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boue

boue [ bu ] n. f.
boe v. 1170 ; gaul. °bawa « saleté »
1Terre, poussière détrempée dans les rues, les chemins. bourbe, fange, gadoue; fam. bouillasse. Patauger dans la boue. S'enliser dans la boue d'une ornière. Couvert de taches de boue. crotté. La boue des souliers.
Loc. Traîner (qqn) dans la boue, couvrir de boue, l'accabler de propos infamants. ⇒ calomnier, diffamer. Se vautrer dans la boue : se complaire dans un état de déchéance complète. — Fam. Tas de boue : vieux véhicule en mauvais état.
2Terre détrempée. 1. limon, 2. vase. Débarrasser un canal de la boue, le curer, le draguer. Hutte de boue séchée. bauge, pisé.
Géol. Fin dépôt de terre gorgé d'eau, d'écoulement facile. sédiment. Plur. Vases des bassins océaniques. Boues calcaires. Boues siliceuses, boues à radiolaires et diatomées. Boues thermales ( fangothérapie) . Bains de boue.
3Dépôt. La boue d'un encrier. Amas de déchets des eaux polluées. Boues industrielles, d'épuration. Les « boues rouges » de la Méditerranée.
⊗ HOM. Bout.

boue nom féminin (gaulois bawa) Poussière ou terre détrempée formant une couche grasse à la surface du sol : Patauger dans la boue. Dépôt plus ou moins liquide d'une matière quelconque : Boue déposée au fond d'une cuve à vin. Littéraire. État d'abjection, de déchéance ou de profonde misère : Tirer quelqu'un de la boue. Forage Mélange d'eau, d'argile et de certains produits injecté de façon continue lors d'un forage pour évacuer les déblais, lubrifier et refroidir l'outil de forage et maintenir les parois du trou. Géologie Terme général désignant une lutite (\< 64 μm) imprégnée d'eau et susceptible d'écoulement, au cours duquel elle peut causer des dégâts catastrophiques (coulées de boue volcanique ou glaciaire). Hydrologie Sédiment marin profond, homogène, composé de particules fines, terrigènes ou organogènes. Métallurgie Déchets tombant au fond d'un bac de raffinage électrolytique. ● boue (citations) nom féminin (gaulois bawa) Robert Desnos Paris 1900-Terezín, Tchécoslovaquie, 1945 […] de toute boue faire un ciment, un marbre, un ciel, un nuage et une joie et une épave. Fortunes Gallimard François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Il se figurait alors les hommes tels qu'ils sont en effet, des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue. Zadig ou la Destinée Zadig Nathaniel Hawthorne Salem, Massachusetts, 1804-Plymouth, New Hampshire, 1864 La vie est faite de marbre et de boue. Life is made up of marble and mud. The House of the Seven Gables, 2boue (expressions) nom féminin (gaulois bawa) Traîner quelqu'un dans la boue, couvrir quelqu'un de boue, répandre sur lui des infamies. Boues de sucrerie, eaux chargées de terre provenant du lavage des betteraves. Boues activées, flocons bactériens décantables produits par l'autoépuration des eaux résiduaires ; le processus lui-même. Boue résiduaire, partie des eaux usées éliminée au cours d'une décantation ou d'une clarification. Boues activées, boues radioactives ayant des propriétés thérapeutiques. ● boue (homonymes) nom féminin (gaulois bawa) bous forme conjuguée du verbe bouillir bout forme conjuguée du verbe bouillir bout nom masculinboue (synonymes) nom féminin (gaulois bawa) Poussière ou terre détrempée formant une couche grasse à la...
Synonymes :
- bourbe
- crotte (vieux)
- fange
- gadoue (familier)
Traîner quelqu'un dans la boue, couvrir quelqu'un de boue
Synonymes :
- calomnie
- fange
- ignominie
- vilenie

boue
n. f.
d1./d Mélange de terre ou de poussière et d'eau. Syn. fange.
|| Fig. Abjection. Traîner qqn dans la boue, couvrir qqn de boue, l'accabler de propos insultants.
d2./d Limon déposé par les eaux minérales et utilisé en thérapeutique. Bains de boue.
|| GEOL Sédiment très fin, riche en eau, d'origine rocheuse, se déposant sur les fonds aquatiques calmes.
|| TECH (Plur.) Résidus plus ou moins pâteux de diverses opérations industrielles.
d3./d Par ext. Dépôt épais. La boue d'un encrier.

⇒BOUE, subst. fém.
I.— A.— Mélange de terre ou de poussière et d'eau formant une couche plus ou moins épaisse et plus ou moins sale sur le sol. Synon. littér. fange, vx. crotte, fam. gadoue :
1. Le chemin où ces messieurs s'engagèrent était affreux. Il avait plu toute la nuit. Le sol détrempé devenait un fleuve de boue, entre les maisons écroulées, sur cette route tracée en pleines terres molles, où les tombereaux de transport entraient jusqu'aux moyeux.
ZOLA, La Curée, 1872, p. 581.
HISTOIRE :
2. Leur projet était, disait-on, de s'emparer du roi, de tuer la reine de France, la reine de Sicile, le chancelier, le prévôt et beaucoup d'autres; de promener dans un tombereau de boue le duc de Berri et le roi de Sicile, la tête rasée et en méchans habits, et de les faire périr après les avoir livrés aux insultes de la populace.
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 4, 1821-24, p. 97.
FIN. ANC. Boues et lanternes. Taxe qu'on payait pour l'enlèvement des boues et l'éclairage des rues :
3. En qualité de franc-bourgeois, tu n'auras à payer ni boues, ni pauvres, ni lanternes, à quoi sont sujets les bourgeois de Paris.
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 106.
P. méton., p. plaisant. Lieu rempli de boue. Il vit dans les boues des environs (BARBEY D'AUREVILLY, 1er Memorandum, 1838, p. 73).
Expr. fig. (boue est empl. comme terme de compar.). Mettre plus bas que la boue; mépriser comme (plus que) la boue (de ses souliers) :
4. Je m'humilierai de toutes mes forces, je m'abaisserai plus bas que la boue, plus bas que les fourmis et que les vers de terre. Toi seul es haut! Je ne cherche pas à te trouver, mais à t'aimer!
FLAUBERT, La Tentation de St Antoine, 1849, p. 488.
Rem. Dans un cont. de guerre, boue est associé à sang. De la guerre, il avait surtout un souvenir de boue et de sang (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 830).
B.— P. ext. Mélange extrêmement sale de terre, d'eau et d'immondices :
5. Tout l'engrais humain et animal que le monde perd, rendu à la terre au lieu d'être jeté à l'eau, suffirait à nourrir le monde. Ces tas d'ordures du coin des bornes, ces tombereaux de boue cahotés la nuit dans les rues, ces affreux tonneaux de la voirie, ces fétides écoulements de fange souterraine que le pavé vous cache, savez-vous ce que c'est? C'est de la prairie en fleur, c'est de l'herbe verte, ...
HUGO, Les Misérables, t. 2, 1862, p. 506.
P. métaph. Toujours entre ceux que j'ai voulu posséder et moi, s'étendait ce pays fétide, ce marécage, cette boue (MAURIAC, Le Désert de l'amour, 1924, p. 211).
C.— Spécialement
1. Terre délayée utilisée comme matériau :
6. Toutes les maisons sont en boue. Cette boue, prise dans les jardins, délayée, puis coupée par tranches et séchée au soleil, est superposée par assises, à peu près comme de la brique, et mastiquée avec la boue liquide, en guise de mortier.
FROMENTIN, Un Été dans le Sahara, 1857, p. 143.
P. métaph. :
7. Il faut mépriser le public, le violer, le scandaliser, quand en cela, on suit sa sensation et qu'on obéit à sa nature. Le public, c'est de la boue qu'on pétrit et dont on se fait des lecteurs.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1865, p. 125.
Expr. fig. (marque le mépris). [En parlant d'une pers. ou d'une chose] (Fait) de boue et de crachat. Fait de mauvais matériaux, peu solide. Ce misérable mur de boue et de crachat (HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 138).
2. Terre détrempée qui possède certaines propriétés.
a) Terre fertile que déposent certaines eaux. Synon. limon, alluvion. La boue fertilisante des crues du Nil (M. CARON, S. HUTIN, Les Alchimistes, 1959, p. 116). P. méton. [En parlant de l'eau même du Nil] :
8. Le Nil plus bourbeux que jamais. Chocolat clair. La dahabieh et le chaland, qui nous suivent, labourent cette boue grasse et écumeuse. Je n'ai jamais vu d'eau plus riche en fertilité, plus épaisse.
FROMENTIN, Voyage en Égypte, 1869, p. 54.
b) Terre imprégnée d'éléments minéraux et, de ce fait, douée de propriétés médicales. Boue(s) thermale(s); prendre un (des) bain(s) de boue. On attribue chez nous une force curative à la boue de Paris (MICHELET, Journal, 1854, p. 268).
II.— P. anal. Matière dont la consistance rappelle celle de la boue naturelle.
P. métaph. J'ai vu ton pied (...) enserrer dans l'horrible brodequin qui fait des membres d'un être vivant une boue sanglante (HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 379).
Dépôt des encriers. Des encriers plats, remplis à ras bord de boue mordorée (H. BAZIN, Lève-toi et marche, 1952, p. 31).
TECHN. (souvent au plur.). Dépôts de produits industriels ayant subi des traitements particuliers. Les boues de brassage du malt (E. BOULLANGER, Malterie, brasserie, 1934, p. 307). Boues de raffinage des huiles de graissage (J.-J. CHARTROU, Pétroles naturel et artificiels, 1931, p. 101). Boues radio-actives. Résidus issus de centrales atomiques :
9. Les eaux employées à l'alimentation des chaudières de locomotives ne sont jamais pures, quel que soit le soin apporté à leur choix. Elles donnent naissance dans la chaudière à des boues et des dépôts tartreux qui, en s'accumulant sur les tubes et sur les parois du foyer, nuisent à la transmission de la chaleur et peuvent même donner lieu à des coups de feu lorsque la couche en est trop épaisse.
M. BAILLEUL, Notions de matériel roulant des ch. de fer, 1951, p. 49.
III.— Au fig. Chose vile et méprisable.
A.— [D'un point de vue relig.] Ce qui est matériel, terrestre, opposé à l'immatériel, le divin.
1. [En parlant de la terre] (Cf. LAMARTINE, Jocelyn, 1836, p. 773).
2. [En parlant de l'homme, création de Dieu] :
10. « Ce corps, en effet, Chrétiens, reprend Bossuet, n'est qu'une masse de boue... » Et voilà comment ces hommes terribles parlent de ce que Dieu a fait de plus beau. De la pourriture, une masse de boue. Michel-Ange pensait autrement. J'aime mieux Bossuet quand il nous dit que nous sommes les portraits de Dieu.
GREEN, Journal, 1950-54, p. 272.
Spéc. [D'un point de vue intellectuel] Ce qui est matériel, opposé à ce qui est spirituel :
11. C'est au nom de la majesté de l'intelligence que je relève l'excitation de l'ivresse. On l'a tenue trop bas jusqu'ici, mais tout ce qui eut un esprit dans son corps de boue, un estro, éprouva le besoin de cette secousse produite par les breuvages, plus profonde, plus dominatrice que celle produite par les parfums.
BARBEY D'AUREVILLY, 2e Memorandum, 1838, p. 244.
B.— [D'un point de vue moral]
1. [Désigne des actions viles et méprisables, des propos calomnieux] :
12. ... ce qui affolait Beauclair, c'était une violente campagne que menait le journal local... L'attaque d'ailleurs, se réduisait à un bombardement d'erreurs et de mensonges, toute la boue inepte qu'on jette au socialisme, en caricaturant ses intentions et en souillant son idéal.
ZOLA, Travail, t. 1, 1901, p. 259.
2. [Désigne un état — objectif ou subjectif — de grande déchéance, de grande bassesse] L'ambitieux se rêve au faîte du pouvoir tout en s'aplatissant dans la boue du servilisme (BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, p. 6) :
13. Il fallait lui [la France] boucher les oreilles pour que l'insistance, l'inlassable voix du général de Gaulle ne l'arrachât pas à cette boue dans laquelle Vichy la maintenait agenouillée et prostrée.
MAURIAC, Le Cahier noir, 1943, p. 373.
Spéc. [D'un point de vue moral et relig.] Synon. péché(s), tare(s) :
14. Quand il eut confessé le dernier homme et fermé l'église, il éprouva le besoin, dans le crépuscule tiède où criaient des enfants, de marcher un peu. Il était content de lui. Il avait nettoyé l'île. Il avait débarrassé les uns et les autres de leurs saletés, de leurs boues, de leurs vases. Le calme de l'heure était à l'image de ces âmes rassérénées, à nouveau transparentes.
QUEFFÉLEC, Un Recteur de l'île de Sein, 1944, p. 191.
3. Expressions
a) nom. De (la) boue et de/du sang (cf. ZOLA, L'Argent, 1891, p. 51).
b) verbales. (Se) traîner (rouler, plonger, vautrer...) dans la boue. Synon. salir (au fig.), ravaler :
15. L'homme par la honte duquel on entreprit de salir tout le sénat et de le traîner dans la boue, portait l'ignoble nom de Verrès.
MICHELET, Hist. romaine, t. 2, 1831, p. 208.
[P. ell. du part. passé du verbe] Il voyait son nom dans la boue, déshonoré (MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 1, Ce cochon de Morin, 1882, p. 847).
4. [Désigne une chose abstr. ou conçue abstraitement, explicite ou implicite] :
16. La nation est de la boue. Laissons cette boue reposer, que l'eau soit plus claire.
CONSTANT, Journaux intimes, 1816, p. 401.
Goûter jusqu'à la boue les désagréments de l'adultère (cf. ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, p. 110); p. réf. à l'expr. métaph. boire le calice jusqu'à la lie.
[En parlant d'un homme, de son comportement, de ses paroles...] ,,C'est une âme de boue, c'est une âme basse et vile`` (Ac. 1835-1932). Mille propos de miel ou de boue m'accueillaient au passage (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 1, 1834, p. 123) :
17. Et l'auguste Assemblée (...), qu'est-elle qu'un assemblage hideux d'hommes de boue, de prélats hypocrites et impudiques, de courtisans menteurs, ...
MARAT, Les Pamphets, L'Affreux Réveil, 1790, p. 244.
5. [Désigne une pers.] Ce mot (...) sur M. de Talleyrand :« C'est de la boue dans un bas de soie » (CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 382).
C.— [D'un point de vue soc. : désigne un état de profonde misère, le dernier rang dans l'ordre soc.] :
18. Certes, aller chercher dans les bas-fonds de l'ordre social, là où la terre finit et où la boue commence, (...), ce vocabulaire pustuleux (...), ce n'est ni une tâche attrayante ni une tâche aisée.
HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 188.
Expr. Tirer qqn de la boue. ,,Le tirer d'un état bas et abject`` (Ac. 1835-1932).
PRONONC. — 1. Forme phon. :[bu]. Pour FÉR. 1768 ,,ce mot est de deux syllabes, mais on fait si peu sentir l'e final, qu'on n'en entend qu'une``. Cf. aussi GATTEL 1841 : ,,L'e final très muet``. LITTRÉ indique également [] muet. À ce sujet cf. LAB. 1881, p. 19 : ,,Nous avons déjà vu que Littré fait disparaître la prononciation de l'e muet, précédé d'une voyelle, dans plusieurs mots, tels que : raie, taie, voie, soie, dévouement. Par une contradiction qui saute aux yeux, il la laisse subsister dans d'autres mots, tels que : abbaye, vie, marée, boue, etc. C'est une erreur évidente, contre laquelle proteste l'usage général, de concert avec la logique et le bon goût``. Pour la prononc. de [] cf. J. VARNEY PLEASANTS, Études sur l'E muet : timbre, durée, intensité, hauteur musicale, Paris, Klincksieck, 1956. Sur cette étude, cf. aussi l'art. de G. Straka dans Rom. R., vol. XLIX, n° 1, February 1958, pp. 52 à 55. 2. Homon. : bout (extrémité), (je, tu) bous et (il) bout (du verbe bouillir). Enq. :/bu/.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Ca 1170 boe « terre, poussière détrempée dans les rues, les chemins » (Li quatre Livre des Reis, éd. E.R. Curtius, pp. 103-104); fin XIIe s. boue (Girbert de Metz, p. 453 dans GDF. Compl.); ca 1275 fig. (ADENET, Berte, éd. A. Henry, 858); 2. 1539 « terre détrempée, limon » (EST.) d'où 1690 (FUR. : On dit proverbialement, qu'une maison n'est que de bouë & de crachat, pour dire, qu'elle n'est pas bâtie solidement); d'où 1835 (Ac. : Boues, au pluriel, se dit d'Une sorte de limon qui se trouve près de certaines eaux minérales, et qui est imprégné des matières que ces eaux charrient avec elles); 3. p. anal. id. (Ibid. : Boue se dit quelquefois Du dépôt d'encre épaisse, qui se forme au fond de l'écritoire).
Du gaul. bawa, que l'on peut déduire du gall. baw « saleté » (v. DOTTIN, p. 232), avec [w] qui, ayant gardé sa valeur de semi-voyelle bilabiale (prob. à cause de la coupe syllabique bau-a) s'est combiné avec le a pour donner o puis ou devant voyelle (DAUZAT Ling. fr., p. 225).
STAT. — Fréq. abs. littér. :2 336. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2 093, b) 3 723; XXe s. : a) 4 799, b) 3 267.
BBG. — BARB. Misc. 25. 1944-52, pp. 41-42. — DAUZAT Ling. fr. 1946, p. 225. — DAUZAT (A.). Notes étymol. Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 311-313. — ROG. 1965, p. 60. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 128, 279; t. 3 1972 [1930], p. 26, 254. — Termes techn. fr. Essai d'orientation de la terminol. établi par le Comité d'ét. des termes techn. fr. Paris, 1972, p. 128.

boue [bu] n. f.
ÉTYM. V. 1170, boe; gaul. bawa « saleté », cf. gallois baw.
———
I (Concret).
1 Mélange de terre, de poussière, de déchets et d'eau, qui se forme dans les rues, les chemins. Bouillasse (fam.), bourbe, braye (vx), crotte (vx), fange, gâchis, gadoue, gadouille, margouillis. || Patauger, barboter dans la boue. || Poser des caillebotis pour éviter de marcher dans la boue. || Glisser, tomber dans la boue. || Se salir, se souiller, se couvrir de boue. || Être éclaboussé par la boue. Éclaboussure. || S'enliser dans la boue d'une ornière. || Tache de boue. || Une couche, une pellicule (cit. 3) de boue. || Être souillé, éclaboussé de boue. Crotté. || Enlever, nettoyer la boue. Décrotter, décrottoir, paillasson.
1 D'un carrosse en tournant il accroche une roue,
Et du choc le renverse en un grand tas de boue (…)
Boileau, Satires, VI.
2 Le comédien, couché dans son carrosse, jette de la boue au visage de Corneille, qui est à pied.
La Bruyère, les Caractères, XII, 17.
2.1 Loin ! loin ! ici la boue est faite de nos pleurs !
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », LXII.
3 Ils sont là six matelots armés, en reconnaissance au milieu des fraîches rizières, dans un sentier de boue (…)
Loti, Pêcheur d'Islande, III, I, p. 135.
3.1 J'aime mieux marcher dans la boue qu'au milieu de l'indifférence, et mieux rentrer crotté que gros-jean comme devant; comme si je n'existais pas pour les terrains que je foule… J'adore qu'elle retarde mon pas, lui sais gré des détours à quoi elle m'oblige.
Francis Ponge, Pièces, « Ode inachevée à la boue », p. 60.
Fig. || Ne pas faire plus de cas de qqch. que de la boue de ses souliers : ne pas s'en soucier, la mépriser.
Fam. || Un (petit) tas de boue : une chose informe.
2 (1539). Terre détrempée. Tourbe, vase. || La boue fertilisante d'un cours d'eau. Alluvion, limon. || La boue du Nil. || La boue d'une fondrière, d'un marécage, d'un marais, d'un étang. || Boue retirée d'un fossé. Curure. || Débarrasser un canal de la boue ( Draguer; curer). || Hutte de boue et de paille. Mortier (de terre), pisé. || Animal, sanglier, buffle qui se vautre dans la boue. || La boue d'une bauge.
Loc. fig. Vx. Une maison faite de boue et de crachat, peu solide.
4 C'est bâtir sur la boue que d'appuyer les fondements de sa fortune sur l'affection passagère d'une vile populace (…)
Vertot, Hist. des révolutions de la république romaine, XIV, p. 303.
Boue minérale : limon imprégné d'éléments minéraux.Méd. (1835). Mod. || Bains de boue.Vx. || Boues thermales. || Prendre les boues, des bains de boue. Illuter.Au plur. Géol. || Boues terrigènes, pélagiques : vases argileuses qui se déposent au fond des mers.
Poét. || Ce tas, cet amas de boue, le globe terrestre.
5 Car la terre n'est qu'une goutte de boue dans l'espace, et le soleil une bulle de gaz bientôt consumée.
France, le Mannequin d'osier, XI.
3 Résidu dont la consistance rappelle celle de la boue. Boueux. || Il ne reste que de la boue dans cet encrier.Méd. || Boue urinaire. || La boue d'un abcès, un pus épais.
Au plur. a Vx. Détritus, ordures. || Ramassage des boues ( Boueur, éboueur). || Boues et lanternes : taxe qui était imposée pour l'enlèvement des ordures et l'éclairage des rues.
b Mod. Techn. Amas de déchets des eaux polluées. || Boues industrielles (de brassage du malt, d'épuration, de raffinage…). || Boues radio-actives : résidus des centrales atomiques. || Les « boues rouges » de la Méditerranée, déchets de bioxyde de titane.
———
II (Abstrait). Littér. ou vx.
1 Par compar., métaphore ou fig. (avec l'idée de chose méprisable).
Par compar. || Traiter, mépriser (qqn, qqch.) comme de la boue.
6 Ils (les traitants) sont méprisés comme de la boue, pendant qu'ils sont pauvres; quand ils sont riches, on les estime assez (…)
Montesquieu, Lettres persanes, p. 99.
Par métaphore ou fig. Chose ou personne qu'on méprise.
6.1 C'est de la boue ! dit-on des gens qu'on abomine, ou d'injures basses ou intéressées. Sans souci de la honte qu'on lui (la boue) inflige, du tort à jamais qu'on lui fait. Cette constante humiliation, qui la mériterait ? (…) De mon écrit, boue au sens propre, jaillis à la face de tes détracteurs.
Francis Ponge, Pièces, « Ode inachevée à la boue », p. 61.
Relig. Substance du corps humain, assimilée au limon, à la terre originelle.
7 Tout s'étudie, tout s'empresse à leur persuader (aux grands) qu'ils sont pétris d'une autre boue que les autres hommes (…)
Massillon, Carême, Prospérité temporelle.
8 Les « cœurs sur la main » n'ont pas d'histoire; mais je connais celle des cœurs enfouis et tout mêlés à un corps de boue.
F. Mauriac, Thérèse Desqueyroux, p. 8.
8.1 Certain livre, qui a fait son temps, et qui a fait, en son temps, tout le bien et tout le mal qu'il pouvait faire (on l'a tenu longtemps pour parole sacrée) prétend que l'homme a été fait de la boue. Mais c'est une évidente imposture, dommageable à la boue comme à l'homme.
Francis Ponge, Pièces, « Ode inachevée à la boue », p. 63.
2 Spécialt (dans quelques loc.). Littér. État misérable, extrême pauvreté. Misère. || Tirer qqn de la boue. Fange, ruisseau.
3 Bassesse (de l'âme). Abjection, ordure. || Une âme (cit. 72) de boue. || Se vautrer dans la boue (→ Bauge, cit. 3).
9 La Feuillade (…) un cœur corrompu à fond, une âme de boue (…)
Saint-Simon, Mémoires, III, 196.
10 Aujourd'hui, ce qui salit le poète et le philosophe, ce n'est pas la pauvreté, c'est la vénalité, ce n'est pas la crotte, c'est la boue.
Hugo, Littérature et Philosophie mêlées, p. 31.
4 Loc. métaphorique. Cour. Couvrir qqn de boue; traîner qqn dans la boue, l'accabler de propos infamants. Calomnier. || « Couverts de boue, assiégés, les Trade Unions jettent maintenant tout leur poids dans la bataille électorale » (le Nouvel Obs., avr. 1979).
11 On avait commencé à la traîner dans la boue.
Fénelon, Télémaque, VIII.
11.1 En somme, tous ceux que vous avez abîmés sont devenus vos meilleurs amis, et c'est une honte que des littérateurs que vous avez traînés dans la boue vous tendent ensuite la main, comme s'ils voulaient s'essuyer.
J. Renard, Journal, 17 nov. 1896.
12 On n'est jamais si seul dans la vie, que la boue que certains nous jettent n'éclabousse à la fois quelques autres qui nous sont chers.
Gide, Corydon, p. 23.
DÉR. Boueur, boueux. V. Bouillasse.
COMP. Ébouer, embouer, garde-boue, pare-boue.
HOM. Bout; formes du v. bouillir.

Encyclopédie Universelle. 2012.