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AGRESSION
AGRESSION

Instinct fondamental supposé de tout être vivant, l’agressivité se manifeste dans les rapports entre les sociétés organisées que sont les États-nations avec bien plus de violence qu’entre individus: sa dimension collective ainsi que son caractère systématique et organisé en sont les raisons évidentes. Bien que l’agression soit consubstantielle aux relations internationales, le droit international n’a cherché à la criminaliser qu’au lendemain de la Première Guerre mondiale; il n’y est parvenu qu’au terme de cinq décennies d’efforts soutenus.

La longue gestation d’une définition, de la S.D.N. à l’O.N.U.

Jusqu’en 1919, l’agression était une notion militaro-diplomatique où le droit n’apparaissait qu’à titre dérivé: il en existait, pour ainsi dire, autant de définitions que de clauses de traités d’alliance régissant l’obligation d’assistance mutuelle en cas d’attaque non provoquée. Le pacte de la Société des Nations (S.D.N.), qui instituait un système de sécurité collective reposant sur le triple pilier du désarmement, du règlement pacifique des différends et des sanctions, transforma aussitôt les données du problème. En effet, le déclenchement de l’action collective contre un pays en rupture de pacte pouvait difficilement être automatique: il nécessitait, ne fût-ce que dans les cas douteux, une décision formelle préalable établissant l’existence incontestable de l’agression.

Tout au long de son existence, la S.D.N. s’évertua à concevoir une définition de l’agression. Elle s’engagea dans cette entreprise lors de l’élaboration des divers instruments destinés à combler – sur le plan universel ou régional – les lacunes juridiques du pacte: le projet de traité d’assistance mutuelle (1923), le protocole de Genève (1924), les accords de Locarno (1927), l’Acte général d’arbitrage (1928), le pacte Briand-Kellogg (1928), la Convention pour l’assistance financière aux États victimes d’agression (1930) ou la Convention en vue de développer les moyens de prévenir la guerre (1931). Elle se rapprocha davantage du but pendant la Conférence de Genève sur le désarmement mondial lorsque, en 1933, l’U.R.S.S. proposa la première en date des définitions «énumératives» de l’agression. Mais la S.D.N. finit par céder la place à l’Organisation des Nations unies (O.N.U.) sans avoir mené à bien cette tâche spécifique.

Les rédacteurs de la charte de l’O.N.U. crurent pouvoir d’emblée résoudre le problème grâce à un système de sécurité collective dont les dispositions conféraient à un conseil de sécurité pleine latitude pour définir l’agression cas par cas. Mais la paralysie quasi immédiate du système, due à la guerre froide, démontra que le problème demeurait entier. Sous l’impulsion de l’U.R.S.S., le débat s’ouvrit à nouveau – d’abord dans le cadre de la Commission du droit international (1951), puis au sein de quatre comités successifs créés spécialement à cet effet par l’Assemblée générale des Nations unies (1953-1954, 1956-1957, 1959-1967 et 1968-1974). La définition finalement retenue fit l’objet de la résolution 3314 (XXIX) qu’adopta l’Assemblée générale, par consensus, le 14 décembre 1974.

L’extrême longueur de cette gestation (plus d’un demi-siècle compte tenu des efforts de la S.D.N.) s’explique par trois séries de difficultés majeures. D’abord, le principe même d’une définition n’était pas unanimement admis. Certains États arguaient que celle-ci était impossible, superflue ou inopportune: selon eux, une définition ne pouvait fixer ce qui relevait d’un cas d’espèce perpétuellement mouvant; elle n’aurait qu’une faible portée pratique tout en présentant, par ailleurs, un double inconvénient: celui d’encourager des actes d’agression non prévus par le texte et celui d’entraver la liberté d’appréciation du Conseil de sécurité. Mais d’autres États estimaient qu’une définition de l’agression aurait pour avantage d’éclairer la communauté internationale (et, en particulier, l’opinion publique de l’État agresseur), d’élever par avance (pour l’agresseur potentiel) le coût moral d’une agression, de fournir une assise juridique sûre aux décisions politiques du Conseil de sécurité et, enfin, de préciser a contrario les cas où la légitime défense serait licite. Ensuite, le type même d’une éventuelle définition prêtait à controverse: certains États soutenaient qu’une définition générale (de nature abstraite) ne pourrait guère innover par rapport aux dispositions de la charte des Nations unies, tandis que d’autres faisaient valoir qu’une définition énumérative (de nature pratique) serait forcément incomplète. Enfin, des divergences fondamentales existaient au sujet du contenu d’une définition énumérative: devait-on borner la définition à l’agression armée ou l’étendre aussi à l’«agression économique» ainsi qu’à d’autres formes d’«agression indirecte» (intervention dans les affaires intérieures, propagande hostile, etc.)? De même, la définition devait-elle uniquement comporter une condamnation de l’agression en tant que manifestation de recours illicite à la force en violation de la charte des Nations unies ou, également, définir le champ de la légitime défense, c’est-à-dire les cas d’usage licite de la force? Le texte adopté en 1974 n’a pas résolu toutes ces contradictions. Il n’a fait qu’instituer, entre les thèses en présence, des compromis tantôt équilibrés tantôt ambigus.

Le contenu de la définition de 1974

Le texte comporte neuf articles précédés d’un préambule en dix alinéas, qui justifie la raison d’être de la définition par une série d’arguments déduits de l’hypothèse de la dissuasion de l’agresseur, du souci de faciliter la tâche du Conseil de sécurité, de la nécessité de venir en aide à la victime, ainsi que de sauvegarder ses droits et intérêts légitimes (9e alinéa), tout en soulignant le fait que, dans une ère marquée par l’existence d’armes de destruction massive, l’agression porte en elle le risque d’une escalade pouvant déboucher sur un conflit mondial (5e al.).

La définition agréée est de type mixte, en ce sens qu’elle procède d’un énoncé général (art. 1er) étayé par une énumération de sept séries d’actes considérés comme représentant les manifestations les plus graves de l’agression (art. 3). Il découle clairement de l’article 1er («l’agression est l’emploi de la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la charte des Nations unies...») qu’il s’agit d’agression armée. Dans sa substance, l’article 3 vise les cas d’agression directe commis par les forces armées régulières d’un État: l’invasion, l’attaque, l’occupation ou l’annexion du territoire (al. a ); le bombardement du territoire ou l’emploi de toutes armes contre celui-ci (al. b ); le blocus des ports et des côtes, ainsi que – mais ici dans une note explicative – celui des voies de libre accès à la mer et à partir de la mer d’un pays sans littoral (al. c ); l’attaque contre les armées terrestres, navales ou aériennes, ainsi que contre la marine ou l’aviation civiles (al. d ); l’utilisation de troupes stationnées en territoire étranger contre l’État hôte en violation de leur statut contractuel (al. e ). L’alinéa f relatif à la complicité d’agression («le fait pour un État d’admettre que son territoire, qu’il a mis à la disposition d’un autre État, soit utilisé pour perpétrer un acte d’agression contre un État tiers») vise quant à lui une forme d’agression indirecte. Tel est aussi le cas de l’alinéa g concernant «l’envoi par un État ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires» se livrant à des actes de force armée d’une extrême gravité contre un autre État «ou le fait de s’engager d’une manière substantielle dans une telle action» – disposition dont les termes bien pesés ont pour fin d’assurer aux pays du Tiers Monde qu’une action marginale de bandes armées ne pourrait pas justifier une contre-attaque d’envergure entreprise sous le couvert de la légitime défense. On notera que l’article 3 affirme que chaque élément de ces sept séries d’actes relève du registre de l’agression, «qu’il y ait eu ou non déclaration de guerre».

En vue de préserver le pouvoir discrétionnaire du Conseil de sécurité quant à la détermination de l’agression, le texte précise que la liste des actes énumérés de l’article 3 n’est pas limitative. Le Conseil de sécurité reste ainsi libre de «qualifier d’autres actes d’agression conformément aux dispositions de la charte» (art. 4), et donc d’allonger la liste en question. En stipulant que «l’emploi de la force armée en violation de la charte par un État agissant le premier constitue la preuve suffisante à première vue d’un acte d’agression, bien que le Conseil de sécurité puisse conclure, conformément à la charte, qu’établir qu’un acte d’agression a été commis ne serait pas justifié compte tenu des autres circonstances pertinentes, y compris le fait que les actes en cause ou leurs conséquences ne sont pas d’une gravité suffisante», l’article 2 reconnaît en même temps au Conseil de sécurité la latitude inverse. Cette formule cryptique signifie, en effet, qu’il pourrait non seulement condamner un État ayant pris l’initiative des hostilités armées (laquelle équivaudrait ainsi à une présomption d’agression), mais aussi estimer que – malgré cette antériorité (dont le principe fut mis en avant par l’U.R.S.S.) – il n’y avait pas eu d’animus adgressionis (idée chère aux Occidentaux) et que la riposte de l’État touché avait été disproportionnée ou, même, injustifiée.

La définition de 1974 condamne l’agression en des termes catégoriques. Partant de l’affirmation qu’«aucune considération de quelque nature que ce soit, politique, économique, militaire ou autre, ne saurait justifier une agression» (ce qui invalide le prétexte politique classique de «provocation»), l’article 5 affirme qu’«une guerre d’agression est un crime contre la paix internationale» et qu’«aucune acquisition territoriale ni aucun avantage spécial résultant d’une agression ne sont licites, ni ne seront reconnus comme tels». On relèvera que le texte ne mentionne pas expressément la légitime défense. Toutefois, l’article 6 rappelle – mais en termes généraux et neutres – que «rien dans la présente définition ne sera interprété comme élargissant ou diminuant d’une manière quelconque la portée de la charte, y compris ses dispositions concernant les cas dans lesquels l’emploi de la force est légitime». Dans le même ordre d’idées, on constatera que l’article 7 affirme qu’aucune disposition du texte de la définition ne pourra porter préjudice au droit à l’autodétermination des peuples privés par la force de ce droit particulier, de même qu’à leur droit «de lutter à cette fin et de chercher et de recevoir un appui» conformément aux principes de la charte et en conformité avec la déclaration des Nations unies sur les relations amicales (1970): cette formulation ambiguë renvoie dos à dos la thèse de la légitimité et celle de l’illégitimité de l’exercice, par la force, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

La signification de la définition de 1974

D’un point de vue pratique, la portée du texte adopté en 1974 a été insignifiante. L’existence d’une définition offrant des critères précis de la notion d’agression n’a eu aucune influence sur le comportement agressif des États depuis lors, comme en témoignent des agressions majeures telles que celles de l’U.R.S.S. contre l’Afghanistan (1979) ou de l’Iraq contre l’Iran (1980), puis le Koweït (1990). Elle est de même restée sans effet sur le Conseil de sécurité, dont la paralysie (jusqu’au revirement, en 1987, de la politique générale de l’U.R.S.S. vis-à-vis des Nations unies) tenait à des raisons spécifiques qu’aucune définition de l’agression ne pouvait modifier. Considéré d’un point de vue symbolique, le texte de 1974 n’est cependant pas dépourvu de toute valeur: il exprime le consensus (il est vrai non dépourvu d’ambiguïté) des États de l’O.N.U. au sujet d’une règle élémentaire de comportement sans laquelle aucune communauté internationale en voie de civilisation ne saurait prétendre exister.

agression [ agresjɔ̃ ] n. f.
• v. 1395; lat. aggressio
1Dr. pén. Attaque contre les personnes ou les biens protégés par la loi pénale. Dr. internat. Attaque armée d'un État contre un autre, non justifiée par la légitime défense. L'agression hitlérienne contre la Pologne. Condamnation des guerres d'agression.
2Attaque violente contre une personne. Agression nocturne. Passant victime d'une agression.
Psychol. Instinct d'agression. agressivité.
3Attaque de l'intégrité des fonctions physiques ou mentales de l'individu, par un agent externe. Agression microbienne. Les agressions de la vie urbaine. stress.

agression nom féminin (latin aggressio) Attaque non provoquée, injustifiée et brutale contre quelqu'un, contre un pays : Une femme victime d'une agression. Guerre d'agression. Attaque d'ordre psychologique ou physiologique due à l'environnement. Automobile Ensemble des caractéristiques des différents paramètres intervenant lorsque survient une collision entre deux véhicules ; ensemble des résultats qui en découlent. (Les paramètres essentiels sont la structure des véhicules, leur masse et leur rigidité.) Éthologie Interaction inter- ou intraspécifique où deux ou plusieurs animaux s'affrontent (menaces, attaques, combats, etc.). [Les relations agressives sont des facteurs importants dans la dynamique interne des groupes sociaux, conditionnant souvent la survie de l'individu ou de l'espèce.] ● agression (expressions) nom féminin (latin aggressio) Pulsion d'agression, fraction de la pulsion de mort tournée vers l'extérieur et au service de la pulsion sexuelle, se manifestant par l'agressivité.

agression
n. f.
d1./d Attaque brusque.
|| DR INTERN Attaque militaire d'un état par un autre. L'agression irakienne contre le Koweït.
Pacte de non-agression: renoncement par des états au recours à la force dans leurs rapports.
d2./d Attaque brusque et violente contre une personne. Passant victime d'une agression dans la rue.
d3./d PSYCHO Tout acte de caractère hostile envers autrui, réel, simulé dans le jeu ou imaginé.
d4./d Atteinte à l'intégrité physique ou psychique des personnes, par des agents nuisibles. Le bruit dans les villes constitue une agression permanente.
d5./d Agression contre l'environnement: acte ou phénomène nuisible à l'environnement.

⇒AGRESSION, subst. fém.
Action d'attaquer une personne ou un groupe de personnes de façon soudaine et brutale, et sans avoir été provoqué.
A.— Généralement
1. Action d'attaquer de façon violente une ou plusieurs personnes :
1. Il crut que pour sa résistance vertueuse le jeune duc l'avait tuée ou fait tuer, et, sa furie s'exaspérant à cette idée, il tomba à grands coups d'épée sur les marauds, qui, surpris de cette agression subite dont ils ne pouvaient se défendre, ayant les mains empêchées, lâchèrent leur proie et détalèrent comme s'ils eussent eu le diable à leurs trousses.
T. GAUTIER, Le Capitaine Fracasse, 1863, pp. 420-421.
2. Elle allait sortir par la porte qui donnait sur le vestibule, lorsqu'elle crut entendre un bruit de pas. Elle se rejeta en arrière, d'un mouvement brusque et effaré, comme si elle eût voulu échapper à une agression subite; puis elle se hâta de disparaître par une porte qui conduisait au salon.
É ZOLA, Madeleine Férat, 1868, p. 135.
3. La sauvagerie de cette agression, ce vieillard assommé par ce jeune homme, puis cet innocent domestique, la lâcheté de ce guet-apens rendu plus ignoble par l'emploi d'un faux, fabriqué sans doute grâce à un cachet volé, tout, dans le compte rendu de cet attentat, révoltait l'étudiant de Harvard, élevé dans cette atmosphère de franchise rude mais saine que la tradition puritaine crée dans la grande université du Massachusetts, ...
P. BOURGET, Nos actes nous suivent, 1926, p. 75.
4. Les juges écoutent attentifs. Il est vraiment adroit ce défenseur! il s'efforce de ramener l'agression aux proportions banales d'une rixe de quartier réservé. Il parle de pistolets qui n'ont blessé que des glaces, d'une fille piétinée, mais peut-être d'abord par ses danseurs en fuite. Une autre a eu le crâne fracturé : un coup de siphon, d'après le médecin légiste. Mais personne n'a vu donner ce coup! ...
R. VERCEL, Capitaine Conan, 1934, pp. 136-137.
5. Après le hold-up de Levallois (...), les spécialistes de l'agression à main armée viennent de faire de nouveau parler d'eux en s'emparant de 8 millions à Nanterre.
Cinq gangsters attaquent deux encaisseurs, Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 2, col. 5-6.
Rem. L'agression est souvent présentée comme étant subite (ex. 1, 2), brusque (DG) et partant injuste (Ac. 1835, 1878, Ac. t. 1 1932).
P. ext. [En parlant d'un mal] :
6. Si, d'autre part, nous nous reportons aux événements et aux émotions notés par Beethoven dans son journal (manuscrit Fischhoff), nous constatons qu'en effet l'op. 101 a bénéficié de la période d'accalmie relative, qui prend fin, en octobre 1816, avec l'agression de la maladie. L'œuvre correspond aux mois où il s'enveloppe des pensées de l'Inde, de la paix des champs et des forêts ...
R. ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1903, pp. 112-113.
Au plur., dans le lang. de l'amour (cf. aguicher) :
7. Sa grâce [de Mlle Renouardt] qui n'oublie jamais la réserve convient mal à des agressions de divan.
COLETTE, La Jumelle noire, 1938, p. 255.
2. Au fig. Attitude ou paroles visant à critiquer âprement quelqu'un ou à le blesser moralement :
8. « Quand toute ma force enveloppait mes enfants, m'écrivait-elle, pouvais-je l'employer contre Monsieur de Mortsauf et pouvais-je me défendre de ses agressions en me défendant contre la mort? ... »
H. DE BALZAC, Le Lys dans la vallée, 1836, p. 225.
9. Vous êtes ingrat de bonne heure, vous ferez votre chemin, répondit Ève atteinte au cœur moins par les reproches de Cérizet que par la grossièreté de son accent, par sa menaçante attitude et par l'agression de ses regards.
H. DE BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 562.
10. Elle n'aimait pas ce ton de persiflage qui s'était développé chez Wilfrid et avait pris la place des éclats d'exaltation auxquels il s'abandonnait autrefois à tout propos. Elle ne comprenait pas que son ami avait subi l'action du monde ambiant, qu'il avait souffert beaucoup et ne se souciait plus d'exposer ce qu'il sentait au contact des sots et des méchants, et que, dérobant en lui-même son individualité, il la tenait garantie sous une carapace rugueuse et piquante d'ironie et d'agression.
J.-A. DE GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, p. 142.
11. J'ai vécu, sans vergogne, dans une extrême solitude peuplée des ressentiments et des désirs fauves que mon exécration des contemporains enfantait, écrivant ou vociférant ce qui me paraissait juste, fallût-il crever, et ne réclamant pour mes agressions ou pour ma défense, le secours d'aucune autre plume séculière.
L. BLOY, Journal, 1895, p. 51.
Rem. Ac. 1835, 1878, et Ac. t. 1 1932 notent cette expr. : ,,Cette critique est une véritable agression.``
B.— DR. INTERNAT. Attaque armée d'un État par un autre, faite sans provocation et non justifiée par la légitime défense :
12. Il est facile au chef d'un État de réduire par des insultes, des menaces, des préparatifs hostiles, son voisin à l'attaquer, et dans ce cas, le coupable n'est pas l'agresseur, mais celui qui a réduit l'autre à chercher son salut dans l'agression. Ainsi la défensive peut n'être quelquefois qu'une adroite hypocrisie, et l'offensive devenir une précaution de défense légitime.
B. CONSTANT, Principes de politique, 1815, p. 104.
13. ... le bruit de la double agression tentée contre Melun et contre Bourges fit sortir le roi Gonthramn de son inertie et de ses habitudes peu militaires. Depuis les premières conquêtes des Neustriens en Aquitaine, il n'avait prêté de secours aux villes de son partage que par l'envoi de ses généraux, et jamais il ne s'était mis en personne à la tête d'une armée. Menacé de voir sa frontière de l'ouest ouverte sur deux points différents, et l'invasion neustrienne pénétrer cette fois au cœur de son royaume, il n'hésita pas à marcher lui-même contre le roi de Neustrie, ...
A. THIERRY, Récits des temps mérovingiens, t. 2, 1840, p. 343.
14. « La guerre hors la loi? Oui, la guerre d'agression, mais non pas la guerre défensive. » Admirez ce coup oblique. Nous avions raison; nous étions tous d'accord; et soudainement notre belle idée est par terre et brisée. Il est odieux et inhumain que les nations aient des armées, des conseils de guerre, des canons et des gaz empoisonnés en vue de s'agrandir, de conquérir, d'envahir; mais il est légitime et même heureux que les nations aient des armées, des conseils de guerre, des canons et des gaz empoisonnés en vue de repousser l'agression ou l'insulte. Ainsi la guerre subsiste toute. Le bon sens était contre la guerre, mais le bon sens est pour la guerre. Enfants, nous lançons notre flèche, et elle nous revient en plein visage. Nous sommes battus encore une fois, par nous-mêmes battus. Il y a quelque diablerie là-dedans; et le diable est bien cet esprit rusé, à marche oblique, qui tue l'esprit.
ALAIN, Propos, 1928, p. 758.
15. L'Autriche est liée à l'Allemagne par un traité signé en 1879 et publié en 1888. L'alliance a été renouvelée. Aux termes du traité de 1879, le casus fœderis doit jouer s'il y a agression de la part d'une tierce puissance contre l'un des deux empires, ou si l'agression est soutenue par la Russie. Il semble donc que le traité ne vise que des buts défensifs. Cependant, de plus en plus, l'Autriche a partie liée avec l'Allemagne comme l'ont montré les incidents de Bosnie et d'Herzégovine, et nous estimons, en conséquence, que selon toutes probabilités, l'Autriche serait prête à soutenir l'Allemagne dans toutes les éventualités de conflit avec la France appuyée par la Russie.
J. JOFFRE, Mémoires, t. 1, 1931, p. 107.
16. C'est pour ça — aussi — qu'il est tellement important que le prolétariat, cette fois, gagne la partie! Le jour où il aura vu, dans les faits, qu'il peut, par ses seuls moyens, mettre un obstacle infranchissable aux politiques d'agression, et faire reculer les gouvernements, alors il connaîtra vraiment sa force, alors il aura pris conscience qu'il peut tout!
R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 490.
17. Mussolini veut ici un gouvernement sur lequel il puisse agir. Pour cela, il a fait du Maroc une base d'agression. De là, part une armée moderne, avec un armement moderne.
A. MALRAUX, L'Espoir, 1937, p. 531.
18. Ces conditions rendaient assez laborieuse toute préparation méthodique et continue à une guerre que nul ne voulait, ni ne pouvait vouloir; et que chacun, quand il y pensait, ne concevait que comme un acte de défense, une réponse à quelque agression. On peut affirmer que l'idée de déclarer la guerre à quelqu'une des nations voisines ne s'est jamais présentée à un esprit français depuis 1870 ...
P. VALÉRY, Variété 4, 1938, p. 68.
19. On ajoute dans les milieux officiels de la capitale américaine qu'un accord a été également conclu au sujet des mesures à prendre par la Grande-Bretagne, par la France et par les États-Unis au cas où les communistes chinois tireraient parti d'une trêve en Corée pour se livrer à une agression en Asie du Sud-Est.
La Politique asiatique de Londres, Le Monde, 19 janv. 1952, p. 1, col. 2.
Non-agression (pacte de) :
20. ... « les Soviets sont alliés à l'Allemagne. » « Mais non, dit Brunet avec impatience. Ils ont conclu un pacte de non-agression, et encore tout provisoire ... »
J.-P. SARTRE, La Mort dans l'âme, 1949, p. 242.
C.— PSYCHOLOGIE
1. Instinct d'agression (en all. Agressionstrieb, « pulsion d'agression »). Partie de la pulsion de mort tournée vers l'extérieur avec l'aide notamment de la musculature (d'apr. LAPL.-PONT. 1967) :
21. ... il y a en nous d'autres sources de pulsion que l'égocentrisme. Le triple univers des choses, des hommes et des valeurs peut nous appeler aussi fortement que l'instinct de conservation, de possession ou d'agression. Freud et Marx ont vigoureusement nettoyé l'emphase creuse d'un spiritualisme décadent. Il est temps maintenant de les dépasser. C'est l'élan personnel tout entier, uni à un élan collectif complice, qui dans l'univers global se cherche des sphères d'épanouissement, et non pas seulement des moments de satisfaction.
E. MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 336.
22. ... [les pulsions sadiques] sont bien plus marquées dans la deuxième phase, celle que nous appelons sadique-anale parce qu'alors la satisfaction est recherchée dans l'agression et dans la fonction excrémentielle.
S. FREUD, Abrégé de psychanalyse, trad. de A. Bermann, 1949.
23. On observe souvent la transformation d'une agressivité entravée en auto-destruction chez un sujet qui retourne son agression contre lui-même...
S. FREUD, Abrégé de psychanalyse, trad. de A. Bermann, 1949.
24. La seule description du comportement apparent de la colère et de ses expressions paraîtrait donc, en dépit des critiques précédentes, justifier l'idée d'un « instinct d'agression », et assimiler ce sentiment non pas à l'ordre de l'émotion, mais à celui du sentiment et de la tendance.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, p. 138.
Rem. Dans le vocab. freudien le terme agression désigne aussi bien l'agression que l'agressivité.
2. Synon. de stress. ,,... action violente exercée sur un organisme : bruit violent, secousse électrique intense, immersion brusque dans l'eau froide, vive frustration, grand choc émotionnel, etc., tous facteurs « stressants ».`` (SELYE ds PIÉRON 1963, s.v. stress).
Prononc. :[]. Enq. ://. — Rem. GATTEL transcrit la 2e syllabe avec é (= [e] fermé).
Étymol. ET HIST. — Ca 1395 « attaque » (BOUTEILLER, Som. rur. tit. 40, p. 861 ds LA CURNE : Si la beste d'un voisin tue la beste de son voisin ou d'autre, s'il est trouvé que la beste tuée ait aggressé et assailly l'autre, sçachez que lors n'y chet quelque restitution : mais si sans aggression l'une beste ait tué l'autre...).
Empr. au b. lat. aggressio « attaque » (APULÉE, Met. 8, 16 ds TLL s.v., 1322, 67 : clunibus meis adgressionibus Perinis consulebam).
STAT. — Fréq. abs. litt. :221. Fréq. rel. litt. :XIXe s. : a) 204, b) 301; XXe s. : a) 204, b) 480.
BBG. — AQUIST. 1966. — BAILLY (R.) 1969 [1946]. — BAR 1960. — BÉL. 1957. — BÉNAC 1956. — CAP. 1936. — DUP. 1961. — KOLD. 1902. — LACR. 1963. — LAFON 1963. — PIÉRON 1963. — PRÉV. 1755. — SPR. 1967.

agression [agʀesjɔ̃] n. f.
ÉTYM. V. 1395, « attaque »; lat. agressio « attaque ».
1 Dr. pén. Attaque contre les personnes ou les biens protégés par la loi pénale.Dr. internat. Attaque armée d'un État contre un autre, non justifiée par la légitime défense. || L'agression hitlérienne contre la Pologne. || Condamnation des guerres d'agression. || Politique d'agression et de violence, ou politique défensive.
2 Attaque violente contre une personne. || Agression nocturne. || Il a été victime d'une agression. || Une agression à main armée. Attentat, hold-up; fam. casse. || Agression suivie de violences, de viol.
1 On a dit que l'agression est une attaque inattendue, sans raison, sans provocation (…) Attaque porte simplement l'idée sur un combat, une lutte qui commence d'un cô; mais l'agression porte l'idée sur l'acte premier qui est la cause du conflit. Il est possible que celui qui attaque ne soit pas l'agresseur, l'agression pouvant consister en toute autre chose qu'une attaque. Attaque est l'acte, le fait; agression est l'acte, le fait considéré moralement et pour savoir à qui est le premier tort.
Littré, Dict., art. Agression.
2 Un lecteur (…) nous demande si le verbe agresser (attaquer, ou plus exactement attaquer soudain, brutalement, comme dans une agression nocturne) est tolérable (…) L'usage d'agresser est inutile, et dénote une maladresse chez les journalistes qui l'emploient; car ils ne trouvent plus assaillir dans leur mémoire (…)
A. Thérive, Querelles de langage, t. III, p. 165.
Par ext. Paroles, comportement qui visent à blesser moralement. || « Cette critique est une véritable agression » (Académie).
3 Quand toute ma force enveloppait mes enfants, m'écrivait-elle, pouvais-je l'employer contre monsieur de Mortsauf et pouvais-je me défendre de ses agressions en me défendant contre la mort ?
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 943.
Psychol. || Les aggressions de la vie urbaine. Stress (anglic.). || La publicité est pour lui une agression insupportable.
3 (Angl. aggression). Psychophysiol. Attaque de l'intégrité des fonctions physiques ou mentales de l'individu, par un agent externe générateur de maladie (→ Agresser, cit. 3). Stress.
4 (…) des agressions microbiennes provoquées par des germes insensibles aux nouveaux médicaments.
V. Vic-Dupont, la Maladie infectieuse, p. 87.
Psychan. || Instinct, pulsion d'agression (all. Agressionstrieb) : instinct fondamental de l'être vivant, lié (selon les uns) à la destruction (pulsion de mort) ou (selon les autres) à l'affirmation de soi.
5 (…) les psychologues ne sont pas toujours d'accord sur le sens à donner à ce mot (agression); les uns le réservent aux actes de caractère hostile, destructeur, malfaisant; les autres l'appliquent à toutes les tendances actives, tournées vers l'extérieur, affirmatives de soi, possessives et constructives.
A. Porot, Manuel alphabétique de psychiatrie, art. Agression, agressivité.
Agression tournée contre soi-même. Masochisme. || Agression exercée contre autrui. Sadisme.
(Êtres vivants, en général). Interaction entre animaux qui s'affrontent; attitude d'un animal qui cherche à attaquer, à repousser ou à détruire un autre animal (de même espèce ou d'espèce différente). || Instinct (ou « sous-instinct ») d'agression. || L'étude de l'agression est l'un des sujets essentiels de l'éthologie. aussi agressivité.
4 (Choses). Action violemment nuisible (contre le milieu naturel). Nuisance, pollution. || L'agression du milieu par les altéragènes.Techn. Action physique observée lors d'une collision entre véhicules (écrasements, torsions…). || Agression de rigidité, agression de structure.
CONTR. Défense, protection, résistance.
COMP. Non-agression.

Encyclopédie Universelle. 2012.