condamner [ kɔ̃dane ] v. tr. <conjug. : 1>
• XVIe, par attract. de damner; condemnerXIIe; lat. condemnare
1 ♦ Frapper d'une peine, faire subir une punition à (qqn), par un jugement. Condamner un coupable. On l'a condamné à payer une amende, à une lourde peine. « Il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent » (Voltaire). Condamner aux dépens, à la détention, anciennt, à la déportation, aux travaux forcés; condamner à mort. Spécialt Condamner à l'enfer. ⇒ damner. — (Sujet chose) Ce témoignage condamne l'accusé.
♢ Par anal. (1704) Déclarer (un malade) incurable dans une maladie mortelle. Il n'y a plus d'espoir, les médecins l'ont condamné (⇒ condamné) .
♢ Par ext. Obliger (à une chose pénible). ⇒ astreindre, contraindre, forcer, obliger. Condamner à une besogne. ⇒ atteler, vouer. L'état de nos finances nous condamne à l'austérité. Être condamné à l'inaction, à rester chez soi.
2 ♦ Interdire ou empêcher formellement (qqch.). ⇒ défendre, empêcher, interdire, prohiber, proscrire, punir. La loi française condamne la bigamie.
3 ♦ Faire en sorte qu'on n'utilise pas (un lieu, un passage). Condamner une porte, une voie, une pièce. ⇒ barrer, 1. boucher, fermer, murer. (Vieilli) Condamner sa porte : refuser de recevoir qui que ce soit.
4 ♦ Blâmer avec rigueur. ⇒ accabler, censurer, critiquer, désapprouver, 2. flétrir, stigmatiser. Je ne le condamne pas, ce n'est pas sa faute. « elle ne pensait à son trouble [...] que pour condamner sa faiblesse et la renier » (Martin du Gard). Condamner un abus. L'Académie condamne ce mot.
⊗ CONTR. Acquitter, disculper , innocenter; approuver, recommander.
● condamner verbe transitif (latin condemnare, avec l'influence de damnare, infliger une peine) Déclarer quelqu'un officiellement et en justice coupable d'un délit, d'un crime et lui infliger telle ou telle peine : On l'a condamné pour vol à cinq ans de prison. Déclarer qu'un acte est répréhensible, blâmable et que son auteur est passible d'une peine : La loi condamne le chantage. Déclarer un mot, une expression non conformes aux règles et aux usages d'une langue ; en désapprouver l'emploi : L'Académie condamne certains mots employés par les médias. Juger et déclarer quelqu'un ou quelque chose fautif, blâmable ou responsable d'un mal, prouver que quelque chose est faux, erroné, non adéquat ; critiquer, réprouver : L'opposition condamne la politique du gouvernement. Être l'élément qui prouve la culpabilité de quelqu'un, qui prouve que quelqu'un ou quelque chose est responsable d'un acte fautif, blâmable : Cette nouvelle preuve le condamnait irrémédiablement. Déclarer quelqu'un incurable, perdu : Tous le condamnaient et miraculeusement il a guéri. Déterminer la ruine, la mort d'un groupe, d'une activité, d'une entreprise : En fermant ces usines c'est la ville entière que vous condamnez. Obliger, astreindre quelqu'un, un groupe à agir de telle manière, à se trouver dans tel état : Sa maladie le condamne à l'inaction. Interdire l'usage d'un lieu, d'un accès en le fermant, le barrant, le murant, etc. : Condamner une porte, une fenêtre. ● condamner (citations) verbe transitif (latin condemnare, avec l'influence de damnare, infliger une peine) Thomas Browne Londres 1605-Norwich 1682 Nul homme ne peut justement en censurer ou en condamner un autre, car, à la vérité, nul homme n'en connaît vraiment un autre. No man can justly censure or condemn another, because indeed no man truly knows another. Religio Medici, II, 4 ● condamner (difficultés) verbe transitif (latin condemnare, avec l'influence de damnare, infliger une peine) Prononciation [&ph95;̃&ph88;&ph85;&ph98;&ph89;], le groupe -mn- se prononce comme n. ● condamner (expressions) verbe transitif (latin condemnare, avec l'influence de damnare, infliger une peine) Condamner sa porte (à quelqu'un), déclarer qu'on ne recevra plus quelqu'un, ou qu'on ne recevra personne. ● condamner (synonymes) verbe transitif (latin condemnare, avec l'influence de damnare, infliger une peine) Déclarer quelqu'un officiellement et en justice coupable d'un délit, d'un...
Contraires :
- gracier
- réhabiliter
- relaxer
Déclarer qu'un acte est répréhensible, blâmable et que son auteur...
Contraires :
- absoudre
- excuser
Déclarer un mot, une expression non conformes aux règles et...
Synonymes :
- désapprouver
Juger et déclarer quelqu'un ou quelque chose fautif, blâmable ou responsable...
Synonymes :
- désapprouver
- désavouer
- flétrir
- réprouver
Contraires :
- accepter
- apprécier
- louer
- priser
Être l'élément qui prouve la culpabilité de quelqu'un, qui prouve...
Synonymes :
- accabler
- charger
- perdre
Obliger, astreindre quelqu'un, un groupe à agir de telle manière...
Synonymes :
- forcer
- obliger
- réduire
Interdire l'usage d'un lieu, d'un accès en le fermant, le...
Synonymes :
- barrer
- boucher
- murer
- obstruer
Contraires :
- ouvrir
condamner
v. tr.
d1./d Prononcer une peine contre (qqn). Condamner un criminel à vingt ans de prison.
— Interdire, proscrire. La loi condamne l'usage des stupéfiants.
|| Par anal. Les médecins l'ont condamné, ont déclaré que sa maladie est mortelle.
d2./d Astreindre, réduire. être condamné à l'immobilité.
d3./d Blâmer, désapprouver. Condamner la conduite de qqn.
d4./d Barrer (un passage); supprimer (une ouverture). Condamner une porte. Syn. barrer, boucher.
|| (Afr. subsah., Belgique) Fermer (un local, etc.) à clé, au verrou. Condamner une voiture.
d5./d Accabler. Son acte le condamne.
⇒CONDAMNER, verbe trans.
Déclarer quelqu'un ou quelque chose coupable par un jugement officiel.
I.— [Le compl. d'obj. désigne une pers.]
A.— [Le suj. désigne une ou plusieurs pers. ayant autorité en matière de justice] Déclarer quelqu'un coupable à l'issue d'une sentence judiciaire et le frapper d'une peine. Condamner qqn à mort, aux travaux forcés à perpétuité, à x jours (mois, ans) de prison. Anton. acquitter, gracier, amnistier. Pilate condamne un innocent, afin d'être ami de César (BARRÈS, Mes cahiers, t. 2, 1898, p. 37) :
• 1. ... l'évidente bonne foi d'Hamelin, l'héroïque attitude de Saccard qui tint tête à l'accusation pendant les cinq jours, les plaidoiries magnifiques et retentissantes de la défense, n'empêchèrent pas les juges de condamner les deux prévenus à cinq années d'emprisonnement et à trois mille francs d'amende.
ZOLA, L'Argent, 1891, p. 418.
Rem. Autrefois, en style judiciaire, existait la constr. condamner en + une somme d'argent, supplantée par condamner à. Condamner en des dommages et intérêts (cf. Code de procédure civile, 1806, art. 128, p. 349).
SYNT. Condamner qqn à la réclusion criminelle, à des peines afflictives, infamantes, à un supplice, à l'exil, à une amende, aux galères, aux frais, aux dépens, à des dommages et intérêts; condamner sans appel; être condamné par défaut, par contumace, pour crime, pour meurtre, pour vol.
— Spéc. [En parlant du Jugement dernier] Damner. Anton. sauver. Ça en fait toujours une de sauvée. Il n'aura point à condamner cette âme (PÉGUY, Le Porche du mystère de la 2e vertu, 1911, p. 216) :
• 2. Parfois, elle résumait, ses lectures dans une parole sinistre; elle condamnait ainsi que Jéhova; son fanatisme sans miséricorde jetait voluptueusement les pécheurs à l'abîme. Frapper les coupables, les tuer, les brûler, lui semblait une besogne sainte...
ZOLA, Madeleine Férat, 1868, p. 124.
B.— P. anal. [En parlant du jugement, du diagnostic des médecins] Condamner un malade. Déclarer que son état de santé est désespéré. Une femme tuberculeuse que les docteurs condamnaient (ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, p. 296) :
• 3. — « Ce qui aggrave, c'est que, depuis un an, mon père est condamné. Le mal progresse. Quelques semaines encore, et ce sera la fin. (...) »
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, La Sorellina, 1928, p. 1165.
C.— P. ext. et au fig. [Le suj. désigne une pers. ou un inanimé concr. ou abstr.] Condamner à + subst. ou inf. (désignant qqc. de difficile à faire ou à supporter). Astreindre à, obliger à. Synon. vouer à.
— Condamner qqn (plus rarement qqc.) à + subst. Condamner qqn au silence, à la solitude, au repos; condamner un ouvrage à l'oubli (Ac. 1835) :
• 4. Louis XVIII avait vécu avant l'émigration dans la familiarité des écrivains sérieux ou futiles de sa jeunesse. Les longs loisirs de l'émigration, la vie immobile et studieuse à laquelle l'infirmité de ses jambes le condamnait, avaient accru en lui ce goût des entretiens.
LAMARTINE, Nouvelles Confidences, 1851, p. 302.
— Condamner qqn (plus rarement qqc.) à + inf. Une déplorable myopie qui le condamnait à porter des lunettes (ABOUT, Le Nez d'un notaire, 1862, p. 9). Que faire, lorsque des famines inévitables condamnent des millions de malheureux à mourir de faim? (BERGSON, Les Deux sources de la mor. et de la relig., 1932, p. 239).
— Se condamner à
♦ Verbe pronom. réfl. S'obliger à, s'astreindre volontairement à. S'il se trouvait au contraire surpris au milieu de très grandes fatigues, il se condamnait à vingt-quatre heures de repos absolu (LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, t. 1, 1823, p. 226). Ils [les athlètes grecs] se condamnent à la continence (H. TAINE, Philosophie de l'art, t. 2, 1865, p. 191) :
• 5. Dans plusieurs religions, et même dans le christianisme primitif, un prêtre se condamnoit à une réclusion volontaire où il passoit toute sa vie à prier pour le peuple, et à s'offrir pour lui en holocauste.
CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, t. 2, 1803, p. 300.
♦ Verbe pronom. passif. Être contraint, réduit à. Pour être vraiment réaliste, une description se condamne à être sans fin (CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 333).
II.— [Le compl. d'obj. désigne une chose concr. ou abstr.] Frapper d'une sanction sévère.
A.— [En parlant d'un tribunal civil ou ecclésiastique] Déclarer quelque chose mauvais, erroné, parce que contraire à la morale ou à la religion. Condamner une doctrine, une hérésie, un ouvrage (et p. méton. l'auteur de l'erreur). Synon. censurer, interdire, prohiber, proscrire. L'Inquisition a poursuivi et fait condamner sans rémission auteurs et livres hétérodoxes (La Civilisation écrite, 1939, p. 1405). Le pape condamne cinq propositions hérétiques dans le livre de Jansénius (MONTHERLANT, Port-Royal, 1954, p. 1018) :
• 6. Peu importe la date précise qu'on assigne à l'origine de la Réforme; on peut prendre l'année 1520, où Luther brûla publiquement à Wittenberg la bulle de Léon X qui le condamnait, et se sépara ainsi officiellement de l'Église romaine.
GUIZOT, Hist. gén. de la civilisation en Europe, leçon 12, 1828, p. 6.
• 7. Faut-il croire que les juges qui condamnèrent Les Fleurs du Mal et Madame Bovary s'employaient pour le confort intellectuel de leurs contemporains?
AYMÉ, Le Confort intellectuel, 1949, p. 12.
— P. anal., CRIT. LITTÉR. Déclarer non conforme aux règles, interdire l'usage de. C'est un mot dont l'usage a condamné l'emploi; les grammairiens condamnent ces façons de parler (Lar. 19e). Synon. bannir, proscrire. Parce qu'on fait tous les jours de mauvais vers, faut-il condamner tous les vers? (CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 1, 1810, p. 24) :
• 8. Malgré leur défense, on continua à dire comme devant : « Je ferme ma porte1. » ... (1) Il est exact que l'Académie condamna cette locution.
A. FRANCE, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard, 1893, p. 189.
B.— P. ext. Déclarer quelque chose et p. méton. quelqu'un blâmable, répréhensible, par un jugement de valeur individuel ou collectif sévère, énergique. Condamner d'avance, en bloc, absolument. Synon. blâmer, critiquer, déplorer, désapprouver, s'élever contre, rejeter. Anton. approuver, bénir, glorifier, louer.
1. [Le suj. désigne une pers. ou un groupe de pers.]
— Condamner qqn (le comportement de qqn, et, p. méton., condamner qqn). On ne condamne point les gens sans les entendre (COLLIN D'HARLEVILLE, Le Vieux célibataire, 1792, p. 129) :
• 9. ... je me trouve pourtant comme en compagnie où une personne vous approuve, l'autre vous condamne; l'une est bienveillante, l'autre juge avec sévérité et critique tout ce que vous pouvez faire ou dire; l'une vous conseille de suivre telle direction, l'autre vous en détourne.
MAINE DE BIRAN, Journal, 1818, p. 168.
— Condamner qqc. :
• 10. Faut-il donc condamner la civilisation de l'image? Ce serait méconnaître les possibilités qu'elle offre en contre-partie de ses dangers.
HUYGHE, Dialogue avec le visible, 1955, p. 57.
— Se condamner, verbe pronom. réfl. Avouer qu'on a tort. Vous avez raison, et je me condamne moi-même (BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, p. 229).
2. [Le suj. désigne un inanimé abstr. ou concr. (un indice, etc.)]
— Condamner la conduite de qqn, et p. méton., condamner qqn. Faire apparaître le tort de quelqu'un, servir de preuve contre quelqu'un. Synon. accabler. Voilà des preuves qui vous condamnent (BESCH. 1845); vos propres paroles vous condamnent (Lar. 19e). Il le faut avouer, les apparences me condamnoient (CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 1, 1810, p. 268). Aucune circonstance, absolument aucune ne plaidait en sa faveur. Tout le condamnait (ZOLA, Le Bête humaine, 1890, p. 204).
— Condamner qqc. Servir, par comparaison, à la condamnation de quelque chose. Cette expérience paraissait condamner l'ancienne électrodynamique (H. POINCARÉ, La Théorie de Maxwell et les oscillations hertziennes, 1899, p. 54). Les petits portraits de l'école des Clouet (...) constituaient un ensemble parfait qui condamnait la prétention des autres ouvrages (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p. 123).
Rem. Pt ROB. signale le dér. condamnatoire, adj., dr. Qui condamne. Sentence condamnatoire.
C.— Déclarer l'usage d'une chose dangereux et par voie de conséquence l'interdire.
1. MAR. Condamner un navire. Interdire l'usage d'un navire parce qu'il est abîmé, trop vieux et donc dangereux.
Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, BESCH. 1845, Lar. 19e-20e, LITTRÉ, DG, GUÉRIN 1892 et QUILLET 1965.
2. Condamner un lieu (principalement une ouverture, un passage). Interdire l'accès, l'usage de. Synon. barrer, boucher, fermer, murer. Condamner une porte, une fenêtre :
• 11. Il y avait une porte donnant directement de la chambre dans le jardin, mais Mme Loiseau avait préféré la condamner, parce que quand elle était ouverte cela faisait de tels courants d'air avec la porte d'entrée, que déjà deux fois il avait fallu remplacer les vitres brisées, et maintenant pour remplacer les vitres!
E. TRIOLET, Le Premier accroc coûte deux cents francs, 1945, p. 211.
— Au fig. Condamner sa porte (à qqn). Refuser de recevoir des visites. Ils se murèrent du monde, ils condamnèrent leur porte, ils n'acceptèrent plus aucune invitation (R. ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, p. 1143).
Prononc. et Orth. :[] ou [-], (je) condamne [] ou []. a) Timbre de la 2e syll. [] post. ds PASSY 1914 et BARBEAU-RODHE 1930; cf. aussi de FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787, GATTEL 1841; en ce qui concerne les ouvrages, cf. ROUSS.-LACL. 1927, p. 127, BUBEN 1935, § 99 et KAMM. 1964, p. 94, 97. [a] ant. ds Pt Lar. 1968, DUB., Larg. Lang. fr.; cf. aussi ds LAND. 1834, NOD. 1844, BESCH. 1845, FÉL. 1851, LITTRÉ et DG (qui transcrit damne(r), damnation, au contraire avec [] post.). [] ou [a] ds Pt ROB. et ds WARN. 1968. G. Straka (La Prononc. parisienne ds B. de la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1952, pp. 15-16) écrit au sujet de condamne(r) : ,,Dans la prononciation soignée, on maintient encore un [] postérieur long (en syllabe inaccentuée demi-long) tandis que la prononciation familière le remplace par un [a] antérieur.`` Il ajoute en note : ,,Cette tendance n'est pas d'origine populaire, mais propre à la prononciation des classes cultivées, elle est aussi régionale. À notre avis, c'est une réaction, chez des gens qui veulent bien parler, contre la tendance populaire à exagérer la différence entre les deux a.`` L'allongement de la 2e syll. du mot s'explique par la dénasalisation d'une anc. nasale. b) Non-prononc. de
implosif. FÉR. Crit. t. 1 1787 s'élève contre l'orth. condanner, condannable, rencontrée ds Rollin et ds Richelet, qui traduit dans la graph. l'assimilation régressive s'étant produite dans des mots sav. introd. av. le XVIe s., dont l'orth. orig. fut conservée ou restituée sans altérer la prononc. dans laquelle
n'est pas prononcé. (À ce sujet cf. aussi automne). Enq. :/kõdan/ (il) condamne. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 2e moitié Xe s. piez condemnets part. passé adjectivé « blessé » (St Léger, éd. J. Linskill, 166); b) 4e quart XIVe s. « mettre hors de service, rendre inutilisable (ici un pont) » (FROISS., II, II, 176 ds LITTRÉ); en partic. 1678, 20 juill. condamner un vaisseau (Colbert ds JAL1, s.v. Arqué); 2. début XIIe s. « frapper quelqu'un d'une peine judiciaire » (Psautier Oxford, 108, 6 ds T.-L.); a) av. 1577 p. anal. (MONTLUC, Lettres, 9 [IV, 18] ds HUG. : Je suis condemné par les médecins de ne recouvrer d'un an, ne par adventure de ma vie, ma sainté); 1669 « [en parlant d'un écrit] déclarer non conforme à une orthodoxie » (PASC., Pens., XXIV, 66 bis ds DG); av. 1704 « déclarer un malade perdu » (BOSS., Lib. arb., II, Penit. 3 ds LITTRÉ); b) 1578 p. ext. « contraindre quelqu'un à quelque chose de pénible » (RONSARD, Les amours d'Eurymedon et de Callirée, 24 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 17, p. 145); 3. 2e moitié XIVe s. [date ms.] « considérer comme répréhensible, blâmer » (Légende dorée, Maz. 1333, f° 29d ds GDF., s.v. descondamner); 4. 1810 « porter témoignage contre » (CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 1, p. 269 : Les apparences me condamnoient). Empr. au lat. class. condemnare « condamner (à une peine), déclarer (quelqu'un) coupable », « blâmer quelque chose » avec infl. de damnare, damnum pour le vocalisme en -a-(cf. la forme condam(p)nare des gloses, TLL s.v.) et pour le sens 1 de « rendre inutilisable », cf. le b. lat. condemnare terram « rendre une terre inculte, la dévaster » (Loi Salique ds DU CANGE). Fréq. abs. littér. :2 580. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 4 140, b) 2 754; XXe s. : a) 4 084, b) 3 504. Bbg. GOUG. Mots t. 1 1962, p. 236.
condamner [kɔ̃dane] v. tr.
ÉTYM. XVIe, par attr. de damner; condemner, XIIe; p. p. condemneto « blessé », Xe; lat. condemnare, de con- (cum, intensif), et damnare. → Damner.
❖
1 Frapper (qqn) d'une peine, faire subir une punition à (qqn), par un jugement. || Condamner un coupable. || Condamner à tort un innocent. ⇒ Erreur (judiciaire). || Les juges le condamneront sévèrement (→ fam. Sucrer). || Condamner qqn pour crime, pour vol, le condamner par défaut, par contumace. — La loi condamne les faux témoins. || Condamner qqn aux dépens.
1 Celui qui absout le coupable et celui qui condamne le juste sont tous deux en abomination à Yahweh.
Bible (Crampon), Proverbes, XVII, 15.
2 On en vient au partage, on conteste, on chicane.
Le juge sur cent points tour à tour les condamne.
La Fontaine, Fables, IV, 18.
3 C'est de lui que les nations tiennent ce grand principe : Qu'il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent.
Voltaire, Zadig, VI.
4 (…) les juges absolvent les pharisiens qui l'ont crucifié et condamnent la Madeleine qu'il releva de ses mains divines.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, Œ., t. VIII, p. 502.
♦ Condamner (qqn) à (qqch., faire qqch.) : obliger (qqn) en guise de punition à (faire qqch.), à subir (une peine). || Condamner qqn à une peine. || Condamner qqn à payer une amende. || Condamner un coupable à la prison, à la déportation, aux travaux forcés. || Condamner des criminels au supplice, au feu, à la corde, à mort. Fig. || Condamner les pécheurs à l'enfer. ⇒ Damner.
5 L'Évêque et l'Inquisiteur remirent le coupable à la Cour séculière qui, retenant les captures d'enfants et les meurtres, prononça la peine de mort et la confiscation des biens. Prélati, les autres complices, furent en même temps condamnés à être pendus et brûlés vifs.
Huysmans, Là-bas, XVII, p. 247.
6 Les indigents ne furent condamnés formellement ni au feu, ni à l'écartèlement, ni à l'estrapade, ni à l'écorchement, ni au pal, ni même à la guillotine.
Léon Bloy, le Désespéré, V, p. 253.
♦ (Sujet n. de chose). || Ses aveux, des circonstances aggravantes condamnent l'accusé.
♦ Vx. || Condamner qqn en dommages et intérêts. — Condamner qqn de payer.
♦ (Compl. n. de chose). || Condamner un ouvrage, un livre. ⇒ Censurer, interdire.
♦ (1704). || Condamner un malade, le déclarer incurable dans une maladie mortelle. || Il n'y a plus d'espoir, les médecins l'ont condamné. (Surtout au passif et p. p. → ci-dessous, Condamné, 2.).
2 (1578). || Condamner (qqn) à… : obliger (qqn) à (faire une chose pénible). ⇒ Astreindre, contraindre, forcer. || Condamner qqn à une besogne. ⇒ Atteler, vouer; imposer (une besogne à qqn). || Depuis son accident, il est condamné à ne faire aucun effort violent. || L'état de nos finances nous condamne à l'économie. || Condamner qqn au silence (→ 1. Pouvoir, cit. 25), à l'inaction.
7 Trop de choses, hélas ! condamnent mes feux à un éternel silence.
Molière, les Amants magnifiques, I, 1.
8 On ne doit de rimer avoir aucune envie,
Qu'on n'y soit condamné sur peine de la vie.
Molière, le Misanthrope, IV, 1.
9 Il va falloir vous condamner à une réserve inouïe (…)
Léon Bloy, le Désespéré, II, p. 107.
10 C'est la société capitaliste qui a vicié les hommes en les condamnant à la poursuite de la richesse (…)
J. Chardonne, l'Amour du prochain, I, p. 19.
11 Il n'acceptait pas l'idée d'avoir condamné à la solitude et à la déraison une femme engagée si avant dans sa propre vie.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, I, III, 141.
♦ Pron. || Se condamner à faire un travail. || « Un prêtre se condamnait à une réclusion volontaire » (Chateaubriand, in T. L. F.).
3 Interdire, empêcher formellement (qqch.). ⇒ Défendre, prohiber, proscrire. || La loi condamne la bigamie, l'alcoolisme, la vente de certains journaux. || Le médecin condamne ce régime alimentaire. || L'Église condamne cet ouvrage.
12 La Loi condamne ces mariages, sans les proscrire absolument.
Flaubert, Trois Contes, « Hérodias », II.
13 Les prédicateurs du réalisme politique se réclament souvent de l'enseignement de l'Église; ils la traitent d'hypocrite quand elle condamne leurs thèses.
Julien Benda, la Trahison des clercs, III, p. 185.
4 (Concret). Faire en sorte qu'on n'utilise pas (un lieu, un passage). || Condamner une porte, une voie, une pièce… ⇒ Barrer, boucher, fermer, murer. ☑ Condamner sa porte : refuser de recevoir qui que ce soit.
14 J'ai condamné la salle à manger. Nous vivons dans le salon, mais on étend une épaisse couverture sous la toile cirée pour protéger la table de marqueterie (…)
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, III, I, p. 363.
5 (XIVe). Blâmer (qqn, qqch.) avec rigueur. ⇒ Accabler, bannir, censurer, critiquer, désapprouver, désavouer, flétrir, improuver, maudire, prononcer (se prononcer contre), redire (trouver à redire contre…), reprendre, réprimander, réprouver, stigmatiser. || Condamner un sentiment, une attitude, une conduite. || Condamner quelqu'un. || On condamne souvent autrui à la légère. || Condamner une autorité. ⇒ Fronder. || Condamner un usage. || L'Académie condamne ce mot. || Condamner l'énergie nucléaire.
15 (Leur conclusion fut) Qu'on doit se regarder soi-même un fort long temps,
Avant que de songer à condamner les gens (…)
Molière, le Misanthrope, III, 4.
16 (…) Vous ne condamnerez pas la liberté que je prends (…)
Racine, Bérénice. Épilogue.
17 Que peuvent des évêques qui ont anéanti eux-mêmes l'autorité de leur chaire (…) en condamnant ouvertement leurs prédécesseurs.
Bossuet, Oraison funèbre de la Reine d'Angleterre.
18 Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée.
La Rochefoucauld, Maximes, 375.
19 Celui qui écoute s'établit juge de celui qui prêche, pour condamner ou pour applaudir (…)
La Bruyère, les Caractères, XV, 2.
20 (…) elle ne pensait à son trouble de ces derniers jours que pour condamner sa faiblesse, et la renier.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 155.
21 C'est la thèse qui veut que l'homme moral — le clerc — tienne pour valeur suprême la paix et condamne par essence tout usage de la force.
Julien Benda, la Trahison des clercs, p. 34.
——————
condamné, ée p. p. adj. et n.
1 Que la justice a condamné.
22 Un coupable puni est un exemple pour la canaille; un innocent condamné est l'affaire de tous les honnêtes gens.
La Bruyère, le Caractères, XIV, 52.
♦ (1753). N. (rare au fém.). || Un condamné. ⇒ Bagnard, banni, détenu, repris (de justice). || Condamné à mort. || Un condamné à mort s'est échappé, film de R. Bresson (1956). — Spécialt. Condamné à mort. || Les derniers jours d'un condamné, récit de Hugo. || Les condamnés seront emmenés au petit jour. || Traîner un condamné au supplice. || Exécution d'un condamné. || Assister un condamné. || La charrette (cit. 2) des condamnés.
23 En silence ils attendirent, comme attendent les condamnés, la voiture qui devait venir les prendre.
Loti, Matelot, XVII, p. 62.
24 Même chez un condamné, un mort en sursis, il y a un tel appétit de projets, d'espérances !
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 149.
♦ ☑ Loc. La cigarette du condamné, la dernière cigarette offerte avant son exécution; (fig.) faveur qu'on accorde à celui qui va exposer sa vie ou (sens atténué) subir une chose désagréable.
2 Qui n'a aucune chance de guérison, qui va bientôt mourir. || Un malade condamné. || Il se sait condamné. ⇒ Inguérissable, incurable, perdu, et fam., fichu, foutu. — N. (Rare; plutôt métaphore du sens 1). || Un condamné.
25 (…) l'attachement de médecin pour ce condamné, dont il était seul à connaître la sentence, et qu'il fallait mener le plus doucement possible vers sa fin.
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 271.
3 Obligé (à…). || Les gens condamnés à une tâche monotone, à gagner péniblement leur vie. || Condamné à rester au lit, il faisait de nombreuses lectures.
26 Sa vie, à ces forfaits par le ciel condamnée,
N'a pu se dégager de cet astre ennemi,
Ni de son ascendant s'échapper à demi.
Corneille, Œdipe, 1136.
27 (…) il se sentait captif, condamné à la passivité.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 260.
4 Ouverture, endroit condamné, dont on n'a plus l'usage.
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CONTR. Absoudre, acquitter, amnistier, disculper, gracier, innocenter, libérer, réhabiliter, relaxer. — Accepter, applaudir, approuver, décharger, excuser, fermer (les yeux sur), pardonner. — Conseiller, prescrire, recommander.
DÉR. Condamnable, condamnatoire.
COMP. Recondamner.
Encyclopédie Universelle. 2012.