ALGÈBRE
L’algèbre au sens moderne, à savoir l’étude des structures algébriques indépendamment de leurs réalisations concrètes, ne s’est dégagée que très progressivement au cours du XIXe siècle, en liaison avec le mouvement général d’axiomatisation de l’ensemble des mathématiques et la préoccupation croissante des mathématiciens de «substituer les idées au calcul»; jusqu’alors, le propos essentiel de l’algèbre avait été la résolution, par des formules explicites, des équations algébriques [cf. ÉQUATIONS ALGÉBRIQUES]. Les tentatives infructueuses pour résoudre les équations générales de degré supérieur ou égal à cinq, ainsi que les problèmes de la théorie des nombres, conduisirent alors les mathématiciens à introduire des êtres mathématiques de nature nouvelle qui présentaient entre eux des analogies étroites dans leur maniement et par suite à ressentir le besoin de dégager ce qui pouvait être commun à toutes ces situations. Ils furent ainsi amenés à penser que la «nature» des objets mathématiques étudiés est au fond secondaire, et le mathématicien anglais George Boole pouvait déclarer en 1847: «La mathématique traite les opérations considérées en elles-mêmes, indépendamment des matières diverses auxquelles elles peuvent être appliquées.»
Tout au long du XIXe siècle va se développer ce processus d’axiomatisation de l’algèbre qui aboutit aux structures actuelles. Si, dès 1850, les mathématiciens anglais ont dégagé avec une parfaite netteté la notion de loi de composition et l’appliquent à des situations variées (vecteurs, matrices, algèbre de la logique), il faudra attendre 1910 pour trouver dans la vaste synthèse de Steinitz l’exposé abstrait qui marque le début de l’algèbre moderne proprement dite.
L’étude des groupes domine tout d’abord les préoccupations de cette époque; introduite par Cauchy et surtout mise en évidence par Galois qui en a montré l’importance dans la théorie des équations, cette notion va jouer un rôle essentiel dans presque tous les domaines des mathématiques, en physique et en mécanique quantique. Les travaux des mathématiciens allemands sur les nombres algébriques seront à l’origine de l’étude des corps et des anneaux commutatifs et ces notions apparaîtront comme les outils essentiels pour étudier les courbes et surfaces algébriques, conduisant à la géométrie algébrique abstraite; ainsi s’introduit le langage géométrique en algèbre commutative. L’algèbre linéaire prend une grande importance lorsqu’après une axiomatisation convenable les mathématiciens s’aperçoivent du caractère linéaire de nombreuses situations et de l’importance du processus de linéarisation. Et comme «la mathématique est un organisme dont la force vitale a pour condition l’indissoluble union de ses parties» (Hilbert, Conclusion de la conférence de 1900 ), l’algèbre a rejoint avec succès l’analyse par la considération simultanée, sur un même ensemble, de structures algébriques et topologiques (constituant ainsi la branche des mathématiques appelée algèbre topologique).
1. La théorie des groupes
La structure de groupe
La structure de groupe est une des structures algébriques les plus simples et, sans conteste, la plus importante des mathématiques modernes. Son universalité ne s’arrête pas là: le psychologue Piaget a mis en évidence le rôle essentiel joué par cette notion dans les mécanismes mêmes de la pensée, et H. Poincaré a pu dire que la notion de groupe préexiste dans notre esprit car la géométrie ne se concevrait pas sans elle. Cependant, il a fallu presque un siècle pour que se dégage sous forme abstraite cette notion qui est maintenant introduite couramment dans l’enseignement secondaire.
Axiomatiquement, un groupe est un ensemble muni d’une loi de composition interne (x , y ) 料 x y associative [c’est-à-dire (x y )z = x (y z )] telle qu’il existe un élément privilégié e , appelé élément neutre, tel que x e = e x = x et telle que tout élément ait un inverse (c’est-à-dire pour tout x il existe un élément y tel que x y = y x = e ). Un tel groupe est dit abélien, ou commutatif, si x y = y x .
Les ensembles usuels de nombres (entiers relatifs, nombres rationnels, nombres complexes) sont des groupes abéliens pour l’addition; les ensembles des nombres rationnels non nuls, ou réels non nuls, sont des groupes abéliens pour la multiplication. Un important exemple de groupe non commutatif est celui des transformations de notre espace usuel à trois dimensions qui conservent la distance de deux points (ce sont les déplacements). Elles constituent un groupe non abélien si on convient que le produit S T de deux transformations S et T est la transformation obtenue en effectuant successivement la transformation T puis la transformation S.
Les groupes finis
Le premier exemple de groupe formé d’éléments de nature assez différente de celle des nombres est fourni par les travaux de Gauss sur les formes quadratiques ax 2 + bxy + cy 2, où a , b , c sont des entiers relatifs premiers entre eux. Deux telles formes étant dites équivalentes si l’on passe de l’une à l’autre par un changement de variable x = px + qy et y = rx + sy , où p , q , r , s sont des entiers relatifs tels que ps 漣 qr = 1, Gauss définit sur l’ensemble des classes de formes, de discriminant D = b 2 漣 4 ac donné, une loi de composition qui en fait un groupe abélien fini (cf. formes QUADRATIQUES). Dans ses Disquisitiones arithmeticae de 1801, Gauss rencontre également d’autres groupes finis tels que le groupe additif des entiers modulo un entier m ou le groupe multiplicatif des racines m -ièmes de l’unité dans le corps des nombres complexes, mais la notion de groupe n’apparaît pas formulée avec netteté avant Cauchy. En 1830, dans ses travaux sur la résolubilité des équations algébriques, Galois ramène l’étude d’une telle équation à celle du groupe (fini) de permutations de ses racines; à ce propos, l’auteur introduit les notions fondamentales de sous-groupe distingué et de suite normale (cf. GROUPES). Les groupes finis, et plus précisément les groupes de permutations, vont être l’objet presque exclusif de la théorie des groupes pendant de nombreuses années; les résultats les plus profonds obtenus dans ce domaine au XIXe siècle sont ceux de Jordan (Traité des substitutions et des équations algébriques , Paris, 1870) et de Sylow sur la structure des groupes finis. Beaucoup plus récemment, en liaison avec des préoccupations d’arithmétique et de géométrie algébrique, la théorie des groupes finis a connu un nouvel essor; les découvertes les plus spectaculaires de ces dernières années sont surtout relatives aux caractères et aux représentations linéaires de ces groupes: travaux de Brauer, Chevalley, Feit-Thomson, Novikov (cf. GROUPES FINIS et représentation linéaire des GROUPES).
Groupes et géométrie
C’est à Jordan que remonte la première étude de groupes contenant une infinité d’éléments, notion qui allait prendre une importance considérable durant la deuxième moitié du XIXe siècle. En liaison avec le renouveau des études géométriques et les préoccupations axiomatiques de cette époque, la notion de groupe de transformation va prendre un essor considérable avec l’étude systématique des invariants d’un tel groupe, i.e. l’étude des propriétés qui ne sont pas modifiées par les transformations du groupe. Ainsi, dans notre espace usuel à trois dimensions, les angles et les distances ne sont pas changés par un déplacement, les angles et les rapports de longueurs restent invariants par une similitude, la notion de parallélisme ou la nature d’une conique sont invariantes par une transformation linéaire régulière des coordonnées. C’est F. Klein, dans son célèbre «programme d’Erlangen», de 1872, qui dégagera un principe général, que nous énoncerons sous une forme volontairement vague et intuitive: la donnée d’un espace et d’un groupe de transformations opérant sur cet espace définit une «géométrie», qui est l’étude des propriétés qui restent invariantes lorsqu’on applique les transformations du groupe. Ainsi, la géométrie métrique (resp. affine, resp. projective) est l’étude des propriétés invariantes par le groupe orthogonal (resp. affine, resp. projectif) et cette théorie constitue un langage commun qui englobe à la fois les géométries euclidiennes et non euclidiennes construites à cette époque (cf. GROUPES CLASSIQUES, GÉOMÉTRIE); la théorie de la relativité allait attirer l’attention sur la géométrie construite à partir du groupe de Lorentz, qui joue un rôle essentiel dans les théories quantiques.
Les travaux de Klein allaient également mettre en évidence la notion des groupes isomorphes: en 1877, Klein découvre que le groupe de permutation des racines de l’équation du cinquième degré est substantiellement identique au groupe des transformations du polyèdre régulier appelé icosaèdre; bien que techniquement cette notion de groupes isomorphes ait été utilisée par Galois et même Gauss dans des cas particuliers, elle n’apparaît sous forme générale qu’à cette époque. En fait, ce n’est que beaucoup plus récemment que la notion d’isomorphisme a pris toute sa valeur, avec les développements de l’axiomatique mettant en évidence le fait que toute structure porte en elle une notion d’isomorphisme. Cette «identification» des groupes isomorphes allait conduire à la théorie de la représentation linéaire des groupes, qui est la recherche et l’étude de groupes de matrices isomorphes (ou, à défaut, homomorphes) à un groupe donné.
Les travaux précédents sur la géométrie avaient mis en évidence l’importance des «groupes continus»; sous l’action de S. Lie et de ses élèves, puis de É. Cartan, cette notion allait être le germe d’une des théories les plus centrales des mathématiques contemporaines: la théorie des groupes de Lie (cf. ANALYSE MATHÉMATIQUE, GROUPES - groupes de Lie), tandis que l’exemple des groupes classiques conduisait à la théorie des groupes algébriques qui admet d’importantes applications en géométrie algébrique et en théorie moderne des nombres.
2. Les origines de l’algèbre commutative
Corps et anneaux
L’étude des corps et des anneaux trouve son origine dans les travaux de l’école allemande du XIXe siècle, principalement ceux de Kummer, Kronecker, Dedekind et Hilbert. Au départ, les motivations sont ici essentiellement la théorie des équations puis la théorie arithmétique des nombres algébriques, qui découle de recherches relatives au théorème de Fermat; plus tardivement, et jusqu’à l’époque contemporaine, la géométrie algébrique a été également une source d’idées essentielles.
La notion d’anneau dégage sous forme abstraite les analogies constatées par exemple dans le maniement des nombres entiers relatifs et des polynômes: un anneau est un ensemble muni de deux lois de composition internes:
appelées addition et multiplication respectivement, telles que la première soit une loi de groupe abélien et que la seconde soit associative (i.e. (xy )z = x (yz )); on impose de plus les conditions suivantes de distributivité entre les deux lois:
pour x , y , z quelconques dans l’anneau. Il est commode de supposer l’existence d’un élément unité pour la multiplication. Lorsque, comme dans le cas des nombres rationnels par exemple, l’ensemble des éléments distincts de l’élément neutre pour la première loi (noté 0) est un groupe pour la seconde loi, on dit que l’anneau est un corps . Ici on considérera seulement le cas où la multiplication est commutative, en renvoyant à la fin du chapitre 3 le cas non commutatif.
La théorie des corps
Les premiers exemples de corps non triviaux ont été introduits par la théorie des équations. Les travaux de Gauss avaient familiarisé les mathématiciens avec le maniement des nombres complexes et Abel, puis Galois, dégagent l’idée d’adjonction: ils considèrent les corps engendrés par les racines ou les coefficients (indéterminés) d’une équation mais, en fait, si ces auteurs définissent avec précision l’appartenance d’une quantité à un tel corps, ils ne considèrent pas explicitement l’ensemble ainsi constitué. Il faut attendre Dedekind (qui introduit le mot corps) pour une étude systématique de certains corps d’un type assez général, les corps de nombres algébriques; ce sont des corps Q( ) obtenus de la façon suivante: si est un nombre complexe racine d’une équation f (x ) = 0 de degré n , à coefficients entiers, irréductible sur le corps Q des nombres rationnels, on appelle Q( ) l’ensemble, qui est un corps, des nombres complexes a 0 + a 1 + ... + a n-1 n-1 où les a i sont des nombres rationnels quelconques.
Tous les corps de nombres algébriques sont des sous-corps du corps des nombres complexes; reprenant une idée de Cauchy qui définissait les nombres complexes comme classes résiduelles de polynômes à coefficients réels modulo le polynôme x 2 +1, Kronecker donne, en 1882, les premiers exemples de corps (non triviaux) définis abstraitement en montrant que, avec les notations ci-dessus, le corps Q( ) est isomorphe au corps des classes résiduelles de polynômes à coefficients rationnels modulo le polynôme f (x ). Vers la même époque, Dedekind et Weber font rentrer dans la théorie des corps le calcul des congruences modulo un nombre premier (mettant ainsi en évidence les premiers corps finis, déjà étudiés par Galois) et donnent une première esquisse d’une théorie axiomatique des corps.
À la fin du XIXe siècle, les exemples de corps définis abstraitement vont se multiplier. Il faut citer surtout les corps de nombres p -adiques, introduits par Hensel et dont l’importance dans de nombreuses branches des mathématiques est considérable, et les corps de séries formelles, introduits par Véronèse en liaison avec des préoccupations de géométrie algébrique. Tous ces exemples allaient conduire Steinitz, en 1910, à développer systématiquement la théorie des corps et de leurs extensions sous la forme qu’elle possède actuellement.
La théorie des idéaux
À l’origine de la théorie des anneaux, on trouve essentiellement des recherches de théorie des nombres. En 1831, Gauss avait été amené, à propos de ses célèbres recherches sur les résidus biquadratiques, à étudier des propriétés de divisibilité dans l’anneau Z[i ] des «entiers de Gauss» de la forme a + bi , a et b entiers relatifs et i 2 = 漣 1; il avait constaté une parfaite analogie avec les propriétés correspondantes de l’anneau Z des entiers rationnels, ce qui s’explique, dans le langage moderne, par le fait que ces deux anneaux sont principaux [cf. ANNEAUX COMMUTATIFS]. Les travaux de Kummer sur le théorème de Fermat allaient faire apparaître des anneaux pour lesquels la situation est souvent très différente; il s’agit des anneaux cyclotomiques ainsi définis: p étant un nombre premier et 﨣 étant une racine primitive p -ième de l’unité, on appelle Z [ 﨣] l’ensemble, qui forme un anneau, des combinaisons linéaires à coefficients entiers de puissances de 﨣. Comme on le sait, la conjecture de Fermat affirme que la relation:
est impossible pour x , y , z entiers non nuls et p entier supérieur ou égal à trois; en fait, on voit facilement qu’on peut se borner à établir cette impossibilité pour p premier 礪 3. Il est probable que la «démonstration» de Fermat utilisait implicitement le fait, erroné dans le cas général, que, comme dans l’anneau Z, tout élément de l’anneau Z [ 﨣] s’écrit de manière unique (à un élément inversible dans l’anneau près) comme produit d’éléments premiers. En 1845, après huit ans d’efforts, Kummer en introduisant ses «nombres idéaux» (qu’on appelle maintenant des diviseurs) élucide complètement le problème de la division dans les anneaux cyclotomiques et démontre la conjecture de Fermat dans de très nombreux cas.
L’idée de Kummer est en gros la suivante: soit x un élément de l’anneau Z [ 﨣] qui admet deux décompositions différentes, soit, pour simplifier:
où les éléments x 1, x 2, x 3, x 4 sont tous premiers; on suppose de plus que ces deux décompositions ne diffèrent pas seulement par un élément inversible. Kummer démontre qu’on peut représenter les éléments non nuls de l’anneau considéré comme objets d’un nouvel ensemble muni d’une multiplication et dans lequel la décomposition en facteurs premiers est cette fois définie de manière unique. Ainsi, pour tout élément x 0 de Z [ 﨣], son image (x ), sera décomposable de manière unique en facteurs premiers «idéaux», mais ces facteurs premiers ne sont pas nécessairement les images de certains éléments de l’anneau Z [ 﨣]; de même, un élément premier de l’anneau Z [ 﨣] n’a pas nécessairement pour image un «nombre idéal» premier. L’existence de deux décompositions distinctes rencontrées ci-dessus pour x s’explique ainsi: il existe des «nombres idéaux» p 1, p 2, p 3, p 4 tels que:
et les deux décompositions de x s’écrivent:
qui diffèrent seulement par l’ordre des facteurs.
La notion d’idéal d’un anneau sans groupe additif qui est stable par multiplication par un élément quelconque de l’anneau, a été introduite, en liaison avec les travaux de Kummer, par Dedekind dans le cas des anneaux d’entiers algébriques (cf. infra ). Dedekind montra que les «nombres idéaux» peuvent être représentés par les idéaux de l’anneau, donnant ainsi un exemple de loi de composition entre ensembles d’éléments. En général, un idéal n’est pas inversible pour la loi de composition ainsi définie; par symétrisation de cette loi, on introduit les idéaux fractionnaires qui sont importants en théorie des nombres et en géométrie algébrique.
Les anneaux auxquels on peut généraliser la théorie de Kummer ont été étudiés systématiquement à l’époque contemporaine, conduisant à la notion générale d’anneau de Dedekind. Un outil essentiel est ici la notion de valuation d’un corps introduite sous forme générale par Krull en 1931 mais déjà utilisée antérieurement dans des cas particuliers, par Ostrowski notamment; les idéaux premiers d’un anneau de Dedekind sont en correspondance biunivoque avec les classes de valuations équivalentes du corps des fractions de cet anneau [cf. ANNEAUX COMMUTATIFS].
Éléments entiers
L’étude arithmétique systématique des corps de nombres algébriques n’était possible qu’en introduisant une notion d’élément entier jouant, pour un tel corps, le même rôle que les entiers usuels pour le corps des nombres rationnels. Les progrès dans ce domaine furent réalisés à peu près simultanément et indépendamment par Kronecker et Dedekind pendant la seconde moitié du XIXe siècle. La notion d’entier algébrique est due à Dedekind: un nombre complexe est un entier algébrique s’il est racine d’un polynôme à coefficients entiers rationnels dont le coefficient du terme dominant est égal à 1; les entiers algébriques d’un corps K de nombres algébriques forment un anneau, que Dedekind appelle un ordre (le mot anneau est de Hilbert). Dans un théorème célèbre et profond, Dirichlet décrit complètement le groupe multiplicatif des éléments inversibles de l’anneau des entiers d’un corps de nombres algébriques et ce résultat a d’importantes applications arithmétiques, notamment dans l’étude des représentations des nombres entiers par des formes quadratiques.
Plus généralement, si A est un anneau contenu dans un corps K, on peut définir [cf. ANNEAUX COMMUTATIFS] les éléments du corps qui sont entiers sur A; un tel anneau A est dit «intégralement clos» s’il est égal à l’ensemble des éléments de son corps des fractions qui sont entiers sur lui. Ces anneaux ont pris une grande importance en géométrie algébrique contemporaine depuis que Zariski, et ses élèves ont mis en évidence l’intérêt des variétés algébriques dites normales, qui possèdent la propriété qu’en chacun de leurs points l’anneau des fonctions rationnelles définies en ce point est intégralement clos.
Géométrie algébrique et algèbre commutative
Il n’est pas question même d’esquisser ici l’histoire de la géométrie algébrique, qui était au départ l’étude des courbes algébriques, et qui, sous sa forme actuelle, la théorie des schémas, due au mathématicien français A. Grothendieck, est devenue une des branches les plus abstraites et les plus vivantes des mathématiques contemporaines; nous essayerons seulement de montrer, de manière d’ailleurs bien incomplète, comment les premiers besoins de cette science ont conduit à l’introduction et à l’étude axiomatique de nouveaux types d’anneaux.
À l’origine, le propos de la géométrie algébrique était essentiellement l’étude des courbes dans le plan projectif complexe et la théorie des «fonctions algébriques», développée par Weierstrass et Riemann à partir des travaux d’Abel et Jacobi, utilisait presque uniquement des méthodes transcendantes [cf. ANALYSE MATHÉMATIQUE]. Avec Riemann et Dedekind, le centre d’intérêt se porte sur l’anneau des fonctions rationnelles partout définies (sauf à l’infini); les mathématiciens découvrent alors que les propriétés géométriques de la courbe se reflètent dans cet anneau et que l’étude de ces anneaux et l’étude géométrique vont de pair.
Hilbert, dans ses travaux sur les anneaux de polynômes à plusieurs variables, dégage le fait important que tous les idéaux de ces anneaux sont engendrés par un nombre fini d’éléments. Ces conditions de finitude allaient prendre un grande importance avec les travaux de la mathématicienne allemande E. Noether qui, vers 1920, étudie systématiquement ces anneaux (appelés actuellement anneaux noethériens). La géométrie algébrique s’étant progressivement débarrassée, pendant la première moitié du XXe siècle, de toute hypothèse sur le corps de base et la nature des singularités, on peut dire, depuis 1940 environ, que tout résultat relatif aux anneaux noethériens a une interprétation «géométrique» dans ce cadre. Dans cet ordre d’idée, signalons par exemple un résultat important: bien que la théorie de Kummer ne soit pas valable pour l’anneau des polynômes à n variables sur un corps K, on peut cependant associer à tout idéal de cet anneau un ensemble bien déterminé d’idéaux premiers et ceux de ces idéaux premiers qui sont minimaux correspondent aux composantes irréductibles de l’ensemble défini dans Kn par l’annulation des polynômes de l’idéal. Par ailleurs, on peut ici encore donner des théorèmes de «décomposition» des idéaux en introduisant des notions nouvelles qui dépasseraient le cadre de cet article («décomposition primaire»; cf. ANNEAUX COMMUTATIFS). Signalons pour terminer que la notion de dimension, directement issue de la géométrie algébrique, a été convenablement axiomatisée pour des anneaux commutatifs très généraux et est étudiée de manière abstraite dans ces anneaux.
Anneaux locaux et localisation
L’anneau Z(p) des nombres rationnels dont le dénominateur n’est pas divisible par un nombre premier p , ou l’anneau des germes de fonctions holomorphes dans un voisinage de l’origine du plan complexe, possèdent une propriété commune: il existe un idéal de cet anneau qui est distinct de l’anneau et qui contient tous les autres idéaux distincts de l’anneau (dans le premier cas, c’est l’ensemble des nombres rationnels dont le numérateur est divisible par p sans que le dénominateur le soit et, dans le second cas, l’ensemble des germes des fonctions considérées qui s’annulent à l’origine). De manière générale, on appelle anneau local tout anneau possédant cette propriété, et on étudie ces anneaux sous forme abstraite; l’intérêt de cette notion est qu’elle inclut en particulier tous les anneaux de germes de fonctions (rationnelles, différentiables ou analytiques) que l’on rencontre dans la théorie des variétés algébriques, différentiables ou analytiques. En liaison avec la notion de valuation dont une des applications a déjà été signalée ci-dessus, un autre exemple important d’anneau local est constitué par les anneaux de valuation: un sous-anneau A d’un corps K, qui est distinct de K, est appelé un anneau de valuation de K si, pour tout x 0 qui n’appartient pas à A, son inverse x appartient à A; ces anneaux correspondent à l’ensemble des éléments de K où une valuation de K prend des valeurs supérieures à 1.
Reprenons l’exemple de l’anneau Z(p) ci-dessus pour expliquer dans un cas particulier la méthode générale de localisation. Considérons une équation diophantienne:
où P est un polynôme à coefficients entiers rationnels. Pour trouver les solutions entières de cette équation, on peut d’abord chercher les solutions qui appartiennent au corps des quotients Q de l’anneau Z, puis, dans une seconde étape, les solutions rationnelles dont le dénominateur n’est pas divisible par un nombre premier p , i . e . les solutions qui appartiennent à l’anneau Z(p) , appelé l’anneau local de Z qui correspond au nombre premier p . Bien entendu, si l’équation considérée à une solution dans Z, cette solution appartiendra à tous les anneaux locaux Z(p) . Dans le cas d’un anneau général A, on peut de même résoudre le problème posé dans les anneaux locaux correspondant aux idéaux premiers de l’anneau [cf. ANNEAUX COMMUTATIFS]. La résolubilité de l’équation dans chacun des anneaux locaux (localisation) est une condition nécessaire d’existence d’une solution dans l’anneau A. L’étude de la suffisance de ces conditions (en nombre infini dans le cas général) s’appelle la globalisation; signalons tout de suite qu’en général la globalisation n’est pas possible sous la forme indiquée ci-dessus.
3. L’algèbre linéaire et les origines de l’algèbre non commutative
Structures linéaires
L’étude des équations et systèmes d’équations du premier degré était reléguée au début du XIXe siècle dans l’enseignement élémentaire et négligée des mathématiciens, lorsqu’une axiomatisation convenable montra la puissance des notions nouvelles ainsi mises en évidence. Sous sa forme actuelle, l’algèbre linéaire est une remarquable synthèse conduisant à un vocabulaire et à des résultats qui s’appliquent presque universellement dans tous les domaines des mathématiques et de la physique contemporaine, tandis que le processus de «linéarisation» apparaît comme essentiel dans de nombreuses branches des mathématiques pures et appliquées. La notion fondamentale est ici celle d’espace vectoriel; elle généralise les propriétés de l’ensemble des vecteurs de notre espace à trois dimensions. Un espace vectoriel E sur un corps K est un ensemble d’éléments, appelés «vecteurs», muni d’une loi de groupe abélien notée additivement et d’une loi externe qui à tout couple (a , x ) d’un élément a du corps K et d’un vecteur x de E fait correspondre un vecteur a .x de E de telle sorte que l’on ait:
Les applications d’un tel espace vectoriel E dans un autre qui respectent la structure d’espace vectoriel, i.e. telles que:
Une algèbre E sur un corps K est un K-espace vectoriel E muni d’un «produit» qui est une loi E 憐 EE linéaire par rapport à chaque facteur (on dit bilinéaire). Si cette loi est associative, et admet un élément unité, on a une structure d’anneau.
Par exemple, les nombres complexes forment une algèbre sur le corps des nombres réels.
Espaces de dimension finie
La représentation géométrique des nombres complexes introduite par Gauss l’avait amené implicitement à définir l’addition des vecteurs du plan; plus généralement, la nécessité d’un calcul de nature «géométrique», ou «intrinsèque» (i.e. indépendant du choix du système d’axes de coordonnées), allait conduire Grassmann, Möbius et Hamilton à dégager durant la première moitité du XIXe siècle, les règles du calcul vectoriel et, presque simultanément, à généraliser les propriétés de l’espace «usuel» à deux ou trois dimensions en introduisant des espaces de dimension supérieure. Ces derniers apparaissent tout d’abord comme un langage géométrique commode pour interpréter des résultats algébriques valables sans modification pour un nombre quelconque de variables et susceptibles d’une interprétation géométrique dans le cas de deux ou trois variables. Grassmann définit, de manière déjà presque axiomatique, les espaces à n dimensions, l’addition des vecteurs, l’indépendance d’un système de vecteurs, étudie la dimension des sous-espaces vectoriels, sans recours aux coordonnées, et construit l’algèbre extérieure d’un espace vectoriel. Dans ce cadre allait s’insérer tout naturellement l’étude générale des systèmes d’équations linéaires: la notion de rang d’un tel système est dégagée par Frobenius et les résultats généraux sont obtenus par Kronecker; en liaison avec ces préoccupations, Kronecker et Weierstrass donneront une définition axiomatique des déterminants, déjà connus depuis le XVIIIe siècle et que Grassmann avait rattachés à son calcul extérieur. Les concepts généraux d’algèbre linéaire et multilinéaire relatifs aux espaces vectoriels de dimension finie sont précisés rapidement et on assiste successivement à l’élaboration du calcul matriciel par Cayley et à l’introduction du produit tensoriel par Kronecker; cependant tous les travaux des mathématiciens de cette époque restent truffés d’hallucinants calculs où les déterminants jouent un rôle essentiel et le caractère intrinsèque des éléments qui interviennent est souvent peu visible.
En liaison avec le renouveau de la géométrie, la notion de dualité se dégage peu à peu pour les espaces vectoriels, mettant en évidence la notion de variables «cogrédientes» ou «contragrédientes», c’est-à-dire variant dans un espace vectoriel ou dans l’espace vectoriel dual. L’étude des coniques et des quadriques, ainsi que de nombreuses recherches arithmétiques avaient mis en vedette les formes quadratiques à 2, 3 puis n variables et les formes bilinéaires qui leur sont associées; la théorie des invariants, créée par Cayley, Hermite et Sylvester, introduit systématiquement des formes multilinéaires à plusieurs séries de variables cogrédientes et contragrédientes, ce qui, aux notations près, revient à définir des tenseurs. En liaison avec la géométrie différentielle, ces travaux allaient conduire, au début du XXe siècle, Ricci et Levi-Civita à construire le calcul tensoriel et Poincaré et É. Cartan le calcul différentiel extérieur, issu directement de la multiplication extérieure de Grassmann.
Axiomatisation de l’algèbre linéaire
Dès 1888, Peano avait donné une définition axiomatique des espaces vectoriels généraux (sur le corps des nombres réels) et des applications linéaires dans ces espaces, mais c’est l’analyse qui fournit les plus importants exemples d’espaces vectoriels de dimension infinie et conduisit à saisir toute la portée de l’algèbre linéaire. À propos de recherches sur les équations différentielles et surtout les équations aux dérivées partielles, Hilbert introduit, à l’aube du XXe siècle, le célèbre espace de Hilbert et utilise systématiquement des techniques linéaires pour étudier les opérateurs dans cet espace (cf. ANALYSE MATHÉMATIQUE, chap. 6 et infra ; espace de HILBERT) et c’est Toeplitz, élève de Hilbert, qui donne la définition d’un espace vectoriel sur un corps quelconque et étend à ces espaces de nombreux résultats d’algèbre linéaire en constatant qu’ils sont indépendants de la théorie des déterminants et subsistent sans supposer que l’espace est de dimension finie. Quelques années plus tard, Banach allait étudier systématiquement les opérateurs linéaires et la dualité dans les espaces vectoriels de fonctions (cf. § 4), tandis qu’Artin, E. Noether et Krull allaient mettre en évidence le caractère presque entièrement linéaire de l’algèbre moderne.
À l’époque contemporaine, on s’est aperçu de l’intérêt qu’il y avait à généraliser la notion d’espace vectoriel en remplaçant le corps de base par un anneau (pas nécessairement commutatif), définissant ainsi la notion de module (dans le cas non commutatif, il faut distinguer des modules à droite et à gauche). L’étude des modules sous forme abstraite s’est épanouie sous l’influence de S. MacLane, H. Cartan et S. Eilenberg pour aboutir à une branche nouvelle de l’algèbre, l’algèbre homologique, issue directement des problèmes posés par la topologie algébrique, et dont le but principal est l’étude des questions où interviennent des relations de dépendance linéaire entre éléments d’un module. L’algèbre homologique est non seulement devenue l’outil essentiel de la topologie algébrique mais est venue féconder de nombreux autres secteurs des mathématiques contemporaines; sous la forme axiomatique que lui ont donnée H. Cartan et Eilenberg, cette science est également à l’origine de la branche la plus moderne des mathématiques, la théorie des catégories abéliennes.
Algèbres non commutatives
Les débuts de l’algèbre non commutative apparaissent étroitement liés à l’élaboration de l’algèbre linéaire. Lorsque Hamilton considéra un nombre complexe a + bi comme un couple ordonné (a , b ) de nombres réels, les opérations d’addition et de multiplication entre de tels couples étant celles qui sont déduites du calcul usuel sur les nombres complexes, il chercha en définissant une multiplication convenable, à étendre les propriétés du corps des nombres complexes à des «ternes» ou «quaternes», c’est-à-dire à des systèmes de trois ou quatre nombres réels, pour construire une algèbre jouant pour les rotations de l’espace à trois dimensions le même rôle que les nombres complexes pour les rotations planes de centre O. C’est ainsi qu’il construisit, vers 1845, les quaternions, premier exemple de corps dont la multiplication n’est pas commutative. C’est en essayant de généraliser sa découverte, en introduisant par exemple les biquaternions, que Hamilton fut amené à dégager le fait qu’on peut définir une structure d’algèbre sur un espace vectoriel de dimension finie en donnant la «table de multiplication» des éléments d’une base. Les matrices allaient donner de nombreux autres exemples d’algèbres non commutatives, mais ce n’est qu’en 1870 que B. Pierce donne une définition axiomatique et introduit les notions fondamentales relatives aux algèbres de dimension finie; d’autre part, les travaux de Lie (et de son école) à propos des algèbres qui portent son nom allaient dégager la notion fondamentale de radical et É. Cartan allait mettre en évidence le rôle essentiel joué par les algèbres semi-simples. Une autre application très importante de l’algèbre non commutative est la représentation linéaire des groupes et algèbres, développée de 1896 à 1910 par Frobenius, Burnside et Schur (cf. représentation linéaire des GROUPES).
4. Algèbre topologique
La continuité des opérations algébriques est d’usage courant dans l’analyse classique; depuis le début du XIXe siècle, en liaison avec l’introduction des nouveaux êtres mathématiques considérés plus haut, les mathématiciens allaient rencontrer dans de nombreux problèmes de nature variée des ensembles munis d’une notion de convergence et de lois de composition «continues pour cette notion de convergence». Ce mariage fréquent de l’algèbre et de la topologie a conduit à étudier axiomatiquement ces situations, introduisant ainsi de nouvelles structures très utiles et très riches, qui jouent un rôle essentiel dans de nombreuses théories mathématiques contemporaines; à titre d’exemple, on peut signaler les espaces vectoriels topologiques et les groupes topologiques (cf. ALGÈBRE TOPOLOGIQUE).
Espaces vectoriels normés et espaces vectoriels topologiques
Un espace vectoriel normé sur le corps K des nombres réels ou des nombres complexes est un espace vectoriel E sur lequel est définie une fonction x瑩x 瑩, à valeurs réelles positives, possédant les propriétés suivantes, qui généralisent celle de la longueur d’un vecteur dans les espaces de dimension finie:
c ) 瑩a.x 瑩 = |a | 瑩x 瑩, pour a dans K et x dans E. (|a | est ici la valeur absolue ou le module du nombre réel ou complexe a ).
La considération d’espaces «fonctionnels» (c’est-à-dire d’espaces vectoriels dont les éléments sont des fonctions) munis d’une norme convenable est devenue un des outils essentiel de l’analyse contemporaine (cf. ANALYSE MATHÉMATIQUE, chap. 6).
La théorie des espaces vectoriels normés s’est constituée de 1900 à 1930 approximativement et ici encore l’espace de Hilbert a joué un rôle historique considérable. Hilbert, au début de notre siècle, fut amené à introduire deux notions de convergence différentes sur l’espace des suites (x n ) de nombres réels tels que la série x 2n soit convergente et n étudie la continuité de nombreuses applications linéaires. Quelques années plus tard, vers 1907-1908, Schmidt, Fréchet et Riesz généralisent le langage de la géométrie des espaces de dimension finie à l’espace de Hilbert et introduisent la norme dans ce cas particulier; la notion d’espace vectoriel normé général apparaît alors vers 1920 dans les travaux de Hahn et de Banach.
Un des aspects essentiels des problèmes sur les espaces vectoriels normés est la théorie de la dualité topologique qui occupe déjà une place centrale dans les travaux de F. Riesz sur les espaces de fonctions intégrables. À partir de 1927, Hahn et Banach abordent de manière générale le problème de la dualité en montrant qu’on peut munir le dual d’un espace normé d’une structure d’espace normé (complet); itérant cette construction, Hahn pourra poser de manière générale le problème des espaces réflexifs, i. e. qui sont isomorphes à leur bidual topologique. Vers 1932, la théorie des espaces normés est à peu près achevée avec le livre de Banach, Théorie des opérations linéaires.
Une notion telle que la convergence simple d’une suite de fonctions dans un espace fonctionnel n’est pas associée à une norme, et il était nécessaire de considérer sur des espaces vectoriels des notions de convergence plus générales que celles définies par des normes, situation étudiée pour la première fois par Fréchet. Mais, sans hypothèse restrictive, la théorie générale était trop pauvre; la notion essentielle qui allait permettre à la théorie de s’épanouir est la convexité, étudiée par Banach et ses élèves, conduisant von Neumann en 1935 à définir les espaces localement convexes. Des branches essentielles des mathématiques contemporaines, la théorie des distributions par exemple, utilisent de manière constante la théorie de ces espaces.
Groupes topologiques
La nécessité d’étudier des groupes «continus» plus généraux que les groupes de Lie conduisit Schreier en 1927 à définir des groupes dits topologiques, tels que la multiplication et le passage à l’inverse soient des opérations continues. Ceux de ces groupes qui, comme les groupes de Lie, sont localement compacts possèdent des propriétés remarquables dont l’étude constitue une branche nouvelle de l’analyse, l’analyse harmonique généralisée. En 1933, Haar démontra le théorème suivant, qui est le point de départ de toute la théorie: il existe sur un tel groupe une mesure qui est invariante par multiplication à gauche par les éléments du groupe. À partir de ce résultat, le mathématicien soviétique Pontriaguine construisit sa théorie des caractères pour les groupes commutatifs localement compacts, dont un des aspects les plus spectaculaires est sans doute le théorème de dualité. Essayons d’expliquer ce résultat en quelques mots: un caractère d’un groupe topologique G est un homomorphisme continu de G dans le groupe multiplicatif des nombres complexes de module 1; il est clair que l’ensemble des caractères forme un groupe commutatif X et on montre que si G est commutatif localement compact, le groupe X peut être muni de manière naturelle d’une structure de groupe topologique localement compact. Le théorème de dualité s’exprime alors par le fait que le groupe G est isomorphe, algébriquement et topologiquement, au groupe des caractères du groupe X.
Issue directement de la théorie des espaces de Banach, la belle théorie des algèbres normées, développée à partir de 1940 par le mathématicien soviétique Gelfand et ses élèves, allait éclairer d’un jour nouveau la dualité de Pontriaguine et permettre d’obtenir d’importants résultats sur la représentation linéaire des groupes localement compacts généraux (et en particulier des groupes de Lie).
algèbre [ alʒɛbr ] n. f.
• fin XIVe; lat. médiév. algebra, ar. al-jabr « contrainte, réduction », dans le titre d'un ouvrage de Al-Khawarizmi, IXe
1 ♦ Science qui utilise les règles opératoires (⇒ opération) sur des nombres réels ou des nombres complexes qui peuvent être représentés par des lettres.
2 ♦ Math. Partie autonome de la mathématique attachée à l'étude d'ensembles constitués d'autres éléments (objets géométriques, probabilités, espaces topologiques...) et qui emploie à la place des opérations courantes les lois de composition (internes ou externes) dont la combinaison détermine des structures algébriques. ⇒ axiomatique; groupe; anneau, corps, 1. espace. Algèbre particulière : partie de l'algèbre qui étudie soit une structure algébrique, soit un ou des ensembles munis de structures algébriques. Algèbre linéaire : étude des espaces vectoriels, des applications linéaires ou multilinéaires, des matrices, déterminants, tenseurs... Algèbre de Boole, qui soumet le raisonnement logique à des règles de calcul. ⇒ booléen; informatique. « L'algèbre est une langue bien faite et c'est la seule » (Condillac).
3 ♦ Fig. et vieilli Chose difficile à comprendre, domaine inaccessible à l'esprit. C'est de l'algèbre pour moi. ⇒ chinois, hébreu.
♢ (XIXe) Fig. Analyse rationnelle, esprit d'abstraction et de généralisation. « Cette algèbre rapide qu'on appelle l'esprit du jeu » (Sainte-Beuve). « Algèbre des valeurs morales », essai de Jouhandeau.
● algèbre nom féminin (latin médiéval algebra, de l'arabe al-djabr, réduction) Branche des mathématiques qui, dans sa partie classique, se consacre à la résolution par des formules explicites des équations algébriques et, dans sa partie moderne, étudie des structures (groupes, anneaux, corps, idéaux) et se prolonge par les algèbres linéaire et multilinéaire et par l'algèbre topologique. ● algèbre (citations) nom féminin (latin médiéval algebra, de l'arabe al-djabr, réduction) Maurice Merleau-Ponty Rochefort 1908-Paris 1961 La philosophie n'est pas une illusion : elle est l'algèbre de l'histoire. Éloge de la philosophie Gallimard ● algèbre (difficultés) nom féminin (latin médiéval algebra, de l'arabe al-djabr, réduction) Genre Féminin. « Les femmes (...) expliquent, par une algèbre qu'elles ont inventée, le merveilleux lui-même »(A. Dumas père). ● algèbre (expressions) nom féminin (latin médiéval algebra, de l'arabe al-djabr, réduction) Algèbre de la logique, théorie créée simultanément par Boole et De Morgan en 1847 et développée par Schröder à la fin du XIXe s. (Elle repose sur l'idée que des formules algébriques peuvent exprimer des relations logiques entre des concepts [à la disjonction et à la conjonction de concepts correspondent respectivement l'addition et la multiplication des nombres].) Algèbre sur un corps commutatif K, ou K-algèbre, ensemble E muni d'une addition et d'une multiplication, toutes les deux internes, et d'une multiplication externe définie de K × E dans E pour lesquelles : E a une structure d'espace vectoriel sur K pour l'addition et la multiplication externe ; E a une structure d'anneau pour l'addition et la multiplication interne (supposée associative) ; λ(xy) = (λx)y pour tout λ de K et tout couple (x,y) de E × E. Familier. C'est de l'algèbre, c'est difficile à comprendre, hermétique, trop abstrait. ● algèbre (synonymes) nom féminin (latin médiéval algebra, de l'arabe al-djabr, réduction) Familier. C'est de l'algèbre
Synonymes :
- chinois
- hébreu
algèbre
n. f. Partie des mathématiques qui traite des propriétés des quantités et de leurs relations au moyen de chiffres, lettres et symboles, dans le but de généraliser les problèmes. Un traité d'algèbre.
Encycl. L'algèbre traitait à l'origine uniquement de la résolution des équations algébriques (algèbre scolaire). Apparue au XIXe s., et de plus en plus abstraite dans son évolution, l' algèbre moderne a pour objet l'étude des structures d'ensembles (nombres, vecteurs, matrices, tenseurs, etc.) et des opérations (addition, multiplication, etc.) pouvant relier les éléments qui leur appartiennent. Les premières études ont porté sur les structures de groupe, découvertes au XVIIIe s. par Cauchy, Gauss, Galois. D'importants travaux leur ont été consacrés depuis, non seulement en mathématique, mais également en physique (classification des particules élémentaires notamment), en chimie (théorie de la molécule), en linguistique, en psychologie. Les anneaux et les corps, qui constituent la prolongation de la notion de groupe, font intervenir d'autres ensembles et opérations. Ils ont été introduits au XIXe s. L' algèbre linéaire, introduite au XVIIe s. par les travaux de Fermat et de Descartes, a trouvé de très nombreuses applications dans toutes les branches des mathématiques et de la physique. Les notions fondamentales de l'algèbre linéaire sont les espaces vectoriels (ex.: l'ensemble des vecteurs dans le plan), les structures d'algèbre, puis, généralisant des structures connues à des espaces de dimensions supérieures, le calcul matriciel et les déterminants. Enfin, à partir de la notion d' espaces duals, les formes multilinéaires et les tenseurs ont été étudiés à la fin du XIXe s. D'autres branches sont nées ensuite: algèbres non commutatives, algèbre topologique.
⇒ALGÈBRE, subst. fém.
A.— [Le plus souvent au sing.] Branche des mathématiques ayant pour objet de simplifier et de résoudre au moyen de formules des problèmes où les grandeurs sont représentées par des symboles, et d'en généraliser les résultats. Apprendre l'algèbre, savoir l'algèbre (Ac. 1798-1932) :
• 1. C'est dans l'école d'Alexandrie que nous trouvons les premières traces de l'algèbre, c'est-à-dire du calcul des quantités considérées uniquement comme telles. La nature des questions proposées et résolues dans le livre de Diophante, exigeait que les nombres y fussent envisagés comme ayant une valeur générale, indéterminée, et assujettie seulement à certaines conditions.
A. DE CONDORCET, Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain, 1794, p. 66.
• 2. ... quoique l'algèbre emploie des caractères alphabétiques, ils ne sont pas là comme lettres, mais comme signes. a ne représente pas le son a, mais l'idée d'une quantité connue dont on ne spécifie pas la valeur; x ne représente pas le son x, mais l'idée d'une quantité inconnue; et ax ne représente pas le son ax, mais l'idée de ces deux quantités multipliées l'une par l'autre, etc. Les chiffres et les caractères algébriques sont donc de vrais signes directs des idées; et l'arithmétique et l'algèbre forment une vraie langue ou portion de langue qui s'adresse à la vue.
A.-L.-C. DESTUTT DE TRACY, Éléments d'idéologie, Idéologie proprement dite, 1801, pp. 335-336.
• 3. On a porté dans la politique, et jusque dans la morale, les procédés et presque le langage de l'algèbre; on se sert de mots abstraits au lieu de lettres; on les combine, et l'on croit s'entendre et s'éclairer, parce qu'on a remué des ombres.
J. JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, pp. 423-424.
• 4. ... Leibnitz ne voyait avec raison dans l'algèbre qu'une application particulière de la théorie des combinaisons, et une branche de sa caractéristique universelle ou combinatoire.
A. COURNOT, Essai sur les fondements de nos connaissances, 1851, pp. 584-585.
• 5. Puisqu'une machine à compter est possible, une machine à raisonner est possible. Et l'algèbre est déjà une sorte de machine à raisonner; vous tournez la manivelle, et vous obtenez sans fatigue un résultat auquel la pensée n'arriverait qu'avec des peines infinies.
ALAIN, Propos, 1927, p. 736.
• 6. Gœthe n'est pas géomètre. Il dit qu'il est « absolument incapable d'opérer par des signes et des chiffres, de quelque manière que ce soit ». Il ne sent pas que l'algèbre est aussi une morphologie, et une génération en quelque sorte organique du nombre, dont elle définit les espèces, les transformations, la structure.
P. VALÉRY, Variété 4, 1938, p. 114.
• 7. C'était un des épisodes de sa vie les plus ronds, les plus complets, les plus autonomes, et quand il y pensait avec toute l'attention voulue (ce qui lui arrivait d'ailleurs rarement), il voyait bien comment tous les éléments qui le constituaient auraient pu se lier en une aventure qui se serait développée sur le plan du mystère pour se résoudre ensuite comme un problème d'algèbre où il y a autant d'équations que d'inconnues ...
R. QUENEAU, Pierrot mon ami, 1942, p. 210.
— P. ext. Traité d'algèbre. L'Algèbre de Bézout (Ac. 1835, 1878). Acheter une algèbre (ac. t. 1 1932) :
• 8. Hier, en essayant de comprendre les premières pages de l'Algèbre, pour me faciliter les premiers raisonnements, je tirais une ligne et, en la partageant en différentes longueurs, je saisissais à l'instant les calculs numériques. La géométrie et l'algèbre doivent se faciliter l'une l'autre.
J. MICHELET, Journal, 1820, p. 90.
Rem. Syntagmes. Algèbre boolienne, booléenne, algèbre de Boole. ,,Structure possédant une axiomatique dont les fondements sont dus à Boole.`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968). Algèbre linéaire. ,,Ensemble des problèmes et des modes de calcul algébrique qui présentent tous le caractère commun d'être linéaires. (Les parties de l'algèbre linéaire connues sous le nom d'algèbre des matrices, d'algèbre des tenseurs, sont indispensables à l'étude de la physique moderne).`` (Lar. encyclop.). Algèbre littérale ou spécieuse. ,,Toutes les quantités données ou inconnues y sont représentées par les lettres de l'alphabet. L'algèbre spécieuse s'occupe de la recherche ou de l'invention des théorèmes, ou de la résolution et démonstration de toutes sortes de problèmes tant arithmétiques que géométriques.`` (BESCH. 1845; cf. aussi LITTRÉ). Algèbre multilinéaire. Elle ,,commence en 1900 avec Ricci et Levi-Civita. Le calcul tensoriel devient à la mode lors de l'avènement de la théorie de la relativité. Les formes différentielles extérieures apparaissent avec les travaux d'Élie Cartan et d'Henri Poincaré.`` (CHAMB. 1970). Algèbre numérique ou vulgaire. ,,La seule connue des anciens algébristes. Toutes les quantités données sont exprimées en nombres, la seule quantité cherchée par un caractère de l'alphabet.`` (BESCH. 1845).
— MATH. MOD.
a) Une algèbre. ,,Soit K un corps commutatif. On appelle algèbre sur K, ou encore K-algèbre, un espace vectoriel E sur K muni d'une application bilinéaire de E x E dans E.`` (CHAMB. 1970).
b) Structure d'algèbre. ,,Ensemble des calculs relatifs à une structure algébrique dans laquelle les propriétés des opérations sont définies par un certain nombre d'axiomes; plus particulièrement, ensemble des calculs relatifs à une structure algébrique qui possède au moins deux lois de composition : L'anneau constitue une algèbre.`` (Lar. encyclop. Suppl. 1968).
— PHILOS. Algèbre de la logique ou logistique. ,,Extension à la logique et à l'expression de toute sorte de pensée d'un symbolisme opératoire analogue au symbolisme algébrique.`` (FOULQ.-ST-JEAN 1962).
B.— P. anal. Mode de pensée ou de langage qui présente, à l'instar de l'algèbre, des caractères de rigueur, d'abstraction ou d'hermétisme :
• 9. Entre deux personnes qui coïncident dans leurs idées philosophiques, et qui s'élèvent à une certaine hauteur, je pense que l'on doit bannir ce langage vulgaire, destiné à combler le vide des idées. Ainsi créant pour la morale une espèce d'algèbre, je vais tâcher de vous rendre mes sentiments sous une expression simple et pour ainsi dire formulique.
H. DE BALZAC, Correspondance, 1822, p. 161.
• 10. Pour qui sait le déchiffrer, le blason est une algèbre, le blason est une langue. L'histoire entière de la seconde moitié du Moyen Âge est écrite dans le blason, comme l'histoire de la première moitié dans le symbolisme des églises romanes. Ce sont les hiéroglyphes de la féodalité après ceux de la théocratie.
V. HUGO, Notre-Dame de Paris, 1832, p. 142.
• 11. ... j'allais jetant toute ma pensée, toute ma force dans le vide de cet univers insaisissable, qui me renvoyait toutes mes sensations émoussées : la faculté de voir, éblouie par le soleil, celle de désirer, fatiguée par l'aspect de la mer et le vague des horizons, et celle de croire, ébranlée par l'algèbre mystérieuse des étoiles et le mutisme de toutes ces choses après lesquelles s'égarait mon âme; ...
G. SAND, Lélia, 1833, pp. 165-166.
• 12. Quant à Nabuchodonosor III, plus hideux que jamais avec ses grosses moustaches de croque-mitaine inondées de salive et ses mamelles boursouflées, il paraissait abîmé, lui, dans de très profondes algèbres, et, mélancolique, se disant peut-être que rien n'était moins aisé que de faire la loi toujours et partout, il tirait parfois sa jambe gauche luxée ou meurtrie, qui, lente, très lente à se mouvoir, se souvenait sans doute du boulet que, jadis, elle avait traîné là-bas...
L. CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 288.
Rem. Noter la valeur expressive du plur. :
• 13. La Main Passe n'est sans doute pas le plus parfait des vaudevilles de Georges Feydeau. On connaît des exemples encore plus caractéristiques et plus désopilants de sa verve, (...) de cette algèbre rigoureuse du quiproquo le plus bouffon ... (L. Rebatet).
Le Cri du peuple, 6 mars 1941.
• 14. On aurait dit que leurs pensées, comme leurs pas, s'accordaient à nouveau, que, comme de vieux amants, ils n'avaient plus besoin de longues phrases, mais seulement d'une sorte d'algèbre du langage.
G. SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, pp. 47-48.
• 15. Ni en France, ni en Allemagne, ni même en Suisse (car la maladie sévit aussi dans les montagnes), on ne trouve assez de mots, d'expressions, de figures, d'images, de métaphores, de tournures, d'équivalents, de symboles, de formules, de signes et d'algèbres pour capter en leurs mailles cette gluante anguille.
J. VUILLEMIN, Essai sur la signification de la mort, 1949, pp. 132-133.
C.— P. ext. Chose difficile à comprendre. C'est de l'algèbre pour lui (Ac. 1798-1932).
Prononc. — 1. Forme phon. :[]. PASSY 1914 note une durée mi-longue pour [] ouvert. 2. Dér. et composés : algébrer, algébricité, algébrique, algébriquement, algébrisation, algébriser, algébriste, algébroïde.
Étymol. ET HIST. — Fin XIVe s. « science qui a pour objet de simplifier et de généraliser la résolution des questions relatives aux grandeurs » (J. LE FÈVRE, La Vieille, 2059, 160, éd. Cocheris ds QUEM. t. 1 1959 : Un jeu nommé algèbre lequel se fait par arismetique).
Empr. au lat. médiév. algebra « id. », mot formé au XIIe s. par Gerardo de Cremona (d'apr. FEW t. 19, p. 55, s.v. , et Karpinski ds Mod. Lang. Notes, t. 28, p. 93; cf. au XIIIe s., Pseudo-Ovid., lib. 2 de Vetula [dont l'ouvrage de J. Le Fèvre est la trad. fr.] ds DU CANGE s.v. : Algebrae memor, qui ludus Arithmeticorum), d'apr. l'ar. al- « réduction » (le nom ar. complet était al- wa l-muqâbala « science des restitutions et des comparaisons », titre d'un traité de Al- paru en 825, d'apr. FEW loc. cit.), subst. formé sur la racine verbale — b — r « réduire ». L'empr. à l'esp. algebra (RUPP. 1915, p. 281) est à rejeter en raison de l'ancienneté du mot en fr. et en lat. médiév.
BBG. — BÉL. 1957. — BOISS.8. — BOUILLET 1859. — CHAMB. 1970. — CHESN. 1857. — FÉR. 1768. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — FROMH.-KING 1968. — GALIANA Déc. sc. 1968. — GOBLOT 1920. — GUILH. 1969. — LAL. 1968. — NYSTEN 1814-20. — PRÉV. 1755. — SIZ. 1968. — THOMAS 1956. — UV.-CHAPMAN 1956.
algèbre [alʒɛbʀ] n. f.
ÉTYM. Fin XIVe, « un jeu nommé algèbre lequel se fait par arismetique »; lat. médiéval algebra; de l'arabe (’)ǎl-djǎbr « contrainte, réduction », dans le titre d'un ouvrage de Al-Khawarizmi, IXe.
➪ tableau Mots français d'origine arabe.
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1 Théorie des opérations portant sur des nombres réels (positifs, négatifs) ou complexes, et résolution des équations, avec substitution de symboles (lettres) aux valeurs numériques et de la formule générale au calcul numérique particulier (⇒ Analyse); par ext. (mod.), partie de la mathématique ayant pour objet, à partir d'axiomes, l'étude des lois de composition et des relations définies sur un ou plusieurs ensembles et qui déterminent ainsi une structure (structure algébrique) [⇒ Axiomatique; groupe; anneau, corps, espace, idéal]. Vx. || Algèbre numérique (ou algèbre vulgaire), où seule la quantité cherchée est exprimée par une lettre. — Algèbre linéaire, multilinéaire, qui est à l'origine de la théorie des matrices et des tenseurs. || Algèbre des polynômes. — Algèbre de Boole (⇒ Booléen) : type d'algèbre possédant les opérations de réunion, intersection et complémentation, qui établit des relations logiques binaires (l'algèbre de Boole est utilisée dans le calcul automatique. ⇒ Informatique). || Algèbre logique : algèbre de Boole appliquée à l'étude des propositions (⇒ Logistique). || « L'algèbre est une langue bien faite et c'est la seule » (Condillac). || « La science qu'on appelle algèbre » (→ Moins, cit. 45, Stendhal).
1 De l'algèbre qui procède tout entière du dynamisme de l'intelligence, Descartes disait qu'elle est « la clé de toutes les autres sciences ».
Léon Brunschvicg, Descartes, p. 61.
2 Je pose que : la Science mathématique, dégagée de ses applications telles que la géométrie, l'arithmétique écrite, etc., et réduite à l'algèbre, c'est-à-dire à l'analyse des transformations d'un être purement différentiel, composé d'éléments homogènes — est le plus fidèle document des propriétés de groupement, de disjonction et de variation de l'esprit.
Valéry, Journal de bord, I, 36, in Cahiers, Pl., t. I, p. 775
3 (…) les jeux de l'algèbre, qui ne rendent jamais que ce qu'on leur donne.
Alain, Propos, 13 juin 1923, Les valeurs Einstein cotées en bourse.
4 Puisqu'une machine à compter est possible, une machine à raisonner est possible. Et l'algèbre est déjà une sorte de machine à raisonner; vous tournez la manivelle, et vous obtenez sans fatigue un résultat auquel la pensée n'arriverait qu'avec des peines infinies. L'algèbre ressemble à un tunnel; vous passez sous la montagne, sans vous occuper des villages et des chemins tournants; vous êtes de l'autre côté et vous n'avez rien vu (…) l'algèbre a passé là-dessus (le monde de la géométrie) comme un vent du désert (…)
Alain, Propos, 5 sept. 1927, Algèbre.
♦ Termes d'algèbre élémentaire. ⇒ Calcul, coefficient, combinaison, déterminant, discriminant, égalité, identité, équation, expression, fonction, formule, grandeur, inconnue, indétermination, inégalité, intégrale, nombre, -nôme (monôme, binôme, trinôme, polynôme), opération, problème, quantité, racine, radical, rapport, signe, substitution, symbole, terme, valeur, variable.
♦ Vieilli. Ouvrage traitant de cette science. || Acheter, lire une algèbre.
➪ tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
2 Spécialt. Math. Étude d'une structure algébrique donnée; étude d'un ou plusieurs ensembles munis d'une ou plusieurs structures algébriques (→ ci-dessus, 1.).
♦ Algèbre sur (un corps commutatif) K, ou K-algèbre : ensemble muni de deux lois de composition internes (+ et ×) et d'une loi externe (.), possédant une structure d'espace vectoriel pour les lois + et ., et où la loi × est distributive par rapport à la loi +. || Si la loi × est associative, l'algèbre est dite associative et possède une structure d'anneau pour ses deux lois internes. — Algèbre unitaire, dont la multiplication interne possède un élément neutre.
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II
1 Cour. Chose difficile à comprendre, domaine inaccessible à l'esprit. || C'est de l'algèbre pour moi (⇒ Chinois, hébreu). Vx. || L'algèbre ou l'Alcoran (cit. 2).
2 (XIXe). Littér. Analyse rationnelle, esprit d'abstraction et de généralisation. || « Cette algèbre rapide qu'on appelle l'esprit du jeu » (Sainte-Beuve). || Une « algèbre des valeurs morales » (Jouhandeau).
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DÉR. Algébrique, algébriser, algébriste.
Encyclopédie Universelle. 2012.