d'une œuvre, de ses thèmes, de son style, etc.] Qui présente les caractères du romantisme, qui se rattache à l'esprit, au temps du romantisme. Art, drame, époque, héros, idées, littérature, œuvre, tragédie romantique(s). On donnait comme l'essence du genre romantique, la spontanéité des idées d'un peuple neuf, (...) ayant une poésie et une littérature purement nationales (...) il suffisait, pour être romantique, de peindre ce que l'on sent, ce que l'on voit, et d'obéir aux préjugés du moment où l'on vit (DELÉCLUZE, Journal, 1827, pp. 381-382). À Londres (...) Chateaubriand (...) s'imprègne des grands thèmes romantiques qui sont à la racine de son génie, la beauté de la nature, le déisme, la mélancolie de l'éphémère, la croyance aux fantômes (MORAND, Londres, 1933, p. 191). V. plumet A 1 d ex. de Zola:
• 3. ... nous ne comprenions pas ce que signifiait ce mot de romantique [it. ds le texte]. (...) vers 1824, (...) on se battait dans le Journal des Débats. Il était question de pittoresque, de grotesque, du paysage introduit dans la poésie, de l'histoire dramatisée, du drame blasonné, de l'art pur, du rythme brisé, du tragique fondu avec le comique, et du moyen-âge ressuscité.
MUSSET, Lettres Dupuis Cotonet, 1836, p. 659.
En partic., STYL. Vers romantique. On appelle vers romantique un vers de douze syllabes, employé surtout par Victor Hugo et depuis lui, qui n'a pas d'accent rythmique sur la sixième syllabe. Ce vers n'a généralement que trois accents rythmiques et (...) trois mesures (GRAMMONT, Versif. fr., 1908, p. 53).
Avec une valeur péj. Le langage [dans Cinq-Mars de M. de Vigny] (...) se plie avec peine à l'inspiration; de là, quelque chose de prétentieux, ou, comme d'autres disent, de romantique (SAINTE-BEUVE, Portr. contemp., t. 2, 1826, p. 542). L'onde azurée d'un lac d'argent, (...) c'est trop romantique à la fin, ce poëte est un idiot, il n'a jamais vu d'argent ni de lac (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p. 18).
♦ [En parlant d'un écrivain] Qui appartient au mouvement littéraire du romantisme. École romantique. Le choix du sujet, du plan, des preuves, du style est dominé chez tous les historiens romantiques par la préoccupation de l'effet (LANGLOIS, SEIGNOBOS, Introd. ét. hist., 1898, p. 261). L'emploi que le poète romantique fait du rêve, comme modèle ou comme source d'inspiration, se distingue (...) il est très explicable que les romantiques les premiers aient ébauché une esthétique du rêve (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 156). Avec une valeur péj. V. bouquetin ex. 2, lacrymatoire II B ex. de Rolland.
♦ [En parlant d'un aspect de la sensibilité] Qui caractérise la façon de sentir et de vivre propre aux adeptes du romantisme. Âme, amour, esprit, goût, individualisme, mélancolie, mouvement, mysticisme, psychologie romantique. Tu as pensé que je m'égarais en de vagues rêveries et que je me laissais entraîner à une imagination romantique. (...) souvent j'aime à me laisser aller à de douces illusions, à nourrir ces délicieuses tristesses (GUÉRIN, Corresp., 1829, p. 25). V. instant A ex. de Barrès:
• 4. L'amour à la Werther ouvre l'âme à tous les arts, à toutes les impressions douces et romantiques, au clair de lune, à la beauté des bois, à celle de la peinture, (...) à la jouissance du beau (...). Ces âmes-là, au lieu d'être sujettes à se blaser (...), deviennent folles par excès de sensibilité comme Rousseau.
STENDHAL, Amour, 1822, p. 230.
— BEAUX-ARTS. Qui est caractéristique du romantisme (v. ce mot B 2 b).
♦ [En parlant d'un mode d'expr., d'une œuvre, d'une qualité] Parc, peinture romantique. L'auteur [de l'Architecte des Jardins] les divise en une infinité de genres (...) le genre mélancolique et romantique, qui se signale par des immortelles, des ruines, des tombeaux, et un « ex-voto à la Vierge, indiquant la place où un seigneur est tombé (...) » (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 44). Une synthèse où Chassériau conciliera (...) la pureté grecque orientalisée par le coloris romantique, la draperie retrouvée dans le burnous, la lumière ranimant l'antique (MAUCLAIR, De Watteau à Whistler, 1905, p. 203).
♦ [En parlant d'un artiste] Peintre romantique. Après Gros, (...) Prud'hon alliant la noblesse de l'antique à la grâce (...), Géricault plus romantique (...) ouvraient des horizons infinis (DELACROIX, Journal, 1863, p. 328). Si être romantique consiste à ne plus dégager de la vie, comme Raphaël, que des assurances de calme et de durée, (...) si c'est au contraire s'exalter au contact de sa course forcenée, précaire et intense, alors Delacroix est romantique (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 227).
— MUS. Qui relève du romantisme (v. ce mot B 2 c).
♦ [En parlant d'une œuvre] Sons romantiques. Dans cette renaissance de 1830, il [Berlioz] représente l'idée musicale romantique: (...) la substitution de formes nouvelles aux invariables rhythmes carrés, la richesse compliquée et savante de l'orchestre, la fidélité de la couleur locale, les effets inattendus de sonorité, la profondeur tumultueuse et shakspearienne des passions, les rêveries amoureuses ou mélancoliques, les nostalgies et les postulations de l'âme (GAUTIER, Hist. romant., 1877 [1872], p. 260).
♦ [En parlant d'un musicien] Beethoven ne se plie pas strictement à la mesure et à l'expression des mots, comme le feront les musiciens romantiques, Schubert, Weber, etc. (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 168).
b) Subst. Écrivain, artiste qui appartient au mouvement du romantisme. Romantiques allemands, français; vieux romantiques. M. Marc Ribert, romantique chevelu, tout de velours habillé et qui ronsardisait (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 174). Rodin, le dernier des grands romantiques, qui semble réunir (...) la puissance lyrique des plus hautes natures du romantisme et l'impuissance structurale (FAURE, Hist. art, 1921, p. 204). Le but des romantiques a été (...) de remplacer l'appel à la raison par le choc nerveux. Weber, Schubert, Schumann, Chopin, Berlioz, expriment tous ce penchant. Avec Wagner, c'est le grand jeu: sensibilité, sentimentalité, intellectualité, mysticité (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 14). V. exposition ex. 4.
— Avec une valeur péj. Je défie les derniers des romantiques de mettre à la scène un drame à panaches; la ferraille du moyen-âge, les portes secrètes, les vins empoisonnés et le reste, feraient hausser les épaules (ZOLA, Th. Raquin, 1878, p. II). Entre classique et romantique la différence est (...) celle que met un métier entre celui qui l'ignore et celui qui l'a appris. Un romantique qui a appris son art devient un classique (VALÉRY, Litt., 1930, p. 105).
c) Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Genre littéraire, artistique qui se rattache au romantisme. Cet esprit nouveau [l'éclectisme], introduit dans la critique, est destiné à concilier le romantique et le classique, comme deux points différents du beau réel (JOUFFROY, Mél. philos., 1833, p. 279). Après 1830, comme ailleurs en Europe, le romantique vient à son tour marquer l'argenterie suédoise, et lui conférer un aspect plus recherché (GRANDJEAN, Orfèvr. XIXe s., 1962, p. 71). V. classique II A 2 b ex. de Hugo et de Balzac.
C. — P. anal., adj.
1. [En parlant d'un écrivain, d'un artiste ou d'une manière de s'exprimer appartenant à une époque autre que celle du romantisme (v. ce mot B)] Qui évoque la sensibilité, l'art des romantiques. C'est [Rembrandt] un génie romantique dans toute la force du mot, un alchimiste de la couleur, un magicien de la lumière (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 55):
• 5. Le romantisme (...) est (...) la faculté de rendre (...) les sentimens qu'on éprouve sans s'embarrasser de ce qui a été dit et pensé avant nous. Personne ne fut plus romantique qu'Homère car personne ne se livra plus franchement à toutes ses impressions (...). Ensuite, il est devenu classique lorsqu'on l'a proposé comme modèle...
CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1833, p. 180.
— Empl. subst. Écrivain qui rappelle un romantique par sa manière de sentir, d'écrire. Une foule de combinaisons d'une certaine originalité scolaire. On découvre ingénieusement un Boileau dans Victor Hugo, un romantique dans Corneille (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 42).
2. a) [En parlant de l'aspect extérieur d'une pers.] Qui évoque la pâleur, la longue chevelure, le costume, etc. des romantiques. Ô cette tête, qui avait été belle avec sa pâleur chaude et ses longs cheveux romantiques (VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 166). Un jeune homme beau, mince, en uniforme très ajusté, et une rose entre les lèvres — une des figures les plus romantiques que l'on pût rêver (DU BOS, Journal, 1925, p. 288).
b) [En parlant de l'aspect extérieur d'une chose] Qui évoque l'esthétique de l'époque romantique, notamment ses joliesses un peu mièvres. Le mauvais goût allemand, qui étale aux devantures des pâtissiers de Bâle de romantiques pièces montées (LORRAIN, Sens. et souv., 1895, p. 272).
3. [En parlant d'un paysage, d'un lieu, d'une atmosphère, d'une époque] Qui évoque les sites, les moments particulièrement recherchés des romantiques, les objets privilégiés de leurs descriptions. Au bord de nos étangs brumeux, dans ce Limousin romantique tout plein de mystère et de fées (THARAUD, Maîtr. serv., 1911, p. 16). C'est le soir, cet instant romantique du temps, Où tout espère et rêve, où le désir attend (NOAILLES, Forces étern., 1920, p. 177). J'ai horreur des couchers de soleil, c'est romantique, c'est opéra (PROUST, Sodome, 1922, p. 812).
— Empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre, rare. [Le Trocadéro] amalgame au cossu de l'Avenue Henri-Martin, le romantique de Passy et l'oriental de Chaillot (ARNOUX, Paris, 1939, p. 260).
D. — Au fig.
1. a) Adjectif
— [En parlant d'une pers., de sa sensibilité ou de son comportement] Qui a ou qui dénote un tempérament sentimental, passionné, une propension marquée à la rêverie mélancolique, à l'inquiétude métaphysique. Synon. chimérique, exalté, idéaliste, imaginatif, mélancolique, passionné, rêveur, romanesque1, sensible, sentimental; anton. bourgeois, cynique, insensible, matérialiste, positif, prosaïque, raisonnable, réaliste, terre-à-terre. Je ne connais ni ce vertige, ni ce tourment, ni tous ces fumeux états d'âme (...). Il n'y a pas moins romantique que moi. J'ignore tout de l'inquiétude (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1382). Ce cimetière, très vaste, est ainsi devenu un lieu remarquable (...) les amoureux y font des promenades romantiques (L. DE VILMORIN, Retour Érica, 1946, p. 11).
— [En parlant d'un sentiment, d'un concept] Qui relève de la sentimentalité pure, d'une sensibilité exacerbée, qui offre les séductions de l'imaginaire, à l'opposé de la réalité prosaïque. Le mal imaginaire est romantique, varié, le mal réel morne, monotone, désertique, ennuyeux (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 76). La liberté sexuelle est fort restreinte, ce qui fait naître parfois des amours romantiques et platoniques (Jeux et sports, 1967, p. 811). V. amour ex. 132.
b) Subst. Personne très sentimentale, exaltée, qui défend une cause avec passion. Tout un côté visible de femme du monde (...) réservée et un autre côté alors inconnu de folle passionnée, de romantique aiguë, d'hystérique de corps, de nymphomane d'âme (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 166). Ce puissant romantique [Jean Cantacuzène], cet Hugo roumain de la microbiologie (...) lutta à un moment donné presque seul contre le choléra, la tuberculose, le typhus (MORAND, Bucarest, 1935, p. 214).
2. Avec une valeur péj., adj. Qui manque de réalisme, qui fait prédominer le sentiment, l'idéal sur les considérations pratiques. Synon. extravagant, fantaisiste, utopique. M. Canning (...) a cherché la popularité industrielle (...). Sa politique n'est point romantique (...), il fera tout aussi bien servir à la prospérité de l'Angleterre l'esclavage des nations que l'indépendance des hommes (CHATEAUBR., Polém., 1818-27, p. 536). Hubert a décidé de s'engager pour l'Indochine. C'est sans doute une romantique vue de l'esprit (VIALAR, Bête de chasse, 1952, p. 115). V. artisanal ex. 2.
REM. 1. Romantico-, élém. de compos. représentant l'adj. romantique et qui sert à former des adj. au moyen d'autres élém. adj., pour exprimer une double qualification, avec une nuance gén. péj. Le triomphe absolu du vrai en littérature ne viendra qu'après une dernière révolte du spiritualisme romantico-littéraire (GONCOURT, Journal, 1886, p. 555). Lignes de divagations romantico-amoureuses, dans le dialogue du rendez-vous nocturne, aisément amputables (GIDE, Journal, 1941, p. 93). 2. Romantiser, verbe. a) Empl. intrans., rare. Adopter un style romantique. La Harpe lui-même, ce classique ulcéré (...), romantisait un peu dans son langage (SAINTE-BEUVE, Chateaubr., t. 2, 1860, p. 331). b) Empl. trans. Donner un caractère romantique à quelqu'un, quelque chose. ) [Le compl. d'obj. dir. désigne un auteur] Rare. La tendance générale des grands et des petits critiques de 1830 (...) fut de romantiser l'auteur de Pantagruel (A. FRANCE, Rabelais, 1909, p. 245). ) [Le compl. d'obj. dir. désigne un aspect de la nature, d'une pers.] Il n'y a que les Parisiennes assez fortes pour toujours donner un nouvel attrait à la lune et pour romantiser les étoiles (BALZAC, Cabinet ant., 1839, p. 79). Pour ceux qui la mènent, cette petite vie nocturne est bien bourgeoise et paisible, et ma seule ignorance la romantise à l'excès (THARAUD, Rabat, 1918, p. 67).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1798. Étymol. et Hist. A. 1. 1675 adj. « qui relève d'œuvres d'imagination, qui est du style des œuvres romanesques » ici en parlant de mots (Reponse aux Faussetés et aux invectives qui se lisent dans la Relation du voyage de Sorbière en Angleterre d'apr. A. MORIZE ds R. Hist. litt. Fr. 1911, p. 440); 1694 en parlant d'une pers. (Lettres inédites de l'Abbé Claude Nicaise, Extr. du B. d'Hist. et d'Archéol. du diocèse de Dijon, 1886, p. 35 d'apr. L. DELARUELLE, ibid., p. 940); 2. 1776 adj. spéc. en parlant de la nature et des paysages (LE TOURNEUR, Trad. Shakespeare, p. CXVIII d'apr. A. FRANÇOIS, Où en est « romantique »? ds Mél. Baldensperger, t. 1, 1930, p. 324); 3. 1801 subst. « ce qui, par son pittoresque, parle à l'imagination » (MERCIER Néol. t. 2, p. 230). B. 1. 1784 « qui évoque le moyen âge, la romance » (H. MEISTER, Corresp. littér., XIV, 61 d'apr. A. FRANÇOIS, op. cit., p. 327); 2. 1807 plus spéc. p. oppos. à la tradition dite classique (A.-W. SCHLEGEL, Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d'Euripide, Paris, 12 d'apr. A. FRANÇOIS, ibid.); 1810 (STAËL, Allemagne, t. 2, p. 127 et sqq., p. 367); 1813 école romantique (SISMONDI, Litt. du Midi, I, 440 d'apr. A. FRANÇOIS, op. cit., p. 329); 3. 1813 subst. les modernes ou romantiques (ID., op. cit., II, 157 d'apr. A. FRANÇOIS, ibid.); 4. 1816 subst. « ce qui est romantique, appartient à l'école romantique » (SAINT-CHAMANS, L'Anti-Romantique d'apr. A. FRANÇOIS, op. cit., p. 328). Empr. à l'angl. romantic att. dep. 1654 (J. EVELYNE, Diary d'apr. A. FRANÇOIS, Romantique ds Ann. de la Sté J.-J. Rousseau, t. 5, 1909, p. 203) et qualifiant ce qui est caractéristique du genre littéraire du roman et parle à l'imagination (alors appelé en angl. romance, issu de l'a. fr. romanz, romans, romant, d'où le dér. angl. romantic et le lat. romanticus, XVe s. Dict. de GRIMM d'apr. A. FRANÇOIS), ce terme angl. étant lui-même cité dans des textes fr. au XVIIIe s. (v. A. FRANÇOIS ds Mél. Baldensperger, t. 1, p. 322). Au sens B empr. à l'all. romantisch (lui-même empr. à l'angl.) att. dep. 1695, introd. comme terme qualifiant la litt. dans le vocab. du critique suisse Breitinger en 1740 et utilisé par A. W. SCHLEGEL p. oppos. à klassisch « classique » (1801, v. KLUGE). Fréq. abs. littér.:1 484. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 684, b) 904; XXe s.: a) 1 922, b) 3 233.
DÉR. Romantiquement, adv. D'une façon romantique, à la manière des romantiques. a) [Corresp. à supra A 2; à propos d'un site] Rare. D'une manière pittoresque et touchante, qui évoque les descriptions romanesques. Jolie cascade et jardin rustique à Urbès, arrangés romantiquement (MICHELET, Journal, 1843, p. 531). b) [Corresp. à supra B; à propos des romantiques] Rare. Avec la sensibilité propre aux romantiques. Seuls (...) les romantiques savent lire les ouvrages classiques, parce qu'ils les lisent comme ils ont été écrits, romantiquement (PROUST, Past. et mél., 1919, p. 267). c) P. anal. ) [Corresp. à supra C 1; à propos d'une expr. littér. ou artist. appartenant à une époque autre que celle du romantisme] D'une manière qui rappelle la littérature, l'art romantique. On ne connaît que ce que l'on porte en soi, (...) on ne peut que romantiquement parler du romantisme (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. XIII). Méliès et son collaborateur Claudel (...) contrastaient romantiquement leurs blancs et leurs noirs (SADOUL, Cin., 1949, p. 53). ) [Corresp. à supra C 2 a; à propos de l'aspect extérieur d'une pers.] D'une manière qui rappelle les traits physiques caractéristiques des romantiques. Cette jeune femme (...) qui savait être si pâle, si romantiquement pâle! (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 99). ) [Corresp. à supra C 3; à propos d'un paysage] D'une manière qui évoque les sites privilégiés des romantiques. La Moselle n'aura plus désormais qu'à achever romantiquement son cours en méandres sinueux dans un pays accidenté et solitaire (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 198). d) Au fig. [Corresp. à supra D 2; à propos d'une chose] Rare, péj. D'une manière qui manque de réalisme. Synon. chimériquement, romanesquement; anton. raisonnablement. Ces machines (...) qui servent à parcourir les espaces célestes, avaient été romantiquement considérées comme devant amener la paix parmi les hommes (L. DAUDET, Stup. XIXe s., 1922, p. 267). — []. — 1re attest. 1833 (Th. GAUTIER, Les Jeunes-France, Charpentier, 1875 p. 185 ds MAT. Louis-Philippe, p. 326); de romantique, suff. -(e)ment2.
BBG. — BALDENSPERGER (F.). Romantique, ses analogues et ses équivalents. Cambridge, 1937, 104 p. — GREIMAS Mode 1948, p. 64. — JENSEN (C.). The « Romanticism » of the Annales de la Litt. et des Arts. Fr. St. 1965, t. 19, n ° 4, pp. 341-357. — PEYRE (H.). Le Mot romantique et la chronol. des débats romantiques en France. In: P. (H.). Qu'est-ce que le romantisme? Paris, 1971, pp. 67-82. — VAN TIEGHEM (P.). L'Ère romantique... Paris, 1948, pp. 1-17.
romantique [ʀɔmɑ̃tik] adj.
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0.1 L'âme ardente et l'imagination romantique de Mlle de Lespinasse lui firent concevoir le projet de sortir de l'étroite médiocrité où elle craignait de vieillir.
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II
1 (1774; romantic, 1745). Vx. « Se dit ordinairement des lieux, des paysages, qui rappellent à l'imagination les descriptions des poèmes et des romans. Situation romantique. Aspect romantique » (Académie, 1798). — REM. Le mot n'est donc à l'origine qu'un doublet de romanesque, employé pour caractériser certains aspects de la nature qui « parlent à l'âme » autant qu'aux yeux.
1 Romanesque peut nous faire croire au chimérique et au fabuleux. Pittoresque parle aux yeux, non à l'âme. Il faut exprimer ce qui attache les yeux et captive l'imagination; il faut que ce qui étonne les sens porte en même temps au cœur des émotions tendres et des idées mélancoliques. Les tableaux de Salvator Rosa, quelques sites des Alpes, plusieurs jardins de campagne de l'Angleterre ne sont point romanesques, mais on peut dire qu'ils sont plus que pittoresques, c'est-à-dire touchants et romantiques.
Le Tourneur, Disc. en tête de la trad. de Shakespeare, 1776, cité in Brunot, Hist. de la langue franç., t. XII, p. 117.
2 Si la situation pittoresque enchante les yeux, si la situation poétique intéresse l'esprit et la mémoire (…) si l'une et l'autre composition peuvent être formées par le peintre, et le poète, il est une autre situation que la nature seule peut offrir : c'est la situation Romantique.
(En note : j'ai préféré le mot anglais, Romantique, à notre mot français, Romanesque, parce que celui-ci désigne plutôt la fable du roman, et l'autre […] la situation, et l'impression touchante que nous en recevons).
R.-L. Girardin, De la composition des paysages, 1777, in Rousseau, Œ. compl., Pl., t. I, Notes et var., p. 1794.
3 Les rives du lac de Bienne sont plus sauvages et romantiques que celles du lac de Genève, parce que les rochers et les bois y bordent l'eau de plus près; mais elles ne sont pas moins riantes (…) le pays est peu fréquenté par les voyageurs; mais il est intéressant pour des contemplatifs solitaires qui aiment à s'enivrer à loisir des charmes de la nature (…)
Rousseau, Rêveries…, 5e promenade.
♦ Nom masculin :
4 Le romanesque séduit les imaginations vives et fleuries; le romantique suffit seul aux âmes profondes, à la véritable sensibilité.
É. de Senancour, Oberman, XXXVIII, IIIe fragment.
2 (1804; all. romantisch, employé par Schlegel dès les dernières années du XVIIIe s., et systématiquement dans son Cours de Littér. dramatique en 1809, par oppos. à classique, opposition popularisée en français par Mme de Staël et Sismondi). À l'origine, Désigne la littérature, les œuvres, les écrivains qui s'inspirent de la chevalerie et du christianisme du moyen âge et s'opposent aux classiques (cit. 3, Mme de Staël; et → Latin, cit. 6). || Le genre romantique.
5 Le mot de romantique a été introduit nouvellement en Allemagne, pour désigner la poésie dont les chants des troubadours ont été l'origine, celle qui est née de la chevalerie et du christianisme (…) La littérature romantique est la seule qui soit susceptible encore d'être perfectionnée, parce qu'ayant ses racines dans notre propre sol (…) elle exprime notre religion; elle rappelle notre histoire; son origine est ancienne, mais non antique.
Mme de Staël, De l'Allemagne, II, XI.
3 (1810). Mod. Qui appartient au romantisme. ⇒ Romantisme.
6 (…) si je comprends bien des distinctions, du reste assez insignifiantes, le premier (Chénier) est romantique parmi les classiques, le second (Lamartine) est classique parmi les romantiques.
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, « Journal des idées », 1820, Fragment de critique.
7 (L'auteur de ce livre) répudie tous ces termes de convention (…) mots vagues que chacun définit au besoin de ses haines ou de ses préjugés (…) il ignore profondément ce que c'est que le genre classique et que le genre romantique (…) Il ne paraît pas démontré que les deux mots importés par madame de Staël soient aujourd'hui compris de cette façon (…) les deux mots de guerre ont depuis quelque temps changé encore d'acception (…) — (→ la suite à Classique, cit. 4).
Hugo, Odes et Ballades, Préface, 1824.
♦ Mouvement (cit. 41), école romantique (→ Contradicteur, cit. 1; fantastique, cit. 5; incompris, cit. 2). || Doctrine romantique. || Poésie, drame, œuvres romantiques (→ Immoralité, cit. 5; nuire, cit. 11). || Peinture, musique, lied (cit. 2) romantique (→ Nocturne, cit. 4). || Livres, reliures romantiques. || Ballet romantique (→ Escarpin, cit. 2; pointe, cit. 11)… — Les novateurs romantiques (→ Classique, cit. 5). || Poètes, écrivains, artistes romantiques (→ Pendant, cit. 5).
8 Il serait surabondant de faire ressortir davantage cette influence du grotesque dans la troisième civilisation (moderne). Tout démontre, à l'époque dite romantique, son alliance intime et créatrice avec le beau. Il n'y a pas jusqu'aux plus naïves légendes populaires qui n'expliquent quelquefois avec un admirable instinct ce mystère de l'art moderne. L'antiquité n'aurait pas fait la Belle et la Bête.
Hugo, Préface de Cromwell, 1827.
9 Pour trouver l'expression juste des chants intérieurs de sa pensée, il fallait bien que chaque poète commençât par se faire une lyre, et qu'il se trouvât quelques hommes jeunes, hardis (…) L'élégie, l'ode, le poème naquirent ensemble sous de nouvelles formes, et leurs voix séparées, bien distinctes, n'eurent point de sons pareils, presque aucune ressemblance. Ce fut là ce qu'on prit pour une école, et ce qu'on nomma Romantique à tout hasard.
A. de Vigny, Défense obstinée de la poésie et des poètes, « Lettre au Prince de Bavière », 17 sept. 1839.
♦ N. m. || Un romantique : un auteur romantique (le fém. n'est pas attesté). || Les classiques (cit. 1) et les romantiques (→ Haine, cit. 25; perruque, cit. 5).
4 (Av. 1837). Qui évoque les attitudes et les thèmes chers aux romantiques (sensibilité, exaltation, rêverie, etc.). || Beauté, visage romantique. || Geste, attitude romantique (→ Effeuiller, cit. 2). || Ivresse romantique (→ Atteinte, cit. 14). || Attrait (cit. 24) romantique pour le malheur.
10 Ceux qui l'ont vu nous disent qu'il avait une belle tête romantique, passionnée et ravagée comme on peut se figurer celle de Faust (…) avec une expression rêveuse, mélancolique et spiritualiste, tout à fait en rapport avec la nature de son talent.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Ary Scheffer ».
11 (…) le vieux quartier resterait comme il était, un endroit romantique, des ruines à la Chateaubriand.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, X.
5 (1875). Qui manque de réalisme, qui sacrifie l'analyse positive des faits à une certaine mystique, à un certain esprit chevaleresque. || La démocratie et son romantique égalitarisme (cit. 2). || Une grande rébellion (cit. 5) romantique contre l'absurdité de la condition humaine.
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CONTR. Classique, réaliste.
DÉR. Romanticisme, romantiquement, romantiser, romantisme.
COMP. Préromantique.
Encyclopédie Universelle. 2012.