espérer [ ɛspere ] v. <conjug. : 6>
• v. 1050; lat. sperare
1 ♦ V. tr. ESPÉRER QQCH. : considérer (ce qu'on désire) comme devant se réaliser. ⇒ attendre, compter (sur), escompter; espérance, espoir. « On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère » (Rousseau). Espérer une récompense, un succès, un miracle. N'espère de lui aucune aide, aucun appui. Il n'espère plus rien. Qu'espérait-il de plus ? ⇒ souhaiter. Croyez-vous qu'il viendra ? Je l'espère bien. Je lui ai fait espérer, laissé espérer une réponse favorable. La floraison fait espérer une belle récolte. ⇒ promettre. Je n'en espérais pas tant. — Absolt J'espère bien ! (En incise) Il arrivera, j'espère, avant mon départ.
♢ ESPÉRER QQN : espérer sa venue, sa présence. Enfin vous voilà ! Je ne vous espérais plus.
♢ ESPÉRER(avec inf.) J'espère bien y arriver. ⇒ compter, 1. penser. J'espère réussir. ⇒ se flatter, se promettre. — (Appliqué au passé) Aimer à croire, à penser. J'espère avoir fait ce qu'il fallait. Il espère avoir réussi.
♢ ESPÉRER QUE : vouloir croire, aimer à croire. J'espère qu'il viendra. En tour négatif (avec subj. ou non) Je n'espère pas qu'il vienne. Je n'espérais pas qu'il viendrait, qu'il vînt. Il nous a laissé espérer que c'était possible. ⇒ entrevoir. — Formule de souhait (avec un v. au prés. ou au passé) Aimer à croire, à penser que. ⇒ souhaiter. J'espère que tu vas bien. Espérons qu'il n'a rien entendu.
2 ♦ V. intr. Avoir confiance. Allons, courage, il faut espérer. PROV. Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. — Espérer en l'avenir, en des temps meilleurs. ⇒ croire.
3 ♦ Région. Attendre (qqn).
4 ♦ Loc. exclam. (Région.) J'espère ! eh bien ! (cf. À la bonne heure). « Mais j'espère ! On nous a gâtées » (Cl. Simon).
⊗ CONTR. Désespérer; appréhender, craindre.
● espérer verbe transitif (latin sperare) Considérer comme capable de se réaliser un événement, un acte, etc., qui est désiré, attendu ; compter sur : Espérer le succès. Il espérait qu'elle reviendrait. Escompter, attendre quelque chose de quelqu'un ou de quelque chose, tabler sur quelqu'un, quelque chose pour accomplir un souhait : Je n'en espérais pas tant de lui. Aimer à croire, à penser quelque chose : J'espère avoir été compris. ● espérer (citations) verbe transitif (latin sperare) Philippe Desportes Chartres 1546-abbaye de Bonport, Normandie, 1606 Si je n'espère rien, rien ne me fera craindre. Amours d'Hippolyte Henri Petit 1900-1978 On désespère des autres pour ne pas trop espérer de soi. Les Justes Solitudes Grasset ● espérer (difficultés) verbe transitif (latin sperare) Conjugaison Attention à l'accent, tantôt grave, tantôt aigu : j'espère, nous espérons ; il espérera. Construction 1. Espérer (+ infinitif) : nous espérons partir bientôt. Remarque Le tour espérer de (+ infinitif), un peu archaïsant, ne se rencontre plus guère que dans la littérature, par parti pris stylistique : « Il aurait pu espérer de se convaincre »(F. Mauriac). 2. Espérer que (+ indicatif ou conditionnel à la forme affirmative) : nous espérons qu'il viendra. Ils espéraient que vous viendriez. Espérer que (+ subjonctif, indicatif ou conditionnel aux formes négative et interrogative) : je n'espère plus qu'elle vienne, qu'elle viendra ; espérais-tu qu'elle viendrait après ce qui s'est passé ? Dans l'espoir que, avec l'espoir que, avoir l'espoir que se construisent de la même façon. ● espérer (expressions) verbe transitif (latin sperare) Laisser espérer quelque chose, le promettre : Ce temps laisse espérer que le week-end sera agréable. On ne vous espérait plus, on ne vous attendait plus (en parlant à quelqu'un qui est très en retard). ● espérer (synonymes) verbe transitif (latin sperare) Considérer comme capable de se réaliser un événement, un acte...
Synonymes :
- attendre
- compter sur
- prévoir
- supputer
- tabler sur
Contraires :
- appréhender
- craindre
- désespérer
- redouter
Aimer à croire, à penser quelque chose
Synonymes :
- croire
- penser
● espérer
verbe transitif indirect
Mettre sa confiance en quelqu'un, en quelque chose, compter sur eux : J'espère en des temps meilleurs.
● espérer
verbe intransitif
Garder l'espoir, avoir confiance : Continuez d'espérer, rien n'est perdu.
● espérer (citations)
verbe intransitif
Émile Michel Cioran
Răşinari, près de Sibiu, 1911-Paris 1995
Espérer, c'est démentir l'avenir.
Syllogismes de l'amertume
Gallimard
Jean de La Ceppède
Marseille 1550-Avignon 1622
Fais que j'aille toujours mes crimes soupirant,
Et fais qu'en mon esprit je craigne ta justice,
Car le salut consiste à craindre en espérant.
Théorèmes spirituels
Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière
Paris 1622-Paris 1673
Belle Philis, on désespère,
Alors qu'on espère toujours.
Le Misanthrope, I, 2, Oronte
Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues
Aix-en-Provence 1715-Paris 1747
La patience est l'art d'espérer.
Réflexions et Maximes
Sénèque, en latin Lucius Annaeus Seneca, dit Sénèque le Philosophe
Cordoue vers 4 avant J.-C.-65 après J.-C.
Tu cesseras de craindre en cessant d'espérer.
Desines timere, si sperare desieris.
Lettres à Lucilius, V
Commentaire
Parole du philosophe Hécaton, citée par Sénèque.
Bible
Nous sommes pressés de toutes parts mais non pas écrasés ; ne sachant qu'espérer, mais non désespérés.
Saint Paul, Épître aux Corinthiens, IIe, IV, 8
Guillaume Ier de Nassau, dit le Taciturne, prince d'Orange
château de Dillenburg 1533-Delft 1584
Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
Commentaire
Citation également attribuée à d'autres, tel Pierre de Coubertin, le promoteur des jeux Olympiques modernes.
espérer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Vx ou dial. (Cour. Acadie et au Liban) Attendre. Espérez-moi devant le magasin.
|| Mod. Loc. On ne vous espérait plus: on ne vous attendait plus.
d2./d Compter sur, s'attendre à. Espérer la victoire. J'espérais plus d'enthousiasme de sa part.
d3./d Aimer à penser, souhaiter. J'espère que tu n'as rien de cassé.
rII./r v. intr. ou tr. indir. Avoir confiance. Espérer en Dieu.
⇒ESPÉRER, verbe trans.
I.— Emploi trans. dir.
A.— Espérer + compl.
1. [Le compl. est un subst.]
a) Espérer qqn
— Vieilli et région. (Picardie, Ouest, Midi de la France, Québec). Attendre l'arrivée, la venue de quelqu'un; attendre sa présence. Mon frère espère une épouse, et ma sœur un mari (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 1, 1801, p. 154). Certaines gens, pour une commission, l'attendaient [le facteur] au coin des routes; d'autres « l'espéraient » aux points fixes qu'on lui connaissait (LA VARENDE, Normandie en fl., 1950, p. 40) :
• 1. Nous prîmes à travers champ pour gagner Théotime. Françoise nous attendait à la limite. Elle nous dit :
— On vous espère à la métairie. C'est midi sonné.
BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 208.
— Rare. Espérer qqn + attribut. Prêter à quelqu'un une qualité probable, avec une nuance intérieure de doute ou d'interrogation. Edmond, si vous saviez toutes les prières que j'ai adressées pour vous à Dieu, tant que je vous ai espéré vivant et depuis que je vous ai cru mort (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 430). Moi, je travaille en vous espérant pour lecteur. Un grand esprit, c'est un public. Votre applaudissement me paie (HUGO, Corresp., 1868, p. 113).
♦ Emploi pronom. Mme Éterlin s'espérait encore désirable et désirée (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 233).
b) Espérer qqc.
— Vieilli et région. Synon. de attendre qqc. Espérez un peu que la nuit vienne! (CLAUDEL, Part. midi, 1949, I, p. 1073).
♦ Absol. — Après? dit Groult en fronçant les sourcils. — Espérez un peu, dit le Normand dans son patois, espérez (FRANCE, Jocaste, 1879, p. 102). Il me déclara qu'il avait à me montrer quelque chose... mais là, quelque chose... Espérez un brin! — Et il appela (FEUILLET, Scènes et prov., 1851, p. 339).
— S'attendre à quelque chose de manière intuitive; s'imaginer qqc. [Ne cherchez pas là] les nuances de bistre et de vieille pipe qu'un peintre pourrait espérer : tout est blanchi à la chaux selon l'usage arabe (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 18). J'ouvris le carnet et fus d'abord déçu : j'espérais un roman, des contes (SARTRE, Mots, 1964, p. 87).
— Attendre avec confiance un bien que l'on désire; considérer comme possible et probable sa réalisation; considérer comme certaine une chose dont on n'est pas scientifiquement, objectivement sûr. Espérer un miracle, la paix, le salut. Ma cousine (...) me laisse espérer un généreux pardon (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1736). Le lord de la trésorerie : — Jamais entrevue ne fut plus désirée. Richard : — Vous y comptiez? Le lord de la trésorerie : — Nous l'espérions (DUMAS père, Richard Darlington, 1832, II, 2, p. 96). L'expression d'attente anxieuse du dieu Tlaloc, espérant la pluie comme un pauvre homme dont le soleil a calciné le champ (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 118).
— Entrevoir la possibilité de quelque chose; escompter, logiquement et par voie de conséquence, quelque chose. La vue, à chaque instant, est arrêtée par des monts qui laissent à peine espérer un défilé (DUSAULX, Voy. Barège, t. 2, 1796, p. 57). La nuit (...) était trop inquiétante pour laisser espérer un départ à l'aube (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 255) :
• 2. Les bilans et les programmes d'emploi des énergies, de prospection et de mise en œuvre des sources de matières premières, font espérer l'augmentation des « ressources naturelles » disponibles, grâce à la communication des informations et à la coordination des prévisions et des intentions des producteurs et des pouvoirs publics.
PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 560.
— Espérer qqc. de qqc., espérer qqc. de qqn. Escompter la réalisation de ce que l'on attend par l'action de quelqu'un ou de quelque chose. Que n'espérions-nous pas de sa jeune vertu! (CONSTANT, Wallstein, 1809, V, 9, p. 163). Cf. créosote ex. :
• 3. Le paysan est timide à côté [du marin]; il craint parce qu'il espère. Le marin a jugé cette masse fluide, évidemment sans projet et sans mémoire; et, parce qu'il ne peut espérer rien d'elle, il ne compte alors que sur lui-même.
ALAIN, Propos, 1926, p. 685.
2. [Le compl. est une prop.]
a) [Prop. complétive] Espérer que. Avoir une opinion, proche de la conviction, sans idée d'attente. Les Américains doivent venir me chercher ici pour une visite en Alsace. J'espère bien que ce ne sera pas le 26, ni le 27 (BARRÈS, Cahiers, t. 11, 1917-18, p. 371) :
• 4. SOUBRIER. — (...) Il paraît que tu lui as dit qu'au bout de huit jours j'en aurais assez de notre vie nouvelle.
SEVRAIS. — J'ai dit : « J'espère qu'il n'en aura pas assez après huit jours. » Espérer et croire, ce n'est pas la même chose.
MONTHERL., Ville dont prince, 1951, II, 4, p. 891.
— Par affaiblissement
♦ Formuler un souhait ou poser une question de manière atténuée ou indirecte. J'espère que le voyage s'est bien passé (MONTHERL., J. filles, 1936, p. 934). J'espère qu'il y a de l'eau chaude (MAURIAC, Asmodée, 1938, I, 6, p. 48). Mes hommages, madame. J'espère ne pas être indiscret (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1505).
♦ Atténuer la formulation d'un vœu, d'un souhait, d'une question (généralement en style épistolaire). Lord Beaconsfield espère que Votre Majesté se souvient de sa gracieuse promesse de ne pas écrire la nuit (MAUROIS, Disraëli, 1928, p. 296) :
• 5. Nous espérons, Madame, que vous apprécierez comme il convient notre proposition et que vous voudrez bien prendre en considération les risques auxquels notre cabinet s'expose dans votre intérêt. Veuillez agréer, Madame...
DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 174.
b) [Prop. infinitive] Escompter la réalisation de quelque chose d'une manière proche de la certitude. Ces dames espéraient bien se retrouver en haut (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 623). — À quelle heure espères-tu avoir fini? Au plus tôt et au plus tard. — Entre trois et quatre (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 621) :
• 6. Nous continuâmes notre route pour doubler une pointe derrière laquelle nous espérions trouver un abri; (...) l'île (...) se termine (...) en pointe, et son plus grand diamètre est au plus d'une lieue.
Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 179.
B.— Absolument
1. Avoir confiance dans l'avenir, dans la vie; entrevoir que la vie ne se termine pas dans le néant mais qu'il y a survie de l'individu (par la descendance, la vie future); entrevoir une issue favorable à la situation actuelle. « On commence à jouir, dis-tu, dès qu'on espère : » Je jouirois aussi déjà, si j'étois père; Mais pour un vieux garçon il n'est point d'avenir (COLLIN D'HARL., Vieux célib., 1792, II, 1, p. 31). Il espère pourtant, ils espèrent tous, même le moribond. Tous veulent vivre (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 231) :
• 7. ... le bonheur n'est bonheur que quand vous le tenez; si vous le cherchez dans le monde, hors de vous-même, jamais rien n'aura l'aspect du bonheur. En somme, on ne peut ni raisonner ni prévoir au sujet du bonheur; il faut l'avoir maintenant. Quand il paraît être dans l'avenir, songez-y bien, c'est que vous l'avez déjà. Espérer, c'est être heureux.
ALAIN, Propos, 1911, p. 105.
— Loc. proverbiale et hist. [P. allus. à Guillaume de Nassau, prince d'Orange, dit le Taciturne] Cf. DU BOS, Journal, 1927, p. 266 :
• 8. À la longue, ils eussent pu prononcer avec Guillaume d'Orange qu'« il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 220.
2. Spéc., RELIG. CHRÉT. Avoir la vertu d'espérance. Partout où souffrent ou espèrent des cœurs humains, le Christ établit sa demeure (MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 53). Quelque Josué, en priant et en espérant comme il faut, a pu arrêter le soleil (ALAIN, Propos, 1908, p. 26) :
• 9. Il faut avoir confiance en Dieu mon enfant.
Il faut avoir espérance en Dieu.
Il faut faire confiance à Dieu.
Il faut faire crédit à Dieu.
Il faut avoir cette confiance en Dieu d'avoir espérance en lui.
Il faut faire cette confiance à Dieu d'avoir espérance en lui.
Il faut faire ce crédit à Dieu d'avoir espérance en lui.
Il faut faire espérance à Dieu.
Il faut espérer en Dieu, il faut avoir foi en Dieu, c'est tout un, c'est tout le même.
PÉGUY, Porche Mystère, 1911, p. 240.
3. Expressions
a) J'espère, j'espère bien, je l'espère. Incise à valeur exclamative pour nuancer une affirmation dont on doute, ou pour essayer d'influencer la réponse à une interrogation que l'on fait. Les détails suivans suffiront, je l'espère, pour en donner une idée (CRÈVECŒUR, Voyage, 1801, p. 236). Tu n'es pas marié, j'espère? (SARTRE, Nausée, 1938, p. 178).
b) (Ah çà, eh bien,) j'espère! Exclamation admirative ou exprimant le contentement. Ah çà! j'espère que voilà assez de fatigue pour une nuit (LABICHE, Fille bien gardée, 1850, I, 19, p. 330). « Eh bien, j'espère! Quelle promenade! Vous avez été voir Compiègne, je parie! » Il riait d'aise, et levait les bras (MARTIN DU G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 717).
II.— Emploi trans. indir.
1. Rare. Espérer dans/en qqn. Avoir une confiance absolue; espérer selon la vertu théologale d'espérance; faire de Dieu, de la religion, d'un être supérieur le fondement de sa vie et le guide du futur. Il vaut encore mieux se fier aux tigres qu'aux hommes. Mais le ciel, dans qui j'espère, ne nous abandonnera pas (BERN. DE ST-P., Chaum. ind., 1791, p. 133). Mon âme a espéré dans le Seigneur (CLAUDEL, Chr. Colomb, 1929, 2e part., p. 1187) :
• 10. « (...) S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ non plus n'est point ressuscité. Et si le Christ n'est point ressuscité, votre prédication est donc vaine et vaine aussi est votre foi... Si c'est pour cette vie seulement que nous espérons dans le Christ, nous sommes les plus misérables de tous les hommes » [d'apr. St Paul]. Mais ce n'est pas pour cette vie seulement que le chrétien espère, et c'est pourquoi il est le plus heureux des hommes...
GILSON, Esprit philos. médiév., 1931, p. 175.
2. Espérer dans, en qqc. S'en remettre à. Et l'on espère dans le sort, faute de pouvoir s'assurer sur soi (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 173). Nous nous reprochons d'avoir alors trop espéré dans l'avenir (J. VUILLEMIN, Essai signif. mort, 1949, p. 180).
B.— Espérer + de + compl.
1. [Le compl. est un subst.] Espérer de qqc. Escompter quelque chose de favorable, d'heureux, grâce à l'action de quelque chose. J'espère beaucoup de ma visite (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1723).
2. Vieilli ou, de nos jours, littér. [Le compl. est un inf.; la réalisation du compl. comporte le doute, l'incertitude (cf. supra même sens que I A 2 b)] Espérer + de + prop. infinitive. Il ne faut pas espérer d'éternuer à l'insu du voisin (MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 65). Comme s'ils espéraient de tomber au premier effort, pour n'avoir plus à avancer (MOUNIER, Traité caractère, 1946, p. 402) :
• 11. ... nous pouvions espérer de trouver quelques rafraîchissemens dont nous avions grand besoin.
Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 177.
Rem. On rencontre ds la docum. a) Espérable, adj., rare. Qui peut être espéré; susceptible d'être espéré. Il n'y a plus pour moi d'amis espérables (BLOY, Journal, 1892, p. 55). Une sorte de sommaire « réduction au piano » (...) voilà tout ce qui est loyalement espérable et tout ce que j'oserai tenter (RICHEPIN, Aimé, 1893, p. 54). Même si les Allemands se retirent (ce qui n'est guère espérable), les Italiens, je pense, défendront Tunis (GIDE, Journal, 1943, p. 177). b) Espérant, ante, adj. Qui espère; qui est enclin à la confiance, à l'espérance. Germinie arriva (...), tout heureuse, toute gaie, tout espérante (GONCOURT, G. Lacerteux, 1864, p. 129). Âmes espérantes et pieuses (BARRÈS, Cahiers, t. 10, 1913, p. 139).
Prononc. et Orth. :[], (j')espère []. GRAMMONT Prononc. 1958, p. 41, indique, à l'inf. []; ,,lorsque dans le [mot] simple la voyelle accentuée est un è ouvert, elle reste ouverte par analogie en perdant l'accent dans le dérivé, quand elle n'est soumise à aucune influence spéciale`` [souligné par nous] : espère [] → espérance [], en dépit de l'orth., à côté d'espérer [espere], sous l'infl. de [e] final, la conversion de la voyelle de seconde syll. entraînant à son tour la conversion de la voyelle initiale. Antécédents de cette dernière hyp. ds FÉR. Crit. t. 2 1787 (,,è moyen``) et ds NOD. 1844 (ës-pé-ré; on aurait attendu une syllabation : ë-spé-, laquelle se trouve en effet ds LITTRÉ, avec cependant le timbre ouvert...). Enq. : // (il) espère. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 trans. esperer « considérer comme devant se réaliser » (Alexis, éd. Chr. Storey, 193); 2. 1re moitié XIIe s. « avoir confiance en quelqu'un » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, IV, 6 : esperez el segnur). Du lat. class. sperare « attendre quelque chose comme devant se réaliser », avec infl. de la lang. écrite pour le maintien du s et le traitement de la voyelle radicale. Fréq. abs. littér. :10 777. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 18 438, b) 18 711; XXe s. : a) 11 966, b) 12 877. Bbg. HANSE (J.). Espérer suivi d'un inf. In : [Mél. Grevisse (M.)]. Gembloux, 1966, pp. 187-206. — QUEM. DDL t. 1 (s.v. espérant).
espérer [ɛspeʀe] v. [CONJUG. céder.]
ÉTYM. V. 1050; du lat. sperare.
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I V. tr. Considérer (ce qu'on désire) comme devant se réaliser. ⇒ Aspirer (à), attendre (cit. 114), compter (sur), désirer (cit. 3), escompter, souhaiter; espérance, espoir, expectative. — Espérer qqch. || Espérer une récompense, un cadeau, une réussite, un succès, un miracle. || Il n'espère plus rien. || Nous n'avons rien à espérer après cette vie (→ Âme, cit. 5). || Vous n'avez rien à espérer que souffrance (→ Désunir, cit. 7). || Qu'espérait-il de plus ? || Croyez-vous qu'il viendra ? Je l'espère bien. || Sensation qu'apporte l'idée de ce qu'on espère. ⇒ Avant-goût. || Chose que l'on peut espérer, que l'on est en droit d'espérer (⇒ Espérable). || Je lui ai fait espérer, laissé espérer une réponse favorable. ⇒ Entrevoir. || La floraison fait espérer une belle récolte. ⇒ Promettre. || On n'osait plus l'espérer (⇒ Inespéré). — Espérer qqch. de qqch. || J'espère beaucoup. || J'espère tout de son adhésion. || On peut en espérer d'heureuses conséquences. ⇒ Augure (de bon augure). || J'en espérais bien du plaisir. ⇒ Promettre (se). || Je n'en espérais pas tant. || Espérer qqch. de qqn. || N'espère de lui aucune aide, aucun appui.
1 La postérité, dans toutes les provinces,
Donnera votre exemple aux plus généreux princes.
J'en accepte l'augure, et j'ose l'espérer.
Corneille, Cinna, V, 3.
2 Espérons de Neptune une prompte justice.
Racine, Phèdre, IV, 4.
3 Je n'examinai rien, j'espérais l'impossible.
Racine, Bérénice, IV, 5.
4 S'il n'y avait point d'obscurité, l'homme ne sentirait point sa corruption; s'il n'y avait point de lumière, l'homme n'espérerait point de remède.
Pascal, Pensées, VIII, 586.
5 (…) vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je l'espérais (…)
Molière, Dom Juan, I, 3.
6 Il n'y eut que moi qui espérai la victoire.
Fénelon, Télémaque, V.
7 On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère (…)
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, VI, Lettre VIII (→ Désirer, cit. 3).
8 Notre poète, satisfait de ce côté-là, avait encore une autre ambition qui ne fut pas réalisée, celle d'obtenir un logement dans le Louvre; on le lui fit longtemps espérer, mais il fut obligé de s'en tenir à l'espérance
Th. Gautier, les Grotesques, p. 378.
9 Mais c'était fini maintenant; ni avant ni après la mort, elle n'espérait plus aucune miséricorde, même imprécise : non, seule à souffrir, seule à se défendre, et seule responsable !
Loti, les Désenchantées, I, III, p. 46.
♦ → aussi Attente, cit. 24 (Colette); bénéfice, cit. 8 (La Bruyère); contrepoids, cit. 4 (Pascal); disparaître, cit. 11 (La Bruyère).
♦ Absolt. || Il arrivera, j'espère, avant mon départ. || J'espère bien ! → Apprendre, cit. 28; chicane, cit. 4.
♦ Espérer qqn : espérer sa venue, sa présence. ⇒ Attendre. || Enfin vous voilà ! Je ne vous espérais plus.
10 Je lis, je me promène, je vous espère; gardez-vous de me plaindre.
11 Elles (les jeunes filles) sont bien, dans leurs parfums acides, la fleur qui exige le pollen, et qui réclame d'être fécondée, tandis qu'elle a l'illusion de s'y résigner seulement. Elles sont aussi le fruit qui espère le soleil pour mûrir; et qui veut maudire la maturité, dont sa pulpe est avide.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », IV, p. 236.
12 Jamais je n'ai cessé de t'espérer. Avant de m'endormir, chaque soir, je pensais : s'il revient cette nuit, saura-t-il bien ouvrir la porte ?
Gide, le Retour de l'enfant prodigue, IVe tableau.
13 (…) je repartis (…) pour l'Est où Gabriel nous espérait.
G. Duhamel, Biographie de mes fantômes, p. 239.
♦ Espérer (avec inf.). ⇒ Compter, penser. || J'espère y arriver (→ Arriver, cit. 39). || J'espère réussir. ⇒ Flatter (se), promettre (se). || Il espérait vous voir.
14 Mais dites-moi un peu, qu'espérez-vous faire ?
Molière, les Amants magnifiques, I, 1.
15 Par mes justes soupirs j'espère l'émouvoir.
Racine, la Thébaïde, I, 3.
16 J'espérais voir des anges avant même que de mourir.
M. Barrès, Un jardin sur l'Oronte, p. 21.
♦ → aussi Attente, cit. 17 (Chateaubriand); circonstance, cit. 11 (Balzac); commencement, cit. 2 (Rousseau).
♦ (Appliqué au passé). Aimer à croire, à penser. || J'espère avoir fait ce qu'il fallait. || Il espère avoir réussi.
♦ Espérer de (avec inf.). Vx ou littér. || Espérer de faire qqch., de réussir. → aussi Ajustement, cit. 4 (La Bruyère); atteindre, cit. 29 (P.-L. Courier); douleur, cit. 5 (France).
17 Je n'ose espérer de la revoir cet hiver (…)
Mme de Sévigné, 833, 17 juil. 1680.
18 L'on espère de vieillir, et l'on craint la vieillesse (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 41.
19 Ils espèrent de jouir d'un paradis où ils goûteront mille délices (…)
Montesquieu, Lettres persanes, XXXV.
20 Dès qu'on peut espérer de se venger, on recommence de haïr.
Stendhal, De l'amour, p. 291.
21 Des garçons de vingt ans sont venus m'annoncer, l'an dernier, qu'ils allaient fonder une imprimerie coopérative et qu'ils espéraient d'y subsister, sur place, en famille.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, III, p. 28.
♦ Espérer que… || J'espère qu'il viendra. ⇒ Croire (aimer à croire, vouloir croire que…). || J'espère qu'il viendrait si on le lui demandait. || J'espérais qu'il viendrait (→ Aboucher, cit. 4; appui, cit. 19). || Je n'espère pas qu'il vienne. || Je n'espérais pas qu'il vînt (→ Comédie, cit. 5). || Je n'espérais pas qu'il viendrait. || Espère-t-il qu'il vienne, qu'il viendra ? || Espérait-il qu'il viendrait ? || Sa venue laisse espérer qu'il nous aidera. ⇒ Promettre. || Faire espérer, laisser espérer que… ⇒ Entrevoir. — REM. On trouve parfois le subjonctif après espérer que pris affirmativement, et l'indicatif après la forme négative.
22 (…) n'espérez pas qu'après vous je soupire.
Corneille, Polyeucte, IV, 2.
23 (…) Puisque Thésée a vu les sombres bords,
En vain vous espérez qu'un dieu vous le renvoie (…)
Racine, Phèdre, II, 5.
24 J'avais espéré que Monseigneur achèverait la campagne.
Saint-Simon, Mémoires, II, 38.
25 Le docteur répondit (…) qu'il fallait espérer seulement que sa femme guérît.
Camus, la Peste, p. 96.
26 Il n'espère pas qu'il entendra de nouveau l'ordre mystérieux.
Bernanos, Sous le soleil de Satan, VII, p. 299.
♦ (Formule de souhait). || Espérer que (avec un v. au prés. ou au passé) : aimer à croire, à penser que. || J'espère que tu vas bien. || Espérons qu'il n'a rien entendu.
27 Je ne sais s'il entendait leur langage. J'espère bien que non.
Valéry, Variété II, p. 26.
28 Lorsque vous vous trouvez devant un guichet, au bureau de poste, j'espère que vous ne discutez jamais avec le préposé, vous attendez modestement qu'il se souvienne de vous (…)
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 52.
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II V. intr. ou tr. ind.
1 Avoir confiance. || Allons, courage, il faut espérer.
♦ Espérer en qqn (vx), en qqch. : avoir, mettre sa confiance en. ⇒ Croire, fier (se). || Espérer en l'avenir, en des temps meilleurs.
29 Espère en ton courage, espère en ma promesse (…)
Corneille, le Cid, V, 7.
30 Souvenez-vous d'un fils qui n'espère qu'en vous.
Racine, Phèdre, II, 5.
♦ Espérer à…, de… qqn, qqch. (vx). → Désespérer (cit. 1).
31 N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde.
32 Mais j'espère aux bontés qu'une autre aura pour moi.
Molière, Tartuffe, II, 4.
33 Ceux de qui j'espérais sont tous mes ennemis.
Voltaire, Irène, IV, 4.
♦ Absolt. || Espérer jusqu'au bout (cit. 38). || Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre (⇒ Entreprendre, cit. 12 et 13.)
34 Il n'y a point d'homme plus aisé à mener qu'un homme qui espère; il aide à la tromperie.
Bossuet, Pensées chrétiennes, 24.
35 Belle Philis, on désespère,
Alors qu'on espère toujours.
Molière, le Misanthrope, I, 2.
2 ☑ Loc. exclam. Régional (sud de la France). J'espère ! eh bien !, par exemple ! (→ À la bonne heure !).
35.1 (…) il entendait la voix disant : « Allons !… », disant : « Mais j'espère ! On nous a gâtées (…) »
Claude Simon, le Vent, p. 233.
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espéré, ée p. p. adj.
♦ ⇒ Attendu, désiré, souhaité. || Un événement longtemps espéré.
36 Dietz était devant sa classe comme un organiste devant son clavier; ce maestro tirait de nous, à son gré, les sons les plus inattendus, les moins espérés par nous-mêmes.
Gide, Si le grain ne meurt, I, VIII, p. 216.
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DÉR. Espérable, espérance, espérant, espère, espoir.
COMP. Désespérer. Inespéré.
Encyclopédie Universelle. 2012.