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saigner

saigner [ seɲe ] v. <conjug. : 1>
sainier 1080; var. seiner, seigner; lat. sanguinare, de sanguis « sang »
I V. intr.
1Avoir un écoulement de sang; perdre du sang (en parlant du corps, d'un organe). Saigner abondamment, comme un bœuf (cf. Pisser le sang). « de rudes soldats, ceux qui avaient dormi et saigné sur tous les champs de bataille d'Europe » (Aragon). Son nez saigne ( saignement) . Blessure, coupure, plaie qui saigne. saignant. Par ext. Perdre du sang, être blessé. Loc. Saigner du nez : avoir une hémorragie nasale.
2Littér. Être le siège d'une souffrance vive. La blessure saigne encore : la douleur est encore vive. « sa plaie le faisait souffrir, mais son orgueil saignait bien davantage » (Gautier). Loc. littér. Le cœur me (lui) saigne : j'ai (il a) beaucoup de peine. Cela fait saigner le cœur, cause une grande peine.
3Impers. Ça saigne : le sang coule. — Fig. et fam. Ça va saigner : la dispute, le conflit va être très dur.
II V. tr.
1Tirer du sang à (qqn) en ouvrant une veine; faire une saignée à. Saigner un apoplectique. Saigner qqn au bras. Saigner qqn à blanc, en le rendant exsangue (cf. infra, 3o).
Saigner un hévéa : inciser le tronc pour en recueillir le latex.
2Tuer (un animal) en le privant de son sang, par égorgement. égorger. Saigner un porc, un poulet.
(1886) Vieilli Tuer avec une arme blanche. « nous chargeons; et si nous ne renversons pas ceux qui sont devant nous, ils ne nous demandent pas permission pour nous saigner; donc il faut tuer » (Balzac).
3Fig. Affaiblir, épuiser (qqn) en retirant ses ressources. « Il vous a fallu de l'argent [...] vous avez saigné vos sœurs » (Balzac). Pronom. Loc. Se saigner aux quatre veines : dépenser ou donner tout ce qu'on peut, se priver pour qqn ou pour obtenir qqch. ⇒ se sacrifier. « Toute mère du peuple veut donner, et à force de se saigner aux quatre veines, donne à ses enfants l'éducation qu'elle n'a pas eue » (Goncourt).
Loc. Saigné à blanc : épuisé, privé de ses ressources. « La victoire ne viendra que pour un monde saigné à blanc, exténué » (A. Gide) . Une économie saignée à blanc par la crise.
⊗ HOM. Saigne :ceigne (ceindre).

saigner verbe intransitif (latin sanguinare, de sanguis, -inis, sang) Laisser du sang s'échapper, perdre du sang : Le blessé saigne encore. Saigner du nez. Littéraire. Ressentir une grande douleur morale : Son cœur saignait à cette évocation.saigner (expressions) verbe intransitif (latin sanguinare, de sanguis, -inis, sang) Familier. Ça va saigner, le conflit va être très dur. Saigner comme un bœuf, abondamment. ● saigner (homonymes) verbe intransitif (latin sanguinare, de sanguis, -inis, sang)saigner verbe transitif Faire une saignée à quelqu'un. Tuer un animal en le vidant de son sang : Saigner un mouton. Familier et vieux. Tuer quelqu'un, le blesser dans une agression, une rixe au couteau. Soutirer de l'argent à quelqu'un ; le rançonner : Saigner les contribuables. Réaliser une saignée. ● saigner (homonymes) verbe transitif

saigner
v.
rI./r v. intr.
d1./d Perdre du sang. Saigner du nez. Blessure qui saigne.
d2./d Fig., litt. Son coeur saigne: il éprouve une grande douleur morale.
rII./r v. tr.
d1./d Tirer du sang à (qqn) en ouvrant une veine. Saigner un malade.
d2./d Tuer (un animal) en le vidant de son sang.
d3./d Pratiquer une saignée dans (un arbre) pour en recueillir la résine ou le latex.
d4./d Fig. épuiser en soutirant toutes les ressources. La guerre a saigné ce pays. Saigner à blanc: V. blanc (2, sens 8).
|| v. Pron. Se saigner aux quatre veines: faire tous les sacrifices possibles.

⇒SAIGNER, verbe
I. — Empl. intrans.
A. — [Le suj. désigne un être vivant, le corps, l'organe d'où se fait l'écoulement]
1. Perdre du sang. Saigner abondamment, à peine, à flots, de toutes les blessures, sous les coups; blessure, coupure, ulcération qui saigne; lésion indolore qui saigne facilement; (comprimer des varices et les) empêcher de saigner. Dans des glacières hautes comme des armoires, on choisit sa viande, son poisson, depuis la carpe rose et or jusqu'aux sterlets énormes qui saignent vermeil à travers leur chair de marbre (MORAND, Bucarest, 1935, p. 125). Si les gencives saignent facilement ceci ne doit pas contre-indiquer l'utilisation d'une brosse dure (QUILLET Méd. 1965, p. 181).
Saigner comme un bœuf (fam.). Ah çà! docteur, s'écria-t-il, nous ne sommes pas ici pour philosopher. Voilà un homme qui saigne comme un bœuf. Il s'agit d'arrêter l'hémorrhagie (ABOUT, Nez notaire, 1862, p. 63).
En partic. Saigner du nez. Avoir une hémorragie nasale. Le malade saigne du nez (...). L'ictère apparaît très tôt (...). L'évolution quoi qu'on fasse se fait rapidement vers la mort en six à huit jours (ABOUT, Nez notaire, 1862, p. 150).
2. P. métaph. [Notamment p. réf.]
a) ) [à la couleur du sang] Éclair qui saigne dans les nuées; nuit qui saigne en raison des éclairs; le crépuscule saigne; les nuages saignent au coucher du soleil; un parterre de géraniums qui saignent; la figue saigne en s'écrasant. C'est une personne blonde (...). Pas ben, ben belle de visage, et pourtant elle fait l'effet d'une image. La peau blanche comme du lait et les joues rouges à en saigner (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 237).
) [à un sang qui s'écoule ou se répand] La vigne saigne. À son tour une orange tombait, longue, lourde orange en forme d'œuf qui s'ouvrait en touchant le sol et saignait de sa chute un sang rosé (COLETTE, Gigi, 1944, p. 225).
[P. méton. du suj.] Je vois à jamais saigner la guerre au flanc De l'humanité (HUGO, Fin Satan, 1885, p. 788).
) [à la blessure dont peut provenir le saignement] Mais l'Église prétendue réformée n'est qu'un membre tranché de l'Église catholique, et l'endroit de la rupture saigne encore (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 81).
b) [au Christ saignant sur la Croix; p. méton. du suj.] Par les maux qu'il lit en ce lieu, Par la Croix qui saigne et pardonne, Par le haut pouvoir qu'il vous donne, Reine! Priez d'un humble effroi Pour tous les prisonniers du roi! (DESB.-VALM., Élégies, 1859, p. 47).
B. — Au fig.
1. Souffrir. Saigner à la pensée d'(avouer publiquement qqc.), à la vue de (qqc.); saigner de son humiliation. Quelle mère entendrait, sans que tout son cœur saigne, L'enfant que dans l'attente elle a porté neuf mois Lui demander la vie une seconde fois! (A. FRANCE, Poés., Noces, 1876, p. 198). J'ai commencé par saigner douloureusement, puis le mépris guérisseur est venu (BLOY, Journal, 1900, p. 12).
Saigner dans (son amour de). Plus je crois qu'une erreur, que même des crimes ont été commis, plus je saigne dans mon amour de l'armée (PROUST, Sodome, 1922, p. 711).
Saigner de + subst. Et je souffre, je saigne de pitié d'avoir dans ce tiroir tant de stances indigentes et ce déplorable Narcisse (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1891, p. 50).
En saigner. En souffrir énormément. Les jets partirent avec la violence de coups de feu, les cinq chaudières se vidèrent d'un souffle de tempête, sifflant dans un tel grondement de foudre, que les oreilles en saignaient (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1414).
[Le suj. est un affect] Sentir saigner l'amour (qu'on a en soi); son orgueil, sa curiosité saigne. L'amour-propre saigne plus vite mais moins longtemps que l'amour (H. BAZIN, Qui j'ose aimer, 1956, p. 52).
[Le suj. est une qualité morale] Un jour on comprendra, même en changeant de règne, Qu'aucune loi ne peut, sans que l'équité saigne, Faire expier à tous ce qu'a commis un seul (HUGO, Voix intér., 1837, p. 224). La seule note un peu gaie dans ce paysage minéral [Paris], c'était le drapeau nazi sur l'hôtel Crillon (...). Une goutte rouge se forme à chaque seconde dans les plis de l'étendard, se détache, tombe sur le macadam: la Vertu saigne (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 116).
Loc. verb. [Avec un effet de redoublement] (Souffrir) à en saigner. (Souffrir) très fort, comme d'une véritable blessure. Souffrir à en saigner, d'un bruit de vaisselle, de tasse à café, de déglutition (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1906, p. 387).
Littér. Le cœur (lui) saigne, avoir le cœur qui saigne (en secret). Être la proie d'une grande douleur. Il est (...) plus que tous ces hommes distingués et raisonneurs du premier et du second groupe doctrinaire, le sentiment patriotique proprement dit (...) qui fait qu'on souffre tout naturellement et qu'on a le cœur qui saigne à voir l'étranger fouler le sol de la patrie (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1863, p. 284):
1. Édouard Loisel fut l'ami de mon âge mûr. Je ne peux songer à lui sans que le cœur me saigne. Je lui ai fait beaucoup de mal et lui ai voué, justement à cause de cela, certaine rancune impie que j'abjure aujourd'hui dans le secret de mon âme.
DUHAMEL, Journal Salav., 1927, p. 8.
[À propos d'une insulte, d'une offense ou d'un malheur dont on conserve longtemps le souvenir] La plaie saigne encore; c'est une plaie qui saignera longtemps. Ferdinand: Louise! (...) je pourrais croire que quelque autre chose te retient ici! Louise: (...) la blessure en sera plus vive peut-être, mais saignera moins longtemps (DUMAS père, Intrigue et amour, 1847, III, 6e tabl., 1, p. 258).
2. [Le suj. (réel ou exprimé) désigne le cœur] Causer de la peine. N'y eût-il que la fraternité des armes, si l'on vient un jour à la briser, on en souffre, et (...) le cœur saigne (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 13, 1869, p. 114).
3. [Souvent en constr. factitive] Affaiblir, diminuer l'effectif. [Les généraux] songèrent à faire saigner copieusement la garde nationale, pour l'anémier. Ce fut la journée de Buzenval (BARRÈS, Scènes et doctr., t. 1, 1902, p. 31). L'immigration officielle a eu beau être réduite et l'immigration clandestine surveillée, les Juifs inondent la Palestine, s'installent, s'arment (...) bien décidés à ne plus se laisser saigner comme en 1933 (MORAND, Route Indes, 1936, p. 299).
4. Vieilli, arg. pop.
a) Faire saigner du nez. ,,Interroger`` (RIGAUD, Dict. jargon paris., 1878, p. 304). Synon. tirer les vers du nez (v. ver).
b) Saigner du nez. Avouer, manquer de courage. Il s'étoit vanté de faire une action de vigueur, mais il a saigné du nez (MICHEL (J.-F.) Expr. vic. 1807, p. 171).
II. — Empl. trans.
A. — 1. [Le compl. d'obj. désigne un être vivant] Tirer du sang à quelqu'un, à un animal en ouvrant une veine. (Faire) saigner un malade; saigner qqn au bras, à la jugulaire; saigner qqn à la jambe/de la jambe; se faire saigner; le vétérinaire a saigné le cheval malade. Envoyez donc vos filles à confesse à des gaillards d'un tempérament pareil! Moi, si j'étais le gouvernement, je voudrais qu'on saignât les prêtres une fois par mois (FLAUB., Mme Bovary, t. 1, 1857, p. 87):
2. [Lazare:] — Alors, la médecine ne sert à rien. [Le Dr Cazenove:] — À rien du tout, lorsque la machine se détraque... La quinine coupe la fièvre (...) on doit saigner un apoplectique... Et, pour le reste, c'est au petit bonheur. Il faut s'en remettre à la nature.
ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 919.
Loc. Saigner à blanc, jusqu'au blanc. V. blanc I A 1 d.
2. [Le compl. d'obj. désigne le sang ou ce qui p. anal. est un liquide nourricier] Tout le sang de tes veines, Ô préféré d'Héva, faible enfant que j'aimais, Ce sang que je t'ai pris, je le saigne à jamais! (LECONTE DE LISLE, Poèmes barb., 1878, p. 16).
♦ [Le suj. désigne l'arbre] Il disait les labours du printemps, la sève sucrée que saignent les érables (GENEVOIX, É. Charlebois, 1944, p. 135). P. métaph. Puisse le destin pousser notre épave d'amour fraternel vers des climats non contaminés par les poisons que saigne l'arbre de science et qu'il destine aux curieux qui veulent escalader ses hautes branches (COCTEAU, Poés. crit. II, 1960, p. 242).
Au fig. Il faut réchauffer la terre, et je la réchaufferai. Dieu m'a donné mandat d'éblouir et j'éblouirai, je saignerai de la lumière. Je suis un charbon ardent, le souffle de Dieu m'attise, je brûle vif (SARTRE, Diable et Bon Dieu, 1951, 2e tabl., 4, p. 141).
B. — BOUCH., CUIS. Vider un animal de son sang, le tuer. Synon. égorger. Saigner un mouton, un porc, un poulet. L'oie engraisse et s'alourdit (...). Son foie démesurément gros l'encombre (...). Enfin elle refuse de se lever. C'est le signe. On la saigne, d'un large coup de couteau qui lui fait rendre tout son sang (...). Le foie de l'oie mal saignée ne se conserve pas (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 49).
P. anal., arg., pop. Tuer, assassiner à coups de couteau. Saigner un mec:
3. Et v'là qu'on ne l'savait pas et qu'on a enfumé la niche pour nettoyer, et l'pauv' petit frère, on l'a r'trouvé après l'opération, crampsé, et tout étiré comme un boyau d'chat, au milieu de la viande des Boches qu'il avait saignés avant — et bien proprement saignés, j'peux l'dire, moi que j'suis établi boucher dans la banlieue parisienne.
BARBUSSE, Feu, 1916, p. 289.
C. — P. anal.
1. [Corresp. à saignée C 1] Pratiquer une saignée dans un arbre pour en recueillir le latex ou la résine. Saigner un hévéa, un pin. De la résine brute qui s'écoule des Conifères qu'on saigne comme les Pins des Landes (PLANTEFOL, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 384).
2. [Corresp. à saignée C 2 b; le compl. d'obj. désigne de l'eau] Tirer de l'eau (de); en faire écouler. Saigner un marais, un fossé, un ruisseau (JOSSIER 1881). V. saignement B ex. de Giono.
D. — Au fig.
1. Épuiser un pays, une nation en en soutirant les ressources. La guerre du Transvaal (...) a saigné la Grande-Bretagne et l'a assagie (CAMBON, 1904 ds Rec. textes hist., p. 239).
2. Fam. Tirer de quelqu'un une/des somme(s) considérable(s). Saigner les contribuables. Soumettre de grands seigneurs, des personnages influents, à l'impôt du dixième, c'était peut-être les faire passer au parti de Philippe V et des légitimés. Saigner la bourgeoisie, le peuple, c'était créer de l'irritation et le régent avait besoin de popularité (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 272).
[P. méton. de l'obj.] Saigner la bourse de qqn. Pignaver revenait (...) d'un tripot où les cartes avaient assez honnêtement saigné sa bourse (ARNOUX, Rossignol napol., 1937, p. 102).
III. — Empl. pronom. réfl.
A. — Pratiquer une saignée sur soi-même. Le docteur ayant tenté de lui prendre le pouls, il se fâcha de nouveau. — Laissez-moi donc tranquille! Je vous dis que je me suis saigné avec mon couteau! (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1250). Beaucoup de choses font maigrir: trop boire comme trop peu manger; et aussi manger salé, ou user de vin vieux, ou dormir avant dîner, ou trop s'employer, ou se trop saigner, ou se laisser travailler par les passions (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 191).
Constr. factitive. Les personnes sujettes à ce vomissement (...) doivent (...) se faire saigner de temps en temps (GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 356).
B. — Au fig., fam. S'épuiser en sacrifices d'argent. Se saigner pour venir en aide à (qqn). Voulant épargner à son enfant l'infériorité où le confinait son ignorance, il se saigna pour l'envoyer au collège (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p. 258).
Loc. verb. Se saigner à blanc. V. blanc ex. 14.
Se saigner aux quatre veines. Tu ne penses pas que je vais laisser mon père se saigner aux quatre veines pour me permettre de faire une carrière (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 348). Var. Se saigner aux quatre membres. Ce sont des paysans, des cabaretiers qui se sont saignés aux quatre membres pour me faire faire des études (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 204).
Prononc. et Orth.:[], [se-], (il) saigne []. Homon., formes de ceindre: (qu'il) ceigne, (que nous) ceignions, etc. (avec saigne, saignons, etc.). Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Verbe intrans. 1. ca 1100 seiner « perdre du sang » (Roland, éd. J. Bédier, 1991); 1690 saigner comme un bœuf (FUR.); 2. fin XIIIe s. loc. sanner par le nes (Lancelot, éd. A. Micha, III, 249 [XXXIV, 2]); 1591 seigner du nez (LANOUE, 291 ds LITTRÉ); d'où fig. 1538 « reculer » (MAROT, Epistres, 8 ds HUG.); 1588 « manquer de courage » (MONTAIGNE, Essais, I, 24, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 130); 3. ca 1225 p. métaph. et fig. « être le siège d'une souffrance, comme une plaie vive » (GAUTIER DE COINCI, Miracles de Nostre Dame, éd. V. F. Koenig, II, Mir 27, 190: por peu que li cuers ne li sainne). II. Verbe trans. 1. 1174-80 « tirer du sang en ouvrant une veine » (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 4167: si seinna .III. gotes de sanc); id. empl. abs. méd. « faire une saignée » (ID., ibid., 823); 1798 saigner la viande « purger du sang grossier » (Ac.); id. loc. saigner jusqu'au blanc « tirer une telle quantité de sang que le patient devienne blanc » (ibid.); 2. 1680 « tuer un animal en le vidant de son sang » (RICH. t. 2); 3. 1696 p. anal. « tuer avec un instrument tranchant » (REGNARD, Bal, sc. 14 ds DG); 4. 1690 p. métaph. « exiger, tirer de quelqu'un une somme considérable » (FUR.); 1669 empl. pronom. (MOLIÈRE, Avare, II, 5); 5. p. anal. a) 1671 saigner un fossé « pratiquer des rigoles » (POMEY); 1690 saigner une rivière (FUR.); b) 1931 « pratiquer une saignée dans un arbre » [att. indir. par le part. passé subst. saignée, en 1796] (PLANTEFOL, loc. cit.). Du lat. sanguinare « saigner, être ensanglanté », dér. de sanguis, v. sang. Fréq. abs. littér.:1 438. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 225, b) 2 904; XXe s.: a) 2 861, b) 1 790.
DÉR. 1. Saigneur, subst. masc. a) Rare. [En raison de l'homon. avec seigneur, sauf par jeu de mots ou p. dénigr.] ) Vx, fam. Médecin qui abusait de la saignée. C'est un rude saigneur, un grand saigneur (BESCH. 1845). ) Personne qui saigne. Un saigneur de porcs. C'est ainsi qu'une ou deux fois l'an chacun demande au tueur de cochon, plaisamment appelé le « saigneur du village » (Brie), de tuer, brûler au feu de paille, gratter et dépecer le goret familial (MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 1, 1954, p. 28). ) Arg. ,,Assassin qui fait crier sa victime`` (BRUANT 1901, p. 31). Saigneur à musique (BRUANT 1901, p. 31). b) Personne qui récolte le latex en saignant les arbres à caoutchouc. L'argent qu'il avait gagné en un an à faire travailler à coups de trique les saigneurs de hévéas des plantations de Malaisie (...), il l'avait toujours dépensé en moins d'une semaine (VAILLAND, 325.000 francs, 1955, pp. 181-182). []. Homon. seigneur. Ac. 1694-1878: -eur. 1res attest. a) ) déb. XIIIe s. sainneor « celui qui pratique la saignée » (Roman des Sept Sages, éd. J. Misrahi, 2763), ) 1680 « médecin qui ordonne de pratiquer la saignée » (RICH. t. 2), b) 1930 techn. (H. FAUCONNIER, Malaisie, p. 271 ds ROB. 1985); de saigner, suff. -eur2. 2. Saigneux, -euse, adj. a) Rare. Qui saigne, qui est saignant. Corps, nez saigneux; écorchures saigneuses. Cette viande [d'un animal abattu par son propriétaire], préparée par une main inexpérimentée, est mal parée: la section des os n'est pas nette et, l'animal ayant été mal saigné, il y a du sang à la coupe des vaisseaux, et la surface est tachée de sang: viande saigneuse (MACAIGNE, Précis hyg., 1911, p. 219). Bout saigneux (de mouton, de veau). Cou d'un mouton, d'un veau tel qu'on le vend à la boucherie. Deux cous suffisent pour faire une entrée, vous en coupez le bout saigneux, vous les ficelez (VIARD, Cuisin. impérial, 1814, p. 149). P. métaph. Première Érinnye: (...) Allons, mes sœurs, mes sœurs les mouches, tirons les coupables du sommeil par notre chant. Chœur des Érinnyes: Bzz, bzz, bzz, bzz. Nous nous poserons sur ton cœur pourri comme des mouches sur une tartine, cœur pourri, cœur saigneux, cœur délectable (SARTRE, Mouches, 1943, III, 1, p. 88). b) Couvert de sang. Voir l'attention de la justice attirée sur Gilbert et Robert aurait naguère encore tellement tourmenté Anne-Marie. Cependant un autre tourment l'occupait trop. Les yeux sur ces pauvres habits de Jeuselou pendus tout saigneux, elle se demandait ce qu'allait faire Gaspard (POURRAT, Les Vaill. Tour du Levant, 1931, p. 260). [], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. 1694-1878. 1res attest. a) 1538 « couvert de sang » (EST., s.v. saniosus), b) 1544 « qui saigne » (EUSTORG DE BEAULIEU, Blason du nez ds GDF. Compl.); de saigner, suff. -eux (cf. lat. saniosus « couvert de sang »). 3. Saignoir, subst. masc. Couteau à saigner les bêtes de boucherie. Djouan avait sorti son grand couteau montagnard, large à la corne comme une serpe et plus fin de fil qu'un saignoir de boucher (GIONO, Jean Le Bleu, Paris, Grasset, t. 1, 1942 [1932], p. 18). []. 1re attest. 1932 id.; de saigner, suff. -oir.
BBG. — CHAUTARD Vie étrange Argot 1931, p. 666. — GARY-PRIEUR (M.-N.). Contribution à l'ét. de qq. règles sém. Thèse, Paris, 1979, pp. 585-587. — QUEM. DDL t. 1, 5, 17.

saigner [seɲe; sɛɲe] v.
ÉTYM. XIIIe; saignier v. 1155; sainier, 1080, Chanson de Roland; var. saignier, seiner, seigner; lat. sanguinare, de sanguis « sang ».
———
I V. intr.
1 Avoir un écoulement de sang; perdre du sang (en parlant du corps, d'un organe). → Palpiter, cit. 2. || Saigner abondamment, comme un bœuf… || Son nez saigne. Saignement. || Blessure, coupure, plaie qui saigne. Saignant.Par ext. Perdre du sang, être blessé.
1 Au milieu de ces tentures rouges, de ces rideaux rouges, par terre, elle saignait beaucoup, d'un flot rouge qui ruisselait entre les seins, s'épandait sur le ventre, jusqu'à une cuisse, d'où il retombait en grosses gouttes sur le parquet.
Zola, la Bête humaine, XI.
2 (…) de rudes soldats, ceux qui avaient dormi et saigné sur tous les champs de bataille d'Europe, les vétérans de la Révolution et les survivants de la Bérézina (…)
Aragon, la Semaine sainte, p. 283.
2.1 « Vous saignez, mademoiselle », lui dit-il. Il avait à ce moment-là l'œil clair et sombre comme le ciel quand l'arc-en-ciel se lève. Elle s'était déchiré les mollets à des chardons et à des tuyaux d'épis. À un endroit ça avait saigné en raie de sang noir avec un petit point de sang rouge encore palpitant.
J. Giono, Que ma joie demeure, in Œ. roman., t. II, Pl., p. 747.
Loc. Saigner du nez : avoir une hémorragie nasale.
2 (Fin XIVe). Littér. Être le siège d'une souffrance, comme une plaie vive. || La blessure (cit. 11) saigne encore : la douleur est encore vive. || Plaie qui saigne. || Cœur qui saigne, qui souffre, est blessé (→ Il, cit. 21; parler, cit. 15; plein, cit. 17). || L'être qui saigne et qui souffre (→ Rapport, cit. 11). || Son orgueil, son amour-propre saigne. — ☑ Loc. Le cœur me (lui) saigne : j'ai (il a) une grande peine.Cela fait saigner le cœur, cause une grande peine.
3 Des combats dont mon cœur saignera plus d'un jour.
Racine, Bérénice, II, 2.
4 Le cœur est toujours jeune et peut toujours saigner.
Hugo, Hernani, III, 1.
5 Assurément sa plaie le faisait souffrir, mais son orgueil saignait bien davantage.
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, X.
Spécialt. (En terme de mystique). Se dit des plaies du cœur du Christ, image de la douleur divine causée par les péchés des hommes. || « Mon cœur qui rayonne et qui saigne » (→ Flanc, cit. 7).
3 (Impersonnel). a Ça saigne : le sang coule.
5.1 (…) car le temps nous presse; le sang coule depuis des années : « En Algérie, ça saigne… » (…)
F. Mauriac, le Nouveau Bloc-notes 1958-1960, p. 135.
b Fam. Ça va saigner : il va y avoir des coups, du sang répandu. || Si je me fâche, ça va saigner !
4 Par anal. et littér. Répandre une lueur sanglante, rouge.
6 (…) les poings menus
Où saignent les rubis d'un bracelet garance
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 25.
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II V. tr. (Seigner, fin XIe).
1 Tirer du sang à (qqn), en ouvrant une veine; faire une saignée à… (→ Contusion, cit. 1; déboucher, cit. 2; mort, cit. 10; phlébotomie, cit.). || Saigner un apoplectique. || Saigner qqn au bras.Absolt. || Saigner et purger (→ Épurer, cit. 8; grabat, cit. 4; remède, cit. 5).
7 Elle était un soir au lit; on venait de la saigner de nouveau, et il sortait encore un peu de sang de la blessure mal fermée. Elle regardait en souriant couler une larme de pourpre sur son bras aussi blanc que du marbre.
A. de Musset, Nouvelles, « Frédéric et Bernerette », IX.
Loc. (1863; saigner jusqu'au blanc, 1798). Saigner à blanc, jusqu'à ce que le patient devienne blanc, exsangue. Fig. Saigner à blanc une entreprise (→ ci-dessous, 3.).
2 (1835). Tuer (un animal) en le privant de son sang (par égorgement. Égorger, etc.). || Saigner un porc, un poulet. Absolt. || Une bouchère accoutumée à saigner (→ Choquer, cit. 9).
7.1 Auguste alla d'abord chercher dans la cour deux brocs pleins de sang de cochon. C'était lui qui saignait à l'abattoir. Il prenait le sang et l'intérieur des bêtes, laissant aux garçons d'échaudoir le soin d'apporter, l'après-midi, les porcs tout préparés dans leur voiture.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 123.
(Déb. XIXe). Tuer (avec une arme blanche). → Nettoyer, cit. 17.
8 Nous sommes en ligne, nous chargeons; et si nous ne renversons pas ceux qui sont devant nous, ils ne nous demandent pas permission pour nous saigner; donc il faut tuer pour ne pas être démoli, la conscience est tranquille.
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 396.
8.1 Mais prêts à sortir du liège pour piquer la chair des mouchards. Que l'on en découvre un… on le saigne.
J. Vallès, l'Insurgé, p. 134, in D. D. L., II, 1.
3 (1690). Par métaphore ou fig. Affaiblir, épuiser (qqn) en retirant ses ressources (argent, etc.). Égorger (fig.), pressurer, rançonner. || « Il vous a fallu de l'argent (…) vous avez saigné vos sœurs » (→ Flouer, cit. 1).Pron. (XVIe). || Se saigner.Loc. Se saigner au quatre veines (→ Œuf, cit. 13) : dépenser ou donner tout ce qu'on peut, se priver pour qqn ou pour obtenir qqch. Sacrifice.
9 (…) as-tu entretenu la mère touchant le bien qu'elle peut donner à sa fille ? Lui as-tu dit qu'il fallait (…) qu'elle fît quelque effort, qu'elle se saignât pour une occasion comme celle-ci ?
Molière, l'Avare, II, 5.
10 Toute mère du peuple veut donner, et à force de se saigner aux quatre veines, donne à ses enfants l'éducation qu'elle n'a pas eue (…)
Ed. et J. de Goncourt, Journal, janv. 1861, t. I, p. 279.
11 L'oncle de Limoges, comme par le passé, se saignait affectueusement aux quatre veines pour que son neveu devînt un grand peintre.
M. Aymé, le Passe-muraille, p. 31.
(1876). || Saigner un compte en banque : l'épuiser.
4 (1671). Pratiquer une rigole, une entaille dans (qqch.) pour faire écouler un liquide. || Saigner un fossé. || Saigner un arbre, un hévéa, des plantes à caoutchouc : pratiquer une saignée sur ces plantes (→ Déprédation, cit. 4).
5 Vx. Épuiser (un liquide). || « Saigner une inondation » (Voltaire).
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saigné, ée p. p. adj.
|| Un malade saigné, saigné à blanc.Porc saigné.
Fig. Pays saigné à blanc par la guerre, épuisé, privé de ses ressources. || Une économie saignée à blanc par la crise.
DÉR. Saignant, saignée, saignement, saigneur, saigneux, saignoir.
COMP. Saigne-nez.

Encyclopédie Universelle. 2012.