mérite [ merit ] n. m.
• 1120 « récompense »; lat. meritum
I ♦ (XIIIe)
1 ♦ Ce qui rend une personne digne d'estime, de récompense, quand on considère la valeur de sa conduite et les difficultés surmontées. ⇒ vertu. « Où serait le mérite, si les héros n'avaient jamais peur ? » (A. Daudet). Il a du mérite, beaucoup de mérite à rester calme. Il n'en a que plus de mérite. « Je n'ai jamais trompé ma femme. Aucun mérite : je l'aime » (Duhamel). Il a au moins le mérite de la sincérité, le mérite de reconnaître ses torts.
2 ♦ Relig. Ce qui va au-delà du devoir strict, a sa source dans la charité et constitue une sorte de créance morale transportable d'une personne à une autre. Les mérites du Christ.
3 ♦ Ce qui rend une conduite digne d'éloges. S'attribuer tout le mérite d'une action. « Quel est le mérite d'une résistance conseillée par les préjugés seuls ? » (Senancour).
II ♦
1 ♦ Le mérite : ensemble de qualités intellectuelles et morales particulièrement estimables. ⇒ valeur. Mérite personnel. Voir son mérite récompensé. Des gens de mérite. « Ajax et lui, d'égale force, d'égal mérite » (A. Gide). Avancement au mérite. « les postes auxquels son mérite lui donnait droit » (Maurois).
2 ♦ Un mérite : qualité louable. Vanter les mérites de qqn (cf. Chanter les louanges). « un honnête homme aux mérites certains mais sans éclat » (Aymé). « Auprès des assemblées comme auprès des femmes, l'assiduité sera toujours le premier mérite » (Michelet).
3 ♦ Avantage, utilité propre (de qqch.). Les mérites comparés de deux méthodes. Discutailler « sur les mérites comparatifs du cacao et du café crème » (Céline). Cette revue n'est pas merveilleuse mais elle a le mérite d'exister, il n'y en a pas d'autre.
III ♦ Nom donné à des décorations et ordres attribués en récompense de services rendus. Ordre national du Mérite.
⊗ CONTR. Démérite; défaut, faiblesse.
● mérite nom masculin (latin meritum, gain) Ce qui rend quelqu'un (ou sa conduite) digne d'estime, de récompense, eu égard aux difficultés surmontées : Tout le mérite de cette affaire vous revient. Ensemble des qualités intellectuelles et morales particulièrement dignes d'estime : Des gens de mérite. Qualité louable de quelqu'un, quelque chose ; avantage : Sa déclaration a le mérite d'être franche. ● mérite (citations) nom masculin (latin meritum, gain) Sébastien Roch Nicolas, dit Nicolas de Chamfort près de Clermont-Ferrand 1740-Paris 1794 Académie française, 1781 L'importance sans mérite obtient des égards sans estime. Maximes et pensées Charles Pinot Duclos Dinan 1704-Paris 1772 Le mérite a sa pudeur comme la chasteté. Considérations sur les mœurs de ce siècle Marcel Jouhandeau Guéret 1888-Rueil-Malmaison 1979 Je n'ai pas aimé d'être admiré mais d'en être digne. Algèbre des valeurs morales Gallimard Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Les hommes et les femmes conviennent rarement sur le mérite d'une femme : leurs intérêts sont trop différents. Les Caractères, Des femmes Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 La faveur des princes n'exclut pas le mérite, et ne le suppose pas aussi. Les Caractères, Des jugements François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Il y a du mérite sans élévation, mais il n'y a point d'élévation sans quelque mérite. Maximes François, duc de La Rochefoucauld Paris 1613-Paris 1680 Nous pouvons paraître grands dans un emploi au-dessous de notre mérite, mais nous paraissons souvent petits dans un emploi plus grand que nous. Maximes Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu château de La Brède, près de Bordeaux, 1689-Paris 1755 Quand il s'agit d'obtenir les honneurs, on rame avec le mérite personnel, et on vogue à pleines voiles avec la naissance. Mes pensées Nicolas Edme Rétif, dit Restif de La Bretonne Sacy, Yonne, 1734-Paris 1806 Le mérite produit une inégalité juste. Le Thesmographe Jules Romains, pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule Saint-Julien-Chapteuil, Haute-Loire, 1885-Paris 1972 Académie française, 1946 Si notre époque, si notre civilisation courent à une catastrophe, c'est encore moins par aveuglement que par paresse et par manque de mérite. Les Hommes de bonne volonté, Montée des périls Flammarion ● mérite (synonymes) nom masculin (latin meritum, gain) Ce qui rend quelqu'un (ou sa conduite) digne d'estime, de...
Synonymes :
- grandeur
- honneur
- valeur
- vertu
Qualité louable de quelqu'un, quelque chose ; avantage
Synonymes :
- avantage
mérite
n. m.
d1./d Ce qui rend une personne digne d'estime, de considération. Elle a du mérite à travailler dans ces conditions.
d2./d Qualité estimable que possède qqn, qqch. Les mérites comparés de César et de Pompée. Un des mérites de cet ouvrage...
|| Se faire un mérite de qqch, en tirer gloire.
d3./d Le mérite: la valeur d'une personne, l'ensemble de ses qualités. Un homme de mérite. Une promotion due au seul mérite.
d4./d RELIG Les mérites d'un chrétien, ses bonnes oeuvres.
⇒MÉRITE, subst. masc.
A. — 1. Valeur morale procédant de l'effort de quelqu'un qui surmonte des difficultés par sens du devoir et par aspiration au bien. Anton. démérite. Un juste mérite; honorer, récompenser, vanter le mérite; mérite et récompense, mérite et vertu. La notion de mérite et celle de responsabilité sont des erreurs certaines, liées à la croyance erronée à une liberté absolue que nie le déterminisme universel (LE DANTEC, Savoir! 1920, p.81). Pour être méchant, il faut d'abord être bon; et pour être bon, il faut être méchant, sinon le «mérite» s'évapore (VALÉRY, Mauv. pens., 1942, p.112):
• 1. ... pour qu'une peine soit utile, il faut 1 que celui auquel on l'inflige, pourvu qu'il est du principe du mérite et du démérite, se trouve justement puni et accepte sa punition avec une disposition convenable; 2 que les spectateurs, pourvus également du principe du mérite et du démérite, trouvent le coupable justement puni en tant que coupable, s'appliquent par anticipation la même justice, et soient rappelés à l'ordre par la vue de ses légitimes représailles.
COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t.2, 1829, p.273.
— [À propos d'un attribut mor. de la pers.] J'aime la vertu pour son mérite et non pour sa récompense (LAMART., Voy. Orient, t.1, 1835, p.82).
2. THÉOL. Propriété intrinsèque de l'acte humain bon, en tant qu'il a rapport à autrui, à la communauté humaine et à Dieu, et qui est susceptible d'appeler sur l'homme la miséricorde divine (d'apr. Foi t.1, 1968). Couronner le mérite; le mérite et la grâce. Dieu nous jugera selon le mérite de nos oeuvres (Ac. 1798-1935). Dans un sens, on peut dire que j'ai du mérite. On en a canonisé qui me valaient peut-être pas (AYMÉ, Brûlebois, 1926, p.66). Le mérite dépend de la libre disposition de Dieu qui daigne récompenser par la béatitude éternelle les bonnes oeuvres réalisées avec sa grâce (FRIES t.2 1965, p.424).
— Mérite de condigno (v. condigne), mérite de congruo. ,,Le mérite de condigno constitue un droit strict à une récompense (...). Le mérite de congruo constitue seulement un titre convenable (...) à la concession libérale d'une chose qui n'est pas due`` (FOULQ.-ST-JEAN 1962).
— P. méton. Action justiciable d'une sanction divine positive; créance morale qui en découle. Et cette vierge (...) Auroit-elle voulu vivre sans épreuves, pour mourir sans mérites aux yeux de son créateur? (COTTIN, Mathilde, t. 2, 1805, p.352). Il ne s'agissait après tout que de souffrir quelques jours, après quoi viendrait l'éternité, où toutes ces souffrances seraient comptées pour des mérites, à la bonne heure (RENAN, Avenir sc., 1890, p.330). J'amassai des mérites. L'abbé Martin nous distribua au début de l'Avent des images représentant un enfant Jésus: À chaque bonne action, nous perforions d'un coup d'épingle les contours du dessin tracé à l'encre violette (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.32).
— [En tant que cette créance peut être transmise d'une pers. à une autre] Les mérites des saints, (du sang) de Jésus-Christ. Les souffrances et les sacrifices des saints et de Jésus-Christ qui permettent le rachat des pécheurs. Cette victime qui doit vaincre l'enfer par la vertu des souffrances et des mérites du sang de Jésus-Christ (CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p.195). Une tendre et silencieuse offrande qui les associait à toutes les douleurs et à tous les mérites de Jésus-Christ et de ses saints, à tous les hommages de l'Église (MONTALEMBERT, Ste Élisabeth, 1836, p.71):
• 2. Dieu, si Dieu veut, fera peut-être ce que je ne peux pas faire, moi indigne. Les mérites et les prières de Jésus, les promesses de Jésus, les mérites et les prières de tous les saints travaillent pour nous. Et qui sait, toute infime, toute indigne, toute infirme Dieu accordera peut-être quelque chose à mes prières.
PÉGUY, Myst. charité, 1910, p.145.
♦Par dérision. — Vous êtes sûr que c'est le capitaine Dispolsen? — Sûr, par les mérites de saint Belzébuth! dit le soldat (HUGO, Han d'Isl., 1823, p.30).
♦P. anal., dans le domaine mor. Il n'y a cependant pas de père de famille protestant (...) qui n'ait pardonné à un enfant punissable par l'intercession et par les mérites d'un autre enfant dont il a lieu d'être content (MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 2, 1821, p.281).
B. —P. ext.
1. Surtout au sing. Caractère de celui ou de ce qui est digne d'une appréciation avantageuse par ses qualités morales ou intellectuelles. Le mérite des Allemands, c'est de bien remplir le temps; le talent des Français, c'est de le faire oublier (STAËL, Allemagne, t. 1, 1810, p.186). Des gens le lançaient avec des éloges sans proportion avec le mince mérite de son ouvrage de début. «Un nouveau Ch.-L. Philippe, etc.» (LARBAUD, Journal, 1934, p.280):
• 3. Voulez-vous vous convaincre de l'énorme différence de mérite et de gloire entre un grand écrivain et un grand politique? Mes travaux de diplomate ont été sanctionnés par ce qui est reconnu l'habileté suprême, c'est-à-dire par le succès. Quiconque pourtant (verra) jamais ce mémoire le sautera sans doute à pieds joints...
CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p.463.
SYNT. Grand, énorme, immense, mince, rare, vrai mérite; mérite accompli, éclatant, éminent, exceptionnel, incontestable, supérieur; mérite personnel; le premier des mérites; avoir du mérite; n'avoir aucun mérite; n'en avoir que plus de mérite; être plein de mérite; être sans mérite; c'est tout à son mérite; l'emporter en mérite sur qqn, qqc.; faire valoir son mérite; apprécier, célébrer, contester, diminuer, honorer, méconnaître, reconnaître, vanter le mérite de qqn, qqc.; récompenser le mérite de qqn; se prononcer sur le mérite de qqn, de qqc.; trouver du mérite à qqn, à qqc.; s'attribuer, se donner, revendiquer le mérite de qqn, de qqc.; mérite et honneur; mérite et talent.
a) Locutions
— Loc. adj. De mérite
♦Synon. de méritant. Artiste, femme, gens, homme, personne de mérite, de grand mérite, d'un grand mérite, de haut mérite, de/du premier mérite. J'ai été élevé à la campagne (...) par un gouverneur, homme de mérite, dont le zèle fut récompensé par les progrès rapides de son élève (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p.176). Synon. de talentueux. Un journaliste de grand mérite, mort aujourd'hui, Charles Brainne (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Rosier Mme Husson, 1887, p.685). Des savants de grand mérite, qui savent tirer parti pour leurs travaux du privilège d'une intimité quotidienne avec des chefs-d'oeuvre (RÉAU, Archives, bibl., musées, 1909, p.15).
♦Synon. de méritoire (rare). Action, geste de mérite, de grand mérite, d'un grand mérite, de/du premier mérite. Il s'était vite rendu compte du peu de biens rattachant au succès l'oeuvre de haut mérite (MONTESQUIOU, Mém., t. 2, 1921, p.180).
Rem. V. aussi infra B 2.
— Loc. verbales
♦Avoir le mérite de + subst. ou inf.; avoir du/beaucoup de mérite à + inf.; n'avoir aucun, guère de mérite à + inf.; avoir peu de mérite à + inf. Toutes ces ondes secondaires produisent (...) des apparences compliquées que M. Righi a eu beaucoup de mérite à débrouiller (H. POINCARÉ, Théorie Maxwell, 1899, p.71). Je n'ai aucun mérite à résoudre un problème aussi simple. Cette bagatelle est à la portée d'un enfant (BERNANOS, Imposture, 1927, p.394). Vous n'aviez pas grand mérite à prophétiser (ARNOUX, Rêv. policier amat., 1945, p.186). Vous avez au moins le mérite de la franchise (ANOUILH, Répét., 1950,V, p.123).
♦Il y a du mérite à (faire) qqc. Combattre ces idées, monsieur! Il n'y aurait pas plus de mérite à cela qu'à faire en Prusse des épigrammes contre les capucins (BÉRANGER, Chans., t. 1, 1829, p.XXXV).
♦Faire (un) mérite de qqc. à qqn. Faire gloire de quelque chose à quelqu'un. Vous avez vu de quelle ardeur insensée, il s'employait à (...) lui faire un mérite de son ignominie? (AYMÉ, Cléramb., 1950, II, 4, p.99).
♦Se faire (un) mérite de qqc. (auprès de qqn). Tirer gloire ou avantage de quelque chose (auprès de quelqu'un). S'ils [les hommes supérieurs] réussissent et qu'ils finissent par avoir le dessus sur les routines, ils ont pour eux, à leur tour, les incapables, qui se font un mérite d'outrer leurs pratiques, et qui gâtent encore tout ce qu'ils touchent (DELACROIX, Journal, 1853, p.78). Les hommes qui avaient dépassé les rigueurs et les soupçons de Robespierre avaient assassiné Robespierre, et ils essayaient en vain de s'en faire un mérite auprès de la nation (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p.202). [Françoise] se faisait mérite auprès de moi des services qu'elle lui rendait [à Albertine] dans ses relations avec moi (PROUST, Prisonn., 1922, p.154).
b) P. méton., rare. Le mérite. L'ensemble des gens de mérite. Respecter le mérite. Nous accordons une gratification de 300 livres à un homme de génie qui illustre la nation. (...) donnons liberté entière aux talents; honorons le mérite (MARAT, Pamphlets, Charlatans mod., 1791, p.275).
c) [Dans la dénomination de distinctions honorifiques décernées à certaines pers. en raison de leurs qualités, de leurs actions]
— Ordre du Mérite agricole, p. ell. Mérite agricole.
— Ordre du Mérite maritime, p. ell. Mérite maritime. ,,Ordre institué pour récompenser la valeur professionnelle des marins et le mérite des citoyens qui se sont distingués pour le développement de la marine marchande, des ports, des pêches et des sports nautiques`` (CAP. 1936).
— Ordre national du Mérite. Ordre créé en 1963 et destiné à récompenser les services rendus, soit dans une fonction publique civique ou militaire, soit dans une activité privée. Grand'croix, grand officier, commandeur, officier, chevalier de l'ordre national du Mérite; brevets des grades et dignités de l'ordre national du Mérite; nomination, promotion dans l'ordre national du Mérite. P. ell. Mérite. La décoration du Mérite, à ruban bleu, est une étoile à six branches doubles émaillée bleu, surmontée d'une bélière formée de feuilles de chêne entrecroisées. L'avers présente l'effigie de la République et le revers deux drapeaux tricolores avec le nom de l'Ordre (L'Aurore, 5 déc. 1963, p.8b).
Rem. La création de cet ordre a entraîné la suppression de plusieurs ordres particuliers, parmi lesquels l'ordre du Mérite militaire, l'ordre du Mérite social, l'ordre du Mérite commercial, l'ordre du Mérite touristique et l'ordre du Mérite artisanal.
d) P. ext. Caractère qui rend une personne plus ou moins digne d'éloges ou de reproches.Cette richesse, qui se gagnait ou se perdait, d'ordinaire, suivant le mérite de chacun, faisait de l'instruction le premier besoin (FUSTEL DE COUL., Cité antique, 1864, p.423). Les devoirs ordinaires étaient classés, après correction, par ordre de mérite (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p.48). Cet ordre de préférence tient compte uniquement des titres et mérites des candidats (Encyclop. éduc., 1960, p.327).
— À chacun selon ses mérites, être traité selon ses mérites:
• 4. ... il ne devait rien être, pour commencer, qu'un simple soldat. Aussi prit-il rang dans le bataillon qu'on lui assigna et sut-il s'y conduire en soldat modèle. À ceux qui firent d'abord mine de le plaindre: «À chacun selon ses mérites, répondit-il. Je n'aurais peut-être pas su commander!... C'est moins que j'apprenne à obéir!»
VERNE, 500 millions, 1879, p.196.
♦Par antiphrase. Maudit sois-tu, Selon tes mérites! (VERLAINE, Œuvres compl., t. 3, Invect., 1896, p.324).
2. Au sing. ou au plur. Qualité remarquable d'une chose ou d'une personne. On jugeait du mérite d'un prisonnier, c'est-à-dire de son audace et de son intelligence pour les évasions, d'après les précautions prises pour s'assurer de lui (VIDOCQ, Mém., t. 1, 1828-29, p.204). Eustache Deschamps (...) vanta les mérites de la ballade équivoque et rétrograde, où chaque vers devait commencer par la syllabe qui terminait le précédent (Jeux et sports, 1967, p.751):
• 5. ... les Bordelais ne se trompent guère plus sur les autres ni sur eux-mêmes que sur ce vin dont ils devinent après un seul reniflement et deux ou trois clappements, l'âge, la provenance et le mérite exact.
MAURIAC, Écrits intimes, Commenc. d'une vie, 1932, p.67.
♦P. plaisant. Ces mets qui n'avaient d'autre mérite que d'avoir coûté cher (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.267).
SYNT. Grand(s), rare(s), singulier(s) mérite(s); mérite(s) exceptionnel(s), incomparable(s), incontestable(s), particulier(s), supérieur(s); les mérites d'un texte, d'une toile; avoir un/des mérite(s); (ne pas) être sans mérite(s); apprécier, connaître, diminuer, estimer, juger les mérites de qqc. ou qqn; attribuer, trouver des mérites à qqc. ou qqn; l'emporter en mérite sur qqc. ou qqn; mérites comparés de plusieurs choses, plusieurs personnes; comparer, opposer les mérites de plusieurs choses, plusieurs personnes; énumérer les titres et les mérites de qqn; mérites et défauts; mérites et inconvénients.
♦Loc. adj., rare. De mérite; de grand mérite; d'un rare mérite. De qualité; d'une grande qualité. Ce qu'on ne sait pas assez, c'est que Venise regorge de sculptures, de bas-reliefs, de figures de marbre et de bronze du plus rare mérite (GAUTIER, Italia, 1852, p.298).
— [Suivi d'un déterm. adj. ou subst. spécifiant la nature du mérite] Mérite littéraire de qqc. ou qqn; mérite scientifique de qqc. ou qqn. Il y a deux caractères (...) qui ont un véritable mérite de nouveauté et d'éloquence (CONSTANT, Journaux, 1804, p.128). Une fort bonne comédie, et qui avait un grand mérite de composition (STENDHAL, Racine et Shakspeare, t. 1, 1823, p.35):
• 6. Ils [les amis de Gontran] avaient eu toutes les femmes cotées sur le marché galant (...) et parlaient entre eux de leurs mérites amoureux comme des qualités d'un cheval de courses.
MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p.215.
— En partic. Agrément, avantage propre à quelque chose. Le mérite de Noirmoutiers, c'est que nous n'avons pas de voisins (MÉRIMÉE, Abbé Aubain, 1847, p.153). A fait rire aussi l'histoire de Renan ayant mal au coeur chez Brébant, pendant le siège, au cours d'une conversation sur les mérites de la viande de rat (GREEN, Journal, 1944, p.127). Turandet et Marceline (...) discutent des mérites ou démérites des machines à laver (QUENEAU, Zazie, 1959, p.54).
♦Avoir le mérite de + subst. ou inf. Avoir le mérite de la nouveauté. Ces tableaux de remplissage que personne ne voit et qui n'ont même pas le mérite d'être décoratifs (RÉAU, Archives bibl., musées, 1909, p.38). De telles tentatives ont eu cependant le mérite d'aboutir à d'utiles confrontations et à la collecte (...) de matériaux abondants (Traité sociol., 1968, p.442).
Prononc. et Orth.: []. Ac. 1694, 1718: merite, dep. 1740: mé-. Étymol. et Hist. 1. Début XIIe s. «salaire, récompense» (BENEDEIT, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 64) seulement en a. fr., v. GDF.; 2. a) début XIIe s. etre de tel merite «avoir le pouvoir (de)» (ID., ibid., 1441); b) 1181-98 par sa merite «par sa valeur» (Eructavit, 1194 ds T.-L.); c) ca 1200 plur. merites (d'un saint) (Dialogue Grégoire, éd. W.Foerster, p.212, 9); 1680 les mérites de Jesus-Christ (RICH.); 3. ca 1200 «ce qui donne droit à (une récompense, un châtiment)» (Elie de St Gille, éd. G. Raynaud, 1034: Par selonc le merite le loier en avrès); 1258 hom de haute merite (Mahomet, 1037 ds T.-L.); 4. 1636 «qualité morale remarquable» (CORNEILLE, Cid, I, 2 ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p.111); 5. 1668 «habileté, talent» (LA FONTAINE, Fables, VIII, 8 ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 2, p.248); 6. 1671 se faire un mérite de (MOLIÈRE, Psyché, III, 3 ds Théâtre, éd. R. Bray, p.60); 7. 1759 ordre du Mérite militaire (Ordonnance ds ISAMBERT, Recueil gén. des anc. lois fr., t. 22, p.280). Empr. au lat. meritum (de merere «gagner, mériter», v. mériter) «gain, salaire», «service (bon ou mauvais); conduite (vis-à-vis de quelqu'un)», «acte, conduite (qui justifie une récompense, un châtiment)», «valeur» en b. lat., et spéc. en lat. chrét., surtout au plur. «valeur spirituelle, fait d'être digne de la miséricorde divine»; en a. fr. merite est surtout fém. en tant que représentant du lat. médiév. plur. merita (v. FEW t. 6, 2, pp.33-35). Fréq. abs. littér.: 3519. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 7410, b) 4429, XXe s.: a) 3498, b) 4164. Bbg. NADAL (O.). Le Sentiment de l'amour dans l'oeuvre de P. Corneille. Paris, 1948, pp.287-290. — STEFENELLI (A.). Der Synonymenreichtum der altfranzösischen Dichtersprache. Wien, 1967.
mérite [meʀit] n. m.
ÉTYM. V. 1119, au fém., « récompense », du lat. meritum, de merere « mériter ».
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I (Fin XIIe).
1 Ce qui rend une personne digne d'estime, de louange, de récompense lorsque l'on considère la valeur de sa conduite et les difficultés surmontées. || Sans effort, pas de mérite. || Avoir un grand mérite à…, suivi de l'inf. (→ Enjouement, cit. 9). ⇒ Vertu (avoir de la vertu). || Elle a du mérite à supporter son mari. || Il n'en a que plus de mérite, elle en a d'autant plus de mérite (→ Apparenter, cit. 2). ⇒ Méritant. || C'est tout à son mérite. ⇒ Éloge, honneur. || Je n'ai aucun mérite à cela. — (Impers.). || Il y a du mérite, quelque mérite à faire cette chose (→ Excusable, cit. 4). || Où serait le mérite ? (→ Héros, cit. 15). — Une action, un acte de mérite. ⇒ Méritoire.
1 Les hommes, n'ayant pas accoutumé de former le mérite, mais seulement le récompenser où ils le trouvent formé, jugent de Dieu par eux-mêmes.
Pascal, Pensées, VII, 490.
2 (…) les officiers les plus probes sont en même temps les plus braves; ils y ont d'autant plus de mérite, qu'il en résulte rarement pour eux un avancement brillant et rapide.
Mme de Staël, De l'Allemagne, I, XII.
3 Je n'ai jamais trompé ma femme. Aucun mérite : je l'aime.
G. Duhamel, Salavin, Journal, 3 juin.
♦ (Suivi d'un compl. déterminatif). || Il a eu le mérite de choisir la voie la plus difficile, de reconnaître ses torts… || Il a au moins le mérite de la sincérité. || S'attribuer le mérite de… || Tout le mérite lui en revient. || Il n'a eu qu'un mérite, c'est de… || Faire (de qqch.) un mérite (à qqn), considérer comme un acte de mérite (→ Indifférent, cit. 28). || Se faire un mérite de sa fidélité,… de pratiquer sa religion. ⇒ Gloire (→ Face, cit. 64).
4 Et loin de repousser le coup qu'on vous prépare,
Vous voulez vous en faire un mérite barbare.
Racine, Iphigénie, IV, 4.
♦ Absolt au plur. || Les mérites de Louis XVI ne rachetèrent pas les fautes de ses aïeux (→ Expier, cit. 4). || Faire valoir, faire sonner ses mérites : exagérer ses services.
2 (1499). Relig. Ce qui va au delà du devoir strict, a sa source dans la charité et constitue une sorte de créance morale transportable d'une personne à une autre. || Les mérites du Christ. || « Le mérite de la Passion » (concile de Trente) : le mérite du Christ souffrant. || « La réversibilité des mérites » (J. de Maistre).
5 (…) ce peuple tantôt châtié, et tantôt consolé dans ses disgrâces, par les différents traitements qu'il reçoit selon ses mérites, rend un témoignage public à la Providence qui régit le monde.
Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, II, XIV.
3 Le mérite de… : ce qui rend digne d'éloges (une conduite). || Le mérite des bonnes œuvres (→ Gemme, cit. 1), des services rendus (→ Crédit, cit. 9). || « On ôte du mérite au bienfait (cit. 2) qu'on retarde ». || Rehausser le mérite d'une action.
6 Quel est le mérite d'une résistance conseillée par les préjugés seuls ? N'a-t-elle pas à la fois contre elle les penchants et la réflexion ?
É. de Senancour, De l'amour…, p. 56.
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II
1 (1628). || Le mérite (de qqn), ensemble de qualités intellectuelles et morales particulièrement estimables. ⇒ Valeur. — REM. Sans être archaïque, le mot est, dans de nombreux emplois, vieilli, littéraire ou d'un usage marqué. — Mérite supérieur, distingué (cit. 37.1), haut mérite. ⇒ Distinction, grandeur. || L'éclat du mérite. ⇒ Lustre. || Le mérite personnel (→ Après, cit. 64; galanterie, cit. 6). || « Du mérite personnel », chapitre II des Caractères de La Bruyère. || Avoir du mérite, être pénétré de son mérite (→ Improbation, cit. 1). || Apprécier le mérite d'autrui, estimer qqn à son juste mérite (→ Appréciateur, cit.). || Homme plein de mérite. ⇒ Illustre, incomparable. || Un homme de ce mérite (→ Applaudir, cit. 19), de son mérite (→ Chambre, cit. 12). || Personne, gens… de mérite, d'un grand mérite. || Homme sans mérite, médiocre (→ Il ne vaut pas cher, c'est un médiocre, une nullité…). || Égaler qqn en mérite. || Hommes d'égal (cit. 6) mérite. || Lutter de mérite. ⇒ Émulation (cit. 1). || Différence de mérite (→ Ami, cit. 23). || Être inférieur en mérite (→ Ne pas arriver à la cheville, à la ceinture de qqn). || Surpasser qqn en mérite. || Faveur qui ne doit rien au mérite (⇒ Immérité). || Le mérite et la gloire (cit. 18). || Les postes, les faveurs auxquels son mérite lui donnait droit (→ Injustice, cit. 9). || Voir son mérite récompensé, oublié, méconnu. || L'amour n'est pas un effet du mérite (→ Caprice, cit. 3).
7 Je l'aimai, Stratonice : il le méritait bien;
Mais que sert le mérite où manque la fortune ?
L'un était grand en lui, l'autre faible et commune (…)
Corneille, Polyeucte, I, 3.
8 On ne doit pas juger du mérite d'un homme par ses grandes qualités, mais par l'usage qu'il en sait faire.
La Rochefoucauld, Maximes, 437.
9 Une belle femme qui a les qualités d'un honnête homme est ce qu'il y a au monde d'un commerce plus délicieux : l'on trouve en elle tout le mérite des deux sexes.
La Bruyère, les Caractères, III, 13.
10 (…) c'est un homme sage et qui a de l'esprit, autrement un homme de mérite (…)
La Bruyère, les Caractères, XII, 20 (variante).
♦ (1678). Spécialt. ⇒ Capacité, force, talent. || Peintre de mérite. || Un acteur de grand mérite (cf. De première classe). || « Tous les sujets deviennent bons par le mérite de l'auteur » (cit. 41). — Par ext. Vx. || Le mérite : les gens de mérite. || Un souverain qui sait distinguer, récompenser le mérite (→ Fâcher, cit. 2). — « Jamais un envieux (cit. 6) ne pardonne au mérite ».
2 (Un, des mérites). Qualité(s) louable(s). || Il a toutes sortes de mérites. || Mérites éclatants. || Mérites cachés, intérieurs (→ Augmenter, cit. 20). || Des mérites certains mais sans éclat (→ Canaille, cit. 12). || L'assiduité (cit. 7), premier mérite auprès des femmes. — Avoir le rare mérite de… (→ Auteur, cit. 20). || Pour tout mérite (→ Babil, cit. 1); sans autre mérite… (→ Bon, cit. 46). — Vanter, célébrer (cit. 8), louer les mérites de qqn. || Ne pas reconnaître, discréditer (cit. 2) les mérites de qqn, le déprécier, être son détracteur.
11 (…) mon esprit adore vos mérites.
Corneille, la Galerie du Palais, V, 5, 11.
12 Dans les « Mémoires » comme dans tous les ouvrages du temps, on nous présente divers personnages de la cour et on nous parle volontiers de leurs mérites. À vrai dire on ne prend jamais la peine de nous expliquer clairement ce que ces mérites peuvent être. Ce sont des mérites de cour et donc inexplicables.
G. Duhamel, Refuges de la lecture, IV, p. 160.
♦ Spécialt. Capacités particulières, efforts personnels de qqn. || À chacun selon ses mérites. || Avantages répartis au prorata des mérites de chacun (→ Coopératif, cit. 1).
3 (1611). Qualité ou ensemble de qualités estimables (d'un ouvrage, d'une œuvre d'art). ⇒ Prix. || Œuvre pleine de mérite. ⇒ Accompli. || Le mérite d'un ouvrage littéraire (→ Faveur, cit. 26; indestructible, cit. 2). || Ce livre, cette toile n'est pas sans mérite.
13 Deux estampes qui n'étaient pas sans mérite : la Chute de la manne dans le désert du Poussin, et l'Esther devant Assuérus du même (…)
Diderot, Regrets sur ma vieille robe de chambre.
14 Peut-être tout le mérite de son histoire était-il dans sa manière de la raconter (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Le dessous de cartes… », p. 261.
♦ Ce qui fait la valeur (d'une chose). ⇒ Qualité, valeur. || Critique qui apprécie les mérites et les défauts d'une œuvre. || « Le premier mérite d'un tableau est d'être une fête (cit. 17) pour l'œil » (Delacroix).
4 Avantage, utilité propre (de qqch.). || Les mérites comparés de deux recettes, de deux méthodes… || Vanter les mérites du célibat. || L'argent (cit. 44), l'indépendance a son mérite. ⇒ Prix.
15 La danse peut révéler tout ce que la musique recèle de mystérieux, et elle a de plus le mérite d'être humaine et palpable.
Baudelaire, la Fanfarlo.
16 Ce détail n'a d'autre mérite que sa scrupuleuse exactitude.
Courteline, Boubouroche, Petit historique.
17 Je ne pouvais plus m'empêcher de discutailler, à l'infini, sur les mérites comparatifs du cacao et du café crème (…)
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 388.
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III (XVIIIe). Nom donné à des ordres, des décorations qui récompensent des services rendus. || Ordre du Mérite agricole, du Mérite maritime… || Être décoré du Mérite civil.
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CONTR. Démérite, faute. — Défaut, désavantage, faiblesse.
DÉR. Mériter.
COMP. Démérite. — Méritocrate.
Encyclopédie Universelle. 2012.