mortier [ mɔrtje ] n. m.
• 1190; lat. mortarium
I ♦
1 ♦ Récipient en matière dure et résistante, servant à broyer certaines substances. Le mortier et le pilon. « le pharmacien pilait des poudres au fond d'un mortier de marbre » (Maupassant). Mortier de cuisine (pour l'ail, les épices).
2 ♦ (XVe) Anciennt Bouche à feu servant à lancer des boulets. ⇒ bombarde.
♢ Mod. Pièce à tir courbe, spécialt Pièce portative utilisée par l'infanterie. ⇒ crapouillot, obusier. Tir au mortier.
3 ♦ Toque ronde que portaient les présidents, le greffier en chef du parlement et le chancelier de France. Président à mortier. — Mod. Bonnet porté par certains magistrats.
II ♦ (XIIe) Mélange de chaux éteinte (ou de ciment) et de sable délayé dans l'eau et utilisé en construction comme liant ou comme enduit. ⇒ gâchis, rusticage. Mortier hydraulique. Mortier maigre, gras. Crépi de mortier.
● mortier nom masculin (latin mortarium) Récipient à fond demi-sphérique où l'on broie et où l'on malaxe, avec un pilon, certains aliments, certaines substances pharmaceutiques. Bouche à feu, généralement à âme lisse, à tube court par rapport à son calibre, dont les projectiles, par leur trajectoire parabolique (angle de tir allant de 45 à 90°), peuvent atteindre des objectifs masqués ou enterrés. Tube pour le lancement de bombes (d'artifices) et d'engins analogues, que l'on enfonce dans le sol. Mélange constitué le plus souvent de ciment ou de chaux, de sable, d'adjuvants éventuels et d'eau de gâchage. (On distingue les mortiers gras, contenant beaucoup de liant, par opposition aux mortiers maigres, et les mortiers bâtards, qui renferment un mélange de ciment et de chaux. Ils sont utilisés comme enduit isolant ou réfractaire.) Coiffure de certains magistrats. ● mortier (expressions) nom masculin (latin mortarium) Mortier A.S.M., système d'arme d'autodéfense anti-sous-marine à courte portée, utilisant comme projectiles des obus de fort calibre. Mortier de tranchée, nom donné pendant la Première Guerre mondiale à des mortiers de gros calibres et de faible portée.
mortier
n. m.
rI./r Mélange de ciment ou de chaux, de sable et d'eau, utilisé en construction comme matériau de liaison.
rII./r
d1./d Récipient aux parois épaisses utilisé pour broyer, au moyen d'un pilon, certaines substances, notam. des graines pour l'alimentation.
d2./d Pièce d'artillerie à canon court et à tir courbe, pour les objectifs rapprochés et masqués. Mortier d'infanterie, portatif.
d3./d Toque portée par certains magistrats.
⇒MORTIER, subst. masc.
I. A. — Récipient en matière résistante, à parois épaisses, utilisé pour piler ou malaxer certaines substances. Des préparations pharmaceutiques que l'on obtient en pilant dans un mortier de marbre, avec un pilon de bois, des substances végétales fraîches (...) réduites en pulpe très-fine, à laquelle on ajoute du sucre pulvérisé (KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p.214). Le garde pilait religieusement les gousses d'ail dans un mortier en y laissant tomber l'huile d'olive goutte à goutte (A. DAUDET, Contes lundi, 1873, p.276).
— Expr. et proverbes
♦Vieilli. Piler de l'eau dans un mortier. Faire quelque chose d'inutile, agir inefficacement. [L'arquebusier] tambourinait du poing sur la devanture: mais cela ne produisit pas plus d'effet que s'il eût pilé de l'eau dans un mortier (NERVAL, Nouv. et fantais., 1855, p.209).
♦Vx. Le mortier sent toujours l'ail. On garde toujours quelque chose de son éducation première, des milieux que l'on a fréquentés. N'épousez jamais veuve ou fille de tavernier [suivant la recommandation d'un moraliste du temps]: «Le mortier sent toujours l'ail qu'on y a broyé.» (FARAL, Vie temps St Louis, 1942, p.77).
B. — P. anal. (de forme)
1. Vx. Mortier (de veille, de nuit). Petit vase de métal rempli d'eau et muni d'un morceau de cire faisant veilleuse. Les mortiers avaient surtout pour mission d'éclairer durant la nuit, les chambres des princes et des princesses (HAVARD 1889).
2. Coiffure en forme de toque ou de bonnet à haute calotte. Voyons ton histoire, mon ami! dit le marquis en mettant son mortier de dentelle sur son crâne chauve (SAND, Beaux MM.Bois-Doré, t. 2, 1857, p.247). Les bonzes accomplissent les rites. Ils ont une robe grise, (...) des houseaux de toile blanche, et quelques-uns une sorte de mortier sur la tête (CLAUDEL, Connaiss. Est, 1907, p.29).
— En partic. Coiffure portée autrefois par le chancelier de France et les présidents des parlements, et de nos jours, par les magistrats de la Cour des comptes et de la Cour de cassation. Le mortier de premier président était bordé de deux galons d'or, l'un en haut, l'autre en bas. Le chancelier de France avait un mortier qui était d'étoffe d'or avec un bord d'hermine (Ac. 1835, 1878). Bourgeois en chaperon, présidents à mortier, juges en toque, docteurs avec leurs hermines se pressent (RENAN, Drames philos., Eau jouvence, 1881, III, 3, p.484).
♦P. méton. Charge de président de parlement; le président lui-même. J'ai vu des hommes trahir leur conscience pour complaire à un homme qui a un mortier ou une simarre: étonnez-vous ensuite de ceux qui l'échangent pour le mortier, ou pour la simarre (CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p.38). Madame Saint-James avait pour ambition de ne recevoir chez elle que des gens de qualité, vieux ridicule toujours nouveau. Pour elle, les mortiers du parlement étaient déjà fort peu de chose (BALZAC, Deux rêves, 1830, p.346). V. aussi fourrure A 2 a ex. de Sandeau.
3. ARM. Pièce d'artillerie à tube court, à fort calibre, destinée à envoyer des bombes, des grenades, des obus. Tir au mortier; obus de mortier. Nous escortions trois compagnies d'artillerie autrichienne avec des pièces de gros calibre et une batterie de trois mortiers (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p.412):
• ♦ Roule, fusillade, jour et nuit! feu de vos pièces toutes à la fois! tonnez, canons allemands! Que le coup du mortier de quatre cent vingt vers le ciel dans une montagne noire de fumée se décharge comme un volcan!
CLAUDEL, Poèmes guerre, 1916, p.528.
— Mod. Arme lourde à tir courbe et à âme lisse utilisée en particulier par l'infanterie (v. crapouillot). J'envisageai alors (...) de demander l'autorisation de passer à l'industrie privée une commande de «mortiers de tranchées», qui pourraient être mis rapidement en service dans les unités du génie. Mais (...) rien ne fut fait pour doter notre armée de «lance-mines», dont elle se trouva entièrement dépourvue au début des opérations (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p.73). Quant à la puissance de son armement moderne [d'un groupement], elle peut se mesurer au total des canons antichars (...), des mortiers d'infanterie (66 mortiers de 60, 40 mortiers de 80), des chars (71 chars) (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.622).
II. — Mélange fait de certaines matières (chaux éteinte ou ciment, sable délayé dans l'eau) et utilisé pour lier les matériaux de construction, faire des revêtements, des enduits, fabriquer le béton. [Une maison] avait dû être construite en moellons et en terre; plus tard, on en refit deux murs au mortier (ZOLA, Terre, 1887, p.120). La proportion de liant qu'on ajoute à un mètre cube de sable constitue le dosage du mortier; suivant la quantité d'eau ajoutée au mélange, on obtient des mortiers secs ou des mortiers plastiques (BOURDE, Trav. publ., 1928, p.171). V. aussi chaux ex. 2.
SYNT. Gâcher le mortier; mortier de chaux, de ciment, d'argile, de terre, de goudron; mortiers ordinaires; mortiers hydrauliques; mortiers bâtards; mortier gras; mortier maigre.
♦P. métaph. Dans cette espèce de cuve qu'est notre mémoire, l'imagination est, pour l'auteur d'un roman, le principe qui solidifie, qui fait le mortier (LACRETELLE, Am. nupt., 1929, p.57). En politique, l'amitié n'est rien d'autre que le mortier qui lie les intérêts (MAURIAC, Bloc-Notes, 1961, p.249).
— P. anal. Préparation culinaire (soupe, purée), d'une consistance trop épaisse. Espèce de pâte pétrie avec des pommes de terre, un mortier jaune, sans beurre, que ma mère m'a présenté comme un plat de luxe (VALLÈS, J. Vingtras, Enf., 1879, p.132).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Ca 1160 «agglomérat reliant les pierres d'une construction» (Eneas, 7343 ds T.-L.); 1668 p. anal. «matière pâteuse et épaisse» (LA FONTAINE, Fables, VI, 18: Ôte d'autour de chaque roue ce malheureux mortier). B. Ca 1170 «récipient dans lequel on brasse certaines matières» (Rois, III, VII, 50, éd. E. R. Curtius, p.128); p. anal. 1. XIIIe s. «vase rempli d'huile ou de cire, d'où émerge une veilleuse» (Du chevalier qui fist sa fame confesse [ms. BN fr. 837] ds MONTAIGLON et RAYNAUD, Rec. gén. des fabliaux, t. 1, p.182, 120); 2. 1461 «sorte de toque portée par certains dignitaires» (VILLON, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 692); 1595, 7 juin président de mortier (Arch. de la Haute-Garonne, Parlement de Toulouse, B 1909, fol. 174 v°); 1694 [éd.] par réduction mortier «président à mortier» (LA BRUYÈRE, Caractères, De la ville, 14, éd. J. Benda, p.231); 3. ca 1450 «canon court de fort calibre» (Mistère du Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 42227); 1470 mortier à feu, faire tirer le mortier (ap. GARNIER, L'Artillerie de la comm. de Dijon, p.24 ds GAY). Du lat. mortarium «vase à piler, mortier; auge à mortier; drogue, potion; mortier, ciment» à l'époque class.; à l'époque médiév. «mortier, coiffe de tissu garnissant le heaume» (1191), «lampe, luminaire [d'une église]» (ca 1175 ds Nov. gloss. s.v.). Fréq. abs. littér.:238. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 323, b) 246; XXe s.: a) 296, b) 425.
mortier [mɔʀtje] n. m.
ÉTYM. V. 1170; du lat. mortarium « usage de maçon, récipient » (sens I); « matière qui la remplit » (sens II).
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1 Récipient en matière dure et résistante, à cavité hémisphérique, servant à broyer certaines substances. || Piler des drogues, des couleurs dans un mortier (→ Botanique, cit. 3; colorant, cit. 1). || Mortier de cuisine (pour l'ail, les épices). || Réduire une substance en pâte, en poudre, dans un mortier. || Mortier de pierre, de marbre, de bronze, de fonte… utilisé en pharmacie.
1 (…) le pharmacien, qui pilait des poudres au fond d'un mortier de marbre (…)
Maupassant, Pierre et Jean, IX.
➪ tableau Noms de récipients.
➪ tableau Vocabulaire de la chimie.
2 (V. 1460). Par anal. (de forme). Anc. Coiffure ronde, toque que portaient les présidents, le greffier en chef du parlement (mortier de velours noir à galons d'or) et le chancelier de France (mortier de toile d'or fourré d'hermine). || Président à mortier. — Mod. Bonnet porté par certains magistrats.
2 (…) le noble sire se couvrit les oreilles d'un mortier (…)
Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, « Messe de minuit ».
♦ (Fin XVIIe). Par ext. Président à mortier (→ Fourrure, cit. 5). — Charge de président à mortier.
3 Les trois ou quatre mortiers des présidences de chambre suffisaient aux ambitions dans chaque parlement.
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 1018.
♦ Archéol. Coiffe de protection qui se portait sous le casque (au XVIe siècle).
3 (XVe). a Anciennt. Bouche à feu servant à lancer des boulets. ⇒ Bombarde, canon (→ Bouche, cit. 25). || Le mot mortier désigna d'abord des lance-bombes à tir courbe, puis les canons courts.
b Mod. Pièce à tir courbe (⇒ Obusier), et, spécialt, pièce portative utilisée par l'infanterie. || Mortier de 60, de 81 mm. || Tube-canon, plaque de base, affût bipied d'un mortier. || Tir au mortier. || Obus de mortier.
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II
1 (XIIe). Mélange de chaux éteinte (ou de ciment) et d'une matière inerte (généralement du sable) que l'on délaye dans l'eau (⇒ Gâcher, cit. 2) et que l'on utilise en construction pour lier ou recouvrir les pierres. ⇒ Gâchis, liaison, rusticage; maçon, maçonnerie (→ Moellon, cit. 1). || Mortier hydraulique. || Mortier maigre, moyen, gras. || Cohésion, résistance, imperméabilité, retrait d'un mortier. || Préparation du mortier (⇒ Bouler, corroyer; foulage; malaxage, malaxer) dans une auge (⇒ Oiseau), dans un malaxeur. || Outils servant à préparer, à étaler le mortier (⇒ Bouloir, rabot, taloche, truelle). || Pelle à mortier. || Pelletée de mortier. || Brayer utilisé pour monter le mortier. || Remplir les joints avec du mortier. ⇒ Jointoyer, liaisonner (dér. de liaison), rejointoyer. || Enduire un mur de mortier. ⇒ Encroûter. || Bordure (⇒ Ruilée), bande (→ Fissure, cit. 1), couvre-joint, crépi de mortier. || Matériau constitué de mortier et de graviers (⇒ Béton), de mortier et de moellons (⇒ Limousinage).
4 Ces pierres, décomposées par la chaleur, donnèrent une chaux vive, très grasse, foisonnant beaucoup par l'extinction, aussi pure enfin que si elle eût été produite par la calcination de la craie ou du marbre. Mélangée avec du sable, dont l'effet est d'atténuer le retrait de la pâte quand elle se solidifie, cette chaux fournit un mortier excellent.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 169.
2 (1668). Fig. Matière pâteuse, épaisse. ⇒ Boue, pâte (→ Embourber, cit. 3).
Encyclopédie Universelle. 2012.