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POLYCARPIQUES
POLYCARPIQUES

On rassemble sous le nom de Polycarpiques trois ordres d’Angiospermes dicotylédones: les Nymphéales, les Magnoliales et les Ranunculales. Chez ces plantes, les fleurs, très diversement construites, n’ont manifestement pas atteint la spécialisation suivant un type architectural plus ou moins défini, type qui caractérise les autres ordres angiospermiens. Cette hésitation architecturale, signe d’une évolution qui en est encore à ses débuts, est accompagnée d’autres caractères primitifs, parmi lesquels la constitution du gynécée, généralement formé de pistils unicarpellés libres de toute concrescence: chez la plupart de ces plantes, chaque fleur produit ainsi, après la fécondation, de nombreux (poly-) fruits (-carpes) séparés (méricarpes), et non le fruit composite, mais unique, qui est celui de la plupart des Angiospermes. On n’envisagera ici que les Magnoliales et les Ranunculales, les Nymphéales ayant été traitées séparément [cf. NYMPHÉACÉES] en raison de leur hétérogénéité et de leur habitat aquatique. Qu’elles aient été étudiées sous le nom de Nymphéacées révèle le caractère plus ou moins arbitraire de toutes les classifications: si les Nymphéoïdées, Cabomboïdées et Nélumboïdées sont des sous-familles, l’ensemble est une famille; mais si l’on préfère considérer des Nymphéacées (sensu stricto ), des Cabombacées et des Nelumbonacées, l’ensemble devient un ordre. De même, les Nymphéales, Magnoilales et Ranunculales étaient autrefois interprétées comme formant un seul ordre, celui des Ranales (ou Polycarpiques); puis il a paru préférable, en raison de leur extrême diversité, de les répartir en trois ordres, dont chacun est, évidemment, moins hétérogène que l’ensemble.

1. Les Magnoliales

Les familles composant les Magnoliales sont si variées qu’il est difficile de donner une diagnose précise de l’ordre. Presque toutes sont des arbres, des arbustes ou des lianes ligneuses portant des feuilles simples et alternes (jamais opposées ni verticillées). Presque toutes aussi sont aromatiques (cellules sécrétrices d’essences) et produisent des alcaloïdes divers, mais dont la plupart appartiennent au groupe isoquinoléique. Dans quatre petites familles, on relève un caractère primitif exceptionnel chez les Angiospermes: les éléments conducteurs du bois sont exclusivement des trachéides (bois homoxylé , sans vaisseaux) comme chez les Gymnospermes [cf. BOIS].

Les fleurs, actinomorphes (symétriques autour d’un axe), sont généralement pourvues d’un périanthe, constitué soit de pièces pétaloïdes toutes semblables (tépales) insérées, en nombre indéfini, sur des lignes hélicoïdales (périanthe acyclique ), soit d’un nombre défini de pièces disposées en étages, en verticilles de trois, exceptionnellement de deux (périanthe cyclique ), tous pareils ou tous dissemblables; les éléments du verticille externe sont alors plus petits que ceux des deux verticilles internes et constituent un calice rudimentaire. Chez aucune Magnoliale n’existe le double périanthe pentamère (5 sépales + 5 pétales), si répandu chez les Dicotylédones. Ces périanthes de Magnoliales sont plus ou moins vivement colorés, de sorte que le pollen est transporté par les insectes (entomogamie); chez quelques petites familles, les fleurs sont nues, sans périanthe, et adaptées à la pollinisation par le vent (anémogamie).

Chez la majorité des Magnoliales, les étamines, en nombre indéfini, sont insérées suivant des lignes hélicoïdales. Il en est de même des pistils unicarpellés. Cependant, on connaît des Magnoliales plus évoluées dont les étamines et les pistils, en nombre limité, sont arrangés en verticilles de trois ou deux. Ces éléments floraux sont, dans la plupart des cas, libres de toute concrescence; les soudures entre constituants d’un même verticille sont exceptionnelles, mais significatives: elles révèlent que les tendances aux cohésions, si caractéristiques des Angiospermes les plus évoluées, sont déjà manifestes dans ce groupe primitif. L’évolution au sein des Magnoliales se manifeste aussi par la contraction progressive de la fleur, avec ou sans avortement de certains verticilles, et par le groupement des fleurs contractées en inflorescences. Le réceptacle floral est une colonne longuement saillante au centre de la fleur, un dôme surbaissé, un plateau, une coupe, une urne. Un dernier caractère différentiel important est la présence, dans la graine, d’un albumen massif ou ruminé (découpage superficiel de l’albumen par des replis tégumentaires) contenant un petit embryon, ou d’un volumineux embryon, sans albumen.

Survivantes d’une époque très ancienne, les Magnoliales se rencontrent généralement dans les régions tropicales et subtropicales; elles comprennent dix-neuf familles de cinq mille six cents espèces; deux familles seulement groupent un peu plus de deux mille espèces chacune, tandis que huit autres, localisées dans les îles du Pacifique austral, ne comptent qu’une ou deux espèces réparties en un ou deux genres et sont de véritables reliques. Parmi ces dix-neuf familles, on n’insistera que sur les cinq plus importantes.

Les Magnoliacées

Les Magnoliacées sont caractérisées par leurs fleurs acycliques ou hémicycliques (périanthe cyclique; androcée et gynécée acycliques) et leur albumen massif; elles groupent dix genres et deux cent quinze espèces, asiatiques (Extrême-Orient, du Japon à l’Indonésie) ou américaines (est et sud-est des États-Unis, Amérique centrale, Brésil).

Dans le genre Magnolia (75 espèces réparties à peu près comme l’ensemble de la famille), les fleurs, solitaires, grandes, sont hémicycliques (périanthe constitué de 3 verticilles de 3 pièces chacun); dans l’axe de la fleur, le réceptacle est une colonne sur laquelle sont insérés d’abord, en ordre spiralé, les étamines, s’ouvrant vers l’intérieur, puis les pistils unicarpellés. Après la fécondation, les pistils et l’axe, accrescents, sont plus ou moins soudés, chaque méricarpe s’ouvrant individuellement par une fente. Diverses espèces de Magnolia sont couramment cultivées dans les jardins d’Europe tempérée: les unes, américaines, à grandes fleurs blanches et feuillage persistant, les autres, chinoises ou japonaises, produisant au printemps de grandes fleurs violacées sur les rameaux encore dénudés.

Le genre Liriodendron comprend deux espèces très affines: L. tulipifera (tulipier), des forêts de l’est des États-Unis et L. chinense , de la Chine centrale. Le tulipier, partout cultivé en Europe, est un grand arbre caducifolié; les feuilles ont un contour caractéristique; les fleurs ressemblent à de petites tulipes: périanthe de 3 + 3 pièces d’un jaune marbré de rouge; étamines très nombreuses, dont les anthères s’ouvrent vers l’extérieur; carpelles libres dont chacun devient, après la fécondation, un méricarpe ailé indéhiscent (fig. 1 et 2) .

Les genres Magnolia et Liriodendron , très anciens (Crétacé supérieur), étaient autrefois beaucoup plus répandus qu’aujourd’hui; ils existaient encore en Europe à la fin du Pliocène et le morcellement de leur aire actuelle est la conséquence des glaciations du Quaternaire.

Les Annonacées

Les Annonacées (120 genres; environ 2 100 espèces), arbres, arbustes et lianes ligneuses aromatiques (l’essence d’ylangylang est extraite de la fleur de Cananga odorata , originaire de Malaisie), sont représentées dans tous les groupements végétaux des tropiques. Leurs fleurs sont construites sur le même plan que celles des Magnoliacées; les deux familles diffèrent surtout par les caractères de la graine, dont l’albumen est ici ruminé. De plus, la fleur offre des aspects d’une plus grande diversité. Le verticille floral externe, formé de trois éléments plus petits que ceux des verticilles internes, peut être interprété comme un calice trimère entourant une corolle hexamère (2 憐 3). Dans le genre Isolona , d’Afrique tropicale, les six pièces périanthaires internes sont largement concrescentes (première manifestation de la sympétalie) et si, dans l’ensemble de la famille, les carpelles libres se transforment, après la fécondation, en autant de méricarpes secs et indéhiscents (apocarpie parfaite), un progrès évolutif important est réalisé dans le genre Annona (fig. 1): les carpelles, disposés suivant des hélices à tours très serrés, se soudent après la fécondation et forment un volumineux syncarpe succulent; les syncarpes de certaines espèces américaines (du Mexique au Pérou) d’Annona , remplis d’une pulpe crémeuse sucrée et aromatique, comptent parmi les meilleurs fruits tropicaux (corossol, pomme-cannelle, etc.). Chez Isolona et Monodora , les carpelles verticillés au sommet de l’axe floral sont initialement concrescents en un ovaire uniloculaire, qui devient, après la fécondation, une grosse baie succulente.

Les Annonacées réalisent ainsi des progrès remarquables dans l’évolution des structures florales (différenciation du périanthe, syncarpellie et syncarpie).

Les Lauracées

Les Lauracées (31 genres; environ 2 250 espèces), arbres ou arbustes aromatiques, sont surtout représentées dans les régions tropicales, encore que certaines espèces supportent des climats tempérés chauds. Les fleurs, petites et groupées en inflorescences, sont fortement caractérisées: un réceptacle en forme de coupe ou d’urne porte, sur son bord, un ou deux verticilles de deux ou trois tépales, ainsi que plusieurs verticilles de deux ou trois étamines; les anthères s’ouvrent par deux (Lauroïdées) ou quatre (Perséoïdées) pores munis chacun d’un volet. Le gynécée est invariablement réduit à un pistil unicarpellé et uniovulé, posé sur le fond de l’urne ou de la coupe réceptaculaires. Le fruit est une baie ou une drupe. La graine est exalbuminée : caractère nouveau dans la série des Polycarpiques, de même que la fleur entièrement verticillée et la tendance à l’inférovarie (fig. 3).

Quelques Lauracées sont économiquement importantes. La cannelle, l’une des principales épices pour la possession desquelles Portugais et Hollandais sont partis à la découverte de l’Orient, est l’écorce de Cinnamomum zeylanicum , arbre originaire du Sri Lanka, qui demeure le principal producteur. Le camphre naturel est extrait par distillation du bois de Cinnamomum camphora , grand arbre d’Extrême-Orient (Chine, Taiwan, Japon). Les feuilles du laurier noble (Laurus nobilis , arbrisseau originaire d’Asie Mineure, sont une épice d’usage courant. L’avocat, volumineuse baie piriforme à péricarpe oléagineux, est le fruit de Persea americana , arbre originaire du Mexique (ahuacatl des Aztèques), aujourd’hui cultivé dans toutes les régions tropicales et subtropicales, et diversifié en très nombreux cultivars.

Les Cassythacées

Les Cassythacées (genre pantropical Cassytha , 20 espèces) sont des herbes dont les tiges grêles, lianescentes, sans feuilles vivent en parasite à la manière des cuscutes [cf. PARASITISME] sur les tiges et les feuilles des espèces parmi lesquelles elles se développent; elles portent, étrangement – caprice de l’évolution –, des fleurs exactement construites comme celles des Lauracées, et elles sont, comme celles-ci, aromatiques.

Les Myristicacées

Les Myristicacées (15 genres, 250 espèces) achèvent la contraction de la fleur, déjà nettement marquée chez les Lauracées. Les fleurs des Myristicacées, très petites et groupées en inflorescences, sont unisexuées (les deux sexes réunis sur un même individu, ou séparés sur des individus différents). Le périanthe est réduit à un verticille de trois pièces concrescentes presque jusqu’à leur sommet. L’androcée (fleurs mâles) est un synandre formé d’étamines soudées et le gynécée un pistil uniovulé. Le fruit est une baie. La graine, recouverte d’un arille [cf. GRAINE] réticulé, rouge, contient un petit embryon dans un abondant albumen ruminé (fig. 4).

La noix muscade est la graine du muscadier (Myristica fragrans ) et le macis l’arille recouvrant cette graine: deux épices introduites en Europe au XVIe siècle et dont la valeur était devenue telle que la recherche de la plante productrice justifiait de lointaines expéditions. Les Portugais l’ont découverte aux Moluques, en 1512; tel est sans doute le pays d’origine de l’arbuste, dont il semble qu’il ait disparu à l’état sauvage; mais on l’y cultive encore, ainsi qu’à Sulawesi, à Sumatra et dans la petite île de Grenade aux Antilles.

2. Les Ranunculales

Au contraire des Magnoliales, les Ranunculales comprennent une majorité d’herbes; certaines sont des arbrisseaux ou de petites lianes ligneuses; aucune n’est arborescente. Aucune non plus n’est aromatique; mais elles produisent en grande quantité des alcaloïdes (isoquinoléiques entre autres) et d’autres substances (hétérosides, etc.), physiologiquement très actifs sur les animaux et dont certains sont doués de propriétés médicamenteuses. Les formes et les modes d’insertion des feuilles (limbes entiers ou très découpés; feuilles simples ou composées; dispositions alterne, opposée ou verticillée) sont plus variées que chez les Magnoliales. Les caractères floraux sont aussi plus divers. On observe, dans les deux ordres, des fleurs acycliques, hémicycliques ou cycliques, avec verticilles trimères, ainsi que les mêmes tendances à la réduction du gynécée, à la contraction de la fleur devenant unisexuée, à la soudure des étamines en synandres. Les concrescences périanthaires et les soudures carpellaires sont exceptionnelles, et l’on ne constate, chez les Ranunculales, aucune tendance à l’inférovarie. En revanche, la différenciation du périanthe en calice et corolle s’affirme, par des voies diverses, plus fortement chez les Ranunculales, dont certaines réalisent le périanthe avec calice et corolle pentamères, inconnu chez les Magnoliales et répandu chez les Dicotylédones plus évoluées. Enfin, l’actinomorphie générale de la fleur des Ranunculales met en évidence la très forte zygomorphie (symétrie non rayonnée, par rapport à un plan) constatée dans quelques genres. Les graines sont albuminées ou exalbuminées.

Cet ordre comprend quatre familles groupant à peu près cent quarante genres et trois mille cent cinq espèces; celles-ci habitent – suivant la règle générale valable pour tous les grands taxons dicotylédoniens à dominante herbacée (cf. MALVALES, MYRTALES) – essentiellement les régions extratropicales. Trois de ces familles, les Renonculacées, Berbéridacées et Ménispermacées, représentent, à elles seules, la presque totalité de l’ordre.

Les Renonculacées

Avec cinquante genres et deux mille espèces environ, les Renonculacées constituent la majorité de l’ordre. Presque toutes sont des herbes terrestres, vivaces ou annuelles; certaines renoncules sont adaptées à la vie aquatique. Les clématites, seules (le genre Clematis , cosmopolite, comprend plus de 300 espèces), sont ligneuses (lianes à tiges grêles ou petits arbrisseaux); elles sont aussi les seules Renonculacées mieux représentées dans les régions tropicales que dans les pays tempérés.

Les feuilles, généralement alternes, opposées chez les clématites, verticillées sur la tige florale des anémones, ne sont pas stipulées; leur limbe, penninerve ou palminerve, exceptionnellement parallélinerve, est entier, denté, lobé, ou profondément découpé jusqu’à paraître composé-palmé (trolles) composé-penné (clématites) ou même composé-bipenné (Thalictrum ).

Les fleurs, remarquablement variées, expriment toutes les hésitations qui ont précédé la fixation des architectures florales sur les types spéciaux caractéristiques de chaque grand groupe angiospermien (fig. 5).

Dans les fleurs des Anemone et des clématites, le périanthe, composé d’un ensemble variable (4, 7, 8, ou plus chez les anémones) de pièces pétaloïdes blanches, rouges, bleues, violettes, n’est pas différencié en calice et corolle; les étamines, très nombreuses, sont insérées sur des spires à tours très serrés; leurs anthères s’ouvrent par des fentes, caractère important en raison de sa constance dans l’ensemble de la famille.

Chez les Anemone , la tige florifère porte, très au-dessous de la fleur, un involucre , verticille de trois feuilles plus ou moins découpées. L’hépatique (Hepatica triloba , ou Anemone hepatica ) ne diffère des vraies anémones que par la simplification de ces trois pièces involucrales, devenues trois lobes verts, petits et non découpés, et par l’extrême raccourcissement de l’entre-nœud intercalé entre le verticille involucral et la fleur; les trois petits lobes en question, situés immédiatement sous le périanthe, constituent, en fait, un calice trimère, tandis que les pièces pétaloïdes qui le surmontent représentent une corolle.

La fleur des hellébores (genre Helleborus : 25 espèces eurasiatiques) n’est pas sans rappeler, du moins dans tous les éléments extérieurs au gynécée, celle des nénuphars [cf. NYMPHÉACÉES]: un « calice », constitué de cinq grands sépales, entoure une « corolle », formée d’un cercle de petits cornets staminodiaux, dont chacun est continué, sur une hélice très serrée, par une file d’étamines. Le gynécée, verticillé, ne comporte que trois carpelles libres (fig. 5).

Le périanthe des hellébores permet de comprendre celui des renoncules (genre Ranunculus : 400 espèces cosmopolites): cinq petits sépales, jaunâtres ou verdâtres, alternent avec cinq pétales beaucoup plus grands, blancs ou d’un jaune vif (bouton d’or); ces pétales, qui portent, à leur base, un petit nectaire, sont comparables aux cornets nectarifères des hellébores. Il est très remarquable que, chez les Renonculacées, le périanthe se différencie en calice et en corolle suivant deux modes tout à fait distincts, selon qu’il s’adjoint, à l’extérieur, un involucre formant calice, ou, à l’intérieur, des staminodes nectarifères composant une corolle. L’androcée et le gynécée des renoncules, acycliques, ressemblent à ceux des anémones (fig. 5).

Chez les ancolies (genre Aquilegia : 70 espèces de l’hémisphère Nord), le périanthe est formé de deux verticilles pentamères, l’un et l’autre également développés, mais dissemblables: le verticille externe est constitué par cinq lames pétaloïdes bleues ou roses, le verticille interne par de longs cornets nectarifères, à pointe droite ou courbe, bleus ou jaunes. L’androcée, multistaminé, est cyclique, de même que le gynécée, qui comprend cinq carpelles libres (fig. 5).

Dans les deux grands genres Delphinium (pieds-d’alouette) et Aconitum , de trois cents espèces environ chacun, le périanthe est zygomorphe; les sépales, bleus, jaunes, blancs, suivant les espèces, sont très développés et le postérieur (dorsal) offre la forme d’un casque (aconits) ou d’un éperon (pieds-d’alouette). La corolle nectarifère, beaucoup plus discrète, comprend, chez les aconits, deux grands nectaires (cornets stipités) situés sous le casque et deux à six petits nectaires sous les autres sépales, et chez les Delphinium , deux grands nectaires en cornet engagés dans l’étui qu’est le sépale de même forme et, généralement, deux autres petits nectaires situés sous l’entrée de l’éperon; chez le pied-d’alouette des champs (D. consolida ), ces trois nectaires sont soudés en une seule pièce en cornet. L’androcée, dans lequel les étamines sont moins nombreuses que chez les ancolies, est cependant encore acyclique. Le gynécée comprend, chez les aconits, cinq à trois et, chez les Delphinium , trois à un carpelles libres (fig. 5).

Le fruit des Renonculacées répond à deux types différents. Dans la sous-famille des Renonculoïdées (anémones, renoncules, etc.) le gynécée est acyclique et les méricarpes, contenant une seule graine (un ovule dans chaque pistil), sont indéhiscents. Dans la sous-famille des Helléboroïdées (hellébores, ancolies, aconits, pieds-d’alouette, etc.), le gynécée est cyclique, et les méricarpes verticillés, contenant plusieurs graines, s’ouvrent par une fente correspondant à la suture de la feuille carpellaire; chez quelques Helléboroïdées exceptionnelles, les méricarpes, plus ou moins concrescents, forment un fruit capsulaire (nigelles); ou bien le pistil unicarpellé devient une baie (Actaea ).

La graine contient sans exception un minuscule embryon dans un abondant albumen.

L’intérêt porté aux Renonculacées dépend d’une part de leurs fleurs, d’autre part de leur toxicité. Chez beaucoup de Renonculacées, les fleurs sont brillamment colorées: l’horticulture a créé de nombreuses races ornementales de clématites, d’anémones, de renoncules, d’hellébores (rose de Noël), de pieds-d’alouette, convenant au commerce de la fleur coupée ou à la décoration des jardins. La plupart des Renonculacées sont vénéneuses en raison des substances qu’elles élaborent: alcaloïdes des aconits, hétérosides des adonis, principes âcres et vésicants des renoncules et des anémones, etc.

Les Berbéridacées

Comprenant quatorze genres et environ six cent cinquante espèces, les Berbéridacées, plantes de l’hémisphère Nord, sont beaucoup moins variées que les Renonculacées. Herbes vivaces et arbrisseaux à feuilles simples, lobées ou composées-pennées (Mahonia ), leurs fleurs sont invariablement actinomorphes, avec un périanthe trimère ou dimère comprenant deux à douze verticilles (généralement quatre) de pièces pétaloïdes; dans la grande majorité de la famille, les pièces pétaloïdes des deux verticilles internes sont de nature staminodiale et nectarifère, sans éperon, comme chez les renoncules, ou en forme d’éperon, comme chez les pieds-d’alouette. L’androcée comprend deux verticilles trimères ou dimères et chaque anthère s’ouvre, comme chez les Lauracées, par un pore muni d’un volet: caractère distinctif qui suffit, malgré les ressemblances, à exclure toute confusion entre les Berbéridacées et les Renonculacées. Le gynécée est réduit à un pistil solitaire, uniloculaire, uni- ou pluri-ovulé, surmonté d’un plateau stigmatique. Le fruit est une baie contenant une ou plusieurs graines exalbuminées (fig. 6).

Presque toute la famille est constituée par deux grands genres, très proches parents: Berberis (500 espèces à feuilles simples et entières, surtout de l’Ancien Monde) et Mahonia (110 espèces à feuilles composées pennées surtout d’Extrême-Orient et d’Amérique du Nord). Quelques Berberis ou Mahonia sont ornementaux. On connaît, d’autre part, l’importance de certains Berberis , en particulier celle de l’épine-vinette, comme hôtes intermédiaires de la rouille du blé (cf. PARASITISME, PHYTOPATHOLOGIE).

Les Berbéridacées sont nettement plus spécialisées que les Renonculacées; mais, telles qu’on peut les estimer d’après les architectures florales, les affinités entre les deux familles sont évidentes; elles apparaissent encore plus nettement si l’on tient compte du critère chimique: les Berbéridacées produisent aussi des substances âcres et vésicantes, ainsi que des alcaloïdes isoquinoléiques, parmi lesquels la berbérine, élaborée par certaines Renonculacées.

Les Ménispermacées

Très répandues dans les milieux tropicaux (certaines espèces s’aventurent jusqu’au Japon et au Canada), les Ménispermacées rassemblent soixante-cinq genres et quatre cent vingt-cinq espèces, en majorité de grêles lianes (dont certaines épaississent leur tige par des mécanismes de croissance anormaux) mais aussi de tout petits arbrisseaux. Aucune n’est arborescente. Les feuilles, alternes, sans stipules, sont simples, avec un limbe entier ou pelté.

Les fleurs, disposées en grandes inflorescences diffuses ou en petits glomérules denses, sont minuscules et manifestent de très fortes tendances à la réduction, exprimées d’abord par le fait qu’elles sont invariablement unisexuées. Dans les genres où les fleurs sont les moins réduites, le périanthe, toujours discret, vert, verdâtre ou jaune, est formé de trois, quatre, cinq verticilles dimères ou trimères (comme chez les Berbéridacées), identiques ou bien différents, soit par des caractères dimensionnels, soit parce que les pièces formant certains verticilles sont concrescentes. Les pièces des deux verticilles internes réalisent souvent, autour des étamines, une couronne de pétales nectarifères, évidemment staminodiaux: l’indécision constatée, dans les modes de différenciation du périanthe chez les Renonculacées, existe aussi chez les Ménispermacées. Dans les fleurs femelles des Cissampelos , le périanthe est réduit à deux pièces dorsales superposées (un pétale et un sépale): la fleur est zygomorphe (caractère exceptionnel). L’androcée comprend un, deux ou trois verticilles de trois étamines chacun. Dans beaucoup de genres, ces étamines sont libres; dans d’autres genres, les filets sont soudés à la base; ou bien, enfin, toutes les étamines sont entièrement concrescentes en un synandre, comme chez les Myristicacées (fig. 7). Le gynécée est constitué par trois, six, neuf petits pistils libres, ou par un pistil unique; chacun comprend un ovaire uniovulé surmonté d’un style plus ou moins long. Après la fécondation, chaque pistil devient une drupe à noyau très incurvé, lisse ou couvert d’aspérites de formes très variées. La graine est albuminée (albumen massif ou ruminé) ou exalbuminée. La classification des Ménispermacées est, dans ses grandes lignes, fondée sur les caractères de la graine (albumen massif et ruminé; absence d’albumen; forme des cotylédons), du noyau et du fruit.

Les Ménispermacées sont, de toutes les Angiospermes, une des familles les plus riches en alcaloïdes, de la série benzylhydro-isoquinoléine pour la plupart; chaque espèce contient ainsi son cortège caractéristique d’alcaloïdes, dont certains (berbérine, coclaurine, etc.) sont communs avec d’autres familles ranaliennes (Lauracées, Renonculacées, Berbéridacées, etc.). Les Ménispermacées sont, en général, très toxiques. Aucune n’est une drogue d’importance majeure; mais beaucoup sont utilisées, par les guérisseurs, dans les régions tropicales. Le noyau d’Anamirta cocculus (« coque du Levant », originaire d’Asie tropicale) est couramment employé, dans la pêche sauvage, pour engourdir les poissons, qu’il est ainsi très aisé de recueillir: le procédé n’est pas sans danger pour la consommation si le poisson n’est pas immédiatement vidé.

3. Importance phylétique

Toutes les tactiques de l’évolution florale chez les Angiospermes (simplifications, réductions, concrescences, passage de l’arrangement acyclique à l’arrangement cyclique, de la symétrie rayonnée à la symétrie bilatérale, de la fleur solitaire aux petites fleurs groupées en inflorescences et de la présence à l’absence de l’albument, etc.) sont affirmées ou au moins esquissées dans ce grand ensemble où les transitions sont perceptibles entre caractères primitifs et caractères évolués.

Chez les composants de ces trois ordres, l’apocarpie (apo- est pris ici dans l’acception de « sans »: à partir d’un gynécée dont les éléments ne sont pas concrescents, la fleur ne peut produire que des méricarpes) est très générale: Apocarpales est synonyme de Polycarpiques et de Ranales; cependant la syncarpie (syn-, « avec ») est atteinte dans certains genres; la sympétalie (pétales soudés) et la zygomorphie (symétrie de la fleur par rapport à un plan) sont exceptionnelles, mais réalisées dans quelques genres. Les tendances évolutives des fleurs sont ainsi ébauchées et les ordres plus évolués se spécialiseront de plus en plus étroitement suivant l’une ou l’autre de ces tendances. C’est pourquoi l’on admet que le « complexe ranalien » représente le stock angiospermien primitif, à partir duquel les autres ordres se sont différenciés. À cet égard, Nymphéales, Magnoliales et Ranunculales, qui rassemblent de très nombreuses familles dont chacune est numériquement peu importante, ont une physionomie exactement inverse de celle des Orchidacées, famille géante dont le haut degré d’évolution est parfaitement marqué par l’invariable unicité du plan floral.

Encyclopédie Universelle. 2012.