adorer [ adɔre ] v. tr. <conjug. : 1>
• XIIe; lat. adorare
1 ♦ Rendre un culte (théol., un culte de latrie) à (Dieu, une divinité, un symbole divin). « Zeus a commencé par être celui qu'on adore au sommet des montagnes » (Bergson). Loc. Brûler ce qu'on a adoré : ne pas être constant dans ses admirations. Adorer le veau d'or.
2 ♦ Aimer d'un amour ou d'une affection passionnée. ⇒ idolâtrer. « C'est peu de dire aimer, Elvire : je l'adore » (P. Corneille). « Sa fille qu'il adorait » (R. Rolland).
3 ♦ Fam. Avoir un goût très vif pour (qqch.). ⇒ raffoler (de). Il adore la musique. « elle adorait les animaux » (Zola). Des fraises à la crème ! j'adore ça. (Avec l'inf.) Elle adore faire la sieste.
⊗ CONTR. Détester.
● adorer verbe transitif (latin adorare, de orare, prier) Rendre des honneurs à Dieu, à une divinité. Aimer passionnément quelqu'un ou, simplement, l'apprécier beaucoup : Elle adore son mari. Avoir un goût très vif pour quelque chose, apprécier énormément une attitude, une action : Adorer le chocolat. Adorer marcher sous la pluie. ● adorer (citations) verbe transitif (latin adorare, de orare, prier) Thomas Woodrow Wilson Staunton, Virginie, 1856-Washington 1924 Nul ne peut adorer Dieu ou aimer son prochain s'il a l'estomac creux. No one can worship God or love his neighbor on an empty stomach. Discours, 23 mai 1912 ● adorer (difficultés) verbe transitif (latin adorare, de orare, prier) Construction 1. Adorer (+ infinitif) : il adore lire, jouer, plaisanter. Remarque Adorer de est littéraire et vieilli. 2. Adoré par / adoré de. Adoré par = se dit d'une divinité à laquelle un culte est rendu. Les pharaons étaient adorés par les anciens Égyptiens. Adoré de = très aimé par. Une institutrice adorée de ses élèves. → de (de /par) ● adorer (synonymes) verbe transitif (latin adorare, de orare, prier) Rendre des honneurs à Dieu, à une divinité.
Synonymes :
- idolâtrer
- révérer
- vénérer
Contraires :
- blasphémer
- maudire
Aimer passionnément quelqu'un ou, simplement, l'apprécier beaucoup
Synonymes :
- admirer
- aimer
- chérir
- idolâtrer
- vénérer
Contraires :
- abhorrer
- détester
- exécrer
- haïr
- mépriser
Avoir un goÛt très vif pour quelque chose, apprécier énormément une...
Contraires :
- détester
- exécrer
adorer
v. tr.
d1./d Rendre un culte à (une divinité). "Oui, je viens dans son temple adorer l'éternel" (Racine).
d2./d Aimer avec passion (qqn). Il adore ses petits-enfants.
|| Aimer beaucoup (qqch). Adorer la musique.
⇒ADORER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— RELIG. Rendre un culte à Dieu, à une divinité, à un symbole divin, etc. :
• 1. Il y élévera une ville de paix et de lumière. Un peuple saint viendra l'habiter. Ses portes s'ouvriront au soleil levant, et ne se fermeront plus pendant toutes les éternités. Les nations y viendront au son des instruments, et en chantant des cantiques, louer et adorer le Seigneur, qui leur aura procuré tous ces bienfaits.
L.-C. DE SAINT-MARTIN, L'Homme de désir, 1790, p. 396.
• 2. Dans quel canton de l'Inde est votre pagode? — Partout, répondit le paria : ma pagode c'est la nature; j'adore son auteur au lever du soleil, et je le bénis à son coucher.
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, La Chaumière indienne, 1791, p. 100.
• 3. « ... si nous la [la nature] considérons avec un cœur simple, nous y verrons Dieu dans sa puissance, son intelligence et sa bonté; et comme nous sommes faibles, ignorants et misérables, en voilà assez pour nous engager à l'adorer, à le prier, et à l'aimer toute notre vie sans disputer. »
J.-H. BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, La Chaumière indienne, 1791 p. 107.
• 4. Tous les Tartares en général ont le plus grand respect pour le soleil; ils le regardent comme le père de la lune, qui emprunte de lui sa lumière; ils font des libations en l'honneur des élémens, et surtout en l'honneur du feu et de l'eau. Les Votiaks du gouvernement d'Orenbourg adorent la divinité de la terre, qu'ils appellent Mon-Kalzin; le dieu des eaux, qu'ils nomment Vou-Imnar; ils adorent aussi le soleil, comme le siège de leur grande divinité.
Ch.-F. DUPUIS, Abrégé de l'origine de tous les cultes, préf., 1796, pp. 22-23.
• 5. Ainsi, la loi d'adorer Dieu, d'honorer son père, de respecter la femme d'autrui, est généralement obligatoire, et ne peut admettre de dispense, et la loi qui prescrit la manière d'adorer Dieu en entendant la messe le dimanche, en solennisant les fêtes, ou même de n'avoir qu'une femme, est conditionnellement obligatoire, suppose certaines circonstances de temps, de lieu et de position, et elle est susceptible de dispense; ...
L.-G.-A. DE BONALD, Législation primitive, t. 2, 1802, p. 30.
• 6. Je ne vois pas là de quoi accuser et injurier les Turcs. Cette prétendue intolérance brutale, dont les ignorants les accusent, ne se manifeste que par de la tolérance et du respect pour ce que d'autres hommes vénèrent et adorent. Partout où le Musulman voit l'idée de Dieu dans la pensée de ses frères, il s'incline et il respecte.
A. DE LAMARTINE, Voyage en Orient, t. 1, 1835, p. 442.
• 7. Si, tandis qu'elle court et cueille à la volée,
Une croix se rencontre, elle, soudain voilée,
Humble, ses yeux riants baissés, et de sa main
Faisant une autre croix lentement sur son sein,
Se prosterne à genoux, adore les mystères
Et prie éperdument les plus hautes prières.
M. DE GUÉRIN, Poésies, Maurice et François, 1839, p. 69.
• 8. LUI. — Ah! monsieur, d'abord notre mère nous l'a bien dit, et puis après, quand j'ai été grand, j'ai bien connu de bonnes âmes qui m'ont conduit dans les églises où l'on se rassemble pour L'adorer et Le servir en commun, et pour écouter les paroles qu'Il a chargé ses saints de révéler aux hommes en son nom.
A. DE LAMARTINE, Le Tailleur de pierre de Saint-Point, 1851, p. 425.
• 9. Ces différentes règles prouvent assez que, dans l'opinion des anciens, il ne s'agissait pas seulement de produire ou de conserver un élément utile et agréable; ces hommes voyaient autre chose dans le feu qui brûlait sur leurs autels. Ce feu était quelque chose de divin; on l'adorait, on lui rendait un véritable culte.
N.-D. FUSTEL DE COULANGES, La Cité antique, 1864, p. 22.
• 10. Le Grand prêtre. — T'es-tu fait des images taillées ou des représentations des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont ici-bas sur la terre ou dans les eaux plus bas que la terre? (Saül hausse les épaules avec impatience). Ne t'es-tu pas prosterné devant elles et ne les as-tu point adorées? Car je suis l'Éternel, ton Dieu, un Dieu fort et jaloux.
A. GIDE, Saül, 1903, III, 5, p. 325.
1. Emploi abs. Adorer la divinité :
• 11. Pour moi, je vois Dieu partout, je sens mon âme par la conscience : qu'ai-je besoin d'autres preuves pour être bon père, bon ami, excellent citoyen, en un mot, honnête homme? Nos têtes s'inclinèrent, et nous adorâmes.
J. DUSAULX, Voyage à Barège et dans les Hautes-Pyrénées, t. 1, 1796, p. 201.
• 12. À peine a-t-il prononcé ces mots, qu'une force surnaturelle me contraint de tomber à genoux, et m'incline la tête au pied du lit d'Atala. Le prêtre ouvre un lieu secret, où étoit renfermée une urne d'or, couverte d'un voile de soie : il se prosterne et adore profondément.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 256.
• 13. Il étend au loin ses racines;
Comme un troupeau sur les collines,
Sa famille couvre Ségor;
Puis dans un riche mausolée
Il est couché dans la vallée,
Et l'on diroit qu'il vit encor.
C'est le secret de Dieu, je me tais et j'adore!
A. DE LAMARTINE, Méditations poétiques, La Poésie sacrée, 1820, p. 260.
• 14. L'homme le plus bas aime mieux être juste qu'injuste, tous nous adorons, nous prions bien des fois par jour sans le savoir. Et l'on est étonné lorsqu'un hasard nous révèle soudain l'importance de cette part divine.
M. MAETERLINCK, Le Trésor des humbles, 1896, p. 246.
2. Loc. Adorer la Croix. (En partic. le jour du Vendredi saint) ,,Non en elle-même, ni comme instrument majeur du supplice du fils de Dieu, mais en ce qu'elle est couverte du sang divin, qu'elle représente Jésus-Christ étendu sur elle et rapporte réellement au Rédempteur l'adoration extérieurement rendue à la Croix.`` (BESCH. 1845).
♦ Au fig. Adorer le veau d'or. ,,Faire la cour à un homme de peu de mérite, à cause de ses richesses.`` (LITTRÉ). L'histoire du veau d'or fabriqué et adoré par Israël pendant que Moïse était sur le mont Sinaï, est racontée au chapitre XXXII du livre de l'Exode.
Rem. Adorer est en assoc. synon. avec rendre un culte (ex. 9), vénérer (ex. 6), est rapproché d'honorer, respecter (ex. 5). Le cont. étant relig. adorer se rencontre avec louer (ex. 1), bénir (ex. 2), prier (ex. 14), servir (ex. 8). On adore Dieu (ex. 5), le Seigneur (ex. 1), on adore aussi le soleil, la divinité de la terre (ex. 4), ou ce qui se rattache à Dieu ou aux divinités : les mystères (ex. 7), le feu (ex. 9). On adore les idoles (ALAIN, Propos, 1923, p. 565).
B.— P. ext. Manifester un attachement et une vénération admirative et passionnée pour un grand homme :
• 15. ... vous, qui avez lâchement sacrifié un peuple entier qui vous adorait à des hommes superbes qui vous méprisent; vous, qui pouviez jouir de la gloire immortelle de sauver la France, et qui avez préféré d'en être le fléau; quels fruits attendez-vous de vos manœuvres criminelles?
MARAT, Les Pamphlets, Nouvelle dénonciation contre Necker, 1790, p. 194.
• 16. Quiconque étoit introduit devant l'Empereur se prosternoit et adoroit.
F.-R. DE CHATEAUBRIAND, Études historiques, 1831, p. 199.
• 17. L'aîné, soldat de 1792, blessé grièvement à l'attaque des lignes de Wissembourg, adorait l'Empereur Napoléon et tout ce qui tenait à la Grande Armée.
H. DE BALZAC, La Cousine Bette, 1847, p. 22.
• 18. Elle les [les lettres] lisait tout haut à ma mère, qui haussait les épaules, et à Deschartres, qui les prenait pour paroles d'évangile, car l'Empereur était sa bête noire et il le tenait fort sérieusement pour un cuistre. Ma mère était comme le peuple, elle admirait et adorait l'Empereur à cette époque. Moi, j'étais comme ma mère et comme le peuple.
G. SAND, Histoire de ma vie, t. 2, 1855, p. 349.
• 19. C'est un des nôtres ayant inventé parallèlement à ceux de notre âge, tous nos enthousiasmes de ce moment même et nos préférences. Il connaît la littérature française mieux qu'aucun d'ici, et adore et vénère Wagner.
S. MALLARMÉ, Correspondance, 1872, p. 29.
C.— Aimer d'une affection ou d'un amour passionnés.
1. [Le compl. désigne une pers.]
a) En gén. Notamment pour les affections familiales :
• 20. Laissez-moi seule, vous dis-je; votre présence m'afflige, votre tendresse m'offense, et vos offres me font horreur. J'aimais votre frère, lorsqu'il était l'espoir de sa famille; je l'adore depuis qu'il en est banni.
J.-H.-F. LA MARTELIÈRE, Robert, chef de brigands, I, 1, 1793, p. 1.
• 21. — « Je ne puis rester avec toi qu'un instant, papa; mon empressement à venir te voir a paru surprendre; je ferai ma visite courte, afin que l'on croie qu'elle n'est que de politesse.
— Charmante enfant! Tu as autant d'esprit et de délicatesse, que de beauté! Je t'adore... je te chéris, » dis-je aussitôt, en me reprenant; « je t'aime en tendre père!... »
N.-E. RESTIF DE LA BRETONNE, Monsieur Nicolas, 1796, p. 28.
• 22. ... « ce garnement l'a rendu fou! » Il m'adorait, c'était manifeste. M'aimait-il? Dans une passion si publique, j'ai peine à distinguer la sincérité de l'artifice : je ne crois pas qu'il ait témoigné beaucoup d'affection à ses autres petits-fils;...
J.-P. SARTRE, Les Mots, 1964, p. 15.
b) En partic., dans le lang. de l'amour. [L'obj. de l'adoration est le plus souvent une femme] :
• 23. ... il s'agite à pas tumultueux;
En projets enchanteurs il égare ses vœux.
Il ira, le cœur plein d'une image divine,
Chercher si quelques lieux ont une Clémentine,
Et dans quelque désert, loin des regards jaloux,
La servir, l'adorer et vivre à ses genoux.
A. CHÉNIER, Élégies, Souhaits de vie indépendante, 1794, p. 152.
• 24. J'étais à vos pieds pour implorer mon pardon, et je m'y prosterne de nouveau pour adorer la clémence de mon adorable sœur. Ah! permettez-moi de vous donner ce nom si doux à mon cœur, ce nom qui me rappellera sans cesse le seul genre d'affection que je puis espérer de vous.
G. SÉNAC DE MEILHAN, L'Émigré, 1797, p. 1738.
• 25. « Es-tu ici pour y entrer avec moi? » En entendant ces paroles si tendres, mais auxquelles la constante pensée de Dieu mêle tant d'innocence, Malek Adhel, enivré d'une félicité inconnue, s'abandonne sans contrainte aux vives et profondes émotions qui l'agitent; à genoux devant Mathilde, il la contemple et l'adore, il ne voit qu'elle, il a oublié toute autre pensée : c'est un de ces momens d'extase où on devine le ciel...
Mme COTTIN, Mathilde, t. 5, 1805, p. 273.
• 26. Sois bien convaincue, ma bien-aimée Adèle, qu'il n'y a en ce moment rien contre toi dans mon cœur. Je te plains d'être souffrante, je t'admire, je t'adore et te respecte comme toujours.
V. HUGO, Lettres à la fiancée, 1822, p. 134.
• 27. J'épousai votre mère, que j'appréciais, que j'estimais, mais que je n'adorais pas. L'amour est venu plus tard, vous le savez; non cet amour qui tient du délire des sens, ou de l'imagination, mais cet amour véritable, cimenté par le temps, par notre bonheur mutuel, par toutes les vertus, que je découvrais en elle.
E. SCRIBE, A.-F. VARNER, Le Mariage de raison, 1826, I, 10, p. 393.
• 28. Toute la gamme de ma passion ne sera pas scrupuleusement notée, comme elle l'était : je me contenterai d'écrire ici les phrases qui sont toute son harmonie : « je t'aime. Je t'adore. Je t'idolâtre. »
S. MALLARMÉ, Correspondance, 1862, p. 37.
• 29. Je me suis donné du mal, vous savez... ils sont très rares, Dickie; toutes mes petites économies y ont passé. Alors je l'embrassai. J'éprouvais devant elle des sentiments si complexes que je les comprenais mal moi-même. Je la détestais et je l'adorais. Je la croyais innocente et coupable. La scène violente que j'avais préparée tournait en conversation amicale, confidentielle.
A. MAUROIS, Climats, 1928, p. 115.
• 30. Le mot « bien-aimée » lui ayant paru affaibli, il le remplaça. En une ivresse verbale, une frénésie de prosternement, il lui dit, séparant les syllabes, qu'il l'a-do-rait, au sens plein, au sens théologique, au sens d'anéantissement servile, d'absorption passionnelle souveraine, de désir de rien autre au monde, qu'il croyait toute la religion qu'elle eût voulu qu'il crût, — et qu'est-ce que ça lui faisait? Attentive, mal visible, juste assez présente pour entendre, elle semblait accepter qu'il lui parlât ainsi.
J. MALÈGUE, Augustin ou le Maître est là, t. 2, 1933, p. 412.
Rem. 1. Adorer entre dans le domaine de l'affectivité et particulièrement dans le vocab. amoureux. Il est en assoc. synon. avec chérir (ex. 21), en concurrence avec apprécier, estimer (ex. 27), admirer, respecter (ex. 26); il renchérit sur aimer (ex. 20, 21). 2. Le verbe ainsi employé garde le souvenir de ses origines religieuses d'où la gradation des termes aimer, adorer, idolâtrer dans l'ex. 28. Dans l'ex. 30, tout en étant employé dans un cont. affectif, le verbe a son sens théologique plein. Ainsi que dans son emploi relig., adorer s'accompagne parfois d'attitudes respectueuses : se prosterner, être aux pieds de (ex. 24), vivre aux genoux de (ex. 23). Adorer est encore associé à contempler (ex. 25). 3. Syntagmes fréq. : adorer une femme (É. ZOLA, Germinal, 1885, p. 1431); - son père (A. MAUROIS, Ariel ou la Vie de Shelley, 1923, p. 162); - sa mère (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, Épilogue, 1940, p. 799).
2. [Le compl. désigne un animal ou une chose concr. ou abstr.] Chérir beaucoup, avoir un goût très vif pour un être, pour une chose.
a) [Le compl. désigne un obj. ou un lieu fam.] :
• 31. — Le fait est que si mon inconnue est aussi aimable qu'elle est belle, je vous déclare que je me fixe à Rome pour six semaines au moins. J'adore Rome, et d'ailleurs j'ai toujours eu un goût marqué pour l'archéologie.
— Allons, encore une rencontre ou deux comme celle-là et je ne désespère pas de vous voir membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 525.
• 32. — Il y a en moi un homme féroce. Il aime la chasse au renard. Il en a entendu un qui, pour attirer les poules, imitait la voix du coq. Je déteste le travail, mais j'adore mon cabinet de travail.
J. RENARD, Journal, 1903, p. 868.
b) [Le compl. désigne un animal] :
• 33. Quant à Mademoiselle Clémence, la repasseuse, elle se conduisait comme elle l'entendait, mais on ne pouvait pas dire, elle adorait les animaux, elle possédait un cœur d'or.
É. ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 427.
c) [Le compl. désigne une qualité ou une valeur] :
• 34. Exempt de presque tous les préjugés qui affligent la société, je n'en ai qu'un, mais bien puissant, qui dirige ma conduite et sera toujours le mobile de mes actions; c'est que j'adore la vertu et que j'abhorre le crime.
R.-Ch. GUILBERT, Victor, 1798, II, 3, p. 28.
• 35. Il aimait le luxe comme les fleurs aiment le soleil, la fortune l'attirait surtout par son côté lumineux et charmant. Il comprenait, il adorait les arts. C'était un cœur honnête, un esprit généreux. S'il s'était consumé dans l'inaction, c'est qu'il avait dû subir les exigences de son nom, moins impérieuses encore que la volonté de sa mère.
J. SANDEAU, Sacs et parchemins, 1851, p. 38.
• 36. — Hier soir, disait Madame Hugon, Georges m'a menée au théâtre. Oui, aux Variétés, où je n'avais certainement plus mis les pieds depuis dix ans. Cet enfant adore la musique... moi, ça ne m'a guère amusée, mais il était si heureux! ... On fait des pièces singulières, aujourd'hui. D'ailleurs la musique me passionne peu, je l'avoue.
É. ZOLA, Nana, 1880, p. 1157.
• 37. Je déteste le diable, j'adore Dieu. Puis ici, où je suis plongeuse et où j'ai l'après-midi du jeudi libre. J'adore la liberté, je déteste l'esclavage.
J. GIRAUDOUX, La Folle de Chaillot, 1944, I, p. 94.
Rem. 1. Adorer, dans ce cas, c'est avoir un goût marqué pour (ex. 31), les arts (ex. 31, 35), la musique (ex. 36), des notions abstr. (ex. 34), les animaux (ex. 33). Adorer est à rapprocher de passionner (ex. 36) et s'oppose à abhorrer (ex. 34), détester (ex. 32). 2. Dans cet emploi, le sens de adorer se dégrade facilement, notamment dans la lang. parlée, où il aboutit à n'être qu'un synon. à peine superl. de aimer. D'où p. ex. l'expr. j'adore ça, fam. et iron. :
• 38. Puis elle s'assura qu'ils étaient seuls, et, plongeant son regard dans les yeux d'Antoine, elle chuchota : — « sermonne-moi, j'adore ça... Je t'écouterai, tu verras... Je me corrigerai... Je deviendrai comme tu veux... »
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 223.
II.— Emploi pronom.
A.— Emploi réfl. Être en adoration de soi, s'idolâtrer, être atteint de narcissisme :
• 39. Cet homme n'est occupé que de lui; il s'adore véritablement.
LITTRÉ.
B.— Emploi réciproque. S'aimer follement l'un l'autre :
• 40. Ces deux amants s'adorent.
BESCH. 1845.
• 41. Tu as fait une sottise, mon brave : on n'épouse jamais sa maîtresse. Tu ignores la vie; un jour tu comprendras ta faute, tu te souviendras de mes paroles. Ces sortes de mariages sont exquis, mais ils tournent toujours mal : on s'adore pendant quelques années et l'on se déteste le restant de ses jours.
É. ZOLA, Madeleine Férat, 1868, p. 142.
Rem. gén. Comme le montrent les cont., le sens de adorer oscille entre deux extrêmes. D'une part le sens relig. très fort et exclusif en raison de l'objet adoré qui est le Dieu jaloux de la Bible et de là aussi l'emploi dans le langage de la passion amoureuse; d'autre part, en raison de la médiocrité de l'objet ou de la familiarité du ton, un emploi affaibli où il n'est plus question que de goût préférentiel. Entre les deux, les cas où l'objet désigne une valeur. Cf. une situation semblable pour le verbe aimer et d'autres verbes affectifs appréciatifs.
Prononc. — 1. Forme phon. :[], j'adore []. Enq. :/ado2/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : adorable, adorablement, adorant, adorateur (-trice), adoratif, adoration.
Étymol. ET HIST. — 1. « rendre un culte » a) fin Xe s., à Dieu (Passion, 416, éd. Koschwitz ds GDF. Compl. : Si l'adorent com redemptor); id. ca 1100 (Chanson de Roland, 2619, éd. Bédier : E, s'il nel fait, il guerpirat ses deus E tuz ses ydeles que il soelt adorer); b) fin XIIe s., à des obj. sacrés (RAOUL DE CAMBRAI, 1571, éd. Meyer et Longnon, Paris 1882 ds T.-L. : Li grans devenres de la solempnité Qe pecheor ont la crois aouré), d'où, fin du XIIe s., Le jur de la croiz äuree (AMBROISE, L'Estoire de la Guerre sainte, 1214, éd. G. Paris, Paris 1897 ds T.-L.), li vendredis aorez (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, 6266, éd. Roach, 1959), etc., désignant le Vendredi Saint jusqu'au XIVe s.; c) ca 1165, à une créature humaine (B. DE SAINTE MAURE, Troie, 20610, éd. Constans, Paris 1904-1912 ds T.-L. : Toz li pueples comuns l'aore [Troïlus fils de Priam]), d'où fin XIIe « aimer passionnément » (Chansons du Chastelain de Coucy, 69, éd. Fr. Michel, Paris 1830 ds T.-L. : Ainz l'aim et serf et aor par usage).
Empr. au lat. adorare (dér. de orare « prier ») « adresser des prières d'adoration, rendre un culte (aux dieux) » dep. Virgile (Georg., 1, 343, ds TLL s.v., 819, 12 : cuncta tibi Cererem pubes agrestis adoret); cf. en lat. médiév., 742-842, Concilia aevi Karolini, 44B, 53 ds Mittellat. W. s.v., 242, 12 : sancti angeli et sancti viri non sunt colendi neque adorandi). L'obj. du culte pouvait être un obj. sacré (OVIDE, Trist., 2, 291 ds TLL, 820, 43 : adoranti Junonis templa); cf. lat. médiév. 742-842, Concilia aevi Karolini, 14, p. 87, 24 ds Mittellat. W., 242, 22 : crucem pro crucifixo in ea Christo adoramus) ou des créatures humaines mises au rang des dieux (IIIe s., POMPONIUS PORPHYRIO, Horat., 4, 4, 41 ds TLL, 821, 23 : quod adorandi sint qui laudem ex bello reportant). La réintrod. du d dans l'a. fr. aorer vers 1200 (adurer ds CHARDRY, Set dormans, 1664 ds GDF. Compl.) est due à l'influence du lat. d'église. — BERGER, Die Lehnw. in der fr. Spr. ältest. Zeit, Leipzig 1899, p. 47; B. MARTI ds Language, 1936, pp. 272-282.
STAT. — Fréq. abs. litt. :3 806. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 6 383, b) 6 303; XXe s. : a) 5 597, b) 3 994.
BBG. — BAILLY (R.) 1969. — BAR 1960. — BARB. Misc. 2. 1925-28, p. 94, — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — BERGER (H.). Die Lehnwörter in der französischen Sprache ältester Zeit. Leipzig, 1879, p. 47. — BONNAIRE 1835. — BRUANT 1901. — Canada 1930. — CAPUT 1969. — DUP. 1961. — GUIZOT 1864. — HANSE 1949. — LAF. 1878. — LAV. Diffic. 1846. — LE ROUX 1752. — MARCEL 1938. — SARDOU 1877. — SOMMER 1882. — Synon. 1818. — THOMAS 1956. — VINC. 1910.
adorer [adɔʀe] v. tr.
ÉTYM. Fin Xe; du lat. adorare, de ad, et orare « prier ».
❖
1 Rendre un culte (théol. : un culte de latrie) à (Dieu, une divinité, un symbole divin). || Adorer l'auteur de la nature. || Adorer Dieu. ⇒ Révérer, vénérer. — Absolt. || Nous prions et nous adorons.
1 Oui, je viens dans son temple adorer l'Éternel.
Racine, Athalie, I, 1.
2 Toute la nature veut honorer Dieu, et adorer son principe autant qu'elle en est capable.
Bossuet, Sermon sur le culte dû à Dieu.
3 Dieu veut être adoré en esprit et en vérité : ce devoir est de toutes les religions, de tous les pays, de tous les hommes.
Rousseau, Émile, IV.
4 (Les mages) trouvèrent l'enfant avec Marie, sa mère, et se prosternant, ils l'adorèrent.
Évangile selon saint Matthieu, II, 11.
♦ (En parlant de cultes précis). Par métonymie. || Adorer la Croix.
♦ Par anal. Rendre un culte à (des créatures, des choses déifiées, divinisées). || Adorer les idoles. ⇒ Idolâtrer. ☑ Adorer le soleil (au fig.) : flatter le pouvoir naissant. — ☑ Adorer le veau d'or (au fig.) : rendre un culte à l'argent, aduler, courtiser, flatter les riches, se prosterner devant eux.
5 Un baudet, chargé de reliques,
S'imagina qu'on l'adorait.
Dans ce penser il se carrait,
Recevant comme siens l'encens et les cantiques.
La Fontaine, Fables, V, 14.
2 Par hyperb. Avoir un culte passionné pour (qqn, qqch.). || Adorer sa mère, ses parents. ⇒ Admirer, aimer, honorer, idolâtrer. || Il adorait l'Empereur. — Éprouver un amour passionné pour (qqn). ⇒ Aimer. — (Construit avec un attribut : → ci-dessous, cit. 9).
6 (…) leur flamme est mutuelle :
Il adore Émilie, il est adoré d'elle.
Corneille, Cinna, III, 5.
7 C'est peu de dire aimer, Elvire : je l'adore.
Corneille, le Cid, III, 3.
8 C'est une femme qui mérite d'être adorée.
Molière, George Dandin, II, 8.
9 Et le peuple inégal à l'endroit des tyrans,
S'il les déteste morts, les adore vivants.
Corneille, Cinna, II, 3.
10 Ils adorent la main qui les tient enchaînés.
Racine, Britannicus, IV, 4.
11 La gloire de la femme n'est-elle pas de faire adorer ce qui paraît un défaut en elle ?
Balzac, la Recherche de l'absolu, Pl., t. IX.
12 Jeune homme on te maudit, on t'adore vieillard !
Hugo, les Rayons et les Ombres, XXXIV.
13 Est adorable ce qui est adorable. Ou encore : je t'adore, parce que tu es adorable, je t'aime parce que je t'aime. Ce qui clôt ainsi le langage amoureux, c'est cela même qui l'a institué : la fascination.
R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 28.
♦ (Passif). || Être adoré par… : être l'objet d'une adoration. || Être adoré de : être aimé extrêmement de. || Les rois de Perse étaient adorés par leurs sujets. || « Ce père est adoré de ses enfants » (Académie).
3 Fam. Avoir un goût très vif pour (qqch.). || Il adore la musique. || Elle a toujours adoré les animaux.
14 Quant à Mademoiselle Clémence, la repasseuse, elle se conduisait comme elle l'entendait, mais on ne pouvait pas dire, elle adorait les animaux, elle possédait un cœur d'or.
Zola, l'Assommoir, Pl., t. II, p. 427.
♦ (Avec une proposition complément) :
15 J'adore aussi quand vous vous promenez, détaché soudain de tout, mais souriant encore (…)
Giraudoux, Simon le Pathétique, p. 112.
♦ Fam. Superlatif de aimer. || Les choux à la crème, moi, j'adore ça.
♦ Absolt. || Les vacances à la montagne, moi, j'adore ! ⇒ Aimer.
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s'adorer v. pron.
♦ (Réfl.). Être en adoration de soi. || Cet homme s'adore (⇒ Narcissisme).
♦ (Récipr.). S'aimer follement l'un l'autre. || Ces deux jeunes gens s'adorent.
16 Tu as fait une sottise, mon brave : on n'épouse jamais sa maîtresse. Tu ignores la vie; un jour tu comprendras ta faute, tu te souviendras de mes paroles. Ces sortes de mariages sont exquis, mais ils tournent toujours mal : on s'adore pendant quelques années et l'on se déteste le restant de ses jours.
Zola, Madeleine Férat, 1868, p. 142.
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adoré, ée p. p. adj.
♦ (surtout aux sens 2. et 3.). || L'être adoré.
♦ N. (appellatif). || « Il lui disait : “Mathilde, ma chérie, mon adorée, mon amie, mon ange” (…) » (Maupassant, in T. L. F.).
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CONTR. Blasphémer, maudire. — Abhorrer, détester, exécrer, haïr, mépriser.
DÉR. Adorant.
Encyclopédie Universelle. 2012.