INFLUENCE
Dans le langage scientifique, une sorte de coexistence s’instaure fréquemment entre deux niveaux de conceptualisation, l’un assez proche de la langue courante, où le terme est employé dans un sens générique très large et désigne plutôt une notion, l’autre plus strictement scientifique, où l’expression devient spécifique et précise et où l’on a affaire à un véritable concept. Tel est justement le cas du mot influence, dont l’étude est compliquée par cette dualité de significations et, du même coup, de perspectives et de références.
Certains auteurs en effet ne s’éloignent guère du sens usuel «d’action exercée par une personne sur une autre personne», pour adopter à quelque chose près la formulation de Littré: l’accent est mis sur l’efficacité de cette action, et non pas sur la manière dont le résultat est acquis, c’est-à-dire sur les mécanismes particuliers au jeu de l’influence.
D’autres spécialistes traitent de l’influence dans un contexte de communication et insistent sur ce qui constitue à la fois la base de l’influence et les raisons de son succès, à savoir la persuasion ; l’influence devient alors un concept qui a gagné en vigueur ce qu’il a perdu en extension: c’est, à notre sens, le signe d’un incontestable progrès dans l’élaboration d’un langage scientifique.
On ne saurait, cependant, aborder le thème de l’influence sans souligner le mérite de Gabriel Tarde et sans rappeler l’importance de sa contribution en ce domaine, d’autant plus que ses analyses participent de l’ambiguïté signalée ci-dessus et en fournissent une excellente illustration. D’une part, dans sa théorie générale de la société, Tarde parle tour à tour de suggestion, d’hypnotisme, de magnétisation, pour caractériser le rôle et l’efficacité arbitrairement dévolus à l’imitation; la notion d’influence n’est pas nettement et fermement définie, encore qu’elle soit implicite tout au long de l’argumentation. D’autre part, dans ses essais particuliers, notamment dans l’étude consacrée à la conversation, Tarde se montre attentif à l’exercice d’une influence essentiellement persuasive par laquelle s’étend et s’approfondit la «conscience d’espèce» (F. H. Giddings) et qui détermine ainsi très largement les vicissitudes de l’opinion. Par cette sensibilité aux processus, plus sans doute que par la parenté confuse entre la notion d’imitation et celle d’influence, Gabriel Tarde a ouvert une voie féconde.
L’action efficace sur autrui
Influence, pouvoir et cause
Pour donner une idée du champ attribué à l’influence, dans son acception la plus large, on se reportera à l’étude bien connue de Robert K. Merton sur deux types d’influence, local et cosmopolite. Le sociologue américain y insiste, en conclusion, sur la nécessité de distinguer entre les multiples formes d’influence, comme la coercition, la domination, le conditionnement et ce qu’il appelle la clarification. Le regroupement de ces catégories hétéroclites fait de l’influence une notion extrêmement générale et imprécise, dont il devient difficile de savoir dans quel sens exact elle est employée.
Pour remédier à ce manque de netteté, certains auteurs, et plus particulièrement James G. March et Herbert Simon, s’efforcèrent de replacer le phénomène de l’influence dans le contexte d’une méthodologie élaborée; c’est par rapport au modèle de la relation causale que l’on chercha à épurer la notion. Les relations d’influence furent considérées comme des cas particuliers ou un sous-ensemble des relations causales, dans la mesure où l’effet produit se manifeste à travers le comportement d’une personne.
Cet effort d’approfondissement ne paraît pas entièrement concluant: il sert davantage, semble-t-il, à illustrer les progrès de la réflexion méthodologique qu’à jeter les bases d’une théorie de l’influence. Les définitions ainsi obtenues restent bien abstraites, comme celles de March, selon lesquelles l’influence se reconnaît à l’écart entre le comportement réel d’un individu au temps t1 et le comportement prévisible au temps t 0.
L’influence, loin de désigner une réalité spécifique, recouvre tout un ensemble de phénomènes; elle reste une notion générique, ce qui autorise bien des confusions. Ainsi pour March et pour Simon les deux termes d’influence et de pouvoir semblent strictement équivalents et de ce fait interchangeables; Robert Dahl va même jusqu’à définir l’influence avec les termes mêmes qui lui avaient servi préalablement à caractériser le pouvoir, lorsqu’il écrit que «A influence B dans la mesure où il lui fait faire ce que B ne ferait pas autrement».
La mesure de l’influence
La seule voie possible, si l’on veut procéder à une comparaison des influences qui soit méthodologiquement acceptable, est celle qu’a choisie Dahl, en entreprenant une analyse attentive des multiples critères qui ont servi à mesurer l’influence. On peut en énumérer cinq: le nombre de personnes influencées, les chances de succès de l’influence, les changements obtenus chez les individus, le coût psychologique de l’influence, la sphère à laquelle elle s’applique.
Ces critères apparaissent tout d’abord comme de valeur très inégale: on est, par exemple, bien peu renseigné sur la nature de l’influence et l’importance de ses effets quand on connaît uniquement le nombre de personnes sur lesquelles elle s’exerce effectivement; et l’appréciation, si précise soit-elle, des chances respectives de succès de diverses tentatives d’influence tombe sous le coup de la même critique car ici encore on ignore sur quoi porte l’influence et comment le résultat est atteint. Ensuite – et cette seconde constatation est plus grave – les trois autres critères ne sont pas non plus pleinement satisfaisants: ainsi on n’obtient pas toujours une mesure exacte de l’effet en retenant pour indicateur la grandeur du changement observé dans le comportement de la personne influencée, car l’influence peut tout aussi bien contribuer à un renforcement des attitudes et des comportements qui en découlent. Quant au critère, en lui-même intéressant, représenté par les coûts psychologiques de la soumission à l’influence, il paraît beaucoup mieux s’appliquer à une situation de pouvoir, où pèse la contrainte, qu’à une situation d’influence.
Dahl ne conduit donc pas bien loin, si méritoire que soit son effort: il donne le précieux conseil de spécifier la sphère à laquelle s’applique l’influence, c’est-à-dire de tenir compte du cinquième et dernier critère; il y ajoute une utile séparation entre l’influence virtuelle dont dispose un acteur donné et celle qu’il exerce effectivement; et c’est à peu près tout. On pourrait peut-être compléter ce tableau en lui adjoignant une distinction supplémentaire, établie par Merton, à savoir celle des types d’influence. Ce sont là des remarques raisonnables, dont il est prudent de tenir compte dans le cadre d’enquêtes empiriques; mais ces mesures, si indispensables soient-elles, n’apprennent rien sur le mode d’influence, ni sur le processus qui est le sien. Telle est la rançon d’une définition trop globale.
La méthode de décision
Les enquêtes fondées sur la méthode de la réputation, comme celles de Floyd Hunter, quel que puisse être leur intérêt pour une sociologie générale, ne renseignent nullement sur l’influence en acte, c’est-à-dire sur l’objet même de notre réflexion. En revanche, la méthode de la décision, par laquelle l’on cherche à isoler la part prise par tel acteur ou groupe social à l’élaboration, l’approbation et la mise en œuvre de différents programmes, c’est-à-dire son influence relative, est du plus haut intérêt, d’autant plus qu’elle a été brillamment appliquée par Dahl dans Who Governs?. Peut-être cette appréciation élogieuse risque-t-elle de paraître paradoxale, après des remarques critiques sur le niveau de conceptualisation et la méthodologie spécifique qui sont sous-jacents à cette étude. En fait, même s’il est regrettable de ne pas dissocier analytiquement influence et pouvoir, il est essentiel pour le sociologue de savoir comment ces deux éléments se combinent dans la réalité sociale concrète; or Dahl, sans que ce soit son objectif majeur, montre très bien dans son étude sur la ville de New Haven comment la position de pouvoir ou plutôt d’autorité du maire Lee lui permet d’intervenir dans différents domaines, de faire connaître son point de vue, d’user éventuellement de son crédit dans un sens ou dans un autre, c’est-à-dire d’exercer une influence, sans nécessairement recourir au commandement ou faire appel à la contrainte. De plus Dahl dépasse, dans le cadre de son étude, sa méthodologie explicite: il prête beaucoup plus d’attention qu’on aurait pu croire aux processus, c’est-à-dire au jeu même de l’influence, même s’il reste essentiellement soucieux de ses effets. Ce progrès certain est dû, pour une bonne part, au choix de la décision comme terrain privilégié où étudier l’influence; la décision en effet implique un développement, c’est-à-dire une progression dans le temps: on ne peut négliger cette dimension si l’on veut bien en comprendre la formation. Ce lien établi entre la méthode de la décision et l’analyse de l’influence s’est donc révélé fécond: sans doute l’intérêt de cette approche n’avait-il pas échappé à Paul F. Lazarsfeld et aux premiers utilisateurs du panel, mais on constate ici une très heureuse convergence – à un certain niveau de généralité – entre la démarche du politiste et celle de l’inventif méthodologue.
L’auteur américain parvient en fin de compte, comme c’était son projet, à proposer une vision globale de la répartition des influences à New Haven. Sans doute pourrait-on souhaiter que soient un peu mieux démêlés les parts respectives d’influence, de pouvoir et d’autorité, mais les résultats obtenus sont appréciables: l’ouvrage marque de ce fait une étape dans les recherches de sociologie politique. Dahl a le grand mérite de se garder de conclusions faciles et simplificatrices: il souligne avec vigueur que pour expliquer la réalité complexe observée à New Haven un seul modèle de répartition ne saurait suffire; il faut tenir compte de plusieurs modes qui tout à la fois se recoupent et se contrarient. Le chercheur peut ainsi constater, à la fin de l’enquête, que l’influence est fortement spécialisée à New Haven, surtout au niveau des leaders de second rang. Mais en même temps New Haven apparaît comme dominé – du moins pendant les mandats successifs de Lee – par une coalition groupée autour d’un leader dominant, qui n’est autre que Lee lui-même: le maire démocrate en effet a réussi à lancer et à mettre en œuvre un programme très ambitieux d’urbanisme; il est en outre la personne la plus influente en matière d’éducation; il contrôle enfin, avec deux autres politiciens, les nominations dans son propre parti. Et pourtant cette position, si forte qu’elle paraisse, est liée au choix des électeurs: face aux démocrates, les républicains ne restent pas inactifs; ils connaissent certes quelques difficultés, mais cherchent cependant à se placer pour les élections suivantes. Selon que l’on considère tel ou tel aspect, l’influence paraît assez largement distribuée ou au contraire fortement concentrée; et Dahl introduit ici une heureuse distinction entre l’influence directe, qui est l’apanage de Lee et de quelques-uns, et l’influence indirecte, que peuvent détenir de simples adhérents à un parti, voire des électeurs ordinaires, dans la mesure où les leaders cherchent à orienter leur action dans un sens qui soit conforme aux intérêts et aux vœux de groupes très vastes, de manière à ne pas essuyer d’échec cuisant lors des campagnes ultérieures. C’est donc un tableau riche et nuancé que propose Dahl, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux types de recherches sur la nature de l’influence dans les communautés locales.
Les mécanismes de la communication
L’influence et ses modes
À Herbert Kelman revient, dans le cadre d’une réflexion théorique sur les mécanismes inhérents au changement d’opinions, le mérite d’avoir ouvert cette voie féconde. Laissant de côté le détail de son savant paradigme où il résume, avec un incontestable sens synthétique, les principales conclusions de son étude, on rappellera simplement la distinction fondamentale qu’il établit entre trois processus d’influence, à savoir la soumission, l’identification et l’intériorisation. Notons d’abord que ces trois termes ne sont pas tous sur le même plan. La soumission en effet implique une sorte de calcul utilitaire en vertu duquel nous obtempérons aux injonctions d’autrui parce qu’il contrôle les moyens, pour reprendre l’expression de Herbert Kelman, et nous tient sous sa surveillance, c’est-à-dire qu’il peut user à notre égard de sanctions négatives. Or il n’y a rien de tel dans l’identification ou dans l’intériorisation: dans le premier cas, c’est l’association symbolique d’un comportement à un autrui fortement valorisé (qu’il s’agisse d’une personne ou d’un groupe) qui nous pousse à l’adopter; dans le second c’est la conformité de tel ou tel mode de conduite à notre système de valeurs qui nous incite à le faire nôtre. S’il est encore permis de parler ici de sanctions, elles sont, cette fois, positives: l’opposition est donc très nette entre le premier mode, qui ne relève pas, comme on le verra, de l’influence au sens strict, et les deux derniers. De surcroît, Kelman a, semble-t-il, le tort de ne pas assez souligner que l’influence implique, avant toute autre caractéristique, une relation sociale entre influenceurs et influencés. La typologie de Kelman n’est donc pas pleinement satisfaisante: elle n’en représente pas moins une importante contribution à l’étude de l’influence, à laquelle il est juste de rendre hommage, comme Talcott Parsons ne manque pas de le faire dans son important article sur ce sujet.
Parsons procède à une analyse ou plus exactement à une clarification de concepts qui marque, en ce domaine précis, une étape dans l’élaboration d’un langage véritablement scientifique. Il dissocie nettement influence et pouvoir: alors que le pouvoir implique un recours à des sanctions négatives, faisant ainsi fond sur la contrainte, c’est sur l’intention des personnes qu’agit l’influence, en faisant appel à des raisons positives de se conformer aux suggestions de l’influenceur. Ces dernières précisions permettent à Parsons de procéder à une autre distinction, plus subtile, entre l’influence proprement dite et l’incitation qui fait bien appel à des sanctions positives mais – et c’est là toute la différence – d’ordre situationnel et dont le versement d’une somme d’argent peut être considéré comme le prototype. Parsons insiste aussi avec bonheur sur le mode spécifique de l’influence, à savoir la persuasion. L’influence suppose donc, pour être efficace, que l’on gagne, indûment ou non, la confiance d’autrui: elle prend ainsi la forme, pour reprendre l’expression parsonienne, d’une capacité générale de persuader; cela ne veut pas dire bien sûr qu’elle s’étende à tous les domaines – puisque, comme on l’a vu, il existe des sphères d’influence –, mais qu’elle se reconnaît à une certaine régularité dans les effets. L’influence est d’autant mieux assise qu’elle est susceptible d’applications plus nombreuses: une occasion unique ne saurait en tout cas suffire à la fonder ou à l’établir. L’analyse de Parsons aide donc incontestablement à mieux saisir la signification de l’influence; elle serait même exemplaire si le théoricien américain ne cherchait à la faire rentrer à tout prix dans le cadre de ses sous-systèmes et de ses catégories générales.
Propagande et communication
Dans le domaine de la communication on peut distinguer deux grands types d’approche: les études de laboratoire et les enquêtes sur le terrain. Si, d’un point de vue sociologique, la seconde méthode s’est révélée la plus féconde, l’importance de la première ne doit pas être sous-estimée. Ainsi Carl Hovland et ses nombreux collaborateurs ont accompli un indispensable travail préparatoire, que l’on pourrait appeler de débroussaillage, en isolant les effets de différentes variables (nature de la source, contenu du message, caractéristiques du moyen d’information ou de diffusion utilisé) et en s’efforçant de dégager les diverses bases de l’influence: on leur doit en particulier d’avoir souligné qu’un message peut être favorablement accueilli soit parce que la source est censée connaître la vérité, c’est-à-dire à cause de sa compétence – fondée ou non – en la matière, soit parce qu’elle est supposée dire la vérité, c’est-à-dire en vertu du capital d’estime morale dont elle jouit. C’est également à partir d’expériences de laboratoire que Serge Moscovici défend l’idée d’un renouvellement des perspectives théoriques, en vertu duquel l’analyse de l’influence sociale devrait davantage s’intéresser à l’innovation qu’à la conformité, au changement qu’au contrôle social et ainsi prendre plus en compte le rôle des «minorités actives» dans la genèse des innovations.
Les études de laboratoire ont donc permis de mieux cerner les conditions du jeu de l’influence; mais les enquêtes sur le terrain ont apporté une connaissance plus précieuse, encore qu’incomplète, celle de ses effets réels. Et c’est précisément grâce à elles que l’on a pu apprécier, sous l’angle de l’efficacité, des campagnes de propagande portant sur des objets aussi différents que les élections ou le moral des ennemis. Les premières conclusions auxquelles aboutirent les spécialistes avaient un trait commun: elles étaient négatives. Elles contribuaient à ébranler le mythe d’une propagande toute-puissante, qui, agissant sur chaque individu isolé dans la masse, n’avait aucun mal à le manipuler et à l’entraîner dans les voies les plus irrationnelles. On s’aperçut qu’il fallait tenir compte de l’environnement social dans lequel vivaient les personnes soumises à l’influence: les chercheurs redécouvraient ainsi, par cette voie indirecte, une structure sociale dont la mythologie de la propagande avait tout simplement oublié l’existence. Le développement des études en ce domaine ne changea pas cette vérité fondamentale, même si les interprétations se firent de plus en plus nuancées.
L’influence interpersonnelle
C’est à l’occasion de la première étude par panel d’une élection présidentielle – celle de 1940 qui opposait Roosevelt à Willkie – que Paul F. Lazarsfeld, Bernard Berelson et Hazel Gaudet prirent conscience de l’importance du phénomène, qui contredisait leurs hypothèses initiales (The People’s Choice ): la radio et la presse n’étaient pas en effet, comme ils l’avaient supposé, de puissants agents de changement ou de conversion des opinions mais le cédaient en efficacité sur ce point à l’influence exercée par des parents, par des amis, ou encore par des relations «qui s’y connaissent en politique», pour reprendre l’expression familière des entretiens. Il ne faut pas en déduire pour autant que les moyens de masse n’avaient aucun effet; mais ils contribuaient surtout à renforcer les opinions et à confirmer le choix en faveur de l’un ou l’autre candidat. À partir de cette constatation, les trois auteurs élaborèrent l’hypothèse ingénieuse connue sous le nom de «two-step flow of communication»: les messages des moyens modernes d’information collective n’atteindraient pas directement la masse du public mais passeraient par le relais des guides de l’opinion, c’est-à-dire de personnes plus attentives au contenu de la presse parlée ou écrite, plus intéressées par la politique, et qui auraient pour rôle de transmettre les informations à l’intérieur de leurs groupes primaires.
L’attention a été ainsi attirée sur les voies spécifiques de l’influence interpersonnelle et sur les guides de l’opinion qui paraissaient en quelque sorte en être les représentants privilégiés: Elihu Katz et Paul F. Lazarsfeld en particulier consacrèrent à ce sujet un ouvrage (Personal Influence , 1955), dont les conclusions sont aujourd’hui, pour une large part, devenues classiques. L’hypothèse initiale du courant de communications à deux degrés a été affinée: on s’est d’abord rendu compte qu’il existe des guides de l’opinion pour les guides de l’opinion eux-mêmes et que l’on peut construire en quelque sorte une hiérarchie des influences. On s’est aussi aperçu que les groupes primaires ne sont pas des unités closes et que les guides de l’opinion communiquent entre eux – à un niveau horizontal cette fois – c’est-à-dire que le réseau de communications se modèle sur le tissu complexe des relations sociales et lui emprunte de sa richesse. Les caractéristiques particulières aux guides de l’opinion furent également mieux mises en lumière: il ressort ainsi nettement de Personal Influence et de Voting que ce rôle n’est pas nécessairement lié à un statut élevé, mais qu’il y a des guides de l’opinion dans toutes les couches de la société et dans des proportions à peu près semblables: dans la plupart des cas, ces guides appartiennent au même milieu que ceux qu’ils influencent. Cette position favorable est d’ordinaire due à un certain degré de compétence, mais généralement celle-ci ne vaut que pour un secteur spécifique: il est très rare, d’après l’enquête de Lazarsfeld, qu’on soit à la fois influent en matière de consommation domestique et de cinéma; et il est plus exceptionnel encore d’être un guide de l’opinion dans trois domaines.
Les spécialistes se penchèrent également sur les fonctions jouées par l’influence interpersonnelle: dans l’ensemble, l’influence interpersonnelle ne constitue pas dans les sociétés industrialisées notre source principale d’information et ne saurait se substituer aux moyens de masse que dans le cas de nouvelles exceptionnelles, comme celle de l’assassinat de Kennedy; en revanche, elle peut apporter le soutien social indispensable à l’adoption de toute innovation, car elle a pour rôle essentiel de légitimer les décisions que nous nous apprêtons à prendre.
Signalons enfin que l’influence interpersonnelle constitue un élément central dans les études de diffusion qui portent sur l’adoption progressive d’un produit ou d’une technique dans une région ou une profession. C’est ainsi que James Coleman, Elihu Katz et Herbert Menzel purent souligner, dans leur enquête relative à la diffusion du gammanym, que les docteurs les mieux intégrés à la communauté médicale tendaient à adopter plus rapidement ce nouveau médicament.
L’analyse des principales recherches consacrées à l’influence permet de distinguer deux grandes approches, auxquelles on peut associer les noms de March et de Dahl d’une part, de Parsons et de Lazarsfeld de l’autre et qui se traduisent chacune par des enquêtes originales. Les quelques correspondances relevées en cours de route, l’intérêt commun de Dahl et de Lazarsfeld pour une sociologie de la décision, la continuité bien significative qui conduit des premières grandes études de communication aux réflexions théoriques de Kelman et de Parsons font néanmoins penser que des progrès se font jour dans le sens d’une intégration des diverses recherches.
influence [ ɛ̃flyɑ̃s ] n. f.
• v. 1240; lat. médiév. influentia, de influere→ influer
I ♦ Vx Flux provenant des astres et agissant sur les hommes et les choses. ⇒ fluide, influx. « l'influence bienfaisante ou maligne de son étoile » (Gautier) . Elle était « pénétrable aux influences de l'espace et de l'heure » (France).
II ♦ (XIVe) Action.
A ♦ (Choses)
1 ♦ Action qu'exerce une chose, un phénomène, une situation sur qqn ou qqch. ⇒ effet, pression. L'influence de l'éducation. ⇒ empreinte. L'influence du climat sur l'humeur. « Le milieu, et bien d'autres influences, marquent sur l'enfant » (Chardonne). — SOUS L'INFLUENCE DE : sous l'effet, l'emprise, le coup de. Il a agi sous l'influence de la boisson, de la drogue; de la colère, de la peur.
2 ♦ Phys. Influence électrostatique : déplacement des charges électriques d'un conducteur sous l'action du champ créé par d'autres corps chargés.
B ♦ (Personnes)
1 ♦ Action (volontaire ou non) qu'une personne exerce sur qqn. ⇒ 2. ascendant, domination, empire, emprise, 2. pouvoir, puissance. Tout le monde subit son influence. « en se croyant indépendant, il a été sans cesse à la merci des influences » (Sainte-Beuve). Je compte sur votre influence pour le persuader. ⇒ persuasion. Il a beaucoup changé sous l'influence de son ami (cf. Au contact de). Avoir de l'influence sur qqn. Avoir, exercer une bonne, une mauvaise influence sur qqn. (anglic.) Être sous influence : être manipulé, soumis à des pressions; Spécialt être sous l'effet de l'alcool, de la drogue.
2 ♦ (1780) Pouvoir social d'une personne qui amène les autres à se ranger à son avis. ⇒ autorité, créance, crédit, importance, poids, prestige. Il a beaucoup d'influence (cf. Avoir le bras long). « Il sentait grandir son influence à la pression des poignées de main » (Maupassant). User de son influence en faveur de qqn. ⇒ appui; intercéder. Trafic d'influence.
3 ♦ Action morale, intellectuelle. Influence d'un grand homme sur son époque, sur la société. ⇒ rôle. Grande influence. ⇒ rayonnement. Influence des lettres françaises à l'étranger. Déceler l'influence des prédécesseurs dans une œuvre. ⇒ 1. part.
4 ♦ Autorité politique d'un État, d'une civilisation, d'une puissance sur d'autres puissances, dans une région. Influence britannique, française dans telle ou telle partie du monde. Absolt Sphère, zone d'influence.
● influence nom féminin (latin médiéval influentia, du latin classique influere, couler dans) Action, généralement continue, qu'exerce quelque chose sur quelque chose ou sur quelqu'un : L'influence du climat sur la végétation. L'influence de la télévision sur les jeunes. Ascendant de quelqu'un sur quelqu'un d'autre : Il a beaucoup changé sous l'influence de son ami. Pouvoir social et politique de quelqu'un, d'un groupe, qui leur permet d'agir sur le cours des événements, des décisions prises, etc. : On a vu grandir son influence dans le monde des affaires. ● influence (expressions) nom féminin (latin médiéval influentia, du latin classique influere, couler dans) Familier. Le (la) faire à l'influence, tenter d'obtenir quelque chose par intimidation, en vertu de la position que l'on occupe. Sous influence, complètement asservi à quelque chose (drogue, alcool, etc.), à un groupe ou soumis à une manipulation d'ordre idéologique, psychologique. Facteur d'influence, facteur caractérisant les effets des variations d'une grandeur sur une autre grandeur. Trafic d'influence, délit commis par quiconque sollicite ou agrée des offres, promesses, dons ou présents pour abuser de son influence afin de faire obtenir une décision de l'autorité publique (décoration, faveur, marché…). Influence électrique, phénomène modifiant la répartition des charges d'un corps soumis à un champ électrique. Syndrome d'influence, manifestation de l'automatisme mental dans laquelle le sujet se croit soumis à une force extérieure qui lui impose pensées, actes et sentiments, ou qui lui vole sa pensée. Détonation par influence, détonation d'une charge provoquée par l'onde de choc due à la détonation d'une charge excitatrice. ● influence (synonymes) nom féminin (latin médiéval influentia, du latin classique influere, couler dans) Action, généralement continue, qu'exerce quelque chose sur quelque chose ou sur quelqu'un
Synonymes :
- effet
- répercussion
Ascendant de quelqu'un sur quelqu'un d'autre
Synonymes :
- coupe
- empire
- emprise
- hégémonie
- poids
- pouvoir
- prépondérance
influence
n. f.
d1./d Action exercée sur qqch ou qqn. Avoir une bonne, une mauvaise influence sur qqn. Agir sous l'influence de la colère.Syn. effet, emprise, ascendant.
d2./d Crédit, autorité. Un homme sans influence.
— Trafic d'influence, délit d'une personne qui monnaie l'obtention d'avantages administratifs.
d3./d PHYS Influence électrique ou influence électrostatique: modification de la répartition des charges électriques portées par un corps sous l'effet d'un champ électrique.
⇒INFLUENCE, subst. fém.
A. — [L'action s'exerce gén. sur un mode concr.]
1. Action (généralement lente et continue) d'un agent physique (sur quelqu'un, quelque chose), suscitant des modifications d'ordre matériel. Élucider le problème si complexe de l'influence du milieu sur l'individu. (...) découvrir comment le mode de vie et l'alimentation modernes agissent sur la résistance nerveuse des enfants (CARREL, L'Homme, 1935, p. 61). Ce dressage comporte une combinaison d'influences excitatrices (par association positive d'une stimulation neutre par elle-même avec une excitation directement efficace) et d'actions inhibitrices (PIÉRON, Sensation, 1945, p. 387). Nous connaissons quelques facteurs déterminants ou favorisants des arthroses, (...) nous devinons vaguement le rôle des troubles circulatoires et des influences endocriniennes (RAVAULT, VIGNON, Rhumatol., 1956, p. 25) :
• 1. Les propriétés de l'acier et de la fonte, comparées à celle du fer forgé, montrent quelle influence exerce une très petite proportion de carbone ou de graphite. Les propriétés si diverses et la cristallisation si différente des diverses espèces de fonte montre[nt] quels puissants effets peut exercer une très petite proportion d'un corps étranger...
ÉLIE DE BEAUMONT ds B. Sté géol. Fr., 1847, p. 64.
SYNT. Influence appréciable, directe, immédiate, marquée, nerveuse, physique; influences diverses, héréditaires; véritable influence; influence d'agents, de causes, de la chaleur, des circonstances, du climat, des conditions extérieures, de facteurs, de la lumière, des maladies, du mouvement, des nerfs, des organes, du système nerveux; influence sur le développement; étude de l'influence; observer l'influence de; attribuer qqc. à l'influence de.
— ASTRON. Action exercée à distance par un astre (sur un autre astre, sur un phénomène naturel). Influence de la lune sur les marées. Hales, dans sa Statistique des végétaux, observe que la spire de ces vaisseaux est dans un sens contraire au mouvement diurne du soleil. Cette observation (...) confirme (...) l'influence de l'astre du jour sur toutes les puissances de la nature, dont il est le premier moteur (BERN. DE ST.-P., Harm. nat., 1814, p. 144). La comète entend instantanément la voix du soleil, elle subit encore son influence magnétique, (...) et revient vers l'astre qui l'attire (FLAMMARION, Astron. pop., 1880, p. 284). Les influences incontestées (gravitation et rayonnement) que l'Univers exerce sur la planète Terre (...). C'est l'interaction de la Terre et de l'Univers tout entier qui détermine (Einstein, 1915) la masse de la Terre (BOLL, Qq. sc. captiv., 1941, p. 202).
— ÉLECTR. Les muscles volontaires se contractent immédiatement sous l'influence galvanique. Les muscles involontaires ne se contractent pas immédiatement après l'excitation (Cl. BERNARD, Notes, 1860, p. 38). L'électricité engendre le mouvement : ainsi les attractions et répulsions de corps électrisés (...) tout mouvement constaté dans un phénomène électrique correspond à une diminution de l'influence électrique elle-même (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. 73).
♦ Électrisation/s'électriser par influence. Électrisation/s'électriser au voisinage d'un conducteur électrisé. Sphères conductrices extrêmement petites, disséminées dans une substance non conductrice (...), qui s'électrisent par influence et qui produisent ainsi la polarisation du diélectrique (H. POINCARÉ, Électr. et opt., 1901, p. 383).
♦ Machine à influence. ,,Les machines à influence sont les plus récentes [des machines électrostatiques]. La plus simple est l'électrophore. Certaines sont à transporteurs isolants, telle la machine de Holtz; d'autres (machine de Toepler) sont à transporteurs conducteurs`` (Lar. encyclop., s.v. machine). [Dans le système Lodge de télégraphie sans fil] La source d'électricité peut être (...) une machine à influence (TURPAIN, Ondes électr., 1902, p. 351).
— ACOUST., TECHNOL. Par influence. Par réaction à un phénomène vibratoire voisin. Certains corps (...), les bobèches notamment, les cristaux des lustres, entrent intempestivement en vibration sous l'influence de certaines notes (...) ces manifestations reconnaissent une seule et même cause, la vibration par influence ou par sympathie (LAVIGNAC, Mus. et musiciens, 1895, p. 40). Les phénomènes d'explosions par influence, qu'on appelle aussi explosions sympathiques, (...) poudrières sautant simultanément, quoique séparées par d'assez grands intervalles (CHALON, Explosifs mod., 1911, p. 534). Près d'un piano faisons parler un tuyau à l'unisson de l'une des cordes : elle résonne par influence (BOUASSE, Acoust. gén., 1926, p. 92).
2. ASTROL. Force hypothétique émanée des astres et qui est censée agir sur le caractère, sur le destin de tel individu. Il y a peu d'hommes (...) dont l'étoile, même favorable, ne soit contre-balancée par l'influence maligne d'une étoile opposée (LAMART., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 227). Une influence était descendue de la lune sur la vierge; quand l'astre allait en diminuant, Salammbô s'affaiblissait (FLAUB., Salammbô, t. 1, 1863, p. 52). Après avoir recherché les influences astrologiques des neuf planètes sur la vie et le caractère de Jeanne d'Arc (...) comment expliquer par l'influence des planètes l'ascension de cette simple paysanne devenant la libératrice de son pays? Où trouver dans son horoscope l'élément qui explique la force particulière de Jeanne? (BEER 1939, p. 31) :
• 2. Aujourd'hui on trouve des gens qui disent : êtes-vous bien sûr que les astres aient une influence sur la destinée de l'homme? (...) en quoi cette influence spirituelle est-elle plus étrange que l'influence corporelle que certaines planètes, telles que la lune, par exemple, exercent sur les organes de la femme et de l'homme? (...). À chaque changement de lune, le nombre des malades augmente : les accès aigus de fièvre concordent avec les phases de notre satellite.
HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 213.
— [P. allus. à Boileau, Art poétique, I : C'est en vain qu'au Parnasse un téméraire auteur Pense de l'art des vers atteindre la hauteur : S'il ne sent point du ciel l'influence secrète, Si son astre en naissant ne l'a formé poète] On entend répéter tous les jours (...) que la couleur est un don du ciel; que c'est un arcane impénétrable à celui qui n'a pas reçu l'influence secrète (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p. 560). Je me serais pendu plutôt que d'écrire un vaudeville (...). Inventer! Il faut pour cela avoir reçu l'influence secrète. Ce don me serait funeste (FRANCE, Bonnard, 1881, p. 496).
— P. ext. Puissance indéterminée exerçant une action mystérieuse sur les êtres et les choses. Influence(s) occultes, singulière. Dans l'accablement de cette nuit chaude, qu'on sent pleine d'émanations d'orage, des influences étranges et mystérieuses sont en lutte autour de lui (LOTI, Spahi, 1881, p. 204). Conjurer le mauvais sort (...) l'influence maligne jetée par les yeux des crapauds, des serpents, des coquins, ou même des malheureux victimes de la puissance maléfique (JOUVE, Paulina, 1925, p. 32). Il ne faut plus isoler le personnage-homme (...), mais le montrer (...) traversé, imbibé, lourd et lumineux des effluves, des influences, du chant du monde (GIONO, Solit. pitié, 1932, p. 218) :
• 3. Les forces magnétiques qui équilibrent notre univers nous sont retournées par le merveilleux et mystérieux pouvoir magnétique multipolaire de Gula'h. Ses influences bénéfiques nous transmettent, sans cesse, les forces nécessaires à un équilibre favorable à notre vie. Gula'h le seul grand talisman qui ajoute à son pouvoir surnaturel un mystérieux magnétisme dont les radiations nous assurent des effets bienfaisants...
Almanach Vermot, 1976, p. 351.
♦ PSYCHOPATHOL. Délire, idées d'influence. Trouble mental affectant un malade convaincu d'être sous l'empire d'une force étrangère qui le régirait à distance, par des moyens occultes. Hallucinations, surtout auditives, souvent psychiques (idées d'influence, écho de la pensée, prise de la pensée, etc.) (CODET, Psych., 1926, p. 121).
B. — [L'action s'exerce gén. sur un mode abstr.]
1. Action (généralement graduelle et imperceptible) qui s'exerce sur les dispositions psychiques, sur la volonté de telle personne.
a) [L'agent est une pers. ou l'une de ses qualités] La douce autorité, l'influence pacifiante de cette femme distinguée (DE VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 226). La pâle douceur de cette femme répandait une influence pernicieuse qui paralysait la volonté et absorbait même le chagrin (JOUVE, Paulina, 1925, p. 259). Rien ne flatte plus une femme bien née que la constatation de son influence sur un homme qui l'aime (...) Éva exerçait sur Marcel un ascendant qui frappait les moins avertis (ARNOUX, Roy. ombres, 1954, p. 145) :
• 4. ... Christophe commençait à exercer par sa seule présence, par le seul fait qu'il existait, une influence apaisante. Partout où il passait, il laissait inconsciemment une trace de sa lumière intérieure (...). Il y avait près de lui, dans sa maison, des gens qu'il n'avait jamais vus, et qui, sans s'en douter eux-mêmes, subissaient peu à peu son rayonnement bienfaisant.
ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 801.
SYNT. Influence bienfaisante, fâcheuse, néfaste, positive, réciproque, salutaire; bonne, douce, heureuse, mauvaise influence; redouter l'influence de; céder, échapper, se soustraire à l'influence de; être sous l'influence de.
— PARAPSYCHOL. Je suis un sujet très-rebelle, je crois, à l'influence magnétique directe. Je ne sais si l'on pourrait m'endormir. (...) je ne crois pas plus au fluide qui du creux de la main de l'un se communique au cerveau d'un autre qu'à celui qui du bout des doigts va chercher l'âme d'une table ou d'un chapeau (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 262). Le patient, sous l'influence du fluide, tombe dans une extase exquise! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 19, p. 22) :
• 5. Si, au contraire, on admet comme hypothèse d'étude que la télépathie est due à l'influence d'une force émanant du cerveau de l'agent, on comprendra mieux que l'homme mûr émette une plus grande force que la femme, l'enfant ou le vieillard. La rareté du rôle d'agent chez le vieillard semble écarter de suite l'hypothèse d'une transmission purement spirituelle comme celle admise des spirites.
WARCOLLIER, Télépathie, 1921, p. 23.
b) [L'agent est un concept, une chose] Influence de l'habitude. Ces sensations que j'éprouve sont si nouvelles, si impérieuses, si fortement tenaces, qu'elles ne me laissent pas une minute de répit... et que je reste toujours sous l'influence de leur engourdissante fascination (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 275). Elle était vraiment ma compagne; et son génie, sensible à l'influence des objets, s'accordait à l'esprit de recueillement et de paix qui donne au mas Théotime tant de charme (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 48).
2. Action (généralement progressive et parfois volontairement subie) qui s'exerce sur les opinions morales, intellectuelles, artistiques de telle personne ou sur ses modes d'expression.
a) [L'agent est une pers. ou un groupe] Il y avait alors au sein du Jansénisme des influences rivales, et comme des directions occultes, qui se croisaient. L'influence de M. Boursier contre-balançait celle de Du Guet (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 5, 1859, p. 426). Les romanciers soumis à son influence et partisans de sa méthode ont exagéré le défaut de l'initiateur (BOURGET, Essais psychol., 1883, p. 126). Cet homme exerce une indéniable influence. Il force à penser (...). C'est pourquoi tant de haines le poursuivent (CAMUS, Caligula, 1944, IV, 4, p. 87) :
• 6. ... d'autres, enfin, avaient leur raison pour chercher à me persuader que la perfection du portrait doit être le but et le terme de l'art (...). Pour éviter toute influence étrangère, toutes préventions d'école, je me suis décidé à me promener seul. Mon livret en main, ma lorgnette à l'œil, je veux essayer de me faire une opinion tout-à-fait indépendante, où l'on puisse être sûr de ne trouver que les erreurs de mon propre jugement, et les résultats bons ou mauvais de mes seules impressions.
JOUY, Hermite, t. 3, 1813, p. 319.
SYNT. Influence extraordinaire; énorme, grande, moindre influence; influence de l'Église; influence sur les esprits, les mœurs, l'opinion; nier, reconnaître l'influence de.
b) [L'agent est un concept ou un mode d'expression] Cette croyance d'habitude (...) qui, à la honte de l'esprit humain, exerce une influence bien plus générale que l'autorité de la raison et tout l'éclat de l'évidence! (MAINE DE BIRAN, Influence habit., 1803, p. 171). Instaurer un régime scolaire particulier qui peut avoir, dans l'ordre intellectuel et familial, la plus profonde influence individuelle et les plus heureuses répercussions sociales. (...) adopter un rythme de travail qui romprait avec les habitudes traditionnelles (MATHIOT, Éduc. mén., 1957, p. 37). L'influence de Sèvres fait apparaître le goût des fonds colorés (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p. 97) :
• 7. En supposant même que l'érudit ne dût jamais figurer dans la grande histoire de l'humanité, son travail et ses résultats, assimilés par d'autres et élevés à leur seconde puissance, y trouveront leur place par cette influence secrète et cette intime infiltration qui fait qu'aucune partie de l'humanité n'est fermée pour l'autre.
RENAN, Avenir sc., 1890, p. 459.
SYNT. Influence du christianisme, de l'éducation, de l'esprit, des idées, de la musique, de la religion; montrer l'influence (de qqc.), sentir l'influence (de telle chose dans telle chose).
3. Action (généralement prolongée dans le temps et non brutale) qu'une personne ou un groupe exerce sur les opinions politiques de tel(le) autre, sur l'orientation du gouvernement, de l'administration. N'est-ce pas l'influence des chambres qui décide de la formation du ministère, (...) c'est une influence indirecte, générale, au lieu d'une intervention spéciale (GUIZOT, Hist. civilisation, leçon 6, 1828, p. 8). Le treizième siècle a été remarquable par l'influence croissante des femmes sur le monde social et politique, (...) elles y dirigèrent souverainement les affaires de plusieurs vastes états (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p. LXXXVII). Son influence politique [de la noblesse terrienne en Vendée] est considérable et la région vote à droite (Traité sociol., 1968, p. 53) :
• 8. Les propriétaires de ce journal m'ont proposé non de le diriger, mais d'exercer une sorte d'influence habituelle et de patronage sur l'esprit de sa rédaction. J'y ai consenti parce que j'y ai vu une occasion de représenter dans la Presse les idées particulières que j'apporte dans l'opposition...
TOCQUEVILLE, Corresp. [avec Reeve], 1844, p. 75.
SYNT. Influence déterminante, prépondérante, souveraine, toute-puissante; puissante influence; influence du gouvernement, de la révolution; influence sur les affaires, sur l'État; accroître, augmenter son influence; combattre l'influence de.
— Domaine des relations internat. Action qu'un pays exerce sur la politique, l'économie, la culture, le mode de vie d'un autre pays. Influence(s) étendue, extérieure(s); étendre son influence. Une Rhénanie soumise à l'influence française multipliera ses valeurs. Soumise à l'influence prussienne, elle devient un glacis (...). Une Rhénanie sans Prusse construit des cathédrales; prussienne, des casernes (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1919, p. 148). L'influence anglaise si elle n'a pas été aussi décisive qu'on l'a dit, a été pour nos romantiques un précieux stimulant (RÉAU, Art romant., 1930, p. 41). La France finance les déficits des balances extérieures de ses associés, (...) elle a procuré aux pays d'influence française plus d'argent que la Banque de Bretton Woods n'en a distribué au monde entier (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 253) :
• 9. Ils [des Arabes] vivent près de nous, inconnus, (...) souriants, impénétrables (...). Jamais peut-être un peuple conquis par la force n'a su échapper aussi complètement à la domination réelle, à l'influence morale, et à l'investigation acharnée, mais inutile du vainqueur.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Allouma, 1889, p. 1315.
♦ Sphère, zone d'influence. Avant 1934, Koufra était dans la zone d'influence britannique, aujourd'hui c'est seulement un morceau des territoires italiens (DE GAULLE, Mém., 1954, p. 356).
4. P. méton.
a) Pouvoir reconnu ou conféré par tel groupe social (à telle personne ou collectivité) de régir l'opinion, de jouer un rôle important dans l'organisation des affaires publiques. Le jour où l'on cessera de réunir ce que Dieu a séparé, la religion et la politique, le clergé aura moins de crédit et de puissance (...). Tout l'art des privilégiés des deux classes est d'établir que l'on est (...) un incrédule si l'on redoute l'influence des prêtres dans les affaires de ce monde (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 438). Sa fortune (...), le prestige que prend en province tout homme qui a gagné de l'argent à Paris (...), lui donnaient une très grande influence dans le pays; certaines gens l'écoutaient parler comme un oracle (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 78). L'influence politique commence à passer du côté de l'armée (...). Qui aura l'armée pour lui aura le pouvoir (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 88) :
• 10. Je me suis fait tout à tous, effaçant ma personnalité et mon rôle derrière mon incognito sans prétention. Je n'ai réclamé aucune influence, aucune autorité, aucune considération et je ne me suis fait fort d'aucune compétence particulière. Il me paraissait ridicule de me faire valoir et de forcer les autres à m'accorder une place dans leur attention ou leur estime.
AMIEL, Journal, 1866, p. 334.
SYNT. Moyen, part d'influence; conquérir une influence; employer, perdre son influence; avoir de l'influence, beaucoup, peu d'influence; user de son influence personnelle; être sans influence.
— Pop., fam. La/le faire à l'influence. User abusivement du pouvoir acquis en tel domaine. C'est toujours les plus foireux qui le font à l'influence, chez les bistrots (ESN., Poilu 1919, p. 298). Il [Bonaparte] le fit à l'influence, s'efforçant d'établir des liens de caste (LA VARENDE, Cadoudal, 1952, p. 182).
♦ P. ell. [Ce gendarme escortait, sans mandat légal, le patron chez ses employés endettés] c'était la scène classique « à l'influence ». Menace de sévices légales [sic], possibilité d'arrestation, etc. (SIMONIN, BAZIN, Voilà taxi! 1935, p. 163).
b) Gén. au plur. Personne qui exerce ce pouvoir ou chose par laquelle s'exerce ce pouvoir. Par ses influences et relations, il fit donner au jeune homme pauvre un poste très élevé dans les omnibus (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 27). L'élection du souverain en Pologne conviait (...) les monarchies voisines à pénétrer la Diète pour y asseoir les influences et les autorités qui étaient à leur solde (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 229). Des influences parisiennes jouèrent en faveur du nouveau venu. Une intrigue dirigée contre Bélignat aboutit à faire choisir pour candidat l'adversaire. Je ne fus pas exactement au fait des manœuvres (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 233). V. ami ex. 79 :
• 11. On mit en jeu toutes les influences usitées en pareil cas, les grands et petits moyens, la stratégie ouverte et la stratégie souterraine. De nouveau, le succès couronna nos efforts : la graine d'épinards me fut dévolue (...). On fit encore un petit effort, quelques démarches, et ma poitrine fut émaillée de l'étoile des braves.
REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 220.
♦ Lutte d'influence(s), trafic d'influence(s). Combien de riches commerçants (...) se livrent aujourd'hui à des trafics d'influence ou échafaudent de lourdes combinaisons, toujours avec la bonne conscience que procure la certitude de se vautrer dans l'anarchie (AYMÉ, Confort, 1949, p. 146).
Rem. Influence a pu désigner parfois au XIXe s. une maladie épidémique, l'influenza. M. de Chateaubriand lui-même n'a pas échappé à l'influence grippeuse (Mme de CHATEAUBR., Mém. et lettres, 1847, p. 271). Je me porte mieux, je suis plus allègre tous ces jours derniers, un peu borborygmé et travaillé par l'influence (DELACROIX, Journal, 1854, p. 232).
Prononc. et Orth. : []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1240 « sorte d'écoulement, de flux censé provenir des astres et agir sur les hommes et les choses » la devine inflüence (Epître S. Jerôme, 1552 ds T.-L.); 2. fin XIIIe s. (ms.) « action lente et continue exercée par une personne, une chose sur une autre personne ou chose » influence de devocion (RAYMOND LULLE, Evast et Blaquerne, éd. A. Llinares, p. 146); en partic. a) 1780 « autorité, prestige » (LINGUET, [Annales pol. civiles et litt.] IX, 38 ds GOHIN, p. 296); b) 1793 « autorité politique ou intellectuelle acquise par un pays, une civilisation... à une époque donnée » l'influence française (STAËL, Lettr. L. de Narbonne, p. 541); 3. 1814 phys. « effet produit à distance » influence électrique (BERN. DE ST-P., Harm. nat., p. 362). Empr. au lat. médiév. influentia « action attribuée aux astres sur la destinée des hommes », 1241 ds LATHAM, lui-même dér. de influere, v. influer. Fréq. abs. littér. : 6 396. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : 12 702, b) 7 644; XXe s. : a) 7 449, b) 7 785. Bbg. BARB. Loan-Words 1921, p. 145. - GOHIN 1903, p. 296.
influence [ɛ̃flyɑ̃s] n. f.
ÉTYM. V. 1240; lat. médiéval influentia, du lat. class. influere. → Influer.
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1 Vx. Écoulement, flux provenant des astres et agissant sur les hommes et les choses. ⇒ Fluide (I., 3.), influx. — Mod. Action attribuée aux astres sur la destinée humaine (→ Fait, cit. 31; forcer, cit. 17; fraternel, cit. 3). || Situation des astres par rapport à leur influence. ⇒ Aspect. || Influence qui agit (cit. 28). || Influence du ciel (cit. 13).
1 En vain le ciel verse sur elle (la terre) ses influences (…)
La Bruyère, les Caractères, XVI, 48.
2 Hélas ! rien ne peut détourner l'ascendant fatal, et nul ne saurait éviter l'influence bienfaisante ou maligne de son étoile.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, XII, p. 340.
♦ Influences mystérieuses, occultes… qui régissent les destinées (→ Avance, cit. 20; extraordinaire, cit. 8). || Influence bénéfique, favorable, maléfique, néfaste (→ Le mauvais œil). || Avoir une bonne, une mauvaise influence sur l'avenir (→ Porter bonheur, malheur). — Influences exercées par magie, par magnétisme. || Influence surnaturelle qui s'exerce sur l'âme. ⇒ Inspiration, souffle. || Il y a là des influences occultes, incompréhensibles (→ Le diable s'en mêle).
3 (…) elle était sensible à la nature et pénétrable aux influences de l'espace et de l'heure.
France, le Mannequin d'osier, Œ., t. XI, IX, p. 334.
2 (XIVe; personnes). Action, le plus souvent graduelle et continue, qu'exerce une personne ou une chose sur une autre; circonstance, chose qui exerce une telle action. ⇒ Action, effet, empreinte, force, impression, impulsion, pression. || Influence d'un phénomène, d'une circonstance. ⇒ Effet, incidence. || Influence de l'homme sur la nature. || L'influence de qqn sur qqch., sur qqn. — Influence prédominante, exclusive, tyrannique (⇒ Règne, tyrannie, fig.). || Influence bienfaisante, utile (⇒ Bienfaisance, bienfait), néfaste, mauvaise, dangereuse (⇒ Mal, malfaisance). || Influence qui agit, produit divers effets, qui amène (cit. 20), entraîne des changements, des modifications. — Exercer une influence sur qqn, qqch. ⇒ Agir (sur), influer (sur)… — Subir une influence. ⇒ Agir (être agi, philos.). || Être sensible aux influences. ⇒ Impressionnable, influençable, sensible. → Tourner à tous les vents. || Être imperméable, réfractaire à toutes les influences. || Résister, échapper aux influences.
4 Les éléments, la nourriture, la veille, le sommeil, les passions, ont sur vous de continuelles influences.
Voltaire, Dict. philosophique, Influence.
5 Il n'est pas possible à l'homme de se soustraire aux influences; l'homme le plus préservé, le plus muré en sent encore. Les influences risquent même d'être d'autant plus fortes qu'elles sont moins nombreuses (…)
Gide, De l'influence en littérature, Conférence du 29 mars 1900 (→ Inconsciemment, cit.).
♦ Influence qu'une personne exerce (cit. 20) sur une autre. ⇒ Ascendant, autorité, domination, empire, emprise, fascination, pouvoir, puissance; animer (II.), commander, dominer, gouverner, influencer. || L'influence qu'on a sur son propre caractère (cit. 43), sur soi-même, sur les autres. || Envelopper (cit. 23) qqn de son influence; établir (cit. 17), augmenter son influence sur qqn. || Influence qui s'exerce par contagion mentale (⇒ Imitation, osmose). || Tout le monde subit son influence (⇒ Magnétisme, séduction). — Il a sur ses amis une bonne influence, une influence malsaine. || Il a une telle influence sur son frère qu'il lui fait faire tout ce qu'il veut. || Je compte sur votre influence pour le persuader. ⇒ Persuasion. || Il a beaucoup d'influence sur le ministre. → Il l'a dans sa manche. — Être soumis à l'influence de qqn (⇒ Docile, obéissant; → Apparaître, cit. 12; atmosphère, cit. 17). || Il a beaucoup changé sous l'influence de son ami. ⇒ Contact (au). || Être sous la bonne, la mauvaise influence d'un maître. ⇒ Conduite (I., B.), direction, discipline (2., vx). || Il s'est laissé entraîner sous l'influence de cet homme; il est complètement sous son influence. → Être entre les mains de…; ne plus voir que par les yeux de… || Soustraire un enfant à l'influence de qqn (→ Féliciter, cit. 12).
6 (…) en se croyant indépendant, il a été sans cesse à la merci des influences.
Sainte-Beuve, Correspondance, t. II, p. 284.
7 J'estime qu'une influence n'est pas bonne ou mauvaise d'une manière absolue, mais simplement par rapport à qui la subit.
Gide, De l'influence en littérature, Conférence du 29 mars 1900.
♦ (1780). Absolt. Pouvoir social d'une personne qui amène les autres à se ranger à son avis. ⇒ Autorité, créance, crédit, importance, poids, prestige. || Avoir de l'influence en matière de… ⇒ Arbitre (être l'arbitre), ton (donner le). || Accroître, établir, asseoir son influence (⇒ Autoriser). || Gagner de l'influence. || Cet homme a beaucoup d'influence. ⇒ Influent (→ Avoir le bras long, avoir la haute main…). || User de son influence en faveur de qqn. ⇒ Intercéder; appui. || Se prévaloir de l'influence d'un personnage haut placé. ⇒ Auspices (être, se mettre sous les auspices…). || La passion de l'influence (→ Démoraliser, cit. 2). || Levier d'influence (→ Électoral, cit. 1). || Trafic d'influence. || Lutte d'influences. — Perdre de son influence (⇒ Discrédit). || Son influence baisse. → (fam.) Ses actions sont en baisse. || Démolir, détruire l'influence de qqn (⇒ Détrôner, fig.).
8 Le fameux brasseur Santerre, qui, par sa voix, sa taille, sa corpulence, avait si grande influence dans le faubourg Saint-Antoine (…)
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, VIII.
9 Du Roy devenait célèbre dans les groupes politiques. Il sentait grandir son influence à la pression des poignées de main et à l'allure des coups de chapeau.
Maupassant, Bel-Ami, II, II.
10 Quant aux chrétiens et aux juifs, la mosquée aussi leur est interdite; ils n'y pénétreraient ni par les influences ni par la ruse, ni par l'or.
Loti, Jérusalem, p. 27.
♦ Action morale, intellectuelle. — (D'une personne). || L'influence d'un grand homme, d'un chef, d'un héros, d'un artiste sur son époque, sur la société. ⇒ Rôle; → Fonction, cit. 4. || L'influence d'un savant sur l'enseignement (cit. 5) des sciences. || Influence sur l'opinion (→ État, cit. 111). || Marquer une époque de son influence. ⇒ Griffe; empreinte. — Influence d'un écrivain, d'un penseur (→ Diffusion, cit. 2). — Influence d'une chose. || Influence des idées, des théories… || L'influence de l'esprit (cit. 124) critique. || Influence du christianisme, du socialisme, d'une doctrine philosophique (→ Fouriérisme, cit. 2; gnosticisme, cit.; hégélien, cit. 3; humain, cit. 25). || Influence des lettres françaises à l'étranger (→ Enquête, cit. 8). — Étude des influences en littérature, en art. || Influence d'un style. || Discerner plusieurs influences conjuguées.
11 Je n'aime guère le mot influence, qui ne désigne qu'une ignorance ou une hypothèse, et qui joue un rôle si grand et si commode dans la critique.
Valéry, Variété III, p. 241.
12 Il n'est pas de mot qui vienne plus aisément ni plus souvent sous la plume de la critique que le mot d'influence, et il n'est point de notion plus vague parmi les vagues notions qui composent l'armement illusoire de l'esthétique. Rien toutefois dans l'examen de nos productions qui intéresse plus philosophiquement l'intellect et le doive plus exciter à l'analyse que cette modification progressive d'un esprit par l'œuvre d'un autre.
Valéry, Variété II, p. 196.
13 Lorsque Rouault signale quelques influences dans une toile de jeunesse, Degas lui répond : « — Vous avez déjà vu quelqu'un naître tout seul ? ».
Malraux, les Voix du silence, III, p. 310.
♦ ☑ Fam. Le (la) faire (à qqn) à l'influence, l'influencer par intimidation. || Il essaye de nous la faire à l'influence.
♦ L'influence d'une classe, d'un groupe social. || L'influence cléricale (cit. 1). || L'influence des jésuites (→ Décisif, cit. 3; enlever, cit. 14). || L'influence grandissante du tiers état au XVIIIe siècle, de la bourgeoisie au XIXe. — Ce parti n'a plus aucune influence politique.
14 (…) la classe qui est assez forte pour défendre une société l'est assez pour y conquérir des droits et y exercer une légitime influence.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, IV, VII.
15 Tandis que le parti légitimiste, abattu après la malheureuse tentative de la duchesse de Berry en Vendée, a perdu toute influence politique (…)
Matoré, Introd. à la Préface de Mlle de Maupin, de Th. Gautier, p. XII.
♦ Autorité politique (d'un État, d'une civilisation, d'une puissance sur d'autres puissances, dans une région). ⇒ Autorité (cit. 19). || Influence britannique (cit. 1), méditerranéenne, américaine, soviétique… dans telle ou telle partie du monde (→ Centre, cit. 14; explorateur, cit. 1). — Absolt. || Sphère, zone d'influence. (1890, in D. D. L.). || Concurrence (cit. 4) des influences. || Lutte d'influences. || Influence et expansion (→ Aîné, cit. 1).
15.1 Le 27 novembre 1912, quelques mois après l'établissement de notre Protectorat, avaient été conclus entre la France et l'Espagne les accords relatifs à la zone d'influence espagnole. Ce terme « zone d'influence » définit le caractère de l'établissement de l'Espagne dans cette zone. Il n'existe qu'un Protectorat, celui exercé par la France sur le Maroc.
L. H. Lyautey, Paroles d'action, p. 152.
♦ (Choses). || L'influence des circonstances. || Influences extérieures (→ Éducabilité, cit.). || Influence de la profession, de la condition (cit. 16). || Influence de l'éducation, de la formation (cit. 5). || Influence du passé, des aïeux, de la race, du sang (→ Actualiser, cit. 3; atavisme, cit. 0.1; hérédité, cit. 9). || Influences climatiques (→ Français, cit. 3). || Influences telluriques. || Influences du milieu, de la société (→ Ethnographie, cit. 2; homme, cit. 87). || Influence du milieu où l'on vit (⇒ Air, ambiance, atmosphère). — Influence de l'alcool (→ Hérédité, cit. 10). || Influence soporifique, anesthésiante d'un médicament. ⇒ Vertu. — Influences psychologiques. || Influence de l'habitude (→ Anesthésiant, cit. 1), de la routine. || Influence des passions (⇒ Entraînement), de l'inconscient.
16 Les grands hommes qui écrivent leurs mémoires ne parlent pas assez de l'influence d'un bon souper sur la situation de leur esprit.
E. Delacroix, Journal, 8 août 1850.
17 Rien de plus différent que ces deux provinces de France, qui conjuguent en moi leurs contradictoires influences.
Gide, Si le grain ne meurt, I, I, p. 21.
18 Certes, le milieu, et bien d'autres influences, marquent sur l'enfant, à la fois si malléable et si rétif.
J. Chardonne, l'Amour du prochain, p. 59.
♦ ☑ Sous l'influence de : sous l'effet, sous l'empire, sous le coup de. || Sous l'influence de l'émotion, de la colère. || Crime commis sous l'influence de l'hypnotisme (cit. 3). → Hypnotiser, cit. 1.
♦ Influence matérielle, physique. || Influence d'une force, de l'attraction (cit. 5). — Influence d'un corps dans une réaction chimique (⇒ Catalyse; catalyser).
19 J'essaie, en ce moment, de faire cristalliser le racémate de soude et d'ammoniaque sous l'influence d'une spirale solénoïde en activité.
♦ (1838). Électrostatique. Action à distance de conducteurs qui modifient l'état d'électrisation d'autres conducteurs placés dans leur voisinage. ⇒ Champ.
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DÉR. et COMP. Influencer. Interinfluence.
Encyclopédie Universelle. 2012.