excuser [ ɛkskyze ] v. tr. <conjug. : 1>
• escuser 1190; lat. excusare « mettre hors de cause »
I ♦
1 ♦ S'efforcer de justifier (une personne, une action) en alléguant des excuses. ⇒ défendre. Il s'efforce vainement de l'excuser. ⇒ blanchir, disculper. « Ne croyez pas que je cherche un détour pour excuser ou pour pallier ma faute; je m'avoue coupable » (Laclos).
♢ (Choses) Servir d'excuse à (qqn). L'intention n'excuse pas la faute. Rien n'excuse une telle conduite.
2 ♦ Décharger (qqn) d'une accusation, d'un reproche, en admettant des motifs qui atténuent ou justifient sa faute. ⇒ absoudre, décharger, pardonner. Veuillez m'excuser, excuser mon retard. Pour cette fois, je vous excuse, mais ne recommencez pas. Vous êtes tout excusé. « C'est assez parler pour ma justification à l'amie à laquelle je m'adresse; [...] son indulgence m'excusera » (Renan).
3 ♦ Dispenser (qqn) d'une charge, d'une obligation. ⇒ exempter. M. X, absent, s'est fait excuser. — Dr. Excuser un juré.
4 ♦ (Formules de politesse) Cour. Excusez-moi, vous m'excuserez, se dit quand on veut manifester à qqn son regret de le gêner, de lui refuser qqch., de le contredire, etc. Oh ! Excusez-moi, j'espère que je ne vous ai pas fait mal ? ⇒ pardon. Excusez-moi si je ne peux vous accompagner. Excusez-moi, mais je ne suis pas de votre avis. (Soutenu) Je vous prie de m'excuser.
♢ Ellipt et fam. Excusez ma mauvaise écriture : excusez-moi d'écrire mal.
♢ Fam. et iron. Excusez du peu ! se dit pour exprimer son étonnement devant les prétentions de qqn.
II ♦ (XVIe « refuser, se dispenser ») S'EXCUSERv. pron.
1 ♦ Alléguer ses raisons pour se disculper, se justifier. ⇒ se défendre. PROV. Qui s'excuse s'accuse : la personne qui cherche à se justifier avant d'être accusée reconnaît sa faute.
2 ♦ (1690, répandu XIXe) Présenter ses excuses, exprimer ses regrets (de qqch.) (cf. Demander pardon). « Je m'excuserais d'abord d'écrire cette préface, si déjà je n'écrivais cette préface pour m'excuser d'avoir écrit la pièce » (A. Gide). S'excuser de qqch. « Il s'était excusé de son mouvement d'humeur » (Camus). — Je m'excuse, s'emploie incorrectement pour excusez-moi.
3 ♦ Alléguer des motifs pour se dispenser (de qqch.). Vx (avec inf.) « Monsieur le Prince s'est excusé de servir cette campagne [comme général] » (Mme de Sévigné). Mod. Absolt Deux administrateurs se sont excusés et ont donné leur pouvoir. Ellipt Présents, absents, excusés.
4 ♦ (Pass.) Être excusé, excusable. « Tout s'excuse ici-bas, hormis la maladresse » (Musset).
⊗ CONTR. Accuser, blâmer, charger, condamner, imputer, reprocher.
● excuser verbe transitif (latin excusare) Ne pas tenir rigueur à quelqu'un de quelque chose, le lui pardonner : Excusez-moi de mon retard. Disculper quelqu'un en alléguant des justifications, des raisons, des prétextes : Je l'excuse, il est encore très jeune. Pardonner quelque chose à quelqu'un : Excuser un oubli. Justifier quelque chose en parlant de quelque chose : Rien n'excuse son retard. ● excuser (difficultés) verbe transitif (latin excusare) Sens et emploi Différentes formules de politesse sont employées correctement pour signifier à quelqu'un qu'on lui présente ses excuses, qu'on lui demande pardon, qu'on reconnaît sa propre faute, qu'on exprime ses regrets : excusez-moi, veuillez m'excuser, je vous prie de m'excuser. S'excuser (de qqch), pour « exprimer ses regrets », est correct : je m'excuse de mon retard ; il s'est laissé emporter par la colère, mais il s'est excusé aussitôt. Remarque Je m'excuse est parfois compris comme « je m'accorde des excuses », et critiqué à ce titre comme contrevenant à la véritable courtoisie. L'emploi à la troisième personne (il s'excuse = il exprime ses regrets) montre qu'il faut attribuer à je m'excuse le sens de « je vous présente mes excuses ». Construction Excuser, s'excuserde (+ infinitif) : on l'excusera d'avoir menti ; en s'excusant de m'interrompre, il m'a posé une question. Excuser, s'excuserdece que (+ indicatif) : ils se sont excusés de ce qu'ils avaient dÛ partir si vite. ● excuser (expressions) verbe transitif (latin excusare) Excusez-moi, vous m'excuserez, formules de politesse pour atténuer l'effet éventuellement désagréable d'une parole ou d'une action. Familier. Excusez du peu, se dit pour manifester de l'étonnement devant un comportement excessif. Se faire excuser, faire savoir qu'on ne pourra se rendre là où on est attendu. ● excuser (synonymes) verbe transitif (latin excusare) Disculper quelqu'un en alléguant des justifications, des raisons, des prétextes
Synonymes :
- absoudre
Contraires :
- accuser
- blâmer
Pardonner quelque chose à quelqu'un
Synonymes :
- admettre
- passer
- remettre
- tolérer
Justifier quelque chose en parlant de quelque chose
Synonymes :
- légitimer
excuser
v.
rI./r v. tr.
d1./d Pardonner (une personne, une action); ne pas tenir rigueur à (qqn) de (qqch). Nous ne pouvons excuser une telle erreur. Excusez-moi de vous avoir dérangé.
— Veuillez m'excuser (formule de politesse).
|| (Ellipt.) Fam. Excusez! Excuse!
d2./d Servir d'excuse à. Sa jeunesse excuse son impertinence.
d3./d Dispenser (qqn) d'une obligation. à l'assemblée générale étaient excusés les représentants suivants...
rII./r v. Pron.
d1./d Présenter ses excuses. Il s'excuse de ne pas venir.
d2./d (Passif) être tolérable, pardonnable. C'est une erreur qui ne peut s'excuser.
⇒EXCUSER, verbe trans.
I.— [Le suj. désigne une pers.]
A.— Exprimer des paroles ou faire des gestes visant à abolir les effets d'une faute ou d'un manquement vis-à-vis de quelqu'un. (Quasi-)synon. pardonner.
Rem. Ce verbe a un emploi performatif aux 1res pers. de l'ind. présent.
1. [Le compl. désigne une pers.]
a) [Avec un compl. introduit par de + subst. ou inf. exprimant la faute ou le manquement] Il l'excuse de sa négligence. Il lui semblait si bon, elle l'aimait tant, qu'après l'avoir excusé de barbouiller de pareilles horreurs, elle en venait à leur découvrir des qualités, pour les aimer aussi un peu (ZOLA, Œuvre, 1886, p. 116). — Oh! Pardon! Monsieur! (le duc s'incline). Excusez-moi d'être en costume de voyage, je descends de chemin de fer et je ne me doutais pas qu'il y eût déjà réception ce soir (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, II, 6, p. 40) :
• 1. — « C'est là », fit-il. « Oh, c'est très modeste... Vous m'excuserez de vous recevoir si simplement. » La maison était, en effet, de pauvre apparence...
MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p. 937.
— Part. passé employé comme adj. « Hé bien, Monsieur, je suis presque excusé d'être dans un salon puisque je vous y trouve » (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 203).
♦ Emploi subst. Personne qu'on a ou qui s'est excusée. Il fera la proportion pour chacune des catégories que nous avons distinguées : sexe, âge, profession, quartier, dénominateur, on ne portera que les assujettis, on déduira les excusés (Traité sociol., 1968, p. 95).
b) [Avec un compl. introduit par pour exprimant la faute ou le manquement] Je te prie de m'excuser pour tout à l'heure, mais j'étais très pressé (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 431).
c) [Sans compl. spécifiant la faute ou le manquement] — Cher agneau, dit Malvina venant à mon secours, comme on le calomnie! — Ne l'excusez pas, ma belle; il est impardonnable (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 191). « Oh! Ça, c'est la belle vie, pour sûr. Et qu'est-ce-qu'il y a comme gonzesses! M'excuserez, Madame Cartuywels. » (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 234) :
• 2. ... — je vous prends à témoin des façons singulières de votre compagnon. Je suis ici chez moi, et je n'admets pas...
— Il faut excuser mon camarade, Monsieur, — fit Morhange en s'avançant. — Ce n'est pas un homme d'étude, comme vous.
BENOIT, Atlant., 1919, p. 129.
— Emploi pronom. réciproque. Jusqu'à minuit, une douzaine de messieurs avaient causé bas devant la cheminée, tous amis, tous travaillés par la même idée de paternité. Ils semblaient s'excuser entre eux, avec des mines confuses de maladroits (ZOLA, Nana, 1880, p. 1412).
d) P. ell. du compl., fam. — Ma parole, c'est notre curé! dit-il. Excusez! Je ne m'attendais pas à votre visite, je ne pensais pas à vous... (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 234).
Rem. Les demandes d'excuse : excusez-moi, vous m'excuserez, excusez, etc. sont souvent employées lorsqu'on veut contredire, interrompre poliment quelqu'un ou faire cesser une situation. Mais il n'est plus temps, ils se lèvent. Le Polonais reprend la parole : — C'est l'heure du polo. Excusez-nous. À bientôt, cher Monsieur : nous reparlerons de Racine (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 68). Et puis il voyait qu'il ne pourrait pas, ce soir-là, s'entretenir sérieusement avec Philippe. Il se leva : — Excusez-moi, murmura-t-il, il faut que je parte (ARLAND, Ordre, 1929, p. 114) :
• 3. — Reprenons l'histoire dès le début, vieux farceur (...). Il est descendu au haut de la côte. Ça va. Le chemin mène droit au presbytère, pas moyen de se tromper, ça va encore. Jusqu'ici rien ne cloche, tout est clair.
— Excusez, remarqua le gendarme. Il aurait pu bifurquer sur la droite, face à la rivière, par le raidillon.
BERNANOS, Crime, 1935, p. 777.
2. [Le compl. désigne une réalité dont l'existence est considérée comme anormale ou fautive] Excuser l'absence de porte-manteaux; excusez mon style; il n'excuse aucune faute. Tu mériterais bien que je te tirasse (excusez le subjonctif) les oreilles pour ton « réintroniser », expression de droit canonique que tu me fourres là! (FLAUB., Corresp. 1852, p. 448). Excusez mon griffonnage, mais j'ai travaillé longuement et j'ai la vue fatiguée (VILLIERS DE L'I.-A., Corresp., 1886, p. 150) :
• 4. Elle excusa l'enfance du mauvais diable qui jadis avait fait sauter avec de la poudre le bénitier de l'église, à Sainte-Catherine-les-Arras.
ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 64.
— P. ell. du compl. Ici nous n'avons pu pendre qu'un père et son fils, que l'on prit endormis dans un fossé. Monseigneur excusera (COURIER, Lettres Fr. et It., 1806, p. 719). Cet esthétisme d'emprunt n'était pour lui qu'un revêtement ingénieux pour cacher en révélant à demi ce qu'il ne pouvait laisser voir au grand jour; pour excuser, prétexter, et même motiver en apparence (GIDE, Journal, 1927, p. 847).
— Loc. Excusez du peu! [S'emploie p. iron. pour exprimer son étonnement face à l'excès de qqn ou face au caractère outrancier d'une attitude ou d'un comportement] Par exemple, ce qui ne s'était jamais vu, il y avait vingt-cinq mille Français par terre. Excusez du peu! (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 183). Et puis comment diable voulez-vous qu'il moucharde? (...) il ne parle à personne et personne ne lui parle (...) S'il faut qu'il fasse des rapports avec ça, excusez du peu! (SUE, Myst. Paris, t. 8, 1843, p. 163).
B.— Dire des paroles ou faire des gestes interprétables comme des arguments montrant que l'auteur d'une action jugée incorrecte ne pouvait agir autrement qu'il l'a fait.
1. Emploi trans. Il s'efforçait vainement de l'excuser (Ac.). Ces jours-là, M. de Charlus relayait la princesse en allant chercher les nouveaux à la gare, excusait Mme Verdurin de ne pas être venue à cause d'un état de santé qu'il décrivait si bien que les invités entraient avec une figure de circonstance et poussaient un cri d'étonnement en trouvant la patronne alerte et debout (PROUST, Sodome, 1922, p. 1044).
2. Emploi pronom. réfl.
a) [Avec un compl. introduit par de exprimant une faute ou un manquement] Ils étaient arrivés dès l'aube et regardaient monter les vagues. Je m'excusai de m'être fait attendre (GIDE, Voy. Urien, 1893, p. 15). M. Thibault présenta les hommes. — « Je m'excuse de vous déranger, Monsieur », dit Mme de Fontanin, gênée par les regards dirigés sur elle, mais sans rien perdre de son aisance (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 598). Il parlait à voix basse, et il s'en excusa en me montrant le mort, puis il m'offrit une chaise (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 220) :
• 5. — Je pars à une condition, c'est que vous viendrez dîner demain soir, Harriet sera contente de vous voir... Je m'excuse d'avoir avec moi une horrible créature : Miss Hitchener, mais elle nous quittera dans deux jours.
MAUROIS, Ariel, 1923, p. 132.
— [Avec un compl. introduit par auprès de spécifiant le destinataire de l'excuse] Et, si quelque auteur se permet de les violer [les unités] encore, il a toujours soin de s'en excuser auprès du public (SAINTE-BEUVE, Tabl. poésie fr., 1828, p. 259). Il les lut avidement, maniant chaque feuille avec respect, (...) puis s'étant levé, s'excusait déjà auprès de ma grand'mère d'être resté aussi longtemps (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 866).
b) [Sans compl. exprimant la faute ou le manquement] La concierge sourit aussi d'un air embarrassé. — Alors, je m'excuse... excusez-moi, Monsieur... — Voilà qui est fait. Pas de lettres, naturellement. En ce cas, Madame Gerbois, je vous dis bonsoir (ESTAUNIÉ, Ascension M. Baslèvre, 1919, p. 59).
— Dire en guise d'excuse. Après douze valses, son faux-col était une loque de linge plus molle encore que sa cravate blanche. Il s'excusa : — Cinq minutes, dit-il, et je reparais. Attendez-moi (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 60). — Je suis abominablement en retard, s'excusa-t-il, mais j'ai rencontré, à la division coloniale, des camarades de promotion! Je ne pouvais pas m'en sortir! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 39) :
• 6. Le président interrompit une seconde fois : « Prenez garde! Vous insultez Mme veuve Flamèche, ici présente. » Renard s'excusa : « Pardon, pardon, c'est la passion qui m'emporte. »
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Trou, 1886, p. 579.
— Proverbe. Qui s'excuse s'accuse.
— [Avec un compl. introduit par auprès de spécifiant le destinataire de l'excuse] On le descendit alors, sans mot dire, par le moyen d'une échelle dressée. On était gêné. On s'excusait auprès de lui (MICHAUX, Plume, 1930, p. 174). Mathilde revint, coiffée, le maquillage refait. — Oui, dit-elle, j'ai été idiote l'autre fois avec ton amie Chloé, je m'excuserai auprès d'elle (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 191).
Rem. Cet emploi (B 2) est performatif aux 1res pers. du prés. de l'indicatif.
C.— Emploi pronom. réfl. [Avec un compl. introduit par sur indiquant la cause pour laquelle on s'excuse] Vieilli. Alléguer quelque chose comme un motif pour lequel on présente des excuses (v. ce mot B). Il s'excusa sur sa myopie. Ils s'en sont excusés sur ce qu'ils n'avaient pas d'ordre; il s'en excuse sur sa maladie (Ac.). Je refusai quelque temps en m'excusant sur mon costume qui me rendait indigne de m'asseoir à leur table (LAMART., Confid., 1849, p. 298). Lemaître arriva rue Oudinot (chez Coppée) en retard. Guilleret, il s'excusait sur ce qu'il s'était attardé au salon (BARRÈS, Cahiers, t. 3, 1902-04, p. 13). M. Élie s'excusa sur ses rhumatismes pour n'aider pas Léon (MONTHERL. Célibataires, 1934, p. 867) :
• 7. Il commença par s'excuser sur l'inconvenance de l'heure.
— Pardon, Madame, dit-il, après s'être assis entre Charles et Madame Dilois; pardon de me présenter si tard...
SOULIÉ, Mém. diable, t. 1, 1837, p. 111.
— [Le compl. est introduit par là-dessus] Mais prendre l'avis de Gaspard lui avait coûté; et, maintenant, le cric et la charpente lui montraient bien son tort. C'était un peu tard. Gaspard s'excusa là-dessus à Anne-Marie (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 109).
Rem. Dans cet emploi, s'excuser semble n'être que constatif, c'est-à-dire employé pour rapporter un discours.
II.— [Le suj. désigne un inanimé] Servir d'excuse à quelque chose ou à quelqu'un. Sa maladie excuse sa paresse. Rien ne peut faire excuser une telle conduite (Ac.). Les sentiments exprimés dans votre lettre m'excuseront sans doute auprès de vous d'être à la campagne et de fuir Paris (BALZAC, Corresp., 1839, p. 648). C'était au « tempérament artistique » de l'oncle Ben qu'on recourait et par égard pour ce fameux tempérament qui excusait tout, on acceptait sa sauvagerie, ses sautes d'humeur (GREEN, Journal, 19, p. 279) :
• 8. Encore une fois, ces contradictions n'excusent pas l'attitude des radicaux lillois, qui, eux, ont commis la contradiction suprême : celle d'affirmer la république, et de la livrer ensuite, en ressentiment de quelques outrages électoraux, les plus vains de tous.
JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. 28.
Prononc. et Orth. :[], (j')excuse []. Cf. é-1. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. « justifier (ici, qqc.) en alléguant des excuses » (Psautier Oxford, 140, 4 ds T.-L., s.v. excusacïon); 2. ca 1274 « se mettre à l'abri d'un reproche, d'une sanction » (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 659); 3. 1283 « (d'une chose) servir d'excuse sei aager l'escuseroit (PH. DE BEAUMANOIR, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 560); 4. 1668 « accepter de quelqu'un les raisons qu'il invoque pour se dispenser de faire quelque chose » (RACINE, Plaideurs, II, 2). Empr. au lat. class. excusare « excuser, justifier, disculper ». Fréq. abs. littér. :3 632. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 105, b) 4 102; XXe s. : a) 6 197, b) 6 109. Bbg. LE BIDOIS Délire 1970, p. 212.
excuser [ɛkskyze] v. tr.
ÉTYM. 1190, escuser; lat. excusare; proprt « mettre hors de cause »; de ex-, et causa « raison, motif ». → Cause.
❖
1 S'efforcer de justifier (une personne, une action quelconque) en alléguant des excuses. ⇒ Défendre, justifier. || Excuser quelqu'un. ⇒ Défense (prendre la). || « Il s'efforce vainement de l'excuser » (Académie). ⇒ Blanchir, disculper. || L'avocat n'a pas tenté d'innocenter son client, mais seulement de l'excuser du crime en invoquant des circonstances atténuantes. || Veuillez m'excuser auprès de lui de la confusion que j'ai commise. || Excuser une erreur, une faute.
1 Vous pouvez bien penser quel parti je sus prendre :
Je fis ce que je pus pour vous pouvoir défendre,
Je vous excusai fort sur votre intention,
Et voulus de votre âme être la caution.
Molière, le Misanthrope, III, 4.
2 (…) des fables inventées par les Romains pour excuser aux yeux de Rome l'impuissance de leurs efforts.
Marmontel, Œuvres, t. VI, p. 227.
3 Ne croyez pas que je cherche un détour pour excuser ou pour pallier ma faute; je m'avoue coupable.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre CXXXVII.
4 Il y a des âmes de mensonge, mon cher maître, et qui excellent à excuser par de beaux motifs leurs plus vilaines actions.
Paul Bourget, le Disciple, p. 267.
5 « C'était un cérébral », dit-elle (Alice Ozy) drôlement de Gautier, comme pour l'excuser.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 370.
♦ Vx (langue class.). || Excuser qqch. à qqn, l'excuser auprès de lui.
6 Ne viens point m'excuser l'action de cette infidèle (…) Non, vois-tu, tous tes discours pour la défendre ne serviront de rien.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 9.
♦ (Choses). Servir d'excuse à… || L'intention n'excuse pas la faute (→ Action, cit. 6). || Rien n'excuse une telle conduite. || Rien ne peut excuser un mauvais livre (→ 1. Bon, cit. 21). || La forme en excuse le fond. ⇒ Passer (faire passer), sauver.
7 Rien n'excuse à présent votre cœur obstiné (…)
Voltaire, l'Orphelin de la Chine, V, 4.
2 Décharger (qqn) d'une accusation, d'un reproche, en admettant des motifs qui atténuent ou justifient la faute. ⇒ Absoudre, décharger, pardonner, passer (l'éponge); crédit (faire crédit). || Pour cette fois, je vous excuse, mais ne recommencez pas. — Au p. p. || Vous êtes tout excusé. || Après l'avoir entendu, on ne peut s'empêcher de l'excuser. || Il peut être excusé bien qu'il ait manqué de respect à son père (→ Dénaturer, cit. 10). || Il s'efforce toujours de faire excuser ses subordonnés. ⇒ Couvrir. || Il a une conscience large, une indulgence qui le pousse à excuser tout le monde. || Un rigoriste qui n'excuse personne.
8 (…) Vous m'excuserez sur l'humaine faiblesse
Des violents transports d'un amour qui vous blesse (…)
Molière, Tartuffe, III, 3.
9 Je me suis avisé de mettre par écrit toutes les raisons qui pourraient justifier ces juges; je me suis distillé la tête pour trouver de quoi les excuser et je n'ai trouvé que de quoi les décimer.
Voltaire, Lettre à Damilaville, 24 janv. 1763.
10 C'est assez parler pour ma justification à l'amie à laquelle je m'adresse; son cœur m'est connu; son indulgence m'excusera.
Renan, Souvenirs d'enfance…, III, I.
11 (…) leurs voix mêlées (…) couvraient complètement celle du malheureux pasteur. Certains s'en seraient indignés qui, en souvenir des époux, excusaient les veuves; d'autres, moins rigoristes, s'en amusaient; des enfants s'esclaffaient (…)
Gide, Si le grain ne meurt, I, II, p. 46.
♦ (Compl. n. de chose). ⇒ Admettre, pardonner, tolérer. || On doit excuser les fautes, les imprudences de la jeunesse. || Son absence a été excusée. || Excuser le ton vif d'un réponse, une expression choquante (→ 2. Cru, cit. 7 et 9). || C'est une qualité qui fait excuser bien des défauts. ⇒ Passer (→ Chevaleresque, cit. 1).
12 Philémon les pria d'excuser ces longueurs (…)
La Fontaine, Philémon et Baucis.
13 Jusques aux bords du crime ils conduisent nos pas;
Ils nous le font commettre et ne l'excusent pas !
Racine, la Thébaïde, III, 2.
14 Une femme excuse jusqu'aux mauvaises actions que sa beauté fait commettre.
A. R. Lesage, Gil Blas, VII, VII.
15 Il (V. Hugo) ajoutait (…) qu'il avait eu tort (…) et il priait la dame d'excuser « ces licences immémorables des poètes qui tutoient en vers les rois et les femmes ».
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 372.
3 Dispenser (qqn) d'une charge, d'une obligation. || « Il m'a invité à dîner : je l'ai prié de m'en excuser » (Académie). ⇒ Exempter. || Se faire excuser. — Dr. || Excuser un juré, qui est dans l'impossibilité de se rendre à son poste (Code d'instruction criminelle, art. 397).
4 Excusez-moi; vous m'excuserez, formules de politesse usitées quand on veut contredire quelqu'un (→ Chance, cit. 7) ou manifester son regret de lui refuser quelque chose, de lui causer quelque gêne, etc. || Excusez-moi, mais je ne suis pas de votre avis. || Excusez-moi de ne pas me rendre à votre invitation. || Excusez-moi, je dois partir. || Vous m'excuserez si je ne vous accompagne pas plus loin. — Oh ! Excusez-moi, j'espère que je ne vous ai pas fait mal. ⇒ Pardon.
16 Monsieur, excusez-moi, je n'y puis rien comprendre.
Racine, les Plaideurs, II, 2.
♦ Ellipt. et fam. || Excusez le papier sur lequel je vous écris (→ Chiffon, cit. 3). || Excusez ma vilaine écriture.
♦ ☑ Fam. et iron. Excusez du peu !, « se dit pour expliquer son étonnement de l'outrecuidance, de l'impertinence, de l'avidité de quelqu'un, etc. » (Littré).
16.1 Et la pilule, excusez du peu ! Ce n'est pas mieux. C'est un autre univers.
Françoise Giroud, Si je mens, p. 239.
——————
s'excuser v. pron.
ÉTYM. (XVIe, « refuser, se dispenser »).
1 (Réfl.). Alléguer ses raisons pour se disculper, se justifier. ⇒ Défendre (se). ☑ Prov. Qui s'excuse s'accuse : celui qui cherche à se justifier avant d'être accusé, reconnaît sa faute. || Ils se sont excusés sur ce qu'ils n'avaient pas d'ordre (Académie). || Il s'excusa auprès d'elle.
17 De telle erreur vous pourrez m'accuser,
Je le confesse, et ne puis m'excuser;
Je sens ma faute, et sais bien qu'elle est grande,
Et pour cela pardon je vous demande.
Ronsard, le Bocage royal, II, « Élégie ».
18 C'étaient (des) suspicions muettes qui couraient sous main (…) J'aide ordinairement aux présomptions injurieuses que la Fortune sème contre moi par une façon que j'ai dès (depuis) toujours de fuir à me justifier, excuser et interpréter, estimant que c'est mettre ma conscience en compromis de plaider pour elle.
Montaigne, Essais, III, XII.
19 Elle s'excusa sur ce qu'elle n'avait jamais vu le Roi.
20 Tu sais bien t'excuser, et n'admets point d'excuses
Pour les faiblesses du prochain.
Corneille, l'Imitation de J.-C., II, 3.
2 (1690; répandu XIXe). Réfl. Présenter ses excuses, exprimer ses regrets (de qqch). ⇒ Pardon (demander pardon). || Il s'excusa d'avoir été retenu (→ Cheik, cit. 2). || S'excuser de, sur quelque chose. — REM. Je m'excuse s'emploie (incorrectement, quant aux usages de la politesse) pour excusez-moi.
21 (…) ces sourires de femmes souffrantes qui s'excusent de souffrir et voudraient ne pas pleurer.
Michelet, la Femme, p. 84.
22 M'ayant demandé si je désirais qu'il me montrât ces tableaux, il me conduisit, s'effaçant gracieusement devant chaque porte, s'excusant quand, pour me montrer le chemin, il était obligé de passer devant (…)
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VIII, p. 49.
23 Je m'excuserais d'abord d'écrire cette préface, si déjà je n'écrivais cette préface pour m'excuser d'avoir écrit la pièce.
Gide, Préface de la première édition du Théâtre, p. 29.
24 Il s'était excusé de son mouvement d'humeur (…)
Camus, la Peste, p. 251.
24.1 M. Élie s'excusa sur ses rhumatismes pour n'aider pas Léon.
Montherlant, les Célibataires, in T. L. F.
3 Réfl. Alléguer des motifs pour se dispenser de quelque chose, pour se dérober à quelque obligation. ⇒ Récuser (se), refuser (→ fam. Se défiler). || Absent, il s'est fait excuser.
REM. L'Académie reproduit dans la huitième édition du Dict. (1932) un exemple analogue à celui qu'elle donnait dans la première (1694) : on m'a prié de solliciter pour lui, je m'en suis excusé. Ici s'excuser a le sens de « se récuser, refuser poliment », sens très voisin de l'emploi moderne de s'excuser (en présentant ses excuses, ses regrets). Mais, dans certains cas, s'excuser de faire une chose a, de nos jours, un sens exactement contraire à celui du XVIIe s. : il signifie « manifester son regret d'avoir fait cette chose », et non « se récuser pour ne pas la faire », comme dans cette citation de Mme de Sévigné :
25 L'on me mande que Monsieur le Prince s'est excusé de servir cette campagne (comme général de l'armée d'Alsace) : je trouve qu'il fait fort bien.
Mme de Sévigné, 507, 26 févr. 1676.
26 Une telle action ne saurait s'excuser.
Molière, le Misanthrope, I, 1.
27 (…) ce qui s'excuse au jeune âge, ce qui semble alors joli, charmant, est déshonorant à quarante ans.
Balzac, la Muse du département, Pl., t. IV, p. 188.
28 Tout s'excuse ici-bas, hormis la maladresse.
A. de Musset, Louison, I, 2.
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excusé, ée p. p. adj.
♦ Voir à l'article, ci-dessus.
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CONTR. Accuser, aggraver, blâmer, charger, condamner, imputer, inculper, reprocher. — Accepter. — Vanter (se).
DÉR. Excusable, excuse.
Encyclopédie Universelle. 2012.