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falloir

falloir [ falwar ] v. impers. <conjug. : 29>
XIIe indic. prés. falt; lat. pop. °fallire, class. fallere « tromper, manquer à » → faillir; formes d'apr. valoir (XV e-XVIe)
I ♦ S'EN FALLOIR ( IL S'EN FAUT ) DE. manquer.
1Avec un subst. exprimant la quantité qui manque. Je n'ai pu réunir la somme, il s'en faut de la moitié, de cinq mille francs. J'ai failli tomber, il s'en est fallu d'un rien. « Formosante fut sur le point de l'attraper [...] il ne s'en fallut que d'un moment » (Voltaire) . Il s'en faut que (et subj.). Il s'en faut d'un point qu'il n'ait été admissible.
2Avec un adv. de quantité IL S'EN FAUT DE BEAUCOUP. Je n'ai pas récupéré mes avances, il s'en faut de beaucoup. Absolt Il s'en faut (bien, de beaucoup). Lui, content ? il s'en faut ! « Hélène n'a pas l'oreille prude, il s'en faut » (Colette).
♢ TANT S'EN FAUT : au contraire, bien au contraire (cf. Loin de là). Il n'est pas sot, tant s'en faut.
IL S'EN FAUT DE PEU...,PEU S'EN FAUT. Il est perdu, ou peu s'en faut. presque. (Avec que et le subj.) Peu s'en fallut qu'il ne perdît sa place. faillir (il a failli...). « Il s'en est fallu de peu, ce soir-là, que je ne me misse à genoux » ( F. Mauriac). (v. 1970; p. ê. confusion entre tant s'en faut et loin de là) Loin s'en faut : loin de là.
II(XVe) Être l'objet d'un besoin, d'une nécessité.
1 ♦ IL FAUT (QQCH.) À (QQN). Voilà l'outil qu'il vous faut. (Pour acheter) Il me faudrait aussi du vinaigre. Combien vous faut-il ? Il me faut dix mille francs pour demain. Non, c'est plus qu'il n'en faut. Il faut une heure pour y aller. Que vous faut-il de plus ? Qu'est-ce qu'il te faut ! Fam. (Il) faut ce qu'il faut : on ne saurait se contenter de moins. Il lui en faut peu pour se mettre en colère. Loc. Il faut de tout pour faire un monde (se dit pour accepter en situation une chose, une personne qu'on désapprouve). Il en faut du courage pour... (Avec un nom de personne) Il me faut deux ouvriers pour ce travail. Il lui faut qqn pour l'aider. « Vous n'avez pas la femme qu'il vous faut ! » (Green). Des gens comme ça, il en faut !
2 ♦ IL FAUT (et inf.) :il est nécessaire de. Il faut l'avertir tout de suite. PROV. Quand le vin est tiré, il faut le boire. « Que faut-il donc faire ? dit Pangloss. — Te taire » (Voltaire). Qui faut-il inviter ? Il va falloir lui en parler. Je ne suis pas sûr qu'il faille accepter. Puisqu'il faut tout vous expliquer. Loc. Il faut vous dire que... Fam. Qu'est-ce qu'il faut entendre ! Il faut le voir pour y, pour le croire ! Quand (il) faut y aller, (il) faut y aller, se dit pour se donner de l'allant.
Il faut voir : il convient de voir, de réfléchir. Cela me semble intéressant, mais il faut voir. Il faut voir ce que cela donnera. Littér. Faut-il donc échouer de si peu ? est-ce donc inéluctable ?
3 ♦ IL FAUT QUE (et subj.). Il faut qu'il vienne, c'est indispensable. « Dans huit jours, dans un mois, n'importe, il faut qu'il passe » (Racine). Il faudra bien qu'il l'apprenne un jour. Je veux bien lui pardonner, encore faut-il qu'il me prouve sa bonne foi.
Il faut, il a fallu qu'il arrive en ce moment ! il est arrivé comme par une fatalité. « C'est incroyable où est allé ce peloton. Je n'en ai qu'un de jaune, et il faut qu'il s'envole » (Musset).
4 ♦ IL LE FAUT (le remplaçant l'inf. ou la propos.) . Vous irez le voir, il le faut. Revenez me voir s'il le faut.
5(Avec ellipse de la séquence) Louer et blâmer quand il faut. « Elle jette à propos la parole qu'il faut » (Proust). « Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut » (La Fontaine ).
Loc. adv. COMME IL FAUT. Se conduire, s'exprimer comme il faut. 1. bien, convenablement. Loc. adj. (Personnes) Un jeune homme bien comme il faut (cf. Bon chic, bon genre; propre sur lui). Robespierre « était un bourgeois très comme il faut » (Bernanos). « Ils cherchaient toujours à être de bon ton ou comme il faut, ainsi qu'on disait à Grenoble en 1793 » (Stendhal).
III ♦ IL FAUT (et inf.); IL FAUT QUE : il est nécessaire, selon la logique du raisonnement (en tant qu'explication d'un fait autrement inexplicable). Dire des choses pareilles ! il faut avoir perdu l'esprit ! Il faut ne rien avoir de mieux ! Il faut vraiment qu'il soit malade pour ne pas être venu. « Je l'ai vu en entrant au salon. — Il faut que tu te sois trompée » (Musset).
Exclam. Faut-il être bête, tout de même !
Pop. (sans il) Faut pas t'en faire. Faudra voir. « Faut encore que je choisisse la marchandise, répondit aigrement la cordonnière » (France).
Loc. fam. Faut voir, se dit avec une nuance d'admiration, d'étonnement (pour désigner qqch. de remarquable en bien ou en mal). Faut voir comme il lui parle ! « Un joueur de volley-ball dans les un mètre quatre-vingt sept, des dents faut voir » (Aragon). Faut le faire ! la chose est remarquable, difficile.

falloir verbe impersonnel (de faillir, avec l'influence de valoir, du latin fallere, manquer) Il faut quelque chose, quelqu'un (à quelqu'un), quelque chose, quelqu'un est nécessaire à quelqu'un ou pour telle ou telle destination, intervention, etc. : Il faut du repos à votre père. Il me faut un collaborateur. Il faut + infinitif, il faut que + subjonctif, indique l'obligation, la nécessité, le caractère inévitable ; équivaut à devoir et l'infinitif : Il faut que tout soit prêt dans une heure. Il fallut partir : le train arrivait. Il faut que + subjonctif, il faut + infinitif, indique la conjecture, l'hypothèse nécessaire dans la logique du raisonnement : Il faut qu'il soit bien malade pour ne pas venir. Il faut être stupide pour penser cela. Il faut + infinitif, il est bon, utile de faire telle chose (ironique) : Il faut l'entendre raconter ses exploits ! Encore faut-il que + subjonctif, mais il est cependant nécessaire que. Faut-il, fallait-il + infinitif, que + subjonctif, exprime l'étonnement, l'indignation : Faut-il qu'il soit bête pour n'avoir pas compris ! (Il) faut voir, exprime l'admiration, l'étonnement ou le scepticisme : Il faut voir comme il lui a répondu. (Il) faut vous dire que + indicatif, sert d'introduction à un récit parlé, à un commérage, etc. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre (voir) !, indique la surprise indignée devant telle ou telle assertion, action. ● falloir (difficultés) verbe impersonnel (de faillir, avec l'influence de valoir, du latin fallere, manquer) Conjugaison Ce verbe ne se conjugue qu'à la 3e personne du singulier. Le participe passé fallu est toujours invariable : la patience qu'il nous a fallu. Emploi 1. Il faut / il vaut mieux. Ne pas mêler les deux constructions. On dit il faut partir tôt demain matin, mais il vaut mieux partir tôt demain matin (et non il faut mieux...) ; il faut indique une obligation, une nécessité, alors que il vaut mieux n'indique qu'une préférence. 2. Tant s'en faut. On dit correctement : ce travail n'est pas bon, tant s'en faut ; il n'a pas failli à la tâche, tant s'en faut (= loin de là, bien au contraire). La langue orale non surveillée utilise dans le même sens l'expression loin s'en faut, issue par croisement de tant s'en faut et de loin de là. Recommandation Éviter loin s'en faut dans l'expression soignée, en particulier à l'écrit. Employer tant s'en faut. Construction 1. Avec comme. On dit indifféremment : il lui a parlé comme il fallait ou comme il le fallait. 2. Ce qu'il faut. Falloir demande la construction impersonnelle. Recommandation Dire et écrire : ce qu'il faut (j'ai ce qu'il faut ; ce qu'il faut maintenant, c'est faire vite). Remarque La langue parlée familière donnant aujourd'hui à il la prononciation i, il n'est pas rare d'entendre à l'oral ce qui faut, solécisme qui se retrouve parfois dans la langue écrite (j'ai ce qui faut). → ce(ce qui / ce qu'il). 3. S'en falloir (= manquer) se construit avec le subjonctif. Sans ne explétif en tournure affirmative : il s'en faut de beaucoup que j'aie tout remboursé. Avec ne explétif en tournure négative ou restrictive : il ne s'en est pas fallu de beaucoup que vous ne tombiez ; peu s'en faut qu'elle ne nous abandonne. Avec ne pas si la subordonnée a un sens négatif : il s'en est fallu de peu qu'il ne nous voie pas (= il a failli ne pas nous voir). 4. Il s'en faut, il s'en faut de... : elle n'a pas réussi, il s'en faut ; je ne peux pas l'acheter, il s'en faut de mille francs ; il s'en est fallu de quelques minutes que vous puissiez le rencontrer ; il s'en faut de beaucoup ; il s'en faut de peu. De peut être omis avec certains adverbes ou quand l'adverbe est placé devant le verbe : il ne s'en faut pas tellement qu'elle réussisse ; il ne s'en est pas beaucoup fallu qu'elle réussisse ; peu s'en faut qu'ils ne soient morts de froid. Remarque Il s'en faut était autrefois employé sans de pour exprimer une différence tenant à la qualité et non à la quantité : ce vin n'est pas aussi bon que celui de l'année précédente, il s'en faut beaucoup. Cet emploi est sorti de l'usage. ● falloir (expressions) verbe impersonnel (de faillir, avec l'influence de valoir, du latin fallere, manquer) Il faut quelque chose, quelqu'un (à quelqu'un), quelque chose, quelqu'un est nécessaire à quelqu'un ou pour telle ou telle destination, intervention, etc. : Il faut du repos à votre père. Il me faut un collaborateur. Il faut + infinitif, il faut que + subjonctif, indique l'obligation, la nécessité, le caractère inévitable ; équivaut à devoir et l'infinitif : Il faut que tout soit prêt dans une heure. Il fallut partir : le train arrivait. Il faut que + subjonctif, il faut + infinitif, indique la conjecture, l'hypothèse nécessaire dans la logique du raisonnement : Il faut qu'il soit bien malade pour ne pas venir. Il faut être stupide pour penser cela. Il faut + infinitif, il est bon, utile de faire telle chose (ironique) : Il faut l'entendre raconter ses exploits ! Encore faut-il que + subjonctif, mais il est cependant nécessaire que. Faut-il, fallait-il + infinitif, que + subjonctif, exprime l'étonnement, l'indignation : Faut-il qu'il soit bête pour n'avoir pas compris ! (Il) faut voir, exprime l'admiration, l'étonnement ou le scepticisme : Il faut voir comme il lui a répondu. (Il) faut vous dire que + indicatif, sert d'introduction à un récit parlé, à un commérage, etc. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre (voir) !, indique la surprise indignée devant telle ou telle assertion, action. ● falloir (homonymes) verbe impersonnel (de faillir, avec l'influence de valoir, du latin fallere, manquer)falloir (synonymes) verbe impersonnel (de faillir, avec l'influence de valoir, du latin fallere, manquer) Il faut quelque chose, quelqu'un (à quelqu'un)
Synonymes :
- c'est nécessaire
- il convient
- on doit

falloir
v. impers.
rI./r S'en falloir de: manquer. Il s'en faut de 100 F que la somme y soit.
(Au passé.) Il s'en est fallu de peu que ou peu s'en est fallu que: il a failli arriver que.
Tant s'en faut: loin de là. Il n'est pas pauvre, tant s'en faut.
rII./r
d1./d être nécessaire. Il faut 100 cl pour faire un litre. Il vous faut partir. Il faut que vous y alliez.
|| Fam. Il faut voir: il serait curieux ou intéressant de voir, de réfléchir. Il faut voir ce que cela donnera.
d2./d être bienséant. Il ne faut pas montrer du doigt.
|| Fam. Comme il faut: convenablement. Tiens-toi comme il faut.
Par ext. Des gens comme il faut, très convenables.
rIII/r
d1./d (Marquant une probabilité.) Il faut qu'il soit fou pour refuser.
d2./d (Exprimant la répétition.) Il faut toujours qu'il ergote.
d3./d (Exprimant l'idée d'une fatalité.) Il a fallu qu'il pleuve ce jour-là.
d4./d (Au passé, exprimant une condition non réalisée.) Il fallait vous dépêcher, vous l'auriez vu.

⇒FALLOIR, verbe impers.
I. A.— Faire besoin, faire défaut, manquer. Je me suis assuré de la manœuvre des embarcations. Il me faut encore trois jours (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 21). Il lui fallait cent francs. D'abord il crevait de faim. Puis Georgina, sa maîtresse, avait besoin d'argent (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 169) :
1. Oui, certes, le sang et la chair
Furent mes complices joyeux
Dans le délice radieux
D'avoir trouvé le maître cher,
Le beau guide en ce monde laid,
Le conseil franc et l'âme forte
Et cette verve qui m'emporte
Chez la femme qu'il me fallait!
VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Livre posth., 1896, p. 139.
♦ [Dans certains tours où le ton, la structure dénotent un souhait] C'est un manoir comme cela qu'il me faudrait! (DELACROIX, Journal, 1853, p. 45).
Spéc. [Comme substitut de réclamer, demander] Combien vous faut-il pour votre journée? Que vous faut-il pour votre peine? (Ac. 1932). — Combien vous faut-il? — Cent mille francs pour trois ans, dit le comte. — Possible, dit Gobseck (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 413).
B.— (Dans le tour il s'en faut de, que, signifiant une différence en moins). Manquer.
1. [Suivi d'un syntagme nom. ou d'un adv. de quantité]
a) Il s'en faut de + subst. indiquant une quantité. Il s'en faut de moitié que ce vase soit plein (Ac. 1932). Il s'en fallait donc de sept à huit cents piastres pour qu'à eux deux Franz et Albert pussent réunir la somme demandée (DUMAS père, Monte-Cristo; t. 1, 1846, p. 537). C'est moi qu'étais responsable et répréhensible au cas qu'il se casserait la hure... il s'en fallait toujours d'un fil! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 452).
b) Il s'en faut (de) + adv. de quantité. Il s'en faut de beaucoup que ces deux hommes soient égaux (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 217). Il ne s'en fallait guère qu'un accident ne mît un terme à tous mes projets (CHATEAUBR., Voy. Amér. et Ital., t. 1, 1827, p. 16) :
2. Notre père, notre père qui êtes aux cieux, de combien il s'en faut que votre nom soit sanctifié; de combien il s'en faut que votre règne arrive.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 8.
2. [Suivi d'une prop. complétive]
a) Il s'en faut que + prop. au subj. Un jour, j'avais prôné « La Bûcheronne » eh bien, il s'en fallait que la pièce fût bonne (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 274) :
3. ... bien que la physique ait deux grandes sections, l'optique et l'acoustique, dont les noms suffisent pour indiquer la dépendance où elles se trouvent de nos deux sens les plus élevés, il s'en faut que les liens de dépendance soient aussi étroits pour l'une que pour l'autre.
COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 148.
Absol. Il s'en faut. Loin de là. Mais je ne sais pas l'arabe assez bien pour cela, il s'en faut (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1859, p. 302). Elle n'est pas la plus laide, il s'en faut (COLETTE, Naiss. jour, 1928, p. 25) :
4. Quant à avoir tous les vices, il s'en faut. Tout de même je m'en accorde quelques-uns. Mais j'ai pas de défaut. Tandis que toi, t'as pas un vice, pas un en tout. Seulement, tu possèdes tous les défauts.
GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 164.
b) Il s'en faut bien que + prop. au subj. Il s'en faut bien qu'elle soit sans agréments, et depuis peu elle voyait fort souvent un certain abbé Marquinot de Dijon (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 467). Il s'en faut bien que tout ce qui est dans l'esprit ne soit dans le cœur (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 508).
Rem. L'emploi de la négation ne dans la prop. introduite par que est facultatif.
3. Peu s'en faut, tant s'en faut que + prop. au subj. Peu s'en fallait que je ne déchirasse tout cela (GIDE, Journal, 1893, p. 39) :
5. Le flot de la colonisation chinoise, après s'être avancé du nord vers le sud, (...) finit (...) par se diviser, se ramifier en filets de plus en plus amincis. Mais tant il s'en faut que sa force d'expansion soit éteinte.
VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 99.
Absolument
) Peu s'en faut. Presque. Il a fini son travail ou peu s'en faut (Ac. 1878-1932).
) Tant s'en faut. Loin de là, bien au contraire. Bien que M. et Mme De Cambremer ne fussent plus, tant s'en fallait, de la première jeunesse (PROUST, Sodome, 1922, p. 1087) :
6. Vois-tu, dans ta caricature,
C'est l'air dur que tu m'as prêté.
Il n'est du tout dans ma nature.
D'abord, je n'ai pas, tant s'en faut,
La moustache aussi provocante;
Avec ces crocs à la prévôt,
J'ai l'air d'en défier cinquante.
PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 214.
II.— Être nécessaire, indispensable, utile, convenable, bienséant.
A.— 1. Il faut + subst. Après la messe, il fallut encore trois quarts d'heure pour atteindre le cimetière (FLAUB., Cœur simple, 1877, p. 44). S'il se mêle de conter une vieille histoire, il lui faudra (...) la naïveté des foules humaines qu'il fait revivre et la critique la mieux avertie (FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. LXXVI) :
7. Il paraît qu'il y a dans le cerveau des femmes une case de moins, et, dans leur cœur, une fibre de plus que chez les hommes. Il fallait une organisation particulière, pour les rendre capables de supporter, soigner, caresser des enfants.
CHAMFORT, Max et pens., 1794, p. 65.
2. Il faut + inf. Mais où personne ne serait capable de se procurer en vingt-quatre heures un de ces livres qu'il « faut » avoir lus (FRANCE, Vie littér., 1891, p. 259). Il faut me pardonner, père (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, III, 1, p. 223) :
8. ... j'eus le sentiment qu'un devoir m'était dicté : réparer l'injustice des hommes à l'égard de Silbermann. Il me fallait non seulement l'aimer, mais prendre son parti contre tous.
LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 69.
♦ [À l'imp., avec valeur de cond. passé] Il fallait me précipiter dans les flots de la Baltique, comme Mentor précipita Télémaque (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 53). Orian. — C'est vrai, il a voulu absolument que je vous parle. Pensée. — Il fallait refuser, Orian (CLAUDEL, Père hum., 1920, I, 3, p. 504).
Emploi emphatique. Il faut voir. Il est intéressant, il est bon, il est curieux de voir.
♦ [Avec valeur exclam.] La carriole se remplissait, il fallait voir! (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p. 204). Après six mois de tels assauts, il fallait voir le cargo, il ne restait plus un pied carré de peinture sur la coque (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 46).
♦ [Exprime une réticence ou un défi] C'est ce qu'il faut voir! Le duc. — (...) nous le sauverons! Dubois. — C'est ce qu'il faudra voir! (DUMAS père, Fille du régent, 1846, III, 11, p. 232) :
9. Madame de Vaubert, qui ne répondait à toutes ses questions que par ces mots : — il faut voir, il faut attendre, — n'était rien moins que rassurante.
SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 232.
3. Il faut que + prop. au subj. Il faut que jeunesse se passe. Il faut que toute influence cléricale cesse d'agir sur son esprit (MASSIS, Jugements, 1923, p. 48). Il faut donc qu'un pouvoir nouveau assume la charge de diriger l'effort français dans la guerre (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 303) :
10. Il fallait, pour qu'il reprît son élan, que la notion de nature recouvrât consistance et autonomie, que les apparences visibles recommençassent à valoir par elles-mêmes.
HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 134.
Spéc. S'il faut que. S'il doit arriver que. — Ce pauvre garçon est amoureux de vous. — S'il fallait que j'écoutasse tous ceux qui sont amoureux de moi, je n'aurais seulement pas le temps de dîner (DUMAS fils, Dam. Cam., 1848, p. 87) :
11. KNOCK. — Ce n'est pas en soignant les morts subites que vous avez pu faire fortune?
LE DOCTEUR. — Évidemment. (...) Il nous reste... d'abord la grippe. Pas la grippe banale, (...) non, je pense aux grandes épidémies mondiales de grippe.
KNOCK. — Mais ça, dites donc, c'est comme le vin de la comète. S'il faut que j'attende la prochaine épidémie mondiale! ...
ROMAINS, Knock, 1923, I p. 3.
B.— 1. [Exprime une conjecture] Il fallait de l'audace et je ne sais quelle candeur passionnée pour concevoir et entreprendre un livre de cette sorte (LEMAITRE, Contemp., 1855, p. 137). Dieu sait que les voitures ne manquaient pas à Luchon! Il fallait être une Fondaudège pour y avoir amené son équipage (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 44) :
12. TEISSIER. Vous êtes bien sûr que M. Vigneron au moment de son décès vous devait encore deux mille francs?
DUPUIS. Oui, monsieur..., oui monsieur. Il faudrait que ma femme eût fait une erreur dans ses calculs, mais je ne le pense pas.
BECQUE, Corbeaux, 1882, IV, 10, p. 245.
2. [Dans un syntagme exprimant une restriction]
a) Encore faut-il. Le moi est l'unité des instants. Encore faut-il que le contenu de ces instants ne l'empêche pas de prendre conscience de cette unité (J. BOUSQUET, Trad. du silence, 1935-36, p. 9) :
13. Il [le cheval] ne sait point souffler. Il s'excite de son action. Au cavalier de ménager, d'utiliser, d'exploiter ces ressources. Encore faut-il être le maître...
PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 204.
b) [Dans une prop. cond. introduite par la conj. si] S'il faut. S'il fallait en croire le mouvement de tic qui parcourut la joue d'Aurifaber, la chose était d'importance (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 157) :
14. Hélas! cette scène de « bal » n'eut, je le crains, rien d'exceptionnel, s'il faut en croire divers témoins directs que j'interroge tour à tour.
GIDE, Voy. Congo, 1927, p. 743.
3. [Renforce une exclam.] Pourquoi faut-il que vous m'aimiez? (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 336) :
15. HUGO. — Rends-moi ces photos.
JESSICA. — Douze photos de ta jeunesse rêveuse. À trois ans, à six ans, à huit, à dix, à douze, à seize. Tu les as emportées quand ton père t'a chassé, elles te suivent partout : comme il faut que tu t'aimes.
SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., I, p. 69.
C.— [Employé avec le substitut neutre le] Il le faut. Cela est nécessaire. Je suis condamné à parler autour des autres! Et il le faut, mon ministère ne va pas fort (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1896, p. 259). Un autre que moi, à supposer qu'il eût vu si clair, n'eût pas osé vous parler comme je fais ce soir. Il le faut cependant (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 133) :
16. Les spirales d'encens et les accords de Luth
Signalent ton entrée au temple de mémoire
Et ton nom radieux chantera dans la gloire,
Parce que tu m'aimas ainsi qu'il le fallut.
VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Dédic., 1890, p. 140.
III.— Loc. Comme il faut
A.— À valeur adj.
1. Convenable, bienséant. Ça serait bien sage et bien comme il faut de sa part (SAND, Mare au diable, 1846, p. 153).
2. De bonne éducation, bien élevé. C'était un grand savant. Un homme très comme il faut et d'une rectitude de vie qui commandait le respect (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 31). Il était petit et roux, avec un air comme il faut (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p. 27) :
17. ... vous, qui avez révélé au monde qu'il existoit des gens sans naissance, comme si tous les hommes qui vivent n'étoient pas nés, des « gens de rien » qui étoient des hommes de mérite, et « d'honnêtes gens, des gens comme il faut » qui étoient les plus vils et les plus corrompus de tous les hommes.
ROBESP., Discours, Marc d'argent, t. 7, 1791, p. 166.
B.— À valeur adv. Comme cela doit être; d'une manière convenable, appropriée. Il signale des allures de la liberté qui l'importunent, (...) qui pourraient l'empêcher de terrasser comme il faut les spiritualistes, les mystiques (VEUILLOT, Odeurs de Paris, 1866, p. 322) :
18. Ce sont des sauvages, bon, mais qui après tout nous laissent bien tranquilles. Note que je suis prêt comme tout le monde à les recevoir comme il faut, s'ils revenaient.
GRACQ, Syrtes, 1951, p. 67.
Rem. L'ell. du pron. il appartient à la lang. pop. S'il vient, vous le ferez attendre. Faut pas le faire passer dans ma chambre (T. BERNARD, M. Codomat, 1907, p. 141). Mieux vaut rentrer. Faut être dispos demain (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 20). Ils barrent le chemin vers le pont... tire donc, bon dieu! Faut qu'on passe! (GENEVOIX, Raboliot, 1925).
Prononc. et Orth. :[]. Conjug. Verbe impers., 3 rad. : a) [fo-]. Ind. prés. : il faut; ind. fut. : il faudra; cond. prés. : il faudrait. b) [fal-]. Ind. imp. : il fallait; ind. passé simple : il fallut; ind. passé composé : il a fallu; ind. p.-q.-parf. : il avait fallu; ind. passé ant. : il eut fallu; ind. fut. ant. : il aura fallu; cond. 1re forme : il aurait fallu, 2e forme : il eût fallu; subj. imparf. : qu'il fallût; subj. passé : qu'il ait fallu; subj. p.q.-parf. : qu'il eût fallu; part. passé : fallu. c) [faj]. Subj. prés. : qu'il faille. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 petit en falt que « peu s'en faut que » (Enéas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 5436-37); 1176-81 molt po de chose s'an failloit (que) (CHR. DE TROYES, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 1434); 2. ca 1165 exprime le besoin, la nécessité (CHR. DE TROYES, G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 900 : Et il plus a, et plus li faut); 3. mil. XVe s. impers. il faut que « il est inévitable que » (J. RÉGNIER, Fortunes et adversités, éd. E. Droz, p. 99, 2756 ds IGLF : Ainsi fault que mon temps s'en aille); 4. 1548 (je dy) comme il faloit « comme il convenait » (N. DU FAIL, Baliverneries, éd. J. Assézat, p. 153 ds IGLF); 1790 loc. adj. (Le Rat du Châtelet, p. 9, ibid. : gens de bon ton, gens comme il faut); 5. 1657-62 exprime une supposition propre à expliquer un fait, une situation (PASCAL, Pensées, éd. Brunschvicg, t. 14, p. 18, ibid. : et ce sens spirituel est si clairement expliqué en quelques endroits, qu'il fallut un aveuglement pareil à celui que la chair jette dans l'esprit quand il lui est assujetti, pour ne pas le reconnaître). Réfection de faillir (pris au sens de « manquer, faire défaut ») d'apr. la 3e pers. faut (lat. fallit) sur le modèle de valoir. Au sens 3 a évincé les plus anc. estovoir (XIe s. ds T.-L.) et estre mestier (XIIe s., ibid.). Fréq. abs. littér. Falloir : 88 211. Fallu : 3 820. Fréq. rel. littér. Falloir : XIXe s. : a) 114 821, b) 121 594; XXe s. : a) 128 588, b) 134 700. Fallu : XIXe s. : a) 4 644, b) 4 620; XXe s. : a) 5 555, b) 6 466. Bbg. AYMERIC (J.). Ind. après craindre, falloir, vouloir. Z. fr. Spr. Lit. 1889, t. 11, p. 269. — BAARSLAG (A. F.). Falloir, essentiellement ou accidentellement impersonnel? R. des lang. vivantes. 1965, t. 31, pp. 149-157. — CORNULIER (B. de). Sur une règle de déplacement de nég. Fr. mod. 1973, t. 41, pp. 44-56. — FOX (J.). Remarks on estuet and il faut. Fr. St. 1953, t. 7, pp. 56-58. — LEICHT (H.). Morphologie und Semasiologie der französischen Verben faillir und falloir. Kiel, 1909, 63 p. — RICKARD (P.). (Il) estuet, (il) convient, (il) faut and their constructions in Old and Middle French. In : [Mél. Harmer (L. C.)]. London-Toronto-Wellington, 1970, pp. 65-92. — TOGEBY (K.). Il le faut. In : [Mél. Lombard (A.)]. Lund, 1969, pp. 220-226.

falloir [falwaʀ] v. impers.
CONJUG. il faut; il fallait; il fallut; il a fallu; il faudra; qu'il faille; qu'il fallût.
ÉTYM. XIIe, ind. prés. falt; d'un lat. pop. fallire « manquer à », du lat. class. fallere « tromper, manquer à, échapper à », qui a donné faillir et falloir; formes construites aux XVe et XVIe sur le modèle de valoir; évolution du sens originel de « manquer » (peu s'en faut) à « être nécessaire » (il faut) dès le XVe.
———
I
A S'en falloir (il s'en faut de) : manquer.
1 (Avec un substantif exprimant la quantité qui manque). || Je n'ai pu réunir la somme, il s'en faut d'un bon tiers, de la moitié, de cinq mille francs. || La balle a failli traverser la carotide, il s'en est fallu de l'épaisseur d'un cheveu. → D'un poil, d'un quart de poil. || J'ai cru qu'il allait me rattraper, il s'en est fallu de cent mètres, de quelques secondes, d'un rien.
1 Formosante fut sur le point de l'attraper chez cette nation insipide : il ne s'en fallut que d'un moment.
Voltaire, la Princesse de Babylone, VII.
Suivi de que et d'une proposition au subjonctif (exprimant la chose qui se produirait si la différence en moins était comblée). || Il s'en faut d'un point qu'il n'ait été admissible. || Il s'en est fallu d'une petite minute qu'ils ne se soient rencontrés chez moi. || Racine contemporain de Ronsard ? Il s'en faut d'un siècle que vous ayez raison !REM. Dans ces propositions, l'emploi de ne est fonction du jugement du locuteur sur l'estimation de la différence. On dira : Il s'en faut seulement de quelques millions que le budget de l'État ne soit en équilibre, mais quand la différence en moins est considérable : || « Il s'en faut de cent milliards que le budget soit en équilibre » (cf. Damourette et Pichon, VI, 125).
2 (…) il s'en fallut d'un cheveu qu'on ne le passât par les armes.
Henri Pourrat, À la belle bergère, III, p. 142.
2 (Avec un adverbe de quantité).
Il s'en faut de beaucoup. || Je n'ai pas récupéré mes avances, il s'en faut de beaucoup. || On les a tous convoqués, mais il s'en faut de beaucoup qu'ils soient tous présents.Absolt. || Il s'en faut. || Lui, content ? il s'en faut ! || Il s'en faut qu'il m'ait pardonné.
3 Mais il s'en faut bien que nous soyons dans une situation si heureuse (…)
Montesquieu, Disc. d'entrée à l'Acad. de Bordeaux.
4 Tous les hôtes d'Ibraïm n'étaient pas riches, il s'en fallait beaucoup; plusieurs même étaient de véritables mendiants.
Chateaubriand, Itinéraire…, I, p. 141.
5 Hélène n'a pas l'oreille prude, il s'en faut.
Colette, la Naissance du jour, p. 88.
Tant s'en faut… : il s'en faut de tellement, de beaucoup. Contraire (au contraire, bien au contraire), loin (loin de…). || Il n'est pas sot, tant s'en faut : il est bien loin d'être sot. || Tant s'en faut qu'il soit ruiné, qu'au contraire il est en train de refaire sa fortune.REM. Dans cette tournure, la première proposition dépend de (il) s'en faut, la seconde de tant : il s'en faut qu'il soit ruiné, tellement que…
6 Tant s'en faut que l'ardeur de mon feu diminue,
Que, nourri de vos yeux, toujours il continue
De renaître en mon cœur, et, toujours s'accroissant,
S'augmente de sa flamme et devient plus puissant.
Ronsard, Élégies, VII.
Il s'en faut de peu, peu s'en faut… || Il est perdu, ou peu s'en faut. Presque. || Il s'en faut de peu qu'il ne touche au but. || Peu s'en fallut qu'il ne perdît sa place. Faillir (il a failli…).
7 J'ai dit depuis, cent fois, ou peu s'en faut (…)
Clément Marot, Épigrammes, LXXII.
8 Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure (…)
Molière, l'Étourdi, I, 5.
9 (…) il s'en faut de peu que vous ne preniez ce nom pour une injure (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 20.
10 Peu s'en était fallu qu'elle ne devînt terrible (…)
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, I, p. 5.
11 Il s'en est fallu de peu, ce soir-là, que je ne me misse à genoux (…)
F. Mauriac, le Nœud de vipères, XVIII.
B Vx. || Il s'en faut (sans de…). || Il s'en faut mille francs.Il s'en faut beaucoup (→ ci-dessus, cit. 4). || Il s'en faut peu.
Vieilli. || Il s'en faut bien, de beaucoup (→ ci-dessus, cit. 3).
Mod. (Littér.). || Il s'en faut guère (que…).
———
II (Falloir, suivi d'un substantif et d'un pronom). || Il faut (qqch.) à (qqn). Être l'objet d'un besoin (→ Application, cit. 7; ardeur, cit. 27; argent, cit. 45; art, cit. 29 et 82; assemblée, cit. 11). || Il me faut dix mille francs pour demain. || Combien vous faut-il ? || Cet enfant ne peut plus marcher, il lui faut des souliers neufs. || Il lui faut un prétexte, on le trouvera ! || Il faut beaucoup de patience. || Que vous faut-il encore, de plus ? || Savez-vous seulement ce qu'il vous faut ? || Il faut bien une heure pour y aller. — ☑ Fam. Il faut ce qu'il faut, faut ce qui faut, se dit d'une action absolument nécessaire.Il m'a fallu huit jours. || Il lui fallait ce bijou à tout prix, coûte que coûte. || Me voilà équipé, j'ai tout ce qu'il me faut. || Voilà ce qu'il faut pour être heureux.Loc. Il faut de tout pour faire un monde (se dit pour accepter en situation une chose, une personne qu'on désapprouve). || Il lui en faut peu pour le mettre en colère. || Il en faut une santé pour vivre dans ce pays ! (→ Assurer, cit. 35). || Il en (cit. 19) faut de la volonté pour…
12 Ah ! voici justement un fâcheux ! Il ne nous fallait plus que cela.
Molière, l'Impromptu de Versailles, 1.
13 Concluons que la Providence
Sait ce qu'il nous faut mieux que nous.
La Fontaine, Fables, VI, 4.
14 Ce n'est pas tout, ma fille, il faut de la sagesse.
Racine, les Plaideurs, III, 4.
15 — Tu te nommes Berthaud ? d'où te vient ce nom-là ?
— C'est mon nom de famille; à Paris il faut ça.
A. de Musset, Louison, I, 4.
16 (…) ne se soumettre à son action (du haschisch) que dans des milieux et des circonstances favorables (…) Autant qu'il se peut, il faut un bel appartement ou un beau paysage, un esprit libre et dégagé (…) un peu de musique aussi (…)
Baudelaire, Du vin et du haschisch, IV.
16.1 Un coup de fusil, tiré au milieu de ce fourmillement d'oiseaux, en eût abattu un grand nombre; mais, pour tirer un coup de fusil, il faut un fusil, et ni Pencroff, ni Harbert n'en avaient.
J. Verne, l'Île mystérieuse, t. I, p. 38.
Loc. Il faut des gens comme ça. || Il en faut des comme ça.
16.2 Tu dirais qu'elles bouffent du brouillard !… Des pauvres ficelles !… Enfin ! Il en faut des comme ça !…
Céline, Guignol's band, p. 62.
(Compl. n. de personne). || Il me faut deux ouvriers pour ce travail. || Il lui faut qqn pour l'aider. || Il faut un poète pour décrire ce spectacle ! (→ Argot, cit. 2). || C'est l'homme qu'il fallait à ce poste (→ Audacieux, cit. 6). || « Il fallait un calculateur (cit. 1) ». || J'ai l'homme qu'il vous faut.
17 Je vous le dis bien en face, vous n'avez pas la femme qu'il vous faut !
J. Green, Léviathan, p. 55.
———
III Être l'objet d'une nécessité ou d'une obligation. Devoir; indispensable, nécessaire, obligatoire.
1 Il faut (suivi d'un infinitif). || Il faut l'avertir tout de suite, demain il sera trop tard. || Il faudra en passer par là ! — ☑ Loc. prov. Quand le vin est tiré, il faut le boire (cit. 43). || Il avait fallu multiplier les emprunts (→ Argent, cit. 57). || Il faut réfléchir avant de parler. || Ce n'est pas cela qu'il faut dire. || S'il fallait croire tout ce qu'on raconte. || Il faut être poli. || Il faut lui apprendre (cit. 49) à vivre. || Il faut bien quelquefois sévir. || Il fallait s'armer (cit. 11). || Il faudrait au moins essayer. || Il va falloir lui en parler. || Faut-il le mettre dans le secret, qu'en pensez-vous ? || Puisqu'il faut tout vous expliquer… (→ aussi Aise, cit. 2; ambiance, cit. 1; anticipation, cit. 1; apercevoir, cit. 15).Loc. Il faut vous dire que… — ☑ Fam. Qu'est-ce qu'il faut entendre ! || Il ne faut pas s'inquiéter. || Il ne faut rien exagérer. || Il n'aurait pas fallu employer ce moyen-là (→ Arbre, cit. 36). || Ne faut-il pas apprendre pour savoir ? (→ Artiste, cit. 4). || Faut-il espérer pour entreprendre ? || Quel malheur qu'il faille s'en aller ! || Il ne faut que l'avoir écouté un moment pour être édifié ! || Tout cela est exact, il faut le dire, l'avouer, le reconnaître. Vx. || Il le faut croire.
18 Ce discours me surprend, il le faut avouer.
Racine, Britannicus, II, 6.
19 Que faut-il donc faire ? dit Pangloss. Te taire, dit le derviche.
Voltaire, Candide, XXX.
20 Il faut vous dire qu'en Provence, c'est l'usage, quand viennent les chaleurs, d'envoyer le bétail dans les Alpes.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Installation ».
21 Il ne faut pas se regarder trop en face, entre époux, si l'on veut éviter des découvertes (…)
Giraudoux, Amphitryon 38, II, 7.
Il faut (à qqn). || Il me fallut décider très vite. || Il lui faudra nous écrire.
Il faut voir (exprime moins une nécessité qu'une simple convenance). || Cela me semble intéressant, mais il faut voir, il convient de voir, de réfléchir. || Il faut voir ce que cela donnera. || Il prétend m'en empêcher, c'est ce qu'il faudra voir. Exclam. || Il le malmène, il faut voir ! || Il fallait voir comme il les traitait ! (→ Assemblée, cit. 15).
22 Il faut voir quel émoi dans la maison.
Alphonse Daudet, les Lettres de mon moulin, « Installation ».
Il faut croire que… : probablement que… || Il faut espérer que…
2 Il faut que (suivi du subjonctif). || Il faut que je vous parle, c'est indispensable. || Il faut que je parte demain au plus tard. || Il faut qu'on le sache ! || Il faut bien que tout le monde vive (→ aussi Assister, cit. 9; assouvissement, cit. 2; bouder, cit. 6). || Il faut qu'il y ait une hiérarchie et de la discipline. || Il fallait que le blocus (cit. 2) fût complet. || Il fallait qu'elle eût une maison à elle (→ Assigner, cit. 3).Je veux bien lui pardonner, encore faut-il qu'il me prouve sa bonne foi.
23 Dans huit jours, dans un mois, n'importe, il faut qu'il passe.
Racine, Bérénice, III, 4.
24 Mon cher frère, dit-elle, il ne faut pas que notre neveu se damne; notre saint-père le pape peut lui donner dispense (…)
Voltaire, l'Ingénu, V.
25 Mais il ne suffit pas de posséder une vérité, il faut que la vérité nous possède.
Maeterlinck, le Trésor des humbles, XII.
(L'idée de destin, de fatalité plus ou moins étrange se substituant à celle de nécessité). || Il faut, il a fallu qu'il arrive en ce moment !, il est arrivé comme par une fatalité. || Il faut toujours qu'il soit désagréable !, il ne peut pas s'en empêcher.
26 Et s'il faut, par hasard, qu'un ami vous trahisse (…)
Verrez-vous tout cela sans vous mettre en courroux ?
Molière, le Misanthrope, I, 1.
27 C'est incroyable où est allé ce peloton. Je n'en ai qu'un de jaune, et il faut qu'il s'envole.
A. de Musset, Il ne faut jurer de rien, II, 1.
3 Littér. || Faut-il… ?, dans un sens affaibli, exprimant une nécessité qu'on ne reconnaît pas sans hésitation et sans regret. || Fallait-il échouer de si peu ?, était-ce donc inéluctable ? || Faut-il qu'il meure quand il commençait à être heureux ? (→ Apprendre, cit. 48; asile, cit. 20).
28 Faut-il que sur le front d'un profane adultère
Brille de la vertu le sacré caractère ?
Racine, Phèdre, IV, 2.
29 Écoute dans la nuit mon sang bat et t'appelle
Je cherche dans le lit ton poids et ta couleur
Faut-il que tout m'échappe (…)
Aragon, le Crève-cœur, p. 16.
4 Il le faut (le remplaçant l'infinitif ou la proposition introduite par que). || Vous irez le voir, il le faut. || Il le faut absolument ! || Résignons-nous puisqu'il le faut. || Je saurai me défendre, s'il le faut (→ Casuistique, cit. 1).
30 Malgré moi, s'il le faut, lui donner un asile (…)
Racine, Andromaque, I, 4.
5 (Avec ellipse de la séquence). || Il a l'art de ne dire que ce qu'il faut. || Il se met en avant, dans cette affaire, beaucoup plus qu'il ne faudrait. || « Louer et blâmer (cit. 12) quand il faut ».
31 C'est une nature, elle a une personnalité, de l'intuition; elle jette à propos la parole qu'il faut.
Proust, Sodome et Gomorrhe, éd. La Gerbe, p. 209.
6 S'il faut, s'il fallait… || S'il fallait croire tous les racontars, on n'en finirait pas.
Loc. adv. Comme il faut. Bien; comme (cit. 26, 27). || Se conduire, s'exprimer comme il faut. || L'élève n'a pas répondu comme il faut. || Il ne s'y prend pas comme il faut. || Tout va comme il faut.REM. Comme il faut étant pris comme une sorte d'adverbe de manière, la concordance des temps n'est pas appliquée.
32 Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut :
On se levait trop tard, on se couchait trop tôt (…)
La Fontaine, Fables, VII, 2.
Ironiquement :
33 Toute divergence d'opinion devient suspecte et seuls quelques très rares esprits ne se forcent pas à penser et juger « comme il faut ».
Gide, Journal, 28 oct. 1944.
34 Maximilien Robespierre était un bourgeois très comme il faut, déiste et moraliste.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 122.
Adj. Fam. || Une personne comme il faut. || Un jeune homme bien comme il faut (→ fam. Bon chic bon genre). || Il ne fréquente que les gens comme il faut. || Il a l'air très comme il faut. || Une toilette, une robe comme il faut.
35 (…) un respect effroyable pour les convenances (…) Ils cherchaient toujours à être de bon ton ou comme il faut, ainsi qu'on disait à Grenoble en 1793.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, II.
36 Né d'une bonne famille de Toulouse, alliée de loin à celle du ministre qui le prit sous sa protection, Ernest possède cet air « comme il faut » où se révèle une éducation commencée au berceau (…)
Balzac, Modeste Mignon, Pl., t. I, p. 463.
———
IV Il faut (suivi d'un infinitif), il faut que : il est nécessaire, selon la logique du raisonnement (en tant qu'explication d'un fait autrement inexplicable). || Dire des choses pareilles ! il faut avoir perdu l'esprit ! Vieilli. || Il faut avoir toute honte bue pour accepter d'être traité ainsi. || Il était là à l'instant; il faut qu'il se soit évaporé ! || Il faut que vous ayez tout oublié, pour faire cette folie (→ Approchant, cit. 7; art, cit. 19; atteler, cit. 7).
37 Oh ! oh !… cet étranger donne dix mille piastres tout d'un coup ! il faut qu'il soit bien riche.
Voltaire, Candide, XIX.
38 Je l'ai vu en entrant au salon. — Il faut que tu te sois trompée; je ne me suis aperçu de rien.
A. de Musset, Il ne faut jurer de rien, III, 5.
39 Je ne sais ce que font mes domestiques : il faut qu'ils soient tous sortis, car j'avais défendu ce matin qu'on laissât entrer personne.
A. de Musset, les Deux Maîtresses, V.
Exclam. || Faut-il être bête, tout de même ! || Faut-il qu'il soit lâche ! après tout ce qu'on lui a fait, il ne dit rien ! (→ Abîme, cit. 27).
40 Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née ?
Racine, Mithridate, I, 2.
———
V REM. L'omission de il, dans les divers emplois de il faut, fréquente dans la langue littéraire jusqu'au XVIIe s., est restée courante dans la langue populaire. || Faut attendre. || Faudra voir. || Faut être raisonnable. || Faut bien ! || Fallait rien dire ! || Faudrait pas me prendre pour un imbécile !
41 Si passer nous faut par Purgatoire, patience !
Rabelais, le Quart Livre, LIII.
42 Point de raison; fallut deviner et prédire (…)
La Fontaine, Fables, VII, 15.
43 (…) en parcourant les notes du Cardinal, il trouva que, sur une première demande du Roi d'Angleterre, il avait écrit de sa main : « Faut réfléchir longtemps, et attendre… »
A. de Vigny, Cinq-Mars, XXIV, t. II, 374.
44 (…) il pressa la bourgeoise de prendre ce qui était à sa convenance. — Faut encore que je choisisse la marchandise, répondit aigrement la cordonnière.
France, Crainquebille, II.
Loc. fam. Faut voir, se dit avec une nuance d'admiration (pour désigner qqch. de remarquable, en bien ou en mal).
45 (…) un joueur de volley-ball dans les un mètre quatre-vingt-sept, des dents faut voir (…)
Aragon, Blanche…, I, I, p. 13.
Faut le faire ! : la chose est remarquable, difficile. || Changer sa roue en trois minutes, faut le faire !, il faut être capable de le faire.Par ext., s'applique à des choses. || Une sauce comme ça, faut le faire !

Encyclopédie Universelle. 2012.