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PSAUMES
PSAUMES

Les Psaumes sont surtout connus en Occident comme des pièces chantées ou «psalmodiées» dans les églises et les monastères. On sait aussi qu’ils tiennent une place importante dans la liturgie de la synagogue juive. Ces morceaux rythmés de lyrique religieuse sont pris dans un recueil dit Livre des Psaumes qui se trouve en tête de la troisième partie de la Bible hébraïque, après la Loi et les Prophètes. Ce séfér tehillîm serait plus exactement traduit par «livre des louanges». Le mot psaume vient du grec: on traduisit par psalma l’hébreu mizmôr qui servait de titre propre à nombre de ces louanges. Les psaumes paraissent avoir été chantés avec accompagnement d’un instrument à cordes, lyre ou cithare.

Structure et caractéristique du psautier

Le Livre des Psaumes comprend cent cinquante morceaux répartis en cinq recueils de dimensions inégales. La numérotation varie selon qu’on suit la tradition juive, conservée à travers le Moyen Âge, ou la tradition chrétienne, laquelle dépend de la traduction grecque dite des Septante, exécutée probablement au IIe siècle avant J.-C.; c’est la première que l’on adoptera ici. Mais tel Psaume, par exemple IX-X, actuellement dédoublé, forme visiblement une unité, car chaque verset commence par une lettre différente de l’alphabet, et ces lettres se suivent d’après l’ordre alphabétique sans rupture entre IX et X. D’autres Psaumes, au contraire, ne possèdent que l’unité artificielle mais intentionnelle de pièces diverses dont les vers n’ont pas le même rythme (XIX, 2-7 et 8-15).

Il y a déjà là un indice témoignant que l’actuel Livre des Psaumes, ou psautier, n’est pas né en une fois; il est le résultat d’un long processus dépendant de la liturgie, de l’histoire et de la piété en Israël. On trouve, en dehors du psautier, certaines pièces analogues, tels les cantiques dits de Moïse, d’Anne et d’Ézéchias. Le Livre des Chroniques contient (I, XVI) un véritable psaume composé avec des éléments pris aux Psaumes CV, XCVI et CVI. Il existe aussi des collections extrabibliques non canoniques, comme les Psaumes de Salomon et les hymnes (hôdayôt ) découverts à Qumr n près de la mer Morte. On a même découvert en cet endroit un recueil du Ier siècle qui comprend des Psaumes canoniques groupés dans un ordre différent de celui de la Bible et mêlés à d’autres cantiques bibliques ou extrabibliques. Dans le psautier lui-même, on trouve parfois deux éditions légèrement différentes du même Psaume (par exemple, XIV et LIII).

Comme d’autres morceaux littéraires, inlassablement repris de génération en génération, les Psaumes ont subi la marque du temps, soit par additions, soit par usure. Le texte du psautier est un des plus difficiles de la Bible, si du moins l’on veut en rendre le détail. Tel archaïsme, vestige d’un passé prébiblique, subsiste à côté de transformations et d’adaptations notables de fond et de forme.

Nombre de Psaumes sont pourvus d’un titre, voire de titres qui peuvent devenir de véritables notices (par exemple, VII, LI, LIV). Ces titres n’étaient déjà plus compris lorsque fut effectuée la traduction grecque, et leur sens reste discuté par les spécialistes: ainsi, le «de David», qu’il vaudrait probablement mieux traduire par «à David» ou «sur David». Ces titres indiquaient parfois la collection à laquelle ils appartenaient: «à Asaph» ou «aux fils de Coré» – lévites chanteurs du Temple –, ou encore «au maître de chant» (?). D’autres sont des notations poétiques, mais plus souvent des notations musicales (flûtes, instruments à cordes, octave), indiquant même la mélodie populaire à laquelle se référer. Certains titres enfin signalent le genre de la pièce (cantique, lamentation, supplication) ou son usage liturgique (sabbat). Les psaumes se composaient souvent de strophes, séparées parfois par un mystérieux séla où les traducteurs grecs semblent avoir vu l’indication d’un intermède musical.

Les différents genres

Les pièces recueillies dans les différentes collections du livre bibliques sont extraordinairement variées. Les titres n’aident qu’exceptionnellement à discerner leurs genres, et beaucoup de psaumes relèvent à la fois d’un genre et d’un autre. La critique moderne a néanmoins beaucoup contribué à y voir plus clair (H. Gunkel).

Distinguons en premier les hymnes (IX, XXIX, XXXIII...). Ils célèbrent la divinité ou la Ville sainte. Après une introduction invitant à la louange, un développement donne les motifs de celle-ci: bonté, puissance ou autres attributs de Yahvé, le Dieu national; évocation de son action dans la nature et dans l’histoire. À travers de multiples formes (souhaits, interrogations, comparaisons, litanies...), ce développement s’achève en une conclusion: prière, vœu ou bénédiction. Un thème majeur peut apparaître: Dieu dans la création de l’univers et l’épanouissement de la vie (VIII, CIV, CXLVII), Dieu dans l’histoire d’Israël (CV), Dieu dans la protection qu’il accorde au roi «oint» (Messie). L’alléluia (littéralement, «louez Yahvé») caractérise en particulier les Psaumes de la fin du livre.

Très différente de ton et de structure, la supplication (ce sont souvent des Psaumes de pénitence) qualifie près d’une cinquantaine de pièces. Elle peut être individuelle (III, V, XIII) ou collective (XLIV, LXXX). Le célèbre Psaume LI (Miserere ) est une supplication individuelle, mais aussi collective, tant le psalmiste se sent membre de son peuple. La supplication s’ouvre par un bref appel à Dieu. Le développement qui suit s’attarde sur la description de l’état du malheureux. C’est un malade, un accusé ou un persécuté que tourmentent ses adversaires: ennemis publics ou privés, sorciers ou démons. Il reconnaît son péché ou proclame son innocence. Alors seulement prennent place les motifs qui proclament la bonté ou la puissance de Yahvé. Puis la conclusion proclame la confiance du psalmiste, qui paraît même souvent se sentir déjà exaucé. Cette dernière partie peut exister seule, comme dans les Psaumes d’action de grâces , action de grâces collective (LXVI, CXXIV) ou individuelle le plus souvent (XVIII, XXXII). L’introduction est alors de type hymnique, mais le développement est plutôt narratif.

Échos de la vie d’Israël, peuple élu pour les nations (XXII, XLV, LXXXII), les Psaumes traduisent l’action de Dieu par les institutions de salut. Il existe des Psaumes royaux, célébrant l’intronisation (II, CX), le mariage (XLV), le départ en campagne (XX), la bataille (XVIII), le retour victorieux (XXI), le gouvernement (LXXII, CI), voire la défaite (LXXXIX) du roi «oint». À la chute de la monarchie, ces Psaumes traduiront l’espérance dans l’élection du fils de David et deviendront proprement messianiques. D’autres Psaumes reflètent différents aspects de la doctrine des prophètes: ils fustigent les défaillances de l’homme (I, XCIV) et insistent davantage sur la royauté cosmique du Dieu créateur (XLVII, XCIII, XCVI). D’autres encore sont plus légaux que prophétiques et célèbrent les bienfaits de la loi de Yahvé (I, XIX, CXIX), ou bien sont plutôt sapientiaux. Dans ce dernier cas, ils sont l’écho des réflexions des sages sur la rétribution des actions humaines (XXXVII, XLIX, LXXIII), et l’auteur s’y interroge sur le bonheur des méchants sans guère envisager la vie après la mort. Dans l’allégresse du retour d’exil, les Psaumes des montées (ou des degrés) célèbrent la joie de la présence de Dieu dans son temple. Enfin, des Psaumes mixtes entrelacent tous ces thèmes; et certains commentateurs se demandent si tous les Psaumes ne sont pas plus ou moins mixtes, Israël ayant refaçonné les genres primitifs pour exprimer la richesse de son expérience humaine et religieuse.

L’histoire des Psaumes

La Bible n’a pas inventé le genre psalmique, ni les hymnes, ni les supplications. Depuis le déchiffrement des cunéiformes mésopotamiens, on a découvert une belle série d’hymnes aux dieux et aux temples ainsi que de lamentations, d’incantations magiques et de prières; ces pièces sont, elles aussi, pourvues de titres (sagidda... ). L’Égypte possède également une riche collection d’hymnes adressés soit aux dieux (hymne à Aton, du XIVe s. av. J.-C., qui n’est pas sans parenté avec le Ps. CIV), soit aux rois divinisés; elle connaît, par ailleurs, des prières de pénitence où s’exhale une réelle piété (reconnaissance pour une guérison après un péché). On trouve enfin une semblable lyrique chez les Hittites d’Asie Mineure (XVIIIe s.-XIIIe s.) et chez les Cananéens (hymne à la déesse Nikkal).

Cette redécouverte des littératures du Proche-Orient ancien a mis en évidence les rapports qui existent entre les Psaumes et le culte: culte privé de l’exorciste près du malade, ou culte public dans les grandes fêtes saisonnières ou nationales. Il y avait déjà une lyrique en Israël avant David (cantique de Débora), mais c’est ce roi qui, vers 1000 avant J.-C., établit le culte national près de l’arche de l’alliance installée dans Jérusalem, la nouvelle capitale. C’est à lui que la tradition juive rapporte la psalmique et Amos (VI, 5, vers 750 av. J.-C.) lui attribue l’invention d’instruments de musique dont l’accompagnement paraît distinguer le psaume du simple cantique. Cette psalmique s’épanouit dans le culte du Temple, spécialement lors des grandes fêtes royales avec procession (CXVIII), plus ou moins analogues à la grande fête mésopotamienne du premier de l’an (S. Mowinckel). Les spécialistes discutent sur la nature de ces fêtes: intronisation de Yahvé, fête de l’alliance ou, plus probablement, fête royale d’automne. Sous l’influence du mouvement deutéronomique (VIIe s.) qui centralise le culte de la sainte Sion, «lieu choisi par Yahvé pour y faire habiter son nom», les supplications individuelles rejoignirent «en présence de Dieu» les grands hymnes liturgiques.

La chute de Jérusalem, puis la reconstruction du Temple sous l’influence des rapatriés et du sacerdoce aaronide accentuèrent le mouvement. On reprit les vieilles collections royales davidiques, quitte à les «relire» en fonction de l’apport des Prophètes. Suivirent des collections dues aux grandes familles de chantres. On aboutit, probablement vers les Ve ou IVe siècles, à la fixation du psautier biblique actuel, qui devient alors à la fois la collection liturgique utilisée dans le second Temple et le livre de méditation des sages. Les Psaumes sont l’expression liturgique et orante de tous les courants qui traversent la Bible.

Psaumes
(livre des) livre biblique comprenant 150 psaumes écrits entre le Xe s. (certains sont attribués à David) et le IVe s. av. J.-C. (restauration du Temple). Le christianisme a adopté la plupart comme prières.

Encyclopédie Universelle. 2012.