tripe [ trip ] n. f.
• 1260; esp. tripa ou it. trippa
1 ♦ Au plur. Boyaux d'un animal, et spécialt Boyaux (et estomacs) de ruminants préparés pour être consommés. ⇒ gras-double, région. tripous. Tripes à la mode de Caen, à la lyonnaise.
2 ♦ Par anal. Intérieur d'un cigare, constitué de quelques feuilles roulées (⇒ poupée). La cape et la tripe.
3 ♦ Par ext., Au plur. Fam. Intestin de l'homme; ventre. Rendre tripes et boyaux. « je te mettrai les tripes à l'air et je te couperai les oreilles » (Aragon).
♢ Entrailles. Prendre, saisir aux tripes : émouvoir vivement. ⇒ bouleverser, empoigner. « c'est le mal du pays qui me saisit aux tripes » (Queneau). Acteur qui joue avec ses tripes, avec ce qu'il a de plus profond. Ça (me) ferait mal aux tripes. ⇒ cœur, ventre. Avoir des tripes, du courage. — Au sing. « Je vous l'accorde, il [de Gaulle] n'a pas ce qui s'appelle la tripe laïque » (F. Mauriac).
⊗ HOM. Trip.
● tripe nom féminin (italien trippa, intestins) Boyau d'un animal (surtout pluriel). Mets constitué par l'estomac et les entrailles d'animaux de boucherie, diversement accommodés (surtout pluriel). Familier. Intestin humain : Avoir la tripe malade. Familier. Le plus profond de soi, ce qu'on a de plus authentique en soi (dans le domaine des sentiments) [souvent au pluriel] : Se battre avec ses tripes. Avoir la tripe républicaine. Partie intérieure d'un cigare. ● tripe (expressions) nom féminin (italien trippa, intestins) Peau en tripe, peau préparée pour le tannage par le travail de rivière. Tripes à la mode de Caen, tripes de bœuf préparées au cidre ou au calvados. ● tripe (homonymes) nom féminin (italien trippa, intestins) trip nom masculin
tripe
n. f.
d1./d (Plur.) Boyaux d'un animal.
|| Spécial. Estomac des ruminants préparé et cuisiné. Un plat de tripes.
d2./d Par ext. Fam. Entrailles de l'homme.
|| Loc. fig. ça vous prend aux tripes: c'est très émouvant.
|| Loc. fig. Avoir la tripe républicaine: être viscéralement républicain.
I.
⇒TRIPE1, subst. fém.
A. — Gén. au plur.
1. Intestin des animaux. Synon. boyau, viscère. Elle ne veut pas me donner la perdrix tuée. Si je tente de la lui prendre, elle serre plus fort, et les tripes sortent (RENARD, Journal, 1902, p. 782). [La mouche] éclate, ses petites tripes blanches sortent de son ventre; je l'ai débarrassée de l'existence (SARTRE, Nausée, 1938, p. 134).
— P. anal. La contre-maître rangea les chaises jetées au hasard, sur le flanc, sur le dos, les jambes en l'air, leurs tripes de paille blonde se dressant en tire-bouchon ou fuyant en mèches par le trou du ventre (HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 14).
2. ART CULIN. Parties comestibles des viscères de certains animaux de boucherie (intestin, estomac) préparées et accommodées en cuisine de diverses manières. Tripes fumées; tripes de bœuf, de mouton, de porc; tripes à la lyonnaise, à l'anglaise, à la mode de Saint-Denis; assiette de tripes; acheter, adorer, aimer, vendre les/des tripes. Il y avait là-dedans un grouillement du tonnerre de Dieu, du monde à toutes les tables, du monde au milieu, du monde en l'air, un vrai tas de charcuterie; oui, ceux qui aimaient les tripes à la mode de Caen, pouvaient se régaler (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 738).
— P. anal. Œufs à la tripe/en tripe. Préparation à base d'oignons frits dans du beurre, à laquelle on ajoute de la farine et de la crème, et que l'on verse sur des œufs cuits durs et coupés en rondelles (d'apr. Gdes heures cuis. fr., J. Gouffé, 1877, p. 183 et Ac. Gastr. 1962).
3. P. anal., pop., fam. Intestin, entrailles de l'homme et, plus gén., ventre. Tripes humaines; se remplir les tripes. Et ne bouge pas, ne fais pas le malin, ou je te lâche l'autre coup dans les tripes! (ZOLA, Terre, 1887, p. 326). Ça bourre, ces machins-là, ça colle les tripes (ARNOUX, Roi, 1956, p. 56).
— Locutions
♦ Les tripes à l'air. Le ventre ouvert. Sur des prophéties de massacres, sur une sanglante évocation de crânes fracassés et de tripes à l'air, il est parti se coucher (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 121). Mettre (à qqn) les tripes à l'air, au soleil. Éventrer, tuer. La rage décuple mes forces. Je vais vous mettre les tripes au soleil (ACHARD, Voulez-vous jouer, 1924, I, 3, p. 59).
♦ Rendre, vomir tripes et boyaux. V. boyau I B 2 a.
♦ Se vider les tripes. Déféquer. La perspective d'avoir à se vider les tripes en compagnie tumultueuse paraissait les libérer et les réjouir intimement (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 245).
♦ Se secouer la tripe. Éclater de rire. Synon. se tordre les boyaux (v. boyau I B 2 a). Il se marrait un bon coup, il s'en secouait fort toute la tripe, il se tapait les cuisses violemment (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 410).
— Empl. exclam. ou interj. Par les tripes de, tripes de, mille tripes de; mille millions de tripes; mille pétards de tripes. Par les tripes du pape! je le sais (GAUTIER, Jeunes-Fr., 1833, p. 183). Mais mille tripes d'bédoins [sic], c'est pas d'ça qu'il est question (G. FRISON, Les Aventures du colonel Ronchonot, 1885, p. 499 ds QUEM. DDL t. 17).
— P. méton.
♦ Parfois péj. [Pour désigner une pers.] Ils commençaient à bien me faire chier... J'y ai dit alors à cette fausse tripe...: « Bon! Bon! Ça va! Ça va! Madame! (...) » (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 634). Elle est un peu emmerdante, la patronne, mais c'est une bonne tripe de femme et elle a du cœur (L. DAUDET, Ariane, 1936, p. 21).
♦ Au plur. Corps humain. C'est le même [mépris] que devait avoir pour mes humbles tripes notre général Céladon des Entrayes (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 47).
♦ [En interj. amicale] Entre donc, vieille tripe! C'est mon tour, tu payes assez souvent (ZOLA, Terre, 1887, p. 227). [En interj. injurieuse] Bon Dieu, fais attention où c'que tu poses tes ribouis maudits, peau d'tripe, bête noire! (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 109).
B. — P. anal.
1. BOT. Tripe de roches. Lichen qui pousse généralement dans les régions arctiques. Nous mangions des mousses appelées tripes de roches, des écorces sucrées de bouleau, et des pommes de mai (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 208).
2. PEAUSSERIE
a) Peau en tripe. ,,Se dit de peaux traitées dont le côté chair est seul utilisé pour le chamoisage`` (PEYROUX, Techn. Métiers 1985). La peau parfaitement propre qui sort de l'ébourrage, de l'écharnage et éventuellement du façonnage, est dénommée peau en tripe (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 45).
b) Cuir en tripe. ,,Cuir vert humide en cours de travail`` (PEYROUX, loc. cit.). Pour le box-calf, il suffit, pour 100 kilos de cuir en tripe, d'une solution contenant seulement 150 grammes de quinone [composé organique] (BÉRARD, GOBILLIARD, Cuirs et peaux, 1947, p. 96).
3. TABAC, gén. au plur. Feuilles formant l'intérieur d'un cigare. Les feuilles entières ou des demi-feuilles écotées sont (..) enveloppées dans une sous-cape qui maintient les tripes en place (Tabac 1982).
C. — Au fig., fam.
1. Ce qu'il y a de plus profond, de plus authentique chez une personne. Ce cri, jailli de la tripe et de l'instinct, des centaines de milliers de gorges l'ont poussé tout au long des jours (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 137).
♦ Avoir de la tripe. Avoir du courage, une certaine force morale. J'estime les révolutionnaires comme lui, qui ont de la tripe et de la naïveté vraies (MAGNANE, Bête à concours, 1941, p. 434).
♦ Jouer avec ses tripes. Pierre Mondy, extraordinaire, jouant littéralement avec ses tripes (Le Nouvel Observateur, 12 mai 1969, p. 55, col. 1).
— Loc. Remuer, retourner les tripes; prendre aux tripes. Émouvoir, bouleverser profondément. Notre cher fantôme de Laïus? Et c'est ça qui te retourne les tripes? Par exemple! (COCTEAU, Mach. infern., 1934, I, p. 29). Il chantait à la Boîte à Dix Sous, un ténor c'était et qui poussait la romance à vous en remuer les tripes (QUENEAU, Pierrot, 1942, p. 95). Les primitifs, eux, localisent l'« âme » ou la pensée parfois dans le cœur, et même plus primitivement encore dans le ventre. C'est qu'ils n'accèdent à la conscience que par ce qui les « prend aux tripes » (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 279).
2. Avoir la tripe + adj. Synon. de fibre (v. ce mot A). Avoir la tripe radicale, républicaine. À l'accent misérable de cette petite voix, M. Ancelot sentit un mouvement de sa tripe paternelle (AYMÉ, Travelingue, 1941, p. 150). J'ai la tripe nationale, je suis un peu râpé, mais je suis encore prêt à me faire démolir demain pour mon pays (Le Monde, 20 nov. 1975, p. 7, col. 3).
REM. Tripous, tripoux, subst. masc. plur., art culin., région. (Auvergne). Tripes cuisinées à la mode auvergnate avec du lard et des épices, accompagnées de fraise de veau et de pieds de mouton. Une terrine de tripous. Le voyageur roule (...) des rillons au tripoux, du cassoulet à la brandade (L'Express, 25 juill. 1966, p. 44, col. 1). Ce n'est pas (...) par « sens de l'économie et du rationnel » que l'Auvergnat aime les tripous, le Normand les tripes, le Marseillais les pieds-paquets, le Lyonnais le gras-double (Le Monde loisirs, 2 juin 1984, p. 2).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Ac. 1694: tripes. Étymol. et Hist. 1. 1260 « boyau d'animal » suif de tripes (ÉTIENNE BOILEAU, Métiers, 163 ds T.-L.); 2. ca 1280 tripes de porc et de mouton constituant des mets (Bataille de Karesme et de Charnage, éd. G. Lozinski, 249); 3. 1534 « intestin de l'homme » (RABELAIS, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, XXV, 124, p. 173); 1552 « ventre » (ID., Quart livre, éd. R. Marichal, LVII, 86, p. 234: Et tout pour la trippe); 4. 1934 loc. fig. (COCTEAU, loc. cit.). Orig. obsc.; 2 étymons avancés (ar. therb « pli de la panne »; lat. exstirpare) ne conviennent pas. Peut-être d'un lat. vulg. trippa, d'orig. expr., d'où proviendraient également l'ital. trippa, l'esp., le cat., le port. tripa (FEW t. 13, 2, p. 300b). Fréq. abs. littér.:160.
DÉR. Tripée, subst. fém., pop., fam. a) Synon. de tripaille. C'est encore cette malpropre d'Adèle. Elle a jeté une tripée de lapin par la fenêtre (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 9). b) Grande quantité de. Synon. ribambelle, tripotée. [Il allait] s'y aplatir [sur le récif] comme une tripée de goémons fouettée par le flot (RICHEPIN, Truandailles, 1891, p. 236). — []. — 1re attest. 1794 (Encyclop. méthod., Dict. toutes espèces de chasses, Paris, Agasse d'apr. FEW t. 13, 2, p. 299b [le mot n'a pu y être trouvé]); de tripe1, suff. -ée.
BBG. — QUEM. DDL t. 17, 21, 38.
II.
⇒TRIPE2, subst. fém.
Étoffe de velours dont l'endroit était de laine et le fond de chanvre et qui servait principalement de tissu d'ameublement. Synon. panne1. Tripe de velours. Dès cette époque [XVe s.] la tripe, étoffe extrêmement résistante et ne craignant ni la fatigue ni l'usure, était employée pour les sièges (HAVARD 1890).
— En partic. Ornement en usage aux XIVe et XVe s., ,,qui consistait en lambels compliqués et découpés, en fronces et replis imitant la fraise de veau`` (LELOIR 1961). Les miniatures se sont animées sous mes yeux et j'y ai vu revivre les seigneurs, dans la magnificence absurde des « étoffes à tripes » (A. FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. LXXVIII).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1694-1878. Étymol. et Hist. 1241 tripe (Compte ds Bibl. Éc. Chartes, t. 4, 1852-53, p. 34); 1394 velviau en trippe a hault poil (Arch. nat. KK 24, fol. 28 v° ds GAY). Orig. incertaine: le m. néerl. trippe serait un empr. au fr. (FEW t. 21, 1, p. 553a).
1. tripe [tʀip] n. f.
ÉTYM. 1280; esp. tripa (ou ital. trippa), arabe tārb « pli de la panne »; P. Guiraud écarte cette origine au profit de l'anc. franç. triper, treper « fouler aux pieds », du germ. trippon « sauter », les mots 1. et 2. tripe étant apparentés, par une évolution sémantique où le boyau est comparé à « un fil (…) mou et sinueux ».
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1 (Au plur.). Boyaux d'un animal, et, spécialt, boyaux (et estomacs) de ruminants préparés pour être consommés. ⇒ Gras-double, tripous. || Tripes à la mode de Caen, à la lyonnaise. || Tripes en conserve.
1 Il passa au carreau de la triperie, parmi les têtes et les pieds de veau blafards, les tripes proprement roulées en paquets dans des boîtes, les cervelles rangées délicatement sur des paniers plats, les foies saignants, les rognons violâtres.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, I, p. 48.
2 (1867). Par anal. (au sing.). Intérieur d'un cigare.
3 Fam. Intestin de l'homme, ventre. || Avoir mal aux tripes. — ☑ Loc. (1640). Rendre tripes et boyaux. ⇒ Vomir.
1.1 (…) la mer bougeait, et j'ai commencé à rendre tripes et boyaux.
S. de Beauvoir, la Force de l'âge, p. 314.
♦ ☑ « Et tout pour la trippe ! » (refrain du chap. 57 du Quart Livre de Rabelais) : toutes les activités humaines et animales tendent à satisfaire « la tripe ».
♦ ☑ Loc. Mettre les tripes (de qqn; à qqn) à l'air, au soleil, lui ouvrir le ventre.
2 (…) si tu bouges d'ici jusqu'au matin, tu m'entends, jusqu'au matin, je te mettrai les tripes à l'air et je te couperai les oreilles (…)
Aragon, la Semaine sainte, X.
4 (1534, Rabelais). Fig. (au sing. et au plur.). Les entrailles.
3 Il fallait avoir le cœur bien accroché, et peut-être la tête un peu folle, pour résister à ces rumeurs, mais contre ma raison même, mon sang, mes tripes me disaient que tout n'était pas fini.
R. Dorgelès, la Drôle de guerre, XXIII.
♦ ☑ Loc. Prendre, saisir aux tripes, remuer les tripes : émouvoir vivement.
4 (Dans le roi Lear) rien qui ne soit voulu, arbitraire, forcé, et les moyens les plus épais sont mis en œuvre pour nous prendre aux tripes.
Gide, Journal, 2 déc. 1946.
4.1 (…) c'est le mal du pays qui me saisit aux tripes (…)
R. Queneau, Pierrot mon ami, éd. L. de Poche, p. 32.
♦ ☑ Acteur qui joue, chanteur qui chante avec ses tripes, avec toute sa sensibilité. — ☑ Avoir la tripe sensible : être émotif.
5 (…) l'homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible. Comme après le Déluge la terre appartiendra peut-être demain aux monstres mous.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 26 (1938).
♦ Avoir la tripe (suivi d'un adj.) : être viscéralement… — Avoir la tripe républicaine : être profondément républicain, jusqu'aux entrailles.
6 Je vous l'accorde, il (de Gaulle) n'a pas ce qui s'appelle « la tripe laïque ». Je ne l'ai pas non plus. De la place qu'il occupe, la question laïque doit lui apparaître comme un fil tendu à ras de terre, pour le faire trébucher, lui qui regarde haut et loin.
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 284.
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DÉR. et COMP. Tripaille, triperie, tripette, tripier, tripière, tripous. Étriper.
HOM. Trip, 2. tripe.
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2. tripe [tʀip] n. f.
ÉTYM. 1317; un dér. triperie est attesté dès 1275; p.-ê. de triper « fouler aux pieds », par un emploi technique analogue à la foule, de fouler « pression des pieds sur les pédales manœuvrant les lisses », triper « fouler » aurait pris le sens de « tisser en velours » (Guiraud).
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♦ Vx. Panne (1. Panne, I.) ou moquette (2. Moquette) à poils de laine et à trame de chanvre, qui servait notamment à recouvrir les meubles. || Tripe de velours.
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HOM. Trip, 1. tripe.
Encyclopédie Universelle. 2012.