CRIMINALISTIQUE
La criminalistique est l’art et la science de découvrir, d’analyser et d’identifier les indices matériels des faits; sa méthodologie et sa technique sont essentiellement consacrées à la découverte du fait judiciaire et à l’identification de son auteur.
Pour atteindre ce but, la criminalistique fait largement appel aux techniques et aux méthodes des sciences fondamentales et appliquées: sciences naturelles, physiques, chimiques, biologiques, et, dans ce dernier domaine, la médecine légale apporte une contribution importante.
Son mode de raisonnement est différent de celui des sciences dont elle dérive, car elle s’occupe seulement de découvrir les effets d’un acte délictueux. Multidisciplinaire par essence, la criminalistique doit son développement à celui des sciences. Son champ d’action est aussi vaste que celui des problèmes qui peuvent être soulevés, tels que l’identification des personnes en matière pénale, l’identification des traces humaines susceptibles d’être examinées par les procédés de laboratoire, l’identification des traces et des taches non biologiques et des objets dans les situations d’intérêt juridico-pénal.
L’étude des indices matériels d’un crime a remplacé, comme technique de preuve, celle de l’aveu par le criminel de ses actions, aveu obtenu au cours des âges par la force et la torture, procédés faciles et expéditifs grâce auxquels l’individu soupçonné reconnaissait les faits dont il était accusé. C’est après la Révolution française que les preuves matérielles, objets et traces en rapport direct avec les faits, commencèrent à être étudiées lors des enquêtes. Le développement des sciences a permis l’exploitation de plus en plus sophistiquée de ces indices.
Ainsi, en 1882, Adolphe Bertillon appliquait les matières scientifiques au problème de l’identification en ayant d’abord recours à l’anthropologie, puis à la photographie scientifique des détenus. Au début du XXe siècle, Galton et Henry proposèrent l’étude des empreintes digitales pour l’identification des personnes. Cette méthode fut adoptée par les services de police pour la résolution des enquêtes criminelles. En 1901, l’identification biologique faisait un progrès considérable grâce à la découverte, par Landsteiner, des groupes sanguins. De plus, les avancées de la physique et de la chimie trouvaient également des applications dans le domaine de la criminalistique, notamment dans les études chimiques analytiques (analyses spectrométriques et chromatographiques) et dans les analyses morphologiques, grâce au microscope comparateur (étude des projectiles, des faux documents, des falsifications) et au microscope électronique (surtout à balayage) pour l’étude précise des tissus, des poudres et de certains micro-organismes comme les diatomées.
1. Identification biométrique des personnes
Méthode anthropométrique
La technique anthropométrique, proposée par Bertillon, consiste en une énumération méthodique, systématique et précise des éléments descriptifs et invariables des caractéristiques d’un individu qui sont portés sur une fiche signalétique. Le signalement descriptif comporte l’énumération des caractères du visage, des marques particulières et des cicatrices, ainsi que les caractères d’ensemble.
Le portrait parlé, qui constitue le premier élément de ce signalement, est une description analytique des caractères du visage et porte surtout sur la forme, la dimension, l’inclinaison et les particularités des trois parties principales du visage, c’est-à-dire le front, le nez et l’oreille. Bertillon a ainsi regroupé dans un tableau synoptique tous les traits physionomiques qui peuvent être rencontrés. Chaque trait est décrit dans sa forme, sa longueur, sa hauteur ou dans son inclinaison, puis est classé selon une échelle de notation comportant sept degrés. Aux particularités morphologiques s’ajoutent les caractères chromatiques oculaires (iris gauche), et ceux des cheveux et de la barbe.
Le portrait parlé est complété par des signes particuliers tels que cicatrices traumatiques ou chirurgicales, tatouages, déformation congénitale ou acquise. Ces caractères n’ont une valeur signalétique que s’ils sont persistants et immuables.
C’est en 1879 que ce même auteur crée l’anthropométrie, qui repose sur l’étude du morphotype des individus. Les caractères physiques invariables chez l’adulte, pris en compte par Bertillon, sont essentiellement la taille, la longueur de la tête, la largeur maximale de la tête, la longueur du médius gauche et du pied gauche, la grande envergure des bras en croix et la couleur de l’iris gauche. Cette méthode a été employée par l’identité judiciaire de nombreux pays, mais les erreurs de mesure, rendant le classement des fiches difficile, ont amnené l’abandon de cette technique au profit de méthodes plus fiables. Toutefois, l’identification de cadavres peut encore faire appel à l’expertise anthropologique.
Dactyloscopie (empreintes digitales)
La peau de la pulpe des doigts, de la paume des mains et de la plante des pieds présente de fins plissements formant des sillons et des crêtes papillaires qui dessinent des figures linéaires variées. Leur rôle est de renforcer le pouvoir agrippant des doigts. Les premières empreintes digitales connues remontent au Néolithique, en association avec des dessins de paume. On en trouve aussi sur des poteries ou des tuiles anciennes. Il semble donc que les empreintes digitales étaient connues comme élément unique représentatif de l’individu. Ainsi, aux environs de 3000 avant J.-C., la position du pouce sur une tablette d’argile mou était utilisée comme signature. Les Chinois employaient également ce principe comme méthode de reconnaissance et, aux XVe et XVIe siècles, les artistes signaient leur œuvre de la même façon.
C’est Francis Galton qui, le premier, a présenté, dans un ouvrage consacré aux empreintes digitales publié en 1892, une méthode de classification des traces papillaires fondée sur la forme des dessins digitaux. Ce système, nommé dactyloscopie, a été confirmé par Jean Vucetich et perfectionné par Edward Richard Henry, chef de la police métropolitaine de Londres, qui a démontré la validité pratique incontestable de la dactyloscopie et a permis son application courante dès 1897. Ainsi, il a préconisé comme critère d’identification le dénombrement des crêtes entre deux points remarquables du dessin digital.
Mise en évidences des empreintes digitales
La peau, qui forme les crêtes, comporte les orifices des glandes sudoripares par lesquels la sueur s’écoule dans les sillons et se mélange aux produits de desquamation de l’épiderme et au sébum (corps gras). Quand les doigts s’appliquent sur une surface lisse, ce mélange laisse une trace qui reproduit le dessin des crêtes de la peau. Cette empreinte peut être apparente, quand on peut l’apercevoir sur un support comme une plaque de verre, ou latente, quand elle ne se distingue pas du support mais peut être révélée au moyen d’un procédé chimique ou physique.
Ces empreintes se conservent pendant des années sur la plupart des supports, si ces derniers ne sont pas altérés par des agents tels que la pluie, l’humidité excessive ou le frottement avec d’autres objets.
Propriétés des dessins digitaux
Les crêtes papillaires ou dermatoglyphes formant les dessins de l’épiderme sont immuables, d’une grande variabilité et inaltérables. En effet, les dessins papillaires ne subissent aucune modification morphologique au cours de la croissance: ils sont définitivement formés dès le sixième mois de la vie intra-utérine et ne disparaissent que par la putréfaction. Ces crêtes sont d’une variété extraordinaire, et le dessin qu’elles forment, propre à chaque personne, est appelé dactylogramme. Chaque dactylogramme présente un grand nombre de caractéristiques qui sont classées en types et sous-types. Les principaux motifs sont les arcs, les boucles et les volutes. Les arcs, lignes s’étendant d’un bord à l’autre du doigt, sont rares et ne représentent que 5 p. 100 des dessins digitaux et se situent le plus souvent sur le pouce et l’index. Les boucles comportent des lignes qui partent d’un bord du doigt, puis s’incurvent au centre de la figure et reviennent près de leur point de départ; elles peuvent être orientées soit vers la droite, soit vers la gauche. Ce sont les figures les plus fréquentes (60 p. 100). Les volutes désignent les lignes du dessin central qui forment des cercles concentriques, des spirales ou encore des doubles boucles. Elles ont une fréquence moyenne estimée à 35 p. 100 et sont principalement localisées sur le pouce et l’annulaire.
De même, des motifs complémentaires sont relevés sur le dessin. On peut ainsi individualiser le cœur de l’empreinte, l’île, la petite cassure, le delta avec lignes convergentes, le delta avec lignes divergentes. La localisation et l’orientation de ces motifs, de même que les relations entre les lignes, sont à la base de l’identification des empreintes digitales.
Ces dessins permettent également la reconnaissance automatique des images d’empreintes digitales. De deux cents à cinq cents détails constituent l’image d’une empreinte. Cette empreinte est unique pour chaque individu; seuls les vrais jumeaux ou jumeaux univitellins peuvent présenter des dessins papillaires possédant jusqu’à trente coïncidences.
Le classement des empreintes porte soit sur les dix doigts, et est alors appelé décadactylaire, soit sur un seul doigt, et est alors nommé monodactylaire.
L’informatisation des fichiers
La gestion manuelle des fichiers monodactylaires et décadactylaires a été remplacée par le traitement automatisé des empreintes digitales, qui fait tout d’abord appel au relevé de ces empreintes par encrage, puis à l’établissement de la formule digitale. La reconnaissance des images d’empreintes nécessite des traitements complexes, ainsi que l’utilisation d’algorithmes dont la mise en œuvre est facilitée par l’existence de bibliothèques spécialisées ou banques de données. Une fois l’empreinte saisie sur écran par caméra vidéo, elle est automatiquement classée selon le type des dessins des crêtes, la direction des arêtes de ligne et des bifurcations. La difficulté d’identification par les empreintes digitales lors d’une enquête judiciaire réside dans le fait que, le criminel ne laissant pas ses empreintes intentionnellement, les traces recueillies sont souvent partielles, imprécises et floues. La reconnaissance traditionnelle est ainsi rendue difficile, le traitement informatique permet la lecture d’images distordues, et la caractérisation se fait à partir d’images fragmentaires en utilisant des techniques de traitement d’images très sophistiquées avec des ajustements peu sensibles à des interférences de rotation ou de distorsion. Le système tient compte de la localisation de la position et de la direction de tel ou tel détail de l’image, de l’environnement du point étudié par rapport à ses proches voisins, qui détermine le nombre de lignes entre eux. Ces éléments sont alors très rapidement comparés avec ceux des fichiers de données d’images d’empreintes contenus dans la base de données.
Principalement, quatre catégories d’identification à l’aide des empreintes digitales peuvent être individualisées: l’identification d’un individu par ses empreintes digitales qui sont comparées avec celles de la base de données; l’identification d’un suspect par des empreintes digitales prélevées sur les lieux d’un crime et qui sont comparées avec celles de la base de données; la mise en cause d’un individu dans des crimes antérieurement commis; enfin, la preuve que plusieurs crimes ont été commis par un même individu non identifié.
L’informatisation des fichiers d’empreintes digitales permet une économie de temps, une meilleure précision dans les comparaisons ainsi que l’archivage sous forme de base de données d’un très grand nombre d’empreintes.
Techniques de relèvement et de révélation des empreintes digitales
Le relèvement des empreintes digitales sur un individu est réalisé par encrage des extrémités de chaque doigt, qui sont ensuite appliquées sur une fiche signalétique en imprimant au doigt un mouvement semi-circulaire d’un bord à l’autre sans retour en arrière.
Sur un cadavre, le relèvement des empreintes fait appel soit à la découpe de la zone épidermique (qui est ensuite traitée chimiquement de façon à restaurer le mieux possible les dessins des crêtes papillaires), soit à l’injection de paraffine ou de glycérine chaude dans la pulpe des doigts (pour lui rendre son galbe et permettre le relevé de l’empreinte, les tissus étant durcis après refroidissement de la paraffine).
La révélation des empreintes digitales invisibles à l’œil, appelées empreintes digitales latentes, nécessite diverses méthodes dont la plus ancienne consiste à déposer une poudre très fine (céruse, alumine, oxyde de cuivre, poudre magnétique) à l’endroit présumé de la trace à l’aide, le plus souvent, d’un pinceau. Cette poudre se fixe préférentiellement sur les restes de sébum et de transpiration laissés par les doigts sur un support, traces qui reproduisent plus ou moins complètement l’empreinte digitale. L’empreinte relevée est photographiée puis transférée sur un support en matière plastique souple (qui permet la description précise de ses caractéristiques et sa comparaison avec celles qui sont contenues dans la base de données).
Sur des documents en papier, ou de petits objets, la révélation d’empreintes latentes peut être effectuée à l’aide de la technique de métallisation sous vide – qui consiste en la vaporisation de métaux ou de métalloïdes (poudre de zinc, d’antimoine, de cuivre, de cadmium ou de mélange d’or) dans une enceinte sous vide. Les vapeurs métalliques vont se fixer sur les marques laissées par les doigts sur le support et rendre visible le dactylogramme. Plus récemment, l’utilisation du rayonnement laser à l’argon est proposée, car ce dernier provoque la luminescence de la riboflavine du sébum qui apparaît alors en bleu-vert (la longueur d’onde est voisine de 500 nm). L’empreinte latente est détectée par cette luminescence, qui peut encore être augmentée par le traitement de la surface où est supposée se trouver l’empreinte, par des chromophores tels que la rhodamine ou le chlorure de zinc.
Suivant le nombre de points de comparaison étudiés entre l’empreinte de question et l’empreinte de comparaison, la probabilité de trouver les mêmes points disposés de façon identique sur des empreintes de deux personnes différentes peut être déterminée. Ainsi, pour dix points de comparaison, cette probabilité est de une chance sur un million d’empreintes; entre quatorze et dix-sept points de comparaison, il faudrait examiner dix-sept milliards d’empreintes pour trouver deux empreintes similaires.
Identification par la voix
La production de la parole est un processus complexe dont le son qui en résulte est rapidement évolutif (de l’ordre de la milliseconde). Il est également fonction de celui qui parle (le locuteur). Les sons sont produits par les vibrations des cordes vocales, qui déterminent l’importance et la forme du flux d’air s’échappant des poumons, et ils sont amplifiés par les organes respiratoires. De nature vibratoire, les sons se caractérisent par leur fréquence (aiguë, grave, médium), leur intensité (faible ou forte) et leur tonalité, liées aux caractéristiques anatomiques de l’individu. En effet, les variations de la production de la voix sont dues à des différences anatomiques et articulatoires. Les sons qui forment la voix sont produits en utilisant un ensemble de commandes qui intéressent le système nerveux central, le système nerveux périphérique et de nombreux muscles. La voix peut donc être considérée comme un élément caractéristique d’un individu, un moyen de reconnaissance à des fins d’identification. Les sons qui forment la voix ne sont pas purs, mais contaminés par des harmoniques ou résidus d’impulsion. Traditionnellement, la description acoustique des sons de la parole est traduite dans sa représentation, en fréquence, par les sonogrammes (qui sont des enregistrements graphiques traduisant en deux dimensions les caractéristiques sonores d’une voix). Mais, depuis quelques années, l’analyse numérique des caractéristiques du signal vocal remplace les sonogrammes.
Ce traitement informatique de la voix permet une analyse statistique des paramètres vocaux; il peut tenir compte des distorsions liées à la qualité du matériel d’enregistrement, ou de la transmission si cet enregistrement est réalisé à partir du téléphone, par exemple. Il permet également de distinguer le locuteur de son imitateur, d’améliorer la qualité d’un enregistrement (en minimisant un fond sonore, par exemple), de déterminer, par l’analyse de ce fond sonore, l’endroit où a été enregistrée la voix, et, si possible, l’état psychologique du locuteur (le stress, par exemple). L’identification de la personne émettrice consiste à comparer un message vocal d’un individu avec un ensemble de messages ou de caractéristiques acoustiques obtenus chez plusieurs personnes. Il s’agit là de chercher à reconnaître ou à vérifier par son empreinte vocale l’identité du sujet qui parle.
Identification par l’étude de la vascularisation de la rétine (fond d’œil)
La rétine est la couche sensorielle de l’œil qui permet la vision. Cette zone est parcourue par des vaisseaux sanguins qui émergent au niveau de la papille optique, où l’on distingue l’artère et la veine centrale de la rétine qui se divisent elles-mêmes en artères et veines de diamètre plus faible pour vasculariser les cellules qui permettent la vision. L’identification d’un individu par l’étude de la rétine a été proposée par Simon et Goldstein dès 1935. D’après ces auteurs, la comparaison d’images photographiques a montré des différences dans la vascularisation de la rétine, différences qui pourraient permettre l’élaboration d’une nouvelle méthode pour l’identification des individus. La grande variété de configurations des vaisseaux sanguins présenterait la même diversité que les empreintes digitales. L’aspect des vaisseaux peut être modifié par l’âge ou la maladie, mais la position respective des vaisseaux reste inchangée durant toute la vie de l’individu. Les travaux de Tower (1955) ont montré une différence dans les dessins de la vascularisation rétinienne chez des jumeaux homozygotes ou univitellins. L’analyse requiert une caméra ayant l’apparence d’une paire de jumelles qui utilise une lumière infrarouge de faible intensité et effectue un balayage circulaire sur une partie de la rétine centrée sur une région située au milieu du fond d’œil alors que le sujet doit fixer une image dans le viseur binoculaire. Une évaluation expérimentale des performances de ce système a été réalisée en 1984 par l’Oregon Museum of Sciences. Cette méthode n’a pas encore été largement diffusée pour l’identification des personnes, mais peut constituer une technique complémentaire intéressante.
2. Identification des traces humaines
Groupages sanguins
Un des grands domaines de la criminalistique concerne l’identification des traces humaines; nous n’évoquerons ici que les taches de sang et de sperme. Ces traces sont retrouvées aussi bien sur les lieux des faits que sur les vêtements de la victime ou de l’agresseur, ou encore sur des objets. Devant une tache de sang, l’expert vérifie la nature de la tache. S’agit-il vraiment de sang, par exemple? Il doit ensuite s’assurer de l’origine humaine du prélèvement biologique et, enfin, essayer d’identifier l’individu dont provient le sang.
La nature de la tache relevée est étudiée au moyen de réactions chimiques soit de présomption (fondée sur les propriétés pseudopéroxydasiques du sang), soit de certitude (réactions microspectroscopiques et microspectrométriques).
La détermination de l’origine humaine ou animale des traces est réalisée par des méthodes immunologiques – soit par la méthode de sérums précipitants (en tube, sur gélose, par électrophorèse), soit par la réaction de Coombs (réaction directe ou indirecte). L’identification proprement dite de la tache, qui pourra alors être rapportée à un individu, est l’étape la plus importante. Cette recherche des caractéristiques individuelles du sang nécessite la détermination des groupes sanguins, qui comprennent les groupes érythrocytaires (ABO et Rh), les systèmes Lewis et MNSs, les groupes sériques Gm et Km, les groupes enzymatiques (phosphoglucomutase, estérase, 6-phospho-gluconate-déhydrogénase, adénosine-désaminase, adénylate-kinase, phosphatase-acide érythrocytaire), les groupes tissulaires caractérisés par le système HLA (Human Leucocyte Antigen).
L’étude de ces caractéristiques permet l’exclusion d’un sujet, mais rarement son incrimination. Les protéines, support de ces caractères, sont recherchées par leurs propriétés antigéniques et peuvent être détruites après un délai allant de quelques semaines à quelques années. Le support de la tache est un élément essentiel à prendre en considération; en effet, certaines teintures de vêtements, certains tanins des cuirs ou certaines colles interfèrent avec les agglutinogènes de la tache. Depuis 1985, date de la publication par Jeffreys d’une méthode d’identification fondée sur l’analyse directe de régions polymorphes et hypervariables de l’acide désoxyribonucléique (ADN), il est possible de reconnaître avec précision un individu à partir d’une tache de sang ou de sperme. Avant d’évoquer cette technique, citons les méthodes qui permettent de caractériser une tache de sperme, autre éventualité fréquente en criminalistique.
La caractérisation d’une tache de sperme se fait de façon certaine par la mise en évidence des spermatozoïdes eux-mêmes, par coloration cytochimique, notamment à l’érythrosine (colorant l’acrosome du spermatozoïde) et au bleu de méthylène (colorant le noyau de cette cellule). Une réaction d’orientation peut être utilisée, notamment devant l’absence de spermatozoïdes (individus azoospermes). Elle comporte la recherche des propriétés physicochimiques de la phosphatase acide du sperme ou la mise en évidence de protéines liées aux spermatozoïdes (antigène pH30).
L’identification proprement dite d’une tache de sperme est réalisée classiquement par les méthodes de groupes dans le système ABO avec recherche de caractères sécréteurs et analyse des phosphoglucomutase, glyoxydase et pepsinogène A. Dans ces cas, la technique des empreintes génétiques permet, avec précision et fiabilité, d’identifier un suspect en mettant en évidence les mêmes caractéristiques au niveau de l’ADN de ses spermatozoïdes et au niveau de l’ADN de ses globules blancs.
Empreintes génétiques
Les méthodes d’identification cliniques ou biologiques étant souvent peu discriminatives, inconstantes dans leurs résultats et de réalisation délicate sur les échantillons médico-légaux, l’identification génétique, appelée improprement «empreintes génétiques» par analogie aux empreintes digitales, représente, en criminalistique, un progrès majeur. Ce progrès est dû à Jeffreys, qui, en 1985, décrit une nouvelle méthode hautement spécifique fondée sur l’étude de la molécule d’ADN qui est contenue en double exemplaire dans le noyau de toutes les cellules nucléées de l’organisme humain, mis à part les spermatozoïdes et les ovocytes, qui n’en contiennent qu’un seul exemplaire.
Cette molécule est répartie en 23 paires de chromosomes de taille inégale et est constituée de 6 憐 109 nucléotides formant le génome humain. Les nucléotides sont les unités fondamentales qui constituent l’ADN et contiennent des bases pyrimidiques et puriques. Elles sont au nombre de quatre (l’adénine, la cytosine, la guanine et la thymine), et leur succession aboutit à un code qui permet le stockage de toutes les informations nécessaires à la construction d’un être vivant. Le génome humain comprend des régions codantes et d’autres qui ne le sont pas. Les premières contiennent, pour l’essentiel, les gènes de structure et de fonctionnement qui déterminent la composition des protéines; les secondes se caractérisent notamment par la présence de séquences répétitives de nucléotides dont le rôle est encore inconnu. Ces séquences représenteraient de 20 à 30 p. 100 du génome et sont réparties tout au long de la molécule d’ADN selon une disposition extrêmement variable d’un individu à l’autre. Ces régions polymorphes sont constituées de courtes séquences de bases d’une longueur variable de 6 à 20 nucléotides), répétées le plus fréquemment entre trois et dix fois. La longueur de ces régions est caractéristique d’un individu et se transmet héréditairement selon les lois mendéliennes.
En fonction de la qualité et de la quantité de l’ADN extrait des échantillons soumis à l’analyse, deux méthodes peuvent être employées pour révéler ce polymorphisme. La première (décrite par Jeffreys) analyse les nombreux fragments obtenus par l’action d’enzymes de restriction qui sectionnent l’ADN, dont le polymorphisme de taille est étudié après séparation électrophorétique et révélation autoradiographique. La seconde (plus récente) consiste en la multiplication exponentielle de la région polymorphe de l’ADN par une réaction enzymatique à l’aide d’une ADN polymérase. Elle est appelée «amplification génique» ou polymerase chain reaction .
Analyse des fragments de restriction
Après extraction de l’ADN à partir du noyau des cellules présentes dans les échantillons à analyser, les molécules obtenues sont digérées par des enzymes de restriction. Il en résulte une fragmentation de l’ADN qui est propre à chaque individu. Ces fragments sont ensuite séparés par électrophorèse, opération effectuée le plus souvent sur gel d’agarose, qui range les fragments en fonction de leur taille par l’intermédiaire d’un courant électrique. Les fragments ainsi séparés sont transférés par capillarité à partir du gel sur une membrane en Nylon. Ils sont ensuite repérés et révélés à l’aide de séquences nucléotidiques complémentaires des régions analysées, appelées «sondes moléculaires», marquées soit radioactivement, soit enzymatiquement. La fixation des sondes, appelée «hybridation», sur les fragments intéressants est mise en évidence soit par autoradiographie (c’est-à-dire par l’impression d’un film radiographique par la radioactivité), soit par coloration (grâce à une réaction enzymatique aux endroits où les sondes se sont hybridées).
L’image obtenue dépend du choix des sondes. Différents types de sondes sont couramment employés en médecine légale. Il s’agit de sondes multiloculaires (décrites par Jeffreys: 33.6 et 33.15), de sondes uniloculaires (YNH24 ou MS43A, par exemple) et de sondes oligonucléotidiques formées par des nucléotides de synthèse constitués par une répétition de courtes séquences nucléotidiques: (CAC)n / (GTG)n ou (CACA)n, par exemple. Elles sont habituellement hybridées directement dans le gel préalablement séché, ce qui évite l’étape du transfert.
Les sondes multiloculaires explorent la totalité de la molécule d’ADN en s’hybridant aux séquences polymorphes isolées par digestion enzymatique. L’image du profil génétique obtenu est formée d’une succession de bandes, dont le nombre et la localisation sont spéficiques d’un individu.
Les sondes uniloculaires reconnaissent une région donnée de l’ADN située sur un chromosome précis. L’image est alors constituée par une ou deux bandes, selon que l’individu est homozygote ou hétérozygote, pour la région de l’ADN explorée.
Dans tous les cas, l’analyse est comparative; elle s’effectue entre les profils génétiques obtenus à partir d’un échantillon médico-légal et ceux qui sont établis à partir d’un prélèvement sanguin effectué sur la victime et sur le suspect. Cette comparaison est réalisée soit directement par l’observateur – qui compare la position respective des bandes sur les profils obtenus –, soit par une méthode informatique d’analyse d’images sur écran vidéo.
Analyse par amplification génique
L’ADN polymérase impliquée dans les phénomènes de réplication naturelle de l’ADN au cours de la division cellulaire est utilisée pour l’analyse par amplification génique. Cette méthode permet la multiplication d’une séquence d’ADN polymorphe. Elle comporte plusieurs étapes; la première, appelée «dénaturation», sépare les deux chaînes complémentaires de l’ADN isolé à partir des noyaux cellulaires; durant la deuxième étape, la région à analyser est repérée par de courtes séquences de nucléotides qui lui sont complémentaires (appelées «amorces»); puis, à partir de ces amorces, s’effectue la troisième étape consistant en la synthèse de novo de chaînes d’ADN complémentaires de chacun des brins dénaturés selon la règle de l’appariement des bases. Les deux chaînes synthétisées sont des copies conformes des brins initiaux de l’ADN. Ces étapes de dénaturation et de synthèse de l’ADN sont répétées de vingt-cinq à trente-cinq fois, et les molécules obtenues au cours de chaque cycle peuvent servir de matrice à l’ADN polymérase au cours de la réaction suivante.
Les régions amplifiées sont sélectionnées en raison de leur polymorphisme et peuvent concerner, pour cette technique, des régions codantes pour une protéine précise, telle que la région HLA.DQ-Alpha, par exemple.
L’amplification génique est une méthode rapide et sensible, où les régions amplifiées sont visualisées soit après électrophorèse sur gel et exposition aux rayons ultraviolets après coloration au bromure d’éthidium, soit par méthode colorimétrique une fois l’ADN déposé sur une membrane en Nylon.
Application de cette technique à l’identification des individus et des traces biologiques
Les analyses d’identification génique peuvent être mises en œuvre à partir de toute cellule nucléée de l’organisme humain, de divers tissus tels que les tissus osseux, musuclaire ou cutané, à partir de tous les viscères de l’organisme, comme le foie ou la rate, ou encore à partir des bulbes pileux et des cellules buccales présentes dans la salive. Après extraction, l’ADN peut être conservé à 漣 20 0C (ou à 漣 80 0C) pendant de longues périodes avant d’être analysé. Les profils génétiques de comparaison sont le plus souvent établis à partir des leucocytes contenus dans un échantillon de sang.
En médecine légale, cette technique est utilisée pour, d’une part, l’identification d’auteurs de crime de sang ou d’agression sexuelle (à partir de traces biologiques laissées sur les lieux des faits ou sur les victimes), et pour, d’autre part, les recherches de filiation.
Dans le cas d’agression sexuelle, l’identification génétique du coupable est quasi certaine à partir de l’examen des spermatozoïdes recueillis sur les frottis vaginaux effectués sur la victime. Les spermatozoïdes contiennent l’ADN de l’agresseur, ADN qui est analysé et comparé au profil génétique du suspect, établi à partir d’un prélèvement sanguin.
En présence d’une tache de sang, l’identification génique est réalisée à partir du profil génétique – étude des globules blancs –, qui est comparé à celui de la victime et à celui du suspect.
Cette méthode est également intéressante pour rechercher l’implication d’un véhicule lors d’un accident avec délit de fuite si du «matériel» humain est découvert sur la carrosserie dudit véhicule. L’empreinte génétique établie à partir des cellules retrouvées est comparée à celle de la victime, et, si elles correspondent, il est alors établi que le véhicule portant les traces biologiques a bien percuté la victime.
Comme l’hérédité des régions d’ADN obéit aux lois mendéliennes, cette méthode permet d’établir la preuve d’une filiation avec une haute probabilité. Une des applications des recherches de filiation est l’identification d’un cadavre inconnu, à partir de tissu non putréfié ou à partir de tissu osseux, dès lors que les ascendants ou les descendants sont présumés.
L’amplification génique permet d’obtenir un profil génétique à partir de quelques bulbes pileux arrachés par la victime à son agresseur, à partir de la salive déposée sur un filtre de cigarette ou encore sur une enveloppe ou un timbre.
S’il existe une similitude entre deux profils génétiques, il faut connaître la fréquence de ce profil dans la population concernée (par une étude préalable de populations) afin de donner au magistrat requérant une probabilité d’incrimination.
L’identification génétique présente des limites qui dépendent non seulement de la quantité et de la qualité du matériel, mais également des possibilités de contamination par des molécules d’ADN étrangères à l’échantillon à analyser. Cette contamination peut intervenir soit lors du recueil de l’échantillon sur le terrain, soit au sein du laboratoire par le produit d’une amplification antérieure, soit encore par la présence, au sein de l’échantillon, de cellules étrangères au suspect. Une méthodologie rigoureuse et l’observation des règles de manipulation, usuelles dans un laboratoire de biologie moléculaire, permettent d’éviter ces sources de contamination.
L’identification génétique est utilisée en médecine légale pour confirmer ou infirmer les données de l’enquête quant à l’exclusion ou à la possible incrimination d’un suspect. Grâce au développement de l’amplification génique, l’identification est de plus en plus rapide et nécessite des quantités de plus en plus faibles d’ADN. Toutefois, cette méthode connaît des limites et il faut savoir reconnaître l’ADN contaminant un échantillon et qui ne provient pas du suspect.
Poils et cheveux
Avec les travaux de Lassaigne, Pfaff, Oesterlen, Taylor, Glaister et Lochte, la criminalistique a entrepris l’étude systématique des poils et des cheveux. L’identification de ces phanères a pour but de différencier les poils humains de ceux des animaux et, si possible, le genre et l’espèce de l’animal. Les observations faites en microscopie optique ont permis d’établir des atlas d’identification des poils à partir de la morphologie de la partie centrale du poil appelée «médulla» et des variations de l’indice médullaire fondé sur le rapport entre le diamètre de la médulla et le diamètre du poil. Cet indice est inférieur à 0,30 chez l’homme.
Ces études sont actuellement affinées, grâce à la microscopie électronique à transmission et à balayage, qui permet de rechercher les caractères propres à une espèce. La recherche de caractères trichologiques individuels est délicate; elle étudie la couleur des cheveux, le diamètre de la tige, celui de l’indice médullaire, la présence éventuelle de teinture. Ces caractères sont globaux et ne peuvent amener qu’un diagnostic d’exclusion, mais non d’inclusion. Toutefois, l’observation des cheveux permet d’établir s’ils ont été arrachés, car en ce cas la gaine autour du cheveu est présente, ou s’il s’agit d’une chute de cheveux, cette gaine étant alors absente.
L’examen de la forme de l’extrémité libre permet de déterminer si le cheveu a été coupé; la découverte d’entaille, de coupure ou d’écrasement à sa surface renseigne sur les manipulations qu’il a subies. La reconnaissance de signes pathologiques spécifiques d’une maladie des cheveux peut avoir un intérêt capital dans son identification individuelle. L’identification d’un cheveu peut être réalisée à partir du bulbe pileux qui contient des éléments cellulaires. Ainsi, à partir de ce tissu, est-il possible d’identifier un individu soit par la détermination des groupes enzymatiques par électrophorèse (les phosphoglucomutases, par exemple), soit par application de la méthode des empreintes génétiques.
3. Identification des traces et des taches non biologiques
Écriture et documents
Écriture
L’expertise en écriture consiste à mettre en évidence des preuves d’authencité ou de falsification d’un document contesté. Le document est faux soit parce que le scripteur a imité l’écriture d’autrui, soit parce qu’il a déformé son propre graphisme. L’utilisation des techniques d’expertise scientifique a été introduite par S. Pellat (communication à l’Académie des sciences morales et politiques, 1929), qui a mis au point une technique rationnelle d’expertise de l’écriture, fondée sur l’étude des phénomènes graphiques considérés en eux-mêmes sous l’aspect objectif des lois de l’écriture, indépendamment des alphabets utilisés. Ce domaine est très vaste et peut comprendre, outre l’étude du graphisme, l’étude du papier et de l’encre utilisée. L’expertise en écriture est ainsi la voie d’accès à l’étude de documents contestés. Il peut s’agir de l’identification des frappes dactylographiques, des faux par altération (lavage, grattage), surcharges, rajouts, croisements, doubles au carbone, etc. L’expert en écriture est également confronté aux documents contestés imprimés en typographie, offset, héliogravure, ou à la simple photocopie.
Pour pouvoir remplir sa mission, l’expert doit avoir recours à la photographie scientifique, aux méthodes modernes d’analyses, méthodes physiques – microscopie, spectrométrie, analyse thermique différentielle – et méthodes chimiques – chromatographie sur papier ou sur couche mince et chromatographie en phase gazeuse.
L’expert en écriture doit pouvoir identifier un scripteur, déterminer si un document a été écrit tout entier d’une seule main (olographe) ou falsifié par une autre main (apocryphe). Il doit analyser les écritures pour reconnaître soit la présence de déformations pour empêcher toute comparaison avec un texte de référence, soit une imitation plus ou moins fidèle où le faussaire se sera entraîné à reproduire un graphisme.
L’analyse est comparative et s’effectue au moyen de pièces dont la qualité, le nombre et la nature sont déterminants pour le succès de l’expertise. Elle apprécie, en confrontant les documents, les caractères d’ordre général et les caractères individuels d’un document. Les caractères d’ordre général sont relatifs à la forme de la calligraphie (écriture cursive, anguleuse, arrondie, en arcade), à la pression plus ou moins intense exercée sur la plume ou le stylo, aux inclusions du graphisme, aux dimensions générales de l’écriture, à l’ordonnancement des lignes. Les caractères individuels concernent la continuité des traits, les tremblements et les retouches, la forme des ponctuations et des embellissements, la forme des dimensions relatives aux lettres, celle des traits d’attaque (de liaison et finaux), des hampes et des bouclettes de raccordement, ainsi que la constitution et le dessin des lettres.
L’étude du graphisme est visuelle et peut prendre appui sur des agrandissements photographiques pour mettre en évidence des similitudes ou des différences de tracés. Chaque lettre d’un mot présente un certain nombre de caractéristiques spécifiques à un individu et est comparée à la même lettre prise dans un contexte de référence. Les comparaisons d’écriture peuvent s’intéresser plus particulièrement à des fins de mots ou de texte, là où, sous l’effet de la fatigue, la main laisse libre cours aux automatismes. L’analyse relève également les hésitations ou les crispations provoquées par l’effort du scripteur lors de l’imitation d’une écriture.
La signature est un élément reconnu depuis longtemps comme légal pour l’identification des personnes et l’authentification des actes utilisant le papier comme support (signature d’un contrat, d’un chèque, etc.).
Pour la reconnaissance des vraies signatures, le critère majeur est la spontanéité du mouvement. La présence de retouches ou de torsions figure parmi les caractéristiques d’un tracé hésitant qui, par sa nature, est suspect. Actuellement se développent des techniques qui analysent les particularités d’une signature non pas seulement d’un point de vue statique ou par l’image obtenue, mais surtout d’un point de vue dynamique – en y ajoutant des paramètres tels que la vitesse, l’accélération, la pression, les levées et les baissées de plume. Ces derniers sont difficiles à imiter, car ils sont inconnus du fraudeur qui dispose uniquement de l’image résultante de la signature. La signature est alors effectuée comme d’habitude, mais à l’aide d’un stylo spécial et sous contrôle d’un dispositif particulier qui permet, par voie informatique, de mesurer à tout moment la vitesse, le déplacement, l’accélération, la pression sur le support. Le signataire conserve donc l’usage de la signature, mais il y ajoute le contrôle automatique. Cette méthode repose sur le fait qu’une signature est la résultante de deux facteurs, l’un lié au conscient (qui forme le style et l’apparence) et l’autre lié au subconscient (qui est associé à des réflexes qui s’effectuent dans un ordre chronologique prédéfini, et dont la stabilité est fonction de la morphologie propre à la main et au bras de l’individu). Le faussaire ne pourra pas restituer les réflexes et le rythme du signataire authentique; la dynamique de la signature ne sera donc pas reproduite. Le système utilisé pourra mesurer ces similitudes ou ces différences. Un tel procédé sera ainsi qualifié de «système de reconnaissance» ou de «vérification dynamique» de la signature manuscrite; il devrait également être bien accepté tant la signature manuscrite est considérée comme un geste habituel, sinon automatique, et il laissera également une trace écrite qui constituera une preuve au sens juridique.
Identification des faux dactylographiés et des faux imprimés
Lors de l’étude d’un texte dactylographié, un expert peut rarement identifier de façon précise un seul type de machine à écrire, car plusieurs modèles de différentes marques peuvent présenter des particularités de caractères analogues. Toutefois, devant les particularités de certains caractères – la cassure de la gravure et l’usure progressive des fontes ou certaines modifications de détail dans les fontes, par exemple –, il est parfois possible de préciser la marque et le modèle de la machine à écrire utilisée; l’analyse s’effectue entre le document en question et une frappe de comparaison, et, dans les cas favorables, avec la machine elle-même. On utilise également la stéréomicroscopie et l’agrandissement photographique des lettres caractéristiques.
Pour les machines récentes, l’examen du ruban contenu dans des cassettes à usage unique permet de reconstituer le texte. De plus, l’étude physicochimique de l’encre utilisée apporte des informations sur sa composition (propre à chaque fabricant). En outre, la chromatographie sur couche mince à haute performance utilise des quantités de matières très faibles, compatibles avec la quantité d’encre dont dispose l’expert dans ces problèmes d’identification.
Lorsqu’il s’agit de comparer deux encres, deux traits d’encre de surface équivalente sont prélevés et dissous dans le même éluant, pour obtenir des concentrations comparables, puis soumis à l’analyse chromatographique. Cette comparaison peut également être effectuée avec des encres provenant de collections d’encres.
Si l’expert possède plusieurs documents qui portent des tracés différents devant être comparés à un tracé litigieux, la confrontation entre les documents permet de reconnaître le tracé suspect. L’analyse chromatographique révélera si l’encre est la même sur les différents écrits. Si les encres sont identiques, l’expert ne peut pas préciser si c’est le même stylographe qui est à l’origine des documents. En effet, deux stylographes dont la marque et l’encre sont identiques ont pu être utilisés par le ou les scripteurs.
L’identification de documents imprimés frauduleux fait appel à l’expert en impression, qui sait reconnaître le matériel, les techniques et les procédés pour la réalisation de l’imprimé – journal, tract, affiche, etc.; celle de l’impression classique par typographie, héliogravure ou offset s’effectue par l’étude du foulage et des filets (qui servent à distinguer la typographie de l’offset); le texte et les illustrations sont étudiés à l’aide d’un compte-fils (qui permet également de caractériser le papier utilisé).
Le foulage est défini par le relief laissé, au cours de l’impression, au verso de la feuille par les éléments métalliques; les filets sont des traits verticaux et horizontaux figurant sur certains imprimés (des devis par exemple). L’examen du texte au compte-fils détermine avec précision les caractères qui sont d’un noir plus ou moins intense suivant leur surface – les caractéristiques sont différentes en fonction du type d’impression (offset, sérigraphie, héliogravure) –, celui des illustrations permet d’analyser les blancs de la photographie, les points de la trame, qui diffèrent également selon le procédé d’impression employé.
L’expert procède de la même façon pour déceler les faux documents d’identité et de légitimation, ou pour l’étude des timbres humides. Autrefois, les œillets de fixation pouvaient apporter des éléments en faveur d’une contrefaçon. L’identification du document repose sur la reconnaissance des différents types de sécurité utilisés, tels que la nature du papier – où peuvent être inclus des fils de sécurité qui possèdent des propriétés comme la fluorescence –, ainsi que le thermomagnétisme, qui permet de détecter les faux billets avec un lecteur spécial, l’identification d’un filigrane et la recherche des empreintes de timbres secs ou humides.
Les falsifications se définissent par les altérations portées sur un document authentique pour en modifier le libellé en procédant soit par des soustractions – en utilisant des techniques de gommage, de grattage ou de lavage –, soit par des additions – qui comprennent les surcharges, les rajouts ou les transferts –, soit encore par des substitutions – qui résultent d’une soustraction suivie d’une addition. Dans ce dernier cas, l’expert examine les traces du procédé et celles du texte initial au moyen de radiations ultraviolettes, par exemple, et recherche les différences optiques et chimiques des encres en présence.
Les contrefaçons consistent à réaliser de toutes pièces une copie, aussi fidèle que possible, de manière qu’elle puisse être confondue avec l’original. Pour cela, le fraudeur doit utiliser des matériaux de remplacement dont les qualités sont aussi proches que possible de celles des matériaux authentiques (par exemple, le papier et les encres). Là encore, l’étude du papier et des impressions et l’analyse physicochimique des encres permettent fréquemment de reconnaître les faux.
Les principales caractéristiques du papier qui permettent de juger de son authenticité sont représentées par des éléments physiques tels que son grammage, son épaisseur, sa rigidité, sa rugosité de surface; sa transparence (qui reflète, dans une certaine mesure, les données de sa fabrication – composition de la matière première et raffinage des fibres – et qui apprécie l’impression de la machine à papier qui est différente d’un atelier de production à l’autre); ses nuances de couleur (qui sont difficiles à apprécier dans la mesure où elles sont ou non observées sur les documents originaux) dues à la production, au vieillissement et à la décoloration par la lumière; le type de filigrane (négatif, positif, semi-ombré, filigrane à la molette, filigrane d’entrain); la présence de pastilles rondes de papier de couleur incorporées à la bande de papier, ou d’inclusions de fils métalliques ou de bandelettes synthétiques métallisées sous vide secondairement (billets de banque).
L’authenticité d’un document peut également être attestée par la révélation de réactifs chimiques incorporés dans le papier, par application de contre-réactifs qui déclenchent une coloration spécifique du document original, ou encore par l’analyse physicochimique de la composition des fibres, par l’étude de la fluorescence, de la phosphorescence du papier et de son azurage optique.
Nous n’évoquerons que brièvement les billets de banque, dont la fabrication fait l’objet d’un contrôle de qualité très attentif et rigoureux. Le choix des matériaux, tels le papier et les éléments de sécurité, leur donne des spécificités inimitables. Le papier est ainsi filigrané, gélatiné et satiné avant d’être coupé. Les faux peuvent être détectés lors d’un examen sous lampe à ultraviolets, qui provoque une fluorescence du papier et fait apparaître de façon caractéristique l’image imprimée du filigrane. La gravure du personnage célèbre des billets français, par exemple, conduit à des erreurs d’impression, et des accidents survenus en cours de réalisation permettent de repérer les faux billets.
Identification des faux obtenus par des procédés de photocopie
Les procédés traditionnels d’impression en noir et blanc ont contribué au développement de certaines fraudes, telles que l’adjonction ou la soustraction partielles du texte, pour modifier le contenu général d’un document. L’expert est fréquemment amené à identifier un photocopieur à partir d’une photocopie. Le procédé utilisé pour effectuer cette copie peut être identifié par des examens de laboratoire: examen physicochimique, étude au microscope à balayage associé à une microsonde de rayons X permettant de différencier les types de photocopieur; toutefois, l’appareil lui-même est plus délicat à individualiser. Si un photocopieur est suspect, l’identification peut faire appel à la comparaison du document en question avec une photocopie obtenue avec l’appareil soupçonné. Les rayures et les taches présentes sur la vitre d’un photocopieur sont reproduites sur toutes les copies d’un même appareil et permettent donc de l’identifier.
Le développement des techniques de la photocopie en couleurs rend aisé la production de contrefaçons de bonne qualité, notamment pour ce qui concerne la fausse monnaie. La protection des documents peut être assurée par des dispositifs à variabilité optique pratiquement impossibles à contrefaire et qui renforcent les sécurités obtenues par les motifs intégrés dans la masse du papier, tels le filigrane, les inclusions ou impressions de détails (fibres colorées, micro-impressions, repères recto verso, couleur et qualité non fluorescente du papier). De plus, l’analyse du toner par spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier permet d’identifier la marque du copieur en ce qui concerne les copies électrophotographiques.
Falsification par ordinateur
Les fraudes portent soit directement sur les progammes en les falsifiant, soit indirectement par l’accès téléphonique, au moyen de modem, à des données très confidentielles qui appartiennent à des organismes civils ou militaires. La cryptographie, qui est un système de codage qui protège les logiciels et les programmes, permet de faire face à de tels procédés.
Peinture
La criminalistique moderne concerne également l’analyse des microtraces, qui constitue un vaste domaine d’étude puisqu’il comporte aussi bien les traces de peinture, de terre, de fibres textiles que d’éclats de verre. Nous n’aborderons ici que les traces de peinture. Les affaires criminelles où l’exploitation de ces traces peut jouer un rôle déterminant sont essentiellement les accidents de circulation avec délit de fuite et les effractions d’huisserie.
Lors d’un contact entre deux objets recouverts de peinture, il peut se produire un transfert de peinture d’un objet à l’autre; l’importance de ce transfert peut être liée à l’intensité de ce contact. Le plus fréquemment, les éclats de peinture qui sont soumis à l’expert sont des traces de transfert qui ont été prélevées sur des objets (pare-chocs de voiture, par exemple), des personnes (lors d’effractions), ou sur la scène du crime.
L’analyse des traces de peinture s’effectue par comparaison avec des peintures présentes dans des collections de référence – par exemple, les banques de données des peintures de voiture – et/ou par analyse physicochimique pour en déterminer la composition et procéder à son identification.
Cette identification nécessite l’analyse des cinq composants principaux de la peinture, à savoir les pigments, les liants, les plastifiants, les solvants et les additifs.
L’analyse des peintures se fait, d’une part, par les techniques d’observation, comparaison simple de l’aspect, microphotométrie dans le visible, analyse sous rayons ultraviolets et, d’autre part, par des techniques d’analyse dont la plus performante est, en ce qui concerne l’analyse des substances liantes, la spectrométrie d’absorption dans l’infrarouge, mais les composés organiques peuvent également être identifiés par chromatographie en phase gazeuse ou en spectrométrie ultraviolette. La spectrométrie d’émission de fluorescence X et la diffraction des rayons X permettent de caractériser les pigments, qui sont essentiellement des composés minéraux.
La présence de plusieurs couches, avec leurs structures et leurs couleurs particulières, augmente notablement les chances d’identifier une trace de peinture, dans la mesure où de telles données confèrent à une trace un caractère individuel.
Armes à feu
La recherche des caractéristiques du projectile, de l’étui, de la douille et/ou de l’arme si elle est disponible, pour pouvoir identifier cette dernière, de même que la détermination de la trajectoire du tir et de sa distance sont nécessaires dans toutes les affaires de crime par balle, d’attaque à main armée, de suicide par arme à feu. L’examen du projectile révèle les rayures qui sont imprimées à sa surface par les tenons présents à la face interne du canon, qui imposent un mouvement de rotation à la balle. Ce mouvement lui donne une meilleure précision. Pour les revolvers, les traces du percuteur sont repérées sur les douilles. Pour les pistolets, quatre traces principales sont relevées sur la douille. Il s’agit de la trace de la lèvre du chargeur (c’est la partie du chargeur qui guide la balle vers l’entrée de la culasse); la trace du percuteur, même en cas de percussion centrale (un défaut de percussion dévie le percuteur vers la droite ou vers la gauche, et l’amorce n’est pas alors frappée strictement au centre); la trace de l’extracteur, qui est une pièce fixe qui va amener la douille au contact de l’éjecteur, et sa marque va s’imprimer sur la douille; la trace de l’éjecteur, qui assure l’expulsion de la douille. Lors de l’expulsion, l’éjecteur déforme la douille en l’aplatissant légèrement.
Balles et douilles subissent d’abord un examen binoculaire, qui note le nombre de rayures en longueur, leur orientation à droite et à gauche, et l’angle (ou le pas) des rayures. La détermination précise du calibre de la balle se mesure à l’aide d’un pied à coulisse à affichage digital, et son poids est également déterminé. Enfin, le microscope comparateur permet l’analyse des balles et du plateau des douilles, analyse qui est complétée par la microphotographie utilisant des pellicules ultrasensibles et contribuant, avec une grande fiabilité, à l’affirmation de similitude sur les balles et les douilles. Des tirs sont effectués avec l’arme retrouvée; ils permettent la comparaison, avec les techniques précédemment mentionnées, entre balles et douilles découvertes et celles qui sont issues de ces tirs. Balles et douilles peuvent également être étudiées en microscopie électronique à balayage. Les traces ainsi relevées peuvent permettre d’identifier l’arme à l’origine du tir.
La criminalistique s’intéresse également à l’appréciation de la distance du tir, à sa direction et à sa trajectoire par l’étude des caractéristiques des orifices d’entrée, avec leurs collerettes et leurs tatouages, et des orifices de sortie, ainsi qu’à l’analyse physicochimique des traces de poudre. Les armes sont répertoriées et classées, ainsi que les balles et les douilles trouvées sur les lieux d’un crime. Ainsi, en comparant les balles avec les armes, ou les balles provenant d’affaires judiciaires différentes, il est possible de reconstituer le périple d’une arme et de rapprocher des faits très éloignés dans l’espace ou dans le temps.
En conclusion, pour notre société moderne, l’identification d’une personne est primordiale, et des progrès considérables ont été réalisés grâce à la technique des empreintes génétiques. Quant à l’identification des traces humaines et des traces non biologiques relevées lors d’une enquête, qui est d’un intérêt capital pour le magistrat, elle fait appel aux techniques scientifiques modernes de la criminalistique, dont la mission consiste à étudier les indices pour établir la preuve matérielle dans les affaires judiciaires.
criminalistique [ kriminalistik ] n. f.
• 1907; de criminaliste
♦ Dr. Science étudiant les techniques de recherche de la preuve des crimes et de leurs auteurs et les procédés d'investigation policière propres à les mettre en pratique. Laboratoire de criminalistique.
● criminalistique nom féminin Ensemble des techniques mises en œuvre par la justice et les forces de police et de gendarmerie pour établir la preuve du crime et identifier son auteur (anthropométrie, médecine légale, toxicologie, etc.).
criminalistique [kʀiminalistik] n. f.
ÉTYM. 1907; de criminaliste.
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♦ Didact. (dr. pénal). Science d'application de toutes les techniques d'investigation policière à l'identification d'un coupable. || Laboratoire de criminalistique.
0 La Criminalistique peut être entendue de deux sens.
Au sens large, c'est l'ensemble des procédés applicables à la recherche et à l'étude matérielles du crime pour aboutir à sa preuve. Dans ce cas, il convient de distinguer :
des procédés policiers (…)
des procédés scientifiques (…)
des procédés juridiques (…)
Au sens strict, la Criminalistique sera cette science seule, séparée même de la médecine, de la toxicologie et de la psychiatrie légales (…) d'une technicité absolument différente et particulière (…)
Au sens large comme au sens strict, la Criminalistique s'intègre à la Criminologie, étude doctrinale et appliquée du phénomène appelé Crime (…)
P.-F. Ceccaldi, la Criminalistique, p. 6-7.
♦ Adj. Relatif à la criminalistique. || Théories criminalistiques.
Encyclopédie Universelle. 2012.