● non- Préfixe exprimant l'absence, la négation, le contraire, le refus.
⇒NON(-), (NON, NON-) élém. de compos.
I. —[Le mot constr. est un adj. en oppos. anton. avec l'adj. de base, à l'intérieur d'un groupe nom. lexicalisé, ou est un adj. substantivé]
A. —[Le mot constr. est un adj. qualifiant un subst. de l'inanimé] Une zone non constructible; un revenu non imposable; un livre non paginé; une denrée non périssable; une industrie non polluante; de l'eau non potable; une plainte non recevable. V. non(-)directif, non(-)figuratif et aussi:
non bâti, -ie. Les compagnies capitalistes pourront prendre possession des terrains non bâtis avant le règlement définitif de l'indemnité (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.233).
non littéraire. La valeur informative d'un message dépend en effet d'autre chose que d'un simple assemblage grammatical de mots, et cela aussi dans des textes non littéraires (COYAUD, Introd. ét. lang. docum., 1966, p.77).
non productif, -ive. Le luxe consiste essentiellement dans les dépenses non productives, quelle que soit d'ailleurs la nature de ces dépenses (DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p.79).
non remboursable. En jetant dans la circulation un papier non remboursable (SAY, Écon. pol., 1832, p.270).
non sanglant, -ante. Quelques accidents. Un suicide. Deux cambriolages non sanglants (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.212).
non vénéneux, -euse. Une de ces grosses colombes du jardin royal (...), le cou ceint du collier que portent les champignons non vénéneux (GIRAUDOUX, Siegfried et Lim., 1922, p.32).
non vertébré, -ée. Dans les animaux non vertébrés, à corps mou, il n'y a, pour ainsi dire, que des muscles peaussiers (CUVIER, Anat. comp., t.2, 1805, p.571).
— LINGUISTIQUE:
non(-)accompli, -ie. (non accompli, non-accompli) ,,On appelle non-accomplie la forme de l'aspect indiquant (...) l'action dans son déroulement`` (Ling. 1972). Emploi subst. Pierre mange, Pierre mangeait, Pierre mangera sont respectivement un non-accompli présent, un non-accompli passé et un non-accompli futur (Ling. 1972).
non(-)animé, -ée.(non animé, non-animé) Synon. inanimé. On observe certaines différences syntaxiques selon qu'un nom désigne un être humain, un être animé en général (homme ou animal), ou une chose (objet non-animé) (J. DUBOIS, R.LAGANE, La Nouv. gramm. du fr., Paris, Larousse, 1973, p.40).
non(-)comptable.(non comptable, non-comptable) Synon. massif, massique. Les noms non-comptables (désignant des choses qu'on ne peut pas compter) (J. DUBOIS, R.LAGANE, La Nouv. gramm. du fr., Paris, Larousse, 1973, p.52).
non(-)marqué, -ée.(non marqué, non-marqué) Ainsi la catégorie des occlusives dentales, en allemand, comprend deux termes, la sonore /d/ et la sourde /t/; l'élément /t/ est dit non marqué, car c'est lui seulement qui apparaît dans les contextes où l'opposition /d/-/t/ ne se fait plus, c'est-à-dire à la finale des mots (O. DUCROT, Dire et ne pas dire, Paris, Hermann, 1972, p.214).
non(-)prédicatif, -ive.(non prédicatif, non-prédicatif) Les huit (...) parties de la langue se répartissent en deux groupes: les parties de langue prédicatives: le substantif, l'adjectif, le verbe et l'adverbe; les parties de langue non prédicatives: le pronom, l'article, la préposition, la conjonction (MOIGNET, Systématique de la lang. fr., Paris, Klincksieck, 1981, p.13).
non(-)voisé, -ée.(non voisé, non-voisé) Synon. sourd. Un phonème non-voisé (...) est un phonème réalisé habituellement sans vibration des cordes vocales (...). Il s'agit en général de consonnes, par exemple en français (p, t, k, s, ) (Ling. 1972).
B. —[Le mot constr. est un adj. qualifiant un subst. désignant une pers. ou une collectivité hum. (et secondairement, une activité ou une production hum.), ou un adj. substantivé désignant une pers.] V. non(-)combattant, non-comparant, non(-)conformiste, non(-)croyant, non(-)engagé, non(-)inscrit, non(-)propriétaire, non(-)résident, non(-)violent.
— [Le mot constr. est un adj.]:
non-assermenté, -ée. Un prêtre non-assermenté disait la messe (ROBESPIERRE, Corresp., 16 oct. 1791, p.126 ds QUEM. DDL t.11).
non chrétien, -ienne. Les peuples idolâtres ou non chrétiens (BONALD, Essai analyt., 1800, p.88).
non communiste. La droite, le centre et la gauche non communiste comptent sur cet argent pour leurs dépenses personnelles (Le Point, 23févr. 1976, p.130, col. 2).
non noble. Contraindre désormais tous les hommes non nobles à travailler de leurs mains, soit à la terre, soit à d'autres métiers (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t.3, 1821-24, p.263).
non possédant, -ante. La misère y est, autant dire, supprimée. Alors, de quoi se plaint-elle encore, cette classe non possédante? (GIDE, Journal, 1933, p.1189).
— [Le mot constr. est un adj. substantivé désignant une pers.]:
non-catholique. Des allées plantées d'arbres d'une grande élévation, à l'ombre desquels reposent les non-catholiques (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.281).
non-communiste. Avis aux non-communistes: tout est commun, même Dieu (BAUD, Mon coeur mis à nu, 1862-64 ds DUB. Pol. 1962, p.353).
non-initié, -ée. Ce film éducatif serait doublé d'intentions, imperceptibles d'ailleurs aux non-initiés (BLANCHE, Modèles, 1928, p.201).
non-libéral, -aux. La division en libéraux et non-libéraux qu'il y avait eue sous la Restauration et la royauté de Juillet (BARRÈS, Cahiers, t.6, 1907, p.75).
non noble. Voir ceux des nobles qui avaient accepté des fonctions publiques, et même quelques non nobles fort influents (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.9).
non-patriote. Si on accordait des gardes du corps aux patriotes, il n'y aurait pas de raison pour en refuser aux non-patriotes (AULARD, La Société des Jacobins, 21 janv. 1793, IV, p.697 ds QUEM. DDL t.11).
non possédant. Nous reprochons précisément à la démocratie bourgeoise de n'accorder au non possédant qu'une apparence de liberté (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.163).
non-privilégié, -ée. Pour s'empêcher d'être tout à fait écrasé, il ne reste au malheureux non-privilégié que la ressource de s'attacher par toutes sortes de bassesses à un grand (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p.33).
non-producteur. Le parti des universitaires et des académiques, des faiseurs d'éloges, des critiques, des non-producteurs, des non-imaginatifs (GONCOURT, Journal, 1855, p.223).
non-salarié, -ée. Il y a sans doute une certaine marge de fraude dans le monde, d'ailleurs très composite, des non-salariés (Le Point, 11 oct. 1976, p.75, col. 1).
non-spécialiste. Il a beaucoup lu, beaucoup vu et beaucoup retenu. Il a l'agrément sans fruit des non-spécialistes (GONCOURT, Journal, 1855, p.212).
non-syndiqué, -ée. [Les] compagnons du syndicat, qui avaient résolu de pénétrer dans un chantier et d'en chasser les non-syndiqués (R. BAZIN, Blé, 1907, p.79).
C. —[Le mot constr. est un subst. de l'inanimé obtenu à partir d'un adj. ou d'un adj. participial substantivé]
non-dit. Le décryptage de George [dans son livre «Sur Sartre»], lisant sous ce que Sartre a dit un non-dit, plus vrai que le reste est ignoré de Sartre lui-même (A. GORZ ds Le Nouvel Observateur, 6 déc. 1976, p.97, col.1).
non-existant. Nous sommes dans le vide, le décoloré, le non-existant, que fait le chagrin, le milieu flottant des amertumes (GONCOURT, Journal, 1865, p.204).
non-identique. En réduisant, comme dit Hegel, le non-identique à l'identique (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p.136).
non-intelligible. La valeur de la distinction entre l'intelligible et le non-intelligible est elle-même suspendue à celle de la norme (G. MARCEL, Journal, 1914, p.106).
II. —[Le mot constr. est un subst. en oppos. anton. avec le subst. de base (dont il garde le genre)]
A. —[Le mot constr. est un subst. d'action; il est interprétable comme étant la nominalisation du verbe d'une phrase négative] V. non-agression, non-alignement, non-assistance, non-comparution, non-conciliation, non-connaissance, non-croyance, non-discrimination, non-engagement, non-e.écution, non-figuration, non-intervention, non-jouissance, non-paiement, non-participation, non-résidence, non-résistance, non-respect, non-retour, non-réussite, non-satisfaction, non-succès, non-usage, non-utilisation et aussi:
non-absorption. Cette non-absorption des ferments est bien curieuse (Cl. BERNARD, Notes, 1860, p.36).
non-acceptation. Combien n'en ai-je pas vu calculer avec avidité toutes les probabilités de la non-acceptation de cette nouvelle forme de gouvernement? (CRÈVECOEUR, Voyage, t.3, 1801, p.262).
non-accomplissement. Ce non-accomplissement de la promesse (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.960).
non-action, subst. fém. La chrétienté (...) n'a pas développé la notion de l'absence et de la non-action de Dieu ici-bas (S. WEIL, Pesanteur, 1943, p.166).
non-amour. Au contraire de ce que croient ceux que je n'aime pas, et qui ne me jugent que sur mon non-amour pour eux, je suis quelqu'un de fidèle, d'absurdement fidèle (MONTHERL., Démon bien, 1937, p.1341).
non-apparition. La non-apparition de Fabrice la plongeait dans une (...) mortelle inquiétude (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.316).
non-arrivée. La non-arrivée d'une dépêche importante qu'il attendait (PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.425).
non-compréhension. Quelque cuirassé que l'on soit sur la non-compréhension de sa valeur dans les sociétés (GONCOURT, Journal, 1884, p.387).
non-conclusion. La non-conclusion de l'affaire (BALZAC, Contrat mar., 1835, p.291).
non-condamnation, subst. fém. La non-condamnation à mort avait trompé l'attente des Parisiens (VIGNY, Journal poète, 1830, p.928).
non-consommation. 1. [Correspond à consommation A] Il ne peut y avoir de divorce (...) si l'on plaidait la nullité, sous prétexte de non-consommation, figurez-vous un peu le beau bruit que cela ferait (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, 1847, p.267). 2. [Correspond à consommation B] Les démocraties populaires préservent un taux élevé de non-consommation: j'évite à dessein le terme d'épargne, toujours difficile à définir (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p.586).
non-création. 1. [Correspond à création I A] Conversation avec Müller sur une question intéressante, la création ou non-création du monde (CONSTANT, Journaux, 1804, p.54). 2. [Correspond à création I B] [Meissonier] abdique dans la non-création; il n'est plus qu'un écho docile de ce qu'il voit (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, 142).
non-dissémination. La non-dissémination des armes nucléaires (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p.104).
non-empiètement. Le non-empiètement des tribunaux ecclésiastiques sur les justices ordinaires (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.250).
non-enchaînement. Il y [a], dans cette pièce, un défaut capital: c'est le non-enchaînement de la première partie avec la seconde (FLAUB., Corresp., 1852, p.361).
non-évacuation. Sous prétexte de la non-évacuation de Malte, il réunit les provinces du Piémont aux États français (CHATEAUBR., Mém., t.2, 1848, p.375).
non-exercice. Des preuves de non-vote et de non-exercice de mes droits (COURIER, Pamphlets pol., Conseil préfec. Tours, 1820, p.51).
non-explication. La non-explication, la simple position des personnages et de leurs gestes, sans aucune appréciation, sans aucune rectification (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1908, p.12).
non-fréquentation. La non-fréquentation scolaire aboutit (...) au retard scolaire, à l'échec, à l'insuffisance des connaissances (S. CORDELIER, Enf. de la discorde, 1954, p.121).
non-garantie. Dans le même cas de stipulation de non-garantie, le vendeur en cas d'éviction est tenu à la restitution du prix (Code civil, 1804, art.1629, p.300).
non-ingérence. Le principe de non-ingérence ne signifie pas une non-influence (P. JUQUIN ds La Nouvelle critique, 1963, n°145-146, p.155).
non-insertion. Nous avions été bien contrariés de la non-insertion du premier article (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1834, p.135).
non-lecture. Depuis (...) que je me suis rebiffé sur la prétendue non-lecture d'un état (STENDHAL, Journal, 1810, p.195).
non-mélange. Des gens qui me semblaient offrir les tempéraments à un degré remarquable de non-mélange (STENDHAL, Hist. peint. Ital., t.2, 1817, p.38).
non-obéissance. Opposer la non-obéissance passive à la force exigerait plus de courage et serait bien plus propre à sauvegarder les meilleurs éléments de la vie nationale (B. RUSSELL, Philosophie du pacifisme, 1923, p.15 ds QUEM. DDL t.7).
non-observation. Les difficultés et indemnités qui résulteraient de la non-observation de ces conditions (BALZAC, Corresp., 1838, p.473). La non-observation ou (...) l'absence de consignes précises (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p.226).
non-perception. C'est miraculeux, chez cette femme, la non-perception d'un tas de choses délicates (GONCOURT, Journal, 1866, p.295).
non-possession. La misère n'est pas dans la non-possession de ce qui ne nous est point d'une nécessité absolue, mais dans l'opposition entre les besoins et la possession (SENANCOUR, Rêveries, 1799, p.76).
non-prolifération. La conférence sur le désarmement et particulièrement la non-prolifération des armes atomiques (Le Monde, 13 mai 1966 ds GILB. 1971).
non-publication. La non-publication de la musique d'Auber (BALZAC, Corresp., 1844, p.740). La non-publication du livre sur Gide (DU BOS, Journal, 1928, p.165).
non(-)réalisation. (non réalisation, non-réalisation) Une espérance dont la non réalisation me tuerait (PONSON DU TERR., Rocambole, t.1, 1859, p.573).
non-réception. La santé des troupes, le dénûment de toutes choses, la non-réception des ordres (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.743).
non-reconduction. La non-reconduction des contrats d'achat (GOLDSCHMIDT, Avent. atom., 1962, p.166).
non(-)reconnaissance. (non reconnaissance, non-reconnaissance) Si l'Espagne tient ferme pour la non reconnaissance [de l'indépendance de ses colonies], elle embarrassera fort l'Angleterre (CHATEAUBR., Corresp., 1824, p.164).
non-réélection. Je me surprends cependant à parler trop souvent et avec trop de chaleur de ma non-réelection (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.221).
non-réponse. En cas de non-réponse, je t'attends à midi (FLAUB., Corresp., 1856, p.198).
non-révélation. Fait de ne pas dénoncer, révéler quelque chose. La foule, fidèle à son système de non-révélation, resta muette (E. BERTHET, Le Dernier Irlandais, 1851, p.25 ds QUEM. DDL t.13).
non-séparation. La distinction de l'élément général et de l'élément particulier portée jusqu'à leur séparation, ou leur non-séparation portée jusqu'à l'abolition de leur différence (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.253).
non-vente. Moyennant un billet de remboursement en cas de non-vente (CHATEAUBR., Mém., t.1, 1848, p.443).
non-versement. V. supra non-reconnaissance ex. de Barrès.
non-vote. V. supra non-exercice ex.
B. —[Le mot constr. est un subst. de qualité; il est interprétable comme la nominalisation d'une relative négative: (x) qui n'est pas coupable → la non-culpabilité (de x)] V. non-activité, non-conformisme, non-conformité, non-contradiction, non-mitoyenneté, non-pesanteur, non-présence, non-valeur et aussi:
non-contingence. L'acte de foi qui pose la non-contingence du moi empirique (G. MARCEL, Journal, 1914, p.45).
non-culpabilité. Toutes les prévisions de ceux qui croient à la non-culpabilité de Peytel sont réalisées (BALZAC, Corresp., 1839, p.700).
non(-)égoïsme. (non égoïsme, non-égoïsme) L'affectation de non égoïsme est cousine de la pudeur (VALÉRY, Cahiers, 1918, p.214 ds QUEM. DDL t.7).
non-hostilité. Une véritable promesse tacite de non-hostilité (GRACQ, Syrtes, 1951, p.249).
non-identité. 1. Fait de ne pas être identique. C'est, comme le dit Hegel, la non-identité qui est la cause déterminante, et l'identité amène le repos, c'est l'indifférence chimique (Cl. BERNARD, Princ. méd. exp., 1878, p.208). 2. Rare. Fait pour une personne de ne pas avoir l'identité qu'on lui prête. Mais l'erreur dura trop ou trop peu; dès qu'il ne lui fut plus possible de se méprendre sur la non-identité des personnes, la victime de cette méprise se mit à crier, en s'échappant des bras de celui qui n'était pas son époux (E. CORBIÈRE, La Mer et les marins, 1833, pp.218-219 ds QUEM. DDL t.13).
non-individualité. Le principe de la non-individualité de l'âme en tant que telle (GILSON, Espr. philos. médiév., t.1, 1931, p.206).
non-nécessité, subst. fém. 1. Caractère contingent (de quelque chose). Pour peu qu'on cherche à démêler les origines, les causes précises, d'un conflit, on est toujours frappé par son caractère de non-nécessité (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p.343). 2. Caractère gratuit (de quelque chose). Mais peut-être sent-on dans les variations que Fauré a pris presque trop de plaisir à les écrire, d'où une certaine non-nécessité dans l'ensemble (DU BOS, Journal, 1922, p.90).
non-patriotisme. Ne m'accusez pas de non-patriotisme parce que mon intelligence me sert à faire le décompte exact des hommes et des choses (BALZAC, Corresp., 1830, p.478).
non(-)piété. (non piété, non-piété) Les mots composés ont beaucoup plus de force que leurs racines; mais ils présentent souvent un tout autre sens. Tels sont ceux où entre la particule in, négative lorsqu'elle est synonyme de non. (...) infidèle [dit plus] que non fidèle; impiété, qui suppose une injure à l'égard de la divinité, que la non piété, qui n'affirme que de l'indifférence (BERN. DE ST.-P., Harm. nat., 1814, p.270).
non-réalité. Maintenant, une fois la négation formulée, elle présente un aspect symétrique de celui de l'affirmation. Il nous semble alors que, si celle-ci affirmait une réalité objective, celle-là doit affirmer une non-réalité également objective, et, pour ainsi dire, également réelle (BERGSON, Évol. créatr., 1907, p.295).
non-rétroactivité. On doit aussi s'interroger sur l'entorse faite au principe de non-rétroactivité du droit. Les crimes reprochés aux trois extradés datent de 1980 pour deux d'entre eux et de 1978 pour le troisième (Le Monde, 29 sept. 1984, p.10, col.6).
non-solidarité. L'idée de l'indépendance ou de la non-solidarité entre diverses séries de causes (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p.41).
non-vérité. Si enfin j'oppose à la vérité non pas la négation de la vérité, mais un simple état de non-vérité ou d'équivoque (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.341).
C. —[Le mot constr. est un subst. qui ne peut être interprété comme une nominalisation] V. non-être, non-moi, non-pesanteur, non-sens et aussi:
non-bonheur. [De même qu']un littérateur, lisant sur sa personne un article dithyrambique, s'il y a dans l'article une ligne de restriction, il ne voit que cette ligne, de même c'est le dix pour cent de non-bonheur qui donne le ton à Costals (MONTHERL., Lépreuses, 1939, 2e part., p.1503).
non-douleur. Et pourtant si ces malades n'accusent pas de douleur précise ils font voir une agitation constante bien différente de l'apaisement d'une non-douleur (BARRÈS, Cahiers, t.2, 1898, p.42).
non-guerre. La stratégie de la dissuasion, c'est une stratégie de non-guerre: le possesseur de l'arme nucléaire estime que sa force et sa capacité de destruction sont telles que l'ennemi recule devant l'idée même d'attaquer (M. DEBRÉ ds Le Point, 27 août 1979, p.36, col. 1).
non-malheur. Le bonheur, ou ce qui en approche, est un composé de petits bien-être, de même que le non-malheur ne s'obtient que par (...) [la fermeture] de l'âme à tous les accidents de la vie (FLAUB., Corresp., 1854, p.422).
non-pensée. Le vocabulaire faiblement érotisé de la «rencontre» et du «couple médecin-malade» s'exténue à vouloir communiquer à tant de non-pensée les pâles pouvoirs d'une rêverie matrimoniale (M. FOUCAULT, Naissance de la clinique, Paris, P.U.F., 1963, p.XI).
non-relation. Dans le jugement en je c'est précisément cette non-relation qui fait fonction de lui (G. MARCEL, Journal, 1918, p.145).
non-signification. Une philosophie de la non-signification du monde (CAMUS, Sisyphe, 1942, p.62).
non-souffrance. Elle paraissait dans un état de non-souffrance, comme il arrive souvent aux malades en ce dernier intervalle (SAINTE-BEUVE, Volupté, t.2, 1834, p.247).
non-travail. Ah! chère, mes affaires étaient déjà en fort mauvais état, mais mon dévouement me coûte un argent fou, cinq cents ducats de moins, et cinq cents ducats de non-travail (BALZAC, Lettres Étr., t.1, p.521).
non-victoire. D'abord, évacuer le réel en le débaptisant: Il n'y a pas eu défaite mais seulement «non-victoire» (J. JULLIARD ds Le Nouvel Observateur, 26 févr. 1979, p.32, col.1).
non-vie. Autour d'eux, c'étaient des aspects de non-vie, de monde fini ou pas encore créé (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p.62). On devine le vide immense de cette caserne, la non-vie des trente ronds-de-cuir noyés en son vaste giron (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 1er tabl., II, p.29).
— [La base est un subst. désignant une réalité concr.; non- marque l'absence ou le refus de certains des traits sémiques constitutifs du signifié du mot]:
non-art. La corrida s'est engagée (...) entre reporters et créateurs, photographes de plein air et photographes de studio (...). Et, pour tout dire, entre les tenants du non-art et de l'art (M. RIGHINI ds Le Nouvel Observateur, 26 juill. 1976, p.37, col. 1).
non-événement. En pleine guerre d'Algérie, ils diffusaient à «Cinq Colonnes à la Une», dix-huit minutes de reportage sur un patrouilleur d'escorte pendant lesquelles il ne se passait rien. Ce «non-événement» était pourtant plein de guerre (L'Humanité, 30 août 1984, p.2, col.1-2).
non-film. Si l'on imagine un a-cinéma comparable à cette a-littérature qu'a fort justement définie Claude Mauriac, on peut dire que Vianey, autour d'un non-personnage (Folon se délite) embarqué dans une non-histoire (l'action fait comme Folon), Vianey a réussi un non-film (dans «Un type comme moi ne devrait jamais mourir») (J.-L. BORY ds Le Nouvel Observateur, 30 août 1976, p.57, col. 3).
non-homme. J'objecte à Lee que les non-hommes risquent d'être insensibles à sa démonstration de leur non-humanité (M. BOSQUET ds Le Nouvel Observateur, 10 mai 1976, p.146, col. 2).
non-ville. Sarcelles c'est l'archétype de la non-ville, le chef d'oeuvre de l'aberration urbanistique (Paris-Match, 7 nov. 1970 ds GILB. 1971).
Formation et vitalité. L'élém. non(-) représente l'adv. non. Les types de dér. en non(-) productifs en fr. mod. sont attestés en anc. et en m. fr. a) Adj. ou adj. dér. désignant une pers.: non comparant (1467), non croyant (1re moitié du XIVe s.). b) Termes désignant un procès: non-comparution (1467), non-connaissance (1284), non-payement (1493). c) Termes en oppos. anton. avec le subst. de base: non être (ca 1325), non sens (ca 1210), non valeur (ca 1285). Certains dér. anc. se sont maintenus dans la lang. mais ne correspondent pas à un type productif vivant: non-chaloir, non recevoir dans l'expr. fin de non recevoir.
Productivité. 1. Les Observatoires du Fr. Contemp. et GILB. 1971 ont mis en évidence le caractère très productif de «non-» au milieu du XXe s. Mais, contrairement à une idée répandue —formée à partir des termes enregistrés dans les dict. de lang. —, la dérivation en non(-) a été également très productive dans la lang. des XVIIIe et XIXe s. L'infl. de l'angl. a contribué au développement de ce procédé de préfixation (cf. les rubriques hist. de nombreux préfixés figurant ci-dessous à leur rang alph.). Les termes composés appartiennent essentiellement à qq. vocab. spécialisés, notamment le dr., la philos., la ling. Plus gén., ils apparaissent comme spécifiques de ce qu'on pourrait appeler le vocab. d'analyse théorique, d'où leur présence dans les correspondances et les journaux d'aut. du corpus littér. TLF. 2. Place de non(-) dans le champ de préf. négatif vis-à-vis de in- (il-, im-, ir-) ou a- (an-). En ce qui concerne les dér. adj., les termes en non- se différencient fondamentalement des dér. en in- ou a- par le fait qu'ils ne peuvent être employés comme attributs (v. non II C). Dans qq. cas une concurrence se manifeste: non animé/inanimé, non recevable/irrecevable, non vertébrés/invertébrés. En ce qui concerne les dér. subst., la dérivation en non- est normale, alors que la dérivation dir. en in- à partir de subst. apparaît comme artificielle: infranchise, inindulgence, inorthodoxie, irréciprocité (v.in-1, formation et vitalité).
Prononc. et Orth.:Devant consonne: [] non délivrance, etc. Devant voyelle, hésitation entre l'évolution phonét. (dénasalisation de la voyelle nasale à la liaison, phénomène signalé dès le XVIe, XVIIes.) et l'anal. (avec la voyelle nasale devant consonne). Voir G. STRAKA, Formation de la prononc. fr., Paris, Klincksieck, 1981, pp.198-199. Pt ROB. [-], [-]: non-agression, non-alignement, non-assistance, non-engagé, non-être, non-euclidien, non-existence, non-usage mais uniquement [-]: non-activité, non-exécution, non-intervention; Lar. Lang. fr. [-] dans tous les cas. Le trait d'union est quasi systématique pour les subst.; dans le corpus littér. du TLF, proportion de l'ordre de 1 ou 2 % d'exceptions. Pour les adj., la règle est l'absence du trait d'union, mais il y a des hésitations. Souvent aussi, notamment dans le discours philos., le trait d'union marque une liaison conceptuelle. P. ex.: [Les rêves] ne sont pas thématisés comme sexuels, faute d'un fond non-sexuel sur lequel ils se détachent (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.437). Le sens commun affirme successivement une fausse liberté non-limitée et non-située, et une fausse détermination de l'homme par la nature, qui le dégrade en objet (RICOEUR, Philos. volonté, 1949, p.333). Dans qq. mots, formés à une époque anc., non est soudé à la base: nonchalance, nonchalant, nonchaloir, nonobstant, nonpareil. Prop. CATACH-GOLF. Orth. Lexicogr. Mots comp. 1981, p.201: soudure ou tolérance pour le trait d'union dans tous les cas. Bbg. BEAUJOT (J.-P.). À quoi peut bien servir le préf. non? BREF. 1976, n°7, pp.29-59; 1976, n° 8, pp.37-56. —DUBOIS (J.), IRIGARAY (L.), MARCIE (P.). Transformation négative et organisation des classes lexicales. Cah. Lexicol. 1965, t.7, pp.3-32. —GAATONE (D.). Ét. descr. du syst. de la négation. Genève, 1971, pp.21-27. —GOOSSE 1975, pp.25-26. —KALIK (A.). La Caractérisation négative. Fr. mod. 1971, t.39, pp.128-146. —LE BIDOIS (R.). La Déf. de la lang. fr. Le Monde. 4 mars 1970, p.18, 25 mars 1970, p.17. —PEYTARD 1975, pp.518-528. —PINCHON (J.). Les Préf. négatifs: in-, non-, a-. Fr. Monde. 1971, n° 82, pp.45-46; n° 83, pp.46-47; n° 84, pp.47-48; n° 86, pp.45-46. —SAUVAGEOT (A.). Fr. d'hier ou fr. de demain? Paris, 1978, pp.110-113.
Encyclopédie Universelle. 2012.