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FASCISME
FASCISME

Pris dans son sens littéral, le terme de fascisme désigne le mouvement fondé en Italie en 1919 et le système politique érigé en 1922 après la prise du pouvoir par le chef de ce mouvement, Benito Mussolini. Il s’applique par extension à divers partis, mouvements et organisations dont l’action s’est développée dans la quasi-totalité des pays européens entre la fin de la Première Guerre mondiale et la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le souvenir laissé dans les esprits par le nazisme allemand et le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale ont paradoxalement masqué certains des aspects les plus troublants du fascisme. On se contente d’y voir le plus souvent le reflet d’une mentalité très particularisée, voire d’une aberration, que l’on oppose par commodité à la volonté qu’ont ailleurs les hommes de défendre la démocratie ou les conquêtes du socialisme.

C’est oublier notamment que le fascisme, tel qu’il s’est exprimé dans plusieurs pays, témoignait au fond de bien des traits communs aux régimes et aux idéologies qui le dénonçaient: nationalisme, militarisme, culte du travail, obsession des records de production économique, souci affiché de promouvoir les réalisations «sociales», politique nataliste, volonté de «former» la jeunesse, superstition de la collectivité symbolisée par des manifestations de masse, domination d’un parti unique, admiration inconditionnelle vouée au chef national, etc. À la lumière de telles constatations, on comprend qu’une certaine forme de fascisme ait pu survivre aux régimes qui s’en sont officiellement réclamés. Le fascisme apparaît dès lors comme un phénomène beaucoup plus général qu’il n’y semble à première vue: il est même permis de penser qu’il représente une des tendances profondes de la civilisation du XXe siècle.

1. Principes d’action

On ne peut se faire une idée précise de ce qu’est réellement le fascisme sans rechercher les caractéristiques communes aux différents mouvements qu’il a animés. Cette analyse permet de constater la répétition des mêmes phénomènes à divers niveaux: conception, politique générale, organisation, éthique.

La pensée politique

Les doctrines fascistes se définissent par le rejet des principes du libéralisme traditionnel, par la condamnation des institutions et des usages de la démocratie parlementaire et par la remise en cause des valeurs de l’individualisme tel que l’avait codifié, autour de la notion de droits naturels, la pensée philosophique du XVIIIe siècle. Le fascisme apparaît ainsi comme un refus systématique de l’ordre politique, économique et social qui s’était progressivement instauré, au cours du XIXe siècle, dans la plupart des sociétés occidentales et dont le parlementarisme, le multipartisme, la garantie des droits et des libertés individuelles, la pratique du «laisser faire, laisser passer» constituaient les caractères essentiels. Refusant avec la même violence les principes du socialisme d’inspiration marxiste, le système de pensée fasciste s’organise positivement autour de l’affirmation de certains thèmes: exaltation, et souvent sacralisation de la valeur nationale considérée comme la valeur suprême dans l’ordre politique (il s’agit à la fois de renforcer à l’intérieur l’unité et la cohésion de la nation et de développer à l’extérieur sa grandeur et sa puissance); volonté d’instaurer un État fort, faisant prévaloir son autorité sur les droits et sur les libertés des personnes; affirmation de la nécessité d’un nouvel ordre social intégrant plus étroitement l’individu à la collectivité et mettant notamment fin aux «aliénations» de la condition prolétarienne (c’est dans ce sens que les divers mouvements fascistes se prétendent socialistes et proclament leur volonté d’associer l’affirmation de ce socialisme à celle de leur nationalisme); culte du chef, de l’homme providentiel, du sauveur, incarnation de la collectivité tout entière et ayant pour mission de guider son destin (c’est ce qu’il est convenu de désigner du terme allemand de Führerprinzip ).

Les structures d’organisation

Les mouvements fascistes présentent des caractères originaux, nettement différenciés par rapport aux partis politiques traditionnels liés au fonctionnement normal des régimes de démocratie parlementaire.

Il s’agit de partis fortement centralisés, dotés d’une structure très hiérarchisée et où toute l’autorité, toutes les responsabilités émanent d’un chef unique. Ce sont aussi des partis militarisés, non seulement parce qu’ils sont soumis à une stricte discipline, mais bien parce qu’ils présentent tous les caractères extérieurs de l’institution militaire. L’uniforme, les symboles (drapeau, insignes), le rituel (salut, défilé) font des partis fascistes de véritables armées combattant, à l’intérieur de la société civile, au service d’une idéologie politique. Dans ces perspectives, l’usage de la violence est considéré comme un moyen normal de l’action politique.

Les mouvements fascistes sont enfin et surtout «monopolistiques», dans la mesure où ils entendent, à plus ou moins longue échéance, se réserver le monopole de l’activité politique. Tout parti fasciste est animé de la volonté de conquérir l’État et de le façonner à son image; par conséquent, de faire en sorte que son idéologie devienne l’idéologie de l’État et par là même celle de la collectivité tout entière. Totalitarisme et fascisme paraissent à ce titre difficilement dissociables.

Éthique et sensibilité

Le fascisme ne vise pas seulement à instaurer un nouvel ordre politique et social; il vise aussi à modeler, à créer un nouveau type d’homme. Aussi tend-il à exalter un certain nombre de valeurs affectives et morales.

Le fascisme célèbre d’abord les valeurs de l’héroïsme guerrier, la discipline, l’obéissance, l’abnégation; mais il glorifie aussi la volonté de lutte, l’énergie, et la force, les vertus de fidélité, de camaraderie et de solidarité qui sont celles du combattant. Les hommes qu’il entend façonner doivent renoncer aux joies paisibles de l’existence, et à la poursuite du bonheur individuel; ils devront être prêts à la lutte et au sacrifice, durs, musclés, tendus. «Croire, obéir, combattre», telle est la devise que Mussolini propose aux jeunes fascistes italiens.

La jeunesse est également exaltée par le fascisme, comme un absolu et comme un bien en soi. Son culte ne cesse d’être entretenu par l’image et par le chant. Face à un vieux monde que l’on représente comme usé et sclérosé, la jeunesse apparaît comme le symbole du renouveau, de l’énergie créatrice et de la toute-puissance des forces de vie.

La littérature et la propagande fascistes évoquent enfin en permanence le thème de l’histoire, non seulement comme référence essentielle des principes nationalistes, mais aussi comme force de mouvement, de changement, de rupture. Le fascisme se veut et se dit dans le «sens de l’histoire». Il se réclame de la «révolution du XXe siècle», il affirme son souci de modernité et se présente à la fois comme conforme aux nécessités profondes de son temps et comme porteur des forces de l’avenir. Par là il recueille et continue une grande partie de l’héritage du messianisme révolutionnaire légué par le socialisme européen du XIXe siècle.

Il faut toutefois noter qu’en dehors de ces caractéristiques communes les très nombreux mouvements représentatifs du fascisme peuvent offrir à l’analyse historique diverses variantes d’importance non négligeable. Sur le plan idéologique, par exemple, le racisme constitue un facteur essentiel de différenciation: absent de la formulation doctrinale de certains fascismes, il se trouve chez d’autres au centre même de leur système de pensée et d’action.

2. Unité et diversité

Premier en date à se définir, le fascisme italien constitue un modèle de base auquel l’analyse historique ne peut manquer de se référer. Créés à Milan le 23 mars 1919, les Fasci italiani di combattimento (Faisceaux italiens de combat) réunissent, sous l’égide de Benito Mussolini, des petits groupes d’anciens combattants et d’anciens militants du syndicalisme révolutionnaire. La prise du pouvoir par les fascistes, le 30 octobre 1922, conduit cependant à l’élaboration progressive d’une idéologie et d’un système politique d’un caractère entièrement original.

Au centre du système fasciste se trouve l’affirmation de la toute-puissance de l’État: «Tout dans l’État, rien contre l’État, rien en dehors de l’État», proclame Mussolini. Sur le plan des institutions, la doctrine de la toute-puissance de l’État conduit à la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, le Duce (le chef, le guide). Pour ce qui est de l’organisation sociale, le parti encadre, contrôle et dirige toute la vie de la collectivité. «Je prends, dit Mussolini, l’homme au berceau et je ne le rends au pape qu’après sa mort.» La jeunesse, notamment, est embrigadée dans des formations de caractère paramilitaire, élevée dans le culte du chef et dans celui de la grandeur de la nation. Le fascisme cherche aussi à imposer ses vues dans le domaine économique: il entend dépasser la lutte des classes en créant les cadres d’un régime corporatif où salariés et employeurs doivent se trouver réunis à l’intérieur d’une même organisation professionnelle. Le fascisme affirme enfin sa volonté d’apporter au peuple italien une «foi» nouvelle; il s’agit d’«une conception générale de la vie» où la première place est accordée aux vertus de sacrifice, de dévouement et de combat. Tels sont les principes proposés aux jeunes Italiens et qui doivent leur permettre de fonder autour de la «nouvelle Rome» un puissant empire.

L’essentiel de ces traits se retrouve dans le national-socialisme allemand, avec cependant une différence capitale: Hitler accorde une importance fondamentale, non pas à la notion d’État, mais à celle d’une «communauté raciale» reposant sur la pureté du sang aryen et sur l’élimination de ses éléments corrupteurs (dont le principal est le «juif»).

Les innombrables mouvements, plus ou moins inspirés de l’exemple mussolinien, qui se développent, surtout après 1930, dans tous les pays européens s’inscrivent dans la même perspective. Il convient de citer la Phalange espagnole de José Antonio Primo de Rivera, le rexisme belge de Léon Degrelle, les Gardes de fer du Roumain Codréanu, le Mouvement britannique d’Oswald Mosley, etc. En France même, le fascisme se trouve représenté par quelques «ligues» comme le Francisme ou la Solidarité française; il s’étend, d’autre part, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, dans certains milieux intellectuels, dont Robert Brasillach et Drieu La Rochelle constituent les meilleurs interprètes.

La multiplicité des mouvements fascistes apparus en Europe entre 1919 et 1939, si elle donne la mesure de l’ampleur du phénomène, permet toutefois d’y déceler quelques nuances. À cet égard, un certain nombre de critères de différenciation peuvent être établis, à partir desquels il est possible de dresser une typologie des différents fascismes.

Il faut d’abord tenir compte du contexte historique. Les mouvements fascistes apparaissent dans des pays différents, à des dates différentes et dans des circonstances différentes. Ils portent donc tout naturellement la marque des traditions politiques et idéologiques des pays dans lesquels ils se développent. Beaucoup d’observateurs contemporains ont insisté sur le caractère spécifiquement italien du fascisme mussolinien; d’autres sur les sources spécifiquement germaniques du national-socialisme allemand. Ces mouvements ne peuvent manquer, d’autre part, d’être influencés par les problèmes particuliers du temps et de la société dans lesquels leur idéologie s’est trouvée élaborée.

Le contenu doctrinal peut également varier. Des facteurs essentiels comme le racisme et l’antisémitisme ne se retrouvent pas au même titre dans tous les fascismes européens; d’autre part, les divers mouvements n’ont pas toujours la même attitude à l’égard des droits de la personne humaine ou des problèmes religieux. Si le national-socialisme allemand, par exemple, se montre violemment hostile aux Églises chrétiennes, ce n’est le cas ni du phalangisme espagnol, ni des Gardes de fer roumains.

Les composantes sociales des mouvements fascistes peuvent aussi présenter d’importantes divergences. Le pourcentage respectif des éléments bourgeois, ouvriers et paysans varie selon les dates et selon les pays. La prédominance agraire est sensible dans le fascisme roumain, alors que le fascisme norvégien présente une importante base ouvrière.

Enfin, le degré de contestation révolutionnaire à l’égard de l’ordre établi n’est pas toujours le même: certains mouvements fascistes peuvent se trouver en opposition violente avec les partis conservateurs; d’autres, au contraire, se présentent comme des défenseurs de l’ordre social traditionnel et associent leur action à celle des forces conservatrices anciennes. Le fascisme italien lui-même, très proche, dans les premiers mois de son existence, de l’idéologie du syndicalisme révolutionnaire, apparaît ensuite comme le garant de l’ordre social menacé.

3. Essais d’interprétation

Au-delà de la variété de ses aspects, si on le considère dans son unité et dans sa plus grande généralité, le phénomène fasciste peut faire l’objet de plusieurs types de jugements.

Pour les historiens des idées politiques, le fascisme constitue la synthèse de divers courants de pensée et de sensibilité issus du contexte intellectuel et moral des dernières années du XIXe siècle et des premières années du XXe siècle: nationalisme, anti-individualisme, antilibéralisme, antirationalisme et anti-intellectualisme. Il se rattacherait donc directement au grand mouvement de remise en cause qui a profondément bouleversé la conscience européenne dans les années qui ont précédé la Première Guerre mondiale. Les philosophies de l’intuition et de l’action, l’exaltation du sens tragique de la vie, les traditions d’un certain type de socialisme révolutionnaire, les doctrines du nationalisme et les systèmes de pensée antidémocratiques se seraient rencontrés et mêlés pour en préparer l’avènement.

Se plaçant sur un plan différent, d’autres auteurs voient dans le développement des mouvements fascistes une conséquence immédiate de la violence des crises qui ont ébranlé les structures sociales des pays européens à la suite de la Première Guerre mondiale, puis de la grande dépression économique de 1929. L’accent est mis sur les catégories sociales qui ont fourni aux diverses organisations fascistes les plus nombreux de leurs militants ou de leurs sympathisants: anciens combattants mal réintégrés dans la vie civile, jeunes générations en opposition avec l’ordre instauré par des aînés contestés, enfin et surtout les éléments de la moyenne et de la petite bourgeoisie (rentiers, employés, commerçants, artisans) qui se sentent menacés de prolétarisation par l’évolution économique ou la dépréciation monétaire. Le fascisme correspondrait ainsi à un éclatement des cadres sociaux traditionnels.

L’explication fournie par les analyses se réclamant des principes du matérialisme historique se veut plus précise: le fascisme serait essentiellement lié à l’action du grand capital (plus spécialement des milieux de l’industrie lourde) menacé à la fois par le progrès du socialisme et par l’amenuisement des profits. L’appui du grand capital serait ainsi à l’origine de tout mouvement fasciste, et c’est aux grands monopoles industriels, à l’accroissement de leur puissance de concentration et à l’augmentation de leurs surprofits qu’aurait d’abord servi la politique des fascismes au pouvoir. Cette interprétation est généralement partagée par les auteurs qui, sur le plan politique, définissent le fascisme comme un mouvement spécifiquement réactionnaire, permettant aux forces conservatrices de reprendre ou de conserver un pouvoir en passe de leur échapper.

À cette version s’oppose celle qu’ont parfois présentée certains ouvrages d’inspiration plus ou moins favorable au fascisme. Celui-ci s’expliquerait fondamentalement par une fonction de salut public. Les régimes de démocratie parlementaire s’étant montrés incapables de faire face à certaines menaces d’une particulière gravité, le fascisme aurait tendu à répondre à ces menaces par l’établissement d’un système dictatorial et militaire, inspiré des formes prises par le pouvoir au cours de la Première Guerre mondiale: la mobilisation de tous est opérée au profit d’un grand dessein collectif.

Il convient enfin de signaler l’interprétation d’ordre psychologique développée par quelques auteurs. Le fascisme correspondrait à la peur de la liberté qu’éprouverait tout individu isolé, ayant perdu l’appui des autorités traditionnelles qui l’enserraient et le protégaient (famille, Église, ordres professionnels, etc.). Au désarroi entraîné par un total abandon à soi-même, le fascisme viendrait apporter une compensation: la communauté et la solidarité retrouvées, aux dépens de la conscience individuelle, dans la participation à un grand mouvement collectif. Par là, le fascisme ne serait qu’un des aspects d’un phénomène plus général: le phénomène totalitaire.

fascisme [ faʃism; fasism ] n. m.
• 1921; it. fascismo, de fascio « faisceau (des licteurs romains) », l'emblème du parti
1Doctrine, système politique que Mussolini établit en Italie en 1922 (totalitarisme, corporatisme, nationalisme et respect des structures capitalistes).
2Doctrine, tendance ou système politique visant à instaurer un régime autoritaire, nationaliste, totalitaire comparable au fascisme; ce régime. totalitarisme. Le fascisme hitlérien et le communisme stalinien. « Le fascisme a toujours été une entreprise de désensibilisation » (É. Ajar).

fascisme nom masculin (italien fascismo, de fascio, faisceau) Régime établi en Italie de 1922 à 1945, fondé sur la dictature d'un parti unique, l'exaltation nationaliste et le corporatisme. Doctrine ou tendance visant à installer un régime autoritaire rappelant le fascisme italien ; ce régime lui-même. Attitude autoritaire, arbitraire, violente et dictatoriale imposée par quelqu'un à un groupe quelconque, à son entourage. ● fascisme (citations) nom masculin (italien fascismo, de fascio, faisceau) Albert Camus Mondovi, aujourd'hui Deraan, Algérie, 1913-Villeblevin, Yonne, 1960 Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. L'Homme révolté Gallimard André Malraux Paris 1901-Créteil 1976 J'ai vu des démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les fascismes. L'Espoir Gallimardfascisme (difficultés) nom masculin (italien fascismo, de fascio, faisceau) Orthographe Attention au groupe -sc -. Remarque Le mot vient de l'italien fascio, faisceau, le faisceau des licteurs romains ayant été pris comme emblème par ce mouvement politique. → faisceau. Prononciation À la française [&ph90;&ph85;&ph103;&ph93;&ph103;&ph97;], en prononçant le groupe -sc- comme dans conscience, ou à l'italienne, [&ph90;&ph85;ʃ&ph93;&ph103;&ph97;], en prononçant le groupe -sc- comme -ch- dans hachis. Les mots de la même famille, fascisant, fascisation, fasciser, fasciste, peuvent également se prononcer de l'une ou l'autre façon. Remarque La prononciation à l'italienne de fasciste a donné naissance à l'abréviation familière facho.

fascisme
n. m.
d1./d Doctrine du parti fondé par B. Mussolini (nationalisme, culte du chef, corporatisme, anticommunisme); régime politique totalitaire que ce parti instaura en Italie de 1922 à 1943-1945.
d2./d Doctrine ou système politique qui se réclame du modèle mussolinien.
d3./d (Employé péjorativement, avec une intention polémique.) Idéologie conservatrice, réactionnaire.

⇒FASCISME, subst. masc.
A.— HIST. Doctrine que Mussolini érigea en Italie en système politique et qui est caractérisée par la toute puissance de l'État (intervention de l'État dans l'économie, étatisation des appareils idéologiques, développement de l'appareil répressif dominé par la police politique, prépondérance de l'exécutif sur le législatif, etc.) et par l'exaltation du nationalisme. Montée du fascisme. Le fascisme d'aujourd'hui se voue tout entier à ce but bien matériel : sauver l'État bourgeois de la faillite. Il est évident que ceux qui poursuivent un tel objectif ne sauraient que s'entendre avec les capitalistes et devenir leur instrument (Humanité, 15 mai 1921, p. 3). La vertu secrète du fascisme à leurs yeux [des modérés], et même du nazisme, c'était de neutraliser les masses, de les rendre inoffensives (MAURIAC, Nouv. Bloc-notes, 1961, p. 254).
B.— P. ext., HIST. et mod.
1. Régime politique établi en Allemagne par Hitler. (Quasi-) synon. nazisme. Il existe en Allemagne tous les éléments d'un nouveau fascisme, (...) beaucoup d'Allemands sont tout prêts à suivre un nouveau Führer (GREEN, Journal, 1950, p. 343). On chercherait en vain la Bible du fascisme — Mein Kampf n'est que l'Ancien Testament du nazisme. Le phénomène historique n'a pas été précédé et préparé par une lignée de théoriciens — (...) le mot même, fascisme, rend bien la nature du phénomène historique : un rassemblement de forces diverses, dont l'unité, sinon même l'idée, découlent du fait accompli (H. MICHEL, Les Fascismes, Paris, P.U.F., 1977, p. 5) :
Le fascisme se situe dans le stade impérialiste du capitalisme (...). Certains des facteurs souvent considérés comme les causes fondamentales et sine qua non du fascisme, à savoir les crises économiques particulières que traversaient à l'époque de son établissement, l'Allemagne et l'Italie, les particularités nationales de ces deux pays, les séquelles de la Première Guerre mondiale, etc., ne constituent pas les causes premières du fascisme. Ils ne revêtent d'importance que par rapport au stade impérialiste, comme élément d'une des conjonctures possibles de ce stade.
N. POULANTZAS, Fascisme et dictature, Paris, éd. du Seuil, 1974 [1970], p. 13.
2. Toute doctrine qui vise à instaurer dans un pays un État d'exception de type mussolinien; cet État lui-même. Fascisme espagnol, français; le fascisme ne passera pas. J'ai vu les démocraties intervenir contre à peu près tout, sauf contre les fascismes (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 530). Le fascisme, c'est le mépris (...). Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. Il faut ajouter que le fascisme ne peut être autre chose sans se renier lui-même (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 225). À Montluçon les cheminots socialistes et communistes s'unissent : contre le fascisme pour un gouvernement de progrès social (Humanité, 19 janv. 1952, p. 4, col. 1).
P. exagér. Toute attitude totalitaire, hors du domaine politique. Fascisme littéraire. Le rêve de Wells, c'est un fascisme économique et scientifique, quelque chose comme la dictature de l'Institut de France que souhaitait Renan, mais une dictature appuyée sur la sensualité (MAUROIS, Édouard VII, 1933, p. 290). Il est nécessaire de dénoncer (...) le fascisme professionnel de quelques hommes [les médecins de fous] (H. BAZIN, Tête contre murs, 1949, p. 346).
Prononc. :[] prononcé à l'ital. Mais aussi []. à la fr., qui est la seule prononc. donnée ds BARBEAU-RODHE 1930 (fas(s)-) et qui paraît, à titre de var., ds DUB. et ds Pt ROB. Étymol. et Hist. 1921 (Humanité, loc. cit.). Empr. à l'ital. fascismo, mouvement pol. ital. fondé en 1919 par B. Mussolini, devenu parti pol. en 1921, au pouvoir en Italie d'oct. 1922 à juil. 1943, dér. de fascio « faisceau », pris au sens de « union de forces politiques réunies dans un but commun » (v. BATT.; cf. P. DE QUIRIELLE, L'Italie et la guerre ds Le Correspondant, 25 mars 1918, pp. 1107-1108 ds QUEM. DDL t. 15 : Fascio di difesa nazionale, « Ligue (faisceau) de défense nationale »), du lat. class. fascis « faisceau » (faix). Fréq. abs. littér. :117. Bbg. ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 129. — DUB. Dér. 1962, p. 35. — MAULNIER (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp. 94-96. — QUEM. DDL t. 3.

fascisme [faʃism] ou vx [fasism] n. m.
ÉTYM. 1921, cit. 0.1; ital. fascismo, de fascio « faisceau » (→ Fascio), le faisceau des licteurs romains étant l'emblème du parti fasciste.
1 Doctrine, système politique établi en Italie en 1922 par Mussolini et ses partisans, caractérisé par le totalitarisme étatique, le corporatisme (issu du socialisme), le nationalisme et le respect des structures économiques capitalistes. || Le fascisme instaurait une dictature, un régime répressif. || Mouvement inspiré du fascisme. Néo-fascisme.
0.1 Le fascisme, issu de la guerre par sa forme et ses buts initiaux qui étaient : affermir la puissance italienne à l'extérieur et exclure à l'intérieur de toute vie politique et économique les éléments non combattants, est devenu un élément de lutte de classe. Le programme des fascistes, tout de conservation et de réaction les a amenés nécessairement, malgré l'idéalisme incontestable de certains d'entre eux, à servir d'instrument de défense de classe à la grande finance, à la grande industrie, à la grande propriété terrienne.
Les Élections (en Italie) et la leçon du fascisme, in l'Humanité, 15 mai 1921.
1 En Italie les chefs de l'armée et les grands industriels, effrayés par l'agitation communiste parmi les ouvriers, soutinrent le petit parti nationaliste appelé « fasciste » (en souvenir des faisceaux de l'antiquité) qui marcha sur Rome et prit le pouvoir. Son chef prit le titre nouveau de Duce (chef) et sans supprimer le roi, ni même d'abord les Chambres, il organisa peu à peu une dictature absolutiste et élabora une doctrine, le « fascisme », opposée à la théorie du régime libéral.
Ch. Seignobos, Hist. comparée des peuples de l'Europe, p. 448.
2 Doctrine, tendance ou système politique tendant à instaurer un régime autoritaire, nationaliste, totalitaire comparable au fascisme (1.); un tel régime. Totalitarisme. || Le fascisme espagnol des phalangistes, des franquistes. || Combattre le fascisme sous toutes ses formes, les fascismes. Antifascisme; antifasciste. || « Le fascisme ne passera pas » (slogan, en France).
REM. Le mot s'emploie surtout de manière collective pour désigner tout totalitarisme nationaliste (souvent militaire) anticommuniste; il est moins normal en parlant d'un régime précis caractérisé historiquement (→ Nazisme). Comme fasciste, fascisme a pris des valeurs affectives assez vagues, dans le discours politique, → ci-dessous cit. 3.
2 (…) Rauschning dit qu'elle (la révolution nationale-socialiste allemande) n'est plus libération, justice et essor de l'esprit : elle est « la mort de la liberté, la domination de la violence et l'esclavage de l'esprit ». Le fascisme, c'est le mépris, en effet. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme.
Camus, l'Homme révolté, p. 225.
3 Il y a encore d'autres fascistes : aux yeux des Chinois, la Russie révisionniste-impérialiste-fasciste; aux yeux des Russes, les Chinois, fourvoyés dans un nationalisme fanatique et agressif. Il devient difficile de s'y reconnaître en un temps où l'accusation de fascisme est portée par les communistes contre d'autres communistes, et par les auteurs de coups d'État militaires contre les civils de droite qu'ils viennent de renverser. Le fascisme, c'était, à l'origine, une tentative d'imitation petite-bourgeoise de révolution russe : le fascisme est devenu le diable.
le Figaro, 5 juin 1974, p. 28.
4 Aussi bien la question déjà se posait-elle : Qu'est-ce que le fascisme surtout sous sa forme nazie ? Depuis cette époque (1932), on emploie ce mot d'une façon générique, le plus souvent péjorative, qui en dilue le sens, et l'on désigne par là tout régime politique totalitaire s'inspirant plus ou moins directement, par réaction contre le marxisme, des dictatures d'Hitler et de Mussolini.
Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, t. II, p. 127.
3 Attitude politique conservatrice ou réactionnaire, nationaliste et autoritaire ( Fasciste, I., 3.).Par ext. Attitude d'autoritarisme conservateur. || « Le fascisme professionnel de quelques hommes (des psychiatres) » (H. Bazin, in T. L. F.).
CONTR. Antifascisme. — Libéralisme.

Encyclopédie Universelle. 2012.