tortue [ tɔrty ] n. f.
• v. 1190; lat. pop. °tartaruca (bestia), de °tartarucus, class. tartareus « du Tartare, infernal »
1 ♦ Reptile (chéloniens) à quatre pattes courtes, à corps enfermé dans une carapace, à tête munie d'un bec corné, à marche lente. La carapace et le plastron de la tortue. Écaille de tortue. Tortue géante. Tortues terrestres, d'eau douce, marines. ⇒ caouane, 2. caret, cistude, trionyx. — Fausse tortue ou tortue-luth. — « Le lièvre et la tortue », fable de La Fontaine.
♢ Loc. Marcher d'un pas de tortue, avancer comme une tortue, très lentement (cf. Aller, avancer comme un escargot). « Cette pauvre petite est à m'obéir d'une lenteur de tortue » (Balzac).
2 ♦ (XVIe; par anal. avec la carapace protectrice) Sorte de toit que les soldats romains formaient avec leurs boucliers levés, afin de s'abriter des projectiles des assiégés. — Machine de guerre couverte.
⊗ HOM. Tortu.
● tortue nom féminin (ancien provençal tartuga, du bas latin tartaruca, bête du Tartare, avec l'influence de tordre) Reptile de forme ovale, entouré d'une double carapace osseuse et écailleuse, dont sortent une tête munie d'un bec corné, deux paires de courtes pattes et de nageoires, une très courte queue. (Les tortues constituent l'ordre des chéloniens.) Familier. Personne très lente. Abri que formaient les soldats romains en joignant leurs boucliers au-dessus de leurs têtes pour se garantir des projectiles. ● tortue (citations) nom féminin (ancien provençal tartuga, du bas latin tartaruca, bête du Tartare, avec l'influence de tordre) Paul Valéry Sète 1871-Paris 1945 Ah ! le soleil… Quelle ombre de tortue Pour l'âme, Achille immobile à grands pas ! Charmes, le Cimetière marin Gallimard Edgar Allan Poe Boston 1809-Baltimore 1849 Parce que la tortue a le pied sûr, est-ce une raison pour couper les ailes de l'aigle ? But, because the tortoise is sure of foot, for this reason must we clip the wings of the eagle ? Eureka ● tortue (homonymes) nom féminin (ancien provençal tartuga, du bas latin tartaruca, bête du Tartare, avec l'influence de tordre) tortu adjectif ● tortu, tortue adjectif (ancien français tort, tordu) Littéraire Qui n'est pas droit ; difforme : Des jambes tortues. Qui est retors, sans franchise : Un esprit tortu. ● tortu, tortue (homonymes) adjectif (ancien français tort, tordu) Littéraire tortue nom féminin ● tortu, tortue (synonymes) adjectif (ancien français tort, tordu) Littéraire Qui n'est pas droit ; difforme
Synonymes :
- arqué
- bancal
- brancroche (vieux)
- tordu
- tors (vieux)
Qui est retors, sans franchise
Synonymes :
- faux
- fourbe
- retors
- roublard (familier)
- tortueux
tortue
(île de la) île située au N.-O. d'Haïti, dont la sépare le canal de la Tortue; 15 000 hab.
— Dès le XVIe s., des boucaniers et flibustiers vinrent y séjourner de façon intermittente. Au XVIIe s., ils en firent une base pour s'infiltrer dans l'île Hispaniola (auj. île d'Haïti), dont ils colonisèrent la partie occid. (qui constitue la rép. d'Haïti actuelle).
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tortue
n. f. Reptile tétrapode archaïque caractérisé par une carapace dorsale et ventrale, et par la lenteur de sa marche. (V. chéloniens.)
|| Fig. C'est une tortue: il est très lent.
|| (Afr. subsah.) Personnage des contes animaliers caractérisé par sa prudence et un certain manque d'honnêteté.
Encycl. Les tortues terrestres ont une carapace plus ou moins bombée. Elles marchent très lentement. Certaines espèces peuvent peser jusqu'à 500 kg et vivre 160 ans. Les tortues d'eau douce, généralement petites, ont une carapace moins bombée. Les espèces marines, peu nombreuses, ont une carapace peu bombée et atteignent une grande taille; leurs membres se sont transformés en nageoires; elles viennent pondre sur les plages des pays tropicaux. Citons le caret, la tortue à écailles et la tortue verte, encore appelée tortue franche. La tortue-luth, qui peut dépasser 2 m de longueur, est la plus grande; sa carapace ne présente pas de grandes écailles comme celle des autres espèces.
⇒TORTUE, subst. fém.
A. — ZOOLOGIE
1. Ordre de la classe des reptiles comprenant plus de deux cents espèces connues, de taille variable, de mœurs terrestres ou aquatiques. Synon. chéloniens. La tortue n'a pas de dents du tout. La tortue est comme les oiseaux: elle a un bec (GIDE, Si le grain, 1924, p. 403). Le corps des Tortues, large et court, est enveloppé dans une armure protectrice qui comprend une partie dorsale (...) et une partie ventrale, le plastron; l'ensemble constitue la carapace (Encyclop. Sc. Techn. t. 3 1970, p. 142).
2. En partic. [Suivi d'un adj. ou d'un compl. déterm.] Espèce particulière de Chéloniens appartenant à un sous-ordre et à une famille déterminée.
a) [Sous-ordre des Pleurodères] Tortues généralement aquatiques, à tête se repliant latéralement. Tortue d'eau douce, de Madagascar; tortue arrau d'Amazonie; tortue à tête plate. Certains [Pélomédusidés] peuvent atteindre une assez grande taille, telle la Tortue arrau (...) des bassins de l'Amazone et de Orénoque, qui mesure 80 cm de long (Encyclop. Sc. Techn. t. 3 1970, p. 144).
b) [Sous-ordre des Cryptodères] Tortues à cou de serpent comprenant la majorité des Chéloniens.
♦ Tortue de Temminck ou tortue alligator. Grande tortue aquatique vorace à tête volumineuse, à queue allongée et carapace cornée. La tortue de Temminck ne chasse pas, mais attire ses victimes pour les dévorer. Sa carapace, marquée de longues crêtes, ressemble au lit d'un cours d'eau (Encyclop. du monde animal, Paris, Marabout, t. 4, 1984, p. 176).
♦ Tortue bourbeuse. Tortue d'eau douce (marais de l'Amérique tropicale) à pieds palmés, et dont la carapace couvre à peine la moitié du corps. Dans la tortue bourbeuse, la première rangée est d'un seul os qui sépare le radius du cubitus (CUVIER, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 315).
♦ Tortue géante ou éléphantine. Tortue du genre Testude généralement marine, se caractérisant par sa grande taille (2 m et plus) et son poids élevé (700 kgs et plus) dont les espèces les plus connues sont le caret ou caouanne et la tortue imbriquée (recherchée pour ses écailles). À partir de 1680, l'archipel est le repaire des boucaniers et des pirates. Les chasseurs de phoques et les baleiniers leur succèdent pour se ravitailler en viande fraîche — celle des tortues éléphantines (Les Lettres fr., 22 nov. 1967, p. 13, col. 4):
• Encore six kilomètres jusqu'aux tortues géantes. Il y a à peine une vingtaine d'années, on rencontrait encore fréquemment ces chéloniens en lisière de forêt. Des hécatombes de tortues, pour l'huile et pour leur chair, ont réduit à quelques centaines l'effectif total des tortues des Galapagos.
Chr. ZUBER, Galapagos, 1971, p. 130.
♦ Tortue franche ou tortue verte. Grande tortue marine herbivore à carapace brun vert et jaune, aux pattes en forme de nageoires, estimée en cuisine. La main de la tortue franche est applatie, alongée, en forme de nageoire, terminée en pointe (CUVIER, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 316). V. chélonée ex.
♦ Tortue(-)luth. V. luth C.
♦ Tortue terrestre. Espèce végétarienne vivant sur terre à laquelle appartiennent la tortue grecque et, en France, la Tortue d'Hermann. La testudo gigas est la plus grande tortue terrestre. On l'a trouvée à Bournoncle-Saint-Pierre, dans la Haute-Loire (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p. 125). Sept cents tortues d'Hermann, une espèce en voie de disparition qui ne vit que dans les massifs des Maures, cherchent désespérément un parrain ou une marraine (L'Est Républicain, Magazine dimanche, 15 nov. 1987).
Rem. Les tortues proprement dites sont un genre de tortues d'eau de la famille des Testudinés, comprenant notamment la Tortue peinte, la tortue diamant, l'émyde, la cistude d'Europe, la Tortue-boîte d'Amérique. Cistude d'Europe (...) appelée aussi Tortue jaune, Tortue bourbeuse (COUPIN, Animaux de nos pays, 1909, p. 160).
3. Cour. Reptile chélonien généralement différencié par son mode de vie, sa couleur, sa taille, ses mœurs. Une cuistre de province, à qui le hasard a laissé tomber une couronne sur la tête, comme l'aigle d'Eschyle sa tortue (MUSSET, Fantasio, 1834, II, 7, p. 230). Connais-tu la grande mode? On vend de petites tortues vivantes, grandes comme quarante sous d'argent, et qui portent des pierres fines et des ors sur le dos. Une chaîne d'or très fine les attelle aux cous des femmes sur les seins desquelles elles errent (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1898, p. 312).
SYNT. Tortue aquatique, marine; tortue d'eau, de mer, de terre; tortue noire, verte; énorme, grande, grosse tortue; petite tortue; carapace de tortue; dos, écaille, œufs de tortue; pas, tête de tortue.
— [Dans des compar. ou des expr. faisant réf. à]
♦ [l'aspect physique de la tortue] Avoir un cou, des paupières de tortue. Le vieux connétable, avec sa tête de tortue et ses soixante dix-sept ans (DRUON, Louve Fr., 1959, p. 217).
♦ [la position inconfortable de la tortue retournée sur le dos] Le gros homme (...) se démenait comme une tortue retournée en poussant des gloussements inarticulés (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 38).
♦ [la faculté de rétraction de la tortue (ou l'inverse)] Juste à ce moment surgit, comme la tête d'une tortue qui s'allonge hors de sa carapace, la figure d'une vieille femme étonnée (BARRÈS, Cahiers, t. 9, 1912, p. 392).
♦ [la lenteur de la tortue] Marcher comme une tortue; marcher à pas de tortue; être lent comme une tortue. Mon imprimeur va comme une tortue, et peut tout faire manquer (CONSTANT, Journaux, 1813, p. 395). Il y a enfin les paresseux: le matin, ils arrivent avec une lenteur de tortue; le soir, ils s'échappent avec l'agilité du lièvre (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 103).
♦ [l'hibernation de la tortue] Faire la tortue. Jeûner. J'ai fait la tortue quelquefois pendant deux jours, et plus souvent qu'à mon tour (SUE, Myst. Paris, t. 1, 1842, p. 86).
4. Spécialement
a) ART CULIN. Préparation faite à base de chair ou de graisse de tortue. Potage à la tortue; bouillon de tortue. Cela commence avec la soupe à la tortue, avec de vrais morceaux de tortue, puis des truffes, des faisans montés, des asperges (GONCOURT, Journal, 1863, p. 1352). La haute société américaine (...) donneuse de grandes réceptions (...) avec laquais poudrés, d'immenses dîners avec du caviar gris et de la tortue verte, comme on en voyait en Europe avant la guerre (MORAND, New-York, 1930, p. 221).
♦ Sauce (à la) tortue. Sauce financière qui accompagnait un plat de tortue cuisinée. La sauce tortue était, pour Carême, une réduction de madère avec maigre de jambon (...) piment, cayenne, échalote, à laquelle il ajoutait (...) de la sauce tomate (Ac. Gastr. 1962).
— En tortue, loc. adv.
♦ Tête de veau en tortue. Tête de veau servie accompagnée d'une sauce tortue à laquelle on a ajouté différents ingrédients (quenelles, olives, champignons, etc.). Je vous servirai, comme poisson (...) une belle tête de veau en tortue (LABICHE, Noces Bouchencœur, 1857, I, 2, p 140).
♦ Vieilli. Mode de dressage d'un plat. Le dressage en tortue, très décoratif, appartient surtout à la cuisine ancienne (Ac. Gastr. 1962).
b) COMM., ARTIS. Carapace, écailles de tortue. Carapace, écailles de tortue utilisées à des fins commerciales et pour la fabrication de certains objets. Peigne en écaille de tortue. À notre commerce et à nos manufactures, le coton, l'indigo, les pelleteries, l'écaille de tortue, la cochenille (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 299). Berceau d'Henri IV, en écailles de tortue (MICHELET, Journal, 1835, p. 188).
c) MYTH., SYMB. [La tortue étant médiatrice entre le Ciel et la Terre et jouant un rôle dans la divination du fait de sa carapace arrondie qui l'associe au symbolisme du dôme; symbole de la longévité, de la sagesse (d'apr. Symboles 1969)] La variété de tes broderies représente celle de ses productions et le dessin de tes lignes le mystère de la tortue divinatoire (CLAUDEL, Repos 7e jour, 1901, III, p. 853).
B. — P. anal.
1. a) Personne lente dans sa démarche, ses gestes ou ses facultés de compréhension. Ah! voici enfin cette petite tortue de Chilina (MÉRIMÉE, Colomba, 1840, p. 140). Thérèse, vous étiez une pie, vous devenez une tortue! Venez donner de l'eau à ces violettes de Parme! (A. FRANCE, Bonnard, 1881, p. 336).
b) Arg. ou pop. Femme, amie, maîtresse. Eh bien! et la tortue, qu'est-ce que tu en fais? — Je leur réponds: c'est un autre qui la soigne! (HUYSMANS, Sœurs Vatard, 1879, p. 124).
— Péj. Femme de mauvaise vie, drôlesse. Au lieu de te marier avec cette tortue là (MUSETTE, Divorce Cagayous, 1906, p. 44).
c) [Terme d'injure] — Ferme ça, fils de tortue, si tu ne veux pas recevoir ma main sur la gueule (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 387).
2. Spécialement
a) HIST. ROMAINE (TECHN. MILIT.)
) Technique offensive qui consistait pour les soldats à se regrouper en rangs serrés, en faisant un rempart de leurs boucliers, ceux placés au centre de la formation les levant au-dessus de leur tête, de façon à simuler une carapace de tortue. Ulysse et (...) les guerriers qui l'entourent imaginent de marcher en masse et de s'avancer vers la porte de la ville la plus rapprochée des vaisseaux, en faisant la tortue au-dessus de leurs têtes avec leurs boucliers (SAINTE-BEUVE, Virgile, 1857, p. 139). Rome avait fait marcher les lourds légionnaires et le lourd bouclier et le glaive pour lui, et la lourde tortue. Et les durs mercenaires devant Rome et César et le glaive avaient fui (PÉGUY, Ève, 1913, p. 852).
) Machine de guerre montée sur roues à peu près semblable à un bélier. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) ENTOMOL. Vanesse grande, petite tortue.
c) INFORMAT., ROBOT.
— Curseur graphique se déplaçant sur un écran en y laissant une trace. La Tortue est le symbole graphique utilisé dans le langage LOGO (VIRG. Micro-informat. 1984).
— Tortue (logo). Robot piloté par micro-ordinateur et permettant aux enfants des écoles de s'initier à l'informatique. La tortue est un robot, piloté par le langage Logo, qui se déplace par terre. Pour la manipuler il suffit d'introduire des cartes (représentant des ordres) dans un boîtier, alors la tortue se déplace et peut laisser des traces de son passage (Éduc. et informat., janv.-févr. 1985, p. 41).
d) MAR. ,,Embarcation dont le pont est relevé de manière à former une sorte de toit`` (BONN.-PARIS 1859).
e) VANN. ,,Grande corbeille au couvercle bombé servant au transport des fruits`` (GDEL).
f) ZOOTECHNIE. [Chez les chats, gén. les femelles, p. anal. avec la couleur et le dessin de la carapace de certaines tortues] Écaille de tortue. Type de robe tricolore comprenant du noir, du blanc et du jaune. Cette merveilleuse variété connue en Angleterre, sous le nom d'écaille de tortue qui réunit, dans un agréable mélange de taches distinctement coloriées, le noir, le blanc et le jaune (La Vie au grand air, 15 nov. 1898, p. 187a ds QUEM. DDL t. 17, p. 85).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. et homogr. tortu, -ue. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. a) Ca 1190 « reptile chélonien à quatre pattes courtes, au corps enfermé dans une carapace sous laquelle la tête peut rentrer » tortues et scarpanz (Floovant, éd. S. Andolf, 1303); b) 1690 potager de tortuës (FUR.); 1825 soupe à la tortue (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, p. 319); 2. 1648 marcher comme une tortue « marcher très lentement » (SCARRON, Virgile travesti, éd. V. Fournel, livre II, 119b); d'où 1796 « personne très lente » (J. DE MAISTRE, Corresp., p. 92); cf. 1866 (HUGO, Corresp., p. 181: c'est une tortue [l'Académie] qui a des coups de foudre); 3. 1867 [1re éd.] « monnaie grecque sur laquelle était gravée une tortue » (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, p. 500). II. 1. 1575 « machine de guerre à l'abri de laquelle on s'approchait des remparts d'une ville assiégée » (PARÉ, Préface sur le livre des playes faites par harquebuses ds Œuvres compl., t. 2, p. 123); 2. 1606 « carapace que l'on fait en marchant en tenant des boucliers au-dessus de la tête » (NICOT). De l'a. prov. tartuga « tortue », XIVe s. [ms.] bec de tartuga (MARCABRU, Poésies, éd. J. M. L. Dejeanne, p. 85); tortuga, XIVe s. (Eluc. de las propr., fol. 57 et 261 ds RAYN. ) qui remonte tout comme l'ital. et le port. tartaruga, à un lat. , fém. de l'adj. b. lat. tartaruchus « de l'enfer, du Tartare » (BLAISE Lar. chrét.) (du b. gr. « id. » ds LIDDEL-SCOTT) dans des expr. comme bestia tartaruca ou même testudo tartaruca, la tortue symbolisant les hérétiques, et, dans les représentations figurées l'esprit des ténèbres, du mal en lutte avec le coq, symbole de l'esprit de la lumière et du bien. Tartaruga est devenu tortuga p. dissim. des deux syll. identiques, et sous l'infl. de tort « tordu » (v. tort), les tortues ayant les pattes tordues, la voy. -o- s'est substituée à -a-; le lat. class. survit dans l'ital. testuggine (avec substitution de suff.). Cf. BL.-W.1-5. Fréq. abs. littér.:518. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 081, b) 587; XXe s.: a) 685, b) 557. Bbg. KEMNA 1901, p. 71.
tortue [tɔʀty] n. f.
ÉTYM. V. 1190; provençal tartuga, du lat. pop. tartaruca, fém. de l'adj. bas lat. tartarucus, lat. class. tartareus « qui appartient au Tartare, à l'enfer »; le passage de tar- à tor- s'explique par l'infl. de la famille de tordre (tortu, adjectif).
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1 Animal (reptile) amphibie (→ Bièvre, cit.), à quatre pattes courtes, au corps enfermé dans une carapace (cit. 3) sous laquelle la tête peut rentrer (ordre des chéloniens, genre testudo). || La carapace des tortues est bombée sur le dessus et formée de plaques cornées (⇒ Écaille, B.), soudée aux vertèbres et à la face ventrale (⇒ Plastron). || Bec corné des tortues. || Tortues terrestres : tortue grecque, tortue mauritanique, tortue d'Amérique du Sud, qu'on peut apprivoiser dans les jardins. || Tortue géante ou éléphantine. || Tortues fluviales, ou d'eau douce (⇒ Cistude, émyde, trionyx). — Tortue franche. || Tortue verte. || Tortues marines. ⇒ Caouane, caret. — Bouillon, potage, soupe de tortue, avec les nageoires de la tortue aquatique. || Œufs de tortue marine (→ Prestigieux, cit. 1). || Tortue qui territ. — Le lièvre et la tortue, fable de La Fontaine (→ Reste, cit. 5). || La Tortue fantaisie, de Lewis Carrol.
1 On la trouve principalement (…) dans le groupe d'îles appelées les Galapagos, qui, dans le fait, tirent leur nom de l'animal, — le mot espagnol galapago signifiant tortue d'eau douce. Sa forme particulière et son allure lui font donner quelquefois le nom de tortue-éléphant. On en trouve souvent qui sont d'une grosseur énorme… Leur démarche est très lente, mesurée, lourde, le corps s'élevant à peu près à un pied du sol. Le cou est long et excessivement grêle (…) La tête a une ressemblance frappante avec celle du serpent.
Baudelaire, Trad. E. Poe, les Aventures d'A. Gordon Pym, XII.
1.1 Dans l'archipel des Galapagos, il existe de grandes Tortues, qui appartiennent à des espèces différentes suivant l'île qu'elles habitent : chaque île, pour ainsi dire, a sa Tortue. N'était-il pas clair (…) que tout ce groupe d'animaux avait une commune origine, et que la différenciation de chaque espèce avait suivi son isolement dans l'île ?
Jean Rostand, Esquisse d'une histoire de la biologie, p. 147.
N. B. L'emploi de la majuscule correspond aux habitudes du langage zoologique.
♦ Par ext. Chélonien d'un autre genre que les vraies tortues. || Fausse tortue. || Tortue luth, à carapace sans plaques et non soudée au corps. ⇒ Luth (II.).
➪ tableau Noms de reptiles non fossiles.
♦ ☑ (1680). Par compar. Marcher d'un pas de tortue, avancer comme une tortue, très lentement. ⇒ Lent. || Lenteur (cit. 3 et 7) de tortue. Fig. || Quelle tortue, une vraie tortue !, se dit d'une personne très lente. — Un cou de tortue, ridé et à peau flasque.
1.2 Samedi 22 novembre. — Très peu de vent, je marche comme une tortue; à ce train-là, il me faudra au moins huit jours encore.
A. Bombard, Naufragé volontaire, p. 215.
2 La femme était petite, âgée, et deux pendeloques d'or tombaient des oreilles sur son cou de tortue.
Martin du Gard, les Thibault, t. I, p. 109.
2 (1680). Par anal. avec la carapace protectrice. Sorte de toit que les soldats romains formaient avec leurs boucliers levés, afin de s'abriter des jets des assiégés. ⇒ Synaspisme. — Formation d'animaux (oiseaux, notamment) serrés pour se protéger. || « Durant cette longue période d'incubation dans de sévères conditions, les Manchots empereurs sont serrés les uns contre les autres en formations denses d'environ dix oiseaux au mètre carré, formations appelées tortues par analogie avec celles des soldats romains se regroupant avec leurs boucliers. Ces tortues peuvent se former non seulement parce qu'il n'y a pas de nid chez le Manchot empereur mais aussi parce qu'il n'y a pas de territoire » (le Courrier du C. N. R. S., mars 1983, p. 16).
♦ Mar. Abri en bois protégeant l'homme de barre.
3 Quand le soleil déclinait à l'avant du bateau, ils allaient s'asseoir (…) près de la tortue (…) On y voit se former la route mélancolique de l'hélice, ce bouillonnement marbré qui est déjà le passé d'un navire.
Albert T'Serstevens, l'Or du « Cristobal », p. 168.
♦ (1858). Techn., vx. Forme plate où l'on plaçait les caractères d'imprimerie.
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HOM. Tortu.
Encyclopédie Universelle. 2012.