prononcer [ prɔnɔ̃se ] v. <conjug. : 3>
• 1120 « déclarer, proclamer »; lat. pronuntiare
I ♦ V. tr.
1 ♦ Rendre ou lire (un jugement), prendre ou faire connaître (une décision), en vertu d'un pouvoir. Prononcer un arrêt, une sentence. ⇒ rendre. Prononcer la clôture des débats. Prononcer le huis clos de l'audience. Prononcer une condamnation, une peine contre qqn. ⇒ infliger. — Prononcer une expulsion, une expropriation. — Dr. can. Prononcer un anathème, une excommunication. ⇒ fulminer. — Contenir (une décision). « Un jugement qui annulera son acte de décès et prononcera la dissolution de son mariage » (Balzac).
2 ♦ Dire (un mot, une phrase). ⇒ proférer. « Elle pleurait, elle ne pouvait prononcer un mot » (Zola). ⇒ articuler. C'est un mot, un nom qu'on ne peut prononcer sans émotion. Prononcer un souhait, un vœu. ⇒ émettre, énoncer, exprimer, formuler. — Prononcer ses vœux. — P. p. adj. Des mots prononcés tout bas, chuchotés, murmurés. « un “mon petit papa mignon” prononcé tendrement sera assez pour vous toucher » (Molière).
♢ Pronom. (Pass.) « Le mot d'impérialisme se prononçait beaucoup » (Romains).
3 ♦ Articuler d'une certaine manière (les sons du langage). ⇒ prononciation. Il prononce les o très ouverts. Prononcer les mots en faisant les liaisons, en détachant les syllabes. Prononcer correctement, exactement un mot. Prononcer mal une langue étrangère. ⇒ écorcher. « Ils prononçaient tous deux “commen allez-vous”, sans faire la liaison du t » (Proust). — Pronom. (pass.) Ce mot s'écrit comme il se prononce (cf. Écriture phonétique). « Le nom s'écrit et se prononce à l'anglaise [...] Comme ceci, Djack » (A. Daudet).
♢ Articuler, émettre (tel son, tel mot); produire oralement. Les enfants ont du mal à prononcer le r. C'est un mot impossible à prononcer. ⇒ imprononçable. — Absolt Prononcer de manière indistincte, en avalant ses mots : bafouiller, bégayer, zézayer.
♢ Émettre (le son qui correspond à une lettre). On prononce le l final dans profil, mais non dans fusil.— Pronom. (pass.) Dans somptueux, le p intérieur se prononce, mais il reste muet dans baptême.
4 ♦ Faire entendre, dire ou lire publiquement (un texte). ⇒ 1. débiter. Prononcer un plaidoyer, une harangue, une allocution, un discours, un sermon. P. p. adj. « Quel avantage n'a pas un discours prononcé sur un ouvrage qui est écrit » (La Bruyère).
5 ♦ (1667) Vx Marquer, dessiner avec fermeté (des contours). Pronom. Sous l'effet de l'âge, les rides se prononcent, s'accentuent, s'accusent (⇒ prononcé, 2o) .
II ♦ V. intr.
1 ♦ Dr. Rendre un arrêt, un jugement. ⇒ 1. juger. Ces juges ne peuvent prononcer qu'en première instance. Le même jugement prononcera sur la disjonction. — Absolt Le tribunal n'a pas encore prononcé.
2 ♦ Vx ou littér. Prendre une décision, formuler son opinion de manière autoritaire. Prononcer en faveur de, pour, contre qqn. « Qui de nous pourrait prononcer entre Clarisse et Lovelace, entre Hector et Achille ? » (Balzac). ⇒ choisir. — Absolt « la philosophie rationnelle pèse les possibilités, prononce et s'arrête tout court » (Diderot ).
III ♦ V. pron. SE PRONONCER : se décider, se déterminer. « les écrivains sont invités à se prononcer sur des problèmes ou des conjonctures dont ils ne savent presque rien » (Duhamel). Les électeurs se sont prononcés en faveur du oui, pour le oui au référendum. — Absolt « La crise de juin 91 devait décider Condorcet, elle l'appelait à se prononcer » (Michelet).
♢ Méd. Donner un diagnostic. Les médecins ne peuvent encore se prononcer.
● prononcer verbe transitif (latin pronuntiare, annoncer publiquement) Réaliser oralement un son, une lettre, un mot, etc., les articuler : Il a un nom impossible à prononcer. Il prononce mal le « th » anglais. Dire une parole, un discours à voix haute : Il est reparti sans prononcer un mot. Faire connaître publiquement un jugement, une sentence, en vertu d'un pouvoir : Prononcer une condamnation. ● prononcer (difficultés) verbe transitif (latin pronuntiare, annoncer publiquement) Conjugaison Le c devient ç devant o et a : je prononce, nous prononçons ; il prononça. ● prononcer (expressions) verbe transitif (latin pronuntiare, annoncer publiquement) Prononcer des vœux, prendre des engagements religieux. ● prononcer (synonymes) verbe transitif (latin pronuntiare, annoncer publiquement) Réaliser oralement un son, une lettre, un mot, etc., les...
Synonymes :
Dire une parole, un discours à voix haute
Synonymes :
- débiter (familier)
- déclamer
- faire
Faire connaître publiquement un jugement, une sentence, en vertu d'un...
Synonymes :
- formuler
- infliger
- rendre
● prononcer
verbe intransitif
Rendre un arrêt, un jugement : Le tribunal n'a pas encore prononcé.
Littéraire. Formuler son opinion en choisissant définitivement en faveur de (contre) quelqu'un, quelque chose : Appelé à se décider, il prononça en faveur de l'aîné.
● prononcer (synonymes)
verbe intransitif
Rendre un arrêt, un jugement
Synonymes :
- décréter
- publier
- statuer
- trancher
prononcer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Articuler les sons qui composent les mots, les formes signifiantes d'une langue. Un mot, une phrase difficile à prononcer.
d2./d Dire, énoncer. Il n'a pas prononcé un mot depuis son arrivée.
— Réciter, dire. Prononcer un discours.
d3./d Déclarer en vertu de son autorité. Prononcer un divorce.
rII./r v. intr. Décider, statuer. La loi a prononcé.
rIII/r v. Pron.
d1./d être prononcé, articulé. Ce mot s'écrit comme il se prononce.
d2./d Prendre une décision explicite, formuler son avis, son intention. Il s'est prononcé pour un changement radical.
I.
⇒PRONONCER1, verbe trans.
I. —Empl. trans. dir., dans le lang. jur. ou admin. [Le suj. désigne gén. la pers. qui préside une juridiction, le tribunal, la cour ou, p.méton., l'ensemble des magistrats; l'objet du processus désigne ce qui a été décidé à la pluralité des voix, après délibération]
A. —[En parlant de qqn détenant une autorité fondée en dr.] Faire entendre publiquement (un jugement, une décision).
1. Dans le lang. jur. Prononcer un divorce, un jugement, une condamnation contre un accusé; prononcer une confiscation, une peine, une séparation de corps; prononcer la cassation de l'arrêt, le renvoi (devant un autre tribunal); prononcer le huis-clos, (la) mainlevée, un non-lieu:
• 1. Durant presque toute la Révolution, les tribunaux, les juges,les jugements, rien n'a été libre (...). Le courage (...) eût à peine suffi à nos magistrats pour prononcer leurs arrêts suivant leur conscience.
CONSTANT, Princ. pol., 1815, p.154.
— [Le suj. désigne le tribunal, la cour, les lois] Comment admettre, dit très justement M. Thonissen, la tolérance du vol dans un pays [l'ancienne Égypte] où... les lois prononçaient la peine de mort contre celui qui vivait de gains illicites (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p.139). [2e décision possible] l'enfant ou l'adolescent est renvoyé devant le tribunal qui, seul, peut prononcer le retrait de l'enfant à sa famille et son placement en internat (Encyclop. éduc., 1960, p.202).
2. Spécialement
a) DR. CANON. Prononcer l'anathème contre qqn. Texte de l'excommunication prononcée contre Spinoza le 2 juillet 1656: «Qu'il soit maudit le jour et maudit la nuit... Dieu puisse ne lui pardonner jamais (...)» (GIDE, Journal, 1948, p.330).
b) DR. CONSTIT. La démission [de l'Assemblée] est prononcée à la fin de la dernière séance de la session Loi du 10 août 1871, Art.19 (BACQUIAS, Cons. gén. et cons. arrond., 1934, p.39). Le président ne peut pas lui-même prononcer la censure envers un député (LIDDERDALE, Parlement fr., 1954, p.165).
c) DR. ADMIN. Art.31. L'administration se réserve la faculté de prononcer la résiliation du bail de tout adjudicataire qui aura laissé écouler un terme sans satisfaire à ses engagements (Code pêche fluv., 1875, p.152). En règle générale le détachement est prononcé sur la demande du fonctionnaire intéressé. [Dans certaines conditions, il] (...) peut (...) être prononcé d'office sur avis des commissions administratives paritaires (Encyclop. éduc., 1960, p.297).
3. P. ext. [En divers domaines de l'organisation soc.: famille, éducation, etc.] Décider formellement. Un conseil de famille prononça l'interdiction, et le malade fut transporté à Charenton (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p.397). L'admission ou l'ajournement est prononcé après délibération du jury. L'admission est prononcée avec indication de l'une des mentions suivantes: passable, assez bien, bien, très bien (Encyclop. éduc., 1960, p.216).
B. —P. anal.
1. [Le suj. désigne qqn/qqc. jouissant d'une autorité fondée en dr. et l'exerçant comme en un tribunal]
a) Énoncer un jugement en vertu d'une autorité, d'un pouvoir reconnu. L'arrêt que le destin, le sort a prononcé (Ac.). Un livre qui n'est pas un manuel de jovialité a prononcé cet arrêt: «Il n'est pas bon que l'homme soit seul» (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.159):
• 2. —«Nous devons avoir confiance en la Sagesse suprême (...). Nous devons accepter les choses voulues par Dieu. La mort de votre frère a été une de ces choses-là. «Elle se recueillit une seconde avant de prononcer son jugement: «Cet amour était voué aux pires souffrances. Pour l'un et pour l'autre (...)».
MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p.858.
b) Prononcer (soi-même, contre soi-même) sa (propre) condamnation, son (propre) arrêt. Se condamner, malgré soi, par son propre aveu, ses propres paroles. Épargne-moi les subtilités: ce bandit a levé la main sur moi; il a prononcé sur lui-même sa condamnation, conclut sèchement l'officier en prenant la tête de sa colonne (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.379).
2. [Le suj. est formellement engagé par ce qu'il prononce] Déclarer solennellement. Un jour, Guignon était allé jusqu'à la mairie, donnant la main à sa future; il avait même déjà ouvert la bouche pour prononcer le terrible oui, lorsqu'il fut pris d'un malaise subit (PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.126). Le signe distinctif n'était pas des plus nécessaires; les affiliés se contenteraient de prononcer un engagement solennel (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1238).
— RELIG. Prononcer ses voeux. V. voeu.
3. Vieilli. Affirmer, déclarer quelque chose avec force.
— Prononcer que. L'Amérique prononça que l'injustice avait brisé ses liens, et déclara son indépendance (CONDORCET, Esq. tabl. hist., 1794, p.169).
— Prononcer qqc. + attribut ou compl. Cette course était tout à fait nouvelle; il la trouvait fatigante, et même en certains endroits n'hésitait pas à la prononcer dangereuse (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.288).
— Prononcer de qqc. que + prop. complét. Il a pu être désirable, mais il est à présent interdit de prononcer de la volupté qu'elle est douce, efféminée ou folâtre (PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.29).
4. ART MILIT. Ordonner. Prononcer une offensive, un mouvement de troupes. À partir de la mi-octobre, les Allemands prononcèrent successivement deux fortes attaques dans la région du Nord (JOFFRE, Mém., t.1, 1931, p.471).
II. —Empl. trans. indir. et abs.
A. —DROIT
1. Empl. abs. Rendre un arrêt, un jugement. Synon. juger. L'accusateur: Prononce, citoyen président, prononce. Le président: (...) le tribunal révolutionnaire condamne la citoyenne Montfleury (...) à la peine de mort (DUMAS père, Chev. Maison-Rouge, 1847, V, tabl. 10, 2, p.145). C'est sous l'influence de (...) passions contraires que le juge prononce (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p.57). Le garde des Sceaux, en cette matière, prononce souverainement (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p.454).
2. Empl. trans. indir. Prononcer sur/dessus. Pleins de confiance dans les lumières de l'Assemblée souveraine, ils n'attendent point que le plan de municipalité leur soit présenté pour prononcer dessus (Le Moniteur, t.2, 1789, p.460). Ainsi, tous les partisans de la tyrannie pourront espérer encore, dans le secours de leurs alliés; et les armées étrangères encourager l'audace du tribunal qui doit prononcer sur le sort de Louis (ROBESP., Discours, Jug. Louis XVI, t.9, 1792, p.126).
B. —P. anal. [Le suj. désigne qqn/qqc. bénéficiant d'une autorité comme fondée en dr.]
1. Vx ou littér. Prendre une décision; déclarer avec netteté, avec fermeté.
a) Empl. abs. Le ciel, le sort a prononcé (Ac.). [Talleyrand] ne se rendit en Belgique qu'à la dernière heure, et quand le canon de Waterloo avait prononcé (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.12, 1869, p.81):
• 3. ... l'opération césarienne assurerait la vie du petit; mais l'état de la pauvre femme n'est pas désespéré au point que je me sente le droit de la sacrifier ainsi... C'est une question de conscience, je vous supplie de prononcer vous-mêmes. Les sanglots empêchaient Lazare de répondre.
ZOLA, Joie de vivre, 1884, p.1093.
— Empl. pronom. à sens passif. Enfin il a paru ce jour où la décision va se prononcer, où la trève va être changée en paix ou en guerre, où Mathilde va connoître son sort (COTTIN, Mathilde, t.2, 1805, p.175).
b) Au passif. [Avec omission de l'auxil.] Il semble que le sort (...) si décidément prononcé contre Napoléon, dans ses derniers moments, en lui enlevant deux amis aussi vrais, se soit plu à lui ôter la plus douce jouissance (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.324).
2. a) HIST., empl. abs. et pronom. [P. réf. à un pays de lang. esp.] Se révolter, se soulever. À Pampelune on a profité de l'absence du vice-roi pour se prononcer (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1840, p.27).
b) Vieilli. Faire prononcer qqn1 contre qqn2. Dresser, soulever quelqu'un1 contre quelqu'un2. La deuxième conspiration était celle de Marrat, Garnier-Payès et compagnie, qui voulaient armer et faire prononcer la bourgeoisie contre le peuple (SAND, Corresp., t.3, 1848, p.32).
III. —Empl. pronom. réfl.
A. —DR. Se prononcer dans/entre. Rendre un arrêt, un jugement. Voilà du nouveau, et voici une drôle de justice, qui, mise au pied du mur, forcée par la logique, en arrive à se prononcer entre la Turquie et l'Écosse, au risque d'amener des complications et de troubler sur ses assises l'équilibre européen (COURTELINE, Article 330, 1900, p.283). La tendre Élodie subissait l'ascendant d'un magistrat appelé à se prononcer dans des affaires capitales (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.119).
B. —P. anal.
1. Prendre une décision; déclarer avec netteté, fermeté. Les doctes en disputent souvent. Les uns tiennent pour extrêmement probable qu'ayant vécu sous le pouvoir des démons, tu brûles maintenant dans les flammes inextinguibles; d'autres, mieux avisés, ne se prononcent point, estimant que tout ce qu'on dit des morts est incertain et plein de mensonges (A. FRANCE, Île ping., 1908, p.162).
— Empl. pronom. à sens passif. Se prononcer (de telle manière). S'exprimer. Il semble qu'il [Bonaparte] ait dédaigné particulièrement l'opinion de la France en lui imposant les conséquences du Concordat; et qu'eût-il fait si cette opinion se fût prononcée sous la forme d'une résistance populaire? L'eût-il brisée à coups de canon? (SAND, Hist. vie, t.2, 1855, p.9).
— Se prononcer entre (deux ou plusieurs pers./choses)/sur. Prendre position sur, statuer sur. Le sens commun se prononce d'ailleurs sans la moindre hésitation sur ce point; on dit qu'on a plus ou moins chaud, qu'on est plus ou moins triste (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p.15). Vous aurez à vous prononcer entre la haine et l'amour, ce qui se fait spontanément, non entre la vérité et l'erreur, dont le discernement est impossible au faible esprit des hommes (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.106).
2. Vieilli ou littér. Se prononcer contre/sur. La plupart des journaux hostiles à Dreyfus montrent plus de bon sens (...) Le Journal, Le Soleil, Le Journal des Débats se prononcent avec éclat pour la révision (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p.132). La CFTC non seulement condamne à nouveau «le capitalisme», mais se prononce pour une «société sans classe» où l'argent ne soit plus principe de sélection sociale et de pouvoir économique» (REYNAUD, Syndic. en Fr., 1963, p.97):
• 4. Le destin place aujourd'hui M. Brisson à l'heure décisive où il peut faire que (...) nous nous reprenions aux idées de justice qui jadis nous furent chères, au lieu de nous abandonner sous le sabre. Il suffit pour cela de faire éclater la vérité (...) et de mettre la France en état de se prononcer unanimement pour la justice et pour la loi.
CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p.434.
REM. 1. Prononcement, subst. masc., rare. a) Action de se prononcer. La Belgique a fait son prononcement. La fraction la plus avancée du parti démocratique (...) s'était tenue à l'égard du Socialisme, dans une réserve extrême: elle n'avait pas fait son prononcement (PROUDHON, Confess. révol., 1849, p.209). b) [En cont. hisp.; corresp. à supra II B 2 a] Manifeste d'insurgés; insurrection, soulèvement. Synon. pronunciam(i)ento. À Irun cependant, on a fait un prononcement. Un caporal est sorti à minuit de la caserne, les tambours et les fifres conduits par cet excellent patriote ont parcouru la ville suivis des soldats dont la plupart étaient dans le simple appareil, en faisant retentir les rues des acclamations les plus libérales (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1840, p.27). 2. Prononciateur, subst. masc., hapax. Auteur d'un prononcement. Le prononcement n'a pas eu d'autres suites que les rhumes que les héroïques prononciateurs ont pu attraper (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1840, p.27).
Prononc. et Orth.:[], (il) prononce [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. V. prononcer3. Bbg. QUEM. DDL t.11.
II.
⇒PRONONCER2, verbe trans.
A. —1. Articuler (les sons, les mots d'une langue) conformément à l'usage; faire correspondre (dans le langage parlé) tel son, telle forme sonore à telle représentation graphique (d'une syllabe, d'un mot, d'une phrase). Le vieux Bob savait imparfaitement le français et le prononçait mi à l'anglaise, mi à l'espagnole (G. LEROUX, Parfum, 1908, p.64):
• 1. Une bonne prononciation est plus rare qu'une bonne articulation. Certains crieurs de journaux articulent distinctement et prononcent incorrectement; de même, nous pouvons articuler nettement une langue étrangère que nous prononçons mal.
Arts et litt., 1936, p.60-6.
— Empl. abs. Un fort accent polonais (...) donnait à sa voix fluette (...) des intonations de jeune être qui commence à prononcer (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p.315).
2. En partic.
a) Articuler (tel mot), émettre (tel son) de telle façon. [Elle] a l'amour des vocables recherchés et (...) ne peut en prononcer un sans l'écorcher. C'est elle qui dit: la cognito, pour «incognito» (GONCOURT, Journal, 1893, p.374). Yvonne: Pourvu qu'il ne lui soit rien arrivé de grave. Georges: (...) C'est in-cro-yable! Il prononce ce mot en séparant les lettres, d'une manière spéciale et comme entre guillemets (COCTEAU, Parents, 1938, I, 1, p.188).
— Prononcer (tel mot) + nouvelle forme. Jean (un nom que les Bretons prononcent Yann) (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p.6).
— P. métaph. Formuler. L'homme est guidé du faux au vrai, du blanc au noir, Par le mot intérêt qu'il prononce devoir (HUGO, Âne, 1880, p.352).
— Au passif. [Suivi d'un adj. en empl. adv.] Prononciations françaises méridionales dans lesquelles l'R final de la prononciation des mots est prononcé sourd un peu à la manière du Ch allemand (Traité sociol., 1968, p.272).
— Empl. pronom. à sens passif. L'e muet, quoiqu'il ne se prononce plus dans la plupart des cas, a gardé une valeur de position (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.63). Pour que Oi puisse se prononcer Wa, il faudrait qu'il existât pour lui-même. En réalité, c'est Wa qui s'écrit Oi (SAUSS. 1916, p.52).
— Se prononcer en + nouvelle forme. La famille de Baraglioul (le gl se prononce en l mouillé, à l'italienne) (...) est originaire de Parme (GIDE, Caves, 1914, p.689).
— Empl. abs. Marquer l'articulation. Il avait une voix timbrée, mélodieuse, enchanteresse. Il prononçait à peine, il susurrait, et soulignait excellemment la rareté d'une euphonie ou d'un rythme (MARTIN DU G., Devenir, 1909, p.55).
SYNT. Prononcer le latin comme les Anciens; être incapable de prononcer trois mois d'anglais; bien, mal prononcer une langue étrangère; prononcer un son, une consonne, une syllabe, une voyelle; prononcer qqc. du gosier, de la gorge, des lèvres; avoir du mal à, être incapable de, apprendre à, renoncer à prononcer qqc.; qqc. est difficile, facile, impossible à prononcer.
b) P. anal. Articuler mentalement ou sans émettre de son. Depuis mon enfance, l'idéal religieux et l'idéal pratique avaient prononcé au fond de mon coeur (...) le mot sacré d'égalité (SAND, Hist. vie, t.3, 1855, p.304).
♦Empl. abs.:
• 2. ... quand il concevra lui-même ces idées, quand ses cellules nerveuses auront ces vibrations spéciales, il prononcera mentalement, il murmurera inconsciemment, ou à haute voix il émettra des ondes sonores identiques qui se transmettront par l'air et iront frapper des êtres humains chez qui elles éveilleront les mêmes idées...
WARCOLLIER, Télépathie, 1921, p.282.
♦Empl. pronom. à sens passif. —«Oui,» se disait-il, (...) «autant d'indices qui convergent. Si je pouvais savoir que le mari était imprimeur, ce serait la certitude.» Il débouchait sur le quai d'Orsay au moment où ces mots se prononçaient en lui (BOURGET, Actes suivent, 1926, p.58).
— Rare, ARTS. Concevoir, ébaucher mentalement. Je ne sais pas d'art qui puisse engager plus d'intelligence que le dessin. Qu'il s'agisse d'extraire du complexe de la vue la trouvaille du trait, de résumer une structure, de ne pas céder à la main, de lire et de prononcer en soi une forme avant de l'écrire (...) tous les dons de l'esprit trouvent leur emploi dans ce travail (VALÉRY, Degas, 1936, p.101).
B. —P. ext.
1. Synon. de dire. Je m'arrangeais à tout propos à faire prononcer à mes parents le nom de Swann (PROUST, Swann, 1913, p.413).
— Empl. pronom. à sens passif (tournure impers.). — Tout le monde? repris-je d'une voix stupéfaite (...). — Mais, Vanessa, qu'est-ce que cela veut dire? Il ne se prononce pas un mot à Maremma que tu n'aies soufflé (...). —Tu te trompes, Aldo, dit-elle enfin (GRACQ, Syrtes, 1951, p.264).
— P. métaph. Si la mer prononçait des noms dans ses marées, Ô vieillard, ce serait des noms comme le tien (HUGO, Légende, t.3, 1877, p.413).
— Rare, empl. subst. masc. Le fait de prononcer, d'articuler. Au seul prononcer de ce nom, l'impératrice Élisabeth, le lecteur imaginatif (...) voit, de ses propres yeux, un confus amas d'horreurs autour d'un trône chancelant! (BARRÈS, Amori, 1902, p.151).
SYNT. Prononcer (qqc.) distinctement, simplement, tranquillement, avec colère, avec emphase, avec gravité, avec lenteur, avec sang-froid; prononcer (qqc.) d'un air furieux, navré, triste; prononcer (qqc.) d'un ton bourru, brusque, compatissant, froid, grave, hautain, hésitant; prononcer (qqc.) d'une voix émue, profonde, tremblante; prononcer (qqc.) avec résolution; mots, paroles prononcé(e)s gauchement, maladroitement, timidement.
2. En partic.
a) Énoncer, exprimer, proférer (un mot, une parole, une phrase):
• 3. Tout un mouvement de pensée religieuse a en effet voulu assigner une fonction médiatrice aux prophètes de l'Ancien Testament, à Moïse en particulier. Plusieurs textes de l'Ancien Testament même décrivent en ce sens la vocation de Moïse, sans toutefois prononcer le «médiateur»...
Philos., Relig., 1957, p.36-5.
— Empl. pronom. à sens passif. À sa soeur non plus on ne va pas dire: «J'ai tué mon frère». Ça ne se prononce pas, ces mots-là (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p.186).
SYNT. Prononcer un adieu, quelques mots d'adieu, d'amour; prononcer un mot d'étonnement, de regret; prononcer un blasphème, un juron; prononcer des mensonges, quelques mots à voix basse, haute, à grand'peine; prononcer une imprécation, une malédiction; prononcer des paroles confuses, imprudentes, insensées, justes, magiques, sublimes; prononcer de vaines paroles; prononcer des paroles d'encouragement, de remerciement; ne pas prononcer un seul mot; ne pas oser prononcer le nom du diable.
b) Mentionner (le nom de quelqu'un, notamment pour le recommander).
— [Oralement] —(...) J'ai prononcé votre nom à l'Académie à propos des prix à distribuer à ceux qui ne les demandent pas. —Je croyais qu'il fallait toujours demander? —Non. Je dois dire, d'ailleurs, que votre nom n'a pas été accueilli d'une façon triomphale (RENARD, Journal, 1901, p.644).
— [Par écrit] Remerciez M. O. Connor d'avoir bien voulu prononcer sympathiquement mon nom dans une des lettres qu'il vous écrit (MALLARMÉ, Corresp., 1876, p.137).
c) [En raison du caractère oratoire, voire sacré de l'objet du procès prononcer] Faire entendre; débiter, réciter ou encore déclamer. Prononcer une conférence, un sermon. Dans le grand billard du père Flaubert, (...) on (...) prononçait les plus cocasses défenses d'accusés, des oraisons funèbres de personnes vivantes (GONCOURT, Journal, 1860, p.729). Les maîtres de grammaire et de déclamation [apprendront] (...) à leurs élèves (...) à bien articuler, à entendre et à bien concevoir ce qu'ils diront ou prononceront, à déclamer (Enseign. mus., 1, 1950, p.5).
SYNT. Prononcer un discours (en latin), un plaidoyer, un réquisitoire, un toast; prononcer l'éloge, le panégyrique de; prononcer des psaumes; prononcer une allocution; prononcer une formule, une oraison funèbre, une profession de foi; prononcer la formule (consacrée, rituelle, sacramentelle, sacrée), la formule d'absolution; prononcer des menaces, des prières; prononcer quelques paroles édifiantes, menaçantes.
REM. Prononçable, adj. a) [Corresp. à supra A] Qu'on peut articuler, prononcer (assez facilement). Anton. imprononçable. Ce mot est à peine, difficilement prononçable; des lettres qui ne sont pas prononçables. On a voulu que tous les noms [hébraïques] fussent prononçables, sans convention ni notation particulières (RENAN, Hist. peuple Isr., t.1, 1887, p.XXII). b) [Corresp. à supra B] Le grand texte classique: «telle goutte de sang pour toi», je le transformais: «pour toi, telle étincelle du buisson ardent» (...). Naturellement, j'écartais [les mots] les plus violents, les moins prononçables du Cantique (MALÈGUE, Augustin, t.2, 1933, p.464).
Prononc. et Orth. V. prononcer1. Étymol. et Hist. V. prononcer3. Bbg. REY-DEBOVE (J.). Le Métalangage. Paris, 1978, pp.195-196.
III.
⇒PRONONCER3, verbe trans.
A. —BEAUX-ARTS, vx. Dessiner avec fermeté, rendre sensible (un détail); rendre avec beaucoup de force, de netteté (certaines parties d'un tableau, d'une sculpture). Prononcer (trop) un bras, un muscle; prononcer le méplat, la saillie (d'un plan); prononcer un ton, une couleur. J'ai légèrement prononcé ces derniers [des clairs vifs] sur cette masse, et il a suffi de colorer avec des tons chauds et reflétés toute la partie ombrée (DELACROIX, Journal, 1847, p.234).
— P. méton. [Le suj. désigne une oeuvre d'art] Sa première oeuvre [d'Ingres] prononçait encore à la manière davidienne, des formes saillantes (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914, p.346).
♦[Le suj. désigne le moyen] La touche employée comme il convient sert à prononcer plus convenablement les différents plans des objets (DELACROIX, Journal, 1857, p.18).
— Prononcé de + compl. de moyen. Les clairs ajoutés ensuite (...) et (...) tous les endroits colorés, soit dans l'ombre, soit dans les clairs plus prononcés de rouge (DELACROIX, Journal, 1853, p.3).
— Empl. pronom. à sens passif. C'est que ce point lumineux ne se prononce que sur les parties frappées en plein par le jour, qui ne fuient point sous le jour (DELACROIX, Journal, 1857, p.13).
— Empl. pronom. réfl. [Le suj. désigne l'objet du procès prononcer] [La sculpture] n'était au commencement qu'un relief timide dont les profils étaient définis au moyen d'une vive coloration; plus tard elle s'accusa par une saillie plus forte et qui se prononçait d'elle-même (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p.61).
B. —P. ext.
1. a) Accentuer, marquer. [Recommandation pour l'exercice no 1] Prononcer largement le mouvement d'attaque [du poignet] (CORTOT, Techn. pianist., 1928, p.78).
— P. méton., rare. [Le suj. désigne une ligne, un contour] Synon. dessiner:
• 1. Si la robe s'arrache à la rebelle ronce,
L'arc de mon brusque corps s'accuse et me prononce,
Nu sous le voile enflé de vivantes couleurs
Que dispute ma race aux longs liens de fleurs!
VALÉRY, J. Parque, 1917, p.100.
b) [À propos des rides d'expression, des marques causées par l'âge; le suj. désigne ici la cause du procès prononcer] Synon. creuser. Je lui disais [à Andrieu], en retouchant la Vénus, que les natures jeunes avaient quelque chose de tremblé, de vague, de brouillé ; l'âge prononce les plans (DELACROIX, Journal, 1852, p.491). Je n'ai encore que trente ans, dit Chasseboeuf, avec ce fin sourire qui, aidé du soleil d'Orient, avait déjà prononcé des rides sur les pommettes saillantes de son visage (NERVAL, Fayolle, 1855, p.37).
c) Empl. pronom. réfl.
— Synon. de s'accentuer, s'accuser, se marquer. Et la belle fibre tout entière de son corps [d'une danseuse] net et musculeux, de la nuque jusqu'au talon, se prononce et se tord progressivement et le tout frémit (VALÉRY, Eupalinos, 1923, p.24).
2. Se prononcer
a) Dans des domaines techn. Synon. de se manifester, faire son apparition. Mais plus loin se prononce un facies schisteux (LAPPARENT, Abr. géol., 1886, p.240). Vers le 5ème jour se prononcent les hémorragies (TEISSIER ds Nouv. Traité Méd. fasc. 2 1928, p.269).
b) [En parlant d'un phénomène] S'intensifier, s'accentuer, s'aggraver. On voit (...), vers le milieu du XIXe siècle, se prononcer dans notre littérature une volonté remarquable d'isoler définitivement la poésie, de toute autre essence qu'elle-même (VALÉRY, Variété [I], 1924, p.103):
• 2. ... se retrouvant sur le même terrain, celui de la politique à main armée et de la guerre, les différences de caractère et de vues qui avaient déjà paru entre eux [Frédéric II et le prince Henri] précédemment se prononcèrent encore.
SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t.12, 1856, p.385.
Prononc. et Orth. V. prononcer1. Étymol. et Hist. A. 1. 1121-34 «dire en public, déclarer» (PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, 2996 ds T.-L.); 2. ca 1225 «articuler d'une certaine façon les phonèmes et les mots» (GAUTIER DE COINCY, Mir. Vierge, II Mir 30, éd. V. F. Koenig, 4, p.407); 1546-49 le prononcer (MARGUERITE DE NAVARRE, Heptameron, 26 ds HUG.); 3. 1277 «déclarer avec autorité» (A. N. S. 4947, pièce 1 ds GDF. Compl.); 1283 prononcier le jugement (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t.I, 23); 1694 prononcer soi-même sa condamnation (Ac.); 4. 1667 part. passé «qui est fortement marqué» (d'un détail) (LE BRUN, Conf., p.53-54 ds BRUNOT t.6, 2, 1, p.1384); 1668 inf. (DUFRESNOY, L'art de peinture, trad. de Piles, IV v°). B. 1. 1585 verbe intrans. «prendre parti, prendre une décision» (NOËL DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 223); 2. 1587 prononcer contre qqn «formuler un arrêt contre lui» (GUILLAUME DU VAIR, Actions et traictez oratoires, éd. R. Radouant, p.129). C. 1. 1569 verbe pronom. «être articulé» (R. ESTIENNE, Traicté de la gramm. franç., préf., p.4); 2. 1795 «manifester avec autorité ses décisions» (SNETLAGE, Nouv. dict. fr. ds QUEM. DDL t.11); 3. 1830 «s'accentuer, s'accuser (en parlant des plis sur le front)» (BALZAC, Mais. chat, p.20). Empr. au lat. pronuntiare «annoncer à haute voix, raconter», «proclamer, publier», «prononcer une sentence», «prononcer une lettre, un mot», «déclamer».
STAT. —Prononcer1, 2 et 3. Fréq. abs. littér.:5639. Fréq. rel. littér.: XIXes.: a) 8964, b) 6826; XXes.: a) 8848, b) 7350.
prononcer [pʀɔnɔ̃se] v. [CONJUG. placer.]
ÉTYM. 1120, pronuncier « déclarer, proclamer »; lat. pronuntiare, de pro-, et nuntiare « annoncer ».
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I V. tr.
1 (V. 1283). Dr., cour. Rendre ou lire (un jugement), prendre ou faire connaître (une décision), selon les formes requises, en vertu des pouvoirs dont on dispose. || Prononcer un arrêt, une sentence. ⇒ Rendre. || Prononcer une condamnation, une peine contre quelqu'un. ⇒ Infliger (→ Absolutoire, cit.; atténuant, cit. 1). || Greffier qui prononce sa sentence à un accusé. — Prononcer le huis-clos. || Prononcer la cassation d'un arrêt, le renvoi de l'affaire devant un autre tribunal. — (Sujet n. de chose). ⇒ Contenir. || Un jugement qui prononce la dissolution du mariage (→ Gré, cit. 16). — Prononcer une expropriation (cit. 3), une expulsion (cit. 2), etc. ⇒ Décréter. — Dr. constit. || Prononcer la clôture d'un débat (→ Clôturer, cit. 2), la dissolution (cit. 4) de l'Assemblée nationale, la déchéance d'un souverain, etc. — Dr. canon. || Prononcer l'anathème, l'excommunication contre… ⇒ Fulminer.
♦ Par métaphore, littér. → Confirmer, cit. 10. || Le destin, le sort a prononcé l'arrêt. || Par cet aveu, il a prononcé sa propre condamnation.
♦ Vx. || Prononcer quelque chose à quelqu'un, l'annoncer, le faire savoir (Cf. Racine, Iphigénie, IV, 8).
♦ Vx. || Prononcer que…, suivi de l'ind. ⇒ Affirmer, déclarer, proclamer (→ Exécrable, cit. 6).
1 Je voudrais voir un homme sobre, modéré, chaste, équitable, prononcer qu'il n'y a point de Dieu (…)
La Bruyère, les Caractères, XVI, 11.
2 Dire, et, par ext., écrire (un mot, une phrase, etc.). || Elle pleurait, elle ne pouvait prononcer un mot (→ Main, cit. 52). || Des mots prononcés tout bas. ⇒ Chuchoter, murmurer (→ aussi Honte, cit. 47). || Tout cela était prononcé d'un accent humble, désespéré (→ Grandeur, cit. 23). || Prononcer des paroles incohérentes (cit. 2), des blasphèmes (→ Éternel, cit. 12), des injures… ⇒ Proférer. || Un mot, un nom qu'on ne peut prononcer sans émotion (→ Paroisse, cit. 1). || Prononcer les formules d'exorcisme (cit. 1). || Prononcer un souhait, un vœu. ⇒ Émettre, énoncer, exprimer, formuler. ☑ Prononcer le grand oui (supra cit. 20). || Prononcer des serments (→ Invoquer, cit. 6; ivresse, cit. 9). — Prononcer ses vœux. — Au p. p. || Des mots prononcés tout bas, chuchotés, murmurés.
2 Une petite larme ou deux, des bras jetés au cou, un « mon petit papa mignon », prononcé tendrement sera assez pour vous toucher.
Molière, le Malade imaginaire, I, 5.
3 Il était prêt à dire qu'il l'aimait : cette dangereuse parole expira sur ses lèvres; mais Bernerette la sentit dans son cœur, et ils s'endormirent tous deux contents, l'un de ne pas l'avoir prononcée, et l'autre de l'avoir comprise.
A. de Musset, Nouvelles, « Frédéric et Bernerette », V.
3.1 Il dit : « Voilà des gens qui ne sont pas ducs, mais je vous assure que j'aimerais mieux passer cinq minutes avec eux que cinq heures avec M. de Trailles » (car même pour les flétrir il ne peut s'empêcher de prononcer les noms des grands).
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 429.
♦ Pron. (sens passif). || Le mot d'impérialisme (cit. 1) se prononçait beaucoup à l'époque. — Impers. || Si tu ne veux pas qu'il se prononce entre nous des paroles irréparables (cit. 3).
4 Il se prononce en vous des chiffres, un à un, comme se suivent des battements aux tempes.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, VII, p. 62.
♦ Par ext. (Emploi comparable à ceux de dire). Écrire (un mot, une phrase). → Captieux, cit. 4; exclusivisme, cit. 2.
3 (Avec un compl. ou adv. de manière, ou un attribut du compl. d'objet direct). Articuler (les sons du langage). ⇒ Prononciation. || Il prononce les o très ouverts. || Prononcer une voyelle, une consonne avec accompagnement d'un souffle. ⇒ Aspirer. || Prononcer b pour v. || Prononcer les mots en faisant les liaisons (⇒ Lier), en détachant les syllabes,… ⇒ Accentuer, appuyer, détacher (cit. 13), marteler, scander. || Le mot gars (cit. 2) que l'on prononce [ga]. Pron. || Ça s'écrit comme ça se prononce. || Prononcer correctement, exactement un mot (→ Cuir, cit. 7). || Étranger qui prononce mal le français. ⇒ Écorcher.
5 (…) les parents de Gilberte (…) me disaient : — Comment allez-vous (qu'ils prononçaient tous deux « commen allez-vous », sans faire la liaison du t,…).
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, Pl., t. I, p. 504.
♦ Pron. (sens passif). || Consonne qui finit par se prononcer comme un s [s], qui se prononce avec émission d'un yod… ⇒ Assibiler (s'), mouiller (se)… || En français, les voyelles placées devant m ou n se prononcent en général avec une résonance nasale. ⇒ Nasaliser (se). || Le mot celle se prononçait [sœle] (→ Fin, cit. 36). || « Son nom se prononce à l'anglaise, comme ceci, Djack » (→ Par, cit. 23).
♦ Articuler, émettre (tel son, tel mot). || Les enfants ont du mal à prononcer le r. || C'est un mot impossible à prononcer. ⇒ Imprononçable.
♦ (Sans compl. direct). || Il prononce bien (→ Il a une bonne prononciation). || Prononcer de manière indistincte, vicieuse. ⇒ Avaler (ses mots), bafouiller, balbutier, bégayer, bléser, bredouiller, chuinter, escamoter (ses mots), grasseyer, mâchonner, manger (ses mots), nasiller, nasonner, zézayer.
6 Les enfants qu'on presse trop de parler n'ont le temps ni d'apprendre à bien prononcer, ni de bien concevoir ce qu'on leur fait dire (…)
Rousseau, Émile, I.
♦ Émettre le son, le phonème, qui correspond à (un signe graphique, une lettre). ⇒ Sentir, sonner (faire sentir, sonner une lettre). → Écrire, cit. 11, Ronsard. || En poésie, on prononce tous les e placés devant une consonne. ⇒ Marquer (supra cit. 29). || On prononce l final dans profil, mais non dans fusil. — Pron. (sens passif). || Dans somptueux le p intérieur se prononce, mais doit rester muet dans dompteur.
4 Faire entendre, dire ou lire publiquement (un texte, un développement à caractère oratoire). ⇒ Débiter. || Prononcer un plaidoyer (→ 1. Avocat, cit. 5), une harangue (→ Blandice, cit. 4), une allocution, un discours (→ Expression, cit. 44), un sermon, etc. — Vx. Lire, dire (un poème, des vers). || « Quel supplice que celui d'entendre… prononcer de médiocres vers avec toute l'emphase d'un mauvais poète ». ⇒ Déclamer, réciter (cf. La Bruyère, les Caractères, I, 7).
5 (1667). Vx. Marquer, dessiner avec fermeté (les détails, les contours d'une œuvre plastique). — Mod. Au p. p. (→ ci-dessous, Prononcé, 3.). Marquer fortement un détail, le rendre très sensible; dessiner avec fermeté les contours d'une figure, d'un objet. || « Prononcer un bras, les muscles » (Littré). — REM. Dans ce sens, prononcer ne s'emploie plus guère qu'au participe passé et surtout au figuré.
♦ Pron. || Sous l'effet de l'âge, les rides se prononcent (→ S'accentuer, s'accuser). — Fig. || « Ce remarquable développement de l'esprit (cit. 124) critique en matière de forme qui s'est prononcé à partir du XVIe siècle ».
7 (…) les plis qui s'y formaient (sur son front) causaient une sorte d'effroi par la vigueur avec laquelle ils se prononçaient (…)
Balzac, la Maison du Chat-qui-pelote, Pl., t. I, p. 20.
———
II V. intr.
1 (V. 1587). Dr. Rendre un arrêt, un jugement. || Ces juges ne peuvent prononcer qu'en première instance. ⇒ Juger (→ Appel, cit. 20). — (Sujet n. de chose). || Le même jugement prononcera sur la disjonction (cit.). — Absolt. || Le tribunal n'a pas encore prononcé.
2 (1604). Vx ou littér. Prendre une décision, prendre parti; manifester, formuler son opinion de manière autoritaire, décisive. — REM. Dans ce sens, on emploie plutôt la forme pronominale. || Se prononcer (→ ci-dessous). || Prononcer en faveur de… (→ Ancien, cit. 15), pour, contre… || Prononcer sur… (→ Hasardeux, cit. 4; juger, cit. 32). || Prononcer entre… et… ⇒ Choisir. — Absolt. (→ Philosophie, cit. 4).
8 Si j'ose prononcer où tant d'hommes ont douté, c'est d'après une conviction intime : si ma décision se trouve conforme à mes besoins, elle n'est dictée du moins par aucune partialité (…)
É. de Senancour, Oberman, XLI.
9 Qui de nous pourrait prononcer entre Clarisse et Lovelace, entre Hector et Achille ? Quel est le héros d'Homère ?
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 789.
——————
se prononcer v. pron.
ÉTYM. (1604; v. 1587 en droit).
1 Être prononcé (→ ci-dessus I., 3.).
2 (→ ci-dessus I., 5.).
3 (1795). Sujet n. de personne. Se décider, se déterminer. || Se prononcer sur un problème (→ Conjoncture, cit. 4; 2. politique, cit. 16). || Se prononcer en faveur (cit. 28) de quelqu'un. || Se prononcer pour quelque chose. ⇒ Conclure (à), défendre (supra cit. 7); → Neutralité, cit. 3. — Absolt. || Il n'a pas voulu se prononcer avant d'avoir tous les éléments d'information nécessaires. || Il faut se prononcer hardiment. Contr. : s'abstenir.
10 La crise de juin 91 devait décider Condorcet, elle l'appelait à se prononcer. Il lui fallait choisir entre ses relations, ses précédents d'une part, et de l'autre ses idées.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, IV.
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prononcé, ée p. p. adj.
1 (1312). Déclaré, dit. || Le jugement prononcé, rendu. — N. m. (1718). Dr. || « Le prononcé de l'arrêt, de la sentence, du jugement » (Académie) : le texte de la décision tel qu'il est lu par le juge à la fin de l'audience. ⇒ Minute. — Absolt. || Le prononcé (→ Piller, cit. 9).
2 Lettre prononcée et lettre muette. — Dit, récité (et non écrit). || « Un discours prononcé » (→ Action, cit. 25, La Bruyère).
3 (→ ci-dessus, I., 5.). Fermement marqué, dessiné. || Muscles bien prononcés. || Ombre peu prononcée (→ 1. Feuillé, cit. 2).
♦ Très marqué ou très visible. || Avoir les traits du visage très prononcés. || Courbure prononcée. || Scoliose prononcée.
4 Très nettement perceptible. ⇒ Fort, marqué. || Ce gâteau a un parfum de cannelle très prononcé. — Caractère prononcé. || Un homme du type intellectuel (cit. 7) le plus prononcé. || Avoir un goût, manifester un talent prononcé pour… (→ Instinct, cit. 27). ⇒ aussi Arrêté, formel.
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CONTR. Imperceptible, indécis, insensible. — Faible.
DÉR. Prononçable.
Encyclopédie Universelle. 2012.