GOUTTE
La goutte, appelée podagre par les Grecs, est une maladie caractérisée par des accès d’inflammation articulaire, qui atteignent surtout les pieds, et par des dépôts cristallins d’urate de sodium dans les tissus. Connue depuis l’Antiquité, longtemps confondue avec les rhumatismes, elle en a été différenciée en 1868 par le médecin anglais A. B. Garrod qui montra qu’elle provient d’un excès d’acide urique dans le sang. Cette hyperuricémie est beaucoup plus fréquente chez l’homme que chez la femme. Elle provient en partie d’un trouble constitutionnel, génétiquement déterminé, du métabolisme des purines, et souvent aussi de la suralimentation.
La colchicine, connue depuis des siècles, est un médicament très efficace de la crise de goutte, mais elle ne modifie pas le taux de l’uricémie. Depuis 1950, on dispose de médicaments capables de ramener à la normale l’uricémie des goutteux. Grâce à l’utilisation judicieuse et continue de ces hypo-uricémiants, il est à présent possible d’interrompre le cours de la maladie et d’obtenir un état de guérison apparente.
1. Uricémie et goutte
Taux d’uricémie
L’acide urique du sang provient du métabolisme des purines. L’uricémie moyenne varie quelque peu selon les populations. Dans les pays occidentaux, elle est d’environ 55 mg/l chez les adultes du sexe masculin. La valeur de 70 mg/l peut être considérée comme la limite supérieure de l’uricémie normale. Au-delà de ce taux, il y a un risque de goutte, faible pour les hyperuricémies situées entre 70 et 80 mg/l et qui augmente ensuite rapidement. La goutte s’installe généralement après des années d’hyperuricémie.
L’uricémie de la femme est inférieure d’environ 10 mg/l à celle de l’homme, et elle n’atteint qu’exceptionnellement une valeur supérieure à 70 mg/l; c’est pourquoi la goutte est rare chez la femme.
Causes et mécanismes de l’hyperuricémie
Dans quelques cas, l’hyperuricémie est la conséquence d’autres maladies, comme l’insuffisance rénale ou diverses maladies du sang; elle résulte parfois de l’entrave que certains médicaments, notamment les diurétiques, apportent à l’élimination urinaire de l’acide urique. La goutte qui peut en être la conséquence est dite secondaire .
Assez souvent, la suralimentation concourt à l’hyperuricémie: elle produit une élévation de l’uricémie de l’ordre de 10 mg/l. Or, chez les adultes de sexe masculin qui ont une uricémie comprise entre 60 et 70 mg/l, une telle majoration peut exposer à la goutte. On s’explique ainsi la relative fréquence de la goutte chez les obèses, dans les populations économiquement favorisées et dans les classes les plus aisées. On comprend aussi que la suralimentation n’engendre pas cette maladie chez la plupart des sujets, leur uricémie en régime normal étant trop basse (inférieure à 60 mg/l) pour que la majoration de l’uricémie que provoque la suralimentation crée une hyperuricémie.
La très grande majorité des gouttes, cependant, sont primitives : elles proviennent d’une hyperuricémie apparemment sans cause, dite hyperuricémie idiopathique. Elle correspond à un trouble constitutionnel génétiquement déterminé, comme l’indique le caractère souvent héréditaire et familial de la goutte; environ un tiers des goutteux se connaissent au moins un parent goutteux: surtout leur père ou un de leurs frères. Au surplus, si l’on dose l’uricémie des membres des familles de goutteux, on s’aperçoit qu’un bon nombre d’entre eux ont une hyperuricémie sans avoir souffert de la goutte.
Le trouble en cause est soit une hyperproduction d’acide urique, soit à la fois une hyperproduction d’acide urique et un défaut d’élimination rénale de cette substance, soit encore, dans quelques cas, une diminution apparemment isolée de l’élimination urinaire de l’acide urique.
Très rares, mais d’un grand intérêt biologique parce que leur déterminisme génétique est patent, sont les gouttes par déficit d’enzymes intervenant dans le métabolisme des purines. Le déficit complet d’hypoxanthine-guanine phosphoribosyltransférase se manifeste chez l’enfant par une encéphalopathie avec retard psychomoteur et automutilations, ainsi que par une hyperuricémie très élevée qui peut conduire à la goutte au bout de quelques années et s’accompagne d’une augmentation de l’acide urique urinaire, génératrice de lithiase rénale urique. Chez quelques patients atteints du même déficit enzymatique, les signes nerveux sont discrets ou manquent et le déficit enzymatique se traduit essentiellement par une goutte sévère débutant en général avant 25 ans. Encore plus rare que la goutte par déficit en hypoxanthine-guanine phosphoribosyltransférase est la goutte par excès d’activité de la phosphoribosyl-pyrophosphate synthétase, autre enzyme intervenant dans la synthèse des purines.
2. Symptomatologie et évolution
La goutte se traduit, d’une part, par des arthrites aiguës fluxionnaires, appelées crises de goutte ou accès goutteux, qui se reproduisent à intervalles plus ou moins longs; d’autre part, par des dépôts d’acide urique (plus exactement d’urate de sodium) dans les articulations, mais aussi sous la peau et dans les reins.
Le premier accès survient généralement entre trente et cinquante ans; plus tôt, les gouttes sont souvent sévères, plus tard elles sont, au contraire, la plupart du temps bénignes.
L’accès goutteux commence brusquement, et généralement la nuit: en quelques heures, l’articulation atteinte devient extrêmement douloureuse, très gonflée, chaude, rouge; cet état dure le plus souvent de trois à sept jours, puis s’apaise et l’articulation redevient normale.
Mais d’autres accès vont survenir, avec une fréquence croissante: espacés au début (par exemple, un ou deux chaque année) puis de plus en plus rapprochés. Leur intensité et leur durée sont variables. Il y a de petites crises qui n’obligent pas le malade à interrompre son activité, des crises violentes qui le contraignent à garder la chambre et même le lit, et peuvent se prolonger durant des semaines en l’absence de traitement.
Les crises de goutte se produisent souvent sans cause apparente; parfois elles sont déclenchées par un excès alimentaire ou alcoolique, l’absorption de certains aliments ou de certaines boissons (même en quantité modérée, et qui diffèrent selon les malades), une marche prolongée, un traumatisme, une émotion, une infection, une intervention chirurgicale.
En règle générale, la goutte ne frappe qu’une seule jointure à la fois. Cependant, surtout dans les gouttes anciennes, plusieurs articulations peuvent s’enflammer en même temps ou à peu près en même temps.
L’articulation de la racine du gros orteil (la métatarso-phalangienne du gros orteil) est le siège d’élection de l’accès goutteux. Fréquemment aussi, l’inflammation atteint les autres articulations du pied, la cheville, le tendon d’Achille; le genou, qui s’enflamme souvent en cours d’évolution, est quelquefois la première articulation atteinte.
À une phase avancée, la maladie peut gagner les articulations des doigts, le poignet, le coude où elle intéresse la bourse séreuse rétro-olécranienne, à la face postérieure de l’articulation. Les autres jointures restent presque toujours épargnées.
Le mécanisme de l’accès goutteux est resté longtemps mystérieux. On sait aujourd’hui qu’il provient d’une réaction inflammatoire de l’articulation à la présence de cristaux d’urate de sodium dans la cavité articulaire. Ces cristaux sont constamment présents dans le liquide articulaire prélevé au cours de l’accès goutteux et leur injection intra-articulaire reproduit la crise de goutte chez l’animal et chez l’homme. Il est possible que ces cristaux se constituent à la faveur d’une augmentation momentanée de l’uricémie; il est presque certain qu’ils proviennent souvent de la désagrégation des dépôts uratiques articulaires que l’hyperuricémie finit par entraîner.
Du fait de l’hyperuricémie, l’urate de sodium se dépose en effet en divers points de l’organisme. Pendant des années, ces dépôts ne sont pas cliniquement décelables. Mais au bout de cinq ans, dix ans ou davantage après la première crise, ils deviennent souvent assez volumineux pour qu’on puisse les voir sous la peau, ou pour que les dégâts articulaires qu’ils créent soient radiologiquement démontrables.
Aux dépôts localisés sous la peau, on donne le nom de tophus . Ils forment aux oreilles des petits nodules dont la teinte blanchâtre transparaît à travers l’épiderme aminci; d’autres siègent à la face postérieure des coudes, aux pieds, ou aux mains, et ils peuvent acquérir des dimensions considérables. Parfois, la peau qui les recouvre se rompt, et une bouillie blanchâtre d’urate de sodium s’évacue, souvent pendant des mois, à travers cette ulcération.
Dans les articulations, surtout celles des pieds, des genoux, des mains, les dépôts finissent par entraîner une détérioration des cartilages et des destructions osseuses qui peuvent causer un enraidissement articulaire permanent. Ces arthropathies uratiques s’installent en général en même temps que les tophus. Le goutteux qui en est atteint souffre entre les crises d’une raideur douloureuse des pieds, des genoux, des mains, qui peut provoquer une impotence sérieuse.
Pour diverses raisons, en particulier parce que leur acide urique urinaire est parfois élevé et leur urine souvent plus acide que la normale, environ 20 p. 100 des goutteux ont une lithiase rénale urique, se signalant surtout par des coliques néphrétiques. L’insuffisance rénale est relativement fréquente dans les gouttes anciennes non traitées. Elle provient probablement en partie de dépôts uratiques intrarénaux, parfois aussi de la lithiase urique et souvent d’une hypertension artérielle, relativement fréquente chez les goutteux.
3. Traitement
Le traitement de la goutte a pour but de guérir les accès aussi vite que possible, et de réduire les dépôts uratiques.
Le traitement de l’accès goutteux
Il faut agir le plus rapidement possible, avec une dose suffisamment forte de la médication choisie et modifier cette dose dans les jours suivants en fonction des résultats obtenus.
La colchicine , le plus ancien médicament connu des accès goutteux, en a habituellement raison en quelques jours. Cependant, son action est parfois insuffisante; et surtout la diarrhée qu’elle provoque régulièrement aux doses nécessaires (3 à 4 mg par voie buccale le premier jour) est quelquefois si importante qu’on doit l’abandonner avant que l’accès goutteux ne soit maîtrisé.
La phénylbutazone est d’activité supérieure. Mais c’est un médicament non exempt de danger. C’est pourquoi beaucoup d’auteurs conseillent de la réserver aux accès goutteux résistant à la colchicine, et en l’absence de certaines contre-indications dont l’ulcère de l’estomac est la principale.
L’indométacine a souvent aussi un bon effet et il en est de même d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens: propioniques, diclofénac, etc.
L’emploi judicieux de ces divers médicaments permet presque toujours de guérir un accès goutteux en quelques jours. Les dérivés de la cortisone sont à éviter.
Le traitement de fond
Le traitement de fond a pour but de diminuer la fréquence des accès goutteux et de lutter contre les dépôts d’urate, par le régime, la colchicothérapie continue et surtout les hypo-uricémiants.
Le régime antigoutteux , qui est dépourvu de boissons alcoolisées, d’aliments riches en précurseurs de l’acide urique (abats, bouillon de viande...), pauvre en matières grasses, et hypocalorique en cas d’obésité, peut diminuer la fréquence des accès et le taux de l’uricémie. Chez quelques sujets dont l’hyperuricémie est peu marquée, il suffit à faire disparaître la goutte. Chez la plupart des patients, il n’y parvient pas, car la majorité des goutteux a une uricémie supérieure à 80 mg/l, alors que le régime n’entraîne habituellement qu’une chute uricémique de l’ordre de 10 mg/l, ce qui est insuffisant pour ramener l’uricémie à la normale.
Une petite dose de colchicine (1 mg habituellement), prise tous les jours, ne donne généralement pas de diarrhée et diminue la fréquence et l’intensité des crises. Cette colchicothérapie continue, préventive des accès, peut être poursuivie sans inconvénient pendant des années. Malheureusement, la colchicine ne modifie pas le taux de l’uricémie et ne résout donc pas le problème posé par les dépôts d’urate. C’est pourquoi la colchicothérapie continue est utilisée seulement en association avec des hypo-uricémiants.
On dispose aujourd’hui de médications hypo-urucémiantes capables de ramener l’uricémie de la plupart des goutteux à moins de 60 mg/l. Quand ce résultat est atteint et maintenu, le cours de la goutte est transformé. Il ne se produit plus de dépôts d’urate, et ceux qui existaient se résolvent peu à peu. En conséquence, les tophus cessent de se développer; au bout de quelques mois, ils diminuent de volume et peuvent à la longue disparaître complètement. Les raideurs douloureuses intercritiques, en relation avec l’infiltration uratique des jointures, s’atténuent; finalement, les articulations atteintes retrouvent souplesse et indolence, à condition qu’elles n’aient pas été trop détériorées par les dépôts d’urate. Au bout d’un temps variable selon les cas (quelques mois, un an ou davantage) les crises s’espacent, puis cessent de se produire.
Tous les hypo-uricémiants ont malheureusement un inconvénient commun: au début du traitement ils déclenchent assez souvent des accès goutteux. Avant de diminuer de fréquence, puis de disparaître, les crises peuvent être, au contraire, pendant des mois, plus fréquentes, bien que l’uricémie soit redevenue normale. Cela s’observe surtout dans les gouttes avec tophus. Il est très probable que ces crises s’expliquent par la désagrégation des dépôts d’urate sous l’effet de la chute uricémique; en effet, celle-ci est de nature à libérer des cristaux d’urate de sodium générateurs d’inflammation locale. Dans le dessein de réduire autant que possible la fréquence des accès goutteux au début du traitement hypo-uricémiant, il faut y associer systématiquement l’administration d’une petite dose quotidienne de colchicine (1 mg habituellement), autant de temps qu’il est nécessaire, souvent pendant au moins six mois.
Les médications hypo-uricémiantes se divisent en uricosuriques et en inhibiteurs de la synthèse de l’acide urique.
Les uricosuriques abaissent l’uricémie en augmentant l’élimination urinaire de l’acide urique. Cette hyperuricurie comporte un risque de précipitations d’acide urique à l’intérieur des voies urinaires, et par conséquent de coliques néphrétiques; ce risque est assez élevé en cas de goutte avec lithiase rénale. Cette affection contre-indique donc l’emploi des uricosuriques. Au contraire, en l’absence de lithiase rénale, le risque de coliques néphrétiques est faible, moyennant certaines précautions. Les uricosuriques les plus anciennement utilisés sont le probénécide et la sulfinpyrazone. La benziodarone, de découverte plus récente, a une activité hypo-uricémiante nettement plus forte. Elle a causé, très rarement d’ailleurs, des troubles thyroïdiens dus à l’iode qu’elle contient, et c’est pourquoi elle est aujourd’hui habituellement remplacée par la benzbromarone (où le brome remplace l’iode) qui est d’activité égale.
Les inhibiteurs de l’uricosynthèse abaissent l’uricémie en diminuant la formation de l’acide urique. L’acide orotique est d’activité modeste. En revanche, l’allopurinol est une médication hypo-uricémiante très puissante qui n’est pas contre-indiquée en cas de lithiase rénale, et qui conserve son efficacité en cas d’insuffisance rénale; il est habituellement bien toléré: c’est l’hypo-uricémiant de beaucoup le plus utilisé. On prescrit aussi un de ses dérivés: le thiopurinol.
En somme, grâce aux hypo-uricémiants, la goutte finit par guérir, mais cette guérison ne se maintient qu’à condition de poursuivre indéfiniment le traitement. S’il est interrompu, l’uricémie remonte rapidement à son taux antérieur, et le cours de la goutte reprend. C’est pourquoi il est indispensable que le goutteux continue de prendre des hypo-uricémiants sa vie durant, exactement comme certains diabétiques sont obligés de recourir toute leur vie à l’insuline ou à d’autres médicaments antidiabétiques. Comme un traitement hypo-uricémiant bien conduit guérit la goutte, on peut escompter que l’infirmité que constituaient quelques gouttes sévères cesse d’être observée dans un proche avenir.
1. goutte [ gut ] n. f. I ♦
1 ♦ Très petite quantité de liquide qui prend une forme arrondie, sous l'action des forces capillaires. ⇒ globule. Goutte d'eau, de vin. Arroser, verser par gouttes (⇒ asperger) , réduire en gouttes (⇒ atomiser, pulvériser, vaporiser) . Petites gouttes (⇒ gouttelette) ; grosses, larges gouttes. Le brouillard se condense en gouttes d'eau. Il n'est pas tombé une goutte de pluie depuis des mois. Nous n'avons pas eu une goutte de pluie. Pleuvoir à grosses gouttes. Loc. Passer entre les gouttes : échapper à la pluie, aux averses.
♢ Goutte de sang. Par exagér. Ne pas avoir une goutte de sang dans les veines : être sans énergie, sans caractère (⇒ lâche, 1. mou, veule) . Jusqu'à la dernière goutte de sang : jusqu'au bout, jusqu'aux dernières limites.
♢ Goutte de sueur. Suer à grosses gouttes : transpirer abondamment.
♢ Fam. Avoir la goutte au nez : avoir le nez qui coule.
2 ♦ Loc. (1664) Se ressembler comme deux gouttes d'eau, se dit de deux personnes, de deux choses, qui se ressemblent trait pour trait. — La dernière goutte. Boire, épuiser jusqu'à la dernière goutte. Pressurer jusqu'à la dernière goutte. ⇒ 1. fin. — Il n'y en a plus une goutte, pas une goutte, plus du tout. Fig. « Je n'avais pas pour lui une goutte de tendresse » (Stendhal).
♢ Loc. prov. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. C'est une goutte d'eau dans la mer (ou dans l'océan ) :c'est une chose insignifiante, sans conséquence.
♢ Loc. adv. GOUTTE À GOUTTE : une goutte après l'autre. ⇒ stillation. Verser un liquide goutte à goutte. ⇒ instiller; goutte-à-goutte. Couler goutte à goutte. ⇒ dégouliner, dégoutter, s' égoutter, goutter. Fig. « De petits bonheurs savourés goutte à goutte » (A. Daudet).
3 ♦ Par métaph. Une goutte de lumière. « Des gouttes de soleil » (Maupassant). « Cette goutte de clair de lune » (France ).
4 ♦ Par ext. Très petite quantité de liquide, et spécialt de boisson. Voulez-vous du café ? Juste une goutte. ⇒ peu. — Goutte de lait : organisation d'assistance sociale créée au XIX e s., qui distribuait du lait à prix réduit aux enfants en bas âge.
♢ Spécialt Petite quantité (de boisson alcoolique). ⇒ doigt, larme. Ne jamais boire une goutte d'alcool. — (1795) Fam. Absolt Boire la goutte : boire un petit verre d'alcool, d'eau-de-vie.
♢ Techn. Mère goutte, ou première goutte : ce qui coule de la cuve ou du pressoir avant le pressurage du raisin ou des pommes. Vin, cidre de mère goutte, de première goutte, ou absolt de goutte.
5 ♦ Pharm. Unité pratique de mesure de certains liquides qui s'emploient à très petite dose. — Cour. Plur. Gouttes : médicament prescrit et administré en gouttes. Instruments pour administrer des gouttes. ⇒ compte-gouttes, goutte-à-goutte, pipette. Des gouttes pour le nez.
6 ♦ Par anal. Petit objet ou tache comparable à une goutte. Oiseau « tout parsemé de gouttes blanches » (Buffon). — Joaill. Goutte d'eau : pierre précieuse taillée en forme de goutte et montée en pendentif. — Archit. Petits ornements de forme conique (dans l'ordre dorique).
II ♦ (XIIe; de il ne boit goutte; cf. mie) Formant une négation renforcée avec la particule ne (et les v. voir, entendre, comprendre, connaître) Vx ou plaisant N'y voir goutte : ne rien voir du tout. N'y entendre goutte : ne rien comprendre (cf. Pas du tout). « Ici, toutes les femmes parlent politique. — Je n'y entends goutte » (É. Pailleron).
goutte 2. goutte [ gut ] n. f.
• XIIIe; de 1. goutte « gouttes d'humeur viciée »
♦ Diathèse, souvent héréditaire, caractérisée par des poussées inflammatoires douloureuses autour des articulations, avec dépôt d'urates (⇒ tophus). Avoir la goutte. — Spécialt Goutte articulaire ou Absolt, cour. la goutte, qui se présente sous forme d'accès douloureux. Attaques de goutte. Goutte aux pieds (⇒ podagre) .
● goutte nom féminin (latin gutta) Très petite quantité de liquide qui se détache sous forme plus ou moins sphérique : Une goutte de pluie, de sueur. Pluie qui tombe, en particulier du point de vue de sa force (surtout pluriel) : Il pleut à grosses gouttes. Il est tombé quelques gouttes hier. Très petite quantité d'un liquide : Vous boirez bien une goutte de café. Familier. Eau-de-vie, marc. Quantité minime de quelque chose : Il n'a pas une goutte de bon sens. Architecture Chacun des petits ornements de forme tronconique suspendus sous les mutules du larmier et sous les triglyphes de la frise, dans l'entablement dorique. Météorologie Masse d'air isolée de sa région d'origine, et entourée par des masses plus chaudes (goutte froide) ou plus froides (goutte chaude). ● goutte (citations) nom féminin (latin gutta) Bion de Phlossa IIe s. Une goutte d'eau assidue, à force de tomber, creuse dans le roc même une crevasse. Bucoliques, Fragments I (traduction Legrand) ● goutte (difficultés) nom féminin (latin gutta) Orthographe Ne pas confondre goutte à goutte et goutte-à-goutte. 1. Goutte à goutte (sans trait d'union) loc. adv. = une goutte après l'autre. Liquide qui s'écoule goutte à goutte. 2. Goutte-à-goutte (avec deux traits d'union) n.m. = appareil médical permettant de régler le débit d'une perfusion. Registre Ne voir, n'entendre goutte = ne rien voir, ne rien entendre. Littéraire et vieilli. « J'avais à peine au début distingué ce qu'il disait, de même qu'on commence par ne voir goutte dans une chambre dont les rideaux sont clos »(M. Proust). ● goutte (expressions) nom féminin (latin gutta) Avoir la goutte au nez, avoir le nez qui coule. Boire la goutte, en argot de théâtre, être sifflé. Goutte à goutte, une goutte après l'autre ; petit à petit. Jusqu'à la dernière goutte, jusqu'au bout, jusqu'à la limite de ses forces. Littéraire. N'y comprendre goutte, ne rien y comprendre. Suer à grosses gouttes, transpirer au point que des gouttes de sueur ruissellent ; avoir peur. Une goutte d'eau dans la mer, un apport, une quantité insignifiants. Vin ou cidre de goutte, vin ou cidre qui coule de la cuve ou du pressoir avant qu'on ait pressuré le raisin ou les pommes. Goutte d'eau, synonyme de Buldo. Point de goutte, température à laquelle les huiles et graisses industrielles passent de l'état semi-solide à l'état liquide. ● goutte (homonymes) nom féminin (latin gutta) goûte forme conjuguée du verbe goûter goûtent forme conjuguée du verbe goûter goûtes forme conjuguée du verbe goûter ● goutte (synonymes) nom féminin (latin gutta) Très petite quantité d'un liquide
Synonymes :
- doigt
- filet
- larme
Quantité minime de quelque chose
Synonymes :
- atome
- brin
- grain
- gramme
- once
Architecture. Chacun des petits ornements de forme tronconique suspendus sous les...
Synonymes :
- larme
Pêche. Goutte d'eau
Synonymes :
- Buldo
● goutte
nom féminin
(de goutte)
Maladie métabolique à manifestations articulaires, rénales, cutanées (tophus), liée à une surcharge organique en acide urique, et pouvant présenter deux aspects, aigu (inflammatoire) ou chronique (métabolique).
● goutte (expressions)
nom féminin
(de goutte)
Goutte épaisse, examen microscopique d'une goutte de sang, permettant de déceler la présence de parasites dans l'organisme.
Goutte militaire, urétrite chronique, souvent aseptique, consécutive à une blennorragie.
● goutte (homonymes)
nom féminin
(de goutte)
goûte
forme conjuguée du verbe goûter
goûtent
forme conjuguée du verbe goûter
goûtes
forme conjuguée du verbe goûter
goutte
n. f.
d1./d Toute petite quantité de liquide, de forme arrondie. Des gouttes de pluie.
— Loc. Fam. Avoir la goutte au nez, des mucosités qui coulent du nez.
d2./d Loc. adv. Goutte à goutte: goutte après goutte.
d3./d Très petite quantité de liquide. Une goutte de liqueur.
d4./d Loc. prov. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, le petit incident qui, ajouté à d'autres, a déclenché la colère.
— Une goutte (d'eau) dans l'océan, la mer: une quantité infime par rapport au reste.
d5./d (Plur.) Médicaments qui s'administrent par gouttes. Prendre ses gouttes à heure fixe.
d6./d Loc. adv. Ne... goutte: ne... rien, ne... pas. On n'y voit goutte ici.
————————
goutte
n. f. Maladie métabolique caractérisée par l'accumulation d'acide urique dans l'organisme, qui se traduit par des atteintes articulaires, partic. du gros orteil, et parfois par une lithiase rénale. Avoir une attaque de goutte.
I.
⇒GOUTTE1, subst. fém.
A. — Très petite quantité de liquide de forme arrondie. Grosse, large, petite goutte; les gouttes jaillissent, perlent, tombent. La forme simple par excellence, en vertu même de cette loi d'attraction, est la forme sphérique; c'est celle que prend une goutte d'eau, une goutte de mercure livrée à elle-même (FLAMMARION, Astron. pop., 1880, p. 94).
1. [Le subst. suivi d'un adj. ou d'un compl. déterminatif désigne de l'eau] Gouttes claires, transparentes; gouttes denses, rapides, torrentielles; goutte de rosée; pleuvoir à grosses gouttes. Des gouttes de pluie faisaient sur la robe du fleuve des cercles, que le courant entraînait en dansant (ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p. 69). Modulation d'une goutte d'eau qui, de seconde en seconde, tombait du robinet avec un son cristallin (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 115). V. aventure ex. 33 :
• 1. Sur la main de Cénabre, une goutte de pluie tomba, chaude, pesante, parfumée comme une goutte de nard, et qui était l'essence même du jour évanoui.
BERNANOS, Joie, 1929, p. 714.
a) Goutte (d'eau, de pluie). Ne pas avoir une seule goutte de pluie pendant un séjour; il n'a pas plu une seule goutte. Écrivez-moi un petit mot. La vue seule de votre chère écriture sera comme la goutte d'eau dans le désert (FLAUB., Corresp., 1874, p. 167). La terre souffrait d'une terrible sécheresse, pas une goutte d'eau n'était tombée depuis six semaines (ZOLA, Terre, 1887, p. 204).
♦ Fam. et p. plaisant. Passer entre les gouttes. Se faufiler sous une averse. Au fig. Se sortir d'une situation difficile, se sortir de difficultés (cf. LITTRÉ, GUÉRIN 1892). L'heure [minuit] où l'on cherche désespérément à ne pas se faire prendre, à passer entre les gouttes. Minuit, c'est une heure déroutante (J.-F. SIX, Le Courage de l'espérance, Paris, Seuil, 1978, p. 33).
b) Loc. proverbiales
♦ C'est une goutte d'eau dans la mer (cf. eau A 2 a). En partic. [En matière d'argent]. Je sais aussi (...) que pour lui qui est si riche, c'est une goutte d'eau dans la mer... et (...) je ne peux pas te dissimuler qu'(...) il ne m'en reste pas lourd de cet argent (ANOUILH, Sauv., 1938, II, p. 179).
♦ C'est la goutte (d'eau) qui fait déborder le vase. Un petit fait ajouté à d'autres déclenche une réaction violente (cf. déborder I A 2) :
• 2. Chaque journée tombait comme une goutte d'eau. Chaque goutte semblait prête à faire déborder le vase. Mais le vase grandissait en même temps que son contenu. C'était maintenant une jarre immense, une de ces jarres que les nègres du Tchad emploient pour enterrer leurs morts.
H. BAZIN, Tête contre murs, 1949, p. 350.
♦ [En parlant de pers.] ,,Se ressembler comme deux gouttes d'eau`` (Ac. 1798-1932). ,,Se ressembler parfaitement`` (Ac. 1798-1932). Ressembler à qqn comme deux gouttes d'eau. Je ne sais pas comment il peut la [sa fille] renier, elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau (BALZAC, Goriot, 1835, p. 61).
Rem. LITTRÉ et certains grammairiens ont critiqué cette seconde tournure qui est de fait justifiée par une ellipse et illustrée par de nombreux ex. d'aut. (cf. DUPRÉ 1972).
c) P. métaph. [Portant sur la transparence, le son cristallin de la goutte d'eau] et au fig. Goutte de lumière; gouttes nacrées des perles. La goutte de clarté d'une veilleuse (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 431). De la musique, tout m'émeut, des larges notes aux petites gouttes sonores du piano (RENARD, Journal, 1905, p. 1023) :
• 3. ... dans les marsaules du talus, la fauvette babillarde jette deux ou trois notes soudaines, irrésistibles, gouttes de joie limpide qui tintent au cœur de la journée.
GENEVOIX, Rroû, 1931, p. 144.
d) Ne voir/entendre goutte. Ne voir, n'entendre rien. Il fait bien obscur ici, je ne vois goutte, je n'y vois goutte (Ac. 1835, 1878); v. aussi goutte2, A, Proverbes).
♦ N'y voir goutte. Ne rien voir du tout. Vieux, boiteux, n'y voyant goutte, probablement un peu sourd (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 635). Mais qu'il fait sombre! On n'y voit goutte... Lève donc un peut l'abat-jour (GÉRALDY, Toi et moi, 1913, p. 28).
— Au fig. N'entendre goutte aux affaires. Ils ne comprennent goutte à ma conduite (FLAUB., Corresp., 1873, p. 111). Charmes, dont il s'agit, divise ses lecteurs. On sait que les uns n'y voient goutte; qu'il n'est que trop clair pour les autres (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 71) :
• 4. Christophe n'y voyait goutte [au théâtre]; il confondait tout, prenait un personnage pour un autre, tirait son grand-père par la manche, pour lui poser des questions saugrenues, qui prouvaient qu'il n'avait rien compris.
ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p. 73.
Rem. Dans l'anc. langue, goutte était suivi d'un partitif. Je n'ai goutte d'argent. Je n'ai pas du tout d'argent (cf. DUPRÉ 1972). On retrouve trace de cette constr. arch. chez Fabre (Chevrier, 1867, p. 291) : Mon oncle chantait, ne se faisant goutte de mauvais sang en nulle circonstance de sa vie.
2. [Le subst. compl. de nom désigne un liquide organique] Goutte de sperme, d'urine. Elle s'était égratignée à des épines, et sur la fine peau une goutte de sang perlait (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 215). En vain, d'une langue inquiète, je cherchais, au fond de ma bouche, une introuvable goutte de salive (DUHAMEL, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 47) :
• 5. Il marchait avec beaucoup de dignité, sans un geste inutile. Quelques gouttes de sueur perlaient sur son front, mais il ne les essuyait pas.
CAMUS, Étranger, 1942, p. 1134.
— Expressions
♦ Suer à grosses gouttes. Suer abondamment. M. Ouine (...) suait à grosses gouttes, car la chaleur lui a toujours été contraire (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1535).
♦ Avoir la goutte au nez (fam.). Expr. synon. avoir le nez qui coule. Le vieux qui, au dessert, la goutte au nez, vient tendre la main (RENARD, Journal, 1906, p. 1065).
♦ Goutte militaire (vieilli et pop.). Blennorragie chronique se caractérisant par une goutte au méat urinaire (cf. LITTRÉ). Son danger social, car la « goutte militaire » est l'agent ordinaire de la contamination des jeunes mariées (Hudelo ds Nouv. Traité Méd. fasc. 1, 1926, p. 507).
♦ Avoir une goutte de sang royal, de sang bleu, de sang juif. Avoir une origine noble, juive :
• 6. ... il n'est pas une petite fille assise aux bancs du pensionnat qui ne porte en elle une goutte de ce sang éternel et royal qui fit les grandes princesses d'autrefois.
MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 803.
♦ Verser pour qqn sa dernière goutte de sang. Aller jusqu'au sacrifice total. Je répandrai jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour... (Ac. 1835-1932). Tant qu'il me restera une goutte de sang dans les veines je vous défendrai (Ac. 1835-1932. Je me suis pris à l'aimer... ardemment, passionnément (...) prêt à verser pour elle ma dernière goutte de sang (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 3, 1859, p. 72).
♦ P. hyperb. N'avoir plus une goutte de sang dans les veines, sur le visage. Être saisi de frayeur, d'émotion et en devenir très pâle. P. ext. Être sans courage. Je n'avais plus une goutte de sang sur le visage, et mes jambes tremblaient sous moi (BOSCO, Mas Théot., 1945, p. 24).
3. [Le subst. désigne un liquide quelconque] Goutte d'acide, d'alcool, d'huile, de mercure, de miel, de plomb fondu, de suif. Comme dans une pinte d'eau, si vous mettez une goutte d'indigo, l'eau deviendra bleuâtre; une goutte d'encre, elle deviendra grise; si une goutte de sirop, sucrée; si de vinaigre, âcre (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 106) :
• 7. Des hommes (...) soufflaient dans de longues cannes au bout desquelles ils venaient de cueillir une large goutte d'or qui s'enflait tandis qu'ils faisaient tourner la tige de métal entre les deux paumes (...), prenait la forme d'un cylindre, devenait d'un vert transparent, glauque, en refroidissant, gonflé de bulles comme une eau morte.
VIALAR, Pt jour, 1947, p. 182.
— PHYS. Point de goutte. ,,Température à laquelle une substance, passant de l'état solide à l'état liquide (...), laisse tomber une goutte de l'extrémité de l'appareil utilisé`` (GRAND. 1962).
— Fréq. [Désignant une boisson] Goutte de lait; exprimer quelques gouttes d'un citron; ranimer qqn avec quelques gouttes de liqueur. Elle reprenait ma mère sur un grain de sel, une goutte de vinaigre, un atome de saindoux, un soupçon de farine (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p. 181). V. aussi appréciateur ex. 2 :
• 8. Chacun perdait l'esprit, quand la plus âgée des bonnes sœurs, soutenant la tête de la malade, glissa entre ses lèvres la timbale de Boule de suif et lui fit avaler quelques gouttes de vin.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Boule de suif, 1880, p. 127.
♦ P. métaph. V. aguet ex. 20.
♦ La dernière goutte. Boire, extraire jusqu'à la dernière goutte. Boire, extraire jusqu'au bout, totalement. Boire son café, un verre de vin jusqu'à la dernière goutte. Alors l'indienne tira de son sein le flacon (...) le porta à ses lèvres et but jusqu'à la dernière goutte (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 436). Au fig. Il pressure avec méthode le fait « mariage » pour en extraire jusqu'à la dernière goutte ce qu'il contient de poésie vraie et fausse (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1405).
[La dernière goutte (de la coupe, du calice) figurant le point extrême de l'amertume, de la douleur qu'on doit supporter] Il en est, en tout cas, une [douleur], qui a dû être pour lui la dernière goutte du calice à boire; l'on n'en connaît vraiment pas de plus amère (HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 59).
♦ Faire goutte. [Le suj. désigne un sirop] Couler en formant des gouttes. (Ds ROB.).
— En partic. Globule de médicament, qui se détache du bord du flacon légèrement incliné ou du compte-gouttes, et servant de dose. Compter les gouttes. On évalue la goutte à peu près au poids d'un grain (Ac. 1798-1932). Lui donner vingt gouttes de laudanum dans un demi-verre d'eau (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 1087).
♦ Au plur. Médicament actif qui s'administre par gouttes souvent diluées dans de l'eau. Mettre des gouttes dans l'œil, dans l'oreille. Gouttes d'Angleterre, gouttes d'Hoffman (Ac. 1835, 1878). Le médecin arriva et administra un calmant à la mode qu'on appelait des gouttes (SAND, Consuelo, t. 1, 1842-43, p. 173). Mon petit chéri sera bien mignon, bien raisonnable, il va se laisser mettre des gouttes dans le nez bien gentiment (SARTRE, Mots, 1964, p. 14).
Gouttes amères de Baumé (cf. Codex, 1908, p. 733), gouttes d'atropine (cf. DESCHAMPS D'AVALLON, Compendium pharm. prat., 1868, p. 855). Alcool de Lavande ammoniacal, ou Gouttes Anglaises Céphaliques (Code pharm. 1821, p. 265).
4. Loc. adv. Goutte à goutte. Une goutte après l'autre. S'amasser, suinter, verser goutte à goutte; verser l'huile goutte à goutte dans une sauce. Au milieu s'élevoit un rocher d'où tomboit goutte à goutte une eau noirâtre, et le bruit foible et sourd des gouttes qui tomboient, étoit le seul bruit qu'on entendît (LAMENNAIS, Paroles croyant, 1834, p. 142) :
• 9. L'eau coulait goutte à goutte d'un chéneau invisible avec une plainte étrange, une sorte de tintement cristallin, pareil à l'appel du crapaud. C'était le seul bruit qui troublât le silence...
BERNANOS, Crime, 1935, p. 804.
— P. métaph. et au fig. Petit à petit :
• 10. En l'homme le savoir est nécessairement gradué, le pouvoir nécessairement rationné : l'homme rampe mètre par mètre, apprend goutte à goutte, acquiert par petites doses.
JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 247.
— Emploi subst. Au collège d'Harcourt, il n'avait certes pas perdu son temps, mais il n'avait pas pu se faire à l'émiettement des matières, au goutte-à-goutte des leçons, à la pesante lenteur des maîtres (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 306).
B. — P. ext.
1. Petite quantité de liquide, notamment de boisson. Ne jamais boire une goutte de vin. Il retourna chez lui, grognant : quand j'aurai bu une goutte de café noir et grignoté une croûte de pain, peut-être arriverai-je à me ressaisir (HUYSMANS, Oblat, t. 2, 1903, p. 38). Eh bien oui, dit Anne-Marie, nous boirions bien une goutte de lait chaud (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 178).
♦ Goutte de lait. Organisme créé au XIXe siècle dans le but de surveiller régulièrement les nourrissons et de leur assurer une distribution de lait; lieu où se déroulent les consultations. Mes enfants, votre père est à sa Goutte de lait, pour la consultation (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 66).
♦ Pop. Donner la goutte. Donner une tétée, un biberon (cf. RIGAUD, Dict. jargon paris., 1878, p. 179).
2. En partic. Petite quantité de boisson alcoolisée. Et ses yeux allumés encor d'un brin de fièvre Par la goutte de rhum bue en trinquant gaîment Avec moi, présage gentil d'un choc bien plus charmant (VERLAINE, Œuvres compl., t. 2, Odes en son honn., 1893, p. 31). Absol. Petit verre d'eau-de-vie, de liqueur. Offrir, payer la goutte :
• 11. Plantée devant l'Assommoir, Gervaise songeait. Si elle avait eu deux sous, elle serait entrée boire la goutte. Peut-être qu'une goutte lui aurait coupé la faim. Ah! elle en avait bu des gouttes! Ça lui semblait bien bon tout de même.
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 769.
♦ Arg., vieilli. Boire la goutte. Se noyer. Au fig. ,,Subir une perte d'argent`` (RIV.-CAR. 1969). Il avait bu la goutte avec le Panama (BRUANT 1901, p. 355). Arg. des comédiens. Boire la goutte. Être sifflé. Payer la goutte. ,,Siffler`` (ESN. 1966). V. aussi RICHEPIN, Miseloque, 1893, p. 86.
3. VINIFICATION et FABRICATION DU CIDRE. ,,Première goutte, mère goutte, vin de goutte`` (LITTRÉ). ,,Le vin, le cidre qui coule de la cuve ou du pressoir sans qu'on ait pressuré le raisin, les pommes`` (LITTRÉ). C'était sa mère-goutte, le plus capiteux de sa récolte, boisson détestable, mais que le Berrichon préfère à tous les vins du monde (SAND, Meunier d'Angib., 1845, p. 350).
Rem. Une var. goutte-mère chez Huysmans dans un emploi métaph. : La luxure est la goutte-mère du démonisme (Là-bas, 1891, p. 149).
C. — P. anal.
1. Ce qui ressemble à une goutte, tache, petit objet. [Le bourreau] — Tu auras soin, Bechlie, d'enlever les gouttes de rouille qui ont délustré ma hache (HUGO, Han d'Isl., 1823, p. 454).
2. Spécialement
a) ARCHIT. ,,Motifs d'ornementation en forme de tronc de cône qui se trouvent dans l'ordre dorique à la base des triglyphes et à la partie inférieure des mutules`` (LAVEDAN 1964). Les gouttes de la corniche (Ac. 1835-1932); v. aussi Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p. 156).
b) FOND. ,,Petite partie tirée d'une fonte d'or ou d'argent qu'on remet à l'essayeur pour avoir le rapport du titre`` (Ac. 1835-1932); cf. CHESN. 1857).
c) JOAILL. Goutte d'eau. ,,Variété de topaze`` (LITTRÉ). Pierre précieuse ou semi-précieuse transparente taillée en forme de goutte et sertie sur une fine monture. Un diamant que les dames riches ne peuvent garder à l'oreille, c'est la goutte d'eau (RENARD, Journal, 1905, p. 956). Les pendants : style goutte d'eau. Montés sur métal coloris doré. Pour oreilles percées (Catal. La Redoute, automne-hiver 1979-80, p. 205).
d) MÉTALL. Gouttes froides. ,,Défaut de fonderie caractérisé par la présence, généralement près de la surface des moulages, de petites sphères métalliques de même composition que le métal de base, encastrées dans le métal`` (BADER-TH. 1962).
e) MÉCAN. Rivet en goutte de suif. ,,Suivant la forme de sa tête, le rivet est dit à tête en goutte de suif, à tête sphérique, à tête fraisée`` (GORGEU, Machines-outils, 1928, p. 51).
f) MÉTÉOR. Goutte froide. ,,Masse d'air froid éloignée de son origine entourée de masses plus chaudes`` (GEORGE 1970, s.v. pression).
g) PAPET. Défaut du papier provenant de gouttes d'eau tombées sur la feuille encore en pâte; ce qui en a diminué l'épaisseur (MAIRE, Manuel biblioth., 1896, p. 341).
REM. 1. Gougoutte, subst. fém., synon. pop. (supra B 1). Quand Margot dégrafait son corsage Pour donner la gougoutte à son chat (G. BRASSENS, Poèmes et chansons, Brave Margot, Paris, Éd. Mus. 57, 1952). 2. Goutiou, subst. masc., région. Petite fontaine. Claude, au « goutiou » se lava les mains et le visage (MAURIAC, Chair et sang, 1920, p. 200). 3. Goutté, -ée, adj., hérald. Chargé de gouttes figurées (cf. LITTRÉ, GUÉRIN 1892, Lar. 19e Suppl., Lar. 20e). Goutte d'argent, d'azur, d'or (J. WOODWARD, G. BURNETT, A treatise on heraldry, Rutland, Tuttle, 1969, p. 114).
Prononc. et Orth. : [gut]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. formes du verbe goûter. Étymol. et Hist. 1. Fin Xe s. gute « petite quantité de liquide qui prend une forme sphérique » (Passion, éd. d'A. S. Avalle, 128); 2. a) ca 1160 ne [veoir] gote « ne rien [voir] » (Enéas, 195 ds T.-L.), tour gén. employé avec les verbes veoir et oïr; b) fin XIIe s. d'abord utilisé dans des phrases négatives goute de + subst. « petite quantité de » (Prise Orange, éd. C. Régnier, 463); ca 1200 emploi adv. (Escoufle, 1183 ds T.-L.); 3. ca 1393 mère goute « vin qui coule de la cuve avant toute pression » (Ménagier II, 260, ibid.); 4. p. anal. 1568 archit. goutte (P. DELORME, Architecture, p. 149); 5. 1700 méd. goutte d'Angleterre (J. P. DE TOURNEFORT, in Mémoires de l'Académie royale des Sciences, Paris, 73 ds R. Ling. rom. t. 36, p. 228); 6. 1795 goutte « eau de vie » (FAUCHE-BOREL ds ses Mémoires, Paris, 1825, t. 1, p. 303 ds R. Philol. fr. t. 24, p. 110). Du lat. gutta « goutte d'un liquide », « petite partie de » et terme d'architecture. Bbg. LE PELLEY (R.). Le Vocab. de l'eau-de-vie. In : Colloque sur le Fr. parlé ds les Villages de Vignerons. Paris, 1977, pp. 89-96. - YVON (H.). Les Expr. négatives ds la Queste del St Graal. Romania. 1959, t. 80, pp. 74-75; p. 77.
II.
⇒GOUTTE2, subst. fém.
A. — Gén. au sing. Maladie souvent héréditaire due à un excès d'acide urique dans l'organisme et caractérisée par des accès inflammatoires aigus très douloureux touchant principalement les articulations, notamment celles du gros orteil. Accès, crise de goutte; être pris d'une violente attaque de goutte. Goutte chaude, froide (Ac. 1798-1878); goutte vague (Ac. 1835, 1878). Des nœuds de goutte déformaient ses doigts disséqués par la maigreur (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 76). V. aussi ankyloser ex. 2 :
• Aujourd'hui, je suis vieux, mon Hélène (...). Je ne suis plus qu'un pauvre vieillard, mangé de goutte et de rhumatismes, criblé de douleurs et d'infirmités.
SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 266.
♦ Goutte remontée, rétrocédée ou métastatique. ,,Accidents viscéraux ou nerveux qui peuvent remplacer brusquement un accès de goutte articulaire à la suite d'un traitement énergique`` (Méd. Biol. t. 2 1971). Il est mort d'une goutte remontée (Ac. 1798-1878). V. aussi GEOFFROY, Méd. prat., 1800, p. 419.
♦ Goutte abarticulaire, viscérale (Méd. Biol. t. 2 1971). Troubles viscéraux, nerveux, etc., observés chez les goutteux.
♦ Goutte saturnine. ,,Manifestations articulaires du saturnisme rappelant celles de la goutte`` (GARNIER-DEL. 1978). Cette uricémie (...) peut aboutir à une variété de goutte (goutte saturnine) remarquable par sa tendance à envahir plusieurs jointures (Roger ds Nouv. Traité Méd. fasc. 6, 1925, p. 54).
SYNT. Goutte articulaire aiguë (anton. goutte articulaire chronique); goutte nouée, rhumatismale, tophacée; être perclus de goutte; avoir la goutte aux pieds, aux genoux, aux mains.
— Proverbes
♦ La goutte vient de la goutte. ,,La goutte est causée par l'intempérance dans le boire`` (LITTRÉ).
♦ N'avoir pas la goutte aux pieds. Être prêt à s'enfuir (d'apr. LITTRÉ).
♦ Aux fièvres et à la goutte, les médecins ne voient goutte. (Ds Ac. Compl. 1842, LITTRÉ, ROB.).
♦ Goutte tracassée est à demi pansée. L'exercice physique est recommandé aux goutteux (d'apr. ROB.).
B. — P. anal., vieilli. Goutte + adj. ou subst. en appos. Maladie que l'on attribuait à l'infiltration de gouttes d'humeur. Goutte migraine (Méd. Biol. t. 2 1971).
♦ Goutte rose. Couperose (LITTRÉ-ROBIN 1865).
♦ Goutte sciatique. Douleur siégeant le long du nerf sciatique (Ac. 1798-1878; v. aussi BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 232).
♦ Goutte sereine. Paralysie du nerf optique entraînant la perte partielle ou totale de la vue. Synon. amaurose. Il a perdu tout d'un coup la vue par une goutte sereine (Ac. 1798-1878). Êtes-vous né aveugle, ou êtes-vous aveugle par ... — Par accident, répondit-il vivement, une mauvaise goutte sereine (BALZAC, Facino Cane, 1836, p. 377).
REM. Goutte-crampe, subst. fém. Synon. vieilli de crampe (cf. Ac. 1798-1878).
Prononc. et Orth. : [gut]. Ds Ac. dep. 1694. Homon. formes du verbe goûter. Étymol. et Hist. Ca 1170 male gote dans une formule d'imprécation (BÉROUL, Tristan, éd. E. Muret, 1916); ca 1200 goute (Auberee, éd. A. Ebeling, 167). De goutte1, parce que cette maladie était attribuée à des gouttes d'humeur viciée.
STAT. — Goutte1 et 2. Fréq. abs. littér. : 4 118. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 5 287, b) 8 121; XXe s. : a) 6 841, b) 4 535.
1. goutte [gut] n. f.
ÉTYM. V. 980, gote; lat. gutta « goutte de liquide » et au fig. « parcelle, petit morceau ».
❖
———
1 Très petite quantité (de liquide) qui affecte naturellement sous l'action des forces capillaires (⇒ Capillarité, tension) une forme sphéroïdale. ⇒ Globule. || Une goutte d'eau, de vin, de sang. Absolt. || Une goutte (selon les contextes; notamment « goutte d'eau »). || Petites, grosses, larges gouttes. || Très petite goutte. ⇒ Gouttelette. || Gouttes claires, limpides, transparentes, cristallines, épaisses, figées. || Gouttes chaudes, froides, glacées. — Microbes, animalcules que le microscope fait apercevoir (cit. 4) dans une goutte d'eau. || Arroser, verser par gouttes, réduire en gouttes (⇒ Asperger, atomiser, pulvériser). || Gouttes restant dans un récipient vidé (⇒ Égoutture). || Goutte d'eau qui tombe d'une voûte, d'un plafond (→ Cachot, cit. 2; caverne, cit. 3; égout, cit. 2; égrener, cit. 2). || Le brouillard se condense (cit. 1) en gouttes d'eau, en gouttes. || Il n'est pas tombé une goutte d'eau, une goutte de pluie, une goutte depuis des mois (→ Enduit, cit. 3). || Épaules emperlées (cit. 1) de gouttes d'eau. || Goutte d'eau froide (→ Emportement, cit. 9). — Goutte de rosée (→ Auréole, cit. 2; capillaire, cit. 1; femme, cit. 67). ⇒ Perle (fig.). — Goutte de pluie (→ Bénir, cit. 18; bourrasque, cit. 5; bruissement, cit. 3; écouter, cit. 4; entonnoir, cit. 2). || De larges gouttes de pluie étoilaient (cit. 5) le trottoir. ☑ Loc. Passer entre les gouttes : échapper à la pluie, aux averses. || Goutte de boue (→ 2. Bulle, cit. 6). — Goutte de vin (→ Bouteille, cit. 5), de bière, de rhum, de liqueur. ☑ Tu n'en auras pas une goutte, pas du tout (d'un liquide). → ci-dessous, II. || Quelques gouttes : très peu. → ci-dessous le sens 4. — Goutte de miel (→ 1. Boire, cit. 37), d'huile (→ Déteindre, cit. 1), de vinaigre. || Goutte d'essence. — Goutte d'acide formique (→ Abeille, cit. 5), de borax (→ Cul, cit. 18), de vitriol (→ Corrosif, cit. 2). || Gouttes de mercure. || Goutte de métal, de plomb fondu. — Instrument pour mesurer le volume des gouttes. ⇒ Stalagmomètre. — || « Le poids des gouttes d'un liquide s'écoulant par un orifice capillaire est proportionnel au diamètre de cet orifice » (loi de Tate). || Goutte suspendue par capillarité à l'extrémité d'un tube.
1 Rivière, fontaine et ruisseau
ortent en livrée jolie
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie (…)
Ch. d'Orléans, Rondeaux.
2 (…) une goutte d'eau suffit pour le tuer.
Pascal, Pensées, VI, 347 (→ Écraser, cit. 1).
3 Si je pouvais t'offrir, pour m'ouvrir ta demeure,
Ma goutte de rosée ou mes corolles d'or !
Hugo, Odes et Ballades, Ballade 2.
4 Comme sur une fleur une goutte de pluie,
Comme une pâle étoile au fond du firmament,
Ainsi brille en tremblant le regard de ma mie.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Idylle ».
5 (…) il fut pris, rue Coquillière, par une de ces belles pluies qui grossissent tout à coup les ruisseaux, et dont chaque goutte fait cloche en tombant sur les flaques d'eau de la voie publique.
Balzac, Ferragus, Pl., t. V, p. 37.
6 (…) je ne pouvais m'empêcher d'éprouver la sensation de l'homme qui regarde dans son verre vidé la dernière goutte du champagne rosé qu'il vient de boire.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « À un dîner d'athées ».
7 (…) dans la vieille cour d'honneur,
L'orage d'abord jette ses larges gouttes.
Rimbaud, Poésies, LXVIII.
8 La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place.
Zola, Germinal, I, IV.
9 Duroy avait visité deux fois le Mzab, et il raconta les mœurs de ce singulier pays, où les gouttes d'eau ont la valeur de l'or (…)
Maupassant, Bel-Ami, I, II.
10 (…) la pluie s'était mise à tomber. Ce fut d'abord de larges gouttes mouchetant le sol d'une ondée de gros sous, puis, sans transition, un déluge (…)
Courteline, le Train de 8 h 47, II, I.
11 Un mot de vous, au contraire, c'est la goutte d'huile sur le feu, cela anime en moi une ferveur passionnée (…)
Montherlant, les Jeunes Filles, p. 149.
12 Personne n'est jamais allé supposer d'un vase qu'il suffirait, pour l'emplir et le faire déborder, d'une seule goutte d'eau.
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 14.
13 Je cherche une goutte de pluie Qui vient de tomber dans la mer. Dans sa rapide verticale Elle luisait plus que les autres.
Supervielle, Fable du monde, « La goutte de pluie ».
13.1 Pas une vraie pluie, mais des gouttes, partout des gouttes, un temps à pouvoir se lever, mais non, goutte goutte du matin au soir, pas de soleil, la même lumière grise (…)
S. Beckett, Têtes-mortes, p. 27.
♦ Goutte de sang. || Son sang coulait (cit. 9) en larges gouttes (→ Cher, cit. 24; épée, cit. 6). || Avoir une goutte, quelques gouttes de sang noble, de sang bleu.
14 Il est de tout son sang comptable à sa patrie;
Chaque goutte épargnée a sa gloire flétrie (…)
Corneille, Horace, III, 6.
15 Je pensais à toi dans mon agonie, j'ai versé telles gouttes de sang pour toi.
Pascal, Pensées, VII, 553.
16 (…) il n'a dans les veines qu'une goutte de sang de saint Louis, mais il l'a (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. VI, p. 253.
17 Il se pique de n'avoir dans les veines que de ce sang azul dont les plus vieilles races, dégradées par des mésalliances, n'ont plus maintenant que quelques gouttes (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « La vengeance d'une femme ».
♦ ☑ Loc. (1835). Ne pas avoir une goutte de sang dans les veines : être sans énergie, sans caractère (⇒ Lâche, mou, veule). — REM. L'expression a signifié aussi « être saisi d'épouvante »; pour éviter l'équivoque, on dit plutôt : ne plus avoir une goutte de sang dans les veines. — ☑ Jusqu'à la dernière goutte de sang : jusqu'au bout, jusqu'aux dernières limites. || Il s'est battu jusqu'à la dernière goutte de son sang, au péril de sa vie (⇒ Fin, 1. mort). — ☑ La dernière goutte de sang : les dernières ressources. || J'y ai mis jusqu'à la dernière goutte de mon sang : j'ai épuisé tous mes efforts, toute mon énergie, tout mon argent (⇒ Épuiser).
♦ Goutte de sueur (→ Eau, cit. 18). || De grosses gouttes (de sueur) perlaient à son front (→ Découler, cit. 3). — ☑ (Mil. XVIe). Suer à grosses gouttes : transpirer abondamment.
18 Il suait à grosses gouttes quoique ce fût au mois de janvier.
Guez de Balzac, le Barbon.
19 Se figure-t-on un ouvrier qui travaille sans cesse à une fournaise, et qui n'a… ni une goutte de sueur, ni un grain de cendre au visage ?
Hugo, les Misérables, I, I, XI.
20 (…) Mme veuve Lefrançois, la maîtresse de cette auberge, était si fort affairée, qu'elle suait à grosses gouttes en remuant ses casseroles.
Flaubert, Mme Bovary, II, I.
21 Il transpirait des si grosses gouttes que c'était comme s'il avait pleuré avec toute sa figure.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 446.
♦ Larme. || De grosses gouttes coulaient sur ses joues. → Pleurer à chaudes larmes.
22 Elle pleurait (…) Il vit sa joue toute mouillée, et une goutte d'eau prête à tomber encore au bord des cils.
Maupassant, Bel-ami, II, IV.
♦ ☑ Loc. fam. (1866). Avoir la goutte au nez : avoir le nez qui coule (en parlant des mucosités qui s'écoulent des fosses nasales). ⇒ Morve, roupie. — (1833). Pop. et vieilli. || Goutte militaire : « reste de blennorragie qui se montre au méat urinaire » (Hatzfeld). — Goutte d'urine, de pipi, de pisse. || Pisse trois gouttes (surnom plaisant).
23 Chaque fois, Macaire (le chien) laissait tomber deux ou trois gouttes. La fréquence des réverbères l'obligeait à une stricte parcimonie.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VIII, p. 79.
2 Par métaphore. || Une goutte de lumière, de soleil.
24 L'automne, l'automne merveilleux, mêlait son or et sa pourpre aux dernières verdures restées vives, comme si des gouttes de soleil fondu avaient coulé du ciel dans l'épaisseur des bois.
Maupassant, la Femme de Paul, p. 61.
25 (…) cette goutte de clair de lune qui était tombée dans la nuit sur les lèvres de Catherine.
France, la Rôtisserie de la Reine Pédauque, VIII, p. 85.
26 L'été, vers midi, une goutte de soleil descendait dans la cour comme une guêpe puis s'envolait.
J. Giono, Jean le Bleu, III.
♦ En goutte : en forme de goutte. || Favoris (cit. 11) gonflés en gouttes. — ☑ En goutte d'huile : piriforme. || Des fesses en gouttes d'huile. — Techn. || Rivets en gouttes de suif.
♦ ☑ Loc. Faire goutte : couler en formant des gouttes séparées (en parlant d'un sirop).
3 Loc. fig. a ☑ (1664). Se ressembler comme deux gouttes d'eau : se ressembler trait pour trait. || Ces jumeaux se ressemblent comme deux gouttes d'eau (→ Démocrate, cit. 1, Sainte-Beuve).
27 (…) j'aurai le plaisir de voir des créatures qui seront sorties de moi, de petites figures qui me ressembleront comme deux gouttes d'eau (…)
Molière, le Mariage forcé, 1.
28 La Choiseul ressemblait, comme dit Ninon, à un printemps d'hôtellerie comme deux gouttes d'eau : la comparaison est excellente.
Mme de Sévigné, Lettres, 150, 1er avr. 1671.
29 (…) elle (la mort) ressemble au sommeil comme deux gouttes d'eau (…)
Voltaire, Correspondance, 2464, 9 mai 1764.
b ☑ La dernière goutte. || Boire, épuiser jusqu'à la dernière goutte (→ Encaisser, cit. 5; encre, cit. 1). || Verser, faire tomber la dernière goutte. ⇒ Égoutture. || Ce café est bon jusqu'à la dernière goutte, il n'a pas de dépôt. || Pressurer jusqu'à la dernière goutte. ⇒ Fin.
c ☑ Il n'y en a plus une goutte, pas une goutte, plus du tout, pas la moindre quantité. || Est-ce qu'il reste du whisky ? Plus une goutte, pas une goutte.
30 (…) quant à mon père je ne désirais qu'une chose : ne pas me trouver auprès de lui. J'observai, avec remords, que je n'avais pas pour lui une goutte de tendresse ni d'affection.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 26.
d ☑ Loc. prov. (1830). C'est la goutte d'eau qui fait déborder (cit. 1) le vase. ⇒ Combler (la mesure).
31 Ce courrier de Bavière, qui était arrivé le jeudi au soir, et dont il ne vint rendre compte que le samedi à cinq heures du soir, a été la dernière goutte qui a fait répandre le verre.
Mme de Sévigné, Lettres, 390.
e ☑ C'est une goutte d'eau dans la mer, dans l'océan : c'est une quantité négligeable, insignifiante; c'est bien peu par rapport à ce qui reste à faire (→ Absorber, cit. 4).
32 Si peu que nous soyons (…) et si faibles que nous paraissions, — une goutte d'eau dans l'océan de la force allemande, — nous croyons que ce sera la goutte d'eau qui colorera l'océan.
R. Rolland, Jean-Christophe, Dans la maison, I, p. 989.
33 (…) au milieu de tant de morts, ces deux exécutions passèrent inaperçues : c'était une goutte d'eau dans la mer.
Camus, la Peste, p. 189.
f ☑ Loc. adv. (1555). Goutte à goutte : une goutte après l'autre. || Verser un liquide goutte à goutte. ⇒ Instiller. || Couler goutte à goutte. ⇒ Dégouliner, dégoutter, égoutter (s'), goutter. || Écoulement goutte à goutte. ⇒ Stillation. || L'eau coulant goutte à goutte des parois d'une caverne forme des stalactites, des stalagmites. || Le sang coulait goutte à goutte de sa blessure. || Administrer goutte à goutte un soluté de perfusion (⇒ Goutte-à-goutte). — (Av. 1654). Fig. || Les jours s'écoulent (cit. 12) goutte à goutte. || L'envie lui tombait dans l'âme goutte à goutte (→ Fiel, cit. 6). || Son zèle s'échappe (cit. 45) goutte à goutte. || L'argent fuit goutte à goutte (→ Entonnoir, cit. 1).
34 Comme un fromage mol, de qui l'humeur s'égoutte
Par les trous d'un panier à terre goutte à goutte.
Ronsard, Pièces retranchées, Hymnes, « Des astres ».
35 (…) la pluie ne tomba plus que goutte à goutte des bords du toit (…)
Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, Ronde sous la cloche.
36 Le sang continuait à pleuvoir goutte à goutte (…)
Hugo, la Légende des siècles, X, « Le parricide ».
37 (…) de petits bonheurs savourés goutte à goutte (…)
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, IX.
38 Cependant la tache s'élargissait par terre, et un liquide sombre tombait toujours de sa main fermée, goutte à goutte d'abord, ensuite en mince filet noir.
Loti, Aziyadé, IV, IX.
39 Le temps passe goutte à goutte.
R. Dorgelès, le Cabaret de la belle femme, p. 16.
4 Très petite quantité (de liquide), de boisson. || Voulez-vous du café ? Juste une goutte, une petite goutte. ⇒ Peu. || Ajoutez à la sauce une goutte, un filet de vinaigre. || Une goutte de liqueur ⇒ Doigt. — ☑ (1907). Pop. Donner la goutte : donner à téter. — Goutte de lait : organisation d'assistance sociale qui distribue du lait à prix réduit dans des conditions d'hygiène déterminées, aux enfants en bas âge.
♦ Spécialt. Petite quantité de boisson alcoolique. || Une goutte de vin ne vous fera pas de mal. ⇒ Doigt, larme. || Une goutte de cognac (→ Flacon, cit. 4).
♦ ☑ (1795). Absolt. Fam. Boire la goutte : boire un petit verre d'alcool, d'eau-de-vie. || Offrir, payer la goutte à qqn. — Par ext. Alcool, eau-de-vie. || « Une petite fille demandait quatre sous de goutte dans une tasse » (Zola, in G. L. L. F.). || « Y a d'la goutte à boire là-haut ! », refrain militaire. ⇒ Verre.
40 Le vent du coteau,
La Meuse, la goutte
Qu'on boit sur la route.
Verlaine, Sagesse, III, II.
40.1 Ça doit être superbe, une charge, hein ? Toutes ces masses d'hommes qui marchent comme à la fête ! Et le clairon qui sonne dans la campagne : « Y a la goutte à boire là-haut ! »
H. Barbusse, le Feu, t. II, II, XXII, p. 51.
♦ ☑ Iron. Boire la goutte, boire une goutte : manquer de se noyer. Fig. Perdre de l'argent dans une entreprise (⇒ Bouillon, tasse).
♦ Techn. || Mère goutte, ou première goutte : ce qui coule de la cuve ou du pressoir avant le pressurage du raisin ou des pommes. (1797). || Vin, cidre de mère goutte, de première goutte, ou, absolt, de goutte.
41 La lie de mon vin vous appartient comme la mère goutte (…)
Voltaire, Lettre à d'Argental, 4385, 1er janv. 1777.
5 Pharm. Unité de mesure (de liquides qui s'emploient à très petite dose). || « On évalue la goutte à peu près au poids d'un grain » (Académie). — (1721). Plur. Cour. || Gouttes : médicament prescrit et administré en gouttes. || Gouttes alcalines (carbonate de potasse), gouttes amères de Baumé (à base de strychnine; → Noix vomique), gouttes noires, anglaises (opiacées). || N'oublie pas de prendre tes gouttes ! || Gouttes pour le nez. || Instruments pour administrer des gouttes. ⇒ Compte-gouttes, pipette.
42 Les paroles firent sur l'âme de l'Ingénu l'effet des gouttes d'Angleterre, qui rappellent un mourant à la vie, et lui font entrouvrir des yeux étonnés (…)
Voltaire, l'Ingénu, X.
43 Suzanne ! des gouttes à ta maîtresse ! Tu sais comment je les prépare.
Beaumarchais, la Mère coupable, IV, 18.
44 — Les gouttes ! là ! les gouttes ! Il râlait presque. — Quatre ! pas plus ! Je les lui versai. Il saisit la tasse et but avec avidité.
H. Bosco, Un rameau de la nuit, p. 267.
6 Petit objet, tache comparable à une goutte. || Plumage, pelage parsemé de gouttes de couleur. ⇒ Tache.
45 (…) il (le martin-pêcheur huppé) est tout parsemé de gouttes blanches (…)
Buffon, Hist. nat. des oiseaux, Le martin-pêcheur huppé.
♦ Goutte d'opium. ⇒ Boulette.
46 Il considéra l'enfant agenouillé qui pelotait une goutte d'opium contre le verre chaud de la lampe, et songea tout haut, par brèves phrases chinoises (…)
Claude Farrère, la Bataille, XX.
♦ (1829). Techn. || Goutte d'eau : pierre précieuse taillée en forme de goutte et montée en pendentif. || Goutte de diamant.
47 Les longs gants perle aux bras nus de sa compagne le fascinaient. Il regardait la lumière s'accrocher aux gouttes de diamants du collier, montés d'une façon ancienne, à de minces fils pendant.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, V.
♦ (XVIIe). Au plur. Archit. « Petits ornements de forme conique, placés dans le plafond de l'ordre dorique ou sous les triglyphes. Les gouttes de la corniche » (Académie).
♦ Techn. || Gouttes froides : petites sphères (défaut de fonderie).
♦ (Horlog.). Axe de pivotement façonné dans la masse.
7 Météor. || Goutte froide, goutte chaude : volume d'air froid ou chaud, séparé d'une masse d'air.
———
II (XIIe; de il ne boit goutte). Vieilli ou plais. || Goutte, avec la particule ne (et les verbes voir, entendre, comprendre, connaître) forme une négation renforcée.
1 ☑ Vx. N'avoir goutte de (qqch.), ne pas en avoir même une quantité infime. ⇒ aussi 2. Pas, 2. point (étym.); brin, grain, 1. mie.
2 Vx. ou archaïsme littér. (sans compl.).☑ N'y voir goutte : ne rien voir du tout (→ Abat-jour, cit. 2; broche, cit. 4). ☑ N'y entendre goutte : ne rien comprendre. ⇒ Pas (du tout), rien.
48 J'étais si interdit que je ne voyais goutte et que je n'entendais rien du compliment qu'elle me fit.
Scarron, le Roman comique, I, XIII.
49 On ne voit goutte sur l'escalier.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, III, 10.
50 Oh ! qu'il était joyeux, et, quoiqu'on n'y vît goutte,
Que de fois il compta les bornes de la route !
A. de Musset, Premières poésies, « Mardoche », L.
51 Ici, toutes les femmes parlent politique. — Je n'y entends goutte.
Pailleron, le Monde où l'on s'ennuie, I, 2.
52 (…) elle suivait du regard le jeu de bridge auquel elle ne comprenait goutte.
❖
DÉR. 2. Goutte, gouttelette, goutter, gouttier, gouttière.
COMP. Compte-gouttes, dégoutter, égoutter. — Gougoutte, goutte-à-goutte.
HOM. 2. Goutte; formes des v. 1. goûter, goutter.
————————
2. goutte [gut] n. f.
ÉTYM. V. 1207; de 1. goutte; cette affection ayant été attribuée à des gouttes d'humeur viciée.
❖
1 Affection diathésique, souvent héréditaire, caractérisée par des poussées inflammatoires autour des articulations, avec dépôt d'urates. || La goutte provient d'un défaut d'élimination de l'acide urique. — REM. Goutte a longtemps servi à désigner « une diathèse (…) correspondant à l'arthritisme » (Garnier). || Avoir la goutte (→ Agacement, cit. 1; alternatif, cit. 1). || Une attaque de goutte. || Les douleurs de la goutte (→ Aigu, cit. 10; bouger, cit. 5; cri, cit. 2). || Les excès de table prédisposent à la goutte (→ Échoir, cit. 4). || La colchicine, les sels de lithine sont employés contre la goutte.
1 (…) et comme en français vous appelez la goutte ce que les médecins appellent poliment arthritis (…)
Mme de Sévigné, Lettres, 844, 21 août 1680.
2 (…) depuis six semaines le marquis était retenu chez lui par une attaque de goutte.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, VII.
3 (…) pour l'instant il avait la goutte, chose fort à la mode en ce temps-là, comme l'est à présent la migraine.
A. de Musset, Nouvelles, « Croisilles », II.
4 Qu'est-ce que c'est, même, cette douleur dans le talon, qui le tenaille depuis quelque temps ? Ah ! la goutte. On l'entoure, on le cajole.
Paul Léautaud, le Théâtre de Maurice Boissard, II.
♦ Vieilli. || Goutte abarticulaire, goutte viscérale : ensemble de manifestations rénales, digestives, nerveuses survenant chez les goutteux. (On disait aussi goutte métastatique, remontée, rétrocédée, larvée, lorsque ces manifestations venaient remplacer les phénomènes articulaires habituels). — Goutte articulaire (cour. : la goutte) : goutte aiguë, sthénique, qui se présente sous forme d'accès douloureux nocturnes (attaques de goutte) siégeant fréquemment aux gros orteils. || Goutte asthénique. || Goutte chronique, tophacée (⇒ Tophus), noueuse. || Goutte saturnique : manifestations articulaires du saturnisme. — Goutte localisée aux mains (⇒ Chiragre), aux genoux (Gonagre), aux pieds (⇒ Podagre). || Avoir la goutte aux reins (→ Ampoule, cit. 2).
♦ ☑ Loc. prov. Aux fièvres et à la goutte, les médecins ne voient goutte. ☑ Goutte tracassée est à demi pansée : l'exercice est bon pour les goutteux.
2 Vx. || Goutte (et adj. ou n.). Maladie attribuée (autrefois) à la présence de gouttes d'humeur infiltrées. || Goutte migraine. || Goutte rose : couperose. || Goutte sereine : paralysie du nerf optique, amaurose. || Goutte sciatique : sciatique.
➪ tableau Principales maladies et affections.
❖
DÉR. Goutteux.
HOM. 1. Goutte; formes des v. 1. goûter, goutter.
Encyclopédie Universelle. 2012.