ÉPÉE
ÉPÉE
Arme blanche individuelle, l’épée accompagne souvent le guerrier barbare dans sa tombe. Childéric Ier, père de Clovis (mort en 481/482), fut inhumé avec une épée à poignée d’or enrichie de grenats (des débris au cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale). À l’entrevue de Ponthion en 754, le pape Étienne II aurait donné au roi Pépin une épée destinée à protéger le Saint-Siège (selon une relation postérieure, vers l’an 1000). Cet objet peut être en rapport avec l’épée qui apparaît lorsque Louis II, fils de l’empereur Lothaire, est sacré roi des Lombards par Serge II (Rome, 844) et avec l’épée «de saint Pierre» que la veuve de Charles II le Chauve apporta avec d’autres insignes du roi de France Louis II le Bègue (877). Les rites de chevalerie étant codifiés depuis les Carolingiens (ordo de Mayence, vers 961), on les intégrera peu à peu à la cérémonie du sacre du roi (ordo des Francs de l’Ouest, vers 900), en pensant l’investir d’un «glaive spirituel» (ordo de sacre anglo-saxon de 973). Suger conte que Louis VI le Gros se vit ôter par le prélat «l’épée de la chevalerie du siècle» lors du sacre et qu’il reçut «celle de l’Église pour la punition des malfaiteurs» (1108). Au sacre de Philippe II Auguste en 1179, l’épée royale fut portée devant lui dans le cortège par le comte de Flandre. L’ordo du sacre français écrit vers 1200 montre que le roi doit être fait chevalier avant le rite de l’onction; l’épée est ainsi portée, haute et nue; l’archevêque la donne au roi, qui reçoit aussi des éperons: le souverain sera le protecteur de l’Église, du royaume, «le fort d’Israël» qui exercera la justice et qui, ayant pratiqué les vertus, pourra régner avec Celui dont il est l’image (prière de l’ordo ). Cette cérémonie aura encore lieu pour Charles X en 1825. Cette épée sera dite Joyeuse du nom de l’épée de Charlemagne dans les chansons de geste dès le sacre de Philippe III le Hardi en 1271 (elle était peut-être dite telle dès 1179); c’est un objet qui existe toujours en ses parties essentielles, incroyable amalgame d’éléments disparates (début du XIe s., mais montage de la poignée à la fin du XIIe s.); diverses retouches furent apportées au cours des siècles; la fusée fut refaite et le haut du fourreau fut restauré en 1804, l’épée «de Charlemagne» étant présente au sacre de Napoléon Ier après n’avoir été qu’une épave du trésor de Saint-Denis; elle servit à Charles X, figura au musée des Souverains et se trouve dans la galerie d’Apollon au Louvre, avec les éperons d’or à boule du XIIe siècle qui servirent au sacre royal. Lors de son sacre, Napoléon porta une épée faite sous le Consulat et dont la poignée était ornée du régent et d’autres diamants: avec des pierres de remplacement, elle se trouve dans les collections du prince Napoléon. L’épée de cérémonie de Charles X, faite pour être ornée de diamants (1824), fut transformée pour Napoléon III et se trouve au Louvre, dans la même galerie. Il existe bien d’autres épées illustres en France: au musée de l’Armée (hôtel des Invalides) est déposée l’épée de connétable de France datant du XVe siècle, destinée à être portée haute et nue par ce grand officier de la Couronne, lors de l’entrée du roi en une ville ou lors de sa propre entrée, comme représentant du souverain; on peut y voir aussi l’épée de François Ier à Pavie (1525), rapportée de Madrid par Murat (1808), l’épée de Napoléon Ier à Austerlitz (1805). Le cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale possède l’épée du grand maître de l’ordre de Saint-Jean dit de Malte que Bonaparte emporta après la prise de l’île (1798: Épée de la victoire , travail allemand de la seconde moitié du XVIe s., donnée par Philippe II d’Espagne à l’ordre). On peut encore citer l’épée de grand écuyer du duc de Lorraine faite à Paris pour la pompe funèbre du duc Léopold (1729), et qui appartient au prince de Beauvau Craon. Signe de noblesse sous l’Ancien Régime — tout gentilhomme pouvant porter cette arme —, l’épée n’est plus guère portée en France de nos jours, hors les membres laïcs de l’Institut de France en uniforme. L’armée de terre et la marine utilisent parfois épée et sabre lors des défilés, l’armée de l’air ayant une sorte de poignard.
épée [ epe ] n. f.
• 1636; spede v. 880; lat. spatha « large épée à deux tranchants »
1 ♦ Arme blanche formée d'une lame aiguë et droite, en acier, emmanchée dans une poignée munie d'une garde. ⇒ braquemart, claymore, espadon, estoc, estramaçon, glaive, rapière. L'épée se portait au côté gauche dans un fourreau suspendu à un baudrier, à un ceinturon. Le fil (⇒ taille, tranchant) , la pointe (⇒ estoc ) , le plat d'une épée. Épée de duel. Épée de salle d'armes, sans tranchant et mouchetée. ⇒ fleuret; épéisme. Durendal, épée de Roland; Excalibur, épée du roi Arthur. Dégainer, tirer, rengainer l'épée. Mettre la main à l'épée. Coup d'épée. Passer les prisonniers au fil de l'épée. Il lui plongea l'épée dans le corps jusqu'à la garde. Se battre à l'épée, croiser l'épée. ⇒ 1. duel. Noblesse d'épée, qui faisait la guerre (opposé à noblesse de robe). Roman de cape et d'épée. — En forme d'épée. ⇒ ensiforme.
♢ Loc. Un coup d'épée dans l'eau : une action vaine, un effort inutile. — Mettre à qqn l'épée dans les reins. — Épée de Damoclès : danger qui peut s'abattre sur qqn d'un moment à l'autre (par allus. à l'épée suspendue par un crin de cheval au-dessus de la tête de Damoclès).
2 ♦ Par méton. Personne qui manie (plus ou moins bien) l'épée. C'est une bonne épée (cf. Une fine lame).
● épée nom féminin (bas latin spatha) Arme de main faite d'une lame d'acier pointue fixée à une poignée munie d'une garde. Littéraire. Homme fort à l'escrime : Une fine épée. Sports L'une des trois armes de l'escrime, mesurant au maximum 1,10 m (dont 90 cm pour la lame), pesant 750 g et munie d'une coquille d'un diamètre maximal de 13,5 cm. Discipline utilisant cette arme, où les coups portés avec la pointe seule et contrôlés par une signalisation électrique sont valables sur le corps entier. Textiles Grand couteau en bois servant au cordier à battre les sangles. Chacune des deux pièces métalliques verticales supportant le battement du métier à tisser, articulées autour d'un axe horizontal à leur partie inférieure, et recevant un mouvement d'oscillation alternatif par l'intermédiaire d'une bielle fixée à l'arbre vilebrequin du métier. (On désigne souvent ces pièces sous le nom d'épées de chasse.) ● épée (citations) nom féminin (bas latin spatha) Charles de Gaulle Lille 1890-Colombey-les-Deux-Églises 1970 L'épée est l'axe du monde et la grandeur ne se divise pas. Vers l'armée de métier Plon Anonyme Par l'épée et par la charrue. Ense et aratro. Commentaire Devise du maréchal Bugeaud, alors qu'il était gouverneur de l'Algérie. Lucain, en latin Marcus Annaeus Lucanus Cordoue 39 après J.-C.-Rome 65 Ils ignorent que les épées sont données pour que personne ne soit esclave. Ignorant datos, ne quisquam serviat, enses. Pharsale, IV, 579 Luís Vaz de Camões Lisbonne 1524 ?-Lisbonne 1580 Je tiens toujours l'épée d'une main et la plume de l'autre. Nua mão sempre a espada e noutra a pena. Les Lusiades, VII, 79 ● épée (expressions) nom féminin (bas latin spatha) Littéraire. À la pointe de l'épée, de haute lutte, au prix de grands efforts. Coup d'épée dans l'eau, tentative avortée, action sans résultat. Épée de Damoclès, danger qui peut s'abattre sur quelqu'un d'un moment à l'autre. Mettre l'épée dans les reins à quelqu'un, le harceler, le presser vivement d'agir. Littéraire. Passer au fil de l'épée, tuer. Littéraire. Tirer l'épée du fourreau, être prêt à lutter, à combattre quelqu'un. Épée d'armes, terme général désignant les épées de guerre. Épée à deux mains, épée longue et pesante qu'on saisit avec les deux mains, tel l'espadon. Épée espagnole, longue épée de ville et surtout de duel (XVIIe et XVIIIe s.). Épée de parement, épée de luxe faite pour les parades. Épée de tournoi, épée à lame large dépourvue de tranchant (XVe-XVIe s.). Épée de ville, terme désignant toutes les épées qui ne se portaient pas à la guerre. Épée wallonne, épée de cavalier dont la garde était composée d'une coquille plate. (Elle est l'ancêtre du sabre de cavalerie moderne.) Épée haute, épée représentée en pal, la pointe vers le chef de l'écu (attribut « de position »). ● épée (homonymes) nom féminin (bas latin spatha) épais adjectif ● épée (synonymes) nom féminin (bas latin spatha) Textiles. Grand couteau en bois servant au cordier à battre les...
Synonymes :
- sabre
épée
n. f.
d1./d Arme blanche constituée par une lame longue et droite, pointue, généralement tranchante, munie d'une poignée et d'une garde.
|| Loc. Passer au fil de l'épée: tuer en masse avec une épée, massacrer.
|| Loc. fig. Mettre à qqn l'épée dans les reins, le faire agir sous la menace ou en le harcelant.
— épée de Damoclès
— Un coup d'épée dans l'eau.
d2./d Arme à lame triangulaire utilisée en escrime. Tirer à l'épée.
— Sport pratiqué avec cette arme.
⇒ÉPÉE, subst. fém.
A.— [L'épée en tant qu'objet] Arme formée d'une longue lame d'acier aiguë, parfois triangulaire, mais le plus souvent à deux tranchants, emmanchée dans une poignée munie d'une garde, et que l'on porte au côté gauche dans un fourreau fixé à un ceinturon ou à un baudrier. Pointe d'une épée, épée à deux tranchants; ceindre son épée. — Conservez-la précieusement, (...) une épée est une amie fidèle, gardienne de la vie et de l'honneur de son maître (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 97) :
• 1. Le respect qu'on a pour toi,
La longueur de mon épée
En est la mesure, ô roi!
HUGO, La Légende des siècles, t. 3, Après, le romancero du Cid, 1877, p. 246.
SYNT. a) Chapeau, coquille, filigrane, fusée, dragonne, pas-d'âne, pommeau, quillon d'une épée; talon, soie, gouttière, dos, fil d'une épée. b) Épée écossaise, romaine, ancienne, moderne; épée brillante, courte, étincelante, invincible, lourde, redoutable. c) Épée de salle d'armes, sans tranchant et mouchetée. d) Recevoir un coup d'épée; se battre à l'épée; frapper de son épée, d'estoc et de taille; brandir, croiser, esquiver, lever, manier une épée; passer l'épée au travers du corps de qqn; mettre l'épée à la main; jurer sur la croix de son épée; adouber un chevalier du plat de l'épée; être brave, vaillant comme son épée. e) Le cliquetis des épées; caractère sacré, mystique de l'épée (au Moyen-âge); l'épée, symbole d'honneur, de vaillance, signe de distinction.
♦ Loc. Le fort de l'épée. Partie de la lame voisine de la garde. Le faible de l'épée. Extrémité de la lame. Le plat de l'épée. La partie large et plate, par opposition au tranchant. Nœud d'épée. ,,Nœud de rubans dont les hommes en habit de parure garnissaient autrefois la garde de leur épée`` (Ac. 1835, 1878).
— Spécialement
1. Arme de parade portée lors de cérémonies solennelles par certains officiers et sous-officiers de l'armée, par certaines catégories de fonctionnaires civils, par les polytechniciens, les membres de l'Institut. La production, (...) est (...) spécialisée dans (...) les croix d'ordres militaires, les épées d'apparat et les objets de culte (GRANDJEAN, Orfèvr. XIXe s., 1962, p. 80).
2. HÉRALD. ,,L'épée paraît dans l'écu en pal, la pointe vers le haut de l'écu; épée garnie, celle dont la garde et le pommeau sont d'un autre émail que la lame`` (GRANDM. 1852).
1. [En parlant d'un gentilhomme, d'un militaire, d'un homme de guerre] Être un homme d'épée. Être exercé au maniement de l'épée :
• 2. L'aménité de ses manières, toutes les habitudes de sa vie, le soin qu'il (...) prenait de sa personne, son ancienne réputation de force et d'adresse, d'homme d'épée et de cheval, avaient fait un cortège de petites notoriétés à sa célébrité croissante.
MAUPASSANT, Fort comme la mort, 1889, p. 4.
2. [L'épée, attribut et symbole de l'état ou du service militaire] Les fonctions publiques peuvent également, dans l'état actuel, se ranger toutes sous quatre dénominations connues, l'épée, la robe, l'église et l'administration (SIÉYÈS, Tiers état, 1789, p. 28). L'évangile défend l'épée aux moines (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 256).
♦ Noblesse d'épée. Qui sous l'Ancien Régime groupait les militaires par opposition à la noblesse de robe. La fin du XVIIIe (...) aura vu, (...) la haine de la noblesse d'épée et de la noblesse de robe se fondre dans la même poussée (BENDA, Trahis. clercs, 1927, p. 17).
♦ Porter l'épée. Être militaire. Il était plus propre à porter l'épée qu'à bêcher la terre (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 107).
♦ Prendre, quitter l'épée. Embrasser, quitter la carrière des armes. Il n'était point de haute noblesse, étant fils de M. Dupin, fermier général, qui avait quitté l'épée pour la finance (SAND, Hist. vie, 1855, p. 41).
♦ Mettre son épée au service de qqn. Guy mit son épée à la disposition du roi d'Angleterre et l'aida à conquérir l'île (GROUSSET, Croisades, 1939, p. 266).
— P. méton. Homme exercé au maniement de l'épée. Comminges est une de nos meilleures épées (MÉRIMÉE, Chron. règne Charles IX, 1829, p. 92).
— Locutions. Traîneur d'épée (fam. et par mépris). ,,Bretteur, batteur de pavé qui porte une longue épée sans aller à la guerre`` (Ac. 1835, 1878). Homme, roman de cape et d'épée.
3. Loc. diverses
a) Loc. relatives aux phases du combat, d'un militaire, d'une collectivité en guerre, etc.
♦ Tirer l'épée (hors du fourreau). Commencer la guerre, combattre. Que la France tire l'épée pour la liberté des peuples, tous les hommes de cœur applaudiront (L. BLANC, Organ. trav., 1845, p. 84).
♦ Ils (en) sont aux épées et aux couteaux. ,,Ils sont en grande inimitié, ou en grand procès, en grande querelle. Ces parents ne peuvent s'accorder, ils sont aux épées et aux couteaux`` (Ac. 1835, 1878).
♦ Remettre l'épée au fourreau. Cesser le combat, faire la paix. P. métaph. J'avais compris que j'appartenais à l'espèce inférieure. Il fallut le proclamer, remettre l'épée au fourreau, rejoindre le bétail ordinaire (SARTRE, Mots, 1964, p. 134).
♦ Rendre son épée. Se rendre au vainqueur et au fig. s'avouer vaincu. « La Révolution a rendu son épée en 1815; on a cru qu'elle allait la reprendre en 1830 » (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 167).
♦ Passer au fil de l'épée. Massacrer sans pitié. Les Espagnols, (...), ont pillé Anvers, brûlé huit cents maisons, et passé sept mille habitants au fil de l'épée (A. DUMAS père, Henri III, 1829, II, 4, p. 152).
♦ Mourir d'une belle épée. ,,Succomber sous un ennemi auquel il est glorieux d'avoir résisté; et au fig., recevoir du dommage par une cause honorable, flatteuse, agréable`` (Ac. 1835, 1878).
b) Loc. relatives à différentes attitudes ou sentiments du combattant
♦ Son épée ne tient pas au fourreau. ,,Se dit d'un homme querelleur, qui est toujours prêt à mettre l'épée à la main`` (Ac.).
♦ Mettre, tenir à qqn l'épée (dans les) aux reins. Le serrer de près, le harceler :
• 3. Je vais m'en mêler parce qu'il est temps que cela finisse (ce brave garçon mettrait tout bonnement son enfant sur la paille). (...) Je vais, à tous, leur pousser l'épée dans les reins d'une belle façon.
FLAUBERT, Corresp., 1854, p. 47.
♦ Mettre, tenir l'épée à la gorge de qqn. Le harceler, le menacer. Emploi pronom. réciproque :
• 4. ... les Guises et ceux de Navarre se poussaient, les uns aux autres, l'épée et la dague à la gorge pour essayer de devenir chacun le premier, ...
GOBINEAU, Les Pléiades, 1874, p. 162.
C.— [L'épée symbole de la force ou de la violence]
1. [Symbole de la force armée d'un État] L'épée est l'axe du monde (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 10) :
• 5. L'organisation militaire me paraît le vrai type de toute bonne société civile, l'épée est la tutrice d'un peuple.
BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, p. 161.
• 6. ... nous sommes en plein moyen-âge. Le droit de l'épée décide de tout comme au temps de la chevalerie.
MÉRIMÉE, Lettres Mme de la Rochejacquelein, 1870, p. 309.
— En partic. [En parlant d'un État, p. réf. au chef gaulois Brennus victorieux sous Rome (390 av. J.-C.), jetant brutalement son épée dans le plateau de la balance de manière à augmenter le poids de la rançon exigée par lui pour lever le siège de la ville] Jeter son épée dans la balance. Mettre brutalement fin à une situation tendue en intervenant militairement dans le conflit :
• 7. ... l'événement précis (...) avait décidé Grey à jeter enfin l'épée britannique dans la balance, au cours de son entretien d'hier avec l'ambassadeur d'Allemagne.
MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 519.
2. [Symbole de la force menaçante]
♦ Épée de feu (de l'archange, du chérubin). [P. réf. aux Chérubins armés d'une épée et placés par Dieu à la porte du paradis terrestre, pour empêcher Adam et Ève d'y entrer (cf. Gen. III, 24)] Il [le Père Lacordaire] a à son service le dédain, non moins commode, l'interdiction hautaine et tranchante, l'épée de feu du chérubin sur laquelle il est écrit : On ne passe pas là! (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 4, 1863-69, p. 403).
♦ Épée de Damoclès. [P. réf. à l'épée nue retenue à un crin de cheval que Denys l'Ancien fit suspendre lors d'un festin au-dessus de la tête d'un de ses courtisans, Damoclès, qui exaltait le bonheur de la royauté] Danger permanent :
• 8. [Camille :] — ... le monde est juste, il n'accorde les honneurs de son intérêt qu'aux sentiments vrais. Béatrix jouant la comédie est jugée comme une actrice de second ordre. Sa fuite n'était autorisée par aucune contrariété. L'épée de Damoclès ne brillait pas au milieu de ses fêtes...
BALZAC, Béatrix, 1839-45, p. 237.
3. [Symbole de violence]
♦ Proverbe. [Évangile St Matthieu 26, 52] Qui se sert de l'épée périra par l'épée. La violence appelle la violence. Tout le monde a signé, à Stanislas? — Bien sûr. Sauf un nouveau, sous prétexte que qui frappera avec l'épée périra par l'épée... Vous savez, il y a de ces catholiques excessifs! (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 265).
D.— [L'épée, symbole de toute espèce d'action demandant un effort]
1. [Attitudes gén. devant les difficultés de la vie]
♦ À vaillant homme, courte épée. ,,La valeur supplée aux armes`` (Ac.).
♦ Son épée est trop courte. ,,Se dit d'un homme qui n'a pas assez de crédit ou assez de force pour réussir dans quelque entreprise`` (Ac.).
♦ Se laisser dire qqc. d'injurieux, l'épée au côté (fam.). ,,Souffrir des propos injurieux sans rien répondre, sans répliquer`` (Ac. 1835, 1878).
2. [Formes du comportement]
♦ Se faire blanc de son épée. ,,Se prévaloir de son courage, de son crédit, etc. pour garantir le succès d'une affaire`` (Ac.).
♦ Mettre, faire passer qqc. du côté de l'épée. ,,Mettre quelque profit, quelque fonds à couvert, en réserve. On le dit plus ordinairement en mauvaise part. Il abandonna ses biens à ses créanciers, mais il mit qqc. du côté de l'épée`` (Ac. 1835, 1878).
3. [Résultats de l'effort]
♦ L'épée use le fourreau. ,,Se dit des personnes en qui une grande activité d'âme ou d'esprit nuit à la santé`` (Ac.).
♦ Il a fait un beau coup d'épée. ,,Se dit ironiquement de quelqu'un qui a fait une sottise remarquable`` (Ac.).
♦ C'est un coup d'épée dans l'eau. C'est un effort inutile :
• 9. — Mais Madame, (...) Monserfeuil n'a aucune espèce de crédit ni de pouvoir avec le nouveau gouvernement. Ce serait un coup d'épée dans l'eau.
PROUST, Guermantes 2, 1921, p. 515.
Rem. On rencontre ds la docum. le comp. épée-baïonnette. Baïonnette à lame quadrangulaire. Le (...) fusil [Lebel] mesure, sans son épée-baïonnette, 1 m 307 de hauteur (LEDIEU, CADIAT, Nouv. matér. nav., 1899, p. 212).
Prononc. et Orth. :[epe]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 880 spede (Eulalie, 22 ds HENRY Chrestomathie, p. 3). Du lat. impérial spatha « battoir; spatule; épée longue ». Fréq. abs. littér. :3 656. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 7 390, b) 6 819; XXe s. : a) 4 127, b) 3 105. Bbg. BEHRENS D. 1923, p. 44. — ROG. 1965, p. 95.
épée [epe] n. f.
ÉTYM. 1636; espee, 1080; spede, v. 880; du lat. spatha « large épée à deux tranchants ».
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1 Arme blanche formée d'une lame aiguë et droite, en acier, emmanchée dans une poignée, généralement munie d'une garde. || L'épée se porte au côté gauche, dans un fourreau suspendu à un baudrier, à un ceinturon. || Bouterolle décorant le fourreau d'une épée. || La poignée et la garde d'une épée. ⇒ Chapeau, coquille, filigrane, fusée; dragonne, pas-d'âne, pommeau (cit. 1), quillon. || Lame d'une épée. ⇒ Alumelle. || Le fort de l'épée : partie de la lame voisine de la garde. || Le faible de l'épée : l'extrémité de la lame. || Le talon, la soie, la gouttière, les deux faces (⇒ Carre, plat), le dos, le fil (⇒ Taille, tranchant), la pointe (⇒ Estoc) d'une lame d'épée. || Lame d'épée qui s'effile en carrelet. ⇒ Colichemarde. — Qui a la forme d'une épée. ⇒ Ensiforme. — Épée bien trempée. || Épée brillante, flamboyante, fulgurante, étincelante. || Fourbir son épée. || Épée courte, épée longue, épée trop longue, qui bat les talons. || Épée à un seul tranchant (⇒ Latte, sabre), à deux tranchants (⇒ Glaive). || Épée de salle d'armes, sans tranchant et mouchetée. ⇒ Fleuret. || Épée écossaise. ⇒ Claymore. || Armes analogues à l'épée, mais à lame courbe. ⇒ Bancal, cimeterre, sabre, yatagan. — Épées anciennes. ⇒ Badelaire, 2. bran, braquemart, brette, 2. briquet, coutelas, espadon, estocade, estramaçon, flambe, flamberge, plommée, rapière, rondelle, spathe. — Le maniement de l'épée. || L'épée dans la main droite. → Plate-forme, cit. 1. || Ceindre, déceindre, dégainer (→ Coutelas, cit. 1), rengainer l'épée. || Mettre la main à l'épée, à la garde de son épée (→ Attitude, cit. 5). || Mettre l'épée à la main. || Brandir l'épée, faire des moulinets avec son épée. || S'élancer l'épée au poing, l'épée nue, l'épée haute, l'épée levée. || Abattre, abaisser son épée. || Faire voler l'épée de l'adversaire. || Assener un coup d'épée. || Porter un coup avec la pointe de l'épée. ⇒ Pointer. || Frapper d'estoc et de taille, avec son épée. || Passer l'épée au travers du corps. || Il lui plongea l'épée dans le corps jusqu'à la garde, il le transperça de son épée (⇒ Pourfendre). || Avoir toujours l'épée à la main. ⇒ Brétailleur, bretteur, ferrailleur, spadassin. || Se battre à l'épée, croiser l'épée. ⇒ Duel. || Coups d'épée. ⇒ Botte, fendant; escrime. — L'éclair, le heurt, le choc, le cliquetis des épées. — Escrime, assaut, poule à l'épée. || Être de première force à l'épée. — Caractère sacré, mystique de l'épée au Moyen Âge. || Le jugement de Dieu par l'épée. ⇒ Duel (judiciaire). || Jurer sur la croix de son épée, se confesser à la croix de son épée (→ Croix, cit. 20). || L'épée dans les chansons de geste et les romans de chevalerie. || Durandal, l'épée de Roland; Joyeuse, épée de Charlemagne; Flamberge, épée de Renaud de Montauban (⇒ Flamberge); Escalibor, épée du roi Arthur. — Adouber le nouveau chevalier en le frappant sur l'épaule du plat de l'épée. || Saluer de l'épée. || Faire passer un preux sous une voûte d'épées. — L'épée, symbole d'honneur, signe de distinction. || Un gentilhomme, l'épée au côté (cit. 4). — Épée de membre de l'Institut, d'académicien. || Offrir à un maréchal, à un académicien une épée d'honneur. || Épée de bois (jouet, au XIXe siècle, comme le sabre de bois).
1 Alors un de ceux qui étaient avec Jésus, portant la main à son épée, la tira, en frappa un des gens du grand prêtre, et lui coupa l'oreille. Mais Jésus lui dit : Remettez l'épée au fourreau, car tous ceux qui se serviront de l'épée périront par l'épée.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, XXVI, 51-52.
2 Va de notre combat l'entretenir (Chimène) pour moi,
De la part du vainqueur lui porter ton épée.
Corneille, le Cid, V, 6.
3 Si je savais qui ce peut être, je lui donnerais en votre présence de l'épée dans le ventre.
Molière, George Dandin, I, 5.
4 Vatel monte à sa chambre, met son épée contre la porte, et se la passe au travers du cœur (…)
Mme de Sévigné, 161, 26 avr. 1671.
5 (…) Va donc chercher une autre épée,
Et tâche, cette fois, qu'elle soit bien trempée.
Hugo, la Légende des siècles, X, « Mariage de Roland ».
6 Leurs déclamations sont comme des épées;
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant;
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Nuit de mai ».
7 Car alors un homme, si grand qu'il soit, est tenu d'être un homme d'armes, de savoir manier l'épée et le poignard pour sa défense (…)
Taine, Philosophie de l'art, t. I, p. 197.
8 Il tire son épée hors de la gaine, et redit en son cœur qu'il veut mourir s'il ne les tue (…) Il pénètre, seul, sous la hutte, l'épée nue, et la brandit (…) Ah ! quel deuil s'il assène ce coup ! Mais il remarqua que leurs bouches ne se touchaient pas et qu'une épée nue séparait leurs corps (…)
J. Bédier, Trad. Tristan et Iseut, IX.
9 Alors il tire son épée. C'était une des bonnes lames du monde (…) et elle avait nom Marmiadoise. Dès qu'elle jaillit hors du fourreau, si grande fut la clarté qu'elle répandait que le pays en fut illuminé, et qu'Artus fit un pas en arrière pour mieux la voir flamboyer.
J. Boulenger, Trad. Romans de la Table ronde, p. 46.
♦ Blason. || Épée haute, qui a la pointe en l'air. || Épée versée, qui a la pointe en bas. || Épée en barre, posée obliquement.
♦ ☑ Loc. Le fil de l'épée, son tranchant; au fig., l'arme blanche. || Passer qqn, des prisonniers au fil de l'épée, les tuer à l'arme blanche.
♦ ☑ Loc. fig. (vx). La pointe de l'épée. || Emporter une affaire à la pointe de l'épée, brillamment et vivement.
♦ Vx. L'épée, symbole du métier des armes. || Il a pris, il a quitté l'épée, le métier des armes (→ La robe, etc.). || D'épée : qui porte une épée, qui fait la guerre (sous l'Ancien Régime). || Noblesse d'épée et noblesse de robe. || Homme d'épée : homme de guerre, militaire.
♦ ☑ Loc. métaphorique. Briser son épée : donner sa démission de l'état de militaire. — ☑ Gagner ses galons, etc., à la pointe de l'épée, de son épée, par son courage au combat.
♦ ☑ Par compar. (vx). Il est brave, vaillant comme une épée. → ci-dessous, 2.
♦ L'épée de (qqn, un pays, etc.), ses capacités militaires (dans des loc. vieillies). || Mettre son épée au service d'un prince, d'un pays. || Les condottieri mettaient leur épée au service d'un prince, d'une république. ☑ Rendre son épée : se rendre au vainqueur, et au fig., s'avouer vaincu. — En parlant d'un État. ☑ Jeter son épée dans la balance : intervenir militairement dans un conflit (→ Balance, cit. 16). ☑ Tirer l'épée : faire la guerre. ☑ Remettre l'épée au fourreau : cesser les hostilités.
♦ L'épée, symbole de la guerre, des combats. || Le droit (cit. 47) de l'épée : le droit du plus fort. || Par l'épée et par le feu : par la force armée. ⇒ Fer, glaive. || Par l'épée et par la charrue. ⇒ Ense et aratro.
♦ ☑ Loc. mod. Mettre à qqn l'épée dans les reins, le harceler, le presser sans répit. ⇒ Éperonner, poursuivre. || Avoir l'épée sur la gorge. ⇒ Couteau.
♦ ☑ Un coup d'épée dans l'eau : une action vaine, un effort inutile.
10 Et ces coups d'épée dans l'eau, ces accès de rage solitaire, ces interminables discussions, ces réunions qui ne débouchent sur rien, où l'on n'a pas pu dire ce qu'il y avait à dire, qui vous reviennent en tête le soir, vous empêchant de dormir et vous recommencez tout depuis le début.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 88-89.
♦ ☑ Vieilli. Épée de chevet. ⇒ Chevet. — Épée (ou arme) à deux tranchants.
♦ ☑ Allus. bibl. (vx). Épée de feu, brandie par les anges, les Chérubins gardant le Paradis terrestre après la faute. || C'est l'ange à l'épée de feu, la personne qui interdit avec force. → Chérubin, cit. 1.
♦ ☑ Mod. Épée de Damoclès : danger qui peut s'abattre sur qqn d'un moment à l'autre (par allus. à l'épée suspendue au-dessus de la tête de Damoclès, attachée à un crin de cheval).
♦ ☑ Allus. évang. (Matthieu, 26.52). Celui qui se sert de l'épée périra par l'épée. → ci-dessus, cit. 1.
2 Personne qui manie (plus ou moins bien) l'épée. || C'est une bonne, une fine, une rude épée. ⇒ Lame.
♦ Argot. Homme courageux, redoutable et loyal. || C'est une épée.
3 Par anal. Techn. Outil, engin long et pointu. || Épée de cordier : coutelas en bois. || Épée de bourrelier : longue alène. || Épée de pêcheur : épieu avec lequel on prend le poisson en le piquant.
4 Zool. || Épée de mer. ⇒ Espadon.
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DÉR. Épéisme, épéiste.
COMP. Canne-épée, épée-baïonnette, porte-épée.
Encyclopédie Universelle. 2012.