obscurcir [ ɔpskyrsir ] v. tr. <conjug. : 2>
• oscurcir v. 1160; de obscur
I ♦
1 ♦ Priver de lumière, de clarté. ⇒ assombrir. Ce vis-à-vis obscurcit la pièce. — « La chambre obscurcie déjà par la nuit commençante » (Martin du Gard).
♢ Affaiblir, éteindre (la clarté, la lumière). — Pronom. Le ciel s'est obscurci, est devenu sombre. ⇒ s'assombrir. « Un nuage glissa devant le soleil et le jour s'obscurcit soudain » (Courteline).
2 ♦ Troubler, affaiblir (la vue). « Les yeux obscurcis de larmes » (Zola). ⇒ 1. voilé.
3 ♦ Rare Rendre foncé, sombre. Obscurcir une couleur. ⇒ assombrir. « Des meubles obscurcis par les crasses » (Huysmans).
II ♦ Abstrait
1 ♦ Rendre obscur, peu intelligible. Mots difficiles qui obscurcissent le sens d'un texte. « Les philosophes, en tâchant d'expliquer des choses qui sont manifestes, n'ont rien fait que les obscurcir » (Descartes).
2 ♦ Rendre (l'esprit) incapable de discernement, de lucidité. ⇒ obnubiler. « Un concours de causes peut obscurcir de nouveau la réflexion » (Renan). — Pronom. « La perception du bien et du mal s'obscurcit à mesure que l'intelligence s'éclaire » (Chateaubriand).
⊗ CONTR. Éclaircir, éclairer.
● obscurcir verbe transitif (ancien français oscurir, avec l'influence de noircir) Rendre un lieu obscur, moins clair, sombre ; assombrir : Ces rideaux obscurcissent la pièce. Rendre quelque chose difficile à comprendre, voire inintelligible ; compliquer : Il a obscurci son texte par des métaphores complexes. Enlever de l'acuité, de l'intelligence à l'esprit, la pensée de quelqu'un : Sa passion obscurcit son jugement. ● obscurcir (expressions) verbe transitif (ancien français oscurir, avec l'influence de noircir) Obscurcir le ciel, le couvrir, en parlant des nuages, de la fumée. ● obscurcir (synonymes) verbe transitif (ancien français oscurir, avec l'influence de noircir) Rendre un lieu obscur, moins clair, sombre ; assombrir
Synonymes :
- enténébrer
- estomper
- occulter
- ombrer
- voiler
Contraires :
- éclairer
- embraser
Rendre quelque chose difficile à comprendre, voire inintelligible ; compliquer
Synonymes :
- emmêler
Contraires :
- débrouiller
- démêler
- élucider
obscurcir
v.
rI./r v. tr.
d1./d Rendre obscur. Les nuages obscurcissent le ciel.
d2./d Fig. Frapper d'aveuglement (l'esprit). Les préjugés obscurcissent son intelligence.
d3./d Rendre peu compréhensible. Tournures compliquées qui obscurcissent le style.
rII./r v. Pron.
d1./d Devenir obscur. Le ciel s'obscurcit.
d2./d Fig. Se troubler (esprit). Sa raison s'obscurcit.
⇒OBSCURCIR, verbe trans.
A. —Priver de lumière, rendre obscur.
1. [Le compl. désigne un lieu] Synon. assombrir, enténébrer; anton. éclairer, illuminer. La nuit, les nuages obscurcissent les cieux. Le soir commençait à obscurcir le charmant paysage (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1914, p.69):
• 1. ... par une éclaircie, ils virent tout à coup de gros nuages obscurcir la vallée. La rivière était toute noire; de larges nappes de pluie poussées par le vent commençaient à cacher les collines sous d'épaisses buées grises...
THEURIET, Mais. deux barbeaux, 1879, p.104.
— P. métaph. C'est donc réellement grave? demanda la marquise en remarquant le nuage qui obscurcissait le front de Villefort (DUMAS père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.101). Une contrariété financière obscurcira plusieurs journées, qui dans un mois s'effacera à jamais de notre mémoire (GREEN, Journal, 1939, p.173).
— Emploi pronom. passif. L'horizon, le jour, le soleil s'obscurcit. Je verrais toutes les hauteurs s'enflammer, toutes les vallées s'obscurcir (NERVAL, Faust, 1840, 1re part., p.55). Le ciel étoilé s'obscurcit peu à peu. Sur le champ des ténèbres viennent les rêves visiter le dormeur (VALÉRY, Variété III, 1936, p.95).
2. P. anal. Affaiblir, voiler (le regard, la vision). Vue obscurcie par l'âge. Mon coeur se gonfle, les larmes viennent obscurcir mes yeux (CRÈVECOEUR, Voyage, t.3, 1801, p.322).
— Emploi pronom. passif. Tout à coup ses yeux s'obscurcirent, ses jambes semblèrent se dérober sous lui (DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.384).
3. P. méton. [Le compl. désigne une couleur, un objet] Rendre plus foncé, ôter l'éclat, ternir. Elle (...) maniait sans dégoût des cartes qu'obscurcissait un glacis de crasse (COLETTE, Fin Chéri, 1926, p.218). L'inconvénient des hachures est d'obscurcir (...) les cartes (A.-B. DUVAL, HÉBRARD, Nav. aér., 1928, p.10).
—P. anal. [Le compl. désigne un son] Rendre plus grave. En mode majeur (...), la modulation vers les dominantes éclaire, la modulation vers les sous-dominantes obscurcit (D'INDY, Compos. mus., t.1, 1897-1900, p.130).
B. —Au fig.
1. [Le compl. désigne gén. un événement, une situation, une manifestation de l'esprit] Rendre difficile à comprendre. Synon. embrouiller. Obscurcir une notion, une pensée. Ce doute après qu'on a fermé le livre tient évidemment (...) aux fables dont Platon a obscurci et entaché sa doctrine (P. LEROUX, Humanité, 1840, p.322):
• 2. Employer toutes les particularités que l'on peut saisir dans les caractères des animaux et des plantes pour multiplier les genres à l'infini, c'est, comme je l'ai déjà dit, encombrer et obscurcir la science au lieu de la servir...
LAMARCK, Philos. zool., t.1, 1809, p.299.
— Emploi pronom. passif. Ces mots eux-mêmes finissaient par s'obscurcir devant mon esprit, ne me disaient plus rien, perdaient tout poids (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.444).
2. [Le compl. désigne l'esprit hum., une de ses activités] Affaiblir intellectuellement, priver de jugement, de discernement. Synon. aveugler. Obscurcir l'âme, l'entendement. Un voile se déchira subitement dans son cerveau lucide, obscurci l'instant d'avant par les fumées de l'ambition (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.370). Ma pensée. Je croyais que la fatigue l'obscurcirait. Au contraire, j'ai conservé presque jusqu'au bout une lucidité parfaite (RIVIÈRE, Corresp. [Alain-Fournier], 1906, p.247):
• 3. L'auteur [du «De Senectute»] prétend qu'un des avantages de la vieillesse, c'est qu'elle vous libère des passions qui obscurcissent l'intelligence. Nous verrons, mais il me semble que j'aimerais mieux avoir l'intelligence obscurcie d'un homme de trente ans que l'intelligence dégagée d'un octogénaire.
GREEN, Journal, 1949, p.267.
— Emploi pronom. passif. Son intelligence, déjà bien obtuse, s'était encore obscurcie dans l'engourdissement d'une existence de loir, l'incurie d'un père tout aux affaires (A. DAUDET, Nabab, 1877, p.131).
3. Priver de lustre, de renom. Un conscrit dont la gloire avait obscurci du premier coup celle des grognards (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p.30).
REM. 1. Obscurci, -ie, part. passé et subst. a) Part. passé de obscurcir. b) Emploi subst. [Chez Claudel] Celui, celle qui est affaibli(e) physiquement, intellectuellement. Vous tous qui venez ici demander la guérison de vos yeux souffrants, Vous tous, les obscurcis d'en bas, tout le peuple clopin-clopant (CLAUDEL, Corona Benignitatis, 1915, p.432). 2. Obscurcissant, -ante, part. prés. adj. Qui obscurcit, qui ôte la clairvoyance, le discernement. À chaque reprise des obscurcissantes délices, il m'en restait un long sentiment de décadence et de ruine (SAINTE-BEUVE, Volupté, t.2, 1834, p.171). Ne nous dit-on pas que le péché est «obscurcissant»? (GREEN, Journal, 1945, p.268).
Prononc. et Orth.: [], (il) obscurcit []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. oscurir «s'obscurcir» (Psautier Cambridge, 6, 7 ds T.-L.); ca 1165 oscurcir «devenir obscur» (BENOÎT DE SAINTE-MAURE, Troie, 27575, ibid.); 2. ca 1350 «s'obscurcir (d'une force morale)» (GILES LI MUISIS, Poésies, II, 117, ibid.); 3. début XIVe s. «rendre obscur» (Ovide moralisé, éd. C. de Boer, II, 1060); 4. fin XIVe s. «troubler (la vue, les yeux)» (EUSTACHE DESCHAMPS, Balade ds OEuvres, éd. Q. de St Hilaire, t.6, 62); 1672 «s'affaiblir (de la vue)» (SACY, Bible, Rois, I, 3 ds LITTRÉ); 5. 1461 «affaiblir la gloire, l'éclat, déprécier» (GEORGES CHASTELLAIN, Chronique, éd. K. de Lettenhove, IV, 79); 6. 1530 «devenir obscur (du temps)» (PALSGR., 774); 7. 1538 «rendre peu intelligible» (EST.); 1585 «rendre aveugle intellectuellement» (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 150); 8. 1600 «rendre foncé (un objet)» (O. DE SERRES, III, 8 ds GDF. Compl.). Dér. de obscur; dés. -ir, sur le modèle des verbes noircir, éclaircir, la forme oscurir est dér. de oscur (v. obscur). Fréq. abs. littér.:863 (obscurcissant: 10). Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1714, b) 936; XXe s.: a) 1207, b) 977.
obscurcir [ɔpskyʀsiʀ] v. tr.
ÉTYM. V. 1160; oscurir, 1120; de obscur, d'après noircir, éclaircir.
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♦ Rendre obscur.
———
1 (V. 1380). Priver de lumière, de clarté, de manière à rendre obscur. ⇒ Assombrir, couvrir (d'obscurité, de ténèbres), voiler. || Nuage qui obscurcit le soleil (⇒ Cacher, éclipser, offusquer), les cieux, le paysage. ⇒ Brouiller, brunir (par ext.), embrumer; et aussi attrister. || Fumées, vapeurs qui obscurcissent l'air, l'atmosphère. ⇒ Noircir, troubler. — Au p. p. || Pièce obscurcie (par la nuit, l'absence de lumière…). → Lucidité, cit. 6. || Ciel obscurci. ⇒ Brouillé, nébuleux.
1 Aujourd'hui ses vallées sont obscurcies par les fumées des forges et des usines (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 201.
2 (…) l'océan, vaste entre les deux mondes,
A rugi, de brouillard et d'orage obscurci (…)
Hugo, la Légende des siècles, LVIII, I.
♦ Affaiblir, éteindre (l'éclat, la clarté, la lumière). || La lumière du jour est obscurcie (→ Éteindre, cit. 55).
3 Le brouillard était affreux, ce soir. Il enveloppait le boulevard où les becs de gaz obscurcis semblaient des chandelles fumeuses.
Maupassant, les Sœurs Rondoli, Suicides.
♦ (1530). Pron. (Réfl.). || S'obscurcir : devenir sombre. || Le temps, l'air, l'atmosphère, le ciel s'est obscurci.
4 (…) comme il terminait sa période, un nuage glissa devant le soleil et le jour s'obscurcit soudain.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, VIe tableau, II.
♦ Par métaphore. || Obscurcir les lumières de la raison, de l'intelligence (→ ci-dessous, II., 1. et 2.; et aussi épreuve, cit. 16; éteindre, cit. 18).
5 Jetez quelques vives lumières dans un esprit naturellement ténébreux, et vous verrez à quel point il les obscurcira.
Joseph Joubert, Pensées, IV, XLVIII.
6 Cette nuée de mensonges (…) eut ce résultat (…) d'obscurcir la lumière, de cacher si bien le jour, que plusieurs qu'on avait crus clairvoyants tâtonnaient en plein midi.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, III.
7 (…) ceux-là se défient des richesses, parce qu'elles rendent sensible aux flatteries et sourd aux malheureux; ils se défient des plaisirs, parce qu'ils obscurcissent et éteignent enfin la lumière de l'intelligence.
Alain, Propos sur le bonheur, p. 98.
2 Empêcher de voir, troubler, affaiblir (la vue). → Essuyer, cit. 6. || Yeux obscurcis de larmes (→ Manquer, cit. 27). || Ce qui obscurcit la vue. ⇒ Voile.
8 Quelques pleurs répandus ont obscurci vos yeux.
Racine, Britannicus, V, 3.
♦ Par métaphore (→ Apercevoir, cit. 11; nuage, cit. 10).
3 Rare. Rendre foncé, sombre. ⇒ Foncer, ternir. — (1690). Pron. (Réfl.). || S'obscurcir : devenir foncé. — Au p. p. || Couleur très obscurcie. || Tableau obscurci et enfumé. ⇒ Embrunir.
9 (…) les grandes pennes vont toujours s'obscurcissant de plus en plus, de la base à la pointe où elles sont presque noires (…)
10 Il en venait à se demander comment il avait pu si longtemps tolérer des meubles obscurcis et glacés par les crasses (…)
Huysmans, Là-bas, X.
———
II (Abstrait).
1 (1538). Rendre obscur (II., 1.), peu intelligible en compliquant ou en rendant imprécis (→ Étrange, cit. 7). || Cette histoire a été obscurcie (→ Intéresser, cit. 22). || Obscurcir son style par l'emploi de termes abstraits. ⇒ Cacher, voiler. || Falsifier (cit. 7) et obscurcir la vérité (→ aussi Imputer, cit. 25). || Obscurcir volontairement sa pensée. ⇒ Envelopper.
11 (…) les philosophes, en tâchant d'expliquer par les règles de leur logique des choses qui sont manifestes d'elles-mêmes, n'ont rien fait que les obscurcir (…)
Descartes, Principes de la philosophie, I, 10.
12 (…) comme elles (les questions) étaient toutes liées les unes aux autres, il s'ensuivait (…) que l'obscurité d'une solution obscurcissait l'évidence d'une autre; que les vérités les plus claires étaient devenues tout à fait problématiques (…)
Bernardin de Saint-Pierre, la Chaumière indienne.
13 Tout révolté (…) s'engage à lutter contre la servitude, le mensonge et la terreur et affirme (…) que ces trois fléaux font régner le silence entre les hommes, les obscurcissent les uns aux autres (…)
Camus, l'Homme révolté, p. 350.
2 Rendre incapable de discernement, de lucidité. ⇒ Obnubiler. || Obscurcir l'intelligence (→ Écarter, cit. 8), la raison. — Pron. (Réfl.). || Clairvoyance qui s'obscurcit (→ Baisser, cit. 28). || La perception du bien et du mal s'obscurcit… (→ Élargir, cit. 10). — Au p. p. || Les malheureux en qui la raison humaine est horriblement obscurcie (→ Imbécile, cit. 12).
14 La chronologie n'est presque rien dans l'histoire de l'humanité. Un concours de causes peut obscurcir de nouveau la réflexion et faire revivre les instincts des premiers jours.
Renan, l'Avenir de la science, Œ. compl., t. III, XV, p. 938.
15 (…) le prodige d'une intelligence que la fièvre, loin de l'obscurcir, surexcitait.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Ascension de Bonaparte, VIII.
3 Vieilli. Rendre obscur (II., 4.). || Obscurcir la renommée de qqn. ⇒ Effacer; → Faire ombre à qqn.
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CONTR. Éclaircir, éclairer, illuminer.
DÉR. Obscurcissement.
Encyclopédie Universelle. 2012.