justifier [ ʒystifje ] v. tr. <conjug. : 7>
• v. 1120 sens 2; lat. ecclés. justificare
1 ♦ (1564) Rare Rendre juste, conforme à la justice. « Ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force » (Pascal).
2 ♦ Innocenter (qqn) en expliquant sa conduite, en démontrant que l'accusation n'est pas fondée. ⇒ couvrir, décharger, défendre, disculper, excuser. Avocat qui cherche à justifier son client. Justifier qqn d'une erreur. Ses actes le justifient pleinement. ⇒ laver. « Vous veniez accuser cet homme, vous l'avez justifié » (Hugo). — Pronom. Se justifier d'une accusation. Se justifier : prouver son innocence, son bon droit. Il cherche toujours à se justifier.
3 ♦ Rendre (qqch.) légitime. Théorie qui justifie tous les excès. ⇒ autoriser, légitimer. — PROV. La fin justifie les moyens.
4 ♦ Faire admettre ou s'efforcer de faire reconnaître (qqch.) comme juste, légitime, fondé. ⇒ exprimer, motiver. Justifier une démarche, une demande. Justifiez vos critiques. « Presque toute vie d'homme est corrompue par le besoin qu'il a de justifier son existence » (Montherlant). Une confiance que rien ne justifiait. Ses craintes ne sont pas justifiées. Par ext. Son revenu ne justifie pas ce train de vie (cf. Rendre compte de).
5 ♦ Confirmer (un jugement, un sentiment) après coup. ⇒ vérifier. L'événement a justifié notre opinion, nos espoirs.
6 ♦ Montrer (qqch.) comme vrai, juste, réel, par des arguments, des preuves. ⇒ démontrer, prouver. Justifier ce qu'on avance, ce qu'on affirme. Justifier l'emploi des sommes reçues. Il devra justifier qu'il était malade.
♢ Trans. ind.; dr. Justifier de (qqch.),en faire, en apporter la preuve. Justifier de son identité en montrant ses papiers. — Reçu qui justifie d'un paiement.
7 ♦ (1680) Imprim. Justifier le composteur, le fixer sur la justification voulue. Justifier une ligne, la mettre à la longueur requise au moyen de blancs.
⊗ CONTR. Accuser, blâmer, condamner, incriminer.
● justifier verbe transitif (bas latin ecclés. justificare, du latin classique justus, juste, et facere, faire) Défendre, disculper quelqu'un d'une accusation, le mettre hors de cause : Justifier quelqu'un devant ses accusateurs. Appuyer la réalité, l'exactitude de quelque chose par des preuves, des documents : Vous aurez à justifier le versement de cette somme. Faire admettre quelque chose, en établir le bien-fondé, la nécessité : Le gouvernement a justifié sa décision par la situation économique. Faire apparaître quelque chose comme légitime, l'autoriser : La fin ne saurait justifier les moyens. Montrer après coup que quelque chose n'était pas faux, mal fondé : Ce garçon a pleinement justifié la confiance qu'on lui a témoignée. Mettre entre chaque mot d'une ligne en cours de composition l'espacement nécessaire pour qu'elle ait la longueur requise. Mettre au nombre des justes. ● justifier (citations) verbe transitif (bas latin ecclés. justificare, du latin classique justus, juste, et facere, faire) Élie Faure Sainte-Foy-la-Grande 1873-Paris 1937 Si terrible que soit la vie, l'existence de l'activité créatrice sans autre but qu'elle-même suffit à la justifier. L'Esprit des formes Pauvert Jean Grenier Paris 1898-Dreux 1971 L'homme essaie de justifier le Dieu auquel il croit. L'Existence malheureuse Gallimard ● justifier (difficultés) verbe transitif (bas latin ecclés. justificare, du latin classique justus, juste, et facere, faire) Conjugaison Attention au redoublement du i aux première et deuxième personnes du pluriel, à l’indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous justifiions, (que) vous justifiiez. Construction 1. Justifier qqch (= montrer ou établir le bien-fondé de) : justifier ses actes, une dépense. 2. Justifier de qqch(= apporter la preuve, la justification de) : justifier du paiement d’une dette ; justifier de trois mois de salaire. ● justifier (synonymes) verbe transitif (bas latin ecclés. justificare, du latin classique justus, juste, et facere, faire) Défendre, disculper quelqu'un d'une accusation, le mettre hors de cause
Synonymes :
- blanchir
- excuser
- laver
- sauver
Appuyer la réalité, l'exactitude de quelque chose par des preuves, des...
Synonymes :
- vérifier
Faire admettre quelque chose, en établir le bien-fondé, la nécessité
Synonymes :
- fonder
- légitimer
- motiver
● justifier
verbe transitif indirect
Fournir ou constituer la preuve concrète de quelque chose : Justifier de son identité.
● justifier (difficultés)
verbe transitif indirect
Conjugaison
Attention au redoublement du i aux première et deuxième personnes du pluriel, à l’indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous justifiions, (que) vous justifiiez.
Construction
1. Justifier qqch (= montrer ou établir le bien-fondé de) : justifier ses actes, une dépense.
2. Justifier de qqch(= apporter la preuve, la justification de) : justifier du paiement d’une dette ; justifier de trois mois de salaire.
justifier
v. tr.
d1./d Prouver l'innocence de. Justifier qqn d'une accusation.
|| v. Pron. Se justifier d'une calomnie.
— Absol. Il a tout tenté pour se justifier. Syn. disculper, innocenter.
d2./d Rendre légitime. La colère ne justifie pas une telle grossièreté.
d3./d Montrer le bien-fondé de. Sa découverte justifia ses craintes.
— v. Pron. Son optimisme se justifiait totalement.
|| v. tr. indir. Justifier de: témoigner de, constituer une preuve de. Certificats qui justifient de l'authenticité d'un tableau.
d4./d IMPRIM Donner à (une ligne) la longueur convenable au moyen de blancs (2, sens I, 3).
⇒JUSTIFIER, verbe trans.
Rendre, déclarer juste.
I. A. — Qqn, qqc. justifie qqn
1. THÉOL. Rendre juste ,,comme la grâce fait du pécheur`` (MARCEL 1938); restituer au pécheur son innocence originelle. Jésus a été la victime propitiatoire [selon saint Paul]; sa mort a été la rédemption que Dieu a acceptée pour les péchés du monde, les œuvres de la Loi n'ayant pu justifier le monde (RENAN, St-Paul, 1869, p. 464). Il n'y a qu'un seul Dieu qui justifie Juifs et païens par la foi (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 1020). Richelieu a fait conduire Saint-Cyran à Vincennes parce que ce dernier ne croyait pas que l'attrition fût suffisante pour justifier le pécheur (GREEN, Journal, 1956, p. 190).
2. a) Déclarer juste; disculper, innocenter. Luisa, désespérée : (...) tout le monde l'accuse (...). Lorenzino (...) lui montrant le crucifix : Celui-là le justifiera! (DUMAS père, Lorenzino, 1842, III, 8, p. 259). V. douleur ex. 2 :
• 1. Au milieu de la place de l'Étoile, (...) ils ont fait de ce pauvre mort (...) l'idole qui dit toujours oui, chargée de justifier le monde comme il va, comme ils veulent qu'il aille.
GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 227.
— [Avec un compl. second.] Qqn, qqc. justifie qqn de qqc.
♦ Disculper quelqu'un d'une accusation sans fondement. L'opinion unanime (...) de tous ceux qui ont été à même de me connaître ou de me suivre, me justifierait assez d'une telle inculpation. Un intrigant! moi (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 642).
♦ Trouver juste, excuser l'acte, le comportement de quelqu'un. Je voyais bien que les gens à mon service étaient souvent plus paresseux que fatigués, mais leur apathie ne me justifiait pas de mon inaction (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 158). La faute originelle — la faute de la femme par excellence — écrasait les autres au point de justifier Dieu des cruautés de l'enfer (ESTAUNIÉ, Empreinte, 1896, p. 67).
b) Emploi pronom. réfl. Se disculper, prouver son innocence, le bien-fondé de sa conduite. Il n'y a pas de honte à se justifier, fût-ce devant des juges sans foi. L'innocent qui se justifie rend plus témoignage à la vérité qu'à lui-même (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 5e tabl., 12, p. 1712). Il avait compromis tout le monde. Il sentit le besoin de se justifier (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1952, p. 83) :
• 2. Il voulut parler, jamais peut-être il n'avait été prêt à un aussi grand effort d'explication, il n'avait jamais éprouvé certes un tel désir de se justifier...
ROY, Bonheur occas., 1945, p. 430.
— [Avec un compl. second.]
♦ [Le compl. désigne une pers.] Se justifier auprès de qqn. Quand on a fait des enfants si mal portants, on devrait savoir les soigner! dit-il. Paroles profondément injustes; mais son amour-propre le poussait à se justifier aux dépens de sa femme (BALZAC, Lys, 1836, p. 67). Ma pauvre enfant, tu n'as pas besoin de te justifier à mes yeux, ni de cela ni d'autre chose. Je suis ta mère : tu seras toujours innocente pour moi (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 227). Les croyants se justifient devant Dieu, les laïques devant l'humanité, les marxistes devant la révolution (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 144).
♦ [Le compl. désigne l'accusation ou l'objet de l'accusation] Se justifier d'une accusation, d'un reproche; se justifier d'un meurtre. Celui-ci, trop vrai pour se justifier d'une faute qu'il n'a pas faite, trop bon pour en accuser un autre, gardoit le silence (COTTIN, C. d'Albe, 1799, p. 113) :
• 3. Sous le rapport de la langue, je profite peu. Mais beaucoup sous celui des livres. J'en ai déjà trouvé plusieurs à moitié prix de ce qu'ils coûteraient à Paris. Cela payera, je l'espère, une partie de mon voyage. Je l'ai écrit à mes tantes, pour me justifier de cette dépense.
MICHELET, Journal, 1828, p. 710.
3. P. ext. Donner à quelqu'un sa raison d'être, lui donner raison dans son attitude. Beaucoup de femmes trouvent (...) dans leur grossesse une merveilleuse paix, elles se sentent justifiées (BEAUVOIR, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 313). Quand on chapitre un homme, on aime rencontrer chez lui quelque résistance qui vous justifie et vous excite (ARNOUX, Double chance, 1958, p. 114).
— [Avec un compl. second.] Qqn, qqc. justifie qqn dans qqc. Par les mythes et les contes qu'il élit il vérifie son pressentiment. Leur allégation universelle le justifie dans son affabulation la plus intime (DURRY, Nerval, 1956, p. 127).
— Justifier qqn à/de + inf. Donner à quelqu'un le droit de, des raisons de. C'est là le fond de la joie d'amour, lorsqu'elle existe : nous sentir justifiés d'exister (SARTRE, Être et Néant, 1943, p. 439). C'est ce respect et ce maintien de la légitimité républicaine qui nous ont justifiés et nous justifient à exercer le pouvoir pour conduire le pays dans la guerre (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 346).
B. — Qqn, qqc. justifie qqc.
1. Déclarer conforme à la justice. L'esprit humain avait (...) besoin de cette (...) fausse hypothèse pour justifier les voies de la Providence (P. LEROUX, Humanité, t. 2, 1840, p. 974).
— [Avec un compl. second.] Qqn, qqc. justifie qqc. de qqc. Éviter à quelque chose une critique possible. Toute grande célébrité dans les lettres a sa raison, bonne ou mauvaise, qui la motive, l'explique et la justifie du moins de l'absurdité (SAINTE-BEUVE, Tabl. poés. fr., 1828, p. 67).
2. a) Prouver le bien-fondé de quelque chose; fournir des arguments en faveur de quelque chose; trouver des raisons valables à quelque chose.
) [Le compl. désigne un fait, un acte, une attitude] Si les passions ne justifient pas le mal, elles l'excusent, elles l'expliquent, elles font concevoir pourquoi il existe (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 649). Il fut reconnu possesseur d'une somme de soixante francs dont il ne put justifier la provenance (FRANCE, Orme, 1897, p. 193). C'est seulement lorsque j'ai agi que cette clairvoyance entre en jeu pour justifier à mes yeux ce que j'ai fait (MARTIN DU G., Thib., Consult., 1928, p. 1126) :
• 4. ... quelle persévérance dans l'incompréhension, quelle politique de haine et de mauvais vouloir il a fallu pour obtenir de quoi justifier les brutalités, les exactions et les sévices.
GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 832.
SYNT. Justifier une action, une décision, une démarche, une dépense, une entreprise, une intervention, une mesure, un procédé, une résolution; justifier une absence, une audace, un écart, un égarement, une faiblesse, une maladresse, une volte-face; justifier un blâme, un éloge, un refus, un reproche; justifier une agression, un assassinat, une calomnie; justifier la force, le meurtre, la trahison, la (non-)violence; justifier sa conduite, sa foi, sa présence, sa réputation.
♦ Proverbe. La fin justifie les moyens. V. fin1 ex. 5.
♦ En partic. Justifier son existence, sa vie, sa condition. Lui donner son sens véritable. Nous sommes des maisons de prière, la prière seule justifie notre existence (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 2e tabl., 1, p. 1585). Non seulement l'ingratitude, mais l'échec de son fils sera le démenti de tous ses espoirs : comme dans le mariage ou l'amour, elle remet à un autre le soin de justifier sa vie (BEAUVOIR, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 340) :
• 5. ... tout ce pourquoi les hommes acceptent de se faire tuer, au delà de l'intérêt, tend plus ou moins confusément à justifier cette condition [la condition d'homme] en la fondant en dignité : christianisme pour l'esclavage, nation pour le citoyen, communisme pour l'ouvrier.
MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 348.
) [Le compl. désigne un sentiment] Il ne lui manquait rien de ce qui peut inspirer l'amour, de ce qui le justifie et de ce qui le perpétue (BALZAC, Langeais, 1834, p. 245). Depuis la Libération il vivait dans une espèce d'euphorie que rien ne justifiait (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 121) :
• 6. Ma joie naissait du sentiment obscur de cette hostilité, car elle justifiait l'antipathie dure, sournoise, qui avait animé mon cœur spontanément, dès que je l'avais vu, dès qu'il m'avait parlé.
BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 242.
SYNT. Justifier une appréhension, une attirance, une crainte, une inquiétude, une préférence, un pressentiment, une prévention, un soupçon; justifier la confiance, le découragement, l'enthousiasme, l'espérance, la haine, le pessimisme, la sévérité.
) [Le compl. désigne une manifestation de l'activité intellectuelle] Les exemples foisonnent dans la littérature actuelle qui corroborent cette hypothèse et justifient cette analogie (BOURGET, Essais psychol., 1883, p. 16). Il n'en faut pas croire le titre de ce recueil; on ne trouvera rien ici qui le justifie (FRANCE, Génie lat., 1909, p. 11). Un certain nombre de certitudes à partir desquelles on peut justifier ou récuser certaines des solutions stratégiques proposées (BEAUFRE, Dissuasion et strat., 1964, p. 112) :
• 7. ... dire que la négation est en elle-même un acte positif justifiait par avance toutes les sortes de négation et annonçait le cri de Bakounine et Netchaiev : « Notre mission est de détruire, non de construire. »
CAMUS, Homme rév., 1951, p. 181.
SYNT. Justifier une assertion, un choix, une conclusion, une définition, une hypothèse, un jugement, une observation, une opinion, un précepte, un principe, un pronostic, une supposition; justifier une clause, une sentence, une thèse; justifier ses dires.
Absol. V. injustifiable ex. 2.
— Qqn justifie qqc. par qqc. Des chefs d'industrie (...), toujours prêts à justifier par des argumens les œuvres de leur cupidité (SAY, Écon. pol., 1832, p. 380) :
• 8. Il prétendit, une fois de plus, justifier l'intervention britannique au Levant par la responsabilité que son pays, suivant lui, assumait dans tout l'Orient.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 194.
— Justifier que + subj. :
• 9. ... comment justifier que deux Franciscains : saint Jean de Capistran et saint Joseph de Cupertino aient, chacun, une messe entière, propre, et que leur frère en saint François, saint Bernardin de Sienne qui est, je présume, là-haut leur égal, ne dispose que d'un évangile et d'une oraison à part?
HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 174.
— Emploi pronom. réfl. indir. Qqn se justifie qqc. Se donner des raisons valables pour quelque chose. Canalis, pris jeune par la belle duchesse de Chaulieu se justifia donc à lui-même ses affectations en se disant qu'elles plaisaient à cette femme dont le goût faisait loi (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 188). Durtal réfléchissait et se sortait alors des arguments plus valides, des raisons plus péremptoires pour se justifier ses appréhensions (HUYSMANS, Oblat, t. 1, 1903, p. 13).
— Emploi pronom. passif. Qqc. se justifie (par qqc.). Trouver sa raison d'être (dans quelque chose). L'inégalité des conditions ne peut se justifier ni par l'antériorité d'occupation, ni par la supériorité de talent, de service, d'industrie et de capacité (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 310). N'était le nom de rue aux Jongleurs qui devait bien se justifier de quelque manière, il semblerait que les jongleurs aient été rares à Paris (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 109). Réalisme et forme ne se justifient que par leur solidarité avec l'âme d'un artiste créateur (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 223). V. chemin ex. 1 :
• 10. L'usage que Rimbaud fait du langage se justifie uniquement par cette volonté de saisir ce que ne saisit aucun autre des moyens dont nous disposons. « J'écrivais des silences, des nuits, je notais l'inexprimable. »
BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 386.
b) En partic.
) Qqc. justifie qqc. Servir de preuve matérielle à quelque chose. Le livret matricule est une pièce très importante qui justifie l'existence de l'intéressé et les droits qui en découlent (LUBRANO-LAVADERA, Législ. et admin. milit., 1954, p. 68).
) Emploi trans. indir. Qqn justifie de qqc. Faire, fournir la preuve (matérielle) de quelque chose. Justifier d'un apport, d'une créance, d'une rente; justifier d'un grade, d'un diplôme, d'une qualification, d'un temps de service; justifier de son identité, de son insolvabilité. Les vagabonds qui ne peuvent justifier d'aucun moyen d'existence (SAY, Écon. pol., 1832, p. 496). Pouvez-vous justifier de l'authenticité de ce que vous dites? (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 398). Les candidats doivent justifier des connaissances et des qualités leur permettant de bénéficier utilement de l'enseignement considéré (Encyclop. éduc., 1960, p. 212). V. alimentaire ex. 7 et extrême ex. 5 :
• 11. Ce dernier don, une mort courte, est libéralement octroyé à bon nombre (...) de jeunes ouvrières qui naquirent tard et ne peuvent justifier d'un tempérament assez fort pour résister à l'hiver.
MICHELET, Insecte, 1857, p. 302.
Rem. On relève avec le même sens la loc. justifier avoir (fait) qqc. Nul ne peut être investi de fonctions publiques, même électives, s'il ne justifie avoir satisfait aux obligations imposées par la présente loi (J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p. 3810). Le certificat de stage délivré (...) aux personnes qui justifiaient avoir enseigné pendant trois ans au moins dans les écoles autorisées à recevoir des stagiaires (Encyclop. éduc., 1960, p. 68).
II. — IMPRIMERIE
A. — Justifier les lignes (d'un texte) ou, absol., justifier. Donner aux lignes la largeur requise en aménageant convenablement les espaces entre les mots, tout en veillant à la coupure normale de ceux-ci en fin de ligne, de façon à ce que les marges de droite et de gauche soient régulières. Machine à justifier (v. cicéro B, Civilis. écr., 1939, p. 806). Un système de comptage et d'avance automatique permet de justifier la ligne (Encyclop. Sc. Techn., t. 6, 1971, p. 857).
♦ Justifier un composteur. Il [le typographe] commence par justifier son composteur, c'est-à-dire à en régler la largeur utile suivant la largeur prévue pour sa composition (VALOTAIRE, Typogr., 1930, p. 22).
— P. anal. La bibliographie est reléguée à la dernière page, dans un coin. On justifie avec elle, je veux dire qu'on l'allonge ou qu'on la raccourcit selon les besoins du numéro (ZOLA, Doc. littér., Crit. contemp. 1881, p. 265).
B. — Justifier les caractères d'imprimerie. S'assurer de leur conformité avec le modèle. (Ds LITTRÉ, DG).
Prononc. et Orth. : [], (il) justifie []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1re moitié XIIe s. « déclarer quelqu'un juste, le reconnaître innocent » (Psautier Oxford, 81, 3 ds T.-L.); b) 1564 « faire paraître juste » (Indice et rec. universel de tous les mots principaux des livres de la Bible ds FEW t. 5, p. 85 b); 2. a) 1368 « prouver, établir un fait » (Ordonnances des Roys de France, t. 5, p. 135); b) 1587 « prouver la vérité d'une opinion, d'un jugement » justifier de « apporter la preuve de quelque chose » (CHOLIÈRES, Apresdisnee, II, Du Mariage ds Œuvres, éd. Ed. Tricotel, II, 86); c) 1670 « confirmer après coup » (BOSS., Reine d'Anglet. ds LITTRÉ); 3. 1521 typogr. « équarrir les matrices et en égaliser la profondeur en passant la lime sur la surface » (E. COYECQUE, Inventaire sommaire d'un minutier parisien pendant le cours du XVIe s., I, 48 ds WOLF Buchdruck, p. 29). Empr. au lat. chrét. justificare « traiter avec justice; déclarer quelqu'un juste » dér. du lat. justus, v. juste. Fréq. abs. littér. : 2 949. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 4 579, b) 1 976; XXe s. : a) 3 095, b) 5 713.
justifier [ʒystifje] v. tr.
ÉTYM. V. 1120, au sens A, 2; du bas lat. ecclés. justificare, de jus « droit », et facere « faire ».
❖
———
A Trans. dir.
1 (1564). Rare. (Sujet n. de personne). Rendre juste, conforme à la justice.
1 (…) ne pouvant fortifier la justice, on a justifié la force, afin que le juste et le fort fussent ensemble, et que la paix fût, qui est le souverain bien.
Pascal, Pensées, V, 299.
♦ Théol. || Dieu justifie les hommes par sa grâce. || Le confessionnal (cit. 2), tribunal qui justifie les pécheurs. ⇒ Laver.
2 (Sujet n. de personne ou de chose). Montrer l'innocence de (qqn), sa conduite, en démontrant que l'accusation n'est pas fondée. ⇒ Couvrir, décharger, défendre, disculper, excuser, innocenter (→ Apologiste, cit. 2). || Justifier un frère, un ami auprès de celui qui l'accuse, le blâme. || Justifier qqn d'une erreur. — (Sujet n. de chose). || Ses bonnes intentions le justifient pleinement. ⇒ Laver.
2 Je justifierais les femmes de bien des choses dont on les accuse (…)
Molière, l'Impromptu de Versailles, I.
3 La grande question dans la vie, c'est la douleur que l'on cause et la métaphysique la plus ingénieuse ne justifie pas l'homme qui a déchiré le cœur qui l'aimait.
B. Constant, Adolphe, Réponse de l'éditeur.
4 Vous veniez accuser cet homme, vous l'avez justifié (…) vous vouliez le perdre, vous n'avez réussi qu'à le glorifier.
Hugo, les Misérables, VIII, IX, IV.
5 (…) Planche n'étant nullement justifié auprès de moi du tort que je lui impute, j'aimerais mieux crever de faim que de lui demander un service dans les circonstances actuelles.
G. Sand, Lettres à Musset, VIII, 15 juin 1834.
♦ Pron. || Se justifier : montrer, prouver son innocence, son bon droit. ⇒ Excuser (cit. 18). || Il a tenté en vain de se justifier.
6 Dois-je alléguer, pour me justifier, la nécessité, maîtresse des hommes et des dieux, qui me conduisit comme elle conduit l'univers ?
France, le Petit Pierre, XXXII.
♦ (Compl. n. de chose). || Justifier la conduite de qqn. || Justifier sa propre conduite. || Justifier une opinion de jeunesse (→ Exciper, cit. 2).
7 (…) je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie.
Molière, les Précieuses ridicules, Préface.
8 (…) il n'était pas homme à chercher des excuses (…) plutôt proclamait-il les raisons qui justifiaient, à ses yeux, ce qu'on avait fait.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Avènement de l'Empire, VI.
9 C'est seulement lorsque j'ai agi que cette clairvoyance entre en jeu pour justifier à mes yeux ce que j'ai fait (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 221.
3 (1585). Sujet n. de chose. Rendre (qqch.) légitime. || Théorie qui justifie tous les excès. ⇒ Autoriser, légitimer. || Le besoin ne suffit pas à justifier de telles exactions.
10 Notre défiance justifie la tromperie d'autrui.
La Rochefoucauld, Réflexions morales, 86.
♦ ☑ Prov. La fin justifie les moyens, maxime attribuée tantôt à Machiavel, tantôt aux Jésuites.
11 Leur maxime (des Jésuites), banalisée depuis, mais si forte, que « la fin justifie les moyens ». Oui, mais il faut que la fin soit grande.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVII, p. 230.
12 On dit que la fin justifie les moyens (elle les condamne tout aussi bien).
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 56.
4 (XVIIe). Dans un sens affaibli. (Sujet n. de personne ou de chose). Faire admettre ou reconnaître (qqch.) comme légitime, correct, fondé en raison. ⇒ Expliquer, motiver. || Justifier une démarche, une demande. || Justifiez vos critiques. || Justifier une expression, une locution (→ Appui, cit. 36). || Justifier qqch. par… || Une coutume difficile à justifier, que la raison ne peut justifier (→ Civilisation, cit. 15). || Il éprouvait une joie que rien ne justifiait. || Justifier un surnom par sa conduite (→ Épigramme, cit. 8). || Son revenu ne justifie pas ce train de vie. ⇒ Compte (rendre compte de…). || Justifier que… (→ Attacher, cit. 35). || Cela ne justifie pas que vous renonciez.
13 Quelques-unes de ces pages (d'Henriette Renan) justifient en plus d'un endroit la gratitude admirative qu'il a (Renan) manifestée à sa sœur.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 407.
14 Presque toute vie d'homme est corrompue par le besoin qu'il a de justifier son existence. Les femmes sont moins sujettes à cette infirmité.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 250.
5 (Mil. XVIIe). Sujet n. de chose. Confirmer (un jugement, un sentiment). ⇒ Vérifier. || L'événement a justifié notre opinion, nos craintes, nos espoirs, notre attente. — (Sujet n. de personne). || Vous avez justifié mes espoirs (→ Content, cit. 13).
15 L'expérience a justifié ses sentiments (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Marie de France (1669).
6 (1368, Ordonnances des Roys de France). Montrer (qqch.) comme vrai, juste, réel, par des arguments, des preuves. ⇒ Démontrer, prouver. || Justifier ce qu'on avance, ce qu'on affirme. || Justifier un fait. || Justifier une assertion par des preuves. || Justifier l'emploi (cit. 7) des sommes reçues. || Justifier que… || Il devra justifier qu'il possède bien ce titre.
16 Je n'avance rien qu'il ne me soit aisé de justifier.
Molière, l'Avare, V, 5.
17 Commandez : laissez-nous, de votre nom suivis,
Justifier partout que nous sommes vos fils.
Racine, Mithridate, III, 1.
B (Trans. ind.). Dr. || Justifier de. || Justifier de (qqch.), en faire, en apporter la preuve. || Justifier de son identité en montrant ses papiers. || Justifier de sa capacité professionnelle (→ Artisan, cit. 7). — (Sujet n. de chose). || Reçu qui justifie d'un paiement.
———
II (1521). Imprim. || Justifier le composteur, le fixer sur la justification (II.) voulue. || Justifier une ligne, la mettre à la longueur requise au moyen de blancs.
18 L'ancienne typographie est un art d'exactitude (…) il arrivait qu'une ligne mal justifiée, c'est-à-dire mal composée, s'échappât de l'ensemble et se répandît sur le sol.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, V, IX.
18.1 Le télétypesetter est un téléimprimeur perfectionné. Son appareil émetteur justifie les lignes, c'est-à-dire qu'il les coupe à la longueur exigée par la colonne de journal.
Philippe Gaillard, Technique du journalisme, p. 39.
——————
se justifier v. pron.
ÉTYM. (Du sens I). Réfl.
♦ Démontrer son innocence (→ Artifice, cit. 8). || Répondre à des reproches en se justifiant (→ Éclairer, cit. 13). || N'avoir aucune excuse pour se justifier (→ Accabler, cit. 7). || Se justifier auprès de qqn (et, vx, à qqn). — Je veux me justifier de ces accusations, de ces calomnies (Académie). ⇒ Laver (se).
19 Notre ami demanda s'il ne pourrait point voir Sa Majesté, et se justifier à son maître de sa conduite (…)
Mme de Sévigné, 761, 13 déc. 1679.
20 (…) j'ai bien à cœur de me justifier des reproches qu'il me fait.
Laclos, les Liaisons dangereuses, CVII.
21 C'était la pièce fausse, me répondit-il tranquillement, comme pour se justifier de sa prodigalité.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXVIII.
♦ Passif. (Choses). Être justifié. || Se justifier par…
22 Jean souffrait de poursuivre un but évidemment égoïste et qui ne se justifiait que par la sauvegarde de sa propre personne.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 187.
♦ Être fondé sur de bonnes raisons. ⇒ Expliquer (s'). || Locution qui se justifie très bien (→ Chez, cit. 17). || Des craintes qui ne se justifient guère.
23 Un goût peut se justifier. En dégustant du cognac, oncle Philippe définit très bien ses préférences et reconnaît distinctement la qualité.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, p. 242.
——————
justifié, ée p. p. adj.
1 (Personnes). Disculpé, innocenté. — Relig. Qui a retrouvé l'innocence par la grâce.
2 (Choses). Qui a un juste fondement, qui est légitime, motivé. || Châtiment justifié. || Accusations (cit. 8) justifiées. || Réclamation justifiée (→ Le bien-fondé d'une réclamation). || Un reproche tout à fait justifié (→ Féconder, cit. 6). || Être en butte (cit. 5) à des attaques justifiées. || L'emploi de faire (cit. 117) semble particulièrement justifié quand…
♦ Par ext. Fondé, légitime. || Une vie justifiée. || Ce que l'homme souhaite être : « une réalité justifiée » (Sartre, Baudelaire). — Sentiments justifiés. || Émotions justifiées. — ☑ Loc. Il est (paraît) justifié de…
❖
DÉR. Justifiable, justifiant.
Encyclopédie Universelle. 2012.