infâme [ ɛ̃fam ] adj.
• 1335; lat. infamis, de fama « renommée »
1 ♦ Vx Qui est bas et vil. « Qui m'aima généreux me haïrait infâme » (P. Corneille). — N. m. Allus. littér. « Écrasez l'infâme » (Voltaire), la superstition, l'intolérance.
♢ Littér. (Choses) Qui entraîne une flétrissure morale. Métier, commerce, trafic infâme. ⇒ abject, avilissant, 1. bas, dégradant, honteux, ignoble, indigne. Un crime, une trahison infâme. ⇒ odieux.
2 ♦ Vx Qui est flétri par la loi. Infâme de droit. — Qui entraîne la flétrissure légale. La condition de comédien était infâme chez les Romains.
3 ♦ Cour. Détestable, odieux. Infâme saligaud. « Je ne suis pas infâme. Je suis une femme » (Godard, « Une femme est une femme », film ). — Digne de mépris. Une infâme dissimulation. Complaisance, flatterie infâme.
4 ♦ (Sens affaibli) Qui cause de la répugnance. ⇒ répugnant. Un logis infâme. ⇒ immonde, sale, sordide. Une infâme odeur de graillon. ⇒ infect.
⊗ CONTR. Glorieux, honorable , noble.
● infâme adjectif (latin infamis, de fama, réputation) Qui cause du dégoût par son caractère vil, bas, indigne : Un crime infâme. Qui cause de la répugnance par sa saleté : Un infâme taudis. ● infâme (citations) adjectif (latin infamis, de fama, réputation) Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour. Le Cid, I, 5, Don Diègue Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Qui m'aima généreux me haïrait infâme. Le Cid, III, 4, Rodrigue François Marie Arouet, dit Voltaire Paris 1694-Paris 1778 Écrasons l'infâme. Commentaire L'« infâme » désigne la superstition, le fanatisme et, plus généralement, la religion. Ce mot termine presque toutes les lettres de Voltaire aux encyclopédistes et en particulier à d'Alembert. ● infâme (difficultés) adjectif (latin infamis, de fama, réputation) Orthographe Avec un accent circonflexe sur le a. Mais infamant et infamie ne prennent pas d'accent. ● infâme (synonymes) adjectif (latin infamis, de fama, réputation) Qui cause du dégoÛt par son caractère vil, bas, indigne
Synonymes :
- abject
- dégradant
- déshonorant
- flétrissant
- honteux
- ignoble
- immonde
- indigne
- infamant
- sordide
Qui cause de la répugnance par sa saleté
Synonymes :
- atroce
- horrible
- infect
infâme
adj.
d1./d Avilissant, honteux. Action infâme.
d2./d Répugnant. Taudis infâme.
d3./d Abominable. Infâme individu.
⇒INFÂME, adj.
A. — [En parlant de pers.]
1. Bas, vil, méprisable. Infâme populace, gueux. Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 181) :
• 1. Restait la comédie sérieuse, ou tragédie bourgeoise, celle où l'on voit des pères de famille désolés, des domestiques sauvant leurs maîtres, des richards offrant leur fortune, des couturières innocentes et d'infâmes suborneurs, genre qui se prolonge de Diderot jusqu'à Pixérécourt.
FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 7.
2. Chargé, couvert d'infamie :
• 2. ... féroce et crapuleux, c'est à force de vices et de crimes qu'il a pris un impérieux et irrésistible ascendant sur une tourbe d'êtres dégradés et infâmes : jamais une pensée noble et consolante; on dirait que c'est en riant, d'un rire satanique, qu'il creuse dans la fange pour voir jusqu'à quel point d'ignominie peut aller la dégradation humaine.
SUE, Atar-Gull, 1831, p. 18.
— JURISPR., vx. Infâme de droit. ,,Celui qui avait subi, par jugement, une peine infâme`` (LITTRÉ). Infâme de fait. ,,Celui qui exerçait une profession réputée infâme, comme le bourreau, les tortionnaires, les comédiens`` (LITTRÉ) :
• 3. ... ils [deux plaideurs] engagent leur droit, leur parole, leur serment, leur honneur enfin, puisque droit et dignité ou honneur sont synonymes et que le plaideur de mauvaise foi est réputé infâme.
PROUDHON, Guerre et paix, 1861, p. 201.
— Emploi subst. Vivre en infâme. Qui? Ce maudit Harris! cet Américain d'enfer! ce pirate exécrable! ce voleur d'enfants! cet assassin de jeunes filles! cet infâme... (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 255).
B. — [En parlant de choses]
1. Qui provoque une flétrissure morale. Infâme calomnie. M. Primaire, à la page 172 de son Manuel d'éducation morale, civique et sociale, propose à ses élèves le sujet de devoir suivant : Conduite infâme de la France envers l'Europe sous Louis XIV et Napoléon Ier (BARRÈS, Cahiers, t. 8, 1910, p. 48).
2. Qui cause de la répugnance par sa laideur, sa saleté. Les Vandales détruisaient les monuments de l'antiquité, mais ne les remplaçaient pas par (...) des ponts d'un style infâme, comme le pont Alexandre (FRANCE, Révolte anges, 1914, p. 349) :
• 4. Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux...
BAUDEL., Fl. du Mal, 1857, p. 49.
— Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. [P. allus. à Voltaire et aux Encyclopédistes (cf. le slogan voltairien : Écrasons l'infâme!)] La superstition et l'intolérance. Au XVIIIe siècle, ils étaient trop occupés à combattre l'infâme pour s'amuser à ce fou rire innocent [de Don Quichotte] (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 8, 1864, p. 63). Il est triste à dire, mais c'est la vérité, le papisme est ici presque général. Voltaire a fait un fiasco solenne, et l'infâme est plus puissant que jamais (MÉRIMÉE, Lettres Panizzi, t. 2, 1870, p. 254).
REM. Infamer, verbe trans., vx. Rendre infâme. Je fuis alors ce que j'ai fait, une chose infâme, je le sais bien (...) ma vie n'est-elle pas infamée déjà (DUMAS père, Blancs et bleus, 1870, IV, 5, p. 157).
Prononc. et Orth. : []. Ac. 1694-1762 infame, ensuite -fâme. Étymol. et Hist. 1. 1335 « (en parlant d'une pers.) ignoble » fiers et forz et infames (Girart de Rossillon, éd. E. B. Ham, 5843) en partic. 1348, 10 déc. « flétri par la loi » (cité ds P. VARIN, Arch. administr. de la ville de Reims, II, 1185 : qu'elle soit pronuncie pour infâme); d'où ca 1485 subst. « personne indigne, vile » (Myst. Vieux Testament, éd. J. de Rothschild, 16173); 2. XIVe s. [ms.] « qui avilit ou déshonore quelqu'un » chose infame et vituperable (BRUNET LATIN, Trésor, éd. Chabaille, Appendice, p. 630); 3. 1559 « qui provoque le dégoût, sale, répugnant (ici en parlant d'une pers.) » laid, ord et infame (M. DE NAVARRE, Heptameron, 20e nouvelle, éd. M. François, p. 154). Empr. au lat. infamis « mal famé, décrié », composé de in- privatif et de fama « renommée, réputation ». Fréq. abs. littér. : 1 485. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 3 049, b) 3 096; XXe s. : a) 2 325, b) 655.
infâme [ɛ̃fɑm] adj.
ÉTYM. 1335; lat. infamis « mal famé, décrié », proprt « sans renommée », de in- (→ 1. In-), et fama « renommée, réputation » (→ Famé).
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1 Vx (avant ou après le nom, en épithète). Qui est entièrement méprisable. ⇒ Bas, vil. || Personne infâme (→ Affranchir, cit. 1; assassiner, cit. 14; épargner, cit. 25). || Un infâme coquin. || Une horde infâme d'escrocs (cit. 2). || Celui qui préfère la vie à l'honneur (cit. 3) est infâme. || « Qui m'aima généreux (cit. 2) me haïrait infâme » (Corneille). || « Tel qui se vante d'être criminel n'est qu'infâme » (→ Débauche, cit. 3, Chateaubriand). || Assemblage (cit. 16) infâme.
1 Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour.
Plus l'offenseur est cher, et plus grande est l'offense.
Corneille, le Cid, I, 5.
2 Les infâmes courtisans du plus infâme des princes (…)
Diderot, Essai sur les règnes de Claude et de Néron, I, 83.
3 Mais s'ils ont tout osé, vous avez tout permis.
Plus l'oppresseur est vil, plus l'esclave est infâme.
3.1 — Monsieur, dit la jeune femme, je vous savais lâche, avare et imbécile, mais je ne vous savais pas infâme !
A. Dumas, les Trois Mousquetaires, t. I, p. 217.
♦ (1458, Mystère du Vieil Testament, aussi daté 1485). N. || Un, une infâme (→ Chaîne, cit. 5). || Vivre en infâme.
4 Comme du Ciel l'infâme impudemment se joue !
Molière, Tartuffe, V,7.
♦ N. m. ☑ (Allus. littér.). || « Écrasez l'infâme » (Voltaire) : écrasez la superstition, l'intolérance.
5 La superstition est bien puissante vers le Danube. Vous me dites qu'elle perd son crédit vers la Seine, je le souhaite; mais songez qu'il y a trois cent mille hommes gagés pour soutenir ce colosse affreux, (…) Tout ce que peuvent faire les honnêtes gens, c'est de gémir entre eux, quand cette infâme est persécutante, et de rire quand elle n'est qu'absurde (…) Quoi que vous fassiez, écrasez l'infâme, et aimez qui vous aime.
Voltaire, Correspondance, 112, 28 nov. 1762.
♦ (XIVe). Choses. Qui entraîne une flétrissure morale. Vx. (Choses concrètes). ⇒ Infamant. || L'infâme bois (cit. 42) de la croix. ⇒ Ignominieux. || L'infâme couteau (cit. 16) du bourreau. — Vieilli ou littér. (Abstractions). || Métier infâme (→ Aumône, cit. 7). || Commerce (cit. 9), trafic (→ Canon, cit. 1) infâme. ⇒ Abject, avilissant, bas, ignoble, indigne. || L'assujettissement (cit. 2) infâme de l'esprit à la chair. || Volupté lâche et infâme (→ Boîte, cit. 12). ⇒ Dégradant, honteux. || Amour infâme. ⇒ Coupable, impur. — Mod. (Actes). || Un crime, une trahison infâme. ⇒ Atroce, horrible, odieux. || Action, chose indigne et infâme (→ Abaisser, cit. 8). Spécialt (vx). Dégradant, dans le domaine érotique.
6 Mais le plus beau projet de notre académie (…)
C'est le retranchement de ces syllabes sales,
Qui dans les plus beaux mots produisent des scandales (…)
Ces sources d'un amas d'équivoques infâmes,
Dont on vient faire insulte à la pudeur des femmes.
Molière, les Femmes savantes, III, 2.
7 (…) malgré la défection de tant de sujets, malgré l'infâme désertion de la milice (…)
Bossuet, Oraison funèbre de la Reine d'Angleterre.
8 Ceux qui font des métiers infâmes, comme les voleurs, les femmes perdues, s'honorent de leurs crimes et regardent les honnêtes gens comme des dupes.
Vauvenargues, Maximes et réflexions, 353.
REM. Le mot ne peut guère s'employer aujourd'hui qu'avec des substantifs exprimant des actions moralement dépréciées (crime, ignominie, etc.) que l'adj. renforce péjorativement; son emploi avec des noms neutres est archaïque.
2 (1348). Vx. Qui est flétri par la loi. || Infâme de droit. || Personne infâme mise au carcan (cit. 1). — Par ext. Qui entraîne la flétrissure légale. || La condition des comédiens (cit. 1) était infâme chez les Romains.
9 Un acteur, une actrice, gens infâmes même selon les lois des hommes (…)
Massillon, Carême, Élus.
3 Cour. (Personnes). Absolument immoral. ⇒ Ignoble. || Infâme créature (→ Hypocrisie, cit. 17). || Infâme saligaud (→ Gueux, cit. 10).
9.1 Si infâmes que soient les canailles, ils ne le sont jamais autant que les honnêtes gens.
O. Mirbeau, le Journal d'une femme de chambre, p. 193.
♦ N. (rare au fém.). Vx ou plais. ⇒ Scélérat (→ Arracher, cit. 3). || Ah ! infâme ! ah ! traître ! (→ Assassiner, cit. 9, Molière). || Infâme que vous êtes ! (→ À, cit. 5). || Ah, l'infâme ! il m'a fauché mon stylo !
10 Oh ! trop heureux d'avoir une si belle femme !
Malheureux bien plutôt de l'avoir, cette infâme (…)
Molière, Sganarelle, 16.
♦ Choses. || Une infâme dissimulation. || Complaisance, flatterie infâme.
11 (…) des curiosités qui sont l'infâme volupté de la plupart des gens du monde.
Proust, les Plaisirs et les Jours, p. 116.
4 (Av. 1549). (Sens affaibli). Qui cause de la répugnance. ⇒ Répugnant. — (Personnes) || Une infâme danseuse vieille et laide (→ Guenon, cit. 6). || Ah, l'infâme con, l'infâme crétin ! ⇒ Sale. — (Choses). || « La ménagerie infâme de nos vices » (→ Grognant, cit., Baudelaire). || Un logis infâme. ⇒ Malpropre, sale. || Une infâme saleté (→ Guerre, cit. 23). || La bave (cit. 1) infâme du ver de terre. || Une infâme odeur d'ail (→ Empester, cit. 1).
11.1 L'infâme digestion est le grand arbitre de nos sentiments.
E. Delacroix, Journal 1850-1854, 31 mai 1853.
12 (…) l'infâme vapeur qui l'avait tué (l'enfant) rôdant alors autour de ce front charmant, avait failli la suffoquer.
Léon Bloy, la Femme pauvre, p. 228.
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DÉR. Infâmement.
CONTR. Glorieux, honorable, noble.
Encyclopédie Universelle. 2012.