COUDE
L’articulation du coude, située à la partie moyenne du membre supérieur, met en présence trois os: l’humérus, le cubitus et le radius.
Unité anatomique par sa capsule articulaire unique et sa synoviale commune, le coude est aussi une unité fonctionnelle. En effet, chez l’homme et chez les anthropoïdes, cette articulation permet deux sortes de mouvements: la flexion-extension et la rotation axiale ou pronation-supination. À tout moment, d’ailleurs, ces mouvements peuvent être associés et coordonnés.
Surfaces articulaires ou cartilagineuses
Les surfaces articulaires intéressent sur l’humérus l’extrémité inférieure, large, de l’os. On distingue la poulie en dedans, le condyle en dehors, séparés par une gouttière. La poulie, ou trochlée, comprend deux joues convexes et une gorge large, qui accomplit les trois quarts d’une circonférence. Le condyle est un segment de sphère plaqué sur le versant antérieur de l’humérus. On appelle gouttière condylo-trochléenne un large sillon interposé entre la trochlée et le condyle; il est biseauté, en zone conoïde, sur son versant trochléen (fig. 1).
Les surfaces articulaires du cubitus, ou cavités sigmoïdes, sont creusées dans les tubérosités supérieures de l’os, l’olécrane et l’apophyse coronoïde. La grande cavité sigmoïde, concave en avant, comprend un versant supérieur, olécranien, et un versant inférieur, coronoïdien. Elle échancre largement l’extrémité supérieure de l’os et lui donne, de profil, l’allure d’une clé anglaise; elle se subdivise en deux surfaces concaves séparées par une crête axiale. La grande cavité sigmoïde s’articule avec la poulie de l’humérus. La petite cavité sigmoïde est une surface concave, taillée en segment de cylindre à grand axe vertical. Située sur la face externe de l’apophyse coronoïde, elle s’articule avec le pourtour de la tête du radius.
La tête du radius comprend deux surfaces articulaires, la cupule et le pourtour. La cupule, ou versant supérieur, correspond au condyle huméral; le rebord de la cupule s’élargit en dedans, formant le biseau radial, en rapport avec la zone conoïde. Le pourtour de la tête, ou turban radial, est un segment de cylindre à grand axe vertical; il se met en rapport avec la petite cavité sigmoïde du cubitus.
Surfaces para-articulaires
Les surfaces para-articulaires bordent les éléments cartilagineux. L’humérus possède, sur le versant antérieur, deux petites fossettes: l’une, sus-trochléenne, loge le bec de l’apophyse coronoïde dans l’extrême flexion du coude; l’autre, sus-condylienne, correspond au rebord de la cupule du radius. En arrière, la vaste cavité olécranienne loge le bec de l’olécrane dans l’extension du coude. Elle représente un point faible de l’os, siège des fractures transversales, ou supra-articulaires. Il existe par ailleurs des saillies latérales, l’épitrochlée en dedans, l’épicondyle en dehors; ces apophyses donnent insertion aux ligaments latéraux du coude et à des groupes musculaires importants.
Lorsque le coude est en extension, on peut palper sur une même horizontale l’épitrochlée, le sommet de l’olécrane et l’épicondyle.
Le cubitus donne insertion à deux muscles moteurs de l’articulation: le brachial antérieur se fixe sur l’apophyse coronoïde, le triceps brachial sur le sommet de l’olécrane.
Le col du radius se continue en dedans avec la forte saillie de la tubérosité bicipitale, insertion du muscle biceps brachial.
Moyens de contention
Les moyens de contention comprennent la capsule articulaire, les ligaments et, accessoirement, la synoviale (cette dernière tapisse profondément la capsule).
La capsule traverse à mi-hauteur la cavité olécranienne, borde latéralement le condyle et la trochlée, et longe la limite supérieure des fossettes sus-trochléenne et sus-condylienne. Elle se fixe sur le cubitus près du cartilage des cavités sigmoïdes; par contre, l’insertion sur le col du radius est à 5 mm du cartilage de la tête.
Parmi les ligaments, on citera simplement un ligament antérieur et un ligament postérieur, peu développés, et on décrira les éléments principaux, les ligaments latéraux et les ligaments radio-cubitaux (fig. 2).
Articulation de flexion-extension, le coude possède deux puissants ligaments latéraux. Chacun d’eux se fixe sur une apophyse de l’humérus, et se partage en trois faisceaux destinés au cubitus. Le faisceau postérieur, faible, est olécranien; les faisceaux antérieur et moyen sont coronoïdiens. Le ligament latéral interne s’attache sur l’épitrochlée, et son faisceau moyen, le plus solide, se fixe sur le tubercule coronoïdien; il bride la latéralité du coude en dehors, ou valgus. Le ligament latéral externe, parti de l’épicondyle, possède également un puissant faisceau moyen, inséré sur le rebord postérieur de la petite cavité sigmoïde; il limite la latéralité en dedans, ou varus.
Les ligaments radio-cubitaux comprennent un ligament annulaire et un ligament carré. Le ligament annulaire enroule ses fibres autour de la tête et du col du radius, et se fixe en dedans sur les bords de la petite cavité sigmoïde; il maintient mécaniquement la tête du radius. Le ligament carré, de Denucé, est un court faisceau tendu du col du radius au rebord inférieur de la petite cavité sigmoïde.
Physiologie de l’articulation du coude
Dans l’étude des mouvements, on se réfère à une position de départ: membre en extension, paume de la main dirigée en avant, pouce en dehors, dans une attitude de supination. L’axe de l’avant-bras n’est pas dans le prolongement de l’axe du bras, mais un peu dévié en dehors: c’est le cubitus valgus, souvent plus important chez la femme que chez l’homme. Le coude peut effectuer deux ordres de mouvements:
– la flexion-extension, autour d’un axe transversal; elle a pour support une trochléenne, la poulie humérale, logée dans la grande cavité sigmoïde du cubitus;
– la rotation axiale, orientée autour d’un axe vertical, fait tourner le radius autour du cubitus. Ce mouvement de tout l’avant-bras comporte deux articulations trochoïdes, les radio-cubitales. La radio-cubitale supérieure appartient seule au coude; la tête du radius tourne sur place à l’intérieur d’un anneau ostéo-fibreux, le ligament annulaire, complété par la petite cavité sigmoïde du cubitus.
Le rôle de l’articulation du condyle avec la cupule radiale est d’harmoniser les deux ordres de mouvements. Plus précisément, elle permet une pronation-supination de 1600, quel que soit le degré de flexion ou d’extension du coude.
La flexion totale atteint 1400; trois muscles président à ce mouvement: le brachial antérieur, muscle court, muscle de vitesse; le biceps brachial, muscle long, fléchisseur puissant, mais qui n’est pleinement efficace que dans la supination; le long supinateur, muscle de force, muscle du grimper. Un seul élément assure l’extension, le triceps brachial.
Les muscles pronateurs sont représentés par le rond et le carré pronateurs, accessoirement par le grand palmaire; les supinateurs comprennent le biceps brachial, les supinateurs court et long, les muscles radiaux.
Pathologie du coude
La pathologie du coude comporte des lésions traumatiques, inflammatoires, dégénératives.
En traumatologie, la lésion la plus fréquente est l’entorse, qui intéresse habituellement le ligament latéral interne. Le «tennis-elbow» (qui n’est pas réservé aux adeptes de ce sport) associe les microlésions périarticulaires à un processus inflammatoire (tendinite) douloureux et rebelle.
Les fractures frappent soit la totalité de l’extrémité inférieure de l’humérus (fracture dite supra-condylienne, fréquente chez l’enfant), soit un segment osseux: épitrochlée, olécrane, tête du radius, etc.
Les lésions inflammatoires comprennent les arthrites rhumatismales; la tuberculose ostéo-articulaire, provoquant la «tumeur blanche» du coude, relativement fréquente, mais de pronostic favorable; l’épicondylite, etc.
Des phénomènes inflammatoires d’origine mécanique déterminent soit l’épicondylite, soit la prolifération des bourses séreuses périarticulaires, donnant une tuméfaction (ou hygroma), qui peut secondairement s’infecter. Parmi les lésions dégénératives, citons l’arthrose, processus ankylosant, le plus souvent d’origine traumatique, et l’ostéochondromatose de la synoviale, qui édifie des dizaines de corps étrangers articulaires.
coude [ kud ] n. m.
1 ♦ Partie du membre supérieur située en arrière de l'articulation du bras et de l'avant-bras, saillante lorsque l'avant-bras est fléchi. — Anat. Partie du membre supérieur correspondant à l'articulation entre le bras et l'avant-bras. Le coude et la saignée du bras. Du coude. ⇒ cubital. Luxation du coude. Synovite du coude (⇒ tennis-elbow) . S'appuyer sur le coude. ⇒ s'accouder. Mettre ses coudes sur la table. — Loc. Coudes au corps : les coudes serrés contre les flancs. Courir coudes au corps. Donner un coup de coude à qqn, pousser qqn du coude pour l'avertir. — Plonger les mains dans l'eau jusqu'au coude.
♢ Loc. fam. Se fourrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Lever le coude : boire beaucoup. — L'HUILE DE COUDE : l'énergie. Mettre de l'huile de coude pour parvenir à un résultat. — Ne pas se moucher du coude. — SOUS LE COUDE : en attente. Garder un dossier sous le coude.
♢ Loc. adv. COUDE À COUDE : très proche l'un de l'autre. Travailler coude à coude, côte à côte. — Subst. m. Des coude(-)à(-)coude fraternels.
♢ Fig. Se serrer, se tenir les coudes : s'entraider, être solidaire. « Un prêté pour un rendu. On se tient les coudes dans la famille » (R. Debray).
♢ Jouer des coudes, pour se frayer un passage à travers la foule. Fig. Manœuvrer aux dépens des autres. « une société où, pour s'avancer, il fallait jouer des coudes » (France).
2 ♦ Partie de la manche d'un vêtement, qui recouvre le coude. Veste trouée, lustrée aux coudes.
3 ♦ (1611) Angle saillant (d'un objet cylindrique allongé). ⇒ angle, saillie. Coude d'un tuyau. Arbre de transmission à deux coudes. — (D'une voie) Coudes d'une rivière. ⇒ détour, méandre. La route fait un coude. « Brusquement, à un coude du chemin » (Zola). ⇒ courbe, 2. tournant.
♢ Élément de tuyauterie servant à raccorder deux tuyaux en formant un angle. Un coude de 90°, de 60°.
● coude nom masculin (latin cubitus) Articulation située à la jonction du bras et de l'avant-bras. Partie de la manche de vêtement qui recouvre le coude. Angle saillant, changement brusque de direction ; courbure brusque d'un objet : Le coude d'un tuyau. La rue faisait un coude. Pâte alimentaire de semoule de blé dur, moulée en gros tube court et coudé. Pièce de cuir à coudre ou thermocollante qui sert à protéger extérieurement de l'usure le coude d'une manche. Élément de tuyauterie en forme d'arc de cercle, directement réalisé par cintrage, ou rapporté. ● coude (difficultés) nom masculin (latin cubitus) Orthographe Coude à coude loc. adv. = côte à côte, tout près. Ils travaillent coude à coude Sans trait d'union et toujours au singulier. Mais on écrit un coude-à-coude n.m., avec deux traits d'union : ils sont au coude-à-coude. ● coude (expressions) nom masculin (latin cubitus) Coude à coude, en étant très proche l'un de l'autre ; avec un vif sentiment de solidarité. Coudes au corps, les coudes serrés le long du corps. Donner un coup de coude, faire du coude, pousser légèrement quelqu'un avec le coude pour attirer son attention discrètement. Familier. Lever le coude, boire copieusement. Se serrer, se tenir les coudes, se soutenir mutuellement. Sous le coude, se dit d'un travail qu'on a mis de côté en le remettant à plus tard, de ce qui est en attente, en suspens. ● coude (synonymes) nom masculin (latin cubitus) Angle saillant, changement brusque de direction ; courbure brusque d'un objet
Synonymes :
- angle
- courbe
- méandre
- tournant
- virage
coude
n. m.
d1./d Articulation entre le bras et l'avant-bras, formée, en haut, par le condyle de l'humérus, en bas, par les têtes du cubitus et du radius. Mettre, poser les coudes sur la table. Donner un coup de coude à qqn.
|| Loc. fig., Fam. Se serrer les coudes: se soutenir mutuellement.
— Au coude à coude: en se tenant très proches les uns des autres.
|| Loc. Fam. Jouer des coudes: se frayer un passage au milieu d'un grand nombre de personnes en les écartant sans ménagement; fig. faire son chemin sans souci d'autrui.
d2./d Dans un vêtement, partie de la manche couvrant le coude. Veste trouée aux coudes.
d3./d ZOOL Articulation de la patte antérieure des onguligrades, analogue au coude de l'homme, mais intégrée dans le corps. Coude de l'âne.
d4./d Coude d'un chemin, d'une rivière, d'un tuyau: angle.
⇒COUDE, subst. masc.
I.— ANATOMIE
A.— Articulation du bras et de l'avant-bras, et spécialement, partie extérieure de cette articulation qui fait saillie. Saillie, pli, articulation du coude; luxation du coude; s'appuyer sur le(s) coude(s). Coudes à mignonnes fossettes (SUE, Atar Gull, 1831, p. 11). L'homme se tenait immobile, le coude sur la table et le front dans la main (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 106). Fanny s'est assise sur une chaise, son bras replié sur le dossier, la figure au creux de son coude (PAGNOL, Fanny, 1932, IV, 9, p. 239) :
• 1. L'abbé est assis dans un fauteuil bas, les jambes croisées, les coudes sur les bras du siège, les mains jointes sous le menton.
R. MARTIN DU GARD, Jean Barois, 1913, p. 229.
— P. métaph. Une bielle de locomotive n'a pas de chair. C'est strictement un humérus et un cubitus joints par un condyle (...) Nous avons inventé ces deux os et ce coude qu'est la bielle, telle qu'elle est, admirable dans sa sécheresse d'os d'acier (GIONO, Triomphe vie, 1941, p. 116).
SYNT. a) Coude droit, gauche, maigre, pointu, écorché, éraflé; os du coude; muscles extenseurs, fléchisseurs du coude. b) Les coudes appuyés, posés sur la table, sur les genoux. c) Fracture, arthrose, arthropathie, ankylose du coude. d) Serrer, écarter les coudes; se soulever sur un coude; saisir, toucher, presser, frôler le coude de qqn; heurter, repousser qqn, qqc. du coude; se faire mal au coude.
B.— Loc. au sens phys. et/ou au fig.
1. Loc. verbales
a) [Loc. concernant les rapports interpersonnels]
) Donner un coup de coude à qqn, dans qqc. Heurter quelqu'un, quelque chose du coude :
• 2. Cependant Madame Lepic commence une manœuvre habile. Elle frôle l'aveugle, lui donne des coups de coude, lui marche sur les pieds, le fait reculer, le force à se loger entre le buffet et l'armoire où la chaleur ne rayonne pas.
RENARD, Poil de Carotte, 1894, p. 110.
— En partic. Donner un coup de coude à qqn. Avertir quelqu'un discrètement par un léger coup de coude : La mémoire a manqué deux fois à la fille qui donnait un petit coup de coude à sa mère, laquelle lui soufflait les premiers mots des vers (DELÉCLUZE, Journal, 1826, p. 333).
) Pousser qqn du coude. L'avertir par un signe d'intelligence discret :
• 3. Ce personnage intimidant nous offre à genoux des cigarettes et des pâtes de fruits. Je ne puis m'empêcher de sourire, et Gide me pousse du coude comme un écolier.
GREEN, Journal, 1933, p. 132.
— Emploi pronom. à sens réciproque. Se pousser du (ou le) coude. Ils se retiennent de rire, se poussent le coude, clignent de l'œil, pouffent soudain (ROMAINS, Knock, 1923, II, 6, p. 14).
) Se tenir, se serrer les coudes (vx), se sentir, se toucher les coudes.
— Être très proche l'un de l'autre, au point que les coudes se touchent. On se sentait les coudes et les hanches un peu bien; n'importe, il y avait place pour tout le monde (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 6, p. 64) :
• 4. ... chaque baraque de deux cents hommes ne comportait guère que trois ou quatre tables avec le double de bancs, de quoi loger à trente en se serrant les coudes.
AMBRIÈRE, Les Grandes vacances, 1946, p. 265.
— Au fig. S'entraider, se soutenir mutuellement dans une tâche commune. Il fallait plus que jamais que la gauche se tienne les coudes (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 331) :
• 5. Savez-vous, mes vieux, que c'est une veine exceptionnelle d'entrer dans la vie aussi bien groupés que nous le sommes? On ne « devient » rien tout seul... Il faut s'en souvenir, il faut tâcher de ne pas nous désunir... C'est bon de se toucher les coudes : on se sent soutenu, poussé...
R. MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, p. 33.
) Jouer des coudes. Tenter d'avancer à travers une foule en écartant ses voisins avec les coudes :
• 6. Gilquin s'était jeté en plein tas, résolument, jouant des coudes, ouvrant un sillon; et il manœuvrait avec une telle autorité, que les rangs les plus serrés s'écartaient devant lui.
ZOLA, Son Excellence E. Rougon, 1876, p. 95.
— Au fig. Tenter de parvenir à ses fins en évinçant les importuns par des manœuvres habiles :
• 7. ... perdu dans la foule ahurissante (...), si étranger à ce qui s'y faisait (et si touchant par là même), alors je sens mieux le contraste vivant qu'il faisait avec les ambitieux forcenés qui nous entouraient, chacun jouant des coudes pour parvenir.
BLANCHE, Mes modèles, 1928, p. 81.
) Au fig., vx et fam. Lâcher le coude à qqn. Le laisser en paix. — Lâchez-nous donc le coude, avec votre politique! cria le zingueur (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 626). — Je vous prie de me lâcher le coude, avec vos grossièretés (TOULET, Nane, 1905, p. 96).
b) [Loc. concernant la pers. du suj.]
) Mettre les coudes sur la table. Avoir une attitude peu correcte à table :
• 8. ... Combien de fois faudra-t-il te le répéter : On ne met pas ses coudes sur la table. Cet enfant est insupportable!
GIDE, Les Nouvelles nourritures, 1935, p. 289.
) Au fig., fam. Lever, hausser le coude. Boire beaucoup, être enclin à boire. Avec quel air de bonheur il leva le coude, lorsque Marescot lui tendit le bidon! (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 225). Tyrannion avait le défaut de lever le coude et de boire plus que de raison (L. DAUDET, Sylla, 1922, p. 177).
) Au fig., fam. et iron. Ne pas se moucher du coude. Être riche; être prétentieux. Ils ne se mouchent pas du coude, non, les habitants de Sacca; tous contrebandiers finis et qui adorent Madame (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 372).
) Au fig., fam. Mettre de l'huile de coude. Travailler avec énergie, fournir un gros effort musculaire. — Plus on met de l'huile de coude, plus ça reluit, dit sentencieusement Lantier (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 732). De la farine de millet (...) qu'on malaxe avec beaucoup d'huile de coude (L'Œuvre, 24 déc. 1941).
2. Loc. adverbiales
a) [Loc. concernant les rapports interpersonnels] Coude à coude.
) À très grande proximité l'un de l'autre, au point que les coudes touchent presque ceux du voisin. Travailler, marcher coude à coude; hommes coude à coude. Synon. côte à côte, ensemble. Des enfants qui se serrent coude à coude pour écouter une histoire (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 233). Deux bicyclettes sortaient de Nevers. Bénin et Broudier roulaient coude à coude (ROMAINS, Copains, 1913, p. 105).
♦ Combat coude à coude. En rangs serrés :
• 9. En même temps que les personnes, les doctrines, les opinions étaient là, coude à coude, et trouvaient à cette table un foyer accueillant.
BARRÈS, Les Diverses familles spirituelles de la France, 1917, p. 210.
) Au fig. En se serrant les coudes entre camarades, en étant solidaires, unis. Une route dure, semée des exigences du travail, où l'on ne progresse que coude à coude avec l'humanité tout entière (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 16).
— Emploi subst. masc. Synon. de coudoiement. Être, vivre, travailler au coude à coude; un coude à coude familier, fraternel.
) Contact des coudes, grande proximité avec quelqu'un. Derrière lui venaient, cuivres au coude à coude, les musiciens et leur porte-bannière (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 11). Le coude à coude anonyme de la foule (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 212).
) Au fig. Solidarité. Sentiment du coude à coude :
• 10. Il ne faut pas couler la politique vivante dans de vieux moules hors d'usage, comme le Front Populaire de 1936. Aucun pacte n'a été nécessaire pour créer le coude à coude durant la Résistance.
MAURIAC, Bloc-notes, 1958, p. 190.
b) [Loc. concernant la pers. du suj.]
) Coudes au corps. Les coudes collés aux flancs. Courir coudes au corps.
♦ P. métaph. Ce qui m'intéresse, c'est de voir Pascal abandonner le pas de promenade et mettre coudes au corps sur la voie qu'il a choisie (H. BAZIN, Lève-toi, 1952, p. 194).
) Jusqu'au coude
— Tout l'avant-bras compris. Retrousser ses manches jusqu'au coude, plonger ses mains dans l'eau jusqu'au coude. Des chasseurs, les bras retroussés jusqu'au coude, dépècent une biche (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 129).
— Au fig. Sans réserve, complètement.
♦ Populaire
S'en mettre, s'en fourrer jusqu'au coude. Manger sans retenue, outre mesure.
Se fourrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Se tromper complètement. Un homme qui se fourre le doigt dans l'œil jusqu'au coude, ou bien qui brosse tranquillement une très belle œuvre (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 109).
II.— Autres domaines
A.— P. méton. Endroit de la manche d'un vêtement correspondant au coude. Habit lustré, usé, troué au(x) coude(s); rapiécer, repriser un coude. Ma chemise est toute déchirée, j'ai les coudes percés, mes bottes prennent l'eau (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 239). Un veston troué au coude et plein de taches (ANOUILH, Sauv., 1938, III, p. 249).
B.— [P. anal. de forme] Angle saillant que présentent certains objets à l'endroit où ils changent brusquement de direction. Coude de baïonnette, d'un arbre de transmission, d'un mur.
— En partic.
1. [En parlant d'un cours d'eau ou d'une voie de communication] Un coude brusque; faire, former un coude; coude d'une route, d'une rivière, d'un corridor. (Quasi-)synon. détour, tournant, angle, virage, méandre, courbe. Vers sept heures du matin, à un coude du Nil, les Pyramides apparurent subitement, dessinées par le soleil levant (DU CAMP, Nil, 1854, p. 26). Les chambres du sixième sont desservies par un long couloir à deux coudes (BUTOR, Pass. Milan, 1954, p. 15) :
• 11. Maintenant, un autre berger était là. Arrêté au coude de la route, il regardait passer les moutons. Il avait dû, tout à l'heure, pousser les ouailles du genou pour sortir du flot qui l'emportait.
GIONO, Le Grand troupeau, 1931, p. 22.
♦ P. métaph. Brusque coude dans ma destinée. Retour en France, malade (MAURIAC, Du côté Proust, 1947, p. 145).
2. Coude d'un cep de vigne. Endroit où naît le sarment qui porte du raisin :
• 12. Les embranchements variés des conduits (...) dessinaient sur la façade une espèce d'arbre. Ces ramifications de tuyaux avec leurs cent coudes imitaient ces vieux ceps de vigne dépouillés qui se tordent sur les devantures des anciennes fermes.
HUGO, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 546.
3. Bout de tuyau de raccord formant un angle et permettant à une conduite de changer de direction. Dans le grand atelier traversé par le tuyau à coude d'un petit poêle (...) le gros homme coloriait à côté de sa femme (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 265).
Prononc. et Orth. :[kud]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1121-35 cute « coudée » (PH. DE THAON, Bestiaire, 711 ds T.-L.) — XVIe s. ds HUG. (coude); 2. 1165-70 anat. le destre cote (CHR. DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 980); XIIIe s. [ms.] code (ID., Perceval, éd. F. Lecoy, 4287); 1387-91 [mss A, L, P : ca 1400] coude (G. PHÉBUS, Livre de chasse, éd. G. Tilander, 43, 18); d'où expr. : a) 1458 [ms.] jusques au coute sens propre (Fierabras, ms. Bruxelles, 9067, f° 12 r°, Am. Salmon ds GDF. Compl.); XVe s. fig. y être jusques aux coutes (Songe doré de la pucelle ds Anc. Poésies fr., t. 3, p. 218); b) fin XVIe s. plier le coude « boire beaucoup » (BOUCHET, Sérées, éd. C.-E. Roybet, t. 1, p. 6); 1752 lever le coude (Ph. LEROUX, Dict. comique, satyrique..., Lyon); c) av. 1755 coude à coude (ST-SIM., 64, 73 ds LITTRÉ); 3. p. ext. av. 1660 « partie du vêtement qui recouvre le coude » (SCARRON, Sonnets, Le Pourpoint troué ds GUÉRIN 1892); 4. 1611 « partie d'un outil qui forme un angle saillant » coude de la branche (COTGR.); 1690 (FUR. : Coude : angle fort obtus que fait une muraille, un chemin, & qui l'éloigne un peu de la ligne droite); 5. 1694 « bout de tuyau métallique qui permet de changer la direction d'une conduite » coude de conduite (CORNEILLE). Du lat. class. « pliure du bras; courbure; mesure de longueur ». Fréq. abs. littér. :2 312. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 1 719, b) 4 993; XXe s. : a) 4 276, b) 3 118. Bbg. GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GOUG. Mots. t. 2. 1966, p. 15. — HIAN (L.). Adoptions et coïncidences. Vie Lang. 1973, p. 291. — ROG. 1965, p. 28, 132. — THOMAS (A.). Nouv. Essais 1904, p. 24.
coude [kud] n. m.
ÉTYM. V. 1390; coute, 1458; cote, v. 1165; du lat. cubitus « pliure du bras; courbure; mesure de longueur ».
❖
1 Partie du membre supérieur, saillante lorsque l'avant-bras est fléchi, située en arrière de l'articulation du bras et de l'avant-bras. — (Anat). Partie du membre supérieur correspondant à l'articulation entre le bras et l'avant-bras. || Du coude. ⇒ Cubital. || Os de l'articulation du coude (⇒ Humérus; cubitus, radius). || Flexion, extension du coude. || Muscles du coude : (extenseur) triceps brachial; (fléchisseurs) biceps, muscle brachial antérieur. || Nerf du coude. ⇒ Cubital (nerf). || Pli du coude. ⇒ Saignée. || Le coude et la saignée du bras. || Luxation du coude. || Tumeur du coude, chez le cheval. ⇒ Éponge.
1 Trois pièces osseuses (…) concourent à former l'articulation du coude : du côté du bras, l'extrémité inférieure de l'humérus; du côté de l'avant-bras, l'extrémité supérieure du cubitus et l'extrémité supérieure du radius.
L. Testut, Traité d'anatomie, t. I, p. 597.
1.1 (…) celui (le corps) de droite a en outre les mains passées sous la nuque, les coudes repliés pointent en l'air, obliquement, de chaque côté. L'homme ne dort pas (…)
A. Robbe-Grillet, Dans le labyrinthe, p. 105.
1.2 Dans un réflexe d'enfant prise en faute, elle lève un coude avec précipitation pour se protéger la figure (bien qu'il n'ait pas ébauché le moindre geste de violence à son égard).
A. Robbe-Grillet, Projet pour une révolution à New York, p. 27.
♦ ☑ Loc. S'appuyer sur le coude; se soulever (lorsqu'on est couché) sur le coude. ⇒ Accouder (s'); accotoir, accoudoir, appui-bras, appui-coude.
2 Sophie était seule; elle avait les coudes appuyés sur sa table, et la tête penchée sur sa main (…)
Diderot, le Père de famille, I, 7.
3 (…) je m'étais appuyé sur mon coude, et, me soulevant sur mon lit, je l'écoutais attentivement.
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, I, V, p. 43.
♦ Donner, envoyer un coup de coude à qqn. || Pousser qqn du coude pour l'avertir. ☑ Se pousser le coude, du coude : se faire un signe d'intelligence.
4 (…) quand vous rencontrez dans la rue une mystérieuse à triple voile, vous pouvez dire : Celle-ci va où elle ne devrait pas aller. Et c'est tellement connu que les autres femmes sur son passage sourient et se poussent le coude.
Loti, les Désenchantées, XIV, p. 116.
5 M. Perruel envoya un coup de coude à son patron. En sortant, il le chapitra (…)
A. Maurois, Bernard Quesnay, VI, p. 41.
5.1 (…) ses méfiants compagnons de chambrée, bien que se poussant du coude comme les collégiens devant le loustic, préparaient des combines compliquées pour qu'il ne fût jamais garde-chambre.
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 304.
♦ ☑ Fam. Lâche-moi le coude : laisse-moi tranquille (→ Lâche-moi les baskets).
♦ Jusqu'au coude. || Plonger les mains dans l'eau jusqu'au coude. — Fig. et fam. Complètement. ☑ Se fourrer le doigt dans l'œil jusqu'au coude : se tromper lourdement. — ☑ S'en mettre jusqu'au coude : manger énormément.
♦ ☑ Sous le coude, se dit d'une affaire, d'un dossier qui n'est pas traité, dont on ne s'occupe pas. || Garder un dossier sous le coude. ☑ Courir coudes au corps, en appliquant les coudes au niveau de la ceinture.
♦ ☑ Loc. fam. L'huile de coude : l'énergie. || Mettre de l'huile de coude pour parvenir à un résultat.
♦ ☑ Loc. Ne pas se moucher du coude : ne pas manquer d'argent, et, aussi, ne pas manquer de prétention.
♦ ☑ (Av. 1755). Coude à coude : très proche l'un de l'autre. || Travailler coude à coude. ⇒ Contre (contre à contre), côte (côte à côte); ensemble. — N. m. || Un coude à coude fraternel (⇒ Coudoiement). || Être au coude-à-coude. — (Abstrait). Rapprochement, solidarité étroite (entre personnes).
5.2 Nous le buvons, notre espresso, debout dans une bonbonnière-nickel, c'est le coude à coude, c'est le jet de vapeur, c'est la chaleur humaine dans la grande chaleur.
Violette Leduc, la Folie en tête, p. 551.
5.3 Ils se tiennent en demi-cercle, serrés les uns contre les autres au coude à coude, leurs visages sont immobiles, leurs yeux pareils à des yeux de verre sont fixés sur lui.
N. Sarraute, Vous les entendez ?, p. 187.
6 Le sentiment du coude à coude et de la responsabilité mutuelle est très fort dans la famille patriarcale.
Daniel-Rops, le Peuple de la Bible, I, II, p. 42.
7 (…) l'essentiel demeurait à ses yeux d'aller de l'avant, avec un esprit de confiance réciproque, et la volonté de « se sentir les coudes ».
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XII, p. 93.
7.1 Un prêté pour un rendu. On se tient les coudes dans la famille.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 237.
7.2 Il n'importe ni de penser, ni de descendre dans la rue, mais de se serrer les coudes, de se tenir chaud. Tout ce qui menace de perturber les affectueuses retrouvailles de la fête à l'Huma relève de la provocation gauchiste.
M. Tournier, le Vent Paraclet, p. 285.
♦ ☑ (1752). Fig. et pop. Lever, hausser le coude : boire beaucoup. || Il lève bien le coude.
♦ ☑ Jouer des coudes, pour tenter de se frayer un passage à travers une foule. — Fig. Manœuvrer pour parvenir à ses fins aux dépens des autres.
8 (…) une société où, pour s'avancer, il fallait jouer des coudes (…)
France, la Vie en fleur, XV, p. 180.
9 Jacques et ses amis, jouant des coudes, essayèrent de se frayer un chemin à travers cette marée humaine (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 280.
2 (Av. 1660). Partie de la manche d'un vêtement, qui recouvre le coude. || Veste trouée, lustrée aux coudes. — Coude d'une armure. ⇒ Cubitière.
3 (1611). Angle saillant (de certains objets). ⇒ Angle, saillie. || Coude d'un tuyau. || Arbre de transmission à deux coudes. || Coude d'une baïonnette. || Coude ou bras mobile d'un phonographe. — Coude d'un cep de vigne : naissance de la branche qui donne le raisin.
♦ (1690). || Coude que fait un mur, une muraille. || Coudes d'une rivière. ⇒ Détour, méandre, retour, sinuosité. || La route présente un coude à cet endroit. ⇒ Courbe; tournant, virage.
10 Tout disparut. L'homme (…) fit environ deux cents pas. Brusquement, à un coude du chemin, les feux reparurent près de lui (…)
Zola, Germinal, t. I, I, I, p. 2.
4 Plur. Pâtes alimentaires en forme de coude.
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DÉR. Coudée, couder, coudière, coudoyer.
COMP. Accouder. — Appui-coude.
HOM. Formes du v. couder.
Encyclopédie Universelle. 2012.