défier [ defje ] v. tr. <conjug. : 7>
• 1080 desfier; de dé- et fier
1 ♦ Inviter (qqn) à venir se mesurer comme adversaire. ⇒ provoquer. Défier qqn en combat singulier. Défier un ami aux échecs. Défier le tenant du titre (⇒ challenger) .
2 ♦ Mettre (qqn) au défi de faire qqch., en laissant entendre qu'on l'en croit incapable. Je vous défie de faire mieux, je vous en défie. « Je la défie de fournir un signalement qui tienne debout » (Romains).
3 ♦ (Choses) N'être aucunement menacé par. Des prix défiant toute concurrence. Défier le temps. « sa réputation défiait la calomnie » ( Barbey). ⇒ désamorcer, désarmer.
4 ♦ Fig. Refuser de se soumettre à, ne pas craindre d'affronter. ⇒ braver. Défier l'autorité (⇒ fronder) , la mort, les dangers. ⇒ narguer. Il l'a défié du regard. « il faut défier l'avenir si l'on ne veut pas être réduit à le redouter » (Duhamel).
⊗ CONTR. Céder (à).
⊗ HOM. Défie :défis (défaire).
défier (se) [ defje ] v. pron. <conjug. : 7>
• XVIe; de fier, d'apr. lat. diffidere
♦ Littér. Avoir peu de confiance en; être, se mettre en garde contre. ⇒ se garder, se méfier. « Les femmes se défient trop des hommes en général et pas assez en particulier » (Flaubert). Se défier de soi-même : manquer de confiance en soi, en ses capacités. ⇒ douter.
⊗ CONTR. Fier (se).
● défier verbe transitif (de fier) Provoquer quelqu'un en duel. Inviter quelqu'un à se mesurer à soi dans un jeu, une compétition : Défier un ami aux échecs. Inciter quelqu'un, par la provocation, à faire quelque chose, en prétendant qu'il en est incapable ; le mettre au défi de : Je vous défie de lui parler. Refuser de se soumettre à la force de quelqu'un, à l'action de quelque chose, les braver, les affronter : Défier le danger. Résister avec force, faire face à quelque chose, à un phénomène, ne pas être atteint par lui : Prix qui défient toute concurrence. ● défier (difficultés) verbe transitif (de fier) Conjugaison Attention à la succession de deux i aux première et deuxième personnes du pluriel, à l'indicatif imparfait et au subjonctif présent : (que) nous défiions, (que) vous défiiez. ● défier (homonymes) verbe transitif (de fier) ● défier (synonymes) verbe transitif (de fier) Refuser de se soumettre à la force de quelqu'un, à...
Synonymes :
- narguer
- résister à
- s'opposer à
Contraires :
- céder à
- se soumettre à
- s'incliner devant
défier
v. tr.
d1./d Provoquer (qqn) en combat singulier.
— Par ext. Provoquer à une lutte quelconque. Défier qqn à la course.
|| v. Pron. Elles se sont défiées aux cartes.
d2./d Braver, se dresser contre. Défier la morale.
d3./d Déclarer à qqn qu'on le croit incapable d'exécuter qqch. Je vous défie de m'en donner la preuve.
d4./d Résister aux attaques, aux coups de (choses). Notre bateau défiait la tempête. Ce mur a défié le temps.
————————
défier (se)
v. Pron. Se défier de: avoir de la défiance envers. Se défier des flatteurs, des racontars.
I.
⇒DÉFIER1, verbe trans.
A.— 1. HISTOIRE
a) Terme de féod. Signifier à (un suzerain) que l'on abandonne la foi jurée, que l'on devient son adversaire :
• 1. ... il s'excusait sur les alliances qu'il avait jurées : « Vous voulez me déshonorer, disait-il; je ne puis maintenant devenir l'ami du roi de France que j'ai défié, et l'ennemi du roi d'Angleterre qui a ma parole et mon sceau... etc. »
BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 1, 1821-24, p. 393.
b) P. ext. Provoquer (quelqu'un) au combat.
) Déclarer la guerre à (quelqu'un). Défier son ennemi; envoyer défier son ennemi par un héraut. Il [Darius] les [ses ennemis] envoya défier au combat par une vaine forfanterie (CHATEAUBR., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 284). Voir un simple seigneur défier en son nom, un roi et lui faire la guerre (BARANTE, Hist. des ducs de Bourgogne, t. 2, 1821-24, p. 322).
) Provoquer (quelqu'un) à un combat singulier. Être défié en duel. Ah! poursuivit tout bas Andréa, tu m'a défié à la lutte, frère (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 146). Lorsque deux guerriers crow prétendaient avoir droit à un même honneur, l'un défiait l'autre à une ordalie (LOWIE, Anthropol. cult., 1936, p. 317).
♦ P. méton. du suj. [le sujet désignant le moyen utilisé pour signifier la provocation] :
• 2. ... et comme chevalier,
Comme pair, comme prince, en combat singulier,
Au jugement du ciel pour ses droits se confie :
Sur quoi, voici son gage, et ce gant vous défie!
DELAVIGNE, Louis XI, 1832, II, 11, p. 76.
2. Mod. Défier qqn à + subst. ou inf. Provoquer (quelqu'un) à se mesurer à soi comme adversaire, à un duel, à un jeu, à une compétition. Défier quelqu'un à la paume, aux échecs, à boire, à qui boira le plus (Ac. 1835-1932). Mulrady, qui eût défié à la boxe Tom Sayers lui-même (VERNE, Enf. cap. Grant, t. 1, 1868, p. 88). Des toreros à cheval défiaient des taureaux furieux (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 87). En 1651, le prince d'Harcourt (et son cheval) défièrent le duc de Joyeuse (Jeux et sp., 1968, p. 468).
— Emploi pronom. réciproque. Ils sortirent du salon en adversaires qui se sont défiés (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 115).
B.— Usuel. Affronter quelqu'un ou quelque chose.
1. [L'obj. désigne une forme du pouvoir ou une force naturelle ou spirituelle]
a) [Le suj. désigne une pers.] Mettre en cause, s'opposer ouvertement à (un pouvoir, une autorité, une institution). Synon. affronter, braver, contester. Défier les juges (VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Jadis, 1884, p. 385). Mais Ricarda, se mettant à rire d'une façon sauvage comme s'il défiait le diable lancé à ses trousses, courut vers le promontoire (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 399). Je défiais allégrement les convenances et l'autorité (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 270).
— P. méton. du suj. [le sujet désignant un courant de pensée, une institution, etc.] Dans sa source vive, le romantisme défie d'abord la loi morale et divine (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 71).
— Emploi abs. Le révolté défie plus qu'il ne nie (CAMUS, Homme rév., 1951 p. 41).
b) [Le suj. désigne une chose]
— [Chose concr.; le compl. d'obj. désigne une loi, un phénomène] Ces cabanes dont l'une, à louer, s'affirmait en double-bois, toute penchée, et défiant la perspective (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 335).
— [Chose faisant l'obj. d'une activité hum.] Le génie défie toute prévision (BERGSON, Deux sources, 1932, p. 56). Ces races, ces nations, ces états, dont l'enchevêtrement défie la sagacité des anatomistes et de l'ethnologie (TEILHARD DE CH., Phénom. hum., 1955, p. 195) :
• 3. En y regardant d'un peu plus près, on trouverait sans doute que notre esprit est défié par tout ce qui naît, se reproduit et meurt sur la planète, parce qu'il est rigoureusement borné, dans sa représentation des choses, par la conscience qu'il a de ses moyens d'action extérieure, et du mode dont cette action procède de lui sans qu'il ait besoin d'en connaître le mécanisme.
VALÉRY, Variété V, 1944, p. 28.
Rem. On rencontre ds la docum. a) L'adj. défiant, ante, rare, homon. du part. prés. de défier (se)2. Qui adresse, manifeste un défi. Elle [Gladie] me regardait avec une si défiante expression de triomphe (TOULET, Mar. Don Quichotte, 1902, p. 190). b) Défié, ée, part. passé et adj. Qui est l'objet d'un défi. Et Dieu blasphémé tous les jours, défié, crucifié dans son église (VERLAINE, Œuvres posth., t. 2, Voy. en Fr. par un Fr., 1896, p. 44).
2. [L'obj. désigne un danger phys. ou moral]
a) [Le suj. désigne une pers.] Ne pas craindre d'affronter quelque chose. Défier un danger; défier le sort, la mauvaise fortune. Synon. braver. Repoussant du pied le granit qui ne recula pas, j'ai défié la mort et la vengeance divine par une huée suprême (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, 1869, p. 217). Et j'ai connu des jeunes gens qui superbement défiaient la mort (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 903).
— [Le suj. (nom de chose) désigne une expr., une attitude de l'homme] Ce sourire folâtre qui défiait le malheur (JANIN, Âne mort, 1829, p. 33). Le visage auguste des mères de famille dont la vie sans reproche défie les coups du Destin, mais qu'il a pris pour but de ses flèches (BALZAC, Modeste Mignon, 1844, p. 15).
b) [Le suj. désigne une chose concr.] Résister à (une force capable de détruire : temps, etc.). Ce minaret peut aujourd'hui défier les âges (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 30). Ces mêmes murs de pierres sèches sans ciment qui défient les averses et les années (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 260). Elle [l'île de Sein] défiait les éléments, cette petite chose plate, ce récif maigre et venteux (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 52).
— [Le suj. désigne une pers.] Littér. :
• 4. Le général comte Ignatiev, qui avait été, à Paris, attaché militaire du tsar, puis, pendant longtemps, une des têtes de l'émigration, se trouvait parmi les convives, défiant les années, portant l'uniforme à ravir et prodiguant les grandes manières, mais gêné de son personnage.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1959, p. 64.
Rem. On rencontre ds des dict. gén. ou spéc. (JAL 1848, BONN.-PARIS 1971 [1859], SOÉ-DUP. 1906), une acception maritime. Conjurer un danger au moyen d'une manœuvre appropriée. Défier l'abordage, le bord, la lame, la terre. [À l'impér., dans les commandements au timonier] Défie du vent, de l'arrière, de l'arrivée.
3. [L'obj. désigne un obj. qui est matière à compétition] Affronter pour soutenir la comparaison, pour rivaliser avec quelqu'un, quelque chose.
a) Défier qqc.
— [Le suj. désigne un attribut de l'homme] Et sur le sommet de la montagne, tes pas auroient défié l'élan le plus léger à la course (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 267). Son érudition sur cette matière aurait défié celle de tous les Dorante et de tous les Clainville du monde (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 166). Une sociétaire aux nobles mamelles et dont la voix défie le rapide du Havre (ARNOUX, Paris, 1939, p. 66).
— [Le suj. désigne une chose, l'attribut d'une chose] Les merveilles de l'escalier [de l'hôtel Laginski], blanc comme le bras d'une femme, défiaient celles de l'hôtel de Rothschild (BALZAC, Fausse maîtr., 1841, p. 10). Ce dévergondage de décors contient en son faste éperdu une vérité considérable qui défie les délicatesses de la beauté et du goût par le spectacle de l'opulence républicaine (DE VILMORIN, Lettre taxi, 1958, pp. 132-133).
b) Défier qqn. Inciter (quelqu'un) à faire une chose, tout en pariant qu'il n'osera pas la faire ou en sera incapable. Cf. mettre au défi de + inf.
) Défier qqn de + inf. Personne ne savait son âge, et j'aurais bien défié de me le dire le plus fameux marchand d'esclaves (FLAUB., 1re Éduc. sent., 1845, p. 26). Que de fois, (...) j'ai défié le monde entier de procurer à qui que ce soit des joies plus pures que celles que je trouvais dans l'exercice calme et désintéressé de ma pensée (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 450). Les partisans du quatre temps défient les réalisateurs du deux temps de construire une voiture rentable en cylindrée moyenne (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 261) :
• 5. Au point de vue intellectuel il s'agissait, il s'agit encore d'éprouver par tous les moyens et de faire reconnaître à tout prix le caractère factice des vieilles antinomies destinées hypocritement à prévenir toute agitation insolite de la part de l'homme, ne serait-ce qu'en lui donnant une idée indigente de ses moyens, qu'en le défiant d'échapper dans une mesure valable à la contrainte universelle.
BRETON, Les Manifestes du Surréalisme, 2e Manifeste, 1930, p. 91.
♦ Emploi abs., proverbe. Il ne faut jamais défier un fou (de faire des folies).
— Vx. Défier à qqn de + inf. Je défie bien à un moineau de passer (ZOLA, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1386).
) Défier que + subj. Si la simultanéité pouvait présenter un caractère inverse, ce dont je défie qu'on puisse indiquer un seul exemple réel (COMTE, Philos. posit., t. 4, 1839-42, p. 566). Quant à ces grimauds, je les défie seulement qu'ils s'élèvent jusqu'à la plate correction (VEUILLOT, Odeurs de Paris, 1866, p. 39).
— Parier. J'accepte que des vers merveilleux aient cette absurdité, je défie qu'elle les prive de leur pouvoir poétique (BREMOND, Poésie pure, 1926, p. 101).
Prononc. et Orth. :[defje], (je) défie [defi]. Ds Ac. 1694 et 1718, s.v. deffier (cf. dé-1); ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Homon. formes du verbe défaire, défis, défit. Étymol. et Hist. Cf. défier2.
II.
⇒DÉFIER2 (SE), verbe pronom.
A.— Être, se mettre en garde contre quelqu'un ou quelque chose; ne pas faire confiance à quelqu'un ou quelque chose, à un type de personnes, de choses.
1. Se défier de + subst. ou substitut. Se défier des femmes, des apparences; se défier de tout, de tout le monde; ne se défier de personne. Synon. douter (de), (se) garder (de), (se) méfier (de); anton. (se) fier (à).
a) [Le compl. d'obj. désigne une pers. ou un type de pers.]
) [Le suj. désigne une pers.] Il l'estimait de s'être toujours défié des prêcheurs de messianisme social (GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 45). À tous elle le désignait comme un être dont il faut se défier (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1510). Se défier des « stylistes »! (MARTIN DU G., Notes Gide, 1951, p. 1409) :
• 1. Mais il ne faut pas oublier qu'Épictète, de son côté, veut que le sage se défie de lui-même comme d'un ennemi, et que l'ascétisme, sous des formes variées et parfois extrêmes, tient la plus grande place dans la pensée de l'Orient.
LALANDE, La Raison et les normes, 1948, p. 7.
♦ Emploi pronom. réciproque. Mais tous ces gens se défiaient l'un de l'autre et tout immédiatement s'envenima (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 225).
— En partic. Se défier de soi. Manquer de confiance en soi ou craindre ses propres réactions. Synon. douter (de). Il se défie de lui-même, de ses forces, de sa résistance vocale (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 93). C'est en tant que femme qu'elle se défie d'elle : elle a besoin d'être aimée en femme (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 352).
) [Le suj. nom de chose désigne un pouvoir, un courant de pensée] Le pouvoir, dans sa peur, se sera défié de vous (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p. 172). Cette démocratie se défie de la masse, que Pie XII distingue subtilement du peuple (CAMUS, Actuelles I, 1944-48, p. 68). Le conformisme des hiérarchies se défiait de ce personnage (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 85).
b) [Le compl. d'obj. désigne une chose ou un type de chose, concr. ou abstr.]
) [Le suj. désigne une pers.] Se défier des artifices du langage. Je me défie de tous ces bruits (Ac. 1835-1932). Défie-toi des souffles, défie-toi des rayons, défie-toi des parfums (...) des fleurs (HUGO, Quatre-vingt-treize, 1874, p. 246). Je me défie un tantinet encore de la conversion de M. Dagnan (HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 59). Une servilité candide et fanatique dont il valait mieux se défier (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 80).
) [Le suj. nom de chose désigne un pouvoir, un courant de pensée, etc.] L'existentialisme de son côté se défie de toute connaissance qui prétendrait échapper à la condition humaine (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 49) :
• 2. La vue des magistrats, des gardes, des témoins, des inculpés, des défenseurs, et aussi le souci des chaînes, m'enlève tout courage. Je redoute un appareil dressé pour ma propre défense, mais dont la sombre majesté se défie des plus justes, avec raison, et semble toujours, devant vous, attendre son heure.
BOSCO, Le Mas Théotime, 1945, p. 105.
2. Emploi abs. Défiez-vous! Thomas se sentait quelque peu vexé : les siens se défiaient. Son eau bénite ne leur avait donc pas suffi (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 223).
— P. métaph. Les formes des prisonnières reposant dans les poses raides et contractées d'un sommeil qui se défie (E. DE GONCOURT, Élisa, 1877, p. 193).
B. Rare. Se défier que + subj. Se douter de quelque chose de fâcheux. Synon. soupçonner :
• 3. ... il était persuadé que c'était l'ami qui se trompait de jour ou d'heure, puisque son dire ne se conciliait pas avec les paroles d'Odette. Celles-ci ne lui eussent paru mensongères que s'il s'était d'abord défié qu'elles le fussent.
PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 297.
Rem. La docum. de se défier ne permet pas d'établir une distinction abs. entre se défier et se méfier; elle porte à croire, par contre, que l'emploi de se défier est plus rare que celui de se méfier et se rencontre surtout dans la lang. littéraire.
Prononc. :[defje], (je me) défie [defi]. Étymol. et Hist. I. 1. Ca 1100 desfier « inviter à venir se mesurer contre un adversaire » (Roland, éd. J. Bédier, 326); 2. av. 1560 de ffier « ne pas craindre la lutte avec; braver » (DU BELLAY, Œuvres, éd. H. Chamard, II, 224 ds IGLF); 1661 defier (qqn) de « le mettre au défi de faire quelque chose dont on le croit incapable » (MOLIÈRE, École des maris, II, 7, 664). II. Ca 1130 desfier « renier, abandonner » (Couronnement Louis, 808 ds T.-L.) — XIIIe s. ds T.-L.; ca 1262 soi de ffier de « ne pas avoir confiance, se méfier de » (J. LE MARCHAND, Mir. N. D. Chartres, 172 ds T.-L.). Dér. de fier; préf. dé-; avec prob. infl. du lat. class. diffidere « ne pas se fier à » pour II; cf. l'a. fr. difier de même sens (fin XIIe s. ds T.-L.).
STAT. — Défier1 et 2. Fréq. abs. littér. :1 562. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 2 506, b) 2 365; XXe s. : a) 2 099, b) 1 973.
BBG. — GIR. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 27. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 239, 295.
1. défier [defje] v. tr.
ÉTYM. 1080; de 1. dé-, et fier.
❖
1 Hist. (féod.). Aviser (qqn) que l'on renonce à la foi jurée à son égard. || Défier son suzerain, son frère d'armes.
1 Je défiai le preux Roland et Olivier, et tous leurs compagnons. Charles et ses nobles barons entendirent mon défi. Je me suis vengé, mais ce ne fut pas trahison.
J. Bédier, la Chanson de Roland, CCLXXV, p. 287.
2 Inviter (qqn) à venir se mesurer comme adversaire. ⇒ Provoquer; défi (2.). || Défier qqn en combat singulier, en champ clos. — Défier un adversaire à la boxe, aux échecs. || Défier ses camarades à la course, à courir (cit. 7). || Défier des amis à boire, à qui boira le plus. || Champions, rivaux, qui se défient. || Défier un champion pour son titre. ⇒ Challenger.
2 Je te défie en vers, prose, grec et latin.
Molière, les Femmes savantes, III, 3.
3 Il ne tarda pas à rejoindre celui qui l'avait défié, et de son premier coup de lance il le tua.
J. Boulenger, les Amours de Lancelot du Lac, XX, p. 199.
♦ Fig. et littér. || Un teint qui défie le lis et la rose. ⇒ Comparaison (soutenir la), rivaliser (avec).
3 Défier qqn de… : mettre (qqn) au défi, en demeure de faire qqch., en laissant entendre qu'on l'en croit incapable. || Je vous défie de deviner cette énigme. || Je le défie de faire mieux. || Je le défie de se tirer de ce mauvais pas. || Voilà une pièce unique, je défie quiconque de trouver la pareille. — (Compl. n. de chose). || Je défie son orgueil, sa méchanceté, sa douceur, sa patience…, d'arriver à un tel résultat.
4 On voudrait, à quelque prix que ce soit, ternir la beauté de son action; mais j'en défie la plus fine jalousie.
Mme de Sévigné, Lettres, 433, 21 août 1675.
5 Je défiais ses yeux de me troubler jamais.
Racine, Andromaque, I, 1.
6 Je la défie de fournir un signalement qui tienne debout; en tout cas un signalement que la précision du mien ne flanquera pas par terre.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XII, p. 126.
REM. Il ne faut pas confondre défier à (→ ci-dessus, 2.) avec défier de. Je le défie à courir : je lui propose de se mesurer avec moi à la course. Je le défie de courir : je le déclare incapable de courir.
♦ (Sans compl. second). || Il ne faut pas défier les fous (de faire leurs folies). || Il est imprudent de défier les gens à tout propos.
7 Mon oncle, il ne faut jurer de rien, et encore moins défier personne.
A. de Musset, Comédies et proverbes, « Il ne faut jurer de rien », III, 4.
4 (Sujet n. de chose). N'être aucunement menacé par (qqch. qui pourrait s'exercer contre). || Prix qui défient toute concurrence (d'en faire de plus avantageux). — Raisonnement, conclusion qui défient toute logique (d'arriver à les justifier). || Conduite irréprochable qui défie la critique (de trouver à s'exercer). ⇒ Désarmer. — Monument qui défie le temps, les siècles (de parvenir à le détruire).
8 Ce qui devait tenir contre les vents et défier la durée même des siècles (…)
9 Toujours est-il qu'elle était vertueuse; sa réputation défiait la calomnie.
Barbey d'Aurevilly, le Dessous de cartes, p. 33.
5 Refuser de se laisser intimider par…, d'obéir à…, de se soumettre à… (qqch., une force, etc.). ⇒ Affronter, braver, dresser (se dresser contre). || Défier l'autorité, l'opinion, le sort, le danger, la mort.
10 Je m'en vais défier les vents au milieu de l'océan.
11 Et ils s'imaginaient une vie exclusivement amoureuse, assez féconde pour remplir les plus vastes solitudes, excédant toutes joies, défiant toutes les misères (…)
Flaubert, l'Éducation sentimentale, Pl., t. II, IV, p. 303.
12 (…) il faut défier l'avenir si l'on ne veut pas être réduit à le redouter.
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, t. I, II, p. 184.
♦ (Compl. n. de personne). || Défier qqn du regard.
6 Mar. Conjurer par une manœuvre. || Défier la lame, l'embardée, un abordage. — Défier une embarcation d'une lame, l'en mettre à couvert.
——————
se défier v. pron. récipr.
♦ (Au sens 3.). Se mettre au défi. — (Au sens 4.). S'affronter (mutuellement) en refusant d'obéir, de céder, etc. || Ils se sont défiés.
❖
DÉR. Défi.
————————
2. défier (se) [defje] v. pron.
ÉTYM. XVIe; de 1. dé-, et fier, d'après le lat. diffidere, d'où difier (XIIe), de dis-, et fidere « avoir foi en ».
❖
♦ Littér. Avoir peu de confiance en; être, se mettre en garde contre (qqn ou qqch). — REM. Le verbe courant, non marqué, est se méfier. ⇒ Garde (être sur ses gardes); garder (se), méfier (se). — « Ne vous y frottez pas ! C'est un individu dont il faut se défier ! » || Je me défie de ses caresses, de ses protestations d'amitié, de ses bonnes résolutions. — Se défier de son propre cœur. ⇒ Appréhender, craindre…
REM. Se méfier et se défier ne diffèrent que par les préfixes. Littré (à l'art. Méfier) observe que la nuance qui les sépare est très petite et que, dans le fait, l'usage les emploie l'un pour l'autre, ce qui n'est plus exact. L'usage actuel de se méfier est beaucoup plus étendu. Se défier ne s'emploie guère hors de la langue littéraire.
1 Il est plus honteux de se défier de ses amis que d'en être trompé.
La Rochefoucauld, Maximes, 84.
2 Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.
La Fontaine, Fables, VII, 13.
3 Tous les animaux se défient de l'homme, et n'ont pas tort : mais sont-ils sûrs une fois qu'il ne leur veut pas nuire, leur confiance devient si grande qu'il faut être plus que barbare pour en abuser.
Rousseau, Confessions, VI.
4 Il faut qu'il se défie de moi, pensa-t-il, et que cette fille qu'il aime tant le porte à me craindre et à me détester.
G. Sand, la Petite Fadette, XXVII, p. 180.
5 Les femmes se défient trop des hommes en général et pas assez en particulier (…)
Flaubert, Correspondance, t. II, p. 142.
6 (…) ceux-là se défient des richesses, parce qu'elles rendent sensible aux flatteries et sourd aux malheureux; ils se défient des plaisirs, parce qu'ils obscurcissent et éteignent enfin la lumière de l'intelligence.
Alain, Propos sur le bonheur, p. 98.
♦ Se défier de soi-même : avoir peu de confiance en soi, en ses capacités. ⇒ Douter. || Je me défie de mes premiers mouvements.
7 Le silence est le parti le plus sûr de celui qui se défie de soi-même.
La Rochefoucauld, Maximes, 79.
❖
DÉR. Défiance, défiant.
Encyclopédie Universelle. 2012.