Akademik

aigu

aigu, uë [ egy ] adj.
XIIIe; agu(d) 1080; lat. acutus
1Terminé en pointe ou en tranchant. acéré, coupant, pointu. Une flèche aiguë. Oiseau au bec aigu. Angle aigu, plus petit que l'angle droit (opposé à obtus).
Très fin ou effilé. Pointe aiguë.
2D'une fréquence élevée, en haut de l'échelle des sons. Sa voix « psalmodiait, sur une seule note aiguë » (Martin du Gard). « des voies aiguës ou graves » (Maupassant). aigre, criard, perçant, strident. Subst. L'aigu : le registre supérieur d'un instrument ou d'une voix. Passer du grave à l'aigu. Accent aigu.
3Intense et pénétrant (douleur). vif, violent. La douleur était « si aiguë qu'en un instant elle disloqua tous les traits de son visage » (Martin du Gard).
À apparition brusque et évolution rapide (maladie) (opposé à chronique). Phases, crises aiguës. Par anal. Conflit aigu entre deux États.
4Fig. Particulièrement vif et pénétrant dans le domaine de l'esprit. incisif , perçant, subtil; acuité. L'intelligence parisienne « aiguë, [...] toujours en mouvement » (R. Rolland). Il a un sens aigu des réalités.
⊗ CONTR. Émoussé; grave, sourd.

aigu nom masculin Son aigu ; partie élevée de l'échelle musicale. ● aigu, aiguë adjectif (latin acutus) Qui est terminé en pointe ou tranchant : Le dard aigu d'une guêpe. Se dit d'un son perçant : Des glapissements aigus. (Les tons aigus ont une fréquence supérieure à environ 5 000 Hz.) Qui est pénétrant, fin, subtil : Fixer un regard aigu sur la réalité. Qui est à son paroxysme : Un conflit aigu. Vif et pénétrant, en parlant d'une sensation douloureuse. Qui survient brusquement et évolue vite, en parlant d'une maladie. Se dit d'un angle géométrique dont l'écart angulaire est compris entre celui de l'angle nul et celui de l'angle droit. Se dit d'un phonème dont le spectre est caractérisé par une prédominance des hautes fréquences (par exemple les voyelles , [e] ou les consonnes [t], [s]). ● aigu, aiguë (difficultés) adjectif (latin [i]acutus) Orthographe Tréma sur le e au féminin : une note aiguë. ● aigu, aiguë (expressions) adjectif (latin acutus) Accent aigu, accent incliné en descendant de droite à gauche, utilisé en français pour noter le e fermé. ● aigu, aiguë (synonymes) adjectif (latin acutus) Qui est terminé en pointe ou tranchant
Synonymes :
- acéré
- affilé
- effilé
- pointu
- tranchant
Contraires :
- ébréché
- émoussé
- épointé
Se dit d'un son perçant
Synonymes :
- aigre
- criard
- strident
- suraigu
Contraires :
- grave
- sourd
Qui est pénétrant, fin, subtil
Synonymes :
- incisif
- pénétrant
- perçant
- vif
Contraires :
- éteint
- lourd
- lourdaud
- mort
- obtus
- terne
Qui est à son paroxysme
Synonymes :
- cuisant
- vif
Contraires :
- chronique
- latent
- sourd
Se dit d'un phonème dont le spectre est caractérisé par...
Contraires :
- grave

aigu, uë
adj.
d1./d Terminé en pointe ou en tranchant. Des crocs aigus.
|| Angle aigu, inférieur à 90 degrés.
d2./d D'une fréquence élevée, haut dans l'échelle tonale. Une voix aiguë. Ant. grave.
|| Accent aigu: V. accent.
|| n. m. L'aigu: le registre aigu. Aller du grave à l'aigu.
d3./d Vif, intense. Une douleur aiguë.
|| MED Maladie aiguë, survenant brusquement et évoluant rapidement (par oppos. à chronique).
d4./d Pénétrant, subtil. Une intelligence aiguë.

⇒AIGU, UË, adj.
I.— Emploi adj.
A.— [En parlant d'un obj., d'un phénomène physique]
1. [En parlant d'un obj. physique, naturel ou manufacturé] Qui se termine en pointe, en tranchant, qui coupe.
a) L'obj. qualifié est, en raison de sa forme, capable de percer ou de trancher :
1. L'os aigu d'albatros, qui sert aux tatoueurs maoris, avait, en lignes serrées et profondes, sillonné cinq fois son visage.
J. VERNE, Les Enfants du capitaine Grant, t. 3, 1868, p. 103.
2. Le croc du tisonnier, forgé, aplati au marteau, aigu et long comme une lame de couteau, avait plongé tout entier dans l'orbite.
M. GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 349.
3. Le sous-main en cuir épais était marqué au chiffre du docteur, ainsi que le buvard. Devant l'encrier, il y avait un large coupe papier en ivoire et un plus petit, plus mince, plus aigu, pour ouvrir les lettres.
G. SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 119.
b) [L'obj. qualifié ressemble aux précédents par sa forme] Qui se termine en pointe. Pignon aigu :
4. Chacune de ces maisons a pignon sur rue, pignon aigu comme une flèche d'église, pignon triomphal.
J. MICHELET, Journal, juill. 1840, p. 339.
5. Cette silhouette noire se fondait dans la pénombre. Seul s'éclairait, dans une sorte de clair-obscur chimérique, le fin visage aigu, pointu, triangulaire, un visage presque sans pommettes et sans joues et comme écrasé sous une chevelure accablante et sombre, trop lourde.
M. VAN DER MEERSCH, Invasion 14, 1935, p. 108.
Rem. Autres syntagmes montagne aiguë, ombre aiguë (sur un cadran solaire), écriture aiguë.
Emplois spéc., BOT. Feuilles aiguës. Synon. acuminées, lancéolées, subulées :
6. C'était une plante de triste mine, herbacée, à feuilles alternes, ovales, aiguës et géminées, avec de grandes fleurs rouges en forme de clochettes monopétales et soutenues par un pédoncule axillaire.
J. VERNE, Les Cinq cents millions de la Bégum, 1879, p. 139.
GÉOM. Angle aigu. Angle inférieur à 90°. Triangle, dièdre aigu. Dont tous les angles sont aigus :
7. ... alors son corps est également appuyé sur les deux jambes. L'angle que celle qui est la plus avancée fait avec le tarse est obtus; celui de l'autre est aigu.
G. CUVIER, Leçons d'anatomie comparée, t. 1, 1805, p. 486.
VÉN. Ongles aigus (d'une bête). Synon. acérés :
8. Ce renard-là est dit « charbonnier ». Rousse ou grise, la bête est armée de dents longues et tranchantes, d'ongles aigus qui prennent sur le sol. C'est une admirable bête carnassière.
J. DE PESQUIDOUX, Chez nous, t. 2, 1923, p. 131.
2. P. anal. [En parlant de l'effet produit sur les sens par un phénomène physique ou physiologique] Qui produit une sensation ou une impression particulièrement vive :
9. C'était le sifflet de Quasimodo. Elle le saisit avec une convulsion d'espérance, le porta à ses lèvres, et y siffla de tout ce qui lui restait de force. Le sifflet rendit un son clair, aigu, perçant.
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 438.
10. Le Nil baisse chaque jour davantage; la chaleur est aiguë comme une brûlure.
M. DU CAMP, Le Nil, Égypte et Nubie, 1854, p. 221.
11. ... le froid aigu faisait craquer les arbres.
G. DE MAUPASSANT, Contes et nouvelles, t. 2, Le Loup, 1882, p. 1244.
12. Pas de coco, c'est pour la petite classe! à nous l'eau vinaigrée qui blanchit les lèvres et tiraille l'estomac, les citronnades aiguës, les menthes qu'on fabrique soi-ême avec les feuilles fraîches de la plante, l'eau-de-vie chipée à la maison et empâtée de sucre, le jus des groseilles vertes qui fait regipper.
COLETTE, Claudine à l'école, 1900, p. 250.
13. Et ce feuillage n'est plus d'un vert sombre, presque noir, semblable au vert des forêts du Congo, mais d'un vert aigu, joyeux, vibrant comme ces champs d'orge rencontrés soudain au défaut d'une dune, en Tunisie, après des lieues de sable roux.
A. GIDE, Le Retour du Tchad, 1928, p. 950.
Rem. Autres syntagmes couleur, cri, froid, fumet, lumière, parfum, rire, son aigu.
Emplois spéc., ACOUSTIQUE, MUS. De fréquence élevée :
14. La voix vibrante de Blanche dominait, coupée, parfois, par le timbre plus aigu et aigre de Xavier.
F. MAURIAC, Le Mystère Frontenac, 1933, p. 124.
15. Aigu. Qualité du son placé dans la région élevée de l'échelle musicale, par opposition au mot grave, appliqué aux sons placés dans le bas de l'échelle des sons.
ROUGNON 1935.
GRAMM. (gr. ou lat. d'une part, fr. d'autre part). Accent aigu, syllabe, voyelle aiguë :
16. Accent aigu. Dénomination empruntée aux grammairiens latins (accentus acutus traduisant le oxeia prosôidia du grec) pour désigner l'élévation du son (équivalent en grec ancien à une quinte au maximum d'après Denys d'Halicarnasse) qui constitue le ton ou accent de hauteur. Plus particulièrement, le terme est appliqué quelquefois au ton dit ascendant, qui part du grave pour aboutir à l'aigu sur une même syllabe. Le signe graphique dit accent aigu est employé avec des valeurs diverses, par ex. en français pour noter le timbre fermé de l'e, comme dans été, en métrique pour signaler la place du temps marqué, etc.
MAR. Lex. 1951.
Rem. L'épithète aigu, en tant que signe graphique, suggère aussi une idée de pointe, et relève donc, sous ce rapport de A 2 supra.
B.— Au fig.
1. [En parlant d'un organe des sens ou d'une fonction de l'esprit] Dont l'action va plus loin, dont le fonctionnement est plus vif que d'ordinaire. Synon. perçant, pénétrant. Odorat aigu, intelligence aiguë.
P. ext.
a) [En parlant d'un acte ou d'une manifestation de ces organes ou de ces fonctions] Regard aigu, remarque aiguë :
17. Je me trouvai alors en face du tribunal, et je me hâtai à mon tour d'embrasser l'assemblée d'un regard large et effaré, pendant que ses regards fixes, aigus et pénétrants me criblaient comme des flèches, car c'était moi qui faisait ce jour-là les principaux honneurs du spectacle.
Ch. NODIER, La Fée aux miettes, 1831, p. 125.
18. 21 novembre. Le républicanisme de mon ami Charles Edmond est plus âpre, plus aigu, plus agressif ces temps-ci.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, nov. 1860, p. 837.
Rem. Autres syntagmes esprit aigu, vision aiguë des choses, etc.
b) Avec une nuance agressive. [En parlant d'un sentiment, d'une parole, etc.] Épigramme aiguë :
19. Il est bien peu de femmes qui ne se soient trouvées, une fois dans leur vie... en face d'une interrogation précise, aiguë, tranchante...
H. DE BALZAC, Ferragus, 1834, p. 64.
20. Elle [sa mère] haïssait Suzanne d'une haine aiguë, faite de passion exaspérée et de jalousie déchirante, étrange jalousie de mère et de maîtresse...
G. DE MAUPASSANT, Bel-Ami, 1885, p. 391.
P. méton. [En parlant d'une pers. dont les actes, les paroles ou les manifestations sont aigus] Synon. acide :
21. Renversé dans un fauteuil, un peu à l'écart du cercle principal, il [Boulanger] affectait un air ennuyé et lassé. L'aigu Clemenceau semble avoir entrevu ce qui se passait dans l'esprit de cet auditeur muet...
M. BARRÈS, L'Appel au soldat, 1900, p. 104.
2. [En parlant d'une situation critique] Qui par la rapidité de son évolution menace d'avoir une issue fatale si une intervention énergique ne l'arrête.
a) MÉD. Il est atteint d'une maladie aiguë. Pneumonie aiguë. Ophtalmie aiguë. Traité des maladies aiguës (Ac. t. 1 1932) :
22. Leur usage [les eaux saumâtres] produit différentes espèces de maladies, tant aiguës, que chroniques, toutes accompagnées d'un état d'atonie remarquable, et d'une grande débilité du système nerveux.
P. CABANIS, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 2, 1808, p. 73.
23. Le péritoine est traversé, les intestins sont déchirés; dans quelques heures une péritonite aiguë se déclarera, et demain tout sera fini.
M. DU CAMP, Mémoires d'un suicidé, 1853, p. 111.
b) DIPLOM. et lang. commune. Crise aiguë :
24. Cet homme éminent [Sikorski] ... était irremplaçable. Dès le lendemain de sa disparition, la crise russo-polonaise prit l'allure d'un conflit aigu.
Ch. DE GAULLE, Mémoires de guerre, L'Unité, 1956, p. 205.
II.— Emploi subst. et adv.
A.— [Avec une valeur de subst. neutre]
1. MUS. L'aigu. Son élevé dans l'échelle musicale. Passer du grave à l'aigu :
25. Le gémissement, le râle, le cri, avec toutes les nuances de l'aigu et du grave, du croissant et du décroissant, du continu et du saccadé, émeuvent encore bien plus que les gestes et que les mouvements du visage; car l'oreille est soupçonneuse étant un sens de nuit.
ALAIN, Système des beaux-arts, 1920, p. 79.
26. Le plus fragile de ma personne, et ce qui de moi a le plus vieilli, c'est ma voix; cette voix que j'avais, il y a quelque dix ans encore, forte, souple, diverse, c'est-dire capable de passer du grave à l'aigu à ma guise...
A. GIDE, Journal, 12 juill. 1942, p. 127.
2. Littér., péj. [Suivi d'un compl. de nom, prép. de] Synon. acuité :
27. Les miracles de guérison, de l'antiquité à nos jours, agissent presque toujours sur les muscles. Presque tous ne font que rendre au malade le mouvement et la volonté de la locomotion. C'est toujours le « levez-vous et marchez ». Ils n'enlèvent jamais l'aigu d'une douleur.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, août 1867, p. 370.
28. Ils sont venus au monde blessants et un constant exercice aiguise leur cruauté, maintient l'aigu, la pointe de leur cruauté. De leur blessement. Même quand ils ne se veulent pas de mal, ils s'en font.
Ch. PÉGUY, Victor-Marie, Comte Hugo, 1910, p. 778.
Rem. Cet emploi subst. a une valeur plus concr., plus imagée que le subst. abstr. acuité (ex. 24 : l'aigu, la pointe de leur cruauté); il est le résultat d'une transformation subst. de l'emploi épithète : une douleur aiguël'aigu d'une douleur.
Emploi abs. Tourner à l'aigu :
29. Sur ces questions de propriété, les disputes tournaient à l'aigu, laissaient des rancunes de plusieurs jours.
É. ZOLA, La Terre, 1887, p. 198.
B.— Subst. masc. Un aigu. [Pour désigner une pers.] :
30. Ainsi, Halévy, nous avons échangé une paire de témoins. Mais pour faire des économies nous avons échangé la même. Où en eussions-nous d'ailleurs trouvé des (tout) pareils, une deuxième paire. Julien Benda, Robert Dreyfus, deux aigus.
Ch. PÉGUY, Victor-Marie, Comte Hugo, 1910, p. 819.
C.— Emploi adv., rare. [En constr. de compl. interne d'un verbe exprimant la production d'un son] :
31. TOBY-CHIEN. — (...) il [le chat] ne descendit point (...) en miaulant aigu pour exprimer l'impossibilité où il se trouvait d'obéir ...
COLETTE, Sept dialogues de bêtes, 1905, p. 52.
Prononc. — 1. Forme phon. :[egy] ou [-]. Harrap's 1963, DUB., Pt ROB. et Pt Lar. 1968 transcrivent la 1re syllabe avec [e] fermé, GOUG. 1961 avec [] ouvert. PASSY 1914 et WARN. 1968 donnent les 2 possibilités de prononc.; d'apr. WARN. 1968, la prononc. avec [e] fermé relève du lang. cour., la prononc. avec [] ouvert du lang. soutenu (cf. aussi FOUCHÉ Prononc. 1959, p. 66). 2. Dér. et composés : aiguité, aigûment, aigusser. 3. Hist. — FÉR. 1768 transcrit : égu et précise qu'au fém. la 2e syllabe est longue : égû-ë. LITTRÉ et DG sont les seuls à transcrire la 1re syllabe avec [] ouvert.
Étymol. ET HIST.
I.— « Qui se termine en pointe ou en tranchant » : ca 1100 « pointu (d'un heaume, d'un éperon) » (Rol., 1954-55, éd. Bédier : Fiert Marganices sur l'elme a or, agut, E flurs e cristaus; cf. v. 1573 : Brochet le bien des aguz esperuns); d'où différents emplois a) 1690 en parlant d'un angle, d'un triangle (FUR. : en termes de géométrie, on appelle un angle aigu, celuy qui a moins de 90 degrez, un triangle aigu ou oxigone, celuy qui a ses trois angles aigus); b) 1834 hist. nat., en parlant de feuilles (LAND. : feuilles aiguës, celles dont l'extrémité opposée au pétiole se termine en pointe). — Ac. t. 1 1932; 1845 (BESCH. : coquille aiguë. Celle dont l'ouverture est aiguë aux deux extrémités; ibid. : antennes aiguës, se dit dans les insectes quand elles se terminent par un article aigu et roide); Lar. 19e dit d'une manière plus gén. : hist. nat. : se dit en parlant des animaux et des plantes de toutes les parties qui sont terminées en pointe.
II.— « Qui produit une sensation vive, pénétrante » 1. a) 1180-90 « fin pénétrant (en parlant de l'esprit ou d'une pers.) » (CHRÉT. DE TROYES, Le Chevalier à la Charrette, 3143-45, éd. M. Roques; Li rois Bademaguz, qui molt est soutix et aguz a tote enor et a tot bien); b) 1548 « spirituel, piquant (d'un vers, d'une répartie) » (SÉBILLET, Art. poet., II, 1 ds HUG. : Sois en l'epigramme le plus fluide que tu pourras, et estudie à ce que les deuz vers derniers soient aguz en conclusion : car en ces deuz consiste la louenge de l'epigramme), qualifié de vieilli ds DG, encore noté en ce sens fig. ds Lar. 20e; 2. 1180-90 en parlant d'une fièvre (Ren., XIX, 18630-31, éd. M. Roques : Sire, fait il, se Diex me saut, bien voi vos avez fievre ague); 3. 1644, en parlant des sons (CORNEILLE, Pompée, II, scène 2, v. 537-38, éd. Marty-Laveaux : La triste Cornélie, à cet affreux spectacle, Par de longs cris aigus tâche d'y mettre obstacle); d'où a) 1838 mus., en parlant de sons très élevés de l'échelle musicale (Ac. Compl. 1842 : notes aiguës [acutae voces], expression par laquelle on désignait, dans l'ancienne musique, l'étendue des notes comprises depuis le la sur la 5e ligne de la basse, jusqu'au sol, sur la 2e ligne du violon); b) 1690 gramm. (FUR. : en grammaire, on appelle accent aigu, celuy qui marque que la syllabe se doit prononcer d'un ton élevé et avec un son aigu); c) 1752 vers aigus (Trév. :les Espagnols appellent vers aigus, les vers qui finissent par des mots qui ont l'accent sur la dernière syllabe). — 1866 (Lar. 19e).
Du lat. attesté dep. Plaute au sens de « coupant, tranchant (d'une charrue) », Miles, 1397 ds TLL s.v., acuo 461, 42; au sens I ds LUCRÈCE, 5, 1264 ibid. 463, 31 : quamvis in acuta ac tenuia posse mucronum duci fastigia procudendo; au sens I a dep. FRONTIN, Liber Gromaticus, p. 41, 3, ibid., 464, 50 : anguli ... recti ... hebetes ... acuti; I b ds PLINE, Nat., 13, 52, ibid., 464, 18 : durum, acutum spinosum; au sens II 1 a dep. CICÉRON, Verr., 3, 128, ibid., 464, 64 : excogitat (dixi iam dudum, non est homo acutior quisquam nec fuit) excogitat, inquam; au sens II 2 ds PLINE, Nat., 22, 138, ibid., 466, 76 : acutas pituitae fluctiones, quas Graeci rheumatismos vocant.; au sens II 3 ds CICÉRON, De Orat., I, 57, ibid., 465, 65 : tribus omnino sonis, inflexo, acuto, gravi; en rapport avec II 3 c syllaba acuta ds QUINT., 1, 5, 23, ibid., 466, 40 « syllabe marquée de l'accent aigu ». Du lat. est régulièrement issu l'a. fr. ëu (conservé dans le toponyme, Le Montheu, commune de Dommartin-sous-Amance, Meurthe-et-oselle, attesté sous les formes Mons acutus, anno 879, Monteu, 1298 d'apr. LEPAGE, Dict. topographique de la Meurthe, Paris, 1862, p. 93 b), forme inconsistante remplacée par l'a. fr. agu prob. refait sur le lat. La graphie ai- (dep. XIIIe s., Sermon poitevin ds T.-L.) est soit due à un croisement avec aigre (cf. sauses aigues, ibid. ds T.-L.) soit plus prob., et de la même manière que aiguille et aiguillon, à l'influence de aiguiser (< lat. acutiare) par réfection de agudo d'apr. ayguydzare, FOUCHÉ, p. 434.
STAT. — Fréq. abs. litt. :2 715. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 2 551, b) 4 342; XXe s. : a) 5 491, b) 3 739.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BAULIG 1956. — BÉNAC 1956. — BOISS.8. — DARM. Vie 1932, p. 111. — DUP. 1961. — FÉR. 1768. — FROMH.-KING 1968. — Gramm. t. 1 1789. — HANSE 1949. — LAF. 1878. — LAF. Suppl. 1878. — LAFON 1963. — LAV. Diffic. 1846. — LITTRÉ-ROBIN 1865. — MAR. Lex. 1961 [1951]. — NOTER-LÉC. 1912. — NYSTEN 1814-20. — PIÉRON 1963. — POPE 1961, § 640. — PRÉV. 1755. — PRIVAT-FOC. 1870. — REMIG. 1963. — ROUGNON 1935. — SPRINGH. 1962. — THOMAS 1956. — TIMM. 1892. — UV.-CHAPMAN 1956. — VACHEK 1960.

aigu, uë [egy] adj.
ÉTYM. XIIIe; agu, agud, 1080; du lat. acutus, ou acúútus (Guiraud).
1 Qui se termine en pointe ou en tranchant. Acéré, perçant, pointu. || Une flèche aiguë. || Un croc, un crochet aigu. || Ce couteau a une lame très aiguë. Affilé, affûté, aiguisé, tranchant. || Le perroquet a un bec aigu. || Fendre du bois avec des coins de fer très aigus.
1 Pour qu'une chose soit aiguë, il faut qu'elle soit très pointue et par conséquent propre à pénétrer : une flèche aiguë.
Lafaye, Dict. des synonymes, Suppl., Pointu, aigu.
(Objets non destinés à compter, à percer). Effilé, fin. || La flèche aiguë d'une tour. || Pignon aigu.Un nez, un visage aigu. Anguleux.Feuilles aiguës… Acéré, aciculaire (aiguille), aculéiforme, acuminé (bot.), lancéolé (bot.), piquant, saillant, subulé (bot.).
2 (…) une jambe allongée au bord du lit brillait et le pied aigu la terminait en pointe d'épée.
France, Histoire comique, VI, p. 86.
Géom. || Angle aigu, plus petit que l'angle droit (opposé à obtus). Angle, acutangle.
2 (Son). D'une fréquence élevée, en haut de l'échelle des sons. || Cri aigu, ton aigu, voix aiguë. Aigre, clair, criard, déchirant, flûté, glapissant, grinçant, nasal, nasillard, perçant, pointu, strident, suraigu. || Une voix aiguë, de clairon, de crécelle, de fausset.
3 Une rumeur aigre, aiguë, acérée (…)
Hugo, Notre-Dame de Paris, I, V (→ Aigre, cit. 2).
4 C'étaient des voix innombrables, aiguës ou graves, de tous les timbres imaginables, des sifflements, des cris, des appels (…)
Maupassant, la Vie errante, p. 203.
5 Le trémolo aigu des grillons.
R. Rolland, Jean-Christophe, t. I, p. 178.
6 Il prenait une voix de tête, des tons aigus, nasillards, martelés, solennels, des trémolos, des bêlements, de grands gestes vastes et tremblotants, comme des battements d'ailes : il jouait Mounet-Sully.
R. Rolland, Jean-Christophe, t. I, p. 762.
7 (…) sa voix trébuchante psalmodiait, sur une seule note aiguë : Quel péché !
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 135.
Mus. Se dit des sons très élevés de l'échelle musicale. || Note aiguë.N. m. || L'aigu : le registre supérieur d'un instrument ou d'une voix. || Passer du grave à l'aigu.
8 (Le rossignol) Saute du grave à l'aigu (…)
Chateaubriand, le Génie du christianisme, I, 5, 5.
Gramm. || Accent aigu [aksɑ̃tegy], qui marque l'é fermé [e].
3 Qui perçoit vite et nettement (regard).
9 On reconnaît son crâne renflé, son regard noir, mobile, dardé, aigu.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 460.
Par métaphore. || Jeter un regard aigu sur la situation politique (→ ci-dessous, 5.).
4 (Douleur, souffrance physique ou morale). Intense et pénétrant. Cuisant, déchirant, piquant, vif, violent. || Une douleur aiguë et intolérable.
10 (…) Ni la goutte la plus douloureuse, ni la colique la plus aiguë ne sauraient lui arracher une plainte (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 3.
11 Ce qui rend les douleurs de la honte et de la jalousie si aiguës, c'est que la vanité ne peut servir à les supporter.
La Rochefoucauld, Maximes, 446.
12 La douleur était si soudaine, et si aiguë, qu'en un instant elle disloqua tous les traits de son visage.
Martin du Gard, les Thibault, IV, II, p. 124.
Méd. || Affection, maladie aiguë (par oppos. à chronique) : maladie grave à évolution rapide, qui se termine en peu de temps.Le moment le plus aigu d'une maladie. Crise, paroxysme.
13 Il fallait laisser le temps de disparaître aux symptômes qui ne pouvaient aller qu'en s'atténuant si je n'apprenais rien de nouveau, mais qui étaient encore trop aigus pour ne pas rendre plus douloureuse, plus difficile, une opération de rupture, reconnue maintenant inévitable, mais nullement urgente, et qu'il valait mieux pratiquer « à froid ».
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 3.
5 Fig. Particulièrement vif et pénétrant (dans le domaine de l'esprit ou des manifestations humaines). || Un sens aigu des réalités. Incisif, mordant, perçant, pénétrant, profond, subtil (cit. 2). || Un esprit aigu et rapide. || Une vision aiguë des choses.
14 (…) une puissance incroyable d'ironie, qui glisse et coule un trait effilé et aigu dans la phrase la plus unie et la plus simple.
Émile Faguet, XVIIe s., Études littéraires, p. 200.
15 (…) l'intelligence parisienne elle-même, aiguë, fiévreuse, toujours en mouvement, avide de connaître, prompte à se lasser, excellant à saisir aujourd'hui les grands côtés d'une œuvre, et demain ses défauts (…)
R. Rolland, Musiciens d'aujourd'hui, p. 212.
16 Je n'ai jamais cru que la grandeur d'un ensemble, l'ampleur d'une synthèse pussent dispenser de la vue aiguë et infiniment particulière du détail.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, 6 octobre, p. 20.
Littér. Qui fait un effet vif, intense (avec une valeur voisine de 5. : regard aigu).
17 Elle est si belle le soir dans le hall de l'hôtel que tous les hommes en sont fous
Son sourire le plus aigu est pour moi car je sais rire comme les abeilles sauvages de son pays.
B. Cendrars, Poésies, « Sud-Américaines », IV.
CONTR. Émoussé, épointé, mousse. — Droit (angle), obtus. — Grave (son), sourd. — Grave (accent). — Sourd (douleur). — Chronique (maladie). — Balourd (esprit).
DÉR. Aigûment.
COMP. Suraigu.

Encyclopédie Universelle. 2012.