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fange

fange [ fɑ̃ʒ ] n. f.
XIIe; mot germ. °fanga d'orig. got. (fani);cf. corse fangu, fanga
1Littér. Boue presque liquide et souillée. Cochon qui barbote dans la fange. bauge. « Un horrible mélange, D'os et de chairs meurtris et traînés dans la fange » (Racine). « À vous voir ainsi, ma belle délicate, les pieds dans la fange et les yeux tournés vaporeusement vers le ciel » (Baudelaire).
2Fig. et littér. Ce qui souille moralement. abjection, ignominie. Couvrir qqn de fange. « Plongé, traîné par vous dans la fange de l'opprobre et de la diffamation » (Rousseau).

fange nom féminin (germanique fanga, boue, du gotique fani, limon) Littéraire Boue presque liquide ; vase, bourbier. Ce qui souille moralement, socialement : Vivre dans la fange.

fange ou (France rég.) fangue
n. f.
d1./d Boue, bourbe sale.
d2./d Fig. Ce qui salit, souille, avilit. Son nom fut traîné dans la fange.

⇒FANGE, subst. fém.
A.— Boue épaisse. Fange d'un marais. Le sol, nouvellement labouré, était si trempé, qu'hommes et chevaux ne pouvaient se tirer de la fange (BARANTE, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 75). La pluie, ruisselant par torrents, change en une fange abominable la neige qui recouvre la terre (MUSSET ds Le Temps, 1831, p. 43) :
1. On arrive à un marigot d'eaux quasi bourbeuses (...); aussi, posant un pied sur un soliveau, je prends un fort élan; mon pied glisse et je m'étale tout de mon long dans le bourbier. J'en sors couvert d'une fange infecte, et cherche à me changer aussitôt...
GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 793.
B.— Au fig., littér. État de déchéance, souillure morale. Croupir, se traîner, se vautrer dans la fange. D'autres cyniques étonnèrent la vertu, Voltaire étonne le vice. Il se plonge dans la fange (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 276). Une nation est illustre; elle goûte à l'idéal, puis elle mord dans la fange, et elle trouve cela bon (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 489) :
2. ... moi dont la vie est condamnée désormais à l'opprobre; moi dont on dit, dont on dira : « C'était une fille perdue qui n'a pas su se réhabiliter, et qui devait tôt ou tard retourner à la fange d'où l'amour d'un grand cœur l'avait retirée. »
PONSON DU TERR., Rocambole, t. 5, 1859, p. 77.
Spécialement
1. Condition sociale inférieure. Naître dans la fange, sortir de la fange, tirer qqn de la fange. C'est un préjugé de croire qu'un honnête homme ne pouvait pas épouser une honnête fille, fût-elle née dans la fange (SAND, M. Sylvestre, 1866, p. 155).
2. Propos insultants et grossiers :
3. — Ça pue pourtant assez!
— Eh! fit l'autre qui le prit de haut, c'est toi qui pues! T'as l'blair bien délicat, ce matin! Pour sûr que j'aime mieux être ici q'dans tes chaussures!
Il y eut querelle, ces dames échangèrent de la fange.
COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 2e part., p. 173.
Loc. Couvrir qqn de fange, rouler, traîner qqn dans la fange. Insulter quelqu'un grossièrement. Je continue à être roulé dans la fange. La Gironde m'appelle Prud'homme. Cela me paraît neuf! (FLAUB., Corresp., 1869, p. 99).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. Subst. masc. [fin XIe s. fanc « boue presque liquide et souillée » (RASCHI, Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t. 1)]; 1re moitié du XIIe s. (Psautier d'Oxford, 68, 18 ds T.-L.). B. Subst. fém. ca 1170 fange « boue épaisse » (BÉROUL, Tristan, éd. E. Muret, 3797). Issu d'une forme germ. fanga, dér. avec suff. -ga, soit de l'a. b. frq. fani, soit du got. fani (v. fagne); cf. l'a. gasc. fanha « boue » (DAG fasc. 2/3, pp. 220-221) issu du plur. neutre fanja, du got. fani (cf. FEW t. 15, 2, p. 111a). Fréq. abs. littér. :562. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 081, b) 1 484; XXe s. : a) 812, b) 182. Bbg. BRÜCH. 1913, p. 69. — SAIN. Sources t. 2 1972 [1925], p. 118. — WALT. 1885, p. 66.

fange [fɑ̃ʒ] n. f.
ÉTYM. V. 1160; fanc, fin XIe; mot germanique fanga, d'orig. gothique (fani + suff.). Cf. les formes gasconnes du corse fangu, fanga, le provençal fanga, l'ital. fango.
1 Littér. Boue presque liquide et souillée. || Marcher, s'éclabousser dans la fange. Crotte. || Les abords de cette ferme sont pleins de fange en toute saison. Immondices. || Cochon qui barbote, qui se vautre dans sa fange. Bauge. || La fange du ruisseau. Limon, vase (→ Berge, cit. 1). || Débris traînés dans la fange (→ Chair, cit. 5).
1 (…) mais toujours il (le fleuve de Seine) attraîne (entraîne)
Avec soi de la fange, et ses plis recourbés,
Sans être jamais nets, sont toujours embourbés.
Ronsard, Second Livre des poèmes, « Disc. à J. Morel ».
2 Quelquefois, l'égout de Paris se mêlait de déborder… (En 1802) La fange se répandit en croix place des Victoires (…) elle entra rue Saint-Honoré (…) elle couvrit le caniveau de la rue des Champs-Élysées jusqu'à une hauteur de trente-cinq centimètres (…) Elle atteignit son maximum de profondeur rue Saint-Pierre (…) et son maximum d'étendue rue Saint-Sabin, où elle s'étala sur une longueur de deux cent trente-huit mètres.
Hugo, les Misérables, V, II, III.
3 Parfois son pied glissait : la fange limoneuse sautait jusqu'à sa face et l'aveuglait.
Bernanos, Sous le soleil de Satan, p. 183.
3.1 Je veux une chemise blanche.
Pour me promener dans la fange.
E. L. T. Mesens, Poèmes, p. 30.
Par métaphore. || Égout vomissant sa fange (→ Chemise, cit. 6).
4 Maintenant, à nous deux, chère précieuse ! (…) À vous voir ainsi, ma belle délicate, les pieds dans la fange et les yeux tournés vaporeusement vers le ciel, comme pour lui demander un roi, on dirait vraisemblablement une jeune grenouille qui invoquerait l'idéal.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XI.
2 Fig. et littér. Ce qui souille moralement, comme fait la fange. || On dirait qu'il aime se rouler, se traîner dans la fange (→ Barboter, cit. 4). || « Enfoncés dans la fange de notre antique barbarie » (cit. 4). || Tomber, sombrer dans la fange, dans la débauche. Abjection.(1772). || Couvrir qqn de fange. Ignominie. || Il l'a insulté, l'a couvert de fange.
5 Plongé, traîné par vous dans la fange de l'opprobre et de la diffamation, je me vois chargé d'indignités inouïes.
Rousseau, in Lafaye, p. 735.
6 Je roulais dans la fange sociale au-dessous de la grisette, de la fille mal élevée, côte à côte avec les courtisanes, les actrices, les créatures sans éducation.
Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, Pl., t. I, p. 316.
7 La politique est l'art de faire avec la fange,
Le fiel, l'abaissement qu'en modestie on change,
La bassesse des grands, l'insolence des nains (…)
Un breuvage que puisse avaler l'honnête homme.
Hugo, l'Année terrible, juil., I.
8 Il (Napoléon) détestait chez Talleyrand l'immoralité flagrante et l'improbité sans limite. « De la fange dans un bas de soie », disait-il.
Louis Madelin, Talleyrand (→ aussi 2. Bas, cit. 5, Chateaubriand).
REM. La version non édulcorée est : « de la merde… ».
3 (1500). Vx. Condition inférieure; état de déchéance. || Être né dans la fange.
DÉR. Fangeux.
COMP. Fangothérapie.

Encyclopédie Universelle. 2012.