PLAIN-CHANT
Le nom de plain-chant désigne l’ensemble du répertoire des mélodies de l’Église catholique romaine d’Occident pour la messe et l’office; on l’appelle aussi souvent chant grégorien. C’est le chant séculaire officiel de l’Église catholique romaine révélé par les manuscrits depuis le IXe siècle et restauré à partir de la fin du XIXe siècle.
C’est un répertoire monodique immense, en fait le plus riche répertoire religieux de toute l’histoire; son inspiration spirituelle, tant dans la pensée que dans le sentiment, lui a conféré un niveau esthétique élevé. Cette inspiration fit créer des formes nouvelles et nous sommes là aux sources de l’histoire de la musique en Occident. L’influence en fut considérable, qu’il s’agisse de l’évolution des formes, de la notation, du génie mélodique, de la polyphonie ou du drame. C’est aussi une réussite, sans doute unique en Occident, de l’union toujours difficile du mot et de la mélodie. Sa magnificence, que révèle l’écoute des disques, abondants à l’heure actuelle, montre qu’il est difficile à exécuter en ses innombrables finesses et qu’il est, peut-être, aussi difficile à définir. Toutefois, les études paléographiques, sémiologiques et scientifiques continuent d’en dévoiler les secrets.
Histoire
Le vieux mot de plain-chant désigna, vers le XIIe siècle, le chant de l’Église catholique; existant depuis plusieurs siècles, il apparut alors planus par opposition à un chant nouveau où la division du temps (brèves, semi-brèves, etc.) acheminait vers une composition plus complexe, moins asservie à la rythmique propre du mot latin. On a beaucoup discuté sur l’origine de ces mélodies; le chant grégorien n’est pas, comme on l’a prétendu, l’œuvre de Grégoire le Grand, pape de 590 à 604, lequel mit en ordre le calendrier liturgique et l’ordonnance des prières, et provoqua sans doute ainsi le progrès musical et une certaine unité dans le répertoire. Il semble que ce chant, sous sa forme actuelle, ait été élaboré à partir d’un modèle plus ancien, peu après 750, entre Loire et Rhin, en milieu bénédictin et carolingien; ensuite, il l’emporta dans toute l’Europe (sauf à Milan) sur tous les répertoires régionaux antérieurs (gallican, hispanique, bénéventain...) et même sur le chant des basiliques romaines qui semble avoir été à son origine. Quoi qu’il en soit du lieu et de la date de cette origine, il apparaît, dans les premiers livres liturgiques (IXe s.), comme un tout bien constitué, homogène, avec des formes nettes (psaumes, antiennes, répons, etc.), un langage musical bien défini et bien assimilé... Combien de temps fallut-il pour créer ce langage si élaboré? Le plain-chant a, par exemple, une rythmique quasi instinctive fondée sur celle du mot latin, une syntaxe modale très précise, unique en Occident, ou encore une écriture méticuleuse qui nous dévoile toujours de nouveaux secrets expressifs. Enfin, ce chant se révèle dès l’origine comme un commentaire musical hautement contemplatif. Un ensemble relativement considérable de manuscrits permet, à partir de la fin du IXe siècle, d’étudier ce répertoire à sa source de diffusion. De nombreuses notations (les principales sont sangallienne, bénéventaine, messine, française, aquitaine et bretonne) expriment, de manières différentes, mais avec une convergence étonnante, les mêmes nuances mélodiques et rythmiques, et, fait aussi surprenant, ce sont les manuscrits les plus anciens qui donnent, et abondamment, les nuances les plus riches (fig. 1 a).
Au XIe siècle, avec l’invention des lignes ut et fa , puis de toute la portée et des clés, l’écriture de la hauteur des sons se précisa et devint d’une lecture plus facile. Ce progrès fit disparaître la finesse rythmique universelle de l’écriture primitive et, plus soucieux de solfège que de musique, le chant grégorien s’altéra. Des ordres religieux, notamment les Cisterciens et les Dominicains, se créèrent un chant propre où le grégorien est bien le fond du répertoire, mais modifié, et, souvent, avec de louables intentions de restauration ou de mise au goût du jour. Du Moyen Âge jusqu’à nos jours, en passant par la Renaissance, le besoin d’une restauration se fit toujours sentir. Les fils de Palestrina y jouèrent un rôle. On inventa alors un «plain-chant musical» (Guillaume Gabriel Nivers, 1658; Henry Du Mont). À la fin du XVIIIe siècle, la majorité des diocèses français avaient abandonné le chant grégorien pour de nouveaux répertoires, aujourd’hui oubliés. Enfin, au XIXe siècle, sous l’impulsion de dom Prosper Guéranger, les bénédictins de Solesmes (Paul Jausions, Joseph Pothier, André Mocquereau) se mirent à l’étude scientifique du fait musical grégorien. La Paléographie musicale (vingt et un volumes parus depuis 1889) mit les phototypies des manuscrits à la disposition du monde savant. Grammaires, revues, congrès, polémiques se multiplièrent; Pie X, dans un célèbre motu proprio (22 nov. 1903) déclara le chant grégorien «chant propre de l’Église romaine», et «modèle suprême de musique sacrée», et imposa à l’Église occidentale une édition nouvelle appelée vaticane (fig. 1 b), la meilleure ayant jamais existé. Les études pour restaurer ce chant, l’analyser, le mieux chanter se firent de plus en plus scientifiques; Solesmes continua d’y jouer son rôle primordial par ses publications (Antiphonaire monastique , 1934), mais surtout par l’exemple du chœur de ses moines.
Esthétique et caractères musicaux
On donne habituellement à l’originalité du chant grégorien les caractères suivants: le diatonisme, de modalité antique, sans chromatisme véritable, ni sensible (émotivité moindre); l’indivisibilité du temps premier (rythmique calme); une métrique libre qu’on appelle à tort «rythme libre», dans la succession binaire ou ternaire (il y a quelques théories «mensuralistes» dont les interprétations sont assez divergentes); l’importance de l’accentuation latine; une certaine indépendance de la rythmique vis-à-vis de l’intensité (contrairement aux habitudes de la musique occidentale, dans laquelle la métrique est liée à l’existence de temps forts et de temps faibles); l’importance relative de la mélodie et du texte montre, en une première vision, trois styles: le syllabique, le semi-orné et le mélismatique (très fleuri); le répertoire se classe en huit modes (fig. 2). Ces énoncés des grammaires usuelles sont une description extérieure du plain-chant, mais ne rendent compte ni de la composition, ni de l’histoire. En fait, cette musique, issue d’une méditation biblique, s’appuie d’abord sur une lecture rythmée. La monodie grégorienne est vraiment issue de la technique du récitatif des siècles précédents; le mot latin, en partant de son propre rythme, dans le respect et l’utilisation de la relation accent-finale, fleurit en musique. L’instinct verbal fait chanter l’accent du mot et poser sa finale sur une corde mère de la modalité future. Puis l’usage de trois cordes récitatives amène la naissance des ornements, des formules, les extensions de l’échelle au grave et à l’aigu, le développement de la neumatique, les formes diverses, enfin l’achèvement dans des «types modaux». Un type modal grégorien est un ensemble de haute rythmique, où sont utilisés, soit simultanément, soit un par un, en liberté organisée, les procédés suivants: la présence d’une ou de plusieurs cordes compositionnelles, d’esthétique définie, de dynamique propre; la présence de formules (intonation, médianes, finales) soit propres à ce type, soit plus générales, mais lui convenant; des procédés spécifiques d’expression (par exemple: usage de l’ut aigu en 1er mode, cadence inversée du 4e mode, esthétique particulière des strophae sur ut en 3e mode...); le primat apparent des développements musicaux sur la rythmique verbale.
Ainsi, l’artiste grégorien combine, en une sorte de contrepoint libre, la mélodie native du mot et les formes modales de son temps. Le respect des acteurs, des divers moments de l’action sacrée et de l’esprit du temps liturgique crée des exigences lyriques différentes; un vocabulaire, des formes musicales, et donc, peu à peu, des répertoires spécialisés (le propre, l’ordinaire, les chants du célébrant, des mélodies types, des mélodies-centons...) se créent selon le rythme de croissance de l’intelligence liturgique et de l’esthétique pastorale de l’expression.
État actuel
L’ampleur du répertoire, la variété des formes, la richesse mélodique, l’accord profond de la vie spirituelle et du style musical qui se veut à son service, tout cela souligne l’importance historique, culturelle et spirituelle du plain-chant. On s’explique que la Constitution conciliaire sur la liturgie (deuxième concile du Vatican, art. 112 et 116) le réaffirme «chant propre de la liturgie romaine, [...] de valeur inestimable, [...] digne de la première place». Or, malgré ces affirmations, ce chant a subi, dans le culte catholique, un déclin considérable. Le retour pour tout chant à la langue populaire, au message intelligible, a éloigné de la musique (que l’on estime jeu ou hédonisme?) et, à plus forte raison, du latin et d’une musique issue du latin. C’est, en fait, une rupture avec une séculaire tradition de méditation musicale. En revanche, dans les milieux scientifiques, au lieu d’un déclin, on a constaté plutôt un progrès: au-delà des polémiques, une synthèse solide s’est imposée à l’étude musicologique. Une édition critique du Graduel est en cours à Solesmes ; les théories modales (J. Claire) et une synthèse «verbale modale» rendent compte de la composition; la sémiologie (E. Cardine) amène toujours de nouvelles découvertes, celle, par exemple, primordiale, de la «coupure expressive» des neumes. La rythmoscopie (J. Jeanneteau) analyse scientifiquement l’interprétation inscrite dans les enregistrements de chant grégorien, comme cela pourrait se faire avec n’importe quelle autre mélodie. Grâce à l’électronique et à l’informatique, le signal musical est dépouillé des variations mélodiques et des paroles qui sont l’information à interpréter; seules les moindres nuances de la dynamique apparaissent sur une courbe appelée rythmogramme; on y voit la forme propre de chaque interprète, sa connaissance du détail neumatique, les relations entre l’accent et la finale, sa recherche des pôles d’intensité, la maîtrise de son propre tonus, les nuances de son agogique; en somme, le rythmogramme est une radiographie scientifique de l’interprétation. On peut ainsi comparer les interprétations et établir une carte d’identité des interprètes. Le chant grégorien fut ainsi, dès 1957, le premier sujet d’une étude scientifique aussi poussée de «l’homme dans son expression», étude rendue possible grâce à l’électronique.
Le chant grégorien est encore chanté dans de nombreux monastères; si des maîtres ont analysé sa structure et son esthétique, il faut reconnaître que l’Église catholique n’a pas encore vraiment étudié la théologie positive de sa prière chantée. Peut-être en sera-t-il du chant grégorien comme de Bach ou de Palestrina, redécouverts après un long temps d’ignorance ou de dédain.
Un problème musicologique
Parler d’une authentique redécouverte du grégorien supposerait que soient résolus nombre de problèmes musicologiques concernant les origines d’une part, les rapports esthétiques entre les styles, les formes et les interprétations d’autre part. Le grand public cultivé ignore trop que les formes du plain-chant sont multiples et que leurs dates de composition s’étendent sur plus d’un millénaire. Elles vont de la cantillation psalmodique au développement mélodique élémentaire jusqu’au bel canto de certains traits, alléluias ou antiennes mélismatiques (cf. offertoire «Ave Maria», fig. 3), en passant par les pièces de chants syllabiques et de chants neumatiques peu ornés. Les kyries mélismatiques, très ornés, ont donné naissance à une luxuriante littérature musicale de tropes (les premiers tropes datent de Notker, vers 850). Chants de solistes improvisateurs, s’accompagnant parfois d’instruments à percussion, ou chants de scholae (sauf pour quelques courts passages, ressemblant à des refrains, à la rythmique précise et régulièrement mesurée, que l’on pouvait confier aux fidèles), le grégorien est loin de constituer ce bloc à l’esthétique monolithique que d’aucuns pourraient penser, comme si un seul style de composition commandait à une interprétation obéissant à un seul principe d’exécution. Sans parler des questions d’intonation de gammes non tempérées, ni de la querelle rythmique, que de différences entre un gloria ambrosien syllabique qui égrène sur quelques notes, à l’intérieur d’un intervalle de faible ambitus, une mélodie tout entière au service des paroles, un kyrie mélismatique très lyrique et une page de Du Mont à l’esprit triomphal et affirmatif (Messe royale , Messe du sixième ton ), toutes pièces appartenant canoniquement au corpus grégorien (fig. 4)! Et encore, entre un hymne ou une séquence aux battements précis et le récitatif des lectures du diacre et du prêtre! Les chanteurs professionnels du plain-chant, au VIIe siècle, où les rencontrait-on sinon dans les monastères? Et à quelle époque l’ensemble des paroisses de la chrétienté ont-elles chanté du grégorien, et, si elles l’ont fait, quel grégorien chantaient-elles? «La plus grande faiblesse de toutes les théories élaborées consiste à vouloir appliquer un principe d’interprétation unique à un répertoire extrêmement divers» (J. Gélineau).
D’un autre point de vue, il faut rappeler que le grégorien ne s’est répandu dans les monastères carolingiens que par la volonté de romanisation de Pépin le Bref et surtout de Charlemagne. «L’organisation liturgique prenait rang d’une affaire d’État, de la plus importante des affaires d’État [...] L’unification musicale entreprise par saint Grégoire dans un but de solidarité spirituelle devenait sous l’impulsion de l’empereur un problème politique capital, car il y allait de l’unité morale d’un empire disparate qu’il fallait à tout prix agglomérer sous le signe de la catholicité» (J. Chailley). Ce but politique est au point de départ d’un vaste courant à la fois intellectuel et esthétique, qui parcourt tout le Moyen Âge. Les programmes scolaires des écoles monastiques et épiscopales, les seules de l’époque, comprenaient cinq matières d’enseignement, dont les trois premières concernaient la musique: les psaumes, le solfège, le chant, le calcul, la grammaire (cf. le quadrivium , quelques siècles plus tard). Mais on peut avancer que le peuple chrétien, ignorant le latin, n’a jamais chanté le corpus grégorien des spécialistes. Cela n’a-t-il donc pas été une erreur que d’avoir voulu le lui «imposer», à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, en prétextant une noble origine «antique»? Dans le domaine de l’architecture, il suffit de rappeler que c’est au XIXe siècle que l’on construisit du pseudo-gothique, à seule fin de faire de l’art «sacré». De l’âge d’or du plain-chant, qui se situerait immédiatement après la réforme de saint Grégoire, seul reste musicologiquement assuré ce que la tradition orale a confié à l’écrit deux siècles après, au plus tôt.
Enfin, on imagine mal, à l’époque carolingienne, une exécution musicale éthérée, en demi-teinte, à voix détimbrée et comme désincarnée, interprétation à laquelle nous ont habitués la plupart des restitutions contemporaines. «L’habitude de trouver les diverses pièces de chant dit grégorien réunies côte à côte dans notre Liber usualis , de les voir toutes notées dans la même écriture spéciale, de les interpréter selon une technique unique admise comme l’interprétation du grégorien, et les efforts eux-mêmes accomplis pour promouvoir comme un tout indivisible le grégorien, ont également contribué à estomper tout relief et à abolir toute perspective: on finit par oublier, par exemple, que le Gloria XV et le Gloria VIII – si proches dans nos livres – sont distants sans doute du double des siècles qui séparent Guillaume de Machaut de Debussy» (J. Gélineau).
Surtout depuis la fin des années soixante-dix, sont apparues, timidement d’abord, plus franchement ensuite, des interprétations du «répertoire grégorien» ainsi équivoquement défini. Celles-ci cherchent à reconstituer, de la manière la plus plausible, le caractère des pièces chantées une fois qu’est connue leur date probable de composition; c’est du point de vue rythmique essentiellement que la différence éclate par comparaison avec les interprétations entendues dans les monastères bénédictins, qui font école. Les essais du haute-contre anglais Alfred Deller ont dévoilé des pages méconnues des œuvres postérieures à l’époque de Charlemagne (ainsi des élégies pour les rois et les princes, datant du IXe-Xe s.). Konrad Ruhland (Capella antiqua de Munich), dans une approche austère, refuse radicalement l’égalitarisme rythmique qui est à la base de la conception solesmienne; et l’extrême liberté d’ornementation rapide, qui semble avoir été l’apanage des solistes les plus distingués, n’apparaît guère dans ses interprétations qui, par là, demeurent encore très traditionnelles (c’est-à-dire liées à la tradition du XIXe s. finissant). Les tentatives mensuralistes (Antoine Dechevrens, Hugo Riemann) n’ont jamais dépassé réellement le stade théorique; elles partaient de l’idée que la valeur de base était divisible proportionnellement, à l’image de ce que nous connaissons dans le solfège moderne. Celles d’un Georges Houdard (début du XXe s.), alors même qu’elles furent fortement contrariées durant sa vie, ont eu le mérite de se situer entre deux extrémismes (mensuralisme et égalitarisme); c’est à elles que pourraient se rattacher directement ou indirectement nombre d’essais contemporains (Iégor Reznikov, ensemble Venance Fortunat). Le grégorien est en train de quitter le seul espace liturgique, surtout celui de tradition monastique bénédictine, pour envahir les salles de concert, défendu par des solistes entraînés qui exploitent systématiquement le fonds inconnu du répertoire musical européen.
C’est dans le même mouvement de quête de la musique ancienne que le plainchant musical français (Guillaume Gabriel Nivers, XVIIe s.) retrouve, lui aussi, son interprétation juste; ainsi, en alternance avec les versets confiés à l’orgue (dans les Messes de Couperin, les Magnificat ou les Hymnes de Jean Titelouze...). Il serait anachronique de chanter les monodies de Henry Du Mont comme un Kyrie du temps de Charlemagne...
Le grégorien n’est pas, à proprement parler, un genre musical, mais un corpus pratique à fonction liturgique et à contenu stylistique éminemment divers. Il n’y a pas d’unité esthétique de tout ce qui est tenu canoniquement pour appartenir au plain-chant et il semble que toute restitution musicologique, qui prétendrait atteindre une vérité impossible fondée sur une origine qui relève du mythe, soit inadéquate. Cela dit, la question reste entière de savoir si les restaurations contemporaines dans les monastères, les scholae de cathédrales ou de grandes paroisses traditionnelles favorisent le recueillement et l’édification spirituelle des fidèles du XXe siècle, répondant par là même à l’une des intentions de l’art sacré en exercice.
plain-chant [ plɛ̃ʃɑ̃ ] n. m. ♦ Musique vocale rituelle, monodique, de la liturgie catholique romaine. Le plain-chant date des premiers temps de l'Église; son répertoire (hymnes, psaumes, répons...) fut codifié à l'époque de saint Ambroise (chant ambrosien, IV e s.) puis de saint Grégoire le Grand (chant romain, appelé au IX e s. grégorien). Des plains-chants.
● plain-chant, plains-chants nom masculin Terme utilisé à partir du XIIIe s. pour désigner le chant monodique d'Église sur texte liturgique, et communément admis comme équivalent de chant grégorien. ● plain-chant, plains-chants (difficultés) nom masculin Orthographe Avec un trait d'union et un a à plain (pour l'étymologie, v. plus loin plain-pied). - Plur. : des plains-chants.
plain-chant
n. m. MUS Musique liturgique vocale, monodique, en langue latine, de l'église catholique. Des plains-chants.
⇒PLAIN-CHANT, subst. masc.
A. —Chant monodique religieux, élaboré durant les premiers siècles de la chrétienté, composé à partir d'une récitation rythmée, plus ou moins ornée du texte latin, qui comprend aussi bien le chant grégorien de la messe et de l'office que les autres chants liturgiques de l'Occident. Synon. chant grégorien. Le plain-chant (...) cette forme maintenant considérée comme une forme caduque et gothique de la liturgie chrétienne (...), c'était le verbe de l'antique Église, l'âme du Moyen-Âge; c'était la prière éternelle chantée, modulée suivant les élans de l'âme, l'hymne permanente élancée depuis des siècles vers le Très-Haut. Cette mélodie traditionnelle était la seule qui, avec son puissant unisson, ses harmonies solennelles et massives, ainsi que des pierres de taille, put s'accoupler avec les vieilles basiliques et emplir les voûtes romanes dont elle semblait l'émanation et la voix même (HUYSMANS, À rebours, 1884, p.268):
• ♦ La leçon des lamentations de Jérémie, porte un caractère tout particulier; elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paroît hébraïque, car il ne ressemble point aux airs grecs du plain-chant. Le Pentateuque se chantoit à Jérusalem, comme des bucoliques, sur un mode plein et doux; les prophéties se disoient d'un ton rude et pathétique, et les psaumes avoient un mode extatique qui leur étoit particulièrement consacré.
CHATEAUBR., Génie, t.2, 1803, p.6.
— Au fig. Les arcs allongés à la byzantine; dans les pendentifs, des médaillons d'une grâce tout orientale. C'est le roman qui balbutie encore, avant de former et d'amplifier peu à peu ses admirables voix chorales, le plain-chant de l'architecture (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p.299).
B. —Ce chant dans son interprétation décadente, du XIIIe au XXes., fondée sur le principe d'égalité, de durée et d'intensité de toutes les notes entre elles. Le plain-chant (...) a toujours une mesure égale dans chacune de ses notes, laquelle est communément appelée plana ou mesure plaine (JUMILHAC, Sc. et prat. plain-chant, 1847, p.144). Comparez au lourd, informe et barbare plain-chant que vous entendez d'ordinaire les pures cantilènes grégoriennes (P. LALO, Mus., 1899, p.450).
— Au fig. Ce n'était pas assez que tant de mers, ce n'était pas assez que tant de terres eussent dispersé la course de nos ans. Sur la rive nouvelle où nous halons, charge croissante, le filet de nos routes, encore fallait-il tout ce plain-chant des neiges pour nous ravir la trace de nos pas (SAINT-JOHN PERSE, Exil, 1942, p.271).
Prononc. et Orth.:[]. Ac. 1694: plain chant; dep. 1718: plain-chant. Plur. des plains-chants. Étymol. et Hist. Av. 1492 (MOLINET, L'art de rhétorique ds Rec. d'art de seconde rhétorique, éd. E. Langlois, 244); 1847 mus. (JUMILHAC, loc. cit.). Comp. de plain et de chant. Fréq. abs. littér.:142. Bbg. LEW. 1968, p.104.
plain-chant [plɛ̃ʃɑ̃] n. m.
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♦ Mus. Musique vocale rituelle, monodique, de la liturgie catholique romaine (→ Paraphrase, cit. 1). || Le plain-chant date des premiers temps de l'Église; son répertoire (hymnes, psaumes, répons; → aussi Réclame, verset) fut codifié à l'époque de saint Ambroise (chant ambrosien, IVe siècle) puis de saint Grégoire le Grand (chant romain appelé au IXe siècle grégorien). || Renaissance du plain-chant au XXe siècle. || Modes « authentes » (authentiques) et modes plagaux du plain-chant grégorien. || Notation du plain-chant en neumes, en notation carrée (→ Losange, cit. 1). || Introduction des tropes et séquences dans le plain-chant. — Contrepoint ajouté au plain-chant, au XIIe siècle. ⇒ Déchant.
1 (…) le plain-chant nocturne, voix du moyen âge, attriste le monastère isolé de Sainte-Croix (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 117.
2 (…) du plain-chant, c'est-à-dire une mélodie recouvrant un nombre de degrés restreints de l'échelle musicale, où l'unité de temps est indivisible (à l'inverse de nos unités modernes qu'on peut décomposer en noires, croches, double-croches), ce qui donne une grande impression de calme et d'égalité. Pareille musique n'était pas accompagnée d'instruments (…)
S. Corbin, in Encycl. Pl., Hist. de la musique, t. I, p. 648.
Encyclopédie Universelle. 2012.